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Dumêmeauteur
DangerousPerfection,&moi,2015.SimplePerfection,&moi,2015.TakeaChance,&moi,2015.
OneMoreChance,&moi,2015.
Auxlecteursetlectricesquiontperduunêtreaimé.Puissel’amourinconditionnelguidervotrecœursurlechemindelaguérison.
Prologue
Tripp
Danslavievienttoujourscetinstantcrucialoùilfautfaireunchoix.Lemienmehanteencoreaujourd’hui.Cetournantdécisifpeutouvrirlavoieaubonheurouàunregretinfini.Dansmoncas,jene saispasquel cheminaurait étépréférable, sachantqu’aucunedesdeuxoptionsqui s’offraient àmoinel’incluaitelle.
J’étaisjeune,totalementflippé.J’avaispeurquemesparentsnem’obligentàdevenirquelqu’und’autre.Peurdefairelemauvaischoix.Peurdelaquitter.Maissurtout,j’étaisterroriséàl’idéedelaperdre.
Elleétaitmonéternelregret.Notreséparationm’avaitbouleversé.EnenfourchantmamotopourquitterlaFlorideetRosemaryBeach,jelaissaisderrièremoileseulbonheurvéritable.Jen’avaiseuque cet été-là avec elle, troismois quim’avaient transformé. Je nemepardonnerais jamais le faitqu’ils l’avaient changée tout autant. Elle était en mille morceaux, irréparable. Je ne pouvais plusl’atteindre.
La voir souffrir broyait mon âme. Le décès de mon cousin Jace nous avait profondémentendeuillés tous les deux. Jenevoulais jamais revivreune chosepareille. Jace serait pour toujoursdansmoncœur.Jen’oublieraisjamaissonrire,salégèretéetsajoiedevivre.Ilnevivaitpasdanslemondedepeursquiétait lemien.Il traçaitsaroute.Denousdeux,c’était lui lemeilleur.Et j’avaisréussiàmeteniràl’écart,àlaluilaisser.Elleméritaitlemeilleurdeshommes.
Maintenant qu’il n’était plus là, nos deuxmondes vacillaient. Je ne pouvais plus rester sur latouche.Pluspersonnenelaprotégeait.Pluspersonnenel’épaulait,etpourtantellenemelaissaitpasl’approcher.Ellemerefusaittoutepossibilitéderéparerlepassé.J’avaisréduitànéanttoutespoird’yparvenirlorsquej’étaispartienneluidonnantaucunealternative,àpartêtreavecJace.
Siseulementjepouvaisprendrelevideàbras-le-corps,l’accepter.Maisc’étaitimpossible.Sonvisage,sublimeetperdu,m’enempêchait.Elleavaitbesoindemoi,autantquej’avaisbesoind’elle.Notrehistoiren’étaitpas terminéeetne le serait jamais. Il fallaitque je restepourveiller surelle,mêmesiellemel’interdisait.Jen’iraisnullepart.J’allaisrestericilerestedemachiennedevieetm’assurerquemaBethyallaitbien.
Huitansplustôt
Tripp
Cen’étaitpasunétécommelesautres.C’étaitmondernierétéàRosemaryBeach.Jeressentaisdéjàlaprésenceétouffantedemonpèreetdesprojetsqu’ilnourrissaitpourmoi.Ilétaitpersuadéquej’allaispartirpourYaleàl’automne.Ilavaitfaitjouersesrelationsetj’avaisétéadmis.Ilm’avaitfaitvisiterlecampuspuism’avaitforcéàaccepter.«Yale,çaneserefusepas.»Iln’avaitplusqueçaàlabouche.Yalepar-ci,Yalepar-là.SaloperiedeYale.
MoijevoulaispilotermaHarley.Jevoulaisunautretatouage.Sentirleventdansmescheveuxetmedirequejen’étaisattendunullepart.Quelavieétaitlibéréedetoutecontrainte.Quej’étaislibre.Avantlafindel’été,j’allaismetirersansunmot.Jelaisseraisderrièremoilefricetlepouvoirquiallaient de pair avec le patronyme Newark et j’allais trouver ma route. Je n’appartenais pas à cemonde.Jeneseraisjamaisàmaplace,ici.
—Salutmon cœur. Je ne t’ai pas vu entrer, susurraLondonWinchester en enroulant ses brasautourdumien.
Voilàuneautrebonneraisondedébarrasserleplancher:London.Mamèreorganisaitdéjànotremariage. Peu importe que j’aie cassé avec elle lemois dernier. London, lamère de London et lamienneétaienttoutesconvaincuesquejetraversaisunephase,quej’étaismallunéouuntrucdanscegoût-là.Mamèrenevoyaitpasd’inconvénientàcequej’aiebesoinderépandremasemencependantl’été.Londonsauraitsemontrerpatiente.
—OùestRush?demandai-jeenjetantunœildanslamaisonpleinedemonde.SiRushFinlay se remettait àorganiserdes fêtes, celavoulaitdireque samèreetque sa sœur
cadetteNann’étaientpasenville.LamaisonappartenaitàRush.SonpèreétaitlebatteurdulégendairegroupederockSlackerDemon.Samèreetsasœurprofitaientdetout l’argentdontRushdisposaitgrâceàsonpère.LamèredeRushavaitétéunegroupieetbienqueDeanFinlay, lepèredeRush,semblâtsesoucierdesonfils,iln’enavaitrienàsecouerdelamèredeRush.Ilsnes’étaientjamaismariés.QuantàNan,elleavaitunautrepère,quiluinonplusnefaisaitpaspartiedudécor.
—Auborddelapiscine.Jet’accompagne?proposa-t-elled’unevoixdoucereuse.Son ton mielleux sonnait tellement faux que c’en était ridicule. Cette fille était du poison. Je
l’avaisvueàl’œuvre.—Jepeuxmedébrouiller,répliquai-jeenm’éloignantsansunregard.—Sérieux?Tuvastecomportercommeçamaintenant?Jenevaispast’attendretoutemavie,
TrippNewark!hurla-t-elledansmonsillage.—Tantmieux,ripostai-jecalmementpar-dessusmonépauleavantderejoindrelafoule.J’espéraisbienmettredeladistanceentrenous.Deuxansquej’étaisavecelle.Elleavaitétéun
superboncoupet j’avaismêmeenvisagéquec’étaitpeut-êtrelabonne.Maisjen’ai jamaispudirequej’étaisamoureuxd’elle.Aucoursdel’annéequivenaitdes’écouler,jem’étaisrenducomptequeje la tolérais. Je redoutaisde lavoir et, si je regardais leschosesen face, il était évidentque je lagardaispourfaireplaisiràmesparents.Maisj’enavaismaclaque.Faireplaisirauxparents,c’étaitfini.J’allaismefaireplaisiràmoi-même.
—Tripp!s’exclamaWoodsKerrington,entourédefilles.QuelRoméo,celui-là.Illeurfaisaitcroireàtoutesqu’ellesavaientunechance.Jeréprimaiunpetitrireethochailatêtedanssadirection.—Çaroule?—Çaseprésentepasmal,plaisanta-t-il.(Cettefoisj’éclataiderire.)JaceestdehorsavecRushet
Grantsitulecherches.—Merci.JaceétaitmonjeunecousinetWoodslemeilleuramideJace.Aussiloinquejemesouvienne,ils
avaienttoujoursétédansmavie.Jefendislafouleendirectiondelaportearrièredelamaison.—Arrête!J’aiditnon,Jonathon,jen’enaipasenvie.Jestoppainet.Quelquechosenetournaitpasrond.—Jet’aifaitentreràlasoiréeetc’estcommeçaquetumeremercies?ripostauntypeencolère.Le gars avait l’air d’être un sacré abruti. La fille ne répondit pas immédiatement. Je me
rapprochaideleursvoixetm’immobilisaidevantlacuisine.JereconnusleJonathonenquestion.Ilétait prof de tennis auKerringtonCountryClub, qui appartenait à la famille deWoods.C’était untrouducnotoirequi s’était enfilé lamajoritédescougarsde laville.S’il essayaitd’abuserdecettefille,j’allaislefoutredehors.
—Je…jenesavaispas…jeveuxpartir.Lechevrotementdesavoixm’indiquaqu’elleavaitpeur.— Je m’en fous, salope. Que tu aies des nibards de folie ou pas, je gère pas ce genre de
conneries.Tutedémerdespourtrouverlasortie,vociféraJonathon.Jem’avançaiverslaporteaumomentoùilensortaitàgrandspas.Lesalepetitmerdeux.Je le repoussai vigoureusement à l’intérieur de la cuisine.Primo il allait s’excuser pour son
comportement,deuxioj’allaislefoutredehors.Àmonavis,Rushn’étaitmêmepasaucourantqu’ilétait ici.Jonathonnefaisaitpaspartiedenotrecercled’amis.Lescougarsdesontableaudechassecomptaientdeuxdenosmères.Autantdirequ’onneleportaitpasdansnotrecœur.
Çaluiferaitleplusgrandbiendedemanderpardon.Cettepauvrenanaauraitdûéviterdetraîneraveclepersonnelduclub.Aprèsça,elleaurapeut-êtreretenuesaleçon.
—C’estquoiledélire!hurla-t-il.Puisilécarquillalesyeuxendécouvrantquij’étais.MonpèresiégeaitauconseilduKerrington
Club,jepouvaislefairevirerenclaquantdesdoigtsetillesavait.—Jemeposaislamêmequestion,Jonathon:c’estquoiledélire?Qu’est-cequetufouschezles
Finlayetpourquoitutraitestonrancardaussimal?Elleesttropjeunepourtoi?Jeconnaistonfaiblepourlesquadragénaires,leraillai-je.
Jevoulaisqu’ildégage.Ungestedetraversetjeferaislenécessairepourqu’ilperdesontravail
sansuneoncederemords.—Jen’aipas…jeveuxdire,j’aiétéinvité.J’aireçuuneinvitation.C’estjusteunenanadontla
tantetravailleauclub.C’estpasn’importequi.Jejetaiunœilàlafilleenquestion.Jelareconnusaussitôtàsesgrandsyeuxmarron.C’étaitla
niècedeDarla :Bethy. Je l’avaisdéjàvue.Pas facilede la rater, faut dire. Jonathonavait raison àproposde sesnibards. Ils étaient appréciables.Mais sonvisagedouxet sonair innocentm’avaientempêchédeluifairedesavances.EnplusDarla,quis’occupaitdesembauchesaucountryclubdepuislanuitdestemps,n’étaitcarrémentpascommode.
—Bethy,c’estça?demandai-je.Sesgrandsyeuxs’arrondirentetellehochalatête.—Cetypeestuncrétin,mabelle.Tudevraist’enméfier.Soignetesfréquentations.—Tulaconnais?s’enquitJonathond’unairincrédule,commesielleétaitindignedemoi.Cetimbécilecommençaitàmecourir.— Ouais. Je connais sa tante. La femme qui t’a embauché, espèce d’abruti. Je me demande
commentelleréagiraitsielleapprenaitcommenttutraitessanièce.LapeurselisaitsurlevisagedeJonathon.Ilavaitunbonjobauclubetaucuneenviedeleperdre.— Pars. Et ne t’avise pas de revenir. Si Finlay apprend ça, il ne se contentera pas d’un
avertissement.Iltecasseralagueule.IlapprécieDarla.Commetoutlemondeici.Plusjamaistunet’approchesdesanièce.
Jonathon se tournaversBethyet lui lançaun regardnoir.Elle se recroquevillapourmettre leplusdedistancepossibleentreeux,jusqu’àcequesondosbutecontrelemur.Ceconnardprenaitsonpiedàluifairepeur.
Jem’interposaientrelesdeuxetlefusillaiduregard.—Va-t’en.Immédiatement.Jevoyaisbienqu’ilprenait sur luipournepas riposter. Il jura entre sesdents et fit demi-tour
pourquitterlacuisine.—Continuetoutdroitjusqu’àcequetusoissortidelapropriété,assénai-jedanssonsillage.Lorsqu’ileutdisparu,jemeretournaiversBethy.Ellesetordaitlesmainsd’unairangoissé.Je
m’étaisdébarrassédel’autretache,qu’est-cequil’inquiétaitcommeça?—Çava?demandai-je.Ellemordillasalèvreinférieure,puishaussalesépaules:—Euh…jesaispastrop.Ellenesavaitpastrop?Jenepusm’empêcherdesourire.Elleétaitcarrémentmignonne.Mais
jeune.—Commentçatunesaispastrop?J’aimaisbiensamanièredeparler.Unevoixrauqueetdouceàlafois.Ellepoussaunsoupiretplantasonregarddanslesol.—Ilétaitcensémeraccompagner.J’habitepaslaporteàcôté.Commesij’allaislalaissermonterdansunevoitureavecceconnard.Ildevaitavoirquatreansde
plusqu’elle.Ilétaitplusâgéquemoi.—Jepeuxteraccompagner.Jenesuispasdangereux,contrairementàJonathon.Enplus,ilest
vachementtropvieuxpourtoi.Ilfiniraitentaules’iltetouchait.Ellelevalesyeuxsurmoi.—J’aipresquedix-septans,sedéfendit-elle,commesic’étaitlamajorité.Elleétaitunpeuplusâgéequecequej’auraispensé.Sonvisage, incroyablementexpressif,me
plaisait beaucoup.Elle n’essayait pas de battre des paupières ou de faire lamoue pour avoir l’airsexy.Elleétaitsincère.Jenemesouvenaismêmepasdeladernièrefoisquej’étaissortiavecunefille
commeça.Maisc’estvraiqu’elleétaitjeuneetqu’elleavaitgrandidansunmondetrèsdifférentdumien.
—D’accord,mabelle,maisluiaquasivingtpiges.Iln’auraitjamaisdût’approcher.Ellepritunairdépité,puisopinaduchef.Ellene regrettait toutdemêmepasqu’il soitparti?
Maismerde,Darlaluiapprenaitquoi,àcettefille?—Jesuisdésolédel’avoirchassé,maisilnetetraitaitpascommeilfaut.Denouveau,sesyeuxs’arrondirentdestupéfactionetunefossettesecreusadanssajoue.—Oh,net’excusepaspourça.Ilvoulaitquejelesuivedansunechambreet…Savoixrestaensuspens.Inutilequ’ellem’explique.J’avaisparfaitementcompriscequ’ilvoulait
faire.—Allezviens,jeteraccompagnecheztoi,l’invitai-jeenhochantlatêteendirectiondelaporte.
Bethy
Ohlàlà,ohlàlà,monDieu.TrippMontgomery,àmoinsquecenesoitNewark–jen’étaispassûre,j’avaisentendulesdeux–meparlait.Ilétaitentraindemeregarderetdemeparler.J’avaisdumalà respirer.Quand ilavait repousséJonathondans lacuisine,avecunaird’angeexterminateur,moncœurs’étaitemballé.
Jen’avaisjamaisvuunmecaussibeau.Lapremièrefoisquejel’avaisvuauclub,j’avaisdixans.J’essayaisdechargerlavoiturettedesboissonspourtanteDarlaparcequ’elleenavaitmarredemevoir courir partout au lieu de rester assise dans son bureau pendant qu’elle terminait un entretien.Alorsjem’étaisditque,sijel’aidais,çaluiredonneraitlesourire.
Leproblèmeétaitquelescaissesétaienttroplourdespourmoi.Jetransportaisdonclesboissonsquatreparquatredelaglacièreàlavoiturette.Àl’extérieur,ilfaisaittrente-deuxdegrésetauboutdecinq allers et retours, j’étais épuisée. J’avais relâché mon attention et fini par trébucher sur unemarche : toutes les bouteilles de bière étaient tombées par terre. Il y avait desmorceaux de verrepartout.
J’étais sûre et certaine que tante Darla ne me laisserait plus jamais aller chez elle. Je seraiscoincée pour toujours avec la vieille voisine qui sentaitmauvais etme criait constamment dessusquandpapaétaitautravail.Etilétaittoutletempsautravail.
Tripps’étaitapprochépourconstaterlesdégâts.Sansdireunmot,ilavaitcommencéànettoyer.J’étais tombée en admiration devant lui : avec son short kaki et son polo blanc, on aurait dit unegravuredemode.Quandilavaitrelevélatêtepourmegratifierd’unclind’œil,moncœurdefilletteavaitdéfailli.
Cetépisodedevaitêtrenotredernière interaction,mêmesi je l’avaisobservéde loinaufildesannées.Trippétaitmonfantasmedeprédilection.Etvoilàqu’ilvenaitunenouvellefoisdemesauverlamise.
Jeluiemboîtailepaspourquitterlacuisine.Enapercevantlamassed’invitésagglutinésdanslesalon, il me prit par la main. J’avais officiellement perdu mes capacités respiratoires. TrippMontgomeryNewarkmetenaitlamain.Jepouvaismourir:toutétaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.Encetinstant,mavieétaitparfaite.
Ilsefaufilaàtraverslafouleenserrantmamaindanslasienne.Certainsconvivesl’interpellèrentetplusieursme regardèrentd’unair interloquéenvoyantqu’ilm’entraînaitdans sonsillage. Jenesavaispascommentréagiràtoutecetteattention.Toutemaviej’avaisobservécesgens,maiseuxnem’avaientjamaispriseenconsidération.
—Mais qu’est-ce que tu fais ? demanda London d’une voix horrifiée tandis que nous nousextirpionsdelamassedesinvités.
Çaseprésentaitmal.TrippetLondonavaientétéencouplependantdesannées.Toutlemondelesavait.Quandj’avaisapprisqu’ilavaitrompuavecelle,j’étaistellementcontentequej’avaisaffichéun sourirebêtapendantune semaine.C’était ridicule.Cen’estpascommesiTrippallait se rendrecomptequej’existaissousprétextequeLondonétaitsurlatouche.
—Jem’envais,répliquaTrippsanslaregarder.—Quoi?Avecelle?s’insurgea-t-elle.Tripplâchamamainpourouvrirlaported’entrée.—Ehouais,lâcha-t-ilenguisederéponse.—Maisc’estqui?insista-t-elled’unairfuribond.—C’estpastesoignons,riposta-t-il.(Puis,posantlesyeuxsurmoi:)Viens,mabelle.Voilàqu’ilm’appelaitdenouveausabelle.J’étaisàdeuxdoigtsdem’évanouirenpleinmilieudu
solenmarbre.—Tripp, je t’interdisde franchir cetteporte !ordonnaLondon tandisqu’il s’effaçaitpourme
laissersortir.JepassaipromptementlaporteavantqueLondonnedécidedesejetersurmoi.—Ignore-la,murmura-t-ilaumomentoùjepassaisdevantlui.Commesinouspartagionsunsecret.J’eneusunfrisson.IlrefermalaportesurLondonquivitupéraitnon-stopetpoussaunsoupirdesoulagement.—Bonsang,ellemefatigue.Iln’avaitpasl’airbouleverséparlarupture.C’étaitbonsigne.Pourmapart,jen’osaispasouvrir
la bouche de peur de dire une bêtise. J’aurais bien aimé lâcher une repartie pleine d’esprit qui luidonneenviederesteravecmoi.
—Tuesdéjàmontéesurunemoto?s’enquit-ilens’immobilisantdevantsondeux-roues.Je savais qu’il conduisait une Harley. Tout le monde le savait. Mais je n’avais jamais pensé
prendrelarouteaveclui.Cettesoiréeétaitdécidémentpleinedesurprises.—Euh,non,répliquai-jeenessayantdecachermagriserie.—Alorsjeseraitonpremier.C’estcool,fit-il,clind’œilàl’appui.Moncœurs’arrêtadebattre.Cettesoiréem’avaittellementangoissée.Jen’étaispasconvaincue
parlacompagniedeJonathon,maisjevoulaissavoircommentcesgens-làfaisaientlafête.J’enavaisentenduparler,maisjen’yétaisjamaisallée.Jamaisjen’auraisimaginétenirlamainàTripp,qu’ilpuisse me faire un clin d’œil ou me faire monter sur sa moto. Cette soirée s’annonçaitparticulièrementmémorable.
—O.K.,fis-jesansbafouillersurlesdeuxsyllabes.Trippsourit,desonsourireparfaitquej’adorais.Ilmetendituncasque:—Enfileça.Jen’avaisencorejamaisportédecasquedemotoetjerestaiuninstantàl’examiner.Jenevoulais
pasfairedebêtise.Jesavaisqu’ilfallaitserrerlasanglequiseglissaitsouslementon.Lesmains deTripp s’emparèrent du casque. Je levai les yeux sur lui ; j’avais peur qu’il n’ait
changéd’avis.—Désolé,çan’étaitpaspolidemapart.J’auraisdûlefaire.C’estlapremièrefoisquetumontes
àmoto,expliqua-t-ilsimplementavantdeposerlecasquesurmatêteetd’ajusterlasangle.Ilétaitsiprochequejesentaissonodeur.Ildégageaitunefragrancemerveilleuse,mélanged’eau
deCologneetd’airmarin.J’inspiraiprofondément.—Etvoilà.Ce joliminois estbienà l’abri, dit-il en reculantd’unpaspour enjamber la selle.
Attrapemesépaulesetgrimpederrièremoi.Tupeuxt’accrocheraussifortquetuveux.
Ilme trouvait jolie. Impossible de penser à autre chose, j’étais obnubilée par sa remarque. Jedormaisdebout?Jenageaisenpleinrêve?Sic’étaitlecas,c’étaitunsongedélicieux.Saufqu’onnes’étaitpasencoreembrassés.Dansmesrêves,ons’embrassait.
Suivantsesinstructions,jeposailesmainssursesépaules,puisenjambailaselleàmontourpourm’installerderrièrelui.J’étaiscenséem’accrocheràlui?J’avaisvusuffisammentdemotardspoursavoirque lepassager enroulait lesbras autourduconducteur,mais jene savaispas cequeTrippattendaitdemoi.Avantquej’aiepufairequoiquecesoit,ilattrapamesbrasetlesserraautourdesataille.
—Commeça,mabelle,accroche-toibien.La sensation de ma poitrine contre le dos de Tripp était extraordinaire. À chaque inspiration
j’absorbai son parfum. Je sentais la chaleur brute de son corps et le mien était parcouru depicotements.J’étaisbiencontentequ’ilfassenuitetqu’ilnepuissepasvoiràquelpointlasituationmegrisait.
Sous nos jambes, le moteur de la Harley ronronna et nous prîmes la route. Je resserraiinstantanémentmonétreintetandisqueTrippgagnaitlarouteprincipale.Moncœurbattaitsifortqu’ildevaitlesentir.Quelleexcitation,moiquin’avaisjamaisrienfaitdedangereux!J’étaistenued’êtreresponsable :mon père n’était pas souvent là et, quand il était là, il ne voulait pasme voir. Je luirappelaissanscessemamèrequil’avaitplantéavecunegossepourpartiravecunautrehomme.Illadétestait de l’avoir abandonné lui, pas nous. C’était un égoïste. Tout commemamère, après tout.Alorsjefaisaistoutmonpossiblepourluiprouverquejen’étaispascommeelle.
SitanteDarlam’avaitvueencetinstantprécis,elleauraitétédépitée,maisc’étaitplusfortquemoi.C’était l’expérience d’une vie. Les filles commemoi ne partaient pas en balade àmoto avecTripp.Ilétaitintouchable.Pourtantcesoirilm’avaitvueetilm’avaitsauvéepourlasecondefois.
AucunhommeneseraitjamaisàlahauteurdeTripp.Lui,c’étaitlaperfectionincarnée;moi,jen’étaisqu’unefillelambdasortietoutdroitd’untrailerpark1.S’iln’yavaitpaseutanteDarla,ilnem’auraitjamaisremarquée.IlappréciaitDarla.Etc’estpourellequ’ilsedonnaittoutcemal.
Malgrétout,difficiledenepasmefairedefilm.J’avaisjusteenvied’emmagasinerlachaleurdesoncorpscontrelemien.Lesmusclestendusdesonabdomensecontractèrenttandisqu’ilbifurquaitendirectionducountryclubetdesquartiers richesde laville.J’habitaisde l’autrecôté.Dansmonexcitation, j’avaisoubliéde luidonner l’adresse.Monmobilehomenese trouvaitpasàRosemaryBeach.Pourlasimpleraisonqu’iln’yenavaitpasàcetendroit,vuqu’enmoyenneunemaisoncoûtecinqmillionsdedollars.Monmobilehome,lui,sesituaitàtrenteminutesaunorddelaville.
Ilpouvaitaussibienm’emmenerauclub.TanteDarlaétaitencoreaubureau.Ellehabitaitmoinsloin, parcequeM.Kerrington lui fournissait un appartement sur lapropriété.Elle serait en colèrecontre moi en apprenant ce qui m’était arrivé, mais je ne pouvais pas demander à Tripp de meramenerjusqu’àchezmoi.C’étaittroploin.
—TupeuxmedéposeraubureaudeDarla,proposai-jeenmepenchanttoutcontresonoreillepourmeprotégerduvent.
Iltournalégèrementlatêteversmoi.—Jesaisoùellehabite.Jecroyaisquec’étaitcheztoiaussi.J’auraisbienaimé.Lavieseraittellementplussimplesic’étaitlecas.TanteDarlaétaitlaseule
personnequim’aimaitdemanièreinconditionnelle.—Non,maiscen’estpasgrave.J’habitetroploin.Jedormiraichezellecesoir.Tripp resta un instant silencieux, puis il ralentit et s’arrêta dans une station-service. Lorsqu’il
coupalemoteur,j’eusunmomentdepanique:jenesavaispasoùmettremesjambes.J’avaispeurdefairetomberlamoto.
Trippposalesdeuxpiedsausol.Jegarderaisàjamaisdansmamémoirecetteimagedelui,sous
lalumièredel’enseignedumagasin,soncorpssublimechevauchantsaHarley.Ilseretournapourmedévisager.—Darlavapiquerunecolère?J’aurais pu luimentir,mais quelque chosedans ses yeuxmedonnait enviede lui dire toute la
vérité.Jemecontentaidehausserlesépaulesensilence.Un petit sourire se dessina sur ses lèvres parfaitement ciselées et mon attention se porta
entièrement sur sa bouche. Sa lèvre inférieure était légèrement plus charnue que l’autre, mais ladifférenceétaitsiténuequepeudepersonness’enrendaientcompte.Maiscommej’étaisobsédéeparTripp,aucundétailnem’échappait.Dansplusd’unrêveéveilléj’avaisléchécettelèvreinférieure,quiétaittoutàfaitappétissante.
—Bethy?Savoixm’arrachaàmarêverie.Ilnesouriaitplus:ilavaitl’airamusé.—Hum?répliquai-jecommeuneimbécile.Ilm’avaitsurpriseàfixersabouche.—Jetedemandesitupréfèresquejeteramènecheztoi.Çanemedérangepasdeconduire.Tuas
euunesoiréedifficile.Jen’aipasenviequetuteretrouvesfaceàDarlasielleestencolère.Cequiallaitêtrelecas.Jenesavaispastropcequilamettraitleplusenrogne:quejesoisalléeà
lafêtechezRushFinlayavecJonathonouquejesoismontéesurlamotodeTripp.Lesdeux,àmonavis.
—J’habiteàunedemi-heured’ici,précisai-jeenplantantleregarddansletrottoirtachéd’huilepouréviterdemeperdredansunnouveaufantasmesijecroisaissesyeux.
—Cheztesparents?s’enquit-il.—Monpère.Ilémitunsifflementgrave.—Latanteoulepaternel?Lequeldesdeuxseraleplusfurax?Jepoussaiunsoupir.Monpèreneseraitpasàlamaison.Ilsortaitpresquetouslesvendrediset
samedissoirétantdonnéqu’ilnetravaillaitpaslelendemain.—Darla.Monpèreneserapaslà.Trippne répondit pas immédiatement et je restai à scruter le sol en attendant qu’il prenneune
décision.Pourmoi,lemieuxétaitderentreraumobilehome,maisçam’ennuyaitqueTrippdépenseautantdetempsetd’essence.
—Turestessouventseulecheztoi?L’inquiétudedanssavoixmesurprit.Jerelevailesyeux.Ilavaitfroncélessourcils.—Seulementleweek-end,répliquai-je,etsonfroncements’accentua.— C’est dangereux, observa-t-il en secouant la tête. Je vais te raccompagner chez Darla. Je
préfère.Tunedevraispasresterseuleleweek-end.J’avaispresquedix-septans!Pourquoiréagissait-ilcommesij’enavaisdix?J’avaisdoncl’air
d’unegamine?—J’auraidix-septansenseptembre.Jenesuisplusuneenfant.Jesuis toujoursrestéeseule le
week-end.J’étaisunpeuagacée.Jenevoulaispasqu’ilmeconsidèrecommeunegosse.J’allaispasseren
premièreàlarentrée.Unfinsourireseglissasurseslèvres.Jevoyaisbienqu’ilessayaitdeleretenir.S’iln’étaitpasà
tomberparterre,j’auraisdéjàfinienstop.Çaaussi,jel’avaisdéjàfait.—Jen’aijamaisditquetuétaisuneenfant,Bethy.Cen’estpascequejesous-entendaisquandje
disaisquec’étaitdangereux.Ilsuffisaitqu’ilmelancesonregardsexyetmeparledesavoixchaudepourêtredenouveauàsa
merci,souslecharme.J’iraisoùilvoulait.—O.K.,répliquai-je.Cettefois-ci,iléclataderire,puisseretournapourdémarrer.—Accroche-toi.J’enroulailesbrasautourdesontorseetnousnousenfonçâmessurlaroutesombrequimenait
auclub.Cesoirj’allaisessuyerlacolèredetanteDarla.Maislejeuenvalaitlachandelle.
________________1.Parcdemobilehomes:terrainregroupantdesmaisonsmobilesoudescaravaneslogeantleplussouventlespopulationsàfaible
revenuàlapériphériedesvilles.(NdT)
Aujourd’hui
Tripp
AssissurmaHarley,j’attendaisqueBethysorteduclub.Woodsm’envoyaitparSMStouteslesdeux semaines le planning de Bethy et je m’assurais chaque soir qu’elle rentrait chez elle sansencombre. Je ne la traquais pas à proprement parler ; pour moi, c’était le seul moyen de ne pasdevenirfou.
Àpart veiller sur elle, je ne pouvais plus rien faire. Si jem’approchais trop, elle semettait àpaniquer.Ladernièrefoisquej’avaisessayédeluiparler,elles’étaitmiseàhurler.Impossibledelacalmer.Jelaregardaiss’anéantirinexorablement.Cespectaclem’écorchaitvif.
Je la suivais donc chaquematin jusqu’au travail, puis chaque soir jusqu’à chez elle. Une foisqu’elleétaitàl’abridanssonappartement,jeprenaissouventplacedel’autrecôtédelaruejusqu’àcequ’elleéteigneleslumières.Elleneposaitjamaislesyeuxsurmoi,mêmesijenefaisaisrienpourcacherlefaitquejelasuivais.Celan’auraitserviàrien.
Ellem’avaitparlépourladernièrefois–parlé,pascrié,cettefois-ci–dix-huitmoisplustôtsurla plage, lorsque nous avions perdu Jace.Mon cousin,monmeilleur ami, l’amour de toujours deBethy.Ils’étaitnoyéenluisauvantlaviealorsqu’elles’enfonçait,ivre,dansl’océanetqu’unelamedefondl’emportait.LapertedeJaceavaitarrachéunepartiedemonâme.Ilétaitlepetitfrèrequejen’avais jamais eu. C’était lui, le bon héritier des Newark. Il représentait tout ce que j’aurais pudevenir,dontj’étaisincapable.
Etnousavionsaimélamêmefille.Mêmes’ilnel’avaitjamaissu.Lavoirperdrepiedunpeupluschaque jourétait insupportable.Jacen’auraitpasacceptéça. Il
auraitdétestécettesituation.Ill’aimaitplusqu’ilnes’aimaitlui-même.Lavoirdanscetétatluiauraitbrisélecœur.
Bethysortitduclubenrejetantseslongscheveuxnoirspar-dessussonépaule.Autrefois,leshortqu’elleportaitaujourd’huiépousaitlarondeurparfaitedesesfesses.Enperdantlavolontédevivre,Bethyavaitégalementperduénormémentdepoids.
Je ressentais le besoin infatigable de la serrer contremoi et de l’aider à guérir.Mais elle nevoulaitpasdemoi.Jenem’étaispasrenducompteàquelpointellemehaïssaitjusqu’àmonretourà
RosemaryBeach,unpeuplusdedeuxansauparavant.Huitannéesplustôt,j’avaisfuidetoutesmesforcesunenvironnementquimenaçaitdem’étouffer.Monpèrevoulaitm’imposer sesdécisionsetj’avaisétéincapabledesortirmonépingledujeu.
À l’époque, j’avaisdix-huit ans et j’étais terrifié,parcequ’en l’espacede troispetitsmoisunecertainejeunefilledeseizeansétaitdevenuemonseuletuniquesujetdepréoccupation.L’étédenotrerencontreàlafêtedeRush,Bethyavaitvolémoncœur.Pourêtreavecelle,jem’étaistrouvéprêtàfaireunecroixsurmesprojets.C’estalorsquemonpères’étaitrappeléàmonbonsouvenir.
Enrestant,jen’auraispaspugarderBethy.Ilnem’auraitpaslaissémenercegenredevie.C’estpourcetteraisonquej’avaisprislatangente,dansl’espoirqu’enrevenantauboutdedeuxans,quandBethyauraitétésuffisammentâgée,jepourraislaprendreavecmoi.Ilfallaitdetouteurgencequejem’échappe.
Je regardai Bethy grimper dans sa vieille Ford Taurus toute défoncée. Sa raideur et le soinqu’ellemettaitànepasregarderdansmadirectionmontraientqu’ellesavaitbienquej’étaislà.Elles’attendaitàmevoir.
Autrefois,elleseseraitprécipitéedansmesbrasenmegratifiantduplusbeausourireaumonde.Maisc’étaitavant.J’avaiscassétoutça.Etjel’avaisbriséesanslesavoir.
JedémarraimamotoetregagnailarouteenmecalantàunedistancerespectueusedeBethypourlasuivrejusqu’àchezelle.Elleallaitrarementailleurs.Parfois,ellerendaitvisiteàGrant,Harlowetleurbébé.OuàBlaireetRush.Àpartcesraresoccasions,ellerentraitdirectementchezelle.
Sonchez-elle:voilàunautresujetquimerongeait.Jedétestaiscetendroit.Jedétestaislalaissers’endormirlesoirdansunimmeubleàvingt-cinqkilomètresdelavilleaumilieudevoisinsdouteux.Avantelleoccupaitunjoliappartementsurlapropriétéducountryclub,entièrementpayé,maisaprèsla mort de Jace elle avait déménagé. D’après Blaire, elle avait besoin de fuir les souvenirs et laproximitédelaplagelafaisaitsouffrir.
Commejehaïssaiscettesituation.Bethyméritaituneautrevie. J’étaishantépar lamémoiredecette jeune fille candide aux grands yeux noisette. À cause demoi, cette jeune fille avait disparu.J’avaisanéantisoninnocence.
LavoituredeBethyentradanslastation-serviceàlasortiedelaville.Ellen’avaitpasbesoindefaireleplein.Jesavaisbienquelsjourselleprenaitdel’essence.Ellel’avaitfaitdeuxjoursplustôt.Elleavaitencoredequoitenir.Jemegaraidel’autrecôtédelaruepourl’observer.
Ellecontournasavoitureenagrippantlaportièreetlançaunregardnoirdansmadirectionavantde la claquer.Aumoins, ellem’avait regardé. Jem’attendais à ce qu’elle rentre dans la station enm’ignorant.
Ellegardalesyeuxrivéssurmoiettraversaleparkingdroitsurmoi.Merde.Elleétaitfurieuseetiln’yavaitpersonnealentourpourlacalmer.Ladernièrefoisqu’elles’enétaitpriseàmoi,GrantetWoods l’avaient retenue,puis ramenéechezelle.Chaque foisque j’essayaisdeplacerunmot, ellehurlaitdeplusbelle.Leseulsondemavoixsuffisaitàl’exaspérer.
Je n’avais pas compris l’ampleur dumépris qu’elle avait dissimulé à Jace pour ne lemontrerqu’àmoiquandtoutlemondeavaitledostourné…jusqu’àcettejournéeàlaplage.Lesouvenirdesmotsqu’elleavaitemployés,cuisant,mefittressaillir.Ilsmehanteraientlerestantdemesjours.
Jedescendisdemamoto,prêtàencaissercequ’elleallaitme jeterà la figure.Aumoins, elleprenaitencomptemaprésence.C’étaitmieuxquerien.
Elle seplantadevantmoi, lesmains sur la taille.Malgré sapertedepoids, seshanchesétaienttoujoursaussimagnifiques.
—Arrête deme suivre, ordonna-t-elle, les yeux brillants de fureur. J’ai pas besoin que tumecollesauculcommeunpsychopathe.
Ilfallaitquejelajouefine;jevoulaisqu’ellemeparle,maisjenevoulaispasmettredel’huile
surlefeu.—Jeveuxjustem’assurerquetuvasbien,répliquai-jedelavoixlaplusdoucepossible.Bethypoussaunsoupirdefrustration.—Arrête ! Jen’ai pasbesoinque tu fasses ça.Peu importeque j’aille bienoupas.Ça fait un
momentquetunet’espaspréoccupédemoi.Elle essayait de semaîtriser. Elle avait envie deme frapper, deme hurler dessus. Elle voulait
accuserquelqu’undelamortdeJaceetj’étaislecandidattoutdésigné.—Jeveuxêtresûrquetuvasbien,objectai-jesimplement.Ellefermalesyeuxetprituneinspirationprofonde,lespoingsserréssurseshanches.—Jen’aimepastevoir.Jen’aimepasquetumesurveilles.Jeveuxqu’onmefoutelapaix.Je
vaisfinirparporterplaintecontretoi,Tripp,jetelejure!Noussavionsl’uncommel’autrequejen’avaisrienfaitetqu’ellenepourraitpasintenterquoi
quecesoitcontremoi.Maisjepréféraisnepaslacontredire.—Jesaisquetumedétestes.Pendantlongtemps,jen’aipassupourquoi.Maintenantsi.Tusais
quoi,Bethy?Jemedétestemoi-même.Maisçaneveutpasdirequejenetienspasàtoi.Jem’inquiètepourtoietsituneveuxpasquejet’approche,jecomprends.Maisjevaiscontinueràfairetoutmonpossiblepourquetusoisensécurité.Jesuisdésoléquecelatemetteencolère.
Bethypartitd’unrirehystériquequin’avaitplusriend’unrire.J’adoraissonvrairire.Celuiquifusaitquandelleétaitheureuse.Danslepassé,sonrireetsonsourireavaientfaitmainbassesurmoncœur. J’aurais fait n’importe quoi pour l’entendre rire.À présent, ce n’était plus qu’un son dur etcreuxquis’ajoutaitàladouleurquinousséparait.
—Pourquoies-turevenu?Jem’ensortaistrèsbien.Jaceetmoionallaitbien.J’étaisheureuse,Tripp.J’étaiscarrémentheureuse.
Sa voix se brisa et j’eus envie de la serrer contremoi.La carapace de colère dont elle s’étaitentouréeétaitentraindesefissurer.
—Terevoiratoutanéanti.Tout!Etpuis…tu…(Ellepoussauncrietappuyalesmainscontresesyeux.)J’aitoutfaitpourqueçamarche.J’aiessayédet’apprécier.J’aiessayéd’accepterqueJacet’aimait. J’ai voulu oublier le passé.Oublier cet été-là. J’avais Jace. Pourquoi a-t-il fallu que tu temanifestes ?Que jeme souvienne…(Elledéglutit avecdifficulté.) J’étaisheureuse. JepensaisqueJaceétaitlebon.Etpuistuesrevenuettuastoutfoutuenl’air.Pourquoi?
Savoixs’étaitbrisée.Sesyeuxaccusateurss’emplirentdelarmes.J’étais revenu sous prétexte de prendre des nouvelles de mon amie Della Sloane. Je l’avais
rencontrée à Dallas dans un restaurant où elle était serveuse etmoi barman. Je l’avais envoyée àRosemarypourdécrocheruntravailetvivredansmonappartementaprèsqu’elleavaitcouchéavecnotrepatron,dontellenesavaitpasàl’époquequ’ilétaitmarié.Jen’avaispasremislespiedschezmoidepuisl’étédemarencontreavecBethy,quandmongrand-pèrem’avaitoffertunappartementencadeaudefind’études.J’avaisenvoyéDelladansleseulendroitoùjesavaisqu’elleseraitensécurité.Etj’avaisvujuste.Aujourd’hui,elleétaitfiancéeàWoodsKerringtonetnageaitenpleinbonheur.
À l’époque, je m’étais raconté que j’étais rentré parce que la voix de Jace au téléphone medonnaitlemaldupays.JesavaisqueJacesortaitavecBethyet,aussidifficilequecesoitàaccepter,ilétaitmieuxpourelle.
Rétrospectivement, je devais admettre que j’étais revenu pour elle. Je voulais voir Bethy. Jevoulaisvérifiersiletempsetladistanceavaientréellementmisuntermeàcequ’ilyavaitentrenous.
Etlaréponseétaitnon.—J’avaisenviederentrer,répliquai-je,incapabledediretoutelavérité.LesépaulesdeBethys’affaissèrentetellecroisalesbrassurlapoitrined’ungestedéfensif.—Onétaitheureux.Tuastoutgâché.
Inutilequ’ellem’explique,j’avaiscompris.Quandj’avaisfrappéàlaportedeJaceetqueBethyavait ouvert, c’est comme si les années s’étaient envolées. Celle qui m’avait montré que l’amourvalaitlapeinedesebattresetenaitdevantmoi,plusâgéeetencoreplusbellequedansmonsouvenir.Monamoureuse.Etvoilàqu’elleportaitunT-shirtdemoncousincommesiellevenaittoutjustedequittersonlit.
Nousn’avionspaséchangéunmot.Nousétionsrestésimmobilesànousdévisager.Uninstant,jem’étaispresqueattenduàcequ’ellesejettedansmesbras,maisJaceétaitarrivéderrièreelle,l’avaitpriseparlatailleenmesouriantcommes’ilétaitl’hommeleplusheureuxdetoutelaterre.
Àcemoment-là,lesols’étaitdérobésousmespieds.Sijesavaisdéjàquejel’avaisperdue,c’estàcetinstantseulementquejeleréalisaipleinement.J’avaisvécutoutescesannéesdansmabulle.Jenem’étaisjamaisrapprochéd’uneautre.Bethyavaitemportémoncœurdesannéesplustôt.Pasuneseulefoisjen’avaisététentédeledonneràquelqu’und’autre.
—Jesuisdésolé,dis-jeenfin.Et c’était la vérité. J’étais sincèrement désolé. Désolé d’être rentré. Parce qu’elle avait raison.
Monretouravaitanéantitoutcequ’elleavaitconstruit.Jen’avaispascessédeladévorerdesyeux,incapabledemerassasierd’elle.QuandJacen’étaitpasdanslesparages,jelaregardaisavidement,commesimavieentièreendépendait.Nousneparlionsjamais,lesmotsauraientétésuperflus.Monregardendisaitbienassez.
—Tumerappellerastoujourscequej’aiperdu.Deuxfois.Avectoijeperdstoujours,Tripp.Tudétruistoutsurtonpassage.Jenepeuxpasmepermettredesouffrirdavantage.
Plusd’unefoisdepuislamortdeJacejemesuisditquej’auraisdûêtreàsaplace.Sij’avaisétéprésentce soir-là, je luiaurais sauvé lavie. Jene l’auraispas laissé senoyeralorsqu’il secouraitBethy.J’auraisétéplusrapidequelesvagues.C’estmoiquimeseraisnoyécettenuit-là.Ettoutauraitétépourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.
EnentendantdelabouchedeBethycequejesavaisdéjà,cequejedevaisencaisserchaquematinquandj’ouvraislesyeux,jesentismapoitrineseserrer.Jeneméritaispasl’airquejerespirais.Silafemme que j’aimerais jusqu’àmon dernier souffle pensait lamême chose, la vie ne valait plus lapeined’êtrevécue.
C’estpourcetteraisonquej’allaiscontinueràveillersurelle.Pourredonnerdusensàmavie,mêmesijeneméritaispasdelavivre:c’étaittoutcequ’ilmerestait.
Ellen’attenditpasquejeréagisse.Ellepivotasursestalonspourregagnersavoiture.J’attendisqu’elleaitreprislaroutepourenfourchermamotoetlasuivrejusquechezelle.
Bethy
JeguettaisTrippautraversdesrideaux.Ilsetenaitassissursamoto,del’autrecôtédelarue,lesyeuxrivéssurmafenêtre.Habituellement,ilpartaitquandj’éteignaisleslumières.Aprèsquoijelesrallumais.Cesoir,ilnebougeaitpas.J’avaiséteintleslampesdepuisuneheureetilrestaitlààfixermafenêtre.
Je me sentais léthargique depuis si longtemps que je n’avais habituellement aucun mal àl’ignorer. Mais dernièrement, ça me coûtait. Ma torpeur commençait à refluer et les émotionsenfouiesdepuislongtempsremontaientàlasurface,transperçantmesdéfenses.
Àunmomentdonné, j’en avaisvoulu aumondeentier,mais jepensais avoirprogressé sur lechemindudeuil.J’avaispleurétoutesleslarmesdemoncorps.Quandlatorpeurestapparue,jel’aitenueserréecontremoi.Jeladésirais.J’enavaisbesoinpourcontinueràvivre.Laculpabilitéet ladouleurmedéchiraient.
Àcausedurôlequej’avaisjouédanslamortdeJace,Woodsnepouvaitplusposerlesyeuxsurmoi.Jem’étaiscramponnéeàça.Ilmedétestaitencore.Ilsavaitquej’étaiscoupable.Jem’accrochaisàçaaussi.J’avaisbesoind’êtrehaïe.Jenevoulaisetneméritaisaucunepitié.Jeméritaisetvoulaisqu’onmehaïsse.Woodsm’offraitcettesentence.
Àpartlui,toutlemondes’inquiétaitpourmoi.Jenevoulaispasqu’onsepréoccupedemoi.Ilsavaientbienvucequis’étaitpassé.Ilsauraientdûmehaïr.Etpourtantcen’étaitpaslecas.Alorsjelesévitais,parcequeleurpitiéétaitinsupportable.Ilsn’auraientpasdûs’émouvoirdemonsort.Jeneméritaispasleursollicitude.Nileurcompassion.
EtpuisilyavaitTripp.Jenedésiraisqu’unechose:qu’ils’enaille.Maisluinebougeaitpasd’unpouce.
Il n’essayait plus de me parler. Il avait jeté l’éponge depuis longtemps.Mais je le retrouvaissystématiquementdansmonrétroviseur,entraindemesuivre,tapidansl’ombre,àm’épiercommeunprotecteurfou.Jen’avaispasbesoindeprotection.Surtoutpasdesapart.
Je nouai mon châle autour de mes épaules et m’assis sur le canapé dans la pénombre. Monappartementétaitmonuniquerefuge.Jacen’avaitjamaismislespiedsici.Lelieun’étaitpasempreintdesouvenirsheureux.SaufqueTrippenvahissaitcettebulletouslessoirsenmesurveillantdelarue.
Aprèsqu’ilm’avaitdétruite,j’avaisusédemoncorpspourtrouverlebonheur.Jem’étaisracontéque jecherchaisquelqu’und’autre,alorsqu’enréalité j’essayais justede l’effacerdemamémoire.Alorsj’avaisfaitlabringue.Etj’avaiscouchéavecdestypes.J’étaisdevenueradicalementdifférentedelajeunefillequ’ilavaitlaisséederrièrelui.
Chaquefoisquejefermaislesyeuxpouroffrirmoncorpsàunautre,j’espéraisoublierTripp.Envain.Il était toujours là dans un coin de ma tête. La douceur avec laquelle il m’avait tenue notre
première fois, tout enme rappelantqu’il y avait tant et plus àvivre.Alors jeme souvenais àquelpointj’avaissouffertdeleperdre.
Jace était arrivé sur ces entrefaites et je l’avais désiré pour la bonne raison qu’il ressemblaitcommedeuxgouttesd’eauàTripp.Audépart,ilsecontentaitdecoucheravecmoi,maisaufinaliln’étaitpascommelesautres.Ilmefaisaitsourireetilavaitdesmotsgentils.
Quandj’avaisdécidédenepasmelaisserfaireetd’arrêterd’offrirmoncorpsaupremierbeaugossefriquéàquijetapaisdansl’œil,Jacem’avaitséduiteet,telleCendrillon,j’avaisfinipartrouverl’amourauprèsdemonprince.
J’avais eu une peur bleue de l’aimer, mais il m’avait facilité le travail. J’étais plus âgée quelorsque j’avais rencontré Tripp et jeme répétais que les choses avaient été différentes entre nousparcequ’onavaitconnuunamourdejeunesse.J’étaistombéefollementamoureuseparcequej’étaisjeune.J’avaisvécudansuncontedefées.
Ce que j’avais avec Jace était réel. Je m’étais accrochée à ça et, pendant une courte période,j’avaisétéheureuse.PuisTrippétaitrentréàRosemaryBeachet,aupremierregard,moncœuravaitexplosé dans ma poitrine. Toute cette intensité dont je m’étais persuadée qu’elle n’était qu’unefascination demidinettem’avait immédiatement submergée. Je haïssais les sentiments qu’il faisaitnaîtreenmoi.
Jehaïssaiscequ’ilm’avaitfait.Jelehaïssais.Mais je ne laissais rien paraître parce que Jace l’aimait. Et il était hors de question que Jace
découvrecequis’étaitpasséentreTrippetmoi.EnentendantlerugissementdelamotodeTrippjepoussaiunsoupirdesoulagement.Ilpartait
enfin.Jedétestaisresterplongéedanslapénombre.Jen’avaisrienmangédelajournée.Ilfallaitquejegrignoteunboutavantd’allermecoucher.
Assiseensilence,j’attendisencoredixminutesavantdemereleveretd’allumerlalumière.Trippnereviendraitpasdelanuit,pasavantdemainmatin,pendantquejemepréparaispourletravail.
Cesoirjeluiavaisparlé.J’avaiseuenviedeluivomiràlafiguretoutelahaineetladouleurquej’avaisenmoi.Jesavaisqu’ill’encaisserait,qu’ilnes’apitoieraitpassurmonsort.Etj’avaisvujuste.Ilétaitrestéégalàlui-même:calme,solide.
J’avaiseudesmotsdurs.Laculpabilités’étaitenracinéeenmoi.Ilneméritaitpascettecruauté.Ilavait tressailli, mais n’avait rien laissé paraître d’autre. Jace aurait détesté la personne que j’étaisdevenue.Maisc’étaitplusfortquemoi.
La torpeur avait fini par disparaître. La vie reprenait ses droits. La réalité refaisait surface. Ilfallaitallerdel’avant.
Tout avait changé lorsqueHarlow,mon amie et la fiancée deGrant, avait accouché. Elle étaittombéeenceinteparaccident ;Harlowavaitunproblèmecardiaquequirendait toutegrossesse trèsrisquée.Pendantunmomentaprèslanaissance,elleétaitrestéesuspendueentrelavieetlamort.Nousattendionstousleverdictdanslehalldel’hôpitallorsqueWoodss’étaitapprochédemoi.Ilm’avaitditquejen’étaispasresponsabledelamortdeJace,qu’ilavaiteutortdem’enaccuser,qu’iln’avaitsimplement pas réussi à accepter sa disparition. Il était encore en colère, mais il voulait que jeretrouvelebonheurparcequ’ilsavaitqueJacel’auraitsouhaitéluiaussi.Puisilm’avaitprisedanssesbras.
C’estàcetinstant-làquelatorpeuravaitcommencéàreflueretjel’avaispresquesuppliédemehaïr.J’avaisbesoindesahaine.Maislasincéritéquej’avaisluedanssonregardtandisqu’ilserrait
mesépaulesm’avaitstupéfaite.EnvoyantWoodsmepardonner,Dellaavaitéclatéensanglotsavantdemeprendredanssesbrasàsontour.C’enétaittrop.
Depuiscejour,rienn’étaitpluspareil.Mabulleprotectricepleinedevides’étaiteffritée.EtTrippcontinuaitàmesuivrepartout.
J’avaispeurd’êtredépendantedelui,parcequecettesituationaussiétaitvouéeàdisparaître:ilfinirait par s’en aller. Et ilme faudrait encore reprendre le fil des choses après ça. Il fallait qu’ildisparaissepourdebon sansplus tarder. Je savaisd’expériencequ’il allaitmedétruire, quoiqu’ilfasse.Tantquej’auraisàmeprotégerdeTrippjenepourraispasreprendrelecoursdemavie.
Huitansplustôt
Tripp
—C’est quoi ce bazar sur la plage ?marmonnai-je tandis que nous garions la voiture devantl’appartementquemongrand-pèrem’avaitoffertpourmondiplômedefind’études.
Mesparentsnes’étaientpasmontrésparticulièrementenchantés,mais lepèredemamère leuravait expliqué que j’avais besoin de mon indépendance. Il m’avait donc fait ce cadeau. J’avaisemménagédèslelendemain.Cetteautonomiem’avaitpermisd’échapperauxgriffesdemesparents.Enm’offrantunavant-goûtdecequejepouvaisavoir.
—Çaressembleàunfeudejoie,répliquaWoodsenprononçantuneévidence.—Etonn’apasétéinvités?s’étonnaJace.—Cen’estpasnotrebande.Onesttoutprèsdelabanlieue.Cetteportiondelaplagenefaitplus
partiedeRosemaryBeach.ÀmonavisilsviennentdeDestin,avançaWoods.Unefoissortidu4×4, jesourisauxdeuxautres.J’allaisbientôtmettre lesboutset jevoulais
passer lemaximumdetempsavecJaceetsespotes,nesachantpasquandjerentrerais.J’avaismespropresamis,biensûr,maisjepourraistoujoursleurrendrevisiteunefoissurlaroute.Aucund’euxnepassaitl’étéici,contrairementàmoi,quiétaisrestéprochedemescamaradesd’internat.L’annéequej’avaispasséelà-basavecJace,WoodsetThadavaitétémémorable.Touteslesconneriesqu’onnousavaitpasséessousprétextequelepèredeWoodsétait influent…ChaquefoisqueRushFinlayrendaitvisiteàGrant,onpassaitunsupermoment.Personnen’osaitemmerderlefistond’undieudurock.
—Sionallaittraînerparlà-bas?proposai-je.Woodséclataderire,Jacepoussauncridejoieetsortitd’unbonddu4×4.— Je parie qu’il y a des bombasses en bikini qui cherchent du bon temps, interjecta Thad en
rassemblantseslongscheveuxblondsdansunequeue-de-cheval.—Jemedislamêmechose.Jen’aipascouchédepuisquej’airompuavecLondon,avouai-je.—Merde, alors, elle est carrément bandante. J’arrive pas à piger pourquoi tu as arrêté de te
l’envoyer,commentaThad.—Parcequ’elleestfolle,répliquaWoods.
Ilconnaissaittoutesleshistoiresàsonpropos.DelabouchedeJace.Jehochailatêteensigned’acquiescement.—Jevaischercherlepackdesixdanslefrigo,lançaJace.—Jevaismerafraîchirl’haleine,enchaînaWoodsenluiemboîtantlepas.—Jevousretrouvelà-bas,conclus-je.Thadsuivit lesdeuxautres. J’imaginequ’ilallait se rincer labouche, luiaussi. Ilsavaient tous
seizeans,etjemedoutaisbienqu’aucund’euxn’allaits’envoyerenl’aircesoir,maisjen’avaispaslecœurdeleleurdire.Labandesurlaplagedevaitavoirmonâge,voireplus.
Jem’approchaidelalueurdesflammesetjetaiuncoupd’œilcirculaire.Thadallaittrouversonquotadebikinis.Lesourireaux lèvres, jem’installaià lapériphériedugroupepour l’observeruninstantdansl’ombreavantdedéciderdememêlerauxgens.
Un gros morceau de bois flotté reposait à droite, dissimulé par la pénombre. J’aperçus unesilhouetteperchéedessus. Jeconnaissaisbienceboutdebois. Jem’asseyais souventdessus lanuitpourcontemplerlesvagues.
Macuriositépiquée,jem’avançai.Àmonapproche,lalocatairedeslieuxseretourna.Lalueurdela lune l’illuminait parfaitement. Je reconnus aussitôt son visage doux et ses grands yeuxmarron.Bethy.
Jenel’avaispasrevuedepuisquejel’avaisdéposéechezsatanteDarlaleweek-endprécédent,même si j’avais entendu dire qu’elle faisait la tournée des fêtes en ville. Cette fois aumoins, ellen’étaitpasauxprisesavecunabruti.
—Tuaslechicpourtrouverlesbonnessoirées,remarquai-jeenprenantplaceàcôtéd’elle.Commeellegardaitlesilence,jemedemandaisiellesesouvenaitdemoi.—Tripp,insistai-je.Jet’airaccompagnéeaprèslafêtechezRushleweek-enddernier.Ellesouritetbaissalatête.—Jesaisquitues,dit-elleàvoixbasse.Savoixrauquemedonnadesfrissons.Ilfallaitquejegardeàl’espritqu’elleétaittropjeunepour
moi.—Tantmieux.Çaveutdirequ’onnem’oubliepasaussifacilement,ironisai-je.Elleritetlevalesyeuxversmoi:—Déjàleweek-enddernierjesavaisquituétais.Intéressant.Quoique,aprèstout,elleavaitgrandiprèsducountryclub.Moiaussi jel’avaisvue
plusieursfois.—Quiaorganisélafête?Ellepoussaunsoupir:—Desgensdel’école.Desterminale,essentiellement.Monamies’estfaitinviterparuntypequi
luiplaîtbien.Ellen’avaitpasenviedevenirtouteseule.Alorsvoilà.Etellerestaitassisetouteseuledanslenoir.Pasparticulièrementrassurant.—Elleestpasséeoù,tonamie?—Là-bas,lebikiniavecledrapeauaméricain,avecletypequialesmainssursesfesses,dit-elle
enmontrantdudoigtlecouplequis’embrassaitdevanttoutlemonde.Ellen’apastoujoursungoûttrèssûr.
Ellefronçalessourcilsetplantadenouveauleregardsursesmainsjointessursesgenoux.Elleaussi était en maillot de bain, mais elle s’était couverte. On apercevait les lanières roses qui secroisaientsursanuque.Ellemontraitseulementsesjambes.Detrèslonguesjambes.
—Qu’est-cequetufaisici?demanda-t-elleenlevantlesyeuxsurmoi.Jehochailatêteendirectiondesappartementssurnotregauche.—J’habitelà-bas.
Ellefronçalessourcils.—Jecroyaisquetesparentsavaientunemaisondel’autrecôtédeRosemaryBeach.Ellesavaitoùsetrouvaitlamaisond’étédemesparents?C’étaitsurprenant.Jemedemandaisce
qu’ellesavaitd’autremeconcernant.—J’aidéménagéàlafindel’annéescolaire,expliquai-je.Ellesoupirad’unairmélancolique.—Çadoitêtresympa.Elleétaitloindesedouterdelasituation.Enmêmetemps,ellenepouvaitpasdevinerlaréalité
quejem’apprêtaisàfuir.Personnen’essayaitdeprendredesdécisionsàsaplace.Àchacunsonenfer.Des rires etdes siffletsm’empêchèrentde répondre. Je jetaiunœilvers legroupe : l’amiede
Bethyavaitenlevélehautetletypeluiléchaitlesseinsdevanttoutlemonde.Latêterejetéeenarrière,lafillelemaintenaittoutcontresapoitrine.
—OhmonDieu,selamentaBethy.— Ton amie a des tendances exhibitionnistes, observai-je en me détournant de la scène pour
contemplerl’airhorrifiédeBethy.—Elleaperdu la tête. Jenesaispascequi luiprend,cesderniers temps, soupiraBethyense
couvrantlesyeux.Jeneveuxpasvoirça!Enriant,jeretirailesmainsdesonvisage.— Viens faire un tour avec moi. Ils auront peut-être fini quand on reviendra. Autant nous
épargnerlaséancedesexeenpublic.Bethypoussaunsoupiretglissasamaindanslamienneavantdehocherlatête:—O.K.,jeveuxbien.Parcequ’àcetrain-làc’estprobablementcequivasepasser.Woods,ThadetJaceavaientintérêtàsedépêchers’ilsnevoulaientpasraterlespectacle.Après
ça,iln’yauraitplusbeaucoupd’actionpoureuxcesoir.Nousnousenfonçâmesdansl’obscurité.JegardailamaindeBethydanslamienne.Lasensation
étaitagréable.Tantqu’ellenedisaitrien,j’enprofitais.—Quelâgeatonamie?—Elleaeudix-septanslasemainedernière.Sesparentsdivorcentetellelevitmal.Enentrant
danssachambreilyaunmois,samèrel’asurpriseentraindetaillerunepipeàungars.Ças’estmalpassé.Elleperdlespédales.Fautdirequesesparentsnefontpasgrand-chosepourl’enempêcher.
—Cen’estpeut-êtrepasunebonneidéed’alleravecelleàdessoirées.Cen’estpastrèssûrpourtoi.Certainstypespourraientcroirequetuesouverteàcegenredechoses.
Je n’aimais pas l’idée qu’un type puisse forcer Bethy. Elle était si innocente, avec un corpsbeaucouptropmûrpoursonâge.Jeprenaissurmoipournepaslareluquer.C’étaitplusfaciledemerappelerqu’elleavaitseizeanssij’évitaisdecontemplersesatoutsconsidérablementdéveloppés.
—Sic’estcequ’elleal’intentiondefaireauxsoirées,jenel’accompagneraiplus.Jeneveuxpasvoirça.De toute façon, jecommenceà travailleraucountryclub la semaineprochaine. Jen’auraiplusletempsdefairelafêteavecelle.Jeveuxéconomiserpourmeprendreunlogementdèslafindulycée.
ElleallaitbosserauKerringtonClub?L’idéemeplaisait,plusquederaison.—C’estvrai?Tuvasfairequoi?—LeseulpostepourlequelM.KerringtonautorisetanteDarlaàm’embaucher:maître-nageuse
àlapiscine.Alors comme ça elle allait revêtir le fameux maillot de bain rouge toute la journée. Encore
mieux.Moiquinefréquentaisjamaislapiscineducountryclub,j’allaispeut-êtrem’ymettre.—Tuporterastrèsbienl’uniforme,commentai-jemalgrémoi.Bonsang,jenepouvaispasm’empêcherdeflirter.
Elles’immobilisauncourtinstantetmedévisageadesesgrandsyeux.Jel’avaissurprise.Cequilarendaitencoreplusséduisante.Elleétaitvéritablementétonnéequejepuisseluitrouverdel’allureenmaillotdebain.
—Quoi?fis-jeensouriant.—Jevaisdevoirporterunmaillot,articula-t-ellelentementcommesijen’avaispasréfléchiàla
naturedesonuniforme.Jehochailatête:—Ouais.Ellebaissalesyeuxsursoncorpscommepourvérifierqu’onparlaitbiendelamêmechose.—Ettun’aspasvuquej’étaisensurpoids?Quoi?Elleplaisantait?—C’estuneblague?Elle secoua lentement la tête enme scrutant comme si elle attendait que je remarque quelque
chose.Elleneserendaitdoncpascomptequ’elleavaituncorpsincroyable?Oualorsellecherchaitlescompliments?Pourtantellen’avaitpascesouriretaquinqu’ontlaplupartdesfillesquivontàlapêcheauxcompliments.Elleavaitl’airsacrémentsérieuse.
—Tun’espasensurpoids,contrai-jeenposantlesyeuxsursonchâle.—Tun’aspasdûbienregarderleweek-enddernier.Mes…j’aidesrondeurs,décréta-t-elleavant
deseremettreenmarche.Elleavaitlâchémamain.Onauraitditqu’elleessayaitdes’éloignerdemoi.Jefisdeuxpasdanssadirectionetlarattrapai.—Bethy,cetteconversationestloind’êtrefinie.Viensici,insistai-jetandisqu’ellemecoulaitun
regardàcontrecœur.—S’ilteplaît,laissonstomber.Jesecouailatête.—Certainementpas.Elleseraidit.Puisellesetournafaceàmoi.—Jesuisdésoléed’avoirabordélesujet.Passonsàautrechose.—Enlèvetonparéo,intimai-je.Jen’allaispeut-êtreriententercesoir,maisj’allaisaumoinsluiprouverqu’elleavaituncorps
derêve.Ilfallaitqu’elleenprenneconsciencepourseprotéger.Elleécarquillalesyeuxetsecoualatête.—S’ilteplaît,Bethy,fais-lepourmoi,plaidai-jeenusantdetoutmoncharme.Ellepoussaungrossoupiretpassasonvêtementpar-dessussatête.Ellelegardaserrédanssa
mainlelongdesoncorpsetfermalesyeuxpourévitermonregard.Jeprofitaidecerépitpourmeressaisir.Àtraversseshabitsdéjà,j’avaisbienvuqu’elleavaitun
corpsdufeudeDieu,mais lavoirenbikiniétaituneautrepairedemanches.Sesseinssemblaientvouloirdéborderdesonpetithautetseshanches…bonsang,seshanchesétaientparfaites.Elleavaitune taille toute fine, mais l’affleurement de ses hanches m’indiquait que son postérieur étaitdémentiel.Etn’oublionspasseslonguesjambes.
—Jet’avaisprévenu,murmura-t-elle.Mes yeux se posèrent aussitôt sur son visage.Ellem’observait avec un petit sourire forcé qui
cachaitmalsanervosité.Elledépliasonparéopourl’enfilermaisjeposailamainsursonbraspourl’enempêcher.
—Non,ordonnai-je.Jen’avaispasfinideregarder.Jamaisjenemelasseraisdecespectacle.—Jesuismalàl’aise,souffla-t-elle.
Jedéglutisavecdifficulté.Merdealors, j’allaisprendremonpiedpendantdesmois rienqu’enrepensantàcetinstant.Tropjeune,Tripp,tropjeune.Elleesttropjeune!
—Tourne-toi.Ellesecoualatête.—Non,jenepeuxpas,c’estpire.Nomd’unchien,elleétaitvraimentaveugle.— Je suis en train de me répéter que tu es trop jeune. J’ai dix-huit ans, mais toi tu n’es pas
majeure.Enmêmetemps,vucequej’aisouslesyeux,j’aiunpeudemalàmepréoccuperdelaloi.Jenesaispasquit’amisdanslatêtequetuétaisensurpoids.Tuesabsolumentparfaite.
La respiration de Bethy s’accéléra, sa poitrine se souleva et retomba. Je mourais d’envied’arrachersonhautetdemerepaîtreduspectacledesesseins.
—C’estvrai?risqua-t-elle.J’opinaiduchef.—Tuveuxbientetourner,maintenant?Çaallaitme foutreen l’air, je le savais.Si lavue s’améliorait encore, jene répondaisplusde
rien.Uneplastiquesexyenplusdesonsourireirrésistibleetdesonvisagesublime?C’enétaittrop.Elle pivota lentement ; son bas couvrait à peine la rondeur de son cul bien ferme.Cemaillot
n’étaitpasconçupourcegenred’anatomie.J’étaisbiencontentqu’elleaitsonparéo.Silesgarsdelasoiréel’avaientvue,ilsseseraientjetéssurellecommedesvautoursaffamés.
—Bonsang,murmurai-jemalgrémoi.Ellefitaussitôtvolte-face,lalèvreinférieurepincéeentresesdents.Elleavaitdenouveausonair
inquiet.—Ilestgros,jesais,avoua-t-elled’unairdésolé.Il fallait que je pose les limites dans ma tête. Sinon j’allais faire une énorme connerie. Je
m’apprêtaisàpartiretjenepouvaispasmepermettredelatoucher.Mêmesij’encrevaiscarrémentd’envie. Bethy était trop gentille, trop innocente. Un type dans mon genre n’avait pas le droit del’approcher.
—Non,iln’estpastropgros,ilestsexy,Bethy.Touttoncorpsestultrasexy.Çadonnedesidéesetdesenvies.Ilfautquetuenaiesconscience.Dansunmaillotdebaincommeça,tupeuxrendreunmectotalementdingue.Tuaslegenredeplastiquequifaitfantasmerleshommes.Jevaismettretrèslongtempsàlasortirdematête.Alorsceshistoiresdepoids,c’estdesfoutaises.N’oubliejamaisquetuestoutsimplementsublime.Alorsprendssoindetoi.Etmaintenantremetsceparéo,jet’enprie.
Bethy resta un instant immobile et je profitai des derniers instants face à son corps. Elle serhabillaetjepoussaiunprofondsoupir.
—Merci,souffla-t-elleenfin.—Pourquoi?—Grâceàtoi,jemesuissentiebelle.
Bethy
Au bout d’une semaine à travailler au soleil, j’avais la peau bronzée comme jamais. J’avaisredoutédeprendremonpostedesauveteuse,habilléeenmaillotdebain,assiseenvigieauxyeuxdetout lemonde.MaisgrâceàTripp, la semainen’avaitpasétéaussiatroceque jepensais. Jenemesentais pas grosse. J’avais l’impression d’être jolie. Le maillot de maître-nageuse était bien pluscouvrantqueceluiqueMeredithm’avaitprêtépourlasoirée.
De toute façon, jecroisais rarementdesgensdemonâgeà lapiscine,doncçan’étaitpasbiengrave. Il y avait surtout de jeunes mamans et leurs enfants. Des filles de mon âge ou plus âgéesvenaientparfoissefairebronzermais,laplupartdutemps,ellespréféraientlaplage.Cettepremièresemaine,monplusgrosproblèmeavait étéChad, unmaître-nageurqui s’intéressait àmoi.Cequis’avéraitagaçant.Carilnemeplaisaitpasetn’avaitpasl’airdevouloirl’entendre.
J’étalaiunenouvellecouchedecrèmesurmonvisageetchaussaimeslunettesdesoleilavantdedescendre l’échelle pour relever Fern, une autre collègue, qui surveillait le petit bassin. Tout lemonde convoitait les postes surmontés d’un parasol. Le petit bassin était épuisant, mais ça nemedérangeaitpas:jetrouveraisunpeudefraîcheurenmemettantdansl’eau.
—Alertebeaugosse,TrippNewarkestdanslaplace,murmuraFernens’approchant,unsourireencoin.
Tripp se tenait près de l’entrée. Une des serveuses qui s’occupaient de la piscine l’avait déjàstoppé dans sa course. Je ressentis un pincement de jalousie lorsqu’il inclina la tête pour luimurmurerdesmots à l’oreille.La serveuse rit etTripp lui sourit avantde rejoindre lebassin.Sesyeuxseposèrentsurlepostedesauvetagepuisbalayèrenttoutelafouleavantdecroiserlesmiens.
Unsourirebenêts’affichasurmonvisagesansquejeréussisseàleretenir.Trippmesouritàsontouretm’étudialentementdansmonmaillotdebainavantdemefixerdenouveauduregard.Ilhochalatêteetlalueurd’appréciationdesesyeuxagitatouslespapillonsdansmonventre.
—Ouhlàlà,ilteregarde,s’extasiaFern.—C’estunami,répliquai-jeavantqu’ellenememettemalàl’aise.JenevoulaispasqueTrippsesenteobligédevenirmeparler.Jeluilançaiunderniersourireavantdem’acheminerverslepetitbassin.Ilavaituneservietteàla
main, cequinevoulaitpas forcémentdirequ’il allait resterà lapiscine.Peut-êtrene faisait-ilquepasser.Etpuisjedevaism’assurerqu’aucungaminnesenoyaitpendantmonservice.LorgnerTrippn’étaitpasunebonneidéedetoutefaçon.
Jeme rafraîchis un instant avant dem’asseoir au bord de l’eau au poste dumaître-nageur. Je
résistaiàl’enviedechercherTrippduregard,cequiexigeaitunecertainemaîtrisedesoi,etréussisàtenirlecappendantaumoinsdixminutes.
Commelemanqued’actiondubassincommençaitàmepeser, je jetaiunœilnégligemmentendirection des chaises longues alignées sous les parasols. Je n’eus aucun mal à trouver Tripp. Ildiscutaitaveclaserveusequiflirtaitavecluiàsonarrivée.Elleétaitplusâgée,peut-êtred’unoudeuxansdeplusquelui.Trippavaitl’aird’appréciersonattention.Jedétachaimesyeuxdelascèneetmefocalisaidenouveausurlesenfantsquibarbotaientdanslapiscine.
—C’est l’heurede lapause,pépia lavoix familièredeChadqui s’assit à côtédemoi. Je suisvenutesauver.
Jelegratifiaid’unsourireforcé.Jen’étaispassûredevraimentl’apprécier.Ilavaitfaitplusieurscommentairessurmoncorpsquim’avaientmisemalàl’aise.
—Merci,fis-jeenmerelevant.—Jolievue,claironna-t-iltandisquejeluitournaisledos.L’idéemême qu’il était en train de reluquermon postérieurme fit grincer des dents,mais je
choisisdenepasréagir.MieuxvalaitignorerlesremarquesdeChad.Jemedirigeaiverslasalledepauseoùj’avaisdéposémondéjeuner.J’étaissurplacedepuistroisheuresàpeine,maisjemouraisdefaim.
En bifurquant pour rejoindre la section réservée au personnel, j’entendis des bruits de pasderrièremoi.JemefigeaisubitementenapercevantTripp.Qu’est-cequ’ilfaisaitici?
—Salut,lança-t-il.—Salut,répliquai-jesuruntoninterrogatif.—Tuesenpause?Jehochailatête.Jemedemandaispourquoiilm’avaitsuivie.—Tuasquelquechoseàmettrepar-dessustonmaillot?J’acquiesçaidenouveau.Cettefois-ci,ilsourit:—Habille-toietviens,onvadéjeuner.Onvadéjeuner.Ilvoulaitdéjeuner.Avecmoi.—O.K.,approuvai-jedocilement.Commesij’allaisrefuser.—Unepizzaetunesalleréservéenousattendent.Jem’ensuisoccupéenarrivant.Ouah…O.K.Jeplongeailamaindansmonsacenbandoulière,enressortismonparéoetl’enfilai
prestement.—Prête,lançai-je.Trippmetenditlamain.—Allons-y.Jemeursdefaim.Jesuissûrquetoiaussi.Denouveaujemecontentaidehocherlatête.Toutcelaétaittrèsdéroutant.Trippmeguidaverslasortiearrièreducaféattenantàlapiscinejusqu’àunesalleréservéeaux
soiréesprivées.Unetableétaitdressée;unepizzaetdeuxverrestrônaient.—J’aiprisduCocaclassique.Situpréfèresautrechose,dis-le-moi,Crystaliranouslechercher.
C’estellequiaorganiséçapourmoi.—LeCoca,c’esttrèsbien,répondis-jebêtement.—Jedérangetesplanspourledéjeuner?s’enquit-ild’unairpréoccupé.Jemecomportaiscommeuneidiote.Ilfallaitquejemeressaisisse.Jesecouailatête.— Non. J’allais manger un bout dans la salle de pause. J’avais emporté un sandwich et une
pomme.Çac’estmillefoismieux.Trippsouritettiraunechaisepourmoi.—Àlabonneheure.
Jem’assisetils’installaenfacedemoi.—Letravailsepassebien?demanda-t-ilenmeservantunepartdepizza.Jecommençaisàmedirequej’avaisdûtomberdanslesvappesàcausedelachaleuretquetout
celan’étaitqueleproduitd’unrêvedélirant.—Je,euh,çava,jeveuxdire,çameplaît.Trippdéposaunepartdepizzadanssonassiette.—J’avaisvujustepourlemaillotdebain.Iltevaàmerveille.Jerougisetbaissailatêtepourcachermaréactionstupéfaite.—Tuesalléeàdesfêtescettesemaine?interrogea-t-ild’unairtaquin.Jesecouailatêteenriant.—Non,jetravaillepasmal,plusletempsdem’amuser,affirmai-jeenprenantmapizza.Ellesentaitdivinementbonetmonestomacfaisaitdesgargouillis.—J’aicommandésansolives.J’adoreça,maisjen’étaispassûrquetulesapprécies,précisa-t-il
enmeregardantavalerunebouchée.Jenepouvaisdécemmentpasluiavouerquej’auraispumangern’importequellegarniture.Tout
simplementparcequ’il l’avaitchoisiepourmoi.C’était lapremière foisqu’ungarçonm’invitaitàdéjeuner.
—J’aimebienlesolives,lerassurai-jeaprèsavoirdégluti.Ilhochalatête.—C’estnoté.Laprochainefois,j’auraimesolives.Laprochainefois.O.K.Ilyauraituneautreoccasion.—Tutravaillesleweek-end?poursuivit-il.—Non.Cetétéjetravailleuniquementdulundiauvendredi.Tripp but une gorgée de soda et me dévisagea pendant un court instant. L’attention qu’il me
portaitmerendaitnerveuse.—Samedi,ilfautquej’ailleàLaNouvelle-Orléanspourrécupéreruntruc.Tuveuxfairelaroute
avecmoi?C’étaitforcémentuncoupdechaleur,jenevoyaispasd’autreexplication.—Biensûr,avecplaisir.Quitteàhalluciner,autantenprofiteràfond.
Aujourd’hui
Tripp
Appuyé contremamoto, les bras croisés sur la poitrine, j’attendais :Bethy terminait dans dixminutes. J’étais sorti une heure plus tôt d’une réunion du conseil avec Woods et n’avais pas vul’intérêtdepartirpourreveniraussitôt.
Leclaquementd’unepairedetalonssurletrottoirmefittournerlatête:Dellas’approchait.Sonsourirehabituelavaitdisparu, remplacéparunfroncementdesourcils inquiet.Ellesemariaitdansunequinzainedejours.J’avaisposél’invitationsurleplandetravaildelacuisine.Jeneleuravaistoujourspasachetédecadeau.
—TuattendsBethy?s’enquit-elleenseplantantdevantmoi.Jehochailatête.CommechaquefoisqueBethytravaillait,ellelesavait.—Ellerefusetoujoursdeteparler?J’acquiesçai de nouveau. Je ne voulais pas revenir sur tout ce que Bethy m’avait balancé la
semainepassée.Certainesparolesétaienttropdouloureuses,inutiledelesrépéteràvoixhaute.— Je déteste te voir dans cet état. J’aimerais vraiment que tu m’expliques ce qui se passe.
PersonnenecomprendpourquoiBethy tehait à cepoint etpourquoi tu la suis tous les jourspourt’assurer qu’elle va bien. Je n’ai vu ce type de dévotion que chez des hommes amoureux, maiscommentpeux-tuêtreamoureuxdeBethy?Tulaconnaisàpeine.Tun’aspasvécuassezlongtempsicipourfairesaconnaissance,enplusc’étaitlacopinedeJace.Ilyauntrucquinecollepas,Tripp.Tuesmonami.Quandj’aieubesoindequelqu’un,tuasréponduprésentàchaquefois.Jet’adoreetje déteste te voir t’infliger ça. Tu devrais peut-être repartir et mettre de la distance entre toi etRosemaryBeach.
À unmoment donné, j’avais espéré avoir des sentiments pourDella,maisWoodsKerringtonavaitemportésoncœuravantmêmequejenelarencontre.Àl’époque,jen’étaispasaucourant,maiscelan’avaitaucuneimportance:nousétionsdestinésàêtreamis.
—Jenepeuxpasl’abandonner,répondis-je.Dellaméritaitd’ensavoirplus.Elles’étaitconfiéeàmoiquandpersonned’autren’étaitlàpour
elleetjesavaisqu’ellemerendraitlapareille.Nousavionsétéproches.Maisça…jenepouvaisen
parleràpersonne.Jen’étaispasprêtàpartagercettehistoire.Dellapoussaunsoupiretserramonbras.— Je souhaite que quelqu’un puisse l’aider. Tout lemonde le lui souhaite.Mais pourquoi toi,
Tripp?J’arrachaimonregarddelaportepourleplantersurDella.—Parcequejel’aimedepuisquej’aidix-huitans.Jenepeuxpast’endireplus.Etjet’enprie,ne
lerépèteàpersonne.D’unecertainemanière,confessermessentimentsdelasorteétaitlibérateur.Dellaécarquillalesyeux,muettedestupéfaction.Elleensavaitplusquequiconque,àprésent.—Est-ceque…O.K…hum….ouah,bafouilla-t-elle.C’étaitnotresecret,jem’enétaisouvertàquelqu’un.Jen’avaisplusenviedepassersoussilence
lesmoments que j’avais vécus avecBethy. J’en avais assez de cacher la vérité. Si Jace n’était pasmort,j’auraisemportélesecretdansmatombe.Maisiln’étaitplusdecemonde.EtjeseraislàlejouroùBethyseraitprêteàmeparler.
Laportes’ouvritetBethysortitdubâtiment.Sonregardglissajusqu’àmoiet,uncourtinstant,nousrestâmesànousdévisager.Elleprenaitmaprésenceenconsidération.Pourquoi?
— Il faut que j’y aille, annonçai-je àDella en enjambantmamoto tandis queBethy prenait levolant.
—Mais…est-cequ’ellea trompéJaceavectoi?s’enquitDellacommesielleavaitpeurdelaréponse.
—Non.ElleaimaitJace.Della poussa un soupir de soulagement. Je démarrai ma moto, pris congé de Della d’un
hochementdetêteetsuivislavoituredeBethyverslasortieduparking.
Incapable de trouver le sommeil, je regardais les vagues se fracasser sur le rivage de monbalcon.C’estainsiquejepassaislaplupartdemessoirées.Cesoir,jen’avaispaseuenviedequitterBethy.J’avaisscrutésasilhouettedanslapénombretandisqu’ellem’observaitparlafenêtre.Jenelaquittaispastantquejepouvaisencoreladistinguer.Quandenfinelles’éloigna,jesusqu’ilétaittempsdepartir.Ellevoulaitquejem’enaille.
Uncoupàlaportemetirademespensées.Jetraversailesportes-fenêtresenmedemandantquipouvait passer à une heure si tardive. L’espoir fugace de voirBethyme traversa l’espritmais, enouvrant la porte, je tombai surWoods et sus aussitôt que Della n’avait pas gardé pour elle mesrévélations.Aufonddemoi,jesavaisbienqu’ellelerépéteraitàunepersonne,celleàquielledisaittout,etj’acceptaiscechoix.Jereculaid’unpasetluifissigned’entrer.
Woodspénétradanslesalonsansdireunmot.Jedécidaid’alleràl’essentiel:—Ellet’arépétécequejeluiaidit.—Elledortetignorequejesuisici.Maisoui,ellem’aparléparcequ’elles’inquiètepourtoi.Et
pourBethy.Moijesuisiciparcequejenecomprendsplusrien.J’aibeauinventertoutesleshistoirespossiblesetimaginables,jesuiscomplètementpaumé.Tuespartiquandtuavaisdix-huitans,c’estça?Bethyavaitquoi,seizeans?
Jem’approchaidesfenêtresetregardaidehors,incapabled’affrontersonregard.FairedesaveuxàDella,c’étaitunechose,maism’ouvriràWoods,lemeilleuramideJace,enétaituneautre.IlfallaitdéjàquejegèrelahainedeBethy.Jen’avaispasbesoind’ajoutercelledeWoods.Mêmesielleétaitamplementméritée.
—L’étéavantmondépart,commençai-je.Tuétais là.Tutesouviensquej’étaissouventabsent.Personnenesavaitoùj’allais,niavecqui.
Woodsétouffaunjuron:
—C’étaitBethy?Ilsesouvenait.Cetété-là,j’étaistellementobnubiléparBethyquej’avaisprisleplideleurservir
desexcuseschaquefoisqu’ilsvoulaientsortir.—Ouais,fis-jeenguised’aveu.—Merdealors.J’arrivepasàcroirequec’étaitelle.—Jerevenaispourelledèsquejepouvais.Maiselleétaittropjeuneetj’auraisfinientaulesion
m’avaitsurpris.C’étaitmonsecret.J’aifailliresteràcaused’elle.Etpuismonpères’enestaperçuetm’a clairement fait comprendrequemes jours àRosemaryétaient comptés. J’allaispasser l’annéeuniversitaireàYaleetlesétésdansl’entrepriseàManhattan.Enrestant,jelaperdais.Sijemettaislesbouts,j’avaislachancedepouvoirlaretrouverplustard.
Woodsrestasilencieux.J’avaisportécesecretenmoipendantlongtemps.Ilavaitchangémavie.J’enavaisconscienceetj’étaisprêtàl’accepter.J’étaismêmeprêtàaccepterquetoutlemondemedéteste.LaseulechosequiimportaitétaitquejepuisseveillersurBethy.Jen’avaisplusriend’autre.
—Jaceallaitlademanderenmariage,finitpararticulerWoods.—Jesais.Desdeux,c’étaitluilemeilleur.Ilallaitluidonnerlaviequ’elleméritait.C’estceque
jeluisouhaitais.Jevoulaissonbonheur.Etqu’elleaituneviequiluiressemble.Ellel’aimait.C’esttoutcequicomptait.Jefaisaispartiedesonpassé.Unpasséqu’elledétesteàprésent.
Woodsserapprochademoi.—Iln’ajamaissu?Jesecouailatête:—Non. Iln’yavaitaucuneraisonde le luidire.Bethy luiappartenait. Je l’avaisperduedepuis
longtemps.—Maistul’aimes.—Plusquemavie.—Merde,murmuraWoods.Je ne voulais pas en dire plus.La raison pour laquelle elleme détestait ne regardait personne
d’autre.Cen’étaitpasàmoid’enparler.—Ellet’enveutd’êtreparti?Ellem’envoulaitd’avoirtoutdétruit.Ellem’envoulaitd’êtreabsentquandelleavaitbesoinde
moi.—Jeluirappelletoutcequ’elleaperduavecJace.Elleabesoind’envouloiràquelqu’un,alors
ellemedéteste.Jeveuxbienl’accepter.Elleferademoicequ’elleveut.Woodsrestadeboutsansriendire.Ilnem’accusaderien.Iln’étaitpasencolèrecontremoi.Ilse
contentaderesterlà,àcôtédemoi.
Bethy
Le mariage de Harlow et Grant avait été merveilleux à célébrer pour la simple raison queHarlow,deboutdevantl’autelavecleurbébémiracle,étaitenvie.Jem’étaisrendueàlacérémonieetj’avaisversédeslarmesdejoieparcequeGrantavaitsafemmeetsonenfant.Aufinal,ilnelesavaitpasperdus.
À présent, trois mois plus tard, non seulement je devais assister à un autre mariage, mais jedevais enplusyparticiper. Je nepouvais pasme contenter de faire acte deprésencependant deuxheures.Nousallionspasserquatre jourssurune îleprivéequeWoodsavait louéepour l’occasion.Commeilnevoulaitpasinvitertouslesmembresducountryclub,ilavaitrecherchéuneplusgrandeintimitéet trouvéuneîle,prèsdesKeysdelaFloride,qu’onpouvaitréserverpourdesévénementsexceptionnels.Seulslafamilleetlesprochesavaientétéconviés,tousfraispayés.
Enplusdetoutça,Trippallaitêtreduvoyage.Pendantquatrelonguesjournées,j’allaisdevoirlecôtoyerdansuncadremondain,devantmesamis.Mêmesij’étaisheureusepourDellaetWoods,laperspectivedemeretrouveravecTrippnem’enchantaitguère.
Dellam’avaitprévenuequeThadseraitmoncavalieraumariage.Depuismonesclandreauclub,lorsquesaoule j’avaishurlésurTripp, tout lemondesavaitqu’ilyavaitde l’eaudans legazentrenous,maispersonnenecomprenaitpourquoi.Lesgenspartaientjusteduprincipequejeperdaislespédales. Della n’allait pas courir le risque de me choisir Tripp comme cavalier, même si c’étaitl’optionquiauraitétélapluspertinenteavantmoncraquage,étantdonnéqu’ilétaitlecousindeJaceettoutça.
Jeme tenaisdoncdans l’aérodromeprivé à l’extérieurdeRosemaryBeach.DeanFinlayavaitproposéquelejetparticulierdesSlackerDemonemmènelesmariésetlecortègesurl’île.WoodsetDellaavaientenvoyédesbilletsd’avionaurestedesinvités.Sauf,bienévidemment,auxmembresdeSlackerDemonquiétaientdelafêteetnousrejoindraientenjetdanslasemaine.
Dellasetenaitenbasdesmarchesd’embarcationetbavardaitjoyeusementavecBlaire.C’étaientmesamiesetjelesadorais.Jen’auraisaucunmalàêtreavecelles.Jeprisuneprofondeinspiration,agrippailapoignéedemavaliseàroulettesetmedirigeaiversl’avion.
Enm’apercevant,Dellaeutunlargesourire.Ellerayonnaitdebonheur.Elleavaitsurmontétantd’épreuves. Jeme souvenais de la jeune fille hantée par son passé qui avait débarqué àRosemaryBeach.Aujourd’hui,elleenétaitàdesannées-lumière.Ellen’étaitplusunevictime.Elleenétaitsortievictorieuse.
—Nousvoilàaucomplet, claironnaDellaenmeserrantdans sesbras. Je suiscontenteque tu
viennes.Merci,memurmura-t-elleàl’oreille.—Jen’auraisratéçapourrienaumonde.—Permettez-moidevousdébarrasser,mademoiselle,proposaunhommeentendantlamainvers
mavalise.Jeconfiaimonbagageàl’équipagepuismetournaiversBlaire.—Salut,toi,fis-jeensouriant.Blaireétaitmameilleureamie.Grâceàelle,j’avaiseuJace.Ellem’avaitmontréquejepouvais
avoirlegarsquejevoulaisenmesentantdigned’êtreaimée.Àbiendeségards,Blairem’avaitaidéeàretrouverunepartiedelafillequej’étaisavantTripp.
Avant, j’étais commeBlaire : forte, confiante, indépendante.Mais comme pour le reste, Trippavaittoutemportéaveclui.
—Tuvasbien?s’enquit-elleenmedévisageant.Blaireétaitlaseuleàavoirlecrandemedemandercommentj’allais.Lesautresavaientpeurde
ma réaction. Je voulais lui dire que la torpeur était partie. Qu’elle avait été remplacée par lessentimentsquej’avaisretenus.Auxquelsjedevaisfaireface.
Maisjeleluidiraisplustard.Ceweek-end,DellaetWoodsétaientàl’honneur.Jen’allaispastoutgâcheravecmatristesse.
—Jevaisbien.Jevoulaispasserlasemainedernière,maisj’aifaitdesheuressupplusieursjoursdesuite.
Blairehaussaunsourcil:—C’estàNatequ’ilfautexpliquerça.Iln’arrêtepasdedemander«TatieBetty»depuisquelques
jours.Ilal’habitudedetevoiraumoinsunefoisparsemaine,tusais.Cepetitboutdechouétaitunelumièredansmavie.J’adoraiscegamin.Àsanaissance,j’avaiseu
tellementpeurdenepaspouvoirl’approcher.JecraignaisquevoirBlaire,Rushetleurbébénesoittroppourmoi.Qu’enlevoyant,jeneressentequeduregretetdeladouleur.Maiscenefutpaslecas.Nateavaitconquismoncœuravecsajoliefrimousse.Ilm’avaitcharméeaupremiercoupd’œil.
—Ilseralàceweek-end?demandai-je,culpabilisantdenepasluiavoirrenduvisite.—IlarriverademainsoiravecDean.Songrand-pèrevoulait legarderà lamaisonpournous
laisserunenuitenamoureuxsurl’île.Jesecouai la tête.L’idéequeDeanFinlay,véritabledieudurock,s’occuped’unbambin,étaità
mourirderire.Maisenvéritéiladoraitcegosse.— Très bien mesdames, embarquez-moi les ragots, on met le cap au sud, s’exclamaWoods
depuislehautdesmarches.Il avait lesyeux rivés surDella. JeconnaissaisWoodsdepuisque j’étaisgamine.Levoir avec
Dellanecessaitdemestupéfier.Woodsn’étaitpasdugenreàsefixer.MaisDellaétaittoutpourlui.—Onarrive,répliquacettedernière.Àpeineàbord,jesentisimmédiatementsesyeuxsurmoi.Trippétaitlà.Lepoidsdesonregard
nemefacilitaitpaslatâche.J’étaismalàl’aise.Jenevoulaisrienressentirleconcernant.—Bethy!LavoixchaleureusedeHarlowm’accueillit.Elleavaitprisplacesurundesfauteuilsencuirde
l’avion.EllenetenaitpasLilaKatedanssesbras.Jem’étaispourtantattenduàcequ’ellevoyageaveclapetite,quiétaitminuscule.Elleétaitnéeprématurée,quatremoisplus tôt :elleétaitencore toutepetite,etabsolumentparfaite.Commesamère.
Jem’assisàcôtédeHarlow.—OùestLilaKate?Jen’avaispaseul’occasiondeluirendrevisitecesdernierstempsnonplus.Harlowhochalatête
vers lagauchede l’avionet j’aperçusGrantquiberçaitdélicatementsonbébéenluiparlantàvoix
basse.— Il l’aide à s’endormir. J’ai dû le supplier de l’emmener. Il était totalement stressé à l’idée
qu’elle prenne l’avion. Il lui a fallu unmois avant de lui faire prendre une voiture. Àmon avis,personned’autrenepourralatenirtantqu’onestdanslesairs.Mêmepasmoi!observa-t-elleavecunrireamusé.
EnregardantGranttenirsafilleavectantdedouceur,jemesouvinsdeluiàl’hôpital,lesyeuxfixés sur laportepar laquelleHarlowétaitpassée lorsque l’accouchementavait commencé. Il étaitresté là immobile, l’air perdu, pendant des heures. L’épreuve avait été dure pour tout lemonde –j’avaiseul’impressiondeperdreJaceunesecondefois–maisGrantétaitdansunétatépouvantable.Ilm’arrivaitrarementdepriermais,cettesemaine-là,jel’avaisfaitavecferveur.
—Ilssonttropmignons,commentai-je.—Tutrouves,toiaussi?Jetejure,quandilfaitça,j’aienviedeluisauterdessus.Jetrouveça
ultracraquant.Je partis d’un rire sincère qui me fit du bien. Je n’avais pas souvent l’occasion de rire. Nate
m’offraitmadosehebdomadaire.Soncharmedebambinréussissaitàmefairetoutoublier.—Qu’est-cequ’ilyadesidrôleparici?nousapostrophaBlaireens’asseyantenfacedemoi.—PapaGrantfaitcraquerHarlow,expliquai-jeenriant.Blaire sourit à son tour en découvrantGrant, la tête tout contre LilaKate, qui continuait à la
bercer.—Ilestultramignon.Jetejure.Jen’arrivepasàimaginerRushavecunepetitefille.Maisquand
jevoisGrantavecLilaKate,j’enveuxune.—Unautrebébépourbientôt?demandaHarlowàBlaire.Cettedernièresouritethaussalesépaules.—Peut-êtrepastoutdesuite.Nateaencorebesoindegrandir.Enplus,ilestépuisant.Quandil
s’estmisàmarcher,c’étaitquelquechose,maislàilcourt.Unefoisparti,impossibledel’attraper!C’est exactement ce dont j’avais besoin : demes amies quime faisaient rire à parler de leurs
enfantsetdeleurquotidiendemères.Jelesaimais,j’aimaisleursfamilles.Pendantprèsdedeuxans,j’étaispasséà côtéde tellementdechoses à forcedeme fermeràmesémotions. J’enavais assez.C’étaitpeut-êtreunebonnechosequelatorpeurdisparaisseenfin.
Huitansplustôt
Tripp
Bethyétaitdevenueunvice.Jesavaisbienquejenepouvaispasl’avoir,pourtantj’étaisincapablederesteréloignéd’elle.Sonvisages’illuminaitlorsqu’ellem’apercevait,c’étaitfabuleux.Depuisleweek-endoùellem’avaitaccompagnéàLaNouvelle-Orléansàl’arrièredelamoto,jetrouvaisdesexcusespourlavoirchaquejour.Jacemedemandaitsanscessedesortiravecluietlescopains,maisjenepouvaispasmerésoudreànepaslavoir.L’idéequ’elleéchoueàuneautresoiréesansquejesoislàpourlaprotégernem’incitaitvraimentpasàlalaisserseule.
Maiscelan’avaitpasl’airdeladéranger.Bonsang,onauraitmêmeditqu’ellenevoulaitvoirpersonned’autrequemoi.C’étaitsuperagréable.Jemerendaisbiencomptequ’ellecraquaitsurmoi.Çasevoyaitcommelenezaumilieudelafigure.Ducoup,c’étaitdeplusenplusdifficiledenepaslatoucher.J’enavaisvraimentenvie.Maispourl’instant,jemecontenteraisd’unbaiser.
Jem’assissurmabécanedevantsonmobilehome.Ellenevoulaitpasquejefrappeàlaporteetmêmesiçamadéplaisaitjerespectaissademandeetattendaisàl’extérieur.J’avaisdesbilletspourunfestival d’été à Destin ce soir. Plusieurs groupes de musique qu’on aimait tous les deux étaientattendus.
Laportedesavieillecaravanes’ouvritetellesortitencourantvêtued’unerobed’étécourtequiépousaitsesformessexy.J’étaisfoutu.J’étaissérieusementàçadecraquer.Jeneréussiraisjamaisàmeretenirdeposerlesmainssurelledanscettetenue.Touslesmecsallaientlamateretilétaithorsdequestionqu’ilspensentunseulinstantqu’elleétaitdisponible.
Elles’arrêtaàmahauteurpourmedévisager.—J’allaismettreunshortpourlamoto,maisj’aimonbikiniendessous,alorsjemesuisditque
çairait.Elleavaitl’airnerveuse.Onavaitpassétellementdetempsensemblecesdeuxdernièressemaines
quejemedemandaiscommentellepouvaitencoreêtrehésitanteenmaprésence.—Larobemeplaît, larassurai-jeentendantlamainpourl’aideràs’asseoir,puisjelui tendis
soncasque.Ilfautquetusoisrentréeàuneheureprécise?Je savais déjà que la réponse serait non ; son père n’était pas beaucoup à lamaison et c’était
uniquementlorsqu’elledormaitchezsatanteDarlaqu’elleavaituncouvre-feu.—Dutout.Monpèrenerentrerapascesoir.Elleglissalesbrasautourdematailleetappuyasapoitrinecontremondos.Jenem’enlasserais
jamais.Lasensationdesesseinscontremoifaisaitpartieintégrantedemonaddiction.— Tant mieux. Tu seras rien qu’à moi toute la soirée, répliquai-je avant de démarrer pour
regagnerlaroute.Je baissai les yeux sur ses jambes nues enroulées autour des miennes et pris une profonde
inspiration.C’étaitvraimenttropbon.Detempsentemps,j’accéléraijustepourleplaisirdelafairecrieretdelasentirmeserrerplus
fort.L’idéed’avoiràl’abandonneràlafindel’étémedérangeait.Quiprendraitsoind’elle?Elleétaitsidouce.Etpourêtreparfaitementhonnête,jedétestaisl’idéequ’unautrelatouche.Jen’avaisaucuneprétentionsurelle,pourtantj’avaisl’impressionqu’elleétaitàmoi.
Quandellelevaitsesgrandsyeuxsurmoi,toutétaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.Encesinstants-là,ellem’appartenait.Jelevoyaisbien:elleavaitdesétoilespleinlesyeux,rienquepourmoi. Je l’avais observée au travail avec d’autres types. Aucun d’entre eux ne décrochait lesregardsd’adorationqu’ellemeréservait.Àmoietàpersonned’autre.
Unefoisquenous fûmesarrivéssur laplagequiaccueillait leconcert, jenous trouvaiunbonspotet installai lacouverturequej’avaisapportée.Nouspasserionssansdoutelamajeurepartiedutempsdeboutpour regarder lesmusicienspar-dessus la têtedesgens,maisnousavionsplusd’uneheureavant ledébutde la soirée.Les spectateurs, étaléspartout surdescouverturesetdeschaises,buvaientetfaisaientlafête.
Bethyselaissatomberàcôtédemoienprenantsoindelaisserunespaceentrenous.Çanemeplaisaitpas,maisellelefaisaitsystématiquement.Commesielleavaitpeurquejenelarepoussesielle s’approchait davantage.C’étaitmalin de sa part,maismoi je n’avais plus la patience de faireattention.
J’enroulaimamainautourdesatailleetl’attiraicontremoijusqu’àcequesesjambestouchentlesmiennesetquesonflancreposecontremoi.Elleémitunpetithoquetdesurprisemaisselaissafaire.Detoutefaçon,jesavaisqu’ellen’essaieraitpasdesedégager.
—Tuessublimecesoir,luiglissai-je.Commeàchaquefois,lecomplimentlafitrougir.—Merci,souffla-t-elle.J’entreprisde tracerdespetitscerclesduboutdesdoigts sur sahanche.Ellecommençapar se
raidir,puissemitàfrissonner.J’atteignaismonpointderupture.—Viensici.Je l’attiraipourqu’elles’installeàcalifourchonsurmoi.Elles’assitsurmesgenoux, lesyeux
écarquillésdesurprise.Jesaisissonvisageentremesmainset,avantdechangerd’avis,recouvrissabouchedelamienne.
Elle inspirabrusquementetuncourt instant restasans réaction.Puiselleglissasesdoigtsdansmescheveuxtandisquemalanguecaressaitsalèvreinférieure.Elleécartalentementleslèvresetjeplongeaidans lachaleursucréedesabouche.Cette fois-ci,c’estmoiqui frissonnai.Songoûtétaitencoreplusenivrantquejenel’auraispensé.Jeglissaiunemainsoussarobepoursentirsapeaunue.Ellepoussaungémissementetselaissaallertoutcontremoi.
Bon sang, c’était si bon.Non, c’était parfait.Undecesbaisersqui changent tout. Jevoulais lasentirdavantage,maisnousétionssuruneplagepubliqueetjen’aimaispasl’idéequed’autresgarsserincentl’œilalorsqu’elleétaitàmoi.
Lorsqu’ellesecambrapourfrottersonbustecontremapoitrine,j’interrompisnotrebaiser,avant
deperdretotalementlecontrôle,etposailesmainssursesseins,quim’offraientmadosejournalièred’inspiration.
Bethyétaitrouge,ellerespiraitfort.Jedégageaimonvisagepourlaregarder.Sonairhébétémedonnaenviederugirdeplaisir.Jelatinsserréecontremoitandisquejereprenaismonsouffle.Sesyeuxglissèrentversmeslèvresavantdeseriverdenouveauauxmiens.
Ellepoussaunlongsoupiretselaissaretombersurmesgenoux,oùmonérectionl’attendait.Elles’immobilisa.Lefaitqu’ellechevauchemonsexenem’aidaitpasvraimentàmecalmer.
—Nebougepas,bébé,soufflai-je,lamâchoireserrée.Jemerépétaiqued’autresgarspouvaientnousvoir.Jen’aimaispasqu’ilslavoientcommeça.
C’est la seule raison pour laquelle je réussis à la soulever pour l’éloigner de moi. Le désir dem’appuyertoutcontreelleétaitintense.Maispasici.Jenepouvaispasfaireçaici.
—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.Jeladévisageai;elleavaitl’airgênée.Merde.Jelaserraicontremoietpenchailatêtepourl’embrasserdanslecou.—Nesoisjamaisdésoléepourça.Ellemefixaunmomentavantderépliquer:—D’accord.
Bethy
Cette nuit-là, quelque chose changea. Après notre baiser, les mains de Tripp me caressaientpartoutetilmetenaitserréetoutcontrelui.C’étaitlasensationlaplusenivranteaumonde.Jevoulaisqu’il m’embrasse de nouveau. On m’avait déjà embrassée, mais pas comme ça. Jamais de cettemanière.
Lesoleils’étaitcouchéet,danslapénombre,Trippm’attiracontrelui.Sesmainsreposaientsurmonventre, sous le tissudema robe.Lasensationsurmapeaunueme faisait l’effetd’uncourantélectrique. Je n’avais aucune idée de qui chantait ou de ce que racontaient les paroles. Les yeuxfermés,jemelaissaiallercontreTrippetsentissonérectiondansmondos.Lorsquejem’étaisassisedessus, j’avais dû retenir un cri deplaisir.La sensation entremes jambes était nouvellepourmoi,maisTrippm’avaitrapidementsoulevée.
Ilfitglissersesmainsjusqu’àlabasedemesseins.Marespirationsefitforte.Jenepouvaispasm’enempêcher.Àchaquesouffle,sespouceseffleuraientledessousdemonbikini.Jeneparvenaismêmeplus à faire semblantd’écouter lamusique. Je reposaima tête contre sapoitrine etprisuneinspirationtremblante.
—Qu’est-cequinevapas?memurmura-t-ilàl’oreille.Çaneteplaîtpas?J’avaisenviedehurlermonDieu, si !maisme contentai de hocher la tête.Ce soir, les choses
avaientprisun tournant radical. Jusqu’ici, j’avais réussiàmeconvaincrequeTrippmeconsidéraitcommeuneamie,riendeplus.Puisilm’avaitembrassée.Désormais,jenepouvaisdécemmentplusmedirequ’ilvoulaitêtremonami.Montroublen’avaitplusdelimite.Impossibledelecacher.
—Onpeutyaller?proposa-t-ilenretirantsesmainsdemapeau.J’eusenviedegrognerensignedeprotestation.Ilétaitsiproche.Lespicotementsàtraverstout
moncorpsavaientdenouveaufaiteffetentremesjambes.Çamerendaitlégèrementdingue.Jeparvinsàhocherlatête.Trippposalacouverturesursonbras,puisilm’agrippalamainetme
tiraàtraverslafoule.Satailleimposantequidépassaitpresquetoutlemondel’aidaitànaviguer.Jen’étais pas prête à rentrer à la maison, mais l’idée de serrer mon corps inassouvi contre le sienpendantuneheureétaitdélicieuse;çamesoulageraitpeut-être.
Cen’estqu’unefoissortiedelafoulequejem’aperçusquenousn’avancionspasendirectionduparkingoùilavaitgarésamoto.Nousnouséloignionsverslaportioninhabitéedelaplage.
Ilfaisaitnuitetjeprisgardeànepasmarchersuruncrabe.Larumeurduconcerts’estompa,lesbattementsdemoncœurs’accélérèrentetlespapillonss’agitèrentfrénétiquementdansmonventre:nousnousenfoncionsdanslenoirsurlaplagedéserte.Nouspassâmessousunpont.Tripps’arrêtaet
déplialacouverturesurlesolavantdeleverlesyeuxsurmoi.—Viensici,Bethy.J’avaisdumalàdistinguersesyeuxdanslapénombre,maisj’obtempérai.S’ilm’avaitdemandé
desauterdupontdansleseauxsombres,jel’auraisfait.Iltrouval’ourletdemarobe,laretiraetlalaissatombersurlacouverture.—Jenepeuxrientepromettre,Bethy.Etjenedevraispastetoucher.Maisj’enmeursd’envie.Si
tuveuxquejem’arrête,madouce,tun’asqu’unmotàdire.Luidired’arrêter?Jamaisdelavie.Jenepipaipasunmot.—Tuveuxquejetetouche?susurra-t-ilenm’attiranttoutcontrelui.Jeparvinsàhocherlatête.Ilbaissalatêteetselovacontrelacourbedemoncouenétouffantunjuron.Lachaleurdeson
haleinemefitfrissonneretjemeserraidavantagecontrelui.—Tuestellementbelle,c’enestdouloureuxdeteregardersanspouvoirtetoucher,souffla-t-il
dansmoncouavantd’ydéposerunbaiser.J’aiessayédelutter.Jeveuxsimplementteprotéger.Mêmedemoi,continua-t-iltandisqueseslèvreseffleuraientmonmenton.
Jenevoulaispasqu’ilmeprotègedelui.Jamais.—Jeneveuxpasmepréserverdetoi,répliquai-je.Pour preuve, je dénouai aussitôtmon haut de bikini. Je pris une profonde inspiration et nous
restâmestouslesdeuxfigéssurplace.Sil’undenousbougeait,lemaillotallaittomberetmedénudertotalement.Jevoulaissentirsesmains.Jen’avaispaspeurdeTripp.J’étaisamoureusedelui.
C’estTrippquibougeaenpremier. Je fermai lesyeux tandisquemonhautglissait, laissant labrisenocturnedansersurmesseinsnus.
—NomdeDieu,soufflaTrippavecadmiration.Mestétonsdurcirentetlepicotemententremesjambess’embrasainstantanément.Ilmesemblaattendreuneéternitéavantquesesgrandesmainsnemerecouvrentdeleurchaleur.
Ensentantsespaumessurmoi, jegémissonnomenm’agrippantàsesbras.Jen’étaispassûredetenirencorelongtempsdebouts’ilcontinuaitcommeça.
Ilcaressamesseins.Mesjambessemirentàchanceleretjeresserraimonétreintesursesmains.—Bethy,regarde-moi,plaida-t-ild’unevoixrauque.Jem’exhortaiàouvrirlesyeux,sachantquej’allaistrouverdanslessienslerefletdetoutceque
jeressentais.Jen’étaispluscapabledeluidissimulermessentiments.Pascommeça.Sesmainsquittèrentmesseins.Jecommençaiàprotester,maisilm’attiracontreluietdénouale
hautdemonbikiniqui tombaenfindans lesable. Ilposadenouveau lesmainsencoupesousmesseinsqu’ilcontemplaavecrévérence.Commejetremblai,illevalesyeuxsurmoi.
—Tumefaisconfiance?—Oui,répondis-jedansunsouffle.L’accentdésespérédemaréponseauraitdûmemettremalàl’aise,maiscen’étaitpaslecas.Pas
quandilmedévoraitdesyeuxdecettemanière.Ilbaissala têteetrecouvritmabouchedeseslèvresaugoûtmentholé.Jesentismesjambesse
déroberetm’agrippaideplusbelleàsesbras.Ungémissementsortit soudaindesapoitrine tandisqu’ilm’emportaitavecluiendirectiondelacouverture.
—Chevauche-moiencoreunefois,ordonna-t-ilenmepositionnantsursesgenoux.Jefisattentionànepasretombertropbrusquement:jenevoulaispasqueças’arrête.MaisTripp
mesaisitparleshanchesetmetiraverslesoljusqu’àcequemonentrejambesoitfermementappuyécontresonérection.
—Merde,souffla-t-ildansungrognement.Ilprenaitautantdeplaisirquemoi.Plustôt, j’avaiscruqu’ils’étaitarrêtéparcequecelanelui
plaisaitpas.J’étais soulagée, le frottement était encoremeilleur que d’habitude. Jeme laissai aller sur ses
genoux. Tripp m’embrassa de nouveau à pleine bouche, puis descendit dans mon cou, ses lèvress’attardantsurmaclavicule.Messeinstendusmefaisaientmal.Voirsabouche,siproche,c’enétaittrop.
Ses lèvresdescendirent encore, et il déposaunbaiser surmon tétonavantde l’aspirerdans sabouche.Lasensationdéclenchaunvéritablefeud’artificedanstoutmoncorps.Jesaisissatêteàdeuxmainspourlemaintenirenplace.C’étaitleparadis.Jenevoulaissurtoutpasqu’ils’arrête.Jamais.
Sesdentseffleurèrentmapeau,puisilsuçamonseingoulûment.Jememisàscandersonnomenserrant sa tête contre ma poitrine. Lorsqu’il délaissa mon sein pour l’autre, je poussai ungémissement de soulagement. La sensation était fabuleuse. Sous moi, ses hanches bougeaient enrythmeetletréfondsdemoncorpss’éveilladenouveau.Lepicotemententremesjambesrejoignaitcelui demes seins. Jememis à onduler contre lui. Il poussa un grognement tout en continuant àprodigueràmapoitrinetoutesonattention.
Sa réactionm’encouragea. Je remuaien rythme,excitéeparchaquenouveau frottementdesonérectioncontremoi.Ilsepassaitquelquechosedontj’avaisbesoin.
—Tripp,haletai-je.Jen’étaispassûredesavoirexactementcequejecherchaisàobtenir,maisc’étaitlàetj’enavais
envie.Ilrelevalatêtepourm’embrasser.Jemistoutmondésirdanscebaiser,avidedelesentirauplus
prèsdemoi.Ilsedétournaunbrefinstantpourretirersachemiseavantderetournerànotrebaiser.Mestétonshumidesettendusétaientserréscontresontorse.J’avaisenviedepleurerdejoie.
Je voulais le sentir plus proche encore. Jeme frottai contre lui etma respiration s’emballa. Ilfallaitquejepasselepas.Jenepouvaisplusmemaîtriser.Auplusprofonddemoi,ledésirprenaitlepouvoirsurtout.
LamaindeTrippsefaufiladanslebasdemonbikini.Jem’immobilisai,lesoufflecoupé.Ilallaitmetoucher.Là.OhmonDieu.
—Fais-moiconfiance,répéta-t-ilcommeunmantra.Jehochailatêtesansreprendremarespiration.Lorsquesesdoigtsseglissèrentlelongdemes
plis,moncorpsentiertressauta.—OhSeigneur,criai-je,incapabledemeretenir.—Chuuut,doucement,bébé,jesuislà,mesusurra-t-ilàl’oreilled’unsouffleaussisaccadéque
lemien.Tuestrempée.Sesdoigtscoulissèrent sanspeine. Ilavait raison : j’étais trempée.Soudaingênée, jebaissai la
tête.J’étaiscenséemouilleràcepoint?Jel’avaisdégoûté?—Bethy,moncœur,regarde-moi.Desamainlibreilmesoulevalementon.Jem’exécutaiet l’ardeurdesonregardmecoupale
souffle.—C’estsisexyquetumouillesautantpourmoi.Çaveutdirequetuasenviedemoiautantque
j’aienviedetoi.Iln’yariendeplusdouxaumonde.Rien.C’estalorsqu’ilglissaundoigtenmoi.Àcetinstantprécis,j’auraiscrutoutcequ’ilmedisait.—Jeveuxtegoûter,là,poursuivit-ilenretirantsondoigt.J’enavaisentenduparler.Jesavaisqueçasefaisait,maisjenesavaispastroppourquoi.—Jepeuxtegoûter?Tuveuxbien?insista-t-il,lavoixtendue.Jevoulaisqu’ilprenneautantdeplaisirquemoi.S’ilavaitenviedemegoûter,jen’allaispasl’en
empêcher.Jehochailatête.Enunclind’œililm’avaitallongéesurledos.Ilretiramonbasdemaillot.Je
me retrouvai entièrement nue.Aucun homme nem’avait vue comme ça. Jeme sentis soudain trèsnerveuse.
Tripp ne remarqua rien. Toute son attention se portait sur mes parties intimes. Il écarta mescuissesetsonregards’illumina.Cequ’ilvoyaitnedevaitpourtantpasêtrebienattrayant.Qu’est-cequiluiplaisaitdonctant?
Ilsebaissajusqu’àcequesatêtesoitentremesjambes.Sondoigtavaitreprissescaresses,maiscettefoisc’étaitdifférent,jen’étaisplusdissimuléeparmonmaillot,j’étaistotalementouverte.
—Mêmeici,tuessuperbe,murmura-t-il.Ilm’effleurajusqu’àcequesondoigtretrouvel’entréeparlaquelleilm’avaitpénétréeplustôt.—Ahhh,Tripp,ahanai-jeenmecambrantsoussacaresse.—Hum-hmmm,m’encouragea-t-ilavantdem’envelopperdelachaleurdesalangue.Lecontactmefitpousseruncri.C’étaitencoreplusfortquelasensationdesondoigt,jen’aurais
jamaispenséquec’étaitpossible.—C’estencoremeilleurquecequej’imaginais,murmura-t-ilcontremapeaubrûlanteavantde
melécherdenouveau.Jen’arrivaisplusàrespirer,j’étaisperdue.C’étaittropetpasassezàlafois.Trippmegoûtaavecpassion.Salanguemepénétraitàl’intérieur,puisremontait,caressantd’un
mouvement circulaire les zones les plus sensibles. Chaque fois qu’il passait sur un point enparticulier,jehurlaisonnom.C’étaitplusfortquemoi.
Au fonddemoi, la sensationprogressait crescendo,etmondésiravec. J’auraispumourir surplacetellementc’étaitbon.J’envoulaisplus.J’avaisl’impressiond’êtreenchutelibredansunmondeinconnu.
—Tripp,soufflai-jeenagrippantsesépaules.— Jouis pourmoi,mon cœur, j’ai envie de le goûter,m’encouragea-t-il tandis que sesmains
remontaientlelongdemoncorpspourrecouvrirmesseins.J’explosai.Ouplutôtlemondeautourdemoiexplosa.
Aujourd’hui
Tripp
Pas une fois elle n’avait regardé dans ma direction. Son attitude délibérée me faisait sourire.J’arrêtaidoncde lasurveillerdeprèset tournaimonattentionsurWoodsquivenaitdes’asseoiràcôtédemoi.
—Tuvasbien?Saquestionrevenaitrégulièrement.SurtoutdepuisquejeluiavaisparlédemonpasséavecBethy.—Oui,répliquai-jepournepasgâchersonweek-end.Prêtàpasserlabagueaudoigt?WoodssouritetjetaunœilversDella,quiseservaitunverred’eauaubar.—Plusquejamais.Jel’auraisépouséeplustôtsiellem’avaitlaisséfaire.MaisDellamériteun
mariagedecontedefées.Jevoulaisluioffrirça.Della se tourna vers Woods comme si elle avait senti qu’il parlait d’elle et lui sourit avec
douceur.Woodsm’administrauneclaquesurlacuisseetseleva.—Ravid’avoirbavardéavectoi.Ilfautquej’ailletoucherdeuxmotsàmafiancéedanslasalle
dufond.Enunclind’œil,ilavaitdisparu.Commes’ilsallaientdanslasalledufondpourparler,pensai-je
engloussantderire.JeretournaimonattentionsurBethy,quiétaitassiseentreHarlowetBlaire.Elleaffichaitunlargesourire.Elleétaitheureuse.Laconversationluifaisaitdubien.Cesourirem’avaittellementmanqué.Plusjamaisellenemesouriaitàprésent.
GrantpritplaceàcôtédeHarlow,sapetite filleserréecontresapoitrine.Harlowluiglissaunmot,ilsouritetsepenchapourdéposerunbaisersurseslèvres.Bethys’imprégnaitdeleurfélicitésans l’ombre d’un ressentiment.Mais je lisais une langueur sur son visage, quime fit souffrir. JedétestaissavoirBethytouteseule.Jedétestaisqu’ellem’empêchedel’approcher.
Uneannoncedupiloteparlehaut-parleurnousconviaànouspréparerpourledécollage.RushentraînaBlaireversunespaceprivédel’appareil.Bethyeutsoudainl’airperdue.Commesiellenesavaitplusquelleétaitsaplace.
Thad prit le siège laissé vide à côté d’elle et prononça quelques mots pour la faire sourire.
J’avaisenviedeluifaireavalersesdentsetdeleremercierenmêmetemps.Ilavaitvulamêmechosequemoietavaitentreprisd’y remédier.Elle le laissait faire.Luiaumoinsne luiavaitpasbrisé lecœur.
Jemecalaidansmonsiègeet attachaimaceinturecomme tout lemonde. Jem’adossai contrel’appui-tête et fermai les yeux. Je n’allais pas regarder Thad divertir Bethy pendant deux heures.J’étaiscontentqu’ilsoitlàpourelle,maisilnefallaitpastropm’endemander.
QuandDellaetWoodsavaientannoncéquechacunauraitsahutteprivée,jenem’étaispasattenduà tant de luxe.On était loin d’une simple hutte. Jeme trouvais en réalité à l’intérieur d’une petitemaison qui donnait directement sur le bleu limpide de l’eau. Une passerelle menait à la portionprincipaledel’îleetauxautres«huttes».Lesmursdepierreetlacheminéen’étaientqu’uneinfimepartie de ces étonnants logements. La maisonnée était ouverte des quatre côtés, offrant une vuepériphériquesurl’eau.Lanuit,unsimpleboutonfaisaitdescendrelesmurs.
Le lit king size qui trônait au milieu de la pièce était entouré de machins transparents quipendaient du plafond. Je posai mon sac à dos sur le matelas et sortis au bord de l’eau. On étaitvraimentdansuncontedefées,Woodsneplaisantaitpas.Ilavaitmislepaquet.
Unmouvementsurmagaucheattiramonattention;j’aperçusBethyquisortaitdelahuttevoisineenbikini.Commeellenem’avaitpasremarqué,jerentraisubrepticementàl’intérieur,horsdevue.Elleappliquaunecouchedecrèmesolaireavantdes’allongersurladoublechaiselongueenteck.Iln’yavaitquedeuxhuttessurchacunedesvingtextensionsquecomptaitl’île.J’avaisuneseulevoisine: Bethy. Elle ne serait pas contente de l’apprendre et je n’étais pas pressé de le lui faire savoir.J’attendraisqu’ilsoittroptardpourqu’elledemandeuneautrehutte.
Jem’assissur le fauteuilpoireà l’intérieurpour l’observeràson insu.Elle jetaunœilautourd’elle.Jesourisdansmabarbe.Puiselleseretournaetdénouasonhaut.Merde.Jenelavoyaispas,mais savoir que j’apercevrais ses seins si elle se relevait suffisait àme tenir en alerte. Je priai ensilencepourqu’elleaitrapidementquelquechoseàattraper.
Unefoisauparavantelleavaitretirésonhautdebikinipourmoi.Maiscettefilleetsesregardsadorateursn’existaientplus.Ladouleurcisaillaitmapoitrinechaquefoisque je repensaisàcequej’avaisperdu.Jen’allaispasmentir:j’avaischerchélamêmechoseailleurs.Quandj’avaiscomprisquejenepourraisplusjamaisavoirBethy,j’avaistentéderecréerlessensationsquej’avaisconnuesavecelle.J’avaisessayéavectantdefemmes,maismêmecellesquiavaientdesétoilespleinlesyeuxn’étaientpasàlahauteur.Bethyétaitirremplaçable.
Ilm’avait fallu six longuesannéespourme rendreà l’évidenceque jenevoudrais jamaisuneautre femme. En revenant à Rosemary Beach, après l’avoir vue avec Jace, je m’étais dit que sonbonheurmesuffirait.Maisc’étaitfaux.J’avaiseuenviedeplusqueça.J’avaisdoncdenouveauquittélavillepouréviterdedétruirecequ’elleavaitavecJace.
Maismondépartn’avaitrienaidé.Iln’avaitfaitqu’empirerleschoses.Jen’auraisjamaisdûrevenir.Maislemalétaitfait.JenequitteraispasBethyunesecondefois.
Bethy
C’étaitmoinsdurquecequejepensais.Latranquillitédulieuétaitparfaite.Jesentislachaleurdusoleilsurmesbrasetmesjambestandisquejerejoignaisleluausurlapartieprincipaledel’île.Ilnes’agissaitpasdudînerderépétition,quiauraitlieudemainsoir.C’étaitl’enterrementdeviedegarçonet de jeune fille revu et corrigé par Woods et Della. Woods avait insisté pour ne pas avoird’enterrementdeviedegarçonetnevoulaitpasqueDellaaitd’enterrementdeviedejeunefille.Ilvoulaitfairelafêteencouple,aveclesamis,passéparément.Nousavionsdoncorganiséunbanquetdanslestyledel’île.Dellanousavaitfaitlasurpriseenfaisantlivrerdansnoshuttesdesbikinisennoixdecocoetd’authentiquespagnes.Jedevaisreconnaîtrequ’ilsétaientplusconfortablesquejenel’avaisimaginé.Etjen’étaispasmécontented’avoirprisunpeulesoleilsurlesbrasavantd’enfilerlehaut.
Destorchestikiéclairaientlecheminquimenaitaupetitattroupement.—BonjourBethy.LavoixdeTrippmefitsursauter.Jefisvolte-face.Ilportaitunshortdebain,riend’autre,laissant
voir sesnombreux tatouages. J’arrachaimonregarddeson torsenupouréviterde lesadmirerdeprèsetluitournaidenouveauledos.
—Salut,lâchai-jefroidement.L’ignorersurl’îleseraitpéniblepourtoutlemonde.JevoulaisépargnerçaàWoodsetDella.Il
étaittempsdepasseràautrechoseetdemettreuntermeàmesémotionsconcernantTripp.Comme s’il avait lu dansmespensées, il resta à distance respectueuse sansdire unmot.Nous
avançâmesensilenceverslegroupe,puisTrippgagnalebaràdroitesansseretourner.Jerelâchaienfinmarespiration.Enm’éloignantdansladirectionopposée,jetombaisurBlaire
quibavardaitavecDellaensirotantuncocktaildefruits.—Rushadorelecostume.Ilt’enestéternellementreconnaissant,racontaBlaireengloussantde
rire.Jen’avaisaucunmalàmereprésenterl’enthousiasmedeRushfaceausoutien-gorgeennoixde
cocoetàlajupetahitiennequ’avaitrevêtisBlaire.—Bonjour, Bethy, lançaDella dans un éclat de rire. Il semblerait que les garçons soient très
contentsdelatenuevestimentairedesfilles.Enfin,àpartGrant.Harlowm’aracontépartextoqu’elleavaitdumalàsortirdelahutte.Grantfaisaitsonhommedescavernesetnevoulaitpasqu’onlavoieenpubliccommeça.
C’était duGrant tout craché.Avant l’arrivée deHarlow, sa vie n’était qu’une partie de plaisir.
Depuis,Grants’étaittransforméenpapaprotecteuretenépouxpossessif.Etilleportaittrèsbien.—Tahutteteplaît?s’enquitDellaenmedévisageantattentivement,commesielles’attendaità
uneréponsenégative.—Elleestfabuleuse.Pasvraimentunehutte,plutôtunparadisprivésurl’eau!Dellajetaunœilpar-dessusmonépaulepuismefixadenouveau.—Tantmieux.Jesuiscontente.Nousavonsréservétoutesleshuttesdel’île.Jeveuxquetoutle
mondesesentebiendanssonlogement.—Sérieusement,cetendroitestmagnifique,larassurai-je.—Rushetmoi logeons sur l’îleprincipale, enchaînaBlaire en avalantunegorgée.Ceshuttes
sontsublimesmais,quandNateseralà,jenepourraijamaisfermerl’œildelanuitsachantqu’ilpeutcourir sans problème jusqu’au bord de l’eau. Du coup, le logement sur l’île principale estsuffisammentéloignédel’eaupourqu’onn’imaginepaslepireavecNate.
Blairejetaunœilpar-dessusmonépaulepuismeregardaenfronçantlessourcils.—Bethy,qu’est-cequisepasseentreTrippettoi?OnpouvaittoujourscomptersurBlairepourposerdesquestionsdirectes.Avecelle,j’avaiséludé
laquestionsisouventquejenepouvaisplusyéchapper.—Rien,fis-je,coupabledeluicacherlavérité.—Tumens.Ça se voit comme le nez aumilieu de la figure. Et puisTripp n’arrête pas de te
surveiller.Dellaavait l’airnerveuse.Elle savaitquelquechose.ElleetTrippétaientamis, trèsbonsamis,
même. C’est pour elle qu’il était revenu en premier lieu à Rosemary Beach. Ça m’avait renduetellementjalouse.Pourçaaussi,jem’enétaisvoulu.Maisfairecommesiderienn’étaitalorsqu’ellevivait dans l’appartement de Tripp n’avait pas été facile. Et puis deux semaines plus tard, c’étaitévidentqueDelladésiraitWoods.
—Bethy,regarde-moi,insistaBlaireàvoixbasse.Jelevailesyeuxsurelle.Sonfroncementinquietsecreusadavantage.—Ils’estpasséquelquechoseentretoietTripp?J’enavaismarredefairesemblant.—Ilya longtemps.Avantqu’ilnequitteRosemaryBeach lapremière fois, avouai-jedansun
murmure.Dellapoussaunsoupir.Lesoulagementselisaitsursonvisage.Elleétaitaucourant.Illuiavait
raconté.Maisellen’avaitriendit.PasmêmeàBlaire.—C’estbiencequejepensais.C’estlaseuleexplicationquitenaitlaroute,renchéritBlairequi
gardaitlesyeuxrivésau-delàdufeudecamp.(Inutiledevérifierpoursavoirqu’elleregardaitTripp.)C’étaitsérieux?
—Oui,répliquai-je.Jenepouvaispasendireplus,niàelleniàDella.Lesecretétaittropdouloureuxpourquejele
partage.C’était l’erreurlaplusgravequej’aiejamaiscommiseetelleétait impardonnable.ChaquefoisquejetenaisNateetLilaKatedansmesbras,jesavaisquejeneseraisjamaisdigned’avoirdesenfants.Jamaisjenepourraismelepardonner.Alorspourquoilesautresleferaient-ilsàmaplace?
—Maisc’étaitilyalongtemps.Pourquoituluienveuxautant?s’obstinaBlaire.Parce qu’il m’avait fait remettre en question l’amour que je portais à Jace. Parce qu’il me
rappelaitquej’avaisconnuquelquechosed’immense.EtquecequejeressentaispourJacen’étaitpasaussifort.C’estpourcetteraisonquejemehaïssais.Etquejelehaïssais.
—Jenepeuxpasenparler.S’ilteplaît,laissetomber,tranchai-je,incapabledelaregarder.Je n’attendis pas sa réponse. Je gratifiai Della d’un sourire forcé, puis tournai les talons et
m’éloignai du groupe. J’avais envie dem’entourer de la pénombre.D’être seule.Deme ressaisir
pourpouvoirrejoindrelesautresetfairecommesitoutallaitbien.J’entendisdesbruitsdepasderrièremoi.J’accélérai:Blairen’étaitpasdugenreàmettredel’eau
danssonvin.Elleallaits’inquiéterpourmoi.Pourunefois, j’aurais justeaiméqu’ellemelâcheetqu’ellemelaissegérerçatouteseule.
—Non,Blaire,jem’enoccupe,coupalavoixdeTripp.Jemefigeaisurplace.Personnenepipaunmot.Jenesavaispluss’ilfallaitquejeprennemes
jambesàmoncouaurisquedefaireunescèneouquej’affrontelasituation.FairefaceàBlaireétaitunechose.FairefaceàTrippétaituneautrepairedemanches.
—N’insistepas,ordonnaTrippd’unevoixsévère.Blairepoussaunsoupircontrarié.—Elleabesoindequelqu’unàquiparler.—Etcen’estpasforcémenttoi.Elleparleraquandelleseraprête.Laisse-latranquille.LetonqueTrippadoptaitfaceàBlairem’étonna.Jemeretournai:BlaireetTrippseregardaient
enchiensdefaïence.—Trèsbien.Maisjenesuispassûrequ’elleaitenviequecesoittoipourautant,ripostaBlaire.—Eneffet.Maisjenelaforcepasàmeparler.D’unpas,Tripps’interposaentreBlaireetmoi.Jen’avaispasbesoinqu’onmeprotègedema
meilleureamie.Pourtant,soninterventionfissuraitlemurquej’avaisérigé.Blairehochalatêteetregagnalafête.Lorsqu’ill’eutperduedevue,Trippseretourna.Nosregardssecroisèrent.—Çava?s’enquit-il.J’essayaid’acquiescer,maisparvinsàpeineàhausserlesépaules.—Cen’estpastrèsconvaincant,Bethy.Jementaisàtoutlemondedepuissilongtempsquej’étaisàcourtdemensonges.J’enavaisassez.
Non,jen’allaispasbien.J’étaisunhorriblepersonnage.Jedevaisvivreavec.Jedevaisvivreavecladouleuretladestructionquej’avaisengendrées.Jamaisjen’iraisbien.
—Merci…(J’agitaimamainversl’endroitoùBlaires’étaittenue.)Pourça.Ilhochalatête.Puisilfitdemi-tourets’enalla.Iln’allaitpass’attarderpourmetirerlesversdu
nez.Nouvellepetitefissuredansmonmur.Çanemedisaitrienquivaille.J’avaisbesoindemonmurdeprotectionplusquejamais.
Tripp
Bethy rejoignit le luau quinze minutes plus tard. Son sourire jurait avec son regard, maispersonnenesemblas’enapercevoiràpartmoi.ElledansaavecThad,puisunpeuavecBlaire.EllepritLilaKatedanssesbraspendantunpetitmoment.J’avaisdumalàlaregarderavecunpetitbébélové contre elle.Mais je ne pouvais pas détourner le regard,même si la douleur de ce que nousavions perdu était écrasante. Je n’en voulais pas à Bethy. Jeune, elle avait eu peur. En plus d’êtrerarementdanslesparages,sonpèren’étaitpasgentilavecelle.Àcetteépoque,ellen’étaitpasprêteàêtremère.Etjen’avaispasétélàpourlasoutenir.
Mais jem’en voulais àmoi. Pardonner aux autres était facile, me pardonner àmoi-même serévélaitimpossible.
Unedesserveusesquin’arrêtaitpasdeflirteravecmoivintdenouveausependreàmonbras.—Jeterminedanscinqminutes,meglissa-t-elleàl’oreille.Elledevaitavoirdeuxansdemoinsquemoi.Seslongscheveuxblondsressortaientsursapeau
bronzéeparlesoleildel’île.Elleétaitséduisante,celanefaisaitpasl’ombred’undoute.Thadl’avaitmatéetoutelasoirée.Maisc’estaprèsmoiqu’elleenavait.
—Tudoisêtrefatiguée,répliquai-jed’unevoixégalesansquitterBethyduregard.ElletendaitLilaKateàsonpapa.Grantneseséparaitpassouventdesapetite.— J’ai plutôt envie de m’amuser. Une petite baignade nocturne, peut-être, si j’avais de la
compagnie,suggéra-t-elleenmecaressantlebras.Samain suivait le dessin d’un demes tatouages, le tout premier que j’avais fait. Les femmes
avaienttoujoursunfaiblepourlui.Ellesétaientloindesedouterqu’àl’intérieurdesmotifstribauxquirecouvraientlamajeurepartiedemonbrasgauchesedissimulaitenchiffresromainsladatelaplusimportantedemavie.
—Tuvois ladatecachéesous ledessin?demandai-jeà la fillesans la regarder, tandisque jevérifiaissiBethyétaitsurledépart.
—Euh…ici?s’enquit-elleentraçantleschiffresduboutdesdoigts.—Ouais,lâchai-jealorsqueBethyriaitavecThad.Sonrireétaitforcé.Jeconnaissaislamélodiedesonvrairire.Celui-cin’étaitpassincère.—28juin2008,déchiffra-t-elleentraçantledernierchiffre.Çareprésentequoi?Çanepeutpas
êtretonanniversaire?lança-t-elled’unevoixtaquine.—C’estlanuitoùj’aidonnémoncœuràlafemmequiestlà-bas,expliquai-je.LanuitoùBethys’étaitdonnéeàmoi.
La fille cessa de caressermon tatouage. Samain retomba le long de son corps. Elle resta uninstantsilencieuse.Jem’attendaisàcequ’elles’enaille.
—Ellenet’apasparlédelasoirée.Jepensaisquetuétaiscélibataire,sedéfendit-elle.—Çafaithuitansqu’ellemedéteste.Pourtant,çanechangerien.Commesi ellem’avait entendude l’autrecôtédu feudebois,Bethy leva lesyeuxsurmoi.Sa
poitrinesesoulevaetretombabrusquement.Sesyeuxglissèrentsurlaserveuseàcôtédemoietelletourna les talons. Sa posture raide nem’inquiéta pas. Au contraire, j’avais envie de hurler enmetambourinantlapoitrine.Bethyétaitjalouse.Outoutdumoins,ellen’étaitpasindifférenteaufaitdemevoiravecquelqu’und’autre.C’étaitundébut.
—Ellen’apasl’airintéressée,commentalafille.—Çanechangerien,répétai-je.Etc’étaitvrai.J’enavaisassezdesrapportssuperficielsetinsignifiants.Lafillefinitparlâchermonbrasenpoussantunsoupir:—C’estdommage,onauraitpupasserdubontemps.Non.Onauraitpuperdredutemps.Je la laissai s’éloigner sans réagir à son ultime tentative pour attirermon attention. Bethy ne
relevapaslesyeuxsurmoi.Lorsqu’ellesemitenmarche,jeluiembrayailepas.Unemains’abattitsoudainsurmonépaule.Jefisvolte-faceetmeretrouvaifaceàRush.Jeme
demandais’ilétaitvenumecasserlagueuleàcausedemonattitudeenverssafemmeunpeuplustôt.—Bethy,dit-il. (Jerestaisilencieuxenattendantdevoiroù ilvoulaitenvenir.)J’aientenduce
queturacontaisàlaserveuse.Ladatesurtonbras.C’étaitl’étéavanttondépart.TuparlaisdeBethy.—Ouais,lâchai-je.Jenem’attardaipaspluslongtemps.Bethysedirigeaitverssahutteauborddel’eau.—Bonsang,maintenanttouts’explique,marmonnaRushdansmonsillage.Bethy n’avait pas remarqué que je la suivais. Elle traversa la passerelle qui passait devantma
hutte, tête baissée.Elle lui jeta unœil et jemedemandai si elle avait eu la curiosité de savoir quilogeaitàcôtéd’elle.
Jem’arrêtaiàhauteurdemahutte.Bethyétaità l’extérieurde lasienne, lesbrascroiséssur leventre, le regard perdu dans l’eau. Je me glissai dans l’ombre du palmier devant chez moi pourl’observer.Elleinclinalatêteenarrièreetfermalesyeux.Siseulementelleacceptaitdemeparler.J’avaistantdechosesàluidire.Jevoulaislaserrercontremoietfaireledeuildecequenousavionsperduensemble.Maisplusquetout, jevoulaisqu’ellereviennedansmavie.Quellesquesoientsesconditions.
—Jesaisquetueslà.Tuestoujourslà.Jenesaispascommentréagir,Tripp.Jenesaisvraimentplusquoifaire.
LesmotsdeBethymetirèrentdemespensées.Jesortisdel’ombre.Ellesetournaversmoi,lesyeuxemplisdedouleur.J’avaisenviedel’aider,deluiprendresadouleur.
—Parle-moi,suppliai-je.Bethysecoualatêteetdétournaleregard.— Tout ce qu’on pourra dire ne ferait que raviver la douleur. Pourquoi veux-tu tout faire
ressurgir?—C’estlepremierpasverslaguérison.Ettoutn’estpasunedouleur,soulignai-je.C’étaitvrai.Certainssouvenirsm’avaientaidéàsurmonterlesmomentslesplusdifficiles.—Tuveuxlafillequetuaslaisséederrièretoi.Cen’estplusmoi!Tunecomprendsdoncpas?
Elleadisparu.Jel’aiperdue.Meschoixontfaitdemoiquelqu’und’horrible.Jeneméritepastoutletempsetl’énergiequetudépenses.
Merde.Jefisunpasverselle.Ellereculaaussitôt.
—Tutetrompes.Jeneveuxpasdelafilledeseizeansquej’ailaisséederrièremoi.Jeveuxlafemmequ’elle est devenue.Cette femmepleinededouceur, de compassion, de foi et de forcequej’observedeloinchaquejourdemavie.C’estellequejeveux.Rienn’ajamaischangépourmoi.Pasavectoi.
Bethyeutunriredurquimefittressaillir.Ilétaitentremêlédedouleuretdecolère.—J’aiavorté,Tripp.Notrebébé.Aprèsj’aicouchéavecdesmecsquin’enavaientrienàfoutre
demoi.Jusqu’àcequeJacevoiequelquechoseenmoi.Ilm’aimait.EtpuistuesrevenuàRosemaryBeachetmoncœur,commeunimbécile,s’estremisàbattre.Jacem’aimaitetvoulaitd’unevieavecmoi,maisc’esttoiquienvahissaismesrêvesetmespensées.Jenepeuxpasrevenirsurça.Ilestmortetjenepeuxpasarrangerquoiquecesoit…
—Arrête.Tuétaisunegamine,Bethy.Ettuavaispeur.Tun’avaispaslechoix.Tuasécoutétatante.C’estàcausedemoi,cettedécision-là.Demoiseul,madouce.C’estàmoideportercettecroix,pas à toi. Tu as couché avec des mecs parce que tu essayais d’oublier la douleur. Et Jace étaitsuffisammentintelligentpourvoirlabeautéentoietlavouloirdanssavie.Cen’estpasdifficiledet’aimer,Bethy.C’estuneévidence.Jacel’avaitbiencompris.Ilt’aimait,ettul’aimais.Monretourenvillearavivédevieuxsouvenirsetdeschosesquetuvoulaisoublier.Tun’aspastrahiJace.Tul’asaimé.Moijefaisaispartied’unpassédonttun’avaispastournélapage.Alorsarrêtedeculpabiliser.Arrêtedepenserquetuascommisl’irréparable.
Bethytournaversmoisonvisagebaignédelarmes.Sonexpressionmedisaitquej’avaisraison,quejen’avaispasétésonseulamour.J’essayaisdenepasypenser,parcequepourmoielleétaitlaseule.Jen’avaisjamaisressentiçapouruneautre.Maiselle,oui.Soncœurétaitpasséàautrechose.
—Jel’aivraimentaimé,répliqua-t-elleavecunsouriretriste.Jel’aitellementaimé.Maisquandjet’airevu,quelquechoseenmois’estréveillé.Jedoisvivreavec.Ilméritaitdem’avoirtouteàluietiln’ajamaispu.
Jen’avaispaslaréponseàça.Bethys’éloignaendirectiondesahutte.Jerestaiimmobilependantcequisemblauneéternité,lesyeuxrivéssurl’endroitoùelles’étaittenue.
ElleavaitaiméJace.Jel’avaisvudanssesyeuxquandelleleregardait.Ill’avaitrendueheureuse.Chaquefoisqu’illuidisaitqu’ill’aimaitetqu’ellefondaitdanssesbras,monâmesebrisaitunpeuplus.
Maisvenait-elledemedirequejepossédaisencoreunfragmentdesoncœur?
Bethy
Le lendemain, lorsque je rejoignis l’île principale pour le petit déjeuner des demoisellesd’honneur et les soins spa, les volets de Tripp étaient encore baissés. Il devait dormir. La nuitdernière, après ce que je lui avais dit, jem’étais attendue qu’il passeme voir.Mais il n’avait pasbougé.Iln’allaitpasmeforcer.Ilavaittoujourseuàcœurdemeprotéger,ycomprisdemoi-même.C’estaussicequej’aimaischezluiquandj’étaisadolescente.
Personnen’avaitvraimenteuenviedemeprotégeràparttanteDarlaetmêmeelleparfoisnes’yprenait pas très bien.Mais à cette époque,Tripp étaitmonhéros. Il se souciait demoi et faisait lenécessairepourquejelesache.Sesactesparlaientpourlui.Etc’étaitencorelecasaujourd’hui.
Unenouvellefissurevenaitdelézardermonmur.Décidément,ils’affaissaitàvitessegrandV.Jeréagirais comment une fois qu’il se serait effondré ?Comment faire face ?Nous avions peut-êtrebesoindetournerlapageetdereprendredezérosansêtrehantésparlessouvenirs.
—Bethy!m’interpellaBlaire.Ellearrivaitsurmoiàtoutevitesse,vêtued’unerobed’étéhautecoutureetd’unepairedetalons
aiguillesquicoûtaientplusàeuxdeuxquel’intégralitédemagarde-robe.J’avaisl’imaged’elleenjeanetendébardeuretsourisenladécouvrantsursontrenteetun.
—Bonjour,répliquai-jetandisqu’ellearrivaitàmahauteur.Tusemblesparéepourundéfilédemode,commeàtonhabitude.
Blairefitlagrimace.—Jesais.Rushmefaitdépenserdel’argentenfringues.C’estsamanièreàluideprendresoin
demoi.Jefaisçapourlui.—Necherchepasd’excuses.Assumed’êtresexy,lataquinai-je.Blaire fronça les sourcils et prit mamain dans la sienne, soudain sérieuse. Je ne voulais pas
remuerlecouteaudanslaplaiemais,connaissantBlaire,l’incidentdelaveilleavaitdûlaturlupinertoutelanuit.Ilfallaitquejelalaissevidersonsac.Ellesesentiraitmieuxaprès.
—Jesuisdésoléepourhier.—Moiaussi,acquiesçai-je.Jen’étaispasaumieuxdemaforme.Blaireprituneprofondeinspiration:—Jeneveuxpast’obligeràmedirequoiquecesoitsitun’enaspasenvie.Maisjesuislàquand
tuserasprêteàparlerde…choses.DeTripp.Nousn’avionsvraimentpasétédiscretslanuitdernière.EntoutcaspasfaceàBlaire.Nosamis
s’interrogeraientsurnotrepassé.Maissioncommençaitàenparler,ilallaitfalloirtoutdéballer.
Jen’étaispasprête.—Merci.Quandjepourraigérer, tuseras lapremièreaucourant.Maisavantça,Trippetmoi
devons régler certaines choses. On ne l’a pas encore fait. Je n’étais pas prête. Une partie demoiespéraitqu’ilallaitlâcherl’affaireetpartir.Maisaufonddemoi,jesavaisqu’iln’abandonneraitpas.
Blaire pinça les lèvres très fort, comme pour retenir un milliard de questions. Elle finit parhocherlatêteetm’attirercontreelle.
—Jet’aime,jesuislà,d’accord?Jesentisleslarmesmepiquerlesyeux.—Moiaussi,jet’aime,lâchai-jed’unevoixrauque.Nousdesserrâmesnotreétreinte,Blairereniflaetravalaseslarmesavantdesourire.—AllonsfairelafêteavecDella.—Oui.Jemeursdefaim.Lepetitdéjeuneraintérêtàtoutdéchirer.Blaireéclataderireetpassasonbrassouslemien.—Natearrivecesoir.IlseraravidevoirsatatieBethy,dit-elleenmegratifiantd’unepetitetape.Çatombaitbien:satatieBethyavaithâtedelevoir.
Huitansplustôt
Tripp
Bethy n’était pas encore venue chezmoi.Nous avions passé lamajeure partie de notre tempsensembleàuneheureendehorsdelavillepourresterincognito.Maiscesoir,lepèredeBethyétaitabsentetjen’avaispasl’intentiondelalaisserseule.Ilnemerestaitplusqu’àcroiserlesdoigtspourqueWoodsetsespotesnesepointentpas.
L’idéedeBethydansmonlit,dormantàcôtédemoi,valaittouslesrisques.Sonsacpourlanuitaccrochéàmonbras,j’ouvrislaportedemonappartementetluifissigned’entrer.Elles’avançad’unpaslentenregardantautourd’elle.L’endroitn’étaitpasgrand,maisilétaitbienplusjoliquelàoùellevivait,jelesavais.
—Tuasfaim?demandai-jeenposantlamainsurlecreuxdesesreins.Ellesecoualatête.—Pasvraiment.Tuvoislegolfedecheztoi?s’enquit-elleendésignantlesportes-fenêtresqui
menaientaubalcon.—Ouais,répliquai-jeenposantsonsacsuruntabouretpourl’accompagnerjusqu’àlavue.—C’estmagnifique,Tripp,s’exclama-t-elleenmejetantunregardadmiratif.— Oui, mon grand-père est généreux, acquiesçai-je. À cause de ça, mes parents le détestent,
ajoutai-jeensouriant.Ellesortitsurlebalcon.—Lavueestfantastique.Labrisecaressasalonguecheveluresombre,sestraitsresplendissantàlalueurdelalune.Elle
avaitraison.Lavueétaitsuperbe.Jem’allongeaisurunechaiselongueettendislamainverselle:—Vienst’asseoiravecmoi.Elle s’approcha sanshésitation.Depuisnotrenuit sur laplage,unepartiede la réservequ’elle
avaitenmaprésences’étaitestompée.Pendantlasemainequivenaitdes’écouler, jel’avaisàpeineembrasséetellementjen’étaisplussûrdepouvoirm’arrêtersi leschosesallaientdenouveauaussiloin.
J’enroulaimesbrasautourd’elleetl’installaipourqu’ellepuisses’adosserentremesjambes.La
sentir dans mes bras était amplement suffisant. La plupart du temps. À d’autres moments, j’avaisbesoin de la toucher et de scruter son visage pendant que je lui donnais du plaisir. Elle était siexpressive.J’étaisavidedeça.Mêmesi,leplussouvent,jelaquittaisenbienpiteuxétat.Ilfallaitquejemesoulagemoi-même.Jenepouvaispasluidemanderdelefaire.
—Tuessûrequetun’aspassoifnirien?sondai-jeentraçantdescerclessursesbras.J’aimaistellementlatoucher.—Çava,répondit-elleenselovantcontremoi.Jepourraisrestercommeçaindéfiniment.Moiaussi.L’avoirpourmoi,sanslapartageraveclerestedumonde,étaitparfait.Jenevoulais
pasquelematinarrive.—Dansunesemaineonseraenjuillet,observa-t-elled’unevoixtriste.—Oui.L’étépasseàtouteallure.Jen’avaispasenviedeparlerdemondépart.Jen’étaispasprêt.Jenevoulaispaslaquitter.Ellerestaitsilencieuse,maisjesavaisqu’ellepensaitàlarentrée.Lorsqu’ilfaudraitquejem’en
aille.Ellefinitparpousserunsoupirenposantlatêtesurmonépaule.—J’aipeurdenepaspouvoirmepasserdetoi.Sesmotsmesortirentinstantanémentdemamorosité.Pourquoivoudrait-ellesepasserdemoi?
Cen’étaitpasmonobjectif.Çavoulaitdirequ’ellem’oublieraitpourallerversunautre?Qu’unautrelatoucherait,luidonneraitunorgasme?Jamaisdelavie.Jeresserraimonétreinte.
—Pourquoitudisça?tempérai-jeendissimulantaumieuxlesentimentdepaniquequimontaitenmoi.
Elletournalatêteetmedévisagea.—Toiaussitupasserasàautrechose.Jeneseraiplusqu’unsouvenird’été.Bethyneserait jamaisunsimple souvenird’été. Jen’avaispas l’intentiondedonnerunnomà
notrehistoire,pasplusquejen’avaisl’intentiondepartager.Quantaupremierquilatouchait,jeluicasseraislespoignets.Lebesoinqu’ellecomprennequ’elleétaitàmoipourtoujoursétaitirrationnel.Parce que j’allais effectivement m’en aller à l’automne. Je n’avais pas le choix. Je n’avais aucunaveniràRosemaryBeachetelleétaittropjeunepourpartiravecmoi.
—Jeneveuxpasquetupassesàautrechose,affirmai-jeavecsincéritéenglissantunemainsoussonchemisier.(LarespirationdeBethys’accélératandisquejerecouvraissonsein.)Jen’aimepasl’idéequ’unautretetouche.
Ellepoussaunsoupirentrecoupé.Jedégageaisonsoutien-gorgepourquelepoidsdesapoitrinereposeentremesmains.NomdeDieu,elleétaitparfaite.
—J’aienviedetefairedubien,soufflai-jeenfaisantroulersontétonentremesdoigts.Jeglissaimonautremainsurledevantdesonshort.Bethyécartalescuissessansl’ombred’une
hésitation.Lesourireauxlèvres,jedéposaiunbaisersursajoueenregardantbattresespaupières.Comme toujours, Bethy mouillait déjà tellement que sa culotte était humide. J’avais caressé
d’autres filles avant elle. Je les avais toutes trouvées tendues et sèches.Laperspectived’une chattetrempée était incroyablement excitante. Jusqu’àBethy, je ne connaissais pas la sensation d’un sexemouillé.Etpuisilyavaitsonodeur.Jebandaisrienqu’àpenseràsonparfum.
Ellesouleva les jambesetgémit tandisque jedécrivaisdescerclessursonclitoris.C’étaitsonpointpréféré.J’avaislusuffisammentdemagazinespoursavoircommentm’yprendre.
—Enlèvetonshortettaculotte,ordonnai-je.Jevoulaisvoirmamainpendantquejejouaisavecelle.Ellesoulevasesfessespourquejel’aide
àretirersesvêtements.Unefoisdévêtue,ellesecolladenouveaucontremoi,lesjambesécartées.Jesoulevailamainpoursentirsonodeuretléchermesdoigts.Ellemefixaitdesesyeuxécarquillés.Lesangpalpitaitdanslesartèresdesoncou.
—Tu as un goût divin. (Elle frémit, le souffle court.) Penche-toi, je te veuxnue, ordonnai-je,
sachantpertinemmentquec’étaitunemauvaiseidée.Jenel’avaispasvuenuedepuislasoiréesurlaplage.Cettenuit-là,j’avaiseuuneenviedévorante
delapénétrer.Jesavaisqu’ellemelaisseraitfairesijeleluidemandais.Maisjenepouvaispasluifaireça.J’allaispartir.Jeneméritaispassavirginité.Maisbonsang, jecrevaisd’enviedelafairemienne.
Ellejetasonchemisierparterre.Jeluienlevaisonsoutien-gorgeenuntourdemain.Elle s’adossa de nouveau contre moi, cette fois entièrement nue. C’était le spectacle le plus
érotiquequej’aiejamaisvu,quim’inspiraituneimmensehumilité.Jen’avaiscouchéqu’avecquatrefilles.J’enavaisvuseptnues.Monexpériencen’étaitdoncpasfaramineuse,surtoutcomparéeàcelledeRush,GrantetWoods.Maisjesavaisqu’avecBethyjeseraismarqué.Àvie.
Bethy
—Tumefaisconfiance?s’enquitTripp.Jesavaisdésormaisquecettequestionprésageaitqu’ilallaitfairequelquechosedenouveau.Je
savaisaussiqueceseraitquelquechosededélicieux.Maisj’étaisquandmêmenerveuse.Jehochailatêteenmeparantàlasuite.
—Redresse-toiencoreunefois.J’obtempérai. Ilenlevasachemise,àmongrandsoulagement. Jen’aimaispasêtreseuleàêtre
nue.D’autantplusquejenel’avaisjamaisvusanssesvêtements.Ilsecontentaittoujoursderetirerlehaut.Cettefois-ci,sesmainssedirigèrentverssonshort.J’arrêtaiderespirer.
— Je le déboutonne, c’est tout. Quand on fait des trucs… mon short devient tout serré etinconfortable.J’aibesoind’unpeudeplace,expliqua-t-ilsansmelâcherdesyeux.
J’acquiesçai,lesoufflecoupé.Nonpasparcequej’avaispeurdecequ’ilallaitfaire,maisparceque jemourais d’envie de le voir. Je l’avais déjà senti à travers ses vêtements,mais je ne l’avaisencorejamaisvu.
IlouvritsafermetureÉclair.Jesoulevaimesfessesnuespour le laisserpasser, ildégageasonshortetmerepositionnaentresesjambes.Ilnerestaitplusquelecotonfindesoncaleçonentremonpostérieuretsonérection.
OhSeigneur.Lasensationcontresonsexegonfléétaitdifférentesanssonshort.Ilétaitplusgrosquecequeje
pensais.Cequim’effrayaitetm’excitaitàlafois.—Bethy,machérie,détends-toi.J’avaisjustebesoind’espace.Moncaleçonnebougerapas.Jete
lejure.Il pensait que j’avais peur qu’il ne m’oblige à coucher avec lui. Il n’aurait pas à insister
longtemps. J’étais à sa merci. S’il me demandait quoi que ce soit, je m’exécuterais. C’était aussisimple,etpathétique,queça.
—Jesais,lerassurai-je.—Tantmieux.Maintenant,allonge-toietlaisse-moitetoucher,memurmura-t-ilàl’oreilletandis
quejemelaissaisallercontrelui.Levoirsedéshabillerm’avaitexcitée,etavecl’excitationvenaitlamoiteur.Elles’étaitpropagée
à l’intérieur de mes cuisses. J’avais honte qu’il s’en rende compte. Je devrais peut-être dire quej’avaisbesoind’allerauxtoilettes.Maisçavoulaitdiretraverserl’appartementtoutenue.Passuper,commeidée.
LamaindeTrippseposasurmongenoupourm’écarterlesjambes.Jefermailesyeuxetcédailentement. Sa main descendit entre mes cuisses et s’arrêta pour me toucher. J’avais envie de mecacherdansuntrou.
—Ohputaaaaain,grogna-t-iltandisquesesdoigtsseremettaientenbranle.(Ilenglissadeuxenmoi tandis que sa respiration s’accélérait.) Nom de Dieu, bébé, moi qui pensais que c’était paspossibled’êtreplusexcitée,tudégoulinescommeça.Bonsang,Bethy.Tuvasmetuer.
J’aimaisbienquand il avaitdesmots salaces, çameplaisait.Avec savoix rauque, ils faisaientvibrer toutmoncorps.Sonautremainglissa le longdemacuissehumideet ilpoussaunnouveaujuron.
—Mêmetescuisses.C’estquandj’aienlevémonshort?Ilavaitlesdeuxmainsentremesjambes;j’étaisincapabledeformerlamoindresyllabe.Ilglissadenouveauundoigtenmoietjemefrottaicontresamain.—Jepourraism’yglissersifacilement.Tun’aspasidéeàquelpointj’aienvied’êtreentoi.De
savoirquejesuisenfouientoi.Quetuesàmoietquepersonned’autrenepeutprétendreàcequej’ai.Tuessiétroiteetbrûlante.Ceseraitleparadis.
MonDieu,cesmots.Jehaletaitandisqu’ilrespiraitfortcontremonoreille.Ilmetenaitécartéed’unemainetdel’autreglissadélicatementundoigtd’avantenarrièredansmafentehumide.
J’avaisdumalàrespirer.—Chevauche-moi,Bethy.J’aienviedetesentircommeça.Jesoulevaiunejambeetilmepositionnajusteau-dessusdesonérection,quitendaitsoncaleçon
demanièreflagrante.Puisilmefitdescendrelentementtoutcontresonsexe.Monpoidslerepoussacontresonventre.Ilrejetalatêteenarrièreetpoussaungrognementalorsquejemelaissaistombersurlui.Levoirdanscetétatredoublaitlesfourmillementsentremescuisses,cequisignifiaitquejemouillaisencoreplus.
—Jeveux sentir ça sansmoncaleçon,bordel.Tume fais confiance ? répéta-t-il en levant lesyeuxsurmoi.
Je hochai la tête.À dire vrai, s’il voulaitme pénétrer, je le laisserais faire. J’aimaisTripp. Jen’avaisaucundoutesur lefaitqueje l’aimerais toujours.Mêmeaprèssondépart, jecontinueraisàl’aimer.Etjedésiraisluidonnermavirginité.
—O.K.Ilfautqu’onfasseattention.Tuestouteglissante,jen’aipasenviedefairedeconnerie.Jeme relevai tandis qu’il retirait son caleçon. Je fixai avec fascination le jaillissement de son
sexe.Ilétaitlongetlargeetsonextrémitérougeavaitl’airenflée.J’avaisenviedeletoucher,maisjen’étaispassûrequecesoitunebonneidée.
Sesyeuxfixaientl’endroitoùnousallionsnoustoucherpourlapremièrefois.Lesveinesdesoncouressortaient.
—Rassieds-toisurmoi,ordonna-t-ilenretenantsonérectioncontrelui.Aucontactdesapeaubrûlante, je retinsmarespirationetm’appuyaide toutesmesforces.Les
mainsdeTripp s’agrippèrent àmeshanchesqu’il étreignit enpoussant ungrognement, suivi d’unjuron.L’intérieurdemoncorpssemitàexploser. J’envoulaisplus. Jesavaisversquel sommet jem’acheminaisetl’idéedel’atteindreparnoscorpsentremêléssiintimementm’étourdissaitdedésir.
Je balançai lentement mes hanches d’avant en arrière pour coulisser le long de son membredressé,enfaisantattentionànepasfrotterl’extrémité.Lasensationétaitextraordinaire.
—Putaindemerde,lâchaTripp,lamâchoireserrée.J’appuyaimonfrontcontre lesien,monregardplongédanssesyeuxtandisquej’accélérais la
cadence.Jeconnaissais lacaressedesesmainsetdesabouchesurmoncorps,maiscen’était riencomparéàça:levoirperdrelecontrôleetsombrerdansl’euphoriedanslaquelleilmepropulsaitàchaquefois.
—NomdeDieu,Bethy,souffla-t-ilenaspirantmalèvredanssabouche.J’accélérai le rythme. Le grognement qu’il poussa lorsque je glissai sur l’extrémité rouge et
sensibledesonsexemedonnaenviederecommencersansm’arrêter.—Ralentis,bébé,jet’enprie,haleta-t-il.C’étaitimpossible.J’yétaispresque.Maisilnemelaissapasl’occasiondecoulisserunenouvelle
foiscontresongland.Ilmesoulevaetmetransportaà l’intérieur.J’atterrissur lecanapé,allongéesurledos.Sabouchemedévorainstantanémenttandisquejem’agrippaisàlui.Ensentantsonsexecontremapeau,j’écartailesjambesetsoulevaileshanchespourmieuxl’accueillir.
Tripparrachaseslèvresauxmiennesenpoussantungrognementfrustréetsaisitsonsexedanssamain.Ilfitglissersonextrémitéd’avantenarrièrecontremafente,puiss’arrêtapourcaressermonpointsensibleavantderecommencer.
—Tuestrempée.Jerentreraisenunclind’œil,murmura-t-il.Regardecommec’estbeau: tonsexeesttoutmouilléetgonflé.
J’étais àdeuxdoigtsd’exploser. J’empoignai sesbraset commençai à scander sonnom tandisqu’il accélérait le rythme. Ma respiration se coupa soudain et le monde éclata en un million decouleurs éblouissantes. Une nappe de chaleur recouvritmon ventre et je frissonnai en l’entendanthurlermonnom.
Jeclignaidesyeuxpourrevenirsurterre.Tripp,l’airhébété,regardaitfixementmonventre.Jesuivissonregard:j’étaisrecouvertedesemenceblanche.Unedernièregoutteétaitencoresuspendueàsonsexe.Ilvenaitdejouir.Surmoi.
Lesourireauxlèvres,jelevaidenouveaulesyeuxpourcroisersonregard.Àcetinstantjesus.Iln’eutpasbesoindemeledire.Jelesentais.Trippm’aimait,luiaussi.
Aujourd’hui
Tripp
LajournéeavaitétélongueetlesmotsprononcésparBethyn’arrêtaientpasdepasserenboucledansmatête.TouslesgarçonsavaientdéjeunéavecWoodspuisnousavionspassélerestedel’après-midiàjoueraugolf.Woods–etpasRush–essayademeparlerdeBethy,unvraisoulagementétantdonnéquejen’étaispasprêtàracontertoutel’histoireàquelqu’und’autrepourlemoment.
Ilme fallait un plan d’attaque.Autre chose que le simple fait de suivreBethy jour après jour.Désormais, ellemeparlait ; je devais anticiper la suite. Parce que je ne risquais pas d’oublier sesparolesdelaveille.C’étaitl’infimelueurd’espoirdontj’avaisbesoin.
J’attendaisdevantmahuttequeBethysortedelasienne.Nousétionsattendusàlarépétitiondansdixminutes.Heureusement,jen’étaispasobligéd’yallerensmoking.Lecodevestimentaireétaittrèsdécontracté.Unpantalonetunechemiseàcolboutonnéferaientl’affaire.
Bethysortitdechezelleenagitantnerveusementsonsacàmain.Sonregardseposasurmoietelle chancela.Elle ne s’attendait pas àme voir là, après tout ce temps passé à jouer la carte de ladistanceentrenous.
Sa jupe jaunepâle, qui lui arrivait àmi-cuisses, était de ce tissu fluide et taquinqui se laissaitsouleverparlabrise.Ellelaportaitavecunchemisierblancsansmanchesnouéàlatailleetunepairedetalonshautssansbride.
Lorsque j’eus fini de contempler chaquemerveilleux centimètre de sa plastique, je relevai lesyeuxsurelle.
—Tuessuperbe.Unelueurd’émotiontraversasonregard.Ellecalaaussitôtsonsacsoussonbrasetseraidit.—Merci,répliqua-t-ild’untonsec.—Tuaspasséunebonnejournéeauspa?demandai-jetandisqu’ellefaisaitunpashésitantdans
madirection.Ilfallaitqu’ellepassedevantmoipourgagnerledînerderépétition.Iln’yavaitpasd’autreissue.
Saufsiellevoulaityalleràlanage.—C’étaitsympa.
Aucundenousnebougea.Nousétionsdansl’impasse.Bethyfinitparpousserunsoupir:—Qu’est-cequetuveux?Jesouris,sontonexaspérém’amusait.—Marcheravectoijusqu’aurendez-vous.Ellefitminederiposter,puisseravisa,enproieàunconflitintérieur.Ellecédaenfin:—O.K.,biensûr,situveux.Ellesemitenroutepourl’îleprincipaleetjeluiemboîtailepas.Jenelaforçaipasàmeparler
davantage.C’étaitassezpourlemoment.Ellenem’avaitpasbalancédansl’eauenmehurlantdessus.Nousfaisionsdesprogrès.
Tout lemondes’était rassemblésur labandedesableoùse tiendrait lacérémoniedemariage.Avantd’arriveràleurhauteur,Bethylevalesyeuxsurmoi.
—J’enaiassez.Nousétionsamis,avant.NousaimionsJacetouslesdeuxetnousl’avonsperdutouslesdeux.J’enaiassezderejeterlafautesurquelqu’und’autre.Jeneveuxplusdecettecolère.Lemomentestvenudereconstruiremavieetdemeretrouver.Donc(ellemetenditlamain),amis?
Amis.Jamaisonneseraitsimplementamis.Maissic’étaitcequ’ellevoulait,jepouvaisessayer.Jeglissaimamaindanslasienne.
Ellesouritalors,d’unvraisouriresincère.—C’estunebonnechose.Jaceauraitvouluça,n’est-cepas?Jeserraisamainpuislalaissaipartir.—Ouais.Ilauraitvouluça.Ilauraitvoulutevoirheureuse.Bethyhochalatête.Puiselletournalestalonsetrejoignitlegroupe.Jelalaissaipartir.Jevoulais
profiterdecetinstant.Bethyétaitprêteàmepardonner.Nousallionsêtreamis.JecroisaileregarddeWoods.J’inclinailatêteàsonattentionensouriant.Puisjem’approchaidu
groupepourrecevoirmesinstructionsaveclerestedesgars.—Voilàledernier,annonçaThadenmemontrantdudoigt.Unedamecoifféed’unchignon,uniPadminiàlamain,semblaitchargéedesopérations.—Problèmedetaille,décréta-t-elle.DellavousanotéavecBraden,maisBradenesttroppetite
pour vous.Même en talons. La plupart des femmes sont trop petites pour vous,maisBraden serapieds nus dans le sable. Ça ne va pas aller. Voyons voir, poursuivit-elle en passant en revue undocumentsursatablette.OùestBethy?
—Eh,Bethy!l’interpellaThad.(Cettedernièreseretournaversnous.)Viensparici!Elle nous rejoignit, sa robe virevoltant dans la brise. Je détestais l’idée que Thad admire le
tableau,luiaussi.J’allaisdevoirremettrelespendulesàl’heure.—Oui.Beaucoupmieux.Ellefaitaumoinsseptcentimètresdeplus.L’écartestmoinsflagrant,
constata la responsableenexaminantBethy.Thad,vousserez lecavalierdeBraden.EtTripp,vousserezceluideBethy.Maintenant,toutlemondeenposition.
Elles’éloignadequelquespas,raidecommelajustice,etentrepritd’aboyerdesordresàtouteslespersonnesquisetrouvaientdanssonsillage.
—O.K.,maisTrippestgarçond’honneuretBradenestdemoiselled’honneur.Ilssontpascensésêtreensemble?arguaThad.
Jeluilançaiunregardnoir.S’ilavaitlamoindreprétentionconcernantBethy,j’allaisluiremettrelesidéesauclairvitefaitbienfait.
— C’est mon travail. C’est moi qui trouve les solutions. Je me passerai de vos conseils, lerabroualafemme,cequieutpourvertudeluifermersonclapet.
JecoulaiunregardversBethy.—Çateconvient?
Moij’étaisauxanges,maisjenevoulaispaslaforceràfairequoiquecesoit.Quitteàtenirtêteausergentenchef.
Ellesecontentadehausserlesépaules.—Biensûr.Onestamis,souviens-toi,précisa-t-elled’untondétaché.Elles’éloigna,labrisesoulevantlespansdesajupe.—Amisamis?raillaRushenseplantantàcôtédemoi.—Ouais.Elleadécidéqu’onpouvaitêtreamis,expliquai-jesanslaquitterdesyeux.ElleétaitentraindeparleràDella,quijetaunœildansnotredirection.PuisBethyhochalatêteà
sonattentionetDellaeutl’airsoulagé.—J’aiessayélecoupdel’amitiéavecBlaire,unefois.Iln’apasfalluunesemainepourqueje
meretrouveàluiarrachersesfringuesàl’arrièredemonRangeRover.Boncourageàtoi,embrayaRushd’unevoixamuséeavantdes’éloigner.
AvecBlaire, iln’avaitpaslemêmepasséquemoiavecBethy.Ilmefaudraitsacrémentplusdetempsavantdefairecegenredeprogrès.
Rushn’avaitaucuneidéedesobstaclesquej’avaisàsurmonteravecelle.
Bethy
—Ta-aBethy,redarde!claironnalavoixfluettedeNate.Jefisvolte-face:RusharrivaitaudînerderépétitionavecNatedanslesbras.Ilsepenchapour
déposer son fils par terre. Ses petites jambes se mirent en marche et il fonça dans ma direction.J’éclataiderireenécartantlesbrasengrandpourleréceptionner.
—Monmeilleurcopainestarrivé!m’exclamai-jetandisquesespetitsbrass’enroulaientautourdemoncou.
Nate n’avait que quelquesmois lorsque Jace s’était noyé.Dans les semaines qui avaient suivi,j’avais passé beaucoup de temps avecBlaire. Je ne supportais pas de rester seule. J’avais souventgardéNatequandilsavaientbesoind’unebaby-sitter,etnousavionstissédesliensforts.
—J’aipilevion,clamaNatetandisquejelesoulevaidansmesbras.—C’estvrai,ça?Tut’esbienamusé?Nateavaitl’habitudedeprendrelejetdesongrand-père.—Ouais,fit-ilenopinantduchef.(Soudainsonvisages’illumina:ilvenaitderepérerGrant:)
OnkeGrantilestlà!OnkeGrant,redarde!GranttournalatêteversNateetsonvisages’éclairad’unlargesourire.—Salut,p’titgars,lesalua-t-ilenarrivantànotrehauteur.IlluitenditsonpoingetNatelepercutadesapetitemainrepliée.Rushavaitapprisàsongamin
de deux ans à faire un check, c’était trop drôle.Nate portait en outre ses casquettes de base-ball àl’enversetdessinaitsursonbrasaumarqueurnoirdèsquesamèreavaitledostourné.Ilvoulaitdes«dessins»surlapeaucommesonpapa.
—Redarde,maBethy,précisa-t-ilenmetapotantlapoitrine.Granteutunpetitrire.—Oui,jevoistaBethy.Tuasprisl’avionavecPapaDean?Natehochalatête.—Onapilevion.—Lachance!s’exclamaGrant.—RedardeWiwaKate,poursuivit-ilengigotantdansmesbras tandisqueHarlows’approchait
avecsafille.Saisissantl’allusion,GrantposaNateparterre.IlseprécipitaversHarlowetlebébé.—Jecroisquej’aiétésupplantéeparcettepetite,observai-je.—Netevexepas.C’estdurdurivaliseravecelle,plaisantaGrantavecunsourireencoin.Jevais
donneruncoupdemainàHarlowavecnotrejeunefauve,dit-ilenprenantNateenchasse.Grantlerattrapaetlehissasursonépaulepourqu’ilpuissevoirLilaKate.Nateétaituncharmeur.Ilfitlatournéedetoutelasalleavantdesesouvenirquej’étaislà;ilse
précipitasurmoi.Ilsavaitsemettrelepublicdanslapoche.Jem’approchai des tables pour chercher le carton àmon nom. Tout lemonde revenait de la
répétitionetcherchaitsaplace.Marcherversl’autelaubrasdeTrippavaitétéunpeuétrange,maispas inconfortable. Il avait plaisanté enm’imaginant trébucher et l’emporter dansma chute.À partcela,nousn’avionspasvraimentéchangé.
Jem’assis, lenomdeThadàmadroiteetceluideBlaireàmagauche.CequivoulaitdirequeRushetNateseraientànotre table.EtpossiblementDeanFinlay.Avant,çam’auraitmisedans tousmesétats.Maiscesdeuxdernièresannées,j’avaisréussiàmettrelapédaledoucesurmonattitudedegroupieenprésencedeDean.Désormais,iln’étaitriend’autrequelepèredeRush.
Jemedemandaisàquirevenaientlesdeuxdernièresplaces.Jereculaimachaiselorsquecelled’àcôtésedéplaçabrusquement.Jem’attendaisàvoirThad,maisc’étaitTripp.Ils’assit,unpetitsourireencoin.
Jemerassisprudemment.Thadétaitcensés’asseoirlàmais,pourl’instant,iln’étaitnullepart.SiTripp voulait faire copain-copain, j’étais capable de gérer. Tout dumoins pendant leweek-end, letempsdecélébrer lemariagedenosamis.DeretouràRosemaryBeach, jeposerais les limites.LaprésencedeTrippmerappelaitencoredeschosesquejepréféraisoublier.Ilnefallaitrienprécipiter.
—Çategênepassijem’assiedsici?Jejetaiunœilaucartondetableenhaussantlesépaules.—Moinon,Thadpeut-être.C’estsaplace.—T’inquiètepaspourThad.Ilacceptelespots-de-vin.Nosamisserassemblaientdanslagrandesalledebal.L’équipedeplateauinstallaitlesmusiciens.
Jen’avaispasdemandéquijouaitmais,vulegratin,cen’étaitsansdoutepasunquelconquegroupedereprises.AvecdeuxrejetonsdesSlackerDemonetlebatteurdugroupequiexpliquaitàsonpetit-filscommenttenircorrectementlapairedebaguettesqu’ilavaitchipéesurscène,ildevaitforcéments’agird’ungroupecélèbre.
WoodsetDellafirentleurentrée.Toutlemondelesaccueillitcommes’ilsétaientmariés,àgrandrenfortdecrisetdesifflements.Jemelevaipourlesapplaudirtandisqu’ilsregagnaientlatableaucentre. Le sourire de Della illuminait la pièce. Woods se pencha pour lui murmurer des mots àl’oreille.Ellerougit.J’osaisàpeineimaginercequ’illuiavaitdit.
Woods scruta la salle. Ses yeux tombèrent sur Tripp. Il fronça aussitôt les sourcils.Woods etDella avaient dû placer Tripp et Braden à leur table, puisqu’ils étaient garçon et demoiselled’honneur.WoodshochadiscrètementlatêteendirectiondesatablepourinciterTrippàyintégrersaplace.
JejetaiunœilàTripppourm’assurerqu’ilavaitbienvuWoods.—Jecroisqu’ondemandelegarçond’honneur,luisignifiai-je.Tripp,lessourcilsfroncés,dévisageaitWoods.—Ouais,jevoisça.Jerevienstoutdesuite,dit-ilenregagnantlatabled’honneur.J’avaiseudumalàvoirTrippetWoodscôteàcôtependantlarépétition.C’estJacequiauraitdû
y être.Woods et Jace étaientmeilleurs amisdepuis l’enfance.Mais Jacen’était plus là, etTripp leremplaçait,symbolisantlecousinabsent.
—Ta-aBethy!m’interpellaunepetitevoixfamilière.Jebaissailesyeux.Nateseprécipitasurmoietentrepritd’escaladerlachaisevoisine.—J’assiedsavectoi,annonça-t-il.—C’estleseulmoyenqu’onatrouvépourqu’ilrendesesbaguettesaubatteur,expliquaBlaire
d’unairexaspéré.— C’est moi qui lui ai décroché le plan, à ce connard. Il aurait pu lui donner ses foutues
baguettes,ronchonnaDeanFinlayenarrivantàlahauteurdeRush.—Ilaessayédeluidonnersapairederechange,plaidaBlaire.Je commençais à penser que son beau-père, plus que son fils, était à l’origine de son
exaspération.—Grosconderadin,marmonnaDeanentirantunechaiseàcôtédeRush.—Ouais,goscon,répétaNate.Blaireeutl’airhorrifiée.—Papa,qu’est-cequ’onadit,leréprimandaRush.Puisilsepenchaverssafemmeetclaqualesdoigtspourattirerl’attentiondeNate:—Souviens-toidecequ’onaditsurlesmotsdePapaDean.Mamann’estpascontentequandtu
les répètes. Tu n’as pas envie que maman se mette en colère, si ? (Nate secoua la tête d’un aircoupable.)DispardonàmamanettatieBethy.Lespetitsgarçonsbienélevésneparlentpascommeçaenprésencedesdames.
Je réprimai un sourire. J’avais entenduRush Finlay en débiter des vertes et des pasmûres enprésencedefemmes.Levoiradmonestersonfilsétaitàmourirderire.
—Pardon,manman,bafouillaNated’unairprofondémentpeiné.Puisiltournaversmoisesyeuxargentésqu’iltenaitdesonpèreetmeformulasesexcuses.—Jenet’aipasélevépourfairedetoiunetap…—Papa,lecoupaRush.TucontrariesBlaire.Arrête.Deanricanaetselaissaallercontresachaised’unairamusé.—Tu as de la chance que j’aimebien le beau brin de fille que tu as épousé. Pour elle, jeme
tiendraiàcarreau.RushsepenchapourglisserunmotàBlaireetelleétreignitsonbraspourluiassurerquetout
allaitbien.Elletournalesyeuxversmoi,poussaungrossoupiravantd’émettreunpetitrire.—Éleversongaminavecungrand-pèrestardurock.Toutunprogramme.Lachaiseàcôtédemoireculasoudain.Jem’attendaisàvoirTripp,maislesourireimpeccable
deThadm’accueillit.—Quoid’neuf?fit-ilenhochantlatêteànotreattention.Ilyavraimentdejoliesserveusesdans
lecoin,commenta-t-ilenrapprochantsachaise.Latracederougeàlèvresdanssoncoumefitrire.J’attrapaiuneserviette.—Jevoisça,oui.Elle t’amême laisséunpeudegentillessecouleurpommed’amourdans le
cou.Viensici.Thadsepenchaversmoiavecunpetitsourireencoin.—Tudevraisvoirlagentillessequej’ailaisséesurelle,murmura-t-il.AumoinsilfaisaitattentionauxoreillessensiblesdeNate.—C’étaitlablondeoulabruneaveclespetitesbouclesetlesgrosnib…—Papa!grondaRushavantquesonpèrenefinissesursalancée.LesouriredeThads’élargit.—Lablonde,précisa-t-il.Deanlegratifiad’unsourire.— Essaie la brune la prochaine fois. Elle laisse sa gentillesse dans des endroits bien plus
intéressants.Oh,dégoûtant.Jen’avaispasdemandéàensavoirtant.—Jetejure,situnelafermespas,jetefousdehors,l’avertitRush.
Deanpartitd’unrireethaussalesépaulesdesonairdécontractédevieuxrocker.—Toutdoux,monp’tit,fit-ilenluitapotantlajambe.—O.K.,touslesdeux.Sionpassaitunbonmoment,proposaBlairetandisqueNategrimpaitsur
sesgenoux.Jenepusm’empêcherdejeterunœilverslatabledeTripp.Ilparlaitàunefemmeassiseàcôté
de lui,que jeneconnaissaispas.Jene l’avaispasvueà larépétitionetellenefaisaitpaspartieducortège.ElleritàcequeTrippluidisait.Unnœudseserradansmonventre.
Jerefusaisdecéderàcesentiment.Jen’avaisaucuneraisondemepréoccuperdecequeTrippfaisaitrireuneautrefemme.Quandbienmêmeelleavaitdescheveuxsublimes,quiretombaientenlonguesvaguesblondesdanssondos.C’étaitqui,d’abord?
—Jecroisquetun’aspasrencontréCharity,lacousinedeBraden,expliquaBlaireenmesortantdemonobservationflagrante.
—Non,eneffet,fis-jeavecunsourireforcé.— Charity a traversé un vilain divorce l’année dernière et Braden voulait l’amener pour lui
changerlesidées.Thadettoiétiezensemblepourlesdînersetlemariage.Pourfaireéquitable,DellaapenséqueceseraitunebonneidéequeTrippaitquelqu’unpouréviterqu’ilsesenteexclus.
En somme Della avait fourni à Tripp un rancard spécial mariage. Mais ce n’étaient pas mesoignons.Çam’étaitégal.Vraiment.Rienàfaire.
—Super,commentaThadenenroulantunbrassurledossierdemachaiseavantdecroiserunejambesurlegenou.Doncj’aiBethypourmoipendanttoutleweek-end.Pourquoionnem’arienditavant?Jeneseraispaspartiaveclablonde!
JelevailesyeuxaucielavantdelesposersurThad.—Parcequejeneferaisjamaispreuved’autantdegentillesse,rétorquai-je.Ilhochalatête.—Certes,maisjepeuxtoujourstefaireboireunpeupourtedécoincer.Ilmetaquinait.Jesecouailatêteensaisissantmonverredechampagne.—Toutl’alcooldumonden’ysuffirapas,Thad.—Ouille,çafaitmal,répliqua-t-ilenplaquantunemaincontresoncœur.J’avalaiunegorgéeenjetantunderniercoupd’œilàTrippetCharity.Ilsdevisaientgaiement,leurstêtespenchéesl’uneversl’autre.Génial.
Tripp
Cen’estpasdutoutcommeçaquej’avaisanticipélasoirée.Jen’arrivaispasàcroirequeDellam’avaitmontéunrancardpourleweek-end.Commentpouvait-ellepenserquej’enavaisenvie?Est-cequej’avaisl’aird’avoirbesoindeça,bordel?
Charityétaitséduisante, je luiconcédaiscepoint :Dellaavaitdugoût.Maisjeneposaismêmepaslesyeuxsurelle.Jel’écoutaismeracontercommentlechiotgoldenretrieverqu’elleavaitachetés’étaitfaitvirerdel’écoledeschiensaprèsavoirtentédes’accoupleravecuncaniche.Elleriaitdeboncœurenracontantsonhistoire.Sijen’avaispasétéamoureuxdeBethy,ellem’auraitcarrémentbranché.Elleavaitunrirefrancetdesjolisyeuxmarronquipétillaientdejoie.
LorsquejeluiavaisditquejechangeaisdeplaceavecThad,Woodsm’avaitforcéàm’asseoiràsatable.Ilm’avaitchuchotéàl’oreillecequejesavaisdéjààproposdeCharity:«C’estlacousinedeBraden.Ellesortd’unvilaindivorce.Elleabesoind’attention.Fais-lepourDella.»Letondesavoixnemelaissaitpastroplechoix.
Jem’étaisassisàcontrecœurenjetantuncoupd’œilàBethy,quiselaissaitdivertirparNate.Cemiochesavait reconnaîtreunebellefemme.CetabrutideThadallaitpasser lasoiréeavecBethy.Ilaurait tout le loisir de lui parler. De l’entendre rire. Il allait lui raconter des blagues débiles quil’amuseraient.Thadétaitdouépourcharmercesdames.
Quelbaratineur.Avecsatêteàclaquedejeunepremier.Pournousmettresurunpiedd’égalité,j’auraisbienfaitdeluicasserlenezdepuisletemps.Ce
soir,s’iltouchaitBethy,jenem’arrêteraispasaubourre-pif.Jejetaiuncoupd’œilfurtif:Bethytendaitl’oreilleàcequeluiracontaitDeanFinlay.Quiavait
l’air de l’amuser. Au moins c’était le vieux bonhomme, pas Thad, qui la faisait sourire. Maisminute… non ! Dean Finlay passait son temps à coucher avec des nanas plus jeunes quemoi. Cen’étaitpeut-êtrepassirassurantqueçaqu’ellesoitengrandeconversationavecunvéritabledieudurock.Merdeàlafin.
—ArrêtedematerBethycommeunebêtecurieuse,metançaWoodsàvoixbasse.Jemetournaidenouveauversnotretableetlefusillaiduregard.Ilmerenditlapareille.Dellase
racla la gorge suffisamment fort pour attirer notre attention à tous les deux. Je laissai Woodss’occuperdesafemmepourmerabattresurmonverre.Ilallaitmefalloirautrechosequedesbullesrosesàlamanque.
—Tufaisdusurf?s’enquitCharity.On en était au chapitre du surf ?Merde, j’avais pas capté. J’étais totalement déconnecté de la
conversation.J’avaisdumalàmeconcentrer,entreThadetDeanFinlayquiflirtaient touslesdeuxavecBethy.
—Euh,ouais,enfinavant.Çafaitunbail.Iln’yapasvraimentdebonnesvaguesdanslegolfe.—Tun’aspasvécuàMyrtleBeachpendantuntemps?Jeluiavaisditça?—Si.Maisseulementuntemps.Je regardai Della qui me fixait, la lèvre inférieure serrée entre les dents, l’air inquiète. Je
connaissais ce regard. J’avaispassébeaucoupde tempsavecDella à l’époqueoùWoodset elle setournaientautour.Quandonpassedeuxsemainescomplètessurlarouteavecquelqu’un,onfinitparbiensecerner.
J’étaisentraindemecomportercommeunparfaitégoïste.C’étaitsonweek-enddemariageetjem’inquiétaispourmapomme. Jem’exhortaiàmedétendreetportaidenouveaumonattentionsurCharity.Jepouvaisbienfaireça.Bethyn’allaitpassortiravecThadniavecDean.Jelesavaisbien,quandmême.Majalousiemaladivemejouaitdesmauvaistours.
—Pourquoi?Tufaisdusurf, toi?m’enquis-je,enespérantqu’ellenem’avaitpasdéjàdonnél’info.
Elleritensecouantlatête.—Non.Jenesuispascoordonnéepourunsou.Maissituveuxmedonnerdesleçons,jenedirai
pasnon.Ohmerde. J’avais foncé droit dans le panneau. Je coulai un regard en biais àDella, qui nous
écoutaitd’unairanxieux.—Biensûr.Onpeut faireça, si tuveux,acquiesçai-jeencroisant lesdoigtspourne jamais la
revoiraprèsdimanche.Charitynetenaitplusenplace:—Çaseraitgénial!—Excellenteidée.Pourquoitunecommenceraispasdemainmatin?suggéraWoods.J’ouvrislabouchepourdébiteruneexcuseàlacon.MaisCharitys’exclamaitdéjàd’unairbéat:—Oh,commec’estexcitant!Ehmerde.
JedansaipardeuxfoisavecCharityavantdem’extirperpourtrouverBethy,maisellen’étaitniàsatablenisurlapistededanse.Jeparcourusdesyeuxlafouledesinvités.Ellen’étaitnullepart.PuisjecherchaiThadetmerendiscomptequeluiaussiavaitdisparu.
Qu’est-cequeçavoulait,dire,bordel?JeregagnailaportesansexpliquermondépartàWoods.Ilseraitcapabledememettredesbâtons
danslesroues.J’avaisremplimamissionpendanttoutledîner,j’avaisdanséavecCharityetenplusj’étaischargédel’emmenersurferdemainmatin.J’avaisfaitmaB.A.pourlasoirée.
Je sortis du bâtiment à grandes enjambées et traversai la plage à l’affût dumoindre signe deBethy.
Ungloussementderiremefigeanet.Jecontournailebâtimentjusqu’àunbosquetdepalmiers.—Alorscommeçataboucheadusuccès,lançaThadd’unevoixtaquine.Jemeraidisaussitôt.Jesuivislesinflexionsdesavoixetl’entendispousserungrognement.—Ohputain,oui,prends-laenentier.Jusqu’aufonddetagorge,bébé.Jem’immobilisai.ImpossiblequecesoitBethy.Elleneseraitpasentraindelesucer.Lesnuages
selevèrentetlaluneilluminaledécoralentour.Thadlevalesyeuxdelafilleagenouilléedevantluipourlesposersurmoi.
Ilposal’indexsurseslèvrespourm’intimerlesilenceetprévenirtouteinterruption.Lafilleen
questionavaitdescheveuxchâtainsboucléset l’uniformedes serveuses.Cen’étaitdoncpasBethy.Merci,bordel.
Jefisdemi-touretrejoignislapasserellequimenaitànoshabitations.—Ohmerde!Avalelegland.Ouais,ohmonDieu,oui!hurlaThad.J’accélérai lepas. Jen’avaispasenviede l’entendreprendresonpied.S’ilne lamettaitpasen
sourdine,toutecettefoutueîleallaitl’entendre.
Bethy
Jeretiraimessandalesàtalonsetmelovaisurlachaiselonguepourcontemplerlamer.AprèsavoirregardéTrippdanseravecCharitypendantlamoitiéd’unechanson,j’avaiscomprisquejenepouvaispasrester.Çam’avaitmisemalàl’aise,commej’auraispum’yattendre.Aprèstout,j’avaisété jalouse deDella quand je pensais que Tripp craquait sur elle. À l’époque, j’étais avec Jace etn’avaisaucundroitderéagircommeça,maisavecTripp j’avais l’impressiondenepluscontrôlermesémotions.
Cequicraignaitcarrément.Être amie avec lui était mamanière de faire la trêve, de trouver un terreau commun qui me
permettedem’axersurmavieaulieud’êtreprisonnièredelaculpabilitéetdelahaine.Celaétant,voir Tripp en compagnie d’autres femmes ne faisait pas partie du marché. Une fois le week-endterminé,Trippauraitdroitdemapartàdessouriressympathiquesetàuneattitudedécontractée.Riennenousobligeaitàêtreplusprochesqueça.
Jemedemandaispourtantsicelasignifiaitqu’ilarrêteraitdemesuivreentremonboulotetchezmoi. Est-ce que sa présence des heures durant en bas demon appartement, les yeux rivés surmafenêtre,allaitmemanquer?
Laréponseétaitoui.Çaaussi,çacraignait.J’avaisbeaumedirequejelehaïssaisquandilfaisaitça,àlavérité,j’étais
surtoutencolèrecontremoiparcequejedésiraissaprésence.Jecomptaissurelle.Jen’avaispaseuaffaireà touscessentimentscontradictoiresdansmarelationavecJace.Avec
lui, je m’étais sentie en sécurité. Tout le drame et les émotions refoulées que faisait jaillir Trippn’avaientpaslieud’êtreavecJace.Leschosesétaientplussimples.
TrippétaitavecCharitycesoir,etpuisquoi?Cen’estpascommesij’allaisdevenirautrechosequesonamie.Dèsquejelevoyais,moncœuraccéléraitet,quandilsouriait,monventrefaisaitunepetitedansenerveuse.Ç’avaittoujoursétécommeça.Maisçanesuffisaitpas.Trippétaitsynonymed’unepeineimmensedontjevoulaismedébarrasser.J’allaisrefermercetteporteetallerdel’avant.
—Tuespartietôt.LavoixdeTrippmefitsursauter.—Pardon,jenevoulaispastefairepeur,dit-ilensouriantdemaréaction.Rien ne l’obligeait à être ici. Pourquoi n’était-il pas avec la blonde ? Loin demoi et demes
penséestortueuses.—Lajournéeaétélongue,répliquai-jesimplement.
Il se tenait les mains dans les poches. Le haut de sa chemise blanche était déboutonné et sesmanches retroussées laissaient affleurer les tatouages qui recouvraient ses bras. Ilme dévisageait,campésursesjambeslégèrementécartées.Qu’ilétaitgrand,bonsang!
—Tuveuxunpeudecompagnie?poursuivit-ilenjetantunœilàlaplacevideàcôtédemoi.Non.Oui.Merde.Jerépondisd’unhaussementd’épaules.Ilpritçapourunouiets’assitsurlachaiselongue.Ilyavaitsuffisammentdeplacepourdeux,
mais l’espace était étroit et ses longues jambes touchaient lesmiennes. Il croisa les chevilles et selaissaallercontreledossierdelachaise.
—C’estcalmeici,observa-t-ild’untonrecueilli.Jehochailatête.Jen’avaispastrèsenviedeparler.Jusqu’àhierencore,Trippétaitclassédansla
catégorie«jetehais»,nem’autorisantaucunautresentimentàsonendroit.Maintenantquejel’enavais extrait, je ne savais plus où le ranger. Si ce n’est, de préférence, dans une catégorie qui nem’autorisaitpasàmepréoccuperdecequ’ilfaisaitavecd’autresfemmes.
—Pasmaintenant, parce que jeme rends compte que j’avance sur un terrain fragile avec toi,maisunjour,quandtuserasprête,j’aimeraisavoirlachanced’expliquercequis’estpasséilyahuitans.
Jenem’étaispasattendueàcela.Jepensaisquenousallionsfairecommesiderienn’était.—C’estlepassé.Laissons-leàsaplace,observai-jeenévitantsonregard.Jeserrailespoingstandisqu’unevagued’émotionsmesubmergeait.J’avaisrepoussélechagrin,
laperte,lapeur,laforcedel’amour.Jen’envoulaispas.—Jeseraisdecetavissituconnaissaiseffectivementlepassé.Maiscen’estpaslecas.Demême
qu’ilyadeschosesquej’ignoreetquej’aienviedesavoir,mêmesiçadoitêtreunedéchirure.Ilfautquejesachelavérité,Bethy.Pourqu’onpuissetouslesdeuxtrouverlasérénité,ilfautd’abordfairefaceaupassé.
Il avait raison.Mais jen’étaispasprête.Notrepassé allait définir le restedemonexistence. Ilavait façonné la personne que j’étais aujourd’hui. Notre relation avait été la source de mes plusgrandsregretsetdemespireserreurs.
—Jenesuispasprête,répondis-jedoucement.Ilgardalesilenceetjem’attendaisàcequ’ilpartemais,auboutdequelquesinstants,ilposasa
main sur lamienne.Sa taille et sa chaleurm’enveloppèrent et, pour être parfaitement honnête,merassurèrent.Decegestesimple,ilvenaitmerappelerquejen’étaispasseule.Ilcomprenaitmieuxquequiconquecequejetraversais.
La nuit s’épaissit et le silence se replia sur nous tel un cocon.Un espace où le passé semblaitlointainetl’avenirinsondable.
Tripp
Apprendreàsurferàunenanaquimesignifiaitdemanièretrèsclairequ’ellevoulaitm’emballerétait un exercice désagréable. Les remarques aguicheuses qui sortaient non-stop de la bouche deCharitymedonnaientdufilàretordre.Ellesortaitd’unsaledivorceetcherchaitàattirerl’attentionmasculine. J’étais sincèrement désolé pour elle, mais ça ne voulait pas dire que je me portaisvolontaire. Pas après queBethym’avait laissé lui tenir lamain pendant plus d’une heure la veille.Nous avions échangé peu demotsmais le seul fait deme retrouver en sa présencem’avait suffi.C’étaitunpasénorme.
Charityémitunpetitgloussementderireenessayantunedernièrefoisdesehissersurlaplanche.Puisellesetournaversmoienbattantdespaupières:
—Tum’aides?Ça n’arrêtait pas. Elle voulait sans cesse que je lamette sur cette foutue planche alors qu’elle
portaitunbikini.Jetouchaisbeaucouptropsapeauàmongoût.—Essaietouteseule,cettefois-ci.Jen’avaispasenviedelasaisirparlatailleetdelasentirfrissonner,commeàchaquefois.Çame
faisaitculpabiliser.Jenevoulaispasluidonnerdefauxespoirs.Horsdequestiond’êtresonplanculduweek-end.Malheureusement,ellen’avaitpasl’airdes’enrendrecompte.
—Jepréfèrequandtum’aides,plaida-t-elleenlaissanttombersavoixdanslesgraves.Jesuissûrquelaplupartdeshommesauraienttrouvésesintonationssexy.Maisçaduraitdepuis
desheures.J’avaisremplimoncontrat.Ilétaittempsdemettreuntermeauxlubiesquiluitrottaientdanslatête.
— Ouais, mais là je suis crevé. Faut qu’on se prépare pour le mariage cet après-midi. Sanscompterunelonguenuitdefestivitésenperspective.Onnedevraitpasenfairetrop.
Fort de cette excuse, je calai la planche sousmon bras et lui fis signe deme suivre jusqu’aurivage.
—Oh,O.K.,acquiesça-t-elledansmonsillage.Je ne lui laissai aucune raison de penser que j’avais envie de continuer ce petit manège et
poursuivismoncheminsansm’arrêter.—Et,euh,tuasdéjàpristonpetitdéjeuner?s’enquit-elleenmerattrapant.J’avaisavaléunetassedecaféavantdesortir,maisilétaithorsdequestiondem’asseoiràtable
avecelle.Ellecommençaitunpeuàpousser.—Jenemangepasvraiment,lematin,mentis-je.
Aprèsnotreséancedanslesvagues,jemouraisdefaim.—Bond’accord,alorsonsevoitplustard?demanda-t-ellealorsquenousatteignionslesable.—Biensûr,acquiesçai-jed’unhochementdetête.Évidemment,puisqu’onallaitaumêmemariage.Je me dirigeai vers la petite pente qui menait à l’autre versant de l’île, où se trouvaient les
habitations.—Ondiraitunhommeencavale,raillaWoods,unsourireencoin,tandisqu’ilsurgissaitd’un
bosquetdepalmier,unetassedecaféàlamain.Jelefusillaiduregard.—Çanemefaitpasrire,cesconneries.Ilrigolaetavalaunegorgée.—Tusais,c’estlapremièrefoisquejetevoisesquiverlesavancesd’unefemme.J’aitrouvéça
divertissant.—Je tolère çapourDella.Mais si çapose lemoindreproblèmepar rapport àBethy, j’arrête.
Charityest sympa, je saisqu’elle sortd’unepériodemerdiqueet je suisdésolépourelle.Mais leschosesavancentavecBethyetriennesemettraentraversdemonchemin.
LepetitsourireencoindeWoodss’évanouit.Ilrestauninstantlesyeuxrivéssurl’eau.JesavaisquesespenséesétaientavecJace.Encejour,Jaceauraitdûêtreàsescôtés.Jaceauraitdûprésenterl’allianceetporteruntoast.Aujourd’hui,Woodsallaitselancerdansunnouveauchapitredesaviesanslesoutiendesonmeilleurami.Latristesseselisaitdanssesyeux.
—Elleal’aird’allermieux,observa-t-il.Après lanuitdernière, jepartageaiscetteopinion.Ellenedégageaitplusautantdecolèreetde
douleur.—Oui,ellevamieux.Woodsbutuneautregorgéedecafé.—Vas-ydoucement.Tun’étaispaslàlaplupartdutemps,maisellel’aimait.Ilsétaientheureux
ensemble.JesavaisdéjààquelpointelleavaitaiméJace.Onpouvaitdifficilementpasseràcôté.—Jefaisattention.JeneveuxpasmesubstitueràJace.Ilauratoujoursuneplaceàluidansson
cœur. Pour l’instant, je veux simplement être là pour elle. La voir sourire de nouveau. D’un vraisourire.
—Ilauraitvouluqu’ellesoitheureuse.Etilm’auraitcassélagueuleenmevoyantlatraitertelque je l’ai fait. Je doute qu’il m’aurait pardonné ce que je lui ai balancé ce soir-là sur la plage,reconnut-ild’untonpeiné.
Jen’étaiseffectivementpasdanslesparages,maislemurdesilencequ’illuiavaitinfligépendantplusd’uneannéeaprèslamortdeJacemontraitbienàquelpointillatenaitpourresponsable.Ilavaitraison : Jace ne le lui aurait pas pardonné. Il avait aimé Bethy. Mais Woods n’avait pas besoind’entendreçapourlemoment.C’étaitcenséêtreleplusbeaujourdesavie.
—C’étaitpeut-êtremoncousin,maistuétaiscommeunfrère.Ilt’aimait,affirmai-je.—Jel’ailaissétomber,déploraWoods.—Cen’estpasvrai.Tul’assauvée,elle.C’estcequ’ilt’ademandé.Ettul’asfait.Woods finit par planter son regard dans le mien. J’y lus toutes les émotions qui m’étaient si
familières.Jaceavaitlaisséunvideenchacundenous.—Ilestmortensachantquesonmeilleuramiavaitfaitpourluiunsacrificequiallaitlemarquer
jusqu’àlafindesesjours.Tuétaissonhéros.Woodsmedévisageaunmomentavantdetournerlesyeuxverslelarge.Aprèsquelquesinstantsdesilence,jelecontournaipourregagnerleshuttes.
—Merci,lançaWoodsdansmonsillage.(Jemeretournai.)J’avaisbesoindel’entendre.Surtoutaujourd’hui.
Jeparvinsàsourire.—Çasertàça,d’êtretémoindumariage,conclus-jeenlelaissantàsespensées.
Bethy
Tripp,lecorpsgainéau-dessusdumien,recouvraitmapeaudebaisers.Ladouleurlaisséeparsapénétrationm’avaitcoupélesouffleetils’étaitfigédèsquej’avaiscrié,maisilnes’étaitpasretiré.J’avaisenviedemeroulerenbouledansuncoinpourpleurer.
Ilavaitrecommencéàm’embrassertendrementtoutenmemurmurantdesmotsàl’oreille.—Toutvabien.Jenebougeraipas.Laisse-moitesentir.Bonsang,Bethy,jen’aijamaisressenti
unechosepareille.Le plaisir qui transparaissait dans le ton de sa voix tandis qu’il m’embrassait, comme s’il ne
pouvait pas étancher son désir, apaisa la tension. Il plongea lentement enmoi jusqu’à pousser ungrognementsourd,lesyeuxfermés.Ilétaitmagnifique.J’étaistotalementfascinée.
—Jevaisbouger,mesouffla-t-ilàl’oreille.Ilbloquasarespirationetseretirapresqueentièrement.Puisildonnaunnouveaucoupdereins.Cette fois-ci,sonmouvementnem’avaitpas faitmal,en toutcassanscommunemesureavec la
douleurfulgurantedelapremièrefois.J’avaisjustesentiunelégèresensationdésagréable.MaislespectacledeTrippéclipsaittoutlereste.Lesveinesdesoncouressortaient,toutcommelesmusclesdesesbrasquiretenaientlepoidsdetoutsoncorps.
À chaque nouveau mouvement de ses reins, son visage était de plus en plus époustouflant. Ilentrouvritleslèvres;sespupillesétaientsidilatéesquelevertavaitquasimentdisparu.
Nosregardssecroisèrent.—Jet’aime.Jenetequitteraipas.Jenepourraisjamais.
Mesyeuxs’ouvrirent.Jefixaileplafond.Celafaisaituneéternitéquejen’avaispasrevisitécettenuit-làen rêve.Moncœurbattait lachamadecommesi jeme trouvaisencore sous lui, en traindeperdremavirginitéentrelesbrasdecegarçonquej’aimaisetquimeproclamaitsonamourpourlapremièrefois.Cettenuit-là,ilavaitfaitbeaucoupdepromessesqu’iln’avaitpastenues.
Je me rassis et secouai la tête pour chasser cette image de mon esprit. Je l’avais pourtantrepousséedepuislongtemps.J’avaiscouchéavecd’autrespourl’éradiquerdemamémoire.Maiscelan’avaitjamaisfonctionné.Jefinissaisinvariablementparm’endormirenpleurant.
Lanuitdernière,j’avaislaisséTripps’approcherunenouvellefois.Mêmesansparler,jel’avaisautoriséàs’asseoirprèsdemoi,libérantdesémotionsetdesimagesrefouléesdepuislongtemps.Pasétonnantquemesrêvesaientprislaformedusouvenir.
Jemelevai,m’enroulaidansmonparéoensoienoireavantdesouleverlesmursdelahutte.Je
nevoulaispaspartir tantqu’iln’étaitpasl’heured’aiderDellaàsepréparer.Ellenousavaitdonnérendez-vous dans la chambre de la mariée à 13 heures. D’ici là, j’allais me faire livrer le petitdéjeuneretprofiterdecesinstantsdesolitude.
—Unpetitcreux?meparvintlavoixdeTripp.Jefisvolte-face:ilportaitunplateaudevictuailles.Àpeinesortiedusouvenirdenotrepremièrenuitensemble,c’étaitexactementcedontjen’avais
pas besoin.Maismes yeux voyaient littéralement les choses d’une autremanière. Ses bras étaientencoreplusmusclés,plus largesetpuissantsque jamais.Sescheveux,pluscourts,étaienthumides,commes’ilsortaitdeladouche,bienquesonshortdebainsuggérâtplutôtqu’ils’étaitbaigné.Etpuisilétait torsenu, laissantvoir ledessindesesmusclesbronzésetparésde tatouages judicieusementplacés.N’importequellefemmeauraittoutinterrompuséancetenantepourlecontempler.
—J’allaisdéjeunerdevantchezmoi,maistuasouvertjusteavantquejem’installe.Jemesuisditquej’avaisassezpourdeux,expliqua-t-ilenmesortantdemapertemomentanéederaison.
Jerelevailesyeuxsurlui.Ilfallaitbienlereconnaître:ilavaitladélicatessedenepasmetoiserd’unairsuffisant,malgrémoncoupd’œilappréciateur.Ilsetenaitàcarreau.
—Euh,d’accord,balbutiai-je.Sonvisagesefenditd’unlargesourire.Ilentraposerleplateausurlatablehauteagrémentéede
deuxtabouretsdebar.—Jevaismême te laisser lesœufs, annonça-t-il commes’il cherchait à rendre laproposition
plusalléchantedepeurquejechanged’avis.Iln’avaitpasbesoindebandersesbraspourquesesmusclesaffleurentàlasurfacedesapeau.Ils
le faisaient tout seuls. Je voyaismême les veines qui les sillonnaient tandis qu’il nous servait destassesdecaféetdisposaitlestroisassiettesdenourriturequ’ilavaitrapportées.
Il fallait qu’il enfile une chemise, nom d’un chien. Comment j’allais faire pour manger sansperdremacontenance?
Bonsang,Bethy,jen’aijamaisressentiunechosepareille.JefermailesyeuxtrèsfortpourempêcherquelesparolesdeTrippnepassentenboucledansma
tête.—Çava?Savoixd’adulteavaitunetonalitéplusgrave.Jeparvinsàhocherlatêteetàrouvrirlesyeux.—Lesoleilestunpeufort,mesyeuxontdumalàs’yfaire,mentis-je.Trippfronçalessourcilsetentrepritderéglerlestore.—C’estmieuxcommeça?—Mm-hum,marmonnai-je en espérant quemespensées coupables ne se lisaient pas surmon
visage.Ilretournaàlatable, tirauntabouretdebaretmefitsignedeprendreplace.Jemarmonnaiun
merci et grimpaidessus.Monparéoglissa sur le haut demes cuisses et s’ouvrit, révélant presquetoutesmes jambes. Je tirai sur les coinspour les recouvrir avantqueTrippne s’en aperçoive.Marespirationmontaenflèchelorsquesesyeuxserivèrentsurmescuisses.Sesnarinessedilatèrentetmoncorpsentiersetendit.
Si lesveinesdesoncouvenaientàaffleurer,c’enétait faitdemoi. Il fallaitque je reprenne lecontrôle. J’enroulai les coins du paréo autour de moi. Tripp arracha les yeux de mes jambes etregagnal’autrecôtédelatableplusvitequ’àlanormale.
Ilseraclalagorgepuisfitglisserversmoiuneassiettegarnied’œufs,defruits,defromage,detartinesbeurréesetdetranchesdebacon.
—Commepromis,lesœufs.Avectouteslesémotionsquisebousculaientdansmatête,monvisageétaitbrûlant.Jeluisouris
pourtenterdedétendrel’atmosphère.—Merci,maisjen’aipasbesoindetouslesœufs,jepeuxpartager.Ilhaussalesépaules:—Çavapourmoi.Mangecequetuveux,jeterminerailereste.Commeonlefaisaitavant.Argh.Pourquoijeréagissaiscommeça?Cen’estpascequ’ilvoulaitdire.Ilfaisaitsimplement
allusionauxœufs.Iln’essayaitenriendemerappelerlasituationd’avant.C’étaittoutmoi:cefichurêvem’avaittotalementémoustillée.
—D’accord,répliquai-jeenespérantquemaréactionavaitl’airnormale.Il mordit dans sa tartine. Sa mâchoire se mit en mouvement et les muscles de son cou se
contractèrent.Merde,maisc’étaitquoimonproblème?Jebaissailesyeuxetattrapailapremièrechosequimetombaitdanslesmainssurmonassiette.
Heureusement,ils’agissaitd’unefraise.Jelafourraidansmaboucheetentreprisdemâcher.Nousrestâmesassisàmangerensilencependantquelquesminutes.Jenesavaispastropquoidire
etdétestaislalourdeurdelasituation.Maischaquefoisquejeleregardais,lerêves’enclenchaitdansmatête.
—Toutvabien?Jemedisais justeque tudevaisavoir faim.Si tuveux, jepeuxprendremonassietteetmangeràcôté.
Trippavaitposélesyeuxsurmoi.J’allaisdevoircroisersonregardpourluirépondre.Jecommençaipardirequetoutallaitbien,toutenmerendantcomptequecen’étaitpasvraiet
queTrippmeconnaissaitsuffisammentbienpourdétecterquandjementais.Sinousvoulionsrepartirsur une base amicale, ou tout du moins essayer, il me fallait être honnête avec lui. Enfin, pascomplètementhonnête.Jenevoulaispasqu’ilsachequej’avaisrêvédenotrepremièrefoisdansledétail.
—Ilvafalloirs’habituer,relativisai-jeenleregardantenfin.Jeveuxpasseràautrechose.Onenadéjàparlé.Maisjenesaispascommentm’yprendre.J’essaiedetirerçaauclair.
Trippaspirasa lèvre inférieureentresesdents tandisqu’unfroncementdesourcilsbarrait sonfront.Riennel’obligeaitàsemordillerlalèvre,c’étaitvraimentinjuste.IlsavaitforcémentqueçalerendaitirrésistibleetencetinstantjemeseraisvolontierspasséedesmouessexydeTripp.
—Pasdeproblème,répliqua-t-il.(Puisunsourirecoquineffleuraseslèvresetilbaissalesyeuxsur la table.)Laprochaine fois, je te laisseraipeut-êtreunesecondepourmettreautrechosequ’unpetitcarrédesoie.
Ilmetaquinait.Amicalement.Jepouvaisgérer.—Laprochainefois,tupourraspeut-êtremettreunT-shirt,contrai-je.Son regard se riva sur lemienetunbref instant je regrettaima repartie. Je lui avaispeut-être
donnéunemauvaiseimpression.Puissonriremesurprit.Cerireprofondquidansletempsaffolaitlespapillonsdansmonventreetmefaisaittournerlatête.
Etquiprovoquaitexactementlamêmeréactionaujourd’hui.—Trèsbien.Nousnoushabilleronsdemanièreplusappropriéelaprochainefois.Je hochai la tête tandis qu’un fin sourire se dessinait sur mes lèvres. D’un geste détendu, je
refermailesdoigtssurmafourchettepourattaquerlesœufs.
Tripp
Pendantlacérémonie,j’avaiseuunmalfouàresterconcentrésurWoodsetDella.Bethyportaitunerobebleupâlequiépousaitsesformesetsapaittousmesefforts.J’avaisl’allianceetjenevoulaispasraterlesignalmais,bonsang,Bethym’attiraitcommeunaimant.
Lesboucleslégèresquin’avaientpasétécoifféesenarrièrecaressaientsapeausousl’effetdelabrise. J’avais envie d’enlever ce qui retenait ses cheveux et de les regarder retomber en vaguesondulées.C’estlapremièrefoisquejelavoyaisaveclescheveuxboucléset,mêmesijelesaimaistoutautantaunaturel,jemouraisd’enviedelesenroulerautourdemesdoigts.
—Aprèsavoirconquismoncœurtuesdevenumonrefuge.LesmotsdeDellam’arrachèrentàmatorpeur.C’étaitàmoidejouer.Jeglissailamaindansma
poche et tendis l’alliance àWoods. Il s’apprêtaitmaintenant à exprimer les vœux qu’il avait écritspourelle.
Grant avait tentéde lui faire répéter son textedevantnous,maisWoodsavait refusé. Il n’avaitmêmepasd’antisèche.
—Mavieétaitdépourvuedesens.Jefaisaisleschosesmachinalement,sansmerendrecompteàquel point j’étais vide à l’intérieur. Puis un soir, cette brunemagnifique a balayé lamélancolie enmoi.Elleétaitdepassageenvillepourunenuitseulement,maisparbonheur,ledestinm’adonnéunedeuxièmechanceenlaplaçantdenouveausurmonchemin.Tuaschamboulémavie,Della.Lorsquetuesàmescôtés,riennem’estimpossible.Aucundéfin’esttropgrand.Jepeuxmarchersurlefeu.Parcequetumetienslamain.Tudisquejesuistonrefuge,maistuasplusdeforceetdecouragequequiconque. Personne ne viendra avant toi. Je passeraima vie à tout faire pour que tu te sentes ensécurité.Nedoutejamaisunseulinstantdufaitquemoncœurt’appartient.Tuesmavie.
LesanglotdeDellafutreprisenéchoparplusieursautresdansl’assemblée.JeposailesyeuxsurBethy qui essuyait ses larmes, elle aussi. Le destin avait donné une seconde chance à Woods.J’espéraisbienqu’ilenferaitautantpourmoi.
Lesinvitésexplosèrentdejoie.WoodsrenversaDelladanssesbraspourl’embrasser.Lorsqu’ileut fini debécoter sa femmeenpublic, il lui donna le bras etM. etMmeKerringtondescendirentl’alléecentrale.
ThadetBradenleuremboîtèrentlepas.J’attendisqueBethysemanifeste.Puiselles’avança.Jelaretrouvai aumilieude l’alléeet luioffrismonbras.Elle leglissadans lemienet je le serrai toutcontremoi.Cen’estpasceque le sergent instructeurnousavait appris,mais tantpis. Jevenaisdepasser trenteminutes à crever d’envie de toucherBethy sans le pouvoir. J’avais l’occasion deme
rattraperetjen’allaispasmegêner.Ellemelaissalatenircontremoisansm’opposerderésistanceetnousavançâmesdanslesillagedesautres.
—Tusensbon,lacomplimentai-jeenbaissantlatêtepourhumersonparfum.Elleseraidituncourtinstantavantdemurmurer:—Merci.Nous étions tous censés nous retrouver sous la grande tente de réception installée au cœur de
l’île.ÀmoinsqueBethynes’écarte,ilétaithorsdequestionquejelalâche.Woodss’étaitarrêtéunefoisencorepourembrasserDella,sonvisagelovédanslecreuxdeses
mains.—Sérieusement,mec,arrêtedeluigoberlevisage.Tuastoutetaviepourfaireça.Onveutfaire
lafête!s’écriaThad.Woodsl’ignora.—Jesuissiheureusepoureux,soufflaBethy.Jel’étaisaussietacquiesçai.—Jerappellequelalunedemieldémarreaprèslaréception!plaisantaRush.Cettefois,Dellacoupanetàsonbaiseretseretournaversnousd’unairmalicieux.—Vousavezraison.Jeveuxdanseravecmonmari,lança-t-elle.LalueurdepossessivitédansleregarddeWoodsnepassapasinaperçue.—Attendsunpeuqu’ellese rendecomptedecequi sepassechaque foisqu’elle l’appelle son
mari,observaBlairetandisqueRushetelles’arrêtaientànotrehauteur.Bethy émit un petit rire triste. Je détestais ça, bordel. Je ne voulais pas qu’elle soit triste. Elle
l’étaitdepuissilongtemps.—Allons faire la fête,annonçai-jeenmettantun termeà laconversationsexuelledesheureux
mariés.JeserraiBethycontremoipour regagner la réception.Unefoisarrivéeauchapiteau,Bethyse
retiraavecunpetitsouriregêné.Ellenes’étaitpasdutoutaperçuequejelatenaiscontremoi.Elles’étaitsentieàl’aiseàmonbras.Bonsang,quellesensationagréable.
—Tuserasà la tabledesmariés là-bas, fit-elleenmemontrant la tableagrémentéede laplusbelledécoration,prèsdelapistededanse.
Je n’avais pas réalisé que je ne serais pas assis à côté d’elle. Ça voulait dire que j’allais meretrouveràcôtédeCharity?Merde.
—Onestlà,Bethy!l’interpellaBlairedel’autrecôtédelapistededanse.Ellesétaientassisesdanslapartiediamétralementopposéedelapièce.—Passeunbondîner,mesouhaitaBethyavantdes’éloigner.Jeregardaiseshanchessebalancertandisquesarobeensatinondulaitsursesfesses.Seigneur,
elleétaitsublime.Commetoujours.—Jecroisquetuesdenouveaumoncavalierpourlasoirée.Lavoix,indésirable,venaitd’interromprelefildemespensées.Je jetai un coupd’œil àCharity.Elle rayonnait, un peu trop, comme si elle forçait le trait.La
cérémonien’avait pas dû être facile pour elle nonplus.Après tout, elle aussi avait cruun jour aucontedefées.Laréalitéavaitétébiendifférente.
—Ondiraitbien,oui,acquiesçai-jeensouriantsansenthousiasme.Surce,jeluifissigned’ouvrirlavoie.
Bethy
Le tintementde la cuiller contre la coupede champagne fit taire l’assemblée. Jeme retournai,sachantpertinemmentdequiils’agissait.L’heureétaitauxdiscoursdelademoiselled’honneuretdutémoin.Depuisque jem’étaisassise, j’avais faitdemonmieuxpouréviterde fixercette table ; jen’étaispasfandelabelleblonde,Charity.
Étais-jejalouse?Oui,absolument.Tripparboraunlargesourirequifitforcémentfondretouteslesfemmesdel’assemblée.— Apparemment, c’est à moi de commencer, annonça-t-il en haussant un sourcil moqueur à
l’attention de Braden, et le chapiteau s’emplit du rire des convives. Tout d’abord, j’aimeraism’attribuertoutleméritepourça,affirma-t-ilenagitantlamainendirectiondeWoodsetDella.C’estmoiquiaienvoyéDellaàRosemaryBeach,pourladeuxièmefoisentoutcas.Jenesavaispasqu’elleyétaitdéjàpasséedesmoisplustôt.Maisquoiqu’ilensoit,c’estgrâceàmoiqu’elleyestretournée.
De nouveaux rires fusèrent. Pas étonnant queTripp excelle à cet exercice. Il avait toujours sucharmersonauditoire.
—JemesuisaperçuàquelpointWoodsKerringtonétaitentichélejouroùilestarrivéchezmoipourlafêtedemonretour.C’estunmiraclequejesoisicipourvousparleraujourd’hui.Woodsavaitmarquésonterritoireetétaitprêtàendécoudreavecquiconquesemettraitentraversdesonchemin.
Trippménageaunepause.Toutlemonderiait,voyantparfaitementceàquoiilfaisaitallusion.—Dellaestspéciale.Jel’aisudèsl’instantoùjel’airencontrée.J’aidécelédanssonregardla
mêmeâmeperduequejecroisaischaquejourdanslemiroir.Nousétionsdesâmessœurs.Jesavaisqu’en retournant àRosemaryBeach j’aurais une chance deme retrouver.Mais je n’étais pas prêt.Alors j’aichoisi lameilleurealternative.J’aienvoyéDella.Si jen’étaispasprêtàm’aidermoi, jevoulaisaumoinsl’aiderelle.(Ils’interrompitpourbaisserlesyeuxsurWoods.)Etj’aibienfait.JeregardeDellaaujourd’huietceregardperduadisparu.Sesyeuxbrillentdejoieetd’amour.Quantàtoi,fit-ilengratifiantWoodsd’uncoupdecoude,tut’esfaitensorceler!
L’assembléeéclataderireetDellasepenchacontresonmarienétreignantsonbras.—Unjour,tum’asdemandédelatenirdansmesbrasparcequetunepouvaispaslefaire.Tune
voulais pas qu’elle soit seule. Mais ce que j’ai compris sur le moment, qui m’avait échappéjusqu’alors,c’estquetuétaisleseulàpouvoirlaserrerdanstesbras.Parcequ’elleestchezelledanstesbras.
Trippsetournaverslesconvivespourporteruntoast.—Jevoussouhaiteraisbientoutlebonheurdumonde,maisvousl’avezdéjà.Félicitationsàtous
lesdeux.Santé!Je trempaimes lèvresdansmacoupeetregardaiDella, lesyeuxbrillantsde larmesde joie,se
leverpourembrasserTripp.Woodsselevaàsontour,pritsonépouseparlebrasetlaramenacontreluid’ungesteostentatoire.PuisilserralamaindeTrippetleremerciaavantdesepencherpourluiglisserunmotàl’oreilleetlegratifierd’unetapedansledos.
WoodsetTrippserassirent,unlargesourireauxlèvres.—Jen’aimeraispasêtreàlaplacedeBraden.Trippaétéformidable,murmuraBlaire.J’étaisentièrementd’accordavecelle.
Thadétaitunbonpartenairededanse,mêmes’ilavaitlesyeuxrivéssurunejolieserveuse,quinelequittaitpasnonplusduregard.Jemepenchaitoutcontresonoreilleàlafindenotretourdedanse:
—Faisattentionànepastefaireprendre.Ellerisqueraitdesefairevirer.—Jefaistoujoursgaffe,fit-ilenmegratifiantd’unclind’œil.Jeregagnainotretableenriant.DeanyavaitprisplaceavecNate.Ilsjouaientdelabatterieavec
des cuillers. Nate écoutait attentivement les explications de son grand-père pour bien garder lerythme.
RushetBlaireétaienttoujourssurlapistededanse.JeregardaiDelladanseravecsonpère,cethommedontelleignoraitencorel’existencedeuxansplustôt.QuandDellaétaitarrivéeàRosemaryBeach, elle n’avait pas de famille, tout juste Braden, sa meilleure amie, et un sacré paquet decasserolesdanssonpassé.
—Jejouedelabadderie,Ta-haBethy!hurlaNatepar-dessuslamusique.—Jevoisça!Tutedébrouillestrèsbien!Ilmegratifiaducharmantsourirequ’ilavaithéritédesonpère.Puis il retournaàsescuillers.
Étonnamment, ilétaitenrythmeavec lamusique.Peut-êtreavait-ilaussihéritédu talentmusicaldesongrand-père.
—Tum’accordescettedanse?s’enquitTrippenseplantantdevantmoi.Que cet homme porte un smoking était parfaitement scandaleux. Il devrait y avoir une loi
l’interdisant. Avec son mètre quatre-vingt-quinze, il ressemblait davantage à un membre nanti del’élitequ’aubikerrebellequ’ilétaitdevenu.
IlavaittenucompagnieàlacousinedeBradentoutelasoirée.Jem’étaisinterditdelesobserver,sansquoimonestomacfaisaitdesnœudsaffreuxquimecoupaientl’appétit.Jen’allaispasm’infligerça.
—Tun’espascensédanseravectacavalière?Malgrémoi, j’avais riposté d’un ton vachard. Pourtant, ce n’était pas sa faute si Della l’avait
affublé d’un rancard pour la soirée. Et il était hors de question que jeme représente la partie dejambesenl’airquelafilleenquestiondevaitprojeter.
—J’aidéjàdanséavecelle.Maintenantjeveuxdanseravectoi.Jen’étaispassûredepouvoirmeretenirdelepeloters’ilmeprenaitdanssesbrasdanssonfoutu
smoking.Ilétaitobligéd’êtreaussiséduisant?Iln’auraitpaspus’enlaidiraveclesannées?—Jet’enprie,Bethy,insista-t-ild’unevoixgrave.Commesij’avaispuluidirenon.Jeglissaimamaindanscellequ’ilmetendaitetmerelevai.—C’estbien,monpetit,commentaDean.Jetournailatêteverslui.Ilmefitunclind’œiletlevalesdeuxpoucesàl’attentiondeTrippavant
deretourneràsaleçondebatterieavecNate.—Toutvabien,c’estjustehistoirededanser,sedéfenditTrippenm’éloignantdelatable.Le commentaire de Dean n’avait rien à voir avec mon anxiété. C’était plutôt l’idée de me
retrouverdanssesbras.NousgagnâmeslemilieudelapistealorsqueletempodelamusiqueralentissaitetqueJames
MorrisonentamaitIWon’tLetYouGo.Tripp glissa une main dans le creux de mes reins où elle exerça une légère pression pour
m’attirer contre lui. Son autre main reposait sur ma hanche. J’étais soulagée que les quinzecentimètresdemestalonsmepermettentdeposerlesmainssursesépaules.
—Tupeuxmieuxfaire,memurmuraTrippàl’oreille.Untremblementtrahitmoncorps.—Quoi?demandai-je.Ilmepritlesmainsetlesenroulaautourdesoncouavantdereprendrepositionsurmesreinset
mahanche.—Beaucoupmieux,observa-t-iltandisquenoscorpssefrôlaient.Nousétionsproches,beaucouptropproches.—Tusensdivinementbon,susurra-t-ilenmeserrantdavantage.O.K., vraiment trop proches. La chaleur de son corpsm’enveloppait, la têteme tournait. Sans
doute parce que j’en oubliais de respirer. Quand j’inspirai enfin, le parfum raffiné de son après-rasagemesubmergea.Ilportaitrarementdel’eaudeCologne.Lerestedutemps,sesviréesenmotoluidonnaientl’odeurdularge.Dansuncascommedansl’autre,quandnousétionsensemble,j’avaisl’habitudedel’attirercontremoipourlehumer.
—Tuesmagnifiquecesoir.J’enétaispresquedésolépourlesautresdemoisellesd’honneurquiportentlamêmerobequetoi.
Siquelqu’und’autrem’avaitditça,j’auraislevélesyeuxaucielenriant.BlaireFinlaytutoyaitlaperfectioncommeilm’avaitrarementétédonnédelevoirdansmavie.QuantàHarlowCarter,elledégageaitunebeautéexceptionnelle.MaisdanslabouchedeTripp,j’acceptailecompliment.
J’effleurailecoldesonsmokingetcaressail’étoffedequalitéentremesdoigts.Cen’étaitpasunsmokingdelocation,plutôtunArmani.Aucundesinvitésn’avaitbesoindepasserparunelocation.Ilsenavaientundansleurgarde-robedepuisqu’ilsétaientenfants.Leurstyledevieexigeaitsouventleportdusmoking.
—Tuportesbienlesmoking.C’estlapremièrefoisquejetevoiscommeça,lecomplimentai-je.Jenepouvaispasvraimentêtreplusspécifique,moncœurbattaitdéjàlachamade.Ilémitunpetitrire:—Merci.Jenesuispasfan.Çafaitunbailquejen’enaipasporté.Ilesttoutneuf.Jemesuisdit
que,sijerestaisàRosemaryBeach,ilfallaitquejerafraîchissemagarde-robe.IlallaitresteràRosemaryBeach?Pourquoi?Ilvoulaitêtrechezlui?—Lagrand-routeetlaliberténevontpastemanquer?m’enquis-jeenréfléchissantàcequeje
savaisdesaviedepuisqu’ilétaitparti.Lachansonsuivantedémarraetilmeserracontrelui.—J’enaiassezdefuiretriennem’attendailleurs.CequejeveuxsetrouveàRosemaryBeach.Ilnefaisaitpasallusionàmoi.Pasmoi.Jenevoulaispasqu’ilparledemoi.Labulleromantique
qui nous englobait sur cette île finirait par éclater. Demain, il faudrait de nouveau faire face à laréalité.Etdoncaupassé.
Je restai silencieuse. Jenevoulais pasprononcer cesparoles àvoixhautepour lemoment. Jevoulaisprofiterdecefantasmeletempsd’unesoirée,dececontedeféesquimemettaitlà,lovéedansles bras deTripppour toujours.Nous resterions à danser, son cœur battant contremapoitrine, saveinepulsantàlabasedesoncou,lachaleurdesonétreintepourmoiseule.Encetinstant,jepouvaisfairesemblant.
Tripp
Jeprenais tropderisques.Notreétreintemefaisaitdébiterdes trucsquiallaient foutreen l’airtouslesprogrèsqu’onavaitaccomplis.Jeserrailamâchoirepouréviterdeluiavoueràquelpointlasentircontremoiétaitdélicieuxetdeluidétaillerparlemenucequejeluiferais,nue,danssapairedetalonsaiguillessexy.
Je penchai la tête en humant son parfum à pleins poumons. Si seulement j’avais pu poser leslèvressurlacourbedesoncou.Goûtersubrepticementàsapeauduboutdelalangue.Ellefaisaitdesbruitsirrésistiblesquandjefaisaisça.
Elles’étaitunpeudétendue.Elleavaitenroulélesbrasautourdemoi.Sapoitrinereposaitcontrelamienne.Lasensationdesonpoidstoutcontremoiétaitgrisante.
Enrelevantlesyeuxdesapeaudouceàportéedemeslèvres,j’aperçusWoodsquimefusillaitduregard.C’étaitquoi,sonproblème?Iln’avaitqu’àdanseravecsafemmeetmelaissertranquille.Ilinclinalatêteverslagauche.JesuivissonmouvementduregardetvisqueCharityétaitassiseseuleàtable.Oh,non,faitchier.Iln’allaitquandmêmepasmefaireculpabiliserpourça.Merdeàlafin!
Jeposaidenouveau lesyeuxsur lui. Il insistad’unnouveauhochementde la tête. JevisDellarejoindre Charity. Et merde. Della passait à côté de sa propre fête parce qu’elle s’inquiétait pourCharity.Lasituationcommençaitsérieusementàcraindre.J’allaisdevoiryretournerpourqueDellaprofitedelasoirée.
EtBraden,elleétaitpasséeoù?C’étaitsacousine,quandmême.Pourquoiellenes’occupaitpasd’elle?Jen’avaispasdemandéqu’onmecolleunrancarddanslespattes.Siçam’avaitfaitenvie,jem’enseraischargétoutseul.
LesdoigtsdeBethyglissèrentdansmescheveux surmanuque.Oh,putain. Je fermai lesyeuxtandisqu’ellemecaressait délicatementduboutdesongles.Et j’étais censé laplanter commeça ?DouxSeigneur,j’étaisauparadis.
Mamainsuivit lecreuxdeses reins jusqu’àcequemesdoigts reposentsurses fesses.Ellenebougeait plus, et j’avais arrêté de respirer. Je me forçai à rouvrir les yeux avant de perdre pied.Woodss’avançaitversmoid’unairdéterminé.
J’allaiscarrémentleprierdemelaissertranquille.Demelaisserenprofiter.Iln’avaitpasidéedecequecelareprésentait,huitannées.Iln’avaitjamaisétéséparédeDellaplusdedeuxsemaines.Qu’ilessaieunpeuhuitans,bordel,pourvoir.
Thadarriva sur cesentrefaites.Woods l’agrippapar lebraset luiglissaunmot.Le regarddeThad se posa sur moi. Il hocha la tête d’un air navré. Woods l’envoyait pour nous séparer et
m’obligeràpartir.C’estàcetinstantqueBethycaressalehautdemontorseduboutdesonglesenmedévisageantde
sesgrandsyeux.Ilfallaitquejedisequelquechose.Quejem’expliqueoum’excuse.Mêmesijen’yétaispourrien,àtoutcebazar.
—Eh,mec, partage unpeu.Ça fait cinq chansons que tu squattes.Àmoimaintenant, intervintThadd’untonmalicieuxquijuraitavecsonregard.
Ilmeregardaitcommes’ils’attendaitàcequejeluiencolleune.Bethyclignadesyeuxd’unairhébétéavantderegarderThad.Sesmainsrestèrentsurmoietelle
nereculapas.J’étaisàçademetambourinerlapoitrineenmodehommedescavernes.—Sérieusement,Bethy,danseavecmoi.Trippdoitprêterunpeud’attentionàsa,euh…ehbienà
lajeunefemmequiestassiseàcôtédelui.—Oh,fitBethyquivenaitdecomprendrelasituation.(Ellefixasesmainsposéessurmoipuis
lesretiraprécipitammentenreculantd’unpas.)D’accord,jesuisdésolée,murmura-t-elleenjetantuncoupd’œilnerveuxautourd’elle.
J’allais danser avec cette nana pour faire plaisir àWoods, mais jamais je ne laisserais Bethys’excuser.Plutôtcrever.Jesaisissamainetl’attiraidenouveaucontremoi.
—Net’excusepas.Paspourça,martelai-jeavantdedéposersamaindanscelledeThad.Tufaisgaffe,intimai-jeàvoixbasseenpassantdevantlui.
JedirigeaitoutemafrustrationcontreWoods,quinenousavaitpasquittésdesyeux.Aumoinsilavaitl’airuntantinetdésolé.
Enm’approchantdelatable,j’entendisCharityquitentaitdeconvaincreDelladedanseravecsonmarietdenepass’inquiéterpourelle.PourquoiThadnepouvait-ilpasdanseravecelle?Pourquoiçadevaitêtremoi?Jerepoussailaculpabilitéquiessayaitdem’accapareretmeparaid’unsourirecomplètementartificiel.
—Disdonc,Della,tun’espascenséedanser?C’esttonmariage,rappelai-je.Dellalevasurmoiunregardsoulagé.—Oh,si,jediscutaisavecCharity.Bradennesesentpastrèsbien.Lajournéeaététroplongue
pourelle.Lagrossessel’épuise.Super.Çarépondaitàmaquestion.—JevaistenircompagnieàCharity.Vadanseravectonépoux.Ilal’airdes’ennuyer,répliquai-
je.Ellemesourit ethocha la tête,puisprit congédeCharityavantdehâter lepaspour rejoindre
Woods.C’était leursoirée.J’allaisfaireçapoureux.Cettefois-ciuniquement.Maisplusjamais.Etpourpersonned’autre.
— Tu avais l’air très absorbé par ta partenaire de danse. Quelqu’un d’autre te l’a enlevée ?interrogeaCharityd’unevoixagacée.
Je sentais encore la chaleur de Bethy entre mes bras. Je n’étais pas prêt à ce qu’une autre laremplace.Jem’assisdoncàcôtédeCharityaulieudel’inviteràdanser.
—Tut’amusesbien?demandai-jeenignoranttotalementsoncommentaire.Ellehaussaunsourcilcommesielleétaitsurprisequejemepréoccuped’elle.Jeprenais soindenepas regarderBethydans lesbrasdeThad.Sansquoi je risquaisde faire
irruptionsurlapistededansepourl’arracherdelà.—Moncavalierestaccaparéparuneautrefemmedepuisunedemi-heure.Àtonavis?finit-elle
parrétorquerd’untontranchant.Jeme penchai vers elle, fermement décidé à l’informer qu’elle n’était pasma cavalière,mais
qu’elle était là parcequeDella l’avait invitée, pas àmademande.Que tout ce que je voulais à cetinstantprécisétaitderetournerserrerBethydansmesbrastelqu’ellem’avaitlaissélefaire.Maisje
me repris. Jen’étaispas cruel.Charity était une femmemépriséeque sonmari avait laissée sur lecarreau.Elle se retrouvait à unmariage avecungroupedegensheureux en amour.Elle souffrait.Quantàmoi,undesrarescélibatairesdulot,j’étaisuneciblefacile.J’enavaisconscience.
—Jesuisamoureuxd’elle,affirmai-je.IlfallaitqueCharitycomprennequemonattentionneseporteraitjamaissurelle.Maiscettedernièresecontentadeleverlesyeuxauciel.—Benvoyons.Grosseinsetformesgénéreuses.C’estdel’amour,c’estsûr.JemerépétaiqueCharitytraversaitunemauvaisepériode.— Oui, elle est magnifique, mais c’est plus profond que ça, contrai-je, incapable de cacher
qu’ellem’avaiténervé.—Leshommes.Vousvoyezunefillequial’airfacileetvoushaleteztouscommedeschiens.J’ai
unscoop:cesoirc’étaitmoilafillefacile.Je serrai les poings et tournai mon regard furibond vers elle. Elle avait dépassé les bornes.
Personne,absolumentpersonnene traitaitBethyde fille facile. Jemepenchaienavant, lesdentssiserréesquemamâchoirecraqua.
Charityrecula,lesyeuxécarquillésdepeur.Jeneperdaispassouventmoncalme,maiscettenanaétaitalléetroploin.—Àdix-huitans,jesuistombéamoureux.Dustylegrandamour,paspremieramour.Dustylele
seuletuniqueamourdemavie.Maiscommemesparentsvoulaientfairedemoicequejenevoulaispas, j’ai dûprendre la fuite.Elle avait àpeine seize ans et jenepouvaispas l’emmener avecmoi.Quandjesuisparti,jel’aifaitpournous,pourpouvoirrevenirquandelleseraitsuffisammentâgée.
Laduretédansmavoixfaisaittremblersesépaules.Charityavaitpâli,maisellem’écoutait.—Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Pendantmon absence, elle a dû faire face à quelque
chose de terrifiant sansmoi. Je n’étais pas là pour la soutenir. À cause de ça, je l’ai perdue.Desannées plus tard, elle est de nouveau tombée amoureuse.Demon cousin.C’était lemeilleur choixpourelle.Quandenfinjesuisrentréàlamaisonpouraffrontermesdémons,elleétaitheureuse.Plusquetoutaumonde,jevoulaisqu’ellesoitheureuse.Maislatragédieachoisidenousfrapperunefoisencore.Unelamedefondaentraînémoncousinalorsqu’iltentaitdelasauverdelanoyadeetnousl’avonsperdu.Pendantunanetdemi,j’aivulafemmequej’aimetraverserlaviecommeunfantôme.Vidéeparlaperte.Ellenemelaissaitpasl’approcher,parcequejenefaisaisqueluirappelertoutcequ’elleavaitperdu.Ellemehurlaitdessusetme jetaitdesmotsà la figuredont jenemeremettraijamais.Pourtant jecontinueàveillersurelle tous les jours.Parcequ’elleestseule.Etparceque jeveuxm’assurerqu’elleestensécurité.C’estlaseulechosequim’aideàcontinuer.
Macolèreavaitdisparu.Mavoixavaitdesaccentsdésespérés.L’expressiondeCharitys’adoucitetdansson regard lechoccéda laplaceà lacompassion. Je
tournailatêteverslapistededanseoùDeanFinlay,quiavaitprislerelaisdeThad,faisaitvirevolterBethy,luidonnantlesourire.
—Cesoir,pourlapremièrefoisenhuitlonguesannées,ellem’alaissélaprendredansmesbras.Sansmehurlerdessus.Sansmerepousser.Cesoir,lemeilleuramidemoncousins’estmarié.J’aidûleremplaceràsescôtésentantquetémoin.Malgrésonsouvenirquiplanaitsur lasoirée,ellem’alaissélaserrercontremoi.
Charitysuivitmonregardpuisémitunpetit«oh»d’unegrandedouceur.Jene savaispas troppourquoi je luividaismonsac. Jevoulaispeut-être lui signifierque j’en
connaissaisunrayonsurladouleur.Qu’ellen’étaitpaslaseuleàsetraînerdesmerdesdupassé.Etjevoulaisaussiqu’ellepigequejenecoucheraispasavecellecesoir.
—C’estelle,donc,observaCharityenregardantBethyriredespitreriesdeDean.—Ouais,c’estelle.
—Elleestmagnifique,murmura-t-elle.—Laplusbellefemmequej’aiejamaisvue.Ellereniflaets’essuyalesyeux.Jetournailatêteverselle.Ellemesourit.—C’est unehistoire déchirante.Mais ellemedonne àpenser qu’autre chosem’attend. Je n’ai
jamaisconnucegenred’amour. Jecroyaisqu’iln’existaitquedans les films.L’expressionsur tonvisagequandtuenparles…c’estçaquejeveux.(Elleseleva,sonsourireilluminaitsestraits.)Mercidem’avoir raconté tout ça. J’étais assise là à m’apitoyer sur mon sort. À t’en vouloir de ne pasm’accordertonattention.Maisaprèsavoirécoutétonrécit,aprèsavoirvuDellaetWoodsensemble,jesaisqueBradenetAdamnesontpasuniques.Ontrouvetoujourschaussureàsonpied.Cegrandamourm’attendquelquepart,moiaussi.Ilnemeresteplusqu’àledécouvrir.
Jemelevaiàmontour.—Laissonstoutceladerrièrenous.Tuveuxdanser?proposai-jeenluitendantlamaindansun
gesteamical.Elleritdoucementetsecoualatête.—Jamais de la vie.Retourne là-bas et danse avec elle.Et j’attendsundénouement digned’un
contedefées.Je lui souris avec gratitude.Du coin de l’œil, j’aperçusDean qui raccompagnait Bethy à leur
table.— Tu ne seras pas témoin du dénouement ce soir. Nous avons tant d’obstacles à surmonter,
soupirai-jedevantl’ampleurdelatâche.—J’imagine.Danscecas,si tudoismelaisserenpleinsuspense,faisçabien,surenchérit-elle
avecunsourirefacétieux.Plus que tout aumonde, je voulais que cette soirée se termine aussimerveilleusement qu’elle
avaitcommencé.—Souhaite-moibonnechance,soufflai-jeenlagratifiantd’underniersourireavantdetraverser
lasallepourrejoindreBethy.—Elles’appelleBethy,n’est-cepas?Jemeretournai:—Ouais,c’estça.—JesuisàfondpourlaTeamTrethy.C’étaitquoicecharabia?Jenem’arrêtaipaspourluiposerlaquestion.Jenevoulaispasperdre
uneminutedeplus.
Bethy
Dean m’aidait à faire diversion. Thad avait expliqué que Della voulait que Tripp tiennecompagnieàCharity.Bradenn’étaitpasdanssonassietteetCharityneconnaissaitpersonned’autre.Jecomprenaistrèsbienlasituation,quin’auraitdûmeposeraucunproblème.J’auraismêmedûêtresoulagée.QuandThadm’avaitsortiedematorpeur,j’étaisàfondsurTripp.Àunmomentdonné,soncontactetsonsouffledansmoncoum’avaientfaitperdrelatête.
Pourautant, jene retournaipasà la tableavecDean. Jecontinuaiàmarcher. J’avaisbesoindetrouver un endroit tranquille pour rassembler mes esprits. Voir Tripp et Charity en grandeconversation, têtespenchées l’unevers l’autre,c’enétait trop.J’étaispeut-êtreàdeuxdoigtsdemejeterdanssesbras,n’empêchequ’ilavaittournélestalonssansaucunedifficulté.
Ah,voilàquej’étaispeste,encoreunefois.Cetteattitudedétestablenemeressemblaitpas.Une fois sortie de sous le chapiteau, je plongeai dans la pénombre, loin des lampes et de
l’agitation. Je ne pouvais pas retourner dans ma chambre pour le moment, ce serait trop impoli.J’avaisbesoindepasserquelquesinstantsseule.Demeremotiverunboncoupavantd’yretourner.
Le bosquet de palmiers offrait le seul semblant d’intimité à la ronde. Jemettais le cap dessuslorsqu’unbruitdepasm’interrompit.Jemeretournai:Tripparrivait.Qu’est-cequ’ilfaisaitlà?
Unefoisàmahauteur,ilagrippamamain.—Continue,ordonna-t-il,lesyeuxrivéssurlespalmiers.—Pourquoi?demandai-jed’unairconfustoutenaccélérantlepaspourresteràsahauteur.Tripprestasilencieux.Unefoisàl’abridesarbres,ilmesaisitlatailleetmerepoussacontreun
destroncsépais.—Tuallaisoù? s’enquit-il en sondantmonvisagecommes’ildétenait toutes les réponsesde
l’univers.Sesmainsenserraientmatailleavecfermeté.—Euh,ehbien,ici,balbutiai-je.—Pourquoi?insista-t-ilenseserrantcontremoi.—J’avaisbesoind’êtreseule,avouai-je.Et tu faisais ami-ami avec Charity, me retins-je d’ajouter. Cela ne ferait que compliquer les
choses.Cettesoiréeoffraitunebulletemporellequinouspermettaitd’oublierlepassé.Riendeplus.—Jevenaistechercherpourdanser,poursuivit-il.Ilavaitbaissélavoix,latêteinclinéeversmoi.—Tum’avaisl’airtrèsoccupé,ripostai-jemalgrémoi.
Ilglissasacuissemuscléeentremesjambes.—Jediscutais.Çat’adérangée?Oui.—Non,biensûrquenon.—Hum-hmm,répliqua-t-il.Ilcaressadupoucelacourbedemamâchoire,puisderrièremonoreille,avantdeglisserlelong
demoncou.—Tripp,soufflai-jed’unevoixblanche.—Oui,machérie?répondit-iltandisqu’undoigtremontaitlelongdemoncou.—Qu-qu’est-cequetufais?Jem’étaisvéritablementmiseàbégayer.Oh,Seigneur,jen’allaispasyarriver.Trippbaissalatêteetinspiraprofondémentàlabasedemoncou.—J’avaisenviedefaireçapendantqu’ondansait.Tapeauestsidouce,ellesentdivinementbon.Jevoulais luidirequ’onferaitmieuxd’arrêter,queçan’allaitnullepart,ne feraitqu’attiser la
douleur.Aulieudequoij’inclinailatêteàmontourpourdégagermoncou,enguised’invitation.Tripppoussaungrognement,puisses lèvresseposèrentsurmapeau.Lapointebrûlantedesa
langueremontalelongdemoncou,sesdentsmordillèrentdélicatementmonlobe,puissesbaiserspoursuivirent leur chemin jusqu’à ma bouche. Je retins ma respiration en attendant la suite,inéluctable.
Lorsqueseslèvresrecouvrirent lesmiennes, laréalitécessad’exister.Seulcomptaitcet instant.Trippagrippamajambeetlaremontacontrelui.Jel’enroulaiautourdesatailletandisquesacuisseappuyaitentremesjambes.
Lorsquesabouches’ouvritcontrelamienne,jeluioffriscequ’ilvoulait.Legoûtduchampagnedelasoiréem’assaillittandisquesalangueglissaitlentementsurlamienne,commes’ilcherchaitàmedéguster.Jemêlailesdoigtsàsescheveux.Jeressentaislebesoindeletenir.Jenevoulaissurtoutpasqueças’arrête.Cettesensation…jel’avaisoubliée.J’avaissisouventpenséquemonimaginationdejeunefillem’avaitincitéeàaimerça.Maislaréalitédépassaitlargementmonsouvenir.
QuandTripp posait ses lèvres sur lesmiennes, lemonde alentour s’évanouissait. Son goût nejouaitqu’uneinfimepartie.L’intimitédescaressesexquisesdesalangueenflammaittoutmonêtre.
LesmainsdeTrippremontèrentlelongdemacuisseetseglissèrentsousmajupeavantdesaisirmes fesses. Il s’immobilisa aussitôt : sesmains avaient atterri surmapeaunue.Moi-même j’avaisoubliéquej’avaisrenoncéàlapetiteculottepouréviterlamarqueàtraversmarobe.
Il prit une inspiration rapide, arracha ses lèvres des miennes et me dévisagea. Le désir quitambourinaitdansmesveinesetéveillaitchaquemillimètredemoncorpsselisaitlà,danssesyeux.
—Tuneportespasdeculotte,souffla-t-ild’unevoixrauque.Jesecouailatête,incapabledeprononcerunmot.Ilglissalentementlamainjusqu’àlamoiteurqu’ilavaitprovoquée.Ilappuyasonfrontcontrele
mien et serra les yeux fort tandis que ses doigts se mettaient en mouvement entre mes cuissesentrouvertes.Sarespirationétaitsaccadée,commes’iloubliaitdeprendredel’airethaletaitdèsqu’ils’ensouvenait.
Tremblante, je refermai lesmains sur sesépaules tandisque sondoigt effleuraitmonpointdeprédilection.
—Tuestrempée,susurra-t-il.J’en avais conscience. Je sentais la moiteur sur mes cuisses. Le doigt de Tripp se mit en
mouvement ; j’enfouismonvisagedanssapoitrineenpoussantuncri. Ilglissaundoigtenmoietentrepritlentementdemepénétrerd’avantenarrière.J’étouffaiungémissement,lesoufflecourt,leslèvresplaquéescontresontorse.
—Tuessiétroiteetbrûlante.Bonsang,j’adoretetouchercommeça.Jevaiscaressertonclitoristoutgonflé,machérie.Accroche-toiàmoi.
Matêtepartitenarrièreetjehurlaisonnom.—Putain,s’écria-t-ilenretenantmatêtecontresapoitrine.C’estsibonqueça?Tapetitechatte
bouillanteabesoind’attention?Je te jure, tuserres tellementmesdoigtsquejevaisfinirpar juterdansmonpantalon.
Sesmotsgrivoisallaientavoirraisondemoi.J’étaisprêteàexploser.J’avaisenviedecriersonnom en lui labourant le dos nu. Je n’en avais plus rien à faire si on m’entendait. Je voulais lajouissancequ’ilallaitm’offrir.
J’empoignaisachemiseenessayantimpétueusementdeladéboutonner.J’avaisbesoindesentirsapeauetcettepoitrinesublimequim’avaittantfaitfantasmer.
—Doucement,fit-ilenm’empêchantdedéchirerletissu.Jevaism’enoccuper,sic’estcequetuveux,maispourlemomentjeveuxtesentirjouirsurmesdoigts,murmura-t-ilendéposantunbaisersurmeslèvres.
J’enavaisenvie,moiaussi.—Tuasmouillétoutemajambe,constata-t-ilavecunpetitrireravi.DouxSeigneur.Maispourl’instant,çam’étaitbienégal.Jeresserrailesmainssursachemiseen
pantelantcontresapoitrine.—Chevauchemamain.Montre-moicequitedonneduplaisir.Baisemesdoigts,machérie.Jete
tiens.Savoix,rauqueetprofonde,résonnaitdansmesoreilles.Jen’avaispasbesoindechevauchersamainnideluimontrerquoiquecesoit.Lesmodulations
desavoixtandisqu’ilmefaisaitunbienfousuffisaientàmefairedécoller.Lavaguedeplaisirquifaisait tremblermon corps en était presque douloureuse. Je tressautai frénétiquement tandis que lenomdeTrippglissaitdemeslèvresdansunesupplicationdésespérée.
Saboucheétaittoujoursplaquéecontremonoreille,prononçantdesparolesquinefaisaientqueprolongerleplaisir,m’expliquantqu’ilsentaitmonodeur,quemonfoutrerecouvraitsesdoigts,qu’ilbandait.J’avaisoubliésonregistregrivoisetletalentqu’ilavaitpourlemanier.
—Arrête!haletai-je.Ilfallaitquejereprennemonsouffle.Trippmegardaserréecontrelui,lamainentremescuisses.—Tuveuxquej’arrêtequoi,machérie?s’enquit-ileneffleurantmoncoudehautenbasdubout
deseslèvres,sonsoufflechaudexcitantmapeau.—Nedisplusrien,implorai-je.Ilfallaitqu’ilsetaise,c’enétaittrop.Unriregravevibradanssapoitrineetjem’aperçusqueje
serraisencoresabellechemisefroisséeentremesmains.Jelarelâchaiettentaidelalisserduplatdelamain,mêmesimoncorpssemblaitnepasvouloirfonctionnercorrectement.
—Jepeuxparler,maintenant?plaida-t-il.Jelevailesyeuxsurlui.Ilmefixaitdesonregardardent.—Siçan’ariend’obscène,d’accord,objectai-jed’unevoixessouffléecommesij’avaiscouru
unkilomètre.Il éclata de rire etm’attira tout contre lui tandis que samain se retirait lentement d’entremes
jambes.—Çanemefaitpasrire,protestai-je.Ilsepenchapourm’embrasseraucoindeslèvres.—Çaneteplaîtpasquandjetedisàquelpointtuesdélicieuse?Ohsi,çameplaisait,onpouvaitdireçacommeça.—Tajoliebouchedevraits’accompagnerd’unavertissement.Elleestfatale,arguai-jetandisque
lesbattementsdemoncœurralentissaientetquemarespirationsestabilisait.Ileutunpetitsourireencoin,puisbaissalesyeuxsurmesjambes.J’étaistoujoursàcalifourchon
sursacuisse.Jedépliailajambequej’avaisenrouléeàsataille.— Mon pantalon détrempé m’informe que tu as parfaitement apprécié mes commentaires
cochons,affirma-t-ilenposantdenouveaulesyeuxsurmoi.Jemetenaissurlapointedespieds,entalonshauts,pouréviterdem’encastrertotalementsursa
cuisseetmesmolletscommençaientàmebrûler.Qu’ilétaitgrand,nomd’unchien.—Ilfaudraitquetubougestajambeavantquej’aieunecrampeaumollet,l’informai-je.—Pourquoiveux-tuavoirunecrampe?Nerestepascommeçasurlapointedespieds,jetetiens
!s’exclama-t-ilendécouvrantmaposture.Jepoussaiunsoupir,medélectantdel’oxygènequiemplissaitmespoumons.—Tuteplainsdéjàquetajambesoitmouillée.Çaseraencorepire.Jesuisdansundrôled’état,
concédai-je.—Jenemeplainspasdutout,madouce.Jetrouveçaultrasexy.Jesenstonodeursurmoi,c’est
carrémentdément.Etvoilàqu’ilrecommençait.Jeposaiundoigtsurseslèvresensecouantlatête.—Çasuffit.Jesuissérieuse.Ilfautquejemeressaisisseetquej’yretourne.Trippsourit.Seslèvrescharnueseffleurèrentmondoigt.J’eusenviededessinerleurcontouret
deleslécher.—Tunepeuxpasy retourner,machérie.Ta robeest froissée, j’aidéfait tacoiffure, tuas les
lèvres gonflées et je mettrais ma main à couper que la peau de ton cou est toute rouge aprèsl’attentionobsessionnellequejeluiaiportée.Etn’oublionspasquetuneportespasdepetiteculotteetquetusenslesexe.C’estenivrantetjerefusedelaisserquiconquet’approcher.
Ah.Certes.Jenepouvaispasyretourner.Cettefois-ci,j’avaissérieusementbesoind’êtreseule.— Je vaism’arranger, retourner à l’intérieur et souhaiter bonne nuit de notre part à Della et
Woods.Jem’excuseraipourtoi.Ilsetutetmedévisageauninstant.Sonregardrelançalespicotementsentremesjambes.Aussi
invraisemblablequecelapuisseparaître.—Aprèsquoijeviendraiterechercher,reprit-il.Jeteveuxnue.Etjeveuxêtreentoi.Il neme laissa pas le temps de répondre. Il reposa le pied par terre,m’aida à retrouvermon
équilibre, puis défroissama robe avant de retourner sous le chapiteau. Je contemplai ses longuesjambesetl’alluredeseslargesépaulessoussaveste.J’attendaisquelaculpabilitémefrappedepleinfouet.DepuisJace,jen’avaiscouchéavecpersonne.
Maisilnesepassarien.Cequimemitencolère,contremoi-même,parcequej’avaistrahiJace,contreTripp,parcequ’il
mefaisaitledésirer,etcontrecettevie,carjesavaisquecequej’avaisconnuavecTrippétaitanéanti.Etnepourraitjamaisrenaître.
Tripp
Unefoissouslalueurdeslampesduchapiteau,jevérifiaimonapparence.Misàpartmachemisefroissée, j’étais présentable. De toute façon, je n’avais pas l’intention de faire long feu. Hors dequestiondelaisseràBethyletempsdechangerd’avis.
Heureusement,WoodsetDellan’étaientpasoccupésàdanser.IlsdiscutaientavecRushetBlaire.Jemeglissaipar-derrièrepouréviterdepasserautraversdestablesetdecroiserquelqu’un.Rushmeremarqua en premier. Ma chemise froncée ne passa pas inaperçue et ses sourcils s’arquèrent desurprise.
—Tuétaispasséoù?s’enquit-ild’untonamusétandisquejelesrejoignaisenfin.Les troisautrespairesd’yeuxse fixèrentsurmoi.Woodsnesemblaitpasenchanté,maisDella
n’avaitpasl’airgênéequej’aielaisséCharity.Unfinsourireplanaitsurseslèvres.—Hum,ta…euh,balbutiaBlaireenavisantl’étatdemachemise.EllejetaunœilàRushpourqu’ilvienneàlarescousse.IlrigolaetBlaireécarquillasoudainles
yeuxencomprenantlasituation.—AlorsCharityettoi,euh,vousavezbienaccroché?demanda-t-elled’unevoixpeuassurée.Charity?Jamaisdelavie.—Çafaitunbailqu’ilaplantéCharity,s’agaçaWoods.Dellaluiadministrauneclaquesurlapoitrine.—C’estpasvrai.Illuiaparléetelleluiaditdepartir.Toutvabienmaintenant,inutiled’êtreen
colèrecontrelui.Woodseutl’airsoulagé.—Tantmieux.Maisplusjamaisons’occupedeluitrouverunrancard.C’esttropstressant.Dellaéclataderireetsetournaversmoi.—Désoléedetoutcebazar.Jevoulaisrendreservice.Jenesavaispas…Savoixrestaensuspens.—Cen’estpasgrave.Jesaisbienetj’apprécietongeste.Bien,écoutez,lasoiréeaétésuper,etje
suisvraimentheureuxpourvous.MaisBethyadûretournerdanssahutteetjeveuxm’assurerqu’ellearriveàbonport.
Rush camoufla son rire en toussotement.Woods ne se donna pas tant demal. Les salauds. Ilspourraientaumoinsfairesemblantdemecroiredevantlesfilles.
—Oh,biensûr.RemerciebienBethypourtout,etsionnevousvoitpasdemainmatinavantdedécoller,onvousverraànotreretourdelunedemiel,précisaDella.
—Amusez-vousbien,lançai-je.JejetaiunœilàBlaire.Lacuriositéselisaitsursonvisage.Sijenemetiraispasvitefaitbien
fait,elleallaitcommenceràposerdesquestions.—Toiaussi,conclutWoodsenmegratifiantd’unclind’œil.Jetournailestalonsetregagnailasortieensouriantdetoutesmesdents.
Quandj’arrivai,Bethyétaitassisesurlachaiselonguedevantchezelle,perduedanssespensées.Visiblement,ellen’étaitmêmepasretournéeàl’intérieur.Sessandalesàtalonsoscillaientauboutdesesdoigtsetellenes’étaitpaschangée.Unevagued’angoissemesubmergeaàl’idéedecequ’ellepouvaitpenser.
Jem’assisàcôtéd’elle,maisellenemeregardapas,cequin’étaitpasunbonsigne.J’avaisenviede prendre sa main, mais j’avais peur qu’elle ne déguerpisse. J’étais de nouveau désarmé. Unsentimentquim’étaitfamilier.
—Ilteressemblait,commença-t-elled’unevoixdouceenregardantl’eaumiroiteràlalueurdelalune.Lepremierjour,quandilaflirtéavecmoi,c’esttoiquejevoyais,etpersonned’autre.Sonsourire, l’éclat amusé de ses yeux. Vous vous ressembliez comme deux gouttes d’eau. (Elles’interrompit pour me regarder. La tristesse inaccessible de son regard me fendit le cœur.) J’aicouchéavecluilapremièrefoisàcausedetoi.Tumemanquaistellement.
Elleavaitbesoindevidersonsac,maisjen’étaispassûrdetenirlechoc.—Maisiln’étaitpascommetoi.Pasvéritablement.Ilavaitsaproprepersonnalité.Ilsouriaiten
coin,ilétaitespiègle,moinssérieux.Ilm’aimait,etpourcetteraisonjesuistombéeamoureusedelui.Audébut,j’avaispeurd’aimerdenouveau.Jesavaisàquelpointçafinitparfairemal.
Jeserrailespoingsetm’efforçaiderespirer.—Sonamourétaitévidentetilmedonnaitl’impressiond’êtrecequ’ilyavaitdeplusimportant
danssavie.Jen’avaisjamaisconnuça.Parcequejel’avaisabandonnée.Jen’étaispasresté.—Laperdre,perdrecequenousavions,c’était…(Elleenfouitsonvisagedanssesmainsetprit
uneprofondeinspiration.)Çam’achangée.Çam’apresquedétruite.Jenesaispassijeretrouveraijamaislafillequej’étais,cellequej’étaisdevenueavecJace.
Elleseretournaenfinpourmedévisager.—Toietmoi,onavaitunpassé,ilnousfallaittournerlapage.J’avaistellementpeurdet’aimer
plusfortlorsquetuesrevenu.Detoujourst’aimerplusfort.Tumeterrifiais.J’avaispeurdeperdreceque j’avaisavecJace.Dèsque je te regardais,moncœurbondissaitcommeilne l’avaitpas faitdepuisuneéternité.
Elleessuyaunelarmequis’étaitéchappéelelongdesajoue.Sij’avaispurevenirenarrièreetchangerlepassé,jel’auraisfait.J’auraisfaitn’importequoipourluiôtercettedouleur.
— Je vais devoir vivre sachant quema propre stupidité lui a coûté la vie.Cette culpabilité nedisparaîtrajamais.Jebuvaispouroublierlepassé.Jesavaisqu’ilfallaitquejediselavéritéàJaceàproposdenousetdelagrossesse,maisjen’yarrivaispas.Jenevoulaispasqu’ilmehaïsse.J’avaispeur de perdre son amour. Il avait cette manière de me regarder, comme si personne d’autre aumondenecomptaitàsesyeux.Sijepouvaisrevenirenarrière,jeluidiraistout.Ilmehaïrait,maisaumoinsilseraitencoreenvie.Sonrireneseseraitpaséteint…
Jeposaiunemainsursespoingsserréssursesgenoux.Soncorpsseraiditaussitôt,maisellenecherchapasàsedégager.Jenesavaispasquelsmotschoisir.JesavaissimplementqueJacen’auraitpasvoulucela.Iln’étaitpasmortenlasauvantpourqu’ellevivedanslaculpabilité.
—Tu avais peur de perdre l’homme que tu aimais à cause d’un épisode de ton passé.Ce quiexpliquepourquoitubuvais,pourcamouflerdesémotionsquetunevoulaispasaffronter.C’estune
réaction compréhensible. Ce qui est arrivé à Jace n’est pas ta faute. C’était un accident, Bethy.Unaccidenttragique.Tut’étaisdéjàbaignéeaumêmeendroitplusd’unefoisaprèsunefêtebienarrosée.On l’a tous fait.Merde, je suismême sorti en surf bourré une fois.C’est dangereux, évidemment.Maistun’avaispaslesidéesclaires.Jacet’avuepartiretn’aeuqu’uneidée:teprotéger.Iln’apaspenséunseulinstantauxlamesdefond.Ilachoisidetesauveretdesesacrifier.Etjeleconnaissaissuffisammentbienpourpouvoiraffirmerqu’ilnet’apassauvéepourquetuvivesdanslaculpabilitéet la douleur. Il voulait que tu vives pleinement,Bethy.Que tu sois en vie. Pas comme tu l’as faitjusqu’àprésent.
Bethyretroussaleslèvresetravalaunsanglot.J’auraisvoululuienlevercetteblessureetvivreavecàsaplace.
—Cesoir,souffla-t-elledansunhoquet.Cesoiravectoi…jen’aimêmepaspenséàlui.Commesielleserendaitcomptedecequ’ellevenaitd’avouer,elleretirasesmainsetsereleva
brusquementpourmettredeladistanceentrenous.—Çafaitpartiedelavie:enprofiter.Tut’escontentéed’exister,insistai-jeenespérantqu’elle
comprenneetacceptemesparoles.Ellereniflaets’essuyalevisage.—C’estque…jenepeuxpas. (Elleprituneprofonde inspirationetse tournaversmoi.)Jene
peuxpasvivremavie…avectoi.C’estimpossible.Jemelevaimaisellesecoualatêteettournalestalons.—Jet’aime.Lesmotsétaientsortisavantquej’aiepulesarrêter.Cesmotsquejevoulaisluidiredepuishuit
années.Elleagrippalebattantdelaportesansseretourner.Ellerestaimmobile,ensilence,pendantun
longmoment,tandisquejem’accrochaiàcetteinfimelueurd’espoir,priantpourqu’ellerestedansmavie.
—Jesuisdésolée,maisilesttroptard.Ellepénétradanslahutte,dontlaporteserefermaderrièreelle.C’étaitfini.Ilfallaitquejem’enaille,quejelalaissetrouverlaviequ’elledésirait,etdontjene
ferais jamaispartie.Comment fairepour l’accepter?Jevoulaisd’unaveniravecBethy.Jevoulaisêtreceluiquiluidonnaitlesourire.Jenepouvaispaslapousserdavantage.Jedevaislalaisserpartiretpansersesblessuressansmoi.J’avais l’impressiondem’arracher lecœurpour ledéposeràsespieds.Ellevoulaitreprendrelefildesavie.Sansmoi.
Bethy
Jeposai leplateaudeboissonsetprisplusieurs inspirations.Cela faisait troismoisque j’avaisréussiàbouterTripphorsdemavie.Ànotreretourdel’îleaprèslemariage,Trippavaitcessédemesuivrepartout.Àpartquandiljouaitaugolfavecsescopains,jelevoyaisrarement.
—Çava,chica?Jimmy, le responsable de la salle àmanger du country club, franchit à grands pas les portes
doubles.Jehochailatêteàsonattention,unsourireplaquésurlevisage.—Ouais,super.—Tantmieux,parcequetouslesmembresduconseilsontarrivés.Onnevapaschômercesoir,
surtoutquelabonnevieilletataDarlaestdelapartiepourvérifierqu’onnefaitpasdeconneries.J’avaisdéjàentraperçulatableréservéeetlesconvivesenquestion.Raisonpourlaquellej’avais
besoind’uninstantpourmeressaisir.Habituellement,j’aimaisbienservirmesamisensalle.DellaetBlaireavaienttravaillétouteslesdeuxdansl’établissement.Laplupartdutemps,ilsallaientchercherleursboissonsetleursassietteseux-mêmesencuisine.Pourmoi,latâcheétaitfacile.
Maislà,c’étaitdifférent.Ilsétaienttoussurleurtrenteetun.Ils’agissaitdudînerd’affairesqueWoodsorganisaitchaquetrimestre.Unefois,j’avaisassistéàl’unedecesréunionsavecJace,maismapositiond’outsiders’étaitavéréeplutôtconfortable.
Àl’instant,c’étaitdevoirTrippaccompagnéd’unefemmequim’avaitdécontenancée.Mêmesiaufondçanemeregardaitpas.
—Lesverresd’eausontsurlatable.Woodsadéjàchoisiunrougeetunblancpourlerepas.Tuprendslerouge,jemechargeraidublanc.JepensequeDeanFinlaycommanderaunbourbon.Àpartlui,toutlemondes’entientauvin.
J’opinaidenouveau.J’étaisoccupéeàmedemanderpourquoij’étaissicontrariéedevoirTrippaccompagné. Je l’avais repoussé et ça avait fonctionné.Unpeu tropbienpeut-être.Ce soir, il étaitavec London Winchester. Au lycée, ils étaient sortis ensemble pendant deux ans. Quand on étaitensemble,Trippn’avaitpasl’airdel’aimerdutout.Ellel’agaçait.
Fautdirequ’àcetteépoqueelleneressemblaitpasàunegravuredemode.Elledevaitfairesonmètrequatre-vingts,toutenjambes.Argh.
—Chérie,tuessûrequeçava?Tuestoutepâlotte,s’inquiétaJimmy.Ils’étaitplantédevantmoiet,d’undoigtposésouslementon,m’avaitfaitreleverlatête.Ilyavait
quantitédebeauxmecsàRosemaryBeach,maisJimmylesbattaittousàplatescoutures.Ilétaitd’unebeautésaisissante.Lescougarsluilaissaientdegénéreuxpourboiresetsedémenaientpourlemettre
dansleurlit.Mais Jimmyavaitunpetit ami.Unbeaugosse sexydunomdeBen.Lecouplepréférait rester
incognito : si les cougars apprenaient que Jimmy ne s’intéressait pas à la gent féminine, lespourboiresrisquaientdetomberenflèche.Pourlabonnecause,Jimmyétaitleroiduflirt.
—Lajournéeaétélongueetlaterminerenservantlatabléedematantenemefaitpasvraimentrêver.
Jimmylevalesyeuxauciel.—Cettefemmet’adore.Nesoispassiméchante.TanteDarlam’aimait,c’étaitunfait,maisellen’étaitpasfacileàsatisfaire.Ellegéraitsonaffaire
d’unemaindefer.Cen’étaitpasunhasardsiellesiégeaitauconseild’administration.Woodssavaitqu’elleétaitindispensable.
—Jesais,répliquai-jeenprenantlabouteilledevinrougequ’ilmetendait.—File.Ilm’encouragead’unpetitcoupdecoude.J’affichaimonplusbeausourireetmedirigeaiversle
salonprivéoùs’étaitréunileconseil.Après tout, il n’y avait aucune raisonpour que j’aie dumal à gérer une table regroupantmes
amisetmatante.Jedevraismêmeêtrecontentedebouclermajournéedecettemanière.LepourboiredeWoodsm’aideraitàpayerleloyeretplusencore.Àvraidire,j’auraisdûêtrereconnaissante.
Londonme transperçade son regard félin.Aumoins, elle ignoraitqui j’étais.DepuismonétéavecTripp,jenesavaismêmepascequ’elleétaitdevenue.Siçasetrouve,ellefaisaitréellementdumannequinat.
—Bethy!s’exclamaBlaire.Ellem’adressaunsourireradieux,àcroirequ’ellenem’avaitpasvuedepuisuneéternité,alors
quenousavionspassélajournéeensemblequarante-huitheuresplustôt.Aprèslemariage,j’avaisfaitdemonmieuxpourvivredifféremment.Trippavaiteuraisonàcepropos.Jacen’avaitpassacrifiésaviepourquejerefusedevivrelamienne.Jedevaismêmevivrepournousdeux,àprésent.Alorsjefaisaisdemonmieux.
—Ilparaîtquej’airatéunesortieshopping,embrayaDellaenmelançantunsourire.J’exigeuneséancederattrapagelasemaineprochaine.
—Situn’avaispaseuunrendez-voussecretavectonmari,tuauraispuvenir,lataquinaBlaire.Della,toutsourire,lançaunregardtendreàWoods.EnjetantintentionnellementunregardcirculairepouresquiverTripp,jem’aperçusqueHarlow
manquaitàl’appel.—OùestHarlow?demandai-jeàGrant,quiavaitl’airtoutperdusanssafemmeetsonbébé.—LilaKatene fait pas encore sesnuits.Harlow fait la sieste enmême tempsqu’elle, comme
maintenant,expliqua-t-ilavecunbâillement.—Çamerappelledessouvenirs,remarquaRushavecunpetitrire.Jimmymedonnaunpetitcoupdecoudeenarrivantàmahauteur.—Levin,mesouffla-t-il.Merappelantquejen’étaispasicienvisite,jem’empressaideremplirleverredeWoods.Jimmyentrepritdeserviràl’autreboutdelatable,oùsetrouvaitRush.—Jeprendraidel’eaugazeuse,demandaDellaquandj’arrivaiàsahauteur.J’avançailelongdelatable,remplissantleverredeGrant,puisceluideDarla.Blaireavaitdéjà
un verre de blanc et je poursuivis mon chemin. Tandis que je versais le vin dans les verres, jen’entendaisriend’autrequelavoixdeTripp.IlriaitavecWoodsd’unépisodequileurétaitarrivésurleterraindegolf.Ilétaitenjoué.Londonlerendait-elleheureux?
Londonavaitdéjàunverredeblanc,maisceluideTrippétaitvide.J’allaisdevoirluidemander
s’ilvoulaitdurouge.Merde.Pourquoiétait-cesidifficile?J’étaisvraimentridicule.—Vinrouge?lançai-jediscrètementpournepasattirerl’attentionniinterromprequiconque.Tripptournalatêteversmoi.Moncœuraccéléralacadencecommechaquefoisqu’ilétaitprès
demoi.Leregarderdroitdanslesyeuxmesemblaitêtreunetrèsmauvaiseidée,maisjen’avaispasvraimentlechoix.
Uncourtinstant,unelueurderegretéclairasonregard.Puisilhochalatête.—Ouimerci,répliqua-t-ilavantdereprendresaconversationavecWoods.Londonsepenchacontreluietilposalebrassurledossierdesachaise.L’intimitéentreeuxdeux
étaitévidente. Ilsétaientà l’aise l’unavec l’autre.Çacollaitentreeux.Elleétaitgrandeet sublime.ParfaitepourTripp.Monestomacsemitàfairedesnœuds.
JeretournaiprécipitammentdanslacuisineoùJimmym’attendaitavecunplateaudesoupes.—Soupede chou-fleur auxgirolles et huilede truffe.Dèsqu’elle est servie, il faut enchaîner
aveclesassiettesdefromage.Jelesporterai,ellespèsentunetonne.Tumesuis,tulesprendssurleplateauettulesdisposessurlatable.
—Çamarche,acquiesçai-je.Jimmymegratifiad’unclind’œil. Ilouvrit laportepourme laisserpasser avec les soupeset
m’emboîtalepas,chargéd’unplateauidentique.Unefoisencore,jecommençaiparWoodsetJimmyparRush.J’avançaiparlagauchepourque
Jimmysedéplaceparladroite.ÇafaisaittoujoursunechosedemoinsàserviràTrippetàsacopine.Jepourraispeut-êtrem’ensortirdecettemanièrelerestantdelasoirée.
—Qu’est-cequec’est?mechuchotaDellalorsquejeposaisonassiettedesoupedevantelle.—Soupedechou-fleurauxgirollesethuiledetruffe,répliquai-je.Ellefronçalenez.Jeréprimaiunsourire.—C’estbon.Jel’aigoûtéelasemainedernière.Maissitun’aimespas,jeleurfaispréparerautre
chose,intervintWoodsenluisouriantcommes’iln’avaitjamaisvuunetellemerveille.Je dois avouer que j’avais eu la même réaction qu’elle. Je n’aurais jamais pensé qu’un
quelconqueplatàbasedechou-fleurpuisseêtrebon.Mêmeavecdel’huiledetruffepourarrangerletout.Dellapritunecuillérée.J’attendisdevoirsijedevaisdébarrassersonassiette.
—Oui,trèsbien,c’estdélicieux,acquiesça-t-elle.Jeterminaideservirtouteslessoupes.Latâcheauraitétéfacilesijen’avaispassentilachaleur
du regard de Tripp posé sur moi tout du long. Ça me rendait nerveuse. Mon cœur refusait dedécéléreretlenœuddansmonventrenecessaitdegrossir.
Àmonretour,Jimmym’attendaitdenouveauàlaportedelacuisine.Jelatinsouvertepourlelaissersortiraveclesassiettesdefromage.Unefoisarrivéedevantlesconvives,jefisensortedenecroiser le regard de personne pendant que je disposais les quatre assiettes au milieu de la table.CommeJimmys’étaitarrêtéducôtédeTripp,jedusmepencheràsahauteurpourservircettepartiedelatablée.
Son bras effleuramon flanc et je dus retenirmon souffle pour ne pas faire de bruit. La nuitpasséeavecluicontrelepalmiermerevintparflash.Monvisagesemitàchauffer.Cen’étaitpaslemoment de se souvenir de cet épisode. J’utilisais ces bribes pourme tenir compagnie la nuit dansmonlit.Audébut,jeculpabilisaisdeprendremonpiedenmeremémorantlesmotslascifsdeTripp,maisj’enavaisbesoin.Àprésent,jel’acceptais.
Cesoir,ilallaituserdesesmotssurquelqu’und’autre.
Tripp
Londoncroisalesjambesetfrottasonpiedcontremonmollet.Lasemainepassée,jerécupéraismaHarleyaprèsavoirfaitunepartiedegolfavecWoodslorsqueLondonétaitsortiedesaMercedesgarée à côté demoi. Je ne l’avais pas remarquée au début,mais elle avait prononcémon nom etj’avaisreconnusavoix.Elleétaitplusâgée,plusmûre,maisc’étaitbienelle.
Laconversation,étonnamment,avaitétéagréable.Londonsemblaitdifférente.L’enfantgâtéedontjem’étaislasséavaitcédélaplaceàunefemmeplusassurée.
Etj’avaisbesoindemechangerlesidées.TournerlapageavecBethyn’étaitpasuneminceaffaire.Jepensaisàelletoutletemps.LondonsetrouvaitàRosemaryBeachchezsesparentspourlemoisàvenir,alorsjem’étaisdit
pourquoipas,etjel’avaisinvitéeàdîner.Depuis,nousétionssortistroisfois.Quatre,aveccesoir.London faisait encore partie intégrante d’un monde que je rejetais, mais elle m’aimait bien. Ellesemblaitappréciermacompagnie.AprèstoutcetempspasséàêtrerepousséparBethy,lechangementétaitlebienvenu.
Je n’avais simplement pas réalisé que Bethy servirait notre table ce soir, sans quoi j’auraisprobablementtrouvéuneexcusepournepasassisteràlaréunion.J’avaisdumalensaprésence.Peuimporteladistancequ’onmettaitentrenous,dèsquejelavoyais,jeredevenaiscetypequicherchaitdésespérémentàsefairepardonner.Àsefaireaimer.
Aucoursdestroisderniersmois,j’avaisacceptél’idéequ’ellesoitmongrandamouretqueJacesoitlesien.Çafaisaitunmaldechien,maisc’étaitlavérité.Letypeavecquielletermineraitaufinalneseraitqu’unsecondchoix.Jen’étaispassûrdevouloirêtreunpis-aller.Sachantqu’elleseraitàjamaismonpremierchoix.
—Laserveusen’arrêtepasdeteregarder,seplaignitLondond’unmurmureagacé.Jerelevaiaussiseclenezdemonplat.Bethyétaitentraindedébarrasserl’assiettedeBlaire.Ses
yeuxétaienteffectivementbraquéssurmoi,maiselleavaitdétournéleregarddèsquej’avaislevélatête.
Qu’est-cequeçavoulaitdire,bordel?—Tuvois?Ellea faitça toute lasoirée,çacommenceàêtre ridicule,sifflaLondon.Dellaet
Woodsnes’enrendentdoncpascompte?ElleconnaîtBlaire?Ellesontl’aird’êtrecopines.Bethyramassa ladernièreassietteets’enallaprécipitamment.SiLondonn’avait riendit, jene
m’enseraispasaperçu,parcequej’essayaisdenepasregarderBethyetquejem’enétaisplutôtbientiré jusqu’ici. O.K., bon, pas exactement : je n’avais pas réussi à détourner le regard chaque fois
qu’elles’approchaitdelatable.Maisj’avaisessayé,vraiment.—Tulaconnais?insistaLondond’unevoixcontrariée.J’allaiscoupercourtàsoninterrogatoire.—Oui.C’était lapetiteamiedeJace.Elleest trèsprochedeBlaireetdeDella,expliquai-jeen
empoignantmonverredevin.—Jaceestsortieavecunenanaquibossaitici?s’indigna-t-elled’unevoixhorrifiée.Jereposaimonverreenessayantd’ignorersontoncondescendant.Elleétaitélitiste.Elleavaitété
élevéecommeça.—BlaireetDellaaussionttravailléici.RushetWoodslesontépousées.Jenevoispasenquoi
celaposeunproblème.Elleeutunhoquetdesurprise.—C’estpasvrai,tuplaisantes!Jesuiscomplètementàlabourresurlespotinsducoin!Cettefois-ci,jenepusm’empêcherdeleverlesyeuxauciel.JecroisaileregarddeBlaire,quiglissadeLondonsurmoi.Ellemegratifiad’unsourirecrispé
avant de détourner les yeux. Je me demandai si les propos de London étaient arrivés jusqu’à sesoreilles.Sûrementpas.Sic’était lecas,Rushavaitentenduluiaussi,auquelcas ilnous l’aurait faitsavoir.
Woods se leva et tout le monde lui emboîta le pas. Les conversations tiraient à leur fin, lesfemmesrécupéraientleursacàmain.Dellameregarda:
—Tuviensaubarbecuequ’onorganisesamedi,n’est-cepas?J’espèrequeWoodst’enaparlé.Woodsm’avaitenvoyéuntextod’invitationdeuxjoursplustôt.Jehochailatête:—Ouais,j’enserai.DellaposalesyeuxsurLondon.—Tuviendrasaccompagné?Londonenroulalesmainsautourdemonbrascommepourrevendiquerunepossession.Cequi
étaitunebonnechose.Non?J’avaisenvied’êtredésiré.Etlemoinsqu’onpuissedire,c’estqu’elleavaitl’aird’avoirenviedemoi.
—Ouais,euh…(JecoulaiunregardenbiaisàLondon.)Tuveuxyaller?Elleopina,visiblementraviedel’invitation.Dellan’avaitpasl’airenchantée,maislecachaitbien.—Super.Àsamedi,alors.JedisaurevoirauxautresetpliailebraspourqueLondonpuissecontinueràs’accrocheràmoi,
puisqu’ellesemblaitytenir.Je me rendais bien compte que Blaire et Della n’appréciaient pas particulièrement London.
Aucunedesdeuxneluiadressaitdirectementlaparole,etl’expressiondeleurvisageendisaitlong.Ellesallaientdevoirfaireavec.Bethym’avaitclairementfaitcomprendrequ’ellenevoudraitjamaisdemoi.J’étaisdoncpasséàautrechose,telqu’ellel’avaitexigé.
Nousapprochionslevoiturierlorsquej’entendisleriredeBethy.Toutmoncorpss’anima.Jenel’avaispasentendudepuislongtemps.J’aimaistantcerire.Jamaisjenepourraisl’oublier.
Jejetaiunœilderrièremoi.Elleregagnaitl’entréedeservice,engrandediscussionavecJimmy.Illafaisaitrire.J’avaisenviedelafairerire,moiaussi.Jimmycroisamonregard.Bethyseretournapourregarderdanslamêmedirectionetsonsouriresevolatilisa.Elletrébucha,Jimmylarattrapaparlebrasetluimurmuraunmotàl’oreille.
Illapritparlatailleetilsdisparurentàl’intérieur.—Souhaitez-vousqu’onapportevotrevéhicule,monsieurNewark?s’enquitlevoituriercomme
jedébouchaisàl’extérieur.NousavionsprislavoituredeLondonpourvenir.Ellen’étaitpasfandemoto.Jemecontentaide
hocherlatêtesansrectifierletir.—Jepourraimontercheztoicesoir?demandaLondondansunbattementdecils.Ellen’avaitpasbesoindemefaireundessin.Sonregardétaitclaircommedel’eauderoche.Si
j’enavaisenvie,elleétaitpartante.Leproblèmeétaitquejenelesentaispas.PasaprèsavoirvuBethy.—Jesuiscrevé,répliquai-je.—Sérieusement?Tuescrevé?C’estça,tonexcuse?Elleétaitfurax,commejem’yattendais.Ellel’avaitbienprisquandj’avaisesquivélesavances
qu’ellem’avaitdéjàfaitespardeuxfoisetlemomentétaitvenud’êtreplusdirect.Jelesavaisbien.Maisjen’étaispasprêt.
—O.K.Tuveuxlavérité?Jenemesuispasremisdemadernièrerupture.J’aibesoindetemps.Siçatedérange,mieuxvautqu’onarrêtetoutdesuite.Situpeuxmelaissergérer,alorstoutirabien.Maisnemepoussepas,London,assénai-jeenbaissantlebraspourmettredeladistanceentrenous.
Elle resta unmoment sans riendire.Elle ne s’attendait pas à ceque jemette ça sur le compted’uneanciennerelation.Siellesavaitquelarelationenquestions’étaitterminéehuitansplustôt…
—Jenesavaispas.Tunem’asparlédepersonne.Jelalaissairéfléchiretdéciderdelamarcheàsuivre.Dansuncascommedansl’autre,çam’était
égal.Levoiturierdéposalavoituredevantnous.Jemeretournaiverselle.—Jepeuxrentreravecunautrevéhicule,situpréfères,proposai-je.J’espéraipresquequ’elleaccepte,maisellefronçalessourcilsetsecoualatête:—Non.Jeteraccompagne.Jesuisprêteàtelaisserplusdetemps.Jen’étaispassûrd’avoirl’énergiepourça.UtiliserLondonpourmechangerlesidéesdeBethy
étaitmalhonnête.Jen’étaispasobligédeluifaireperdresontemps.J’étaisunecauseperdue,àdesannées-lumièredecequ’elledésiraitvéritablement.
Bethy
TanteDarlameretrouvaauclub-house le lendemainmatin.Sonfroncementdesourcils inquietn’auguraitriendebon.Entempsnormal,Darlan’avaitjamaisl’airanxieuse.
—Bonjour,tanteDarla.Ellenefitmêmepassemblantdesourire.—Suis-moidansmonbureau.Ilfautqu’onparle,annonça-t-elleenpivotantsursestalons.C’était lapremièrefoisqu’ellemeconvoquaitdanssonbureaudepuisquej’avaiscommencéà
sortir avec Jace. Elle m’avait alors menacée de me licencier si je continuais à coucher avec desmembresduclubsurlapropriété.Maislefaitestquej’avaiseudesrelationssexuellesuniquementavec Jace. J’avais écopé d’une certaine réputation parce que je buvais et faisais la fête, mais jecouchaisavecunseulpartenaire,pasplus.Mêmesionm’avaitaccuséeducontraire.
Jelasuivisdanssonbureauetrefermailaportederrièremoi.Ellemetoisait,lesbrascroiséssurlapoitrine.Qu’est-cequej’avaisbienpufairecettefois-ci?Jemenaisuneexistencesanshistoires:pasdefête,pasd’alcool,pasdepartiesdejambesenl’airdepuistrèslongtemps.Jefréquentaismesamis,c’esttout.
—Qu’est-cequisepasseentreTrippNewarkettoi?Jepensaisquetuétaisplusmalignequeça.Tuasdéjàoubliécequis’estpasséladernièrefoisquetuastraînéaveclui?JesaisquetusouffresetqueJacetemanque.Commetoutlemonde,j’aienviequetupassesàautrechose,maispasavecTripp.Ilt’afaitcequecegenredegarçonsaitfaire.Jaceétaituneexception.Trippfinirapartrouverunbonparti.Ilt’adéjàabandonnéeunefois,Bethy,entelaissantenceinte.
Aumot«enceinte»,elleinterrompitsatiradepourprendreuneinspirationsaccadée.—Ilnesepasserienentrenous.Qu’est-cequetuasentendudire?Jemedemandaibienquiavaitpuluirapporterquoiquecesoit.Personnenesedoutaitdecequi
s’étaitpasséaumariage.—Jen’aipasbesoinqu’onmeracontequoiquecesoit.J’étaislàhiersoir.Jet’aivueleregarder
toutelasoirée.Etquandilaprisunesecondepourserendrecomptequetuexistais,j’aivuquelquechosedanssesyeuxàluiaussi.Nefaispasça,Bethann.Tuasvulafillequil’accompagnait?C’estlegenredefemmequ’ilépousera.Laprochainefoisqu’iltemettraenceinte,tuneferaspasforcémentdefaussecouche.Etalorsilsepasseraquoi?Noussavonstouteslesdeuxquetun’avorteraspas.
Unefaussecouche?Quoi?—Attendsuneseconde.Qu’est-cequeçaveutdirequejeneferaipasforcémentdefaussecouche
?Cen’estpascequis’estpasséladernièrefois.C’esttoiquim’asamenéeàlacliniqued’avortement,
tutesouviens?TanteDarlaseraiditetuneexpressionindéchiffrabletraversasonvisage.— Bethann, je ne t’ai jamais accompagnée dans une clinique d’avortement. Je t’ai dit que je
t’aideraisàfairequelquechosepourcebébé.Tuaspleurénon-stoppendantvingt-quatreheures.J’aipris rendez-vous dans le cabinet privé d’un gynécologue obstétricien à l’extérieur de la ville. Jevoulaiséviterdecroiseruneconnaissance.Arrivéesurplace,tuascommencéàavoirmalauventre.L’infirmièret’apriseencharge.Lemédecint’aexaminée.Tuascommencéàsaigner.Tun’étaisqu’àhuitsemainesettuétaisentraindeperdrelebébé.Ledocteurt’aadministréunantidouleurpuissantquit’amiseK.-O.ett’arenvoyéecheztoi.Quandjet’aiditquej’allaist’aideràfairequelquechosepourlebébé,jevoulaisdirelebébéunefoisqu’ilseraitné.J’allaist’aideràluitrouverunfoyer.Jen’allaispast’aideràmettreuntermeàlagrossesse.Çat’auraithantéelerestantdetesjours…(Elles’interrompitpourmeregarderd’unairhorrifié.)Oh,Bethann.OhmonDieu,mapuce.Toutescesannées,tuascruquetuavaisavorté?
Jen’avaispasremarquéleslarmesquicoulaientlelongdemesjouesjusqu’àcequ’elletendelamainpourlesessuyer.Puisellemeserradanssesbras.
—J’étais loindemedouter que tu pensais ça.Tu étais si jeune et effrayée. J’aurais dûmieuxt’expliquerleschoses.
Jem’agrippaiàsonétreinteetfinisparéclaterensanglotsenpensantàcetenfantquejen’avaispasconnu.Laculpabilitéet lahontequim’avaientétoufféedesserrèrent lentementleurétau,etmeslarmes redoublèrent de violence. J’avais si souvent pensé que j’aurais dû refuser l’injection quim’avaitanesthésiéeenvuedecequejecroyaisêtreuneprocédured’avortement.J’étaisallongéesurla table d’opération, à réfléchir aux moyens d’avoir ce bébé, aux solutions pour que ça marche.J’allaissuppliertanteDarla.J’allaisdireàl’infirmièredèssonretourquejenevoulaispaslefaire.Maisjeneparvenaispasàgarderlesyeuxouverts.
Quand enfin je m’étais réveillée, j’étais chez tante Darla, je portais une épaisse serviettehygiénique,etellem’avaitannoncéquelebébén’étaitpluslà.C’estàcetinstant-làqu’unvides’étaitcreuséenmoi.
—Jen’aipastuémonbébé,finis-jepararticuler.J’avaisbesoindeledireàvoixhaute.TanteDarlameserracontreelle.—Biensûrquenon.Tun’auraispaspulefaire.Jenesuispassûrequej’auraispuvivreavec,
moinonplus.Sij’avaissuquetuavaiscomprisça…Unpoidsénormevenaitdes’envoler.Unpoidsquejeportaisdepuishuit longuesannées.Cette
décisioncrucialequej’avaiscruprendreavaitengendréuneréactionenchaînequim’avaitdétruitenon seulementmoi,mais aussi les autres autour demoi. La culpabilité d’avoir perdu Jace nemequitterait jamais, mais je me rappelais chaque jour qu’il m’aimait. Malgré mes comportementsaberrants, il avait continuéàm’aimer. Il avait fait le choixdemavie. Je luidevais ça.Samortnedevaitpasêtrevaine.
— Je veux que tu rentres te reposer.Digère tout ça, passe un peu de temps seule.Mais ça nechange en rien ce que j’ai pu te dire à propos de Tripp. Il t’a quittée une fois déjà et je t’ai vuet’effondrer.Neluidonnepastoncœurunesecondefois.
J’acquiesçai.Inutiledemeprévenir.Trippétaitpasséàautrechose.Jeduspourtantmeretenirdeprendre sadéfense.Lui aussi n’était qu’ungamin, à l’époque.Nous avions été imprudents tous lesdeux. S’il n’était pas parti, ses parents l’auraient envoyé àYale. J’aurais fait une fausse couche detoutemanière.C’étaitécritainsi.Rienn’auraitpuchangerça.
Jen’avaisrienàreprocheràTripp.Lemurquej’avaisérigépourrepoussertouslessouvenirsquiluiétaientassociésvenaitdes’effondrer,melaissantcomplètementànu.
Tripp
Woodsm’avaitenvoyéuntextolaveilleausoirmedonnantrendez-voussurleterraindegolfà8heures.AvantderentreràRosemaryBeach,jen’avaispasjouédepuisdesannées.Misàpartlesurf,iln’yavaitpasgrand-choseàfairedanslecoin.ComparéàWoods,quijouaittouslesjours,j’étaisvraimentnulaugolf.
Mais le fait est que j’avais besoin de parler à quelqu’un et que sa propositionmedonnait uneoccasionenor.Endehorsduterrain,oncroisaitsouventDellaetd’autrespersonnes.
Je n’arrivais pas à sortir dema tête le visage de Bethy quand elle m’avait dévisagé au dînerl’autresoir.Soitjeprenaismesdésirspourdesréalités,soitelleétaitsincèrementcontrariéeparlaprésencedeLondon.
Woodsm’attendaitdevantlecountryclub.Commeàsonhabitude,iln’avaitpasdecaddie.Ildisaittoujoursqu’iln’avaitpasbesoinqu’unautremectrimballesonbardaetluidisequelclubutiliser.Jepartageaiscetavis.
Ilétaitseul,alorsquejem’étaisattenduà le trouverencompagniedeRush,voiredeGrantouThad,etj’étaissoulagéqu’ilsnesoientpaslà.
—Ceseratoietmoi.Rushdevaitvenir,maisapparemmentBlairenesesentpasbiencematin,expliqua-t-ilenremontantlabandoulièredesonsacsursonépaule.Tuesprêt?
—Jetesuis,acquiesçai-jeenluifaisantsigned’ouvrirlavoie.—Flash info :Bethy travaille cematin.Elle chargeait la voiturettedesboissonsquand je suis
arrivé,précisaWoodsens’arrêtantpourlepremiertrou.Elle était ici. O.K., très bien. Tout allait bien se passer. J’étais parfaitement capable de lui
commanderunebouteilled’eau.Labelleaffaire.—Alorscommeça, tusorsdenouveauavecLondon?Jenem’yattendaispas,observa-t-ilen
sortantleboisdontilavaitbesoin.Je posaimon sac par terre et jetai un regard alentour pourm’assurer qu’aucune voiturette de
boissonsneseprofilaitàl’horizon.JenevoulaissurtoutpasqueBethysurprennecetteconversation.—Ons’estcroisésicilasemainedernière.Onestsortisplusieursfoisdepuis.Jevoulaisvoirsi
j’étais capabledepasser à autre chose,mais je ne suis pas sûr d’y arriver.Çanemarchepas. J’ail’impressiondebienaller,etpuis jecroiseBethyet jemerendscomptequejesuis totalementà laramasse.
Woodshochalatête,lesyeuxrivéssurlaballeavantdelâchersonswing.Àl’atterrissage,elleserapprochaenroulantdugreen.Évidemment.
—Bethy n’avait pas l’air super enchantée de te voir accompagné. J’ai eu peur qu’elle fassetomberuneassiettesurquelqu’untellementelleétaitdéconcentréepartaprésence.
—Maisc’estçaquimetue.Aumariage,onavraimentbienavancétouslesdeux.Etpuissortidenullepart, ellenousamisuncoupd’arrêt, enmedisantqu’onn’avaitaucunechance,alorsque jevenaisdeluidirequejel’aimais.
J’avaisbaissélavoixsurladernièrepartie.Woodslevabrusquementlessourcils.—Tuluiasditquetul’aimais?—Ouais,jeleluiaidit.Jel’aime.Jel’aitoujoursaimée.Woodsémitunpetitsifflementensecouantlatête.— Merde alors, mon pote. Je ne vais pas te mentir, je voulais te convaincre de laisser une
nouvellechanceàBethy.Lanuitdemonmariage,tuavaisl’airsiheureuxquandtuesvenunousdirebonnenuit.Etpuisquand j’ai vuBethy te reluquer toute la soirée, jeme suisdit que l’undevousdevait lâcher du lest.Mais je ne savais pas que tu avais sorti la grosse artillerie et qu’elle t’avaitdescenduenflèche.
Cegenredesortien’allaitpasm’aider.J’extirpaiunboisdemonsacetm’approchaidutee.Jenesavaispasquoiluirépondre.Jeconcentraitoutemonénergiepourflanquerunetorgnoleàlaballe.Laquelles’envolamalheureusementdanslebouquetd’arbresleplusproche.
—Letrou,c’estparlà-bas.Àcôtédudrapeau,commentaWoodsengloussantderire.Je passai devant lui à grandes enjambées et fourrai le bois dans mon sac. Nous prîmes la
direction des arbres, puisque ma balle était la plus proche. Si je pensais à l’irréversibilité de lasituationavecBethy,j’allaisavoirunmalfouàmeconcentrersurlapartie.
—Jepeuxteposerunequestion?LavoixdeWoodsmesortitdematorpeur.—Biensûr,maisjenetegarantispasderépondre.—Quandtupensesàtonavenir,tesenfants,àtonépouse,tonfoyerettoutça,tuvoisquiàtes
côtés?C’étaitfacile.—Bethy.Çaatoujoursétéelle.Depuiscetoutpremierété.Woodss’arrêtaàhauteurdemaballe.Heureusement,ellen’étaitpasbloquéeparlesarbres.Elle
avaitatterrijusteaubord.Jepouvaisencoresauverlecoup.—Leschosesimportantesnes’obtiennentpasfacilement,observaWoods.Ilfautsebattrepour
les avoir, jusqu’à l’épuisement, seménager un instant de répit et puis se jeter de nouveau dans labataille.(Ilmeserral’épaule.)Nebaissepaslesbras.Tuleregretteras.
LeconseildeWoodsm’avaitlaissésansvoixetjen’arrêtaispasdemelepasserenboucledansma tête. Il m’avait battu de douze coups à peine sur le premier neuf et on s’acheminait vers ledeuxième lorsque la voiturette des boissons était apparue au sommet de la colline.Woods l’avaitremarquée lui aussi et m’avait lancé un regard. Il n’avait rien dit, mais je voyais bien qu’il merappelaitensilencelesproposqu’ilvenaitdemetenir.
Bethyralentitetsegara.Endescendant,ellemejetauncoupd’œilnerveux.—BonjourBethy.J’aientendudirequetunetesentaispasbienhieretqueDarlat’avaitrenvoyée
cheztoi.J’espèrequetuvasbienaujourd’hui,commençaWoods.BethyglissasubrepticementlesyeuxsurmoiavantdelesposerdenouveausurWoods.—Çavamieux,merci.Jepeuxvousproposeruneboisson?enchaîna-t-ellesansquitterdesyeux
Woods.—Oui,unGatorade.Bleusituas,répliqua-t-il.Bethysetournaversmoi.J’avaisenvied’accaparertoutesonattention,maisjenevoulaispasla
déstabiliserencoreplus.—Del’eau,çairatrèsbien,répondis-je.Ellehocha la têteet retournaprèsde lavoiturette. Je la suivis sansun regardenarrière. Jene
voulaispasvoirl’expressiondeWoods.JevoulaisdemanderàBethycequiluiétaitarrivélaveille,etjen’avaispasl’intentiondelefairedevantlui.
Occupéeàouvrirlaglacière,Bethysursautalorsqu’elles’aperçutquejel’avaissuivie.—Oh,s’exclama-t-elle,tandisquesesjouesviraientaurose.Jenet’aipasentenduderrièremoi.Jeparcourusladistancequinousséparait,jusqu’àlafrôler.—Qu’est-cequin’allaitpashier?Tuessuffisammentenformepourtravailleraujourd’hui?C’est pour cette raison que je l’avais suivie pendant si longtemps. Personne ne prenait de ses
nouvellespours’assurerqu’elleallaitbien.Quiavaitprissoind’ellehier,bordel?Ellen’étaitquandmêmepasmaladetouteseulechezelle!
—Jevaisbien, tempéra-t-elle avantdemordiller sa lèvre inférieure comme si elle se retenaitd’endireplus.Enfait,jen’étaispasvraimentsouffrante.J’aidécouvertquelquechosequiaunpeufaitpartirmesémotionsenvrille.J’avaisbesoind’êtreseulepourréfléchir.
—Qu’est-cequetuasdécouvert?insistai-je,conscientdedépasserlesbornes.EllejetaunœilàWoodspar-dessussonépaule,puismefixadenouveau.—Cen’estpasl’endroitpourenparler.Ehbenmerdealors.Donc, ellemediraitdequoi il retournait sionn’étaitpas sur son lieude
travail?J’étaisàmoitiétentédedemanderàWoodsdelalibérerpourlerestedelajournée,maisçarisquaitdelacontrarier.Jenevoulaispaslafairefuirunenouvellefois.
— Tiens, fit-elle enme tendant une bouteille d’eau avant deme contourner pour donner sonGatoradeàWoods.
Je la regardai s’éloigner. Inutile dementir : je reluquai son cul commeun crève-la-faim.Ellemoulaitsonshortàlaperfection.
—Ilmeresteneuftrouspourtefairelapeau,m’interpellaWoodsenvoyantquejenebougeaispas.
Bethy fit demi-tour en direction de la voiturette. Ellemoulait plutôt bien son chemisier, si onallaitparlà.Merde.Jen’allaisjamaisréussiràmelasortirdelatête.
—Jedoisservirdesjoueurssurlesseptièmeettroisièmetrous,annonça-t-elleenprenantplacederrièrelevolant.
—Tuvasbien,donc?J’avais besoin d’être rassuré, de savoir qu’elle n’allait pas se jeter d’une falaise. Il y avait
suffisammentdechosesquilahantaient,cen’étaitpaslapeined’enrajouterunecouche.Elle sourit, de son vrai sourire. Rien à voir avec ses grimaces plaquées que je lui avais vues
dernièrement.—Jevaisbien.Envérité,jenem’étaispassentieaussibiendepuislongtemps.Surce,elledémarra.Ellenes’étaitpassentieaussibiendepuislongtemps.Pendantquejevivaisunenfer,jelavoyais
reprendrelesrênesdesavie,sansmoi.Etquandellesemettraitàsortiravecdesmecs?Etsielles’installaitdansune relationsérieuse?C’étaitdéjàsuffisammentdurcommeça,commentallais-jeréagir?
Bethy
Je m’étais préparée du mieux possible. Della m’avait informée que Tripp venait au barbecueaccompagné de London et qu’ils sortaient ensemble. Parfait. Tout allait bien se passer. Je pouvaisgérer. Tante Darla avait raison : il aurait fini par me quitter pour quelqu’un comme London. Lapreuve,troismoisaprèsm’avoirdit«jet’aime»,ilfréquentaituneautrefemme.S’ilavaitcouchéàdroite à gauche, s’il avait eu des histoires d’un soir, j’aurais mieux encaissé. Mais voirsystématiquementlamêmefille,avecquiilétaitsortiaulycée,donnaitraisonàDarla.Iln’étaitpasamoureuxdemoi.Sansquoiilnepourraitpaspasseràautrechoseaussirapidement.
Je verrouillai la portière de ma voiture et glissai les clés dans mon sac à main avant de mediriger vers la résidence des Kerrington. L’air sentait déjà les effluves du barbecue. La soirées’annonçaitsympathique.Mesamiesétaientdelapartie.Etj’étaisunenouvellefemme.
Àpeineavais-jeappuyésur lasonnettequeDellaouvrit laporte.Ellerayonnait,plusbellequejamais.Àmagrandesurprise,ellemeserradanssesbras.Jeluirendissonétreinte.
—Ilestici.Dehors,aveclesgars.Elleluicolleauxbasques.Viensaveclesfillesdanslacuisine,memurmura-t-elleàl’oreille.
Quemesamies ressentent lebesoindemeprotégerdeTrippetde sa copinememettaitmal àl’aise.Onm’avaitconsidéréecommeunepersonnefragilependanttroplongtemps.Cetteépoqueétaitrévolue.Jenevoulaisplusdeleurinquiétudenideleurpitié.
—Pasdeproblème.Tusaisquoi?Jevaismêmeboireuncoupdehorspourleurprouverquetoutvabien,dis-jed’unairbonenfant.
Dellamedévisageauninstantetsemblamecroire.—Tantmieux,fit-elled’unairsoulagé.Blairepréparedesmargaritas.Viens,onvaseraconter
lespotins.Donne-moitonsac,jevaislemettredansleplacarddel’entrée.Jelalaissairangermesaffairesetgagnailacuisine.Blaire,untablierrecouvrantsonshortetson
chemisier,pressaitdescitronsvertsdanslemixer.Ellecroisamonregardcommejepénétraisdanslapièceetunlargesourireéclairasonvisage.
—Contentedevoirtatête,s’exclama-t-elle.—Pareil,acquiesçai-jeenm’asseyantenfaced’elleaubar.—HarlowestalléeextirperLilaKatedesbrasdesonpapa.Jemedépêchepourpouvoirlaporter.J’avaisrarementl’occasiondeprendreLilaKate.JegratifiaiBlaired’unpetitsourireencoin.—Prendstontemps.Jepeuxm’occuperd’ellependantquetutermines.—Etlavoilà!annonçaHarlowenentrantdanslacuisine.Sivousvoulezlaprendre,faitesfissa.
Grantnevapastarderàvenirrôderparici.—Moid’abord,meprécipitai-je.—Ellen’aimepastropêtreallongée,meprévintHarlowenmetendantsonenfant.Ellecroitque
tuessaiesdel’endormir,alorsellesemetàrâler.Ellepréfèrevoircequisepasse.Àsixmois,LilaKateétaitencoreminuscule,avecdegrandsyeuxquiressemblaientàceuxdesa
mère,etlescilsetlesfossettesdesonpère.—Tuasgrandi,disdonc,m’extasiai-jeenl’installantsurmesgenoux.Elleempoignaunemèchedemescheveux,sanstirer,justepourlasentirentresesdoigts.TandisqueLilaKatemedévisageait,jem’aperçusquelenœudsombrequimeserraitleventre
avaitdisparu.Jeneressentaisplusaucunpoids.Malgré tout l’amourque jeportaisàNateetàLilaKate,j’avaisressentiuneimmensetristessechaquefoisquej’avaisétéenleurprésenceouquejelesavaisserréscontremoi.Jenevoulaispasl’admettre,maisjesavaisbiend’oùellevenait.
Désormais,j’étaislibéréedecechagrin.Jepouvaisscrutersespetitesexpressionssansressentirdeculpabilité.LilaKatemelâchalescheveuxetentrepritdemetapoter.LeriredeGrantnousparvintparlafenêtreetelleallongealecoupourregarderpar-dessusmonépaule.
—Tuentendston…—Neprononcepascemot!Ellevaserendrecomptequ’iln’estpaslàetsemettreàrouscailler,
intervintHarlowdesontabouretdebar.C’étaittropmignon.—Profite.J’aipresquefini.Après,c’estmontour.Moij’aiunbambinturbulentquipréfèreles
fistbumpsauxcâlins,alorsj’aibesoind’unpetitpaquetdedouceur,plaidaBlaireavantdemettreenmarchelemixer.
LebruitdelamachinefitsursauterLilaKatequitournasafrimoussepourvoircequisepassait.Samainseresserrasurmonbrasetelleposalatêtesurmapoitrine.J’avaisenviedeça,jepouvaisdésormaisleformuler:jevoulaisunenfant.Jevoulaisêtremère.Lefaitdepouvoirl’envisagersansquelaculpabilitémedévoreétaitsilibérateurquejefailliséclaterensanglotsaubeaumilieudelacuisine.
Jebaissailatêteetcillaipourretenirmeslarmes.Unjourpeut-être,jepourraisexpliquermonpasséàmesamies.Pour l’instant, jen’étaispasprête.MêmeàTripp, jen’avais riendit. Jem’étaispresqueattendueàcequ’ilmepasseuncoupdefilaprèsnotreconversationsur le terraindegolf.Maisilavaitdûoublierouêtretropdébordépours’enoccuper.
Lemixers’arrêta.Heureusement,meslarmesavaienteuletempsdesécher.J’embrassaiLilaKateenhumantsonodeurdebébé.Blaires’approcha,lesmainstendues,avecungrandsourireniais:
—Àmoi!JeluitendislebébéalorsqueleriredeGrantnousparvenaitdenouveauparlafenêtre.LilaKate
commençaàsetortillerpourregarderdanssadirection.Elleretroussaleslèvresetfronçasonnezcommesielles’apprêtaitàpleurer.
—Oh,mais non tu ne vas pas pleurer. On n’a pas besoin de lui. Viens, on part à l’aventure,tempéraBlaireens’éloignantaveclapetiteauxbras.
Harlowremplitdeuxverresdemargaritaetm’enapportaun.—Tuenveux,Della?demanda-t-elle.Dellalavaitdesfruitsqu’elledisposaitdansungrandsaladier.—Non,çairapourl’instant,merci.Harlowréprimaunsourireets’assitàcôtédemoi.—Tuasl’airenforme,fit-elle.—Merci,répliquai-jeenavalantunegorgée.—Non,jeparlaisdetonregard.Tuasl’air…tonregardvideadisparu.
Jereposaimonverre,décidéeàêtreaussihonnêtequepossiblesansrienleurrévéler.—Jepansemesblessures.J’apprendsàlâcherprise,j’apprendsàvivredenouveau.—Jesuisraviedet’entendredireça,réponditHarlowensouriant.—Moiaussi,acquiesçaDellaenavalantungrainderaisin.Jetemonteraisbienunrancardmais,
apparemment,jenesuispastrèsdouéepourça,alorsjepréfèreéviter.Cette allusionàCharity eutpour effetdeme rappelerqueTrippétait dehors en compagniede
London.—Ils’esttrouvésonrancardtoutseul.Etilestencoremoinsdouéquetoisurlesujet,observa
Harlowavecunfroncementdesourcils.—Jemedisaislamêmechose,convintDella.Grantseprofiladansl’embrasuredelaporte.SesyeuxserivèrentaussitôtsurHarlow.—Ellevabien?Elleestoù?s’enquit-ilenbalayantlapièceduregardcommesilapetitesavait
déjàmarcher.—Blaires’enoccupe.Ellevabien,lerassuraHarlowenriant.Retournedehors.Grants’approchadeHarlowetdéposaunbaisersursonfront.—Toutsepassebienici?Harlowluisourit.—Jesiroteunemargaritaavecmescopines.Qu’est-cequetucrois?—Biendit,lançaGrantenl’embrassantsurleslèvres.—Oh,pourl’amourdeDieu,prenez-vousunechambre!Vousêtesincorrigibles,s’écriaDella
enriant.Grantlagratifiad’unpetitsourireencoin.—Ohzut,jenesavaispasquetuétaislà,bredouillaBlaireenfranchissantlaportedelacuisine.Dèsqu’elleaperçutsonpère,LilaKates’agitadanstouslessensenronchonnantpourbienfaire
comprendreàtoutlemondecequ’ellevoulait.—Jesuislà,machérie,roucoulaGrantenlaprenantdesbrasdeBlaire.—Ehbien,çaauratenuvingtminutes,commentacettedernièreenprenantunverredemargarita.—Ilfaitdesprogrès,renchéritHarlow.LilaKateagrippa lachemisedeGrantcommesisavieendépendait, levisage lovécontreson
cou,l’airparfaitementcontentée.—Ellevoulaitsonpapa.Laissez-noustranquilles,lançaGrantd’unevoixdouce.Jeressorsavec
elle,conclut-ilentournantlestalons.Harlowavalaunenouvellegorgéeensecouantlatête,lesourireauxlèvres.—Maparole,jevaisenbaverquandellevagrandir.Ilenfaitunepourriegâtée.Della,chargéedusaladierdefruits,s’assitàcôtéd’elle.—Jedoisavouerquecesdeux-làensemblemedonnentenvied’avoirdesenfantsillicopresto.Tout lemonde éclata de rire.Nous pensions tous lamême chose. La carrure deGrant Carter
enveloppant un petit paquet de douceur de sept kilos donnerait envie à n’importe quelle femmed’avoirdesenfants.
Tripp
Grant ressortit avecLilaKate dans ses bras. Elle s’était enroulée contre sa poitrine comme sic’étaitlemeilleurendroitaumonde.
J’auraispuconnaîtreça.Bonsang, ladouleurqui accompagnait cettepenséeétait toujoursaussi aiguë.Nousétionsdes
enfants. Ça n’aurait jamais été le conte de fées qu’avait vécu Grant en accédant à la paternité. JerepoussaicettepenséeetjetaiunregardàLondon,quiécrivaitdestextos.Ellefaisaitçadepuisnotrearrivée. Elle était passéemaîtresse dans l’art d’avoir l’air de s’ennuyer àmourir en tripotant sontéléphone.
DellaavaiteulagentillessedeluiproposerderesterdanslacuisinemaisLondon,colléeàmoi,avaitdéclinél’offre.Préférantdoncvisiblementjoueravecsontéléphone.JebusunelonguegorgéedelabièrequeWoodsm’avaitservie.
—Les fillesboiventdesmargaritasà l’intérieur,London,annonçaGrant. Je suis sûrequ’ellesseraientraviesdepartager.
Ellelevalenezdesonécranavecunlégersourireaguicheur.Elles’étaitadonnéeàcepetitjeuplusieursfoisdepuisquenousétionslà.
—Jesuisbien,là,maismerci.Granthaussalesépaulesets’assitencalantLilaKatecontresonépaule.Ellelevalatêteetnous
jaugeasommairementavantdesucersonpouceetdereposerlatêtesurlapoitrinedesonpère.—Le gril sera prêt pour les steaks dans cinqminutes, déclaraWoods en se levant pour aller
vérifierlefeu.Vousconnaissezlesconsignesdecuissonpourvospartenaires?—PourHarlow,c’estàpoint,réponditGrant.Etmoic’estsaignant.—SaignantpourBlaireetmoi,renchéritRushensuivantNatequiseprécipitaitdansl’escalier.—Àpoint,lançai-jeavantdemetournerversLondon.Ettoi?Ellelevalatêteetfronçalenez.—Jenemangepasdevianderouge.Jeluiavaispourtantbienditqu’onallaitàunbarbecue.Elles’attendaitàtrouverquoidansson
assiette?—Donctunevaspasmanger?— Il doit bien y avoir de la salade ou un truc comme ça, répliqua-t-elle avec un haussement
d’épaules.Woodss’éclaircitlagorgeenseretournantverslesflammes,réprimantsonenviederire.
—L’undevouspeutallerdemanderàBethypourlacuisson?— Elle l’aime bien cuite. On a déjà eu cette conversation avec elle. Blaire était horrifiée et
l’accusaitderuinerunebellepiècedeviande,expliquaRush.Bethyétaitici.Jen’avaispasréaliséqu’elleétaitarrivée.EtlefaitqueRushconnaissesespréférencesculinairesm’agaçait.Jeneconnaissaispascegenre
deconneries.Etpourcause,jen’avaisjamaismangédesteaksavecelle.— Je vais voir ce queDella a comme accompagnement, et, euh… (Jeme levai pour prendre
congé.)Jerevienstoutdesuite.JenelaissaipasletempsàLondond’annoncerqu’ellevenaitavecmoi.Unefoisàl’intérieurj’entendisaussitôtleursrires.CeluideBethysortaitdulot.Elleappréciaitla
compagnie de ses amies. Je faillis rebrousser chemin. Mon arrivée risquait de gâcher sa bonnehumeur. Jamais je ne faisais éclore de sourire sur son visage. Mais mon envie de la voir étaitimpérieuse.
Enpénétrantdanslacuisine,jecroisaileregarddeBlaire,quimesourit.—Salut,Tripp.Lestroisautrestêtespivotèrentdansmadirection.Mêmes’ilnem’échappapasqueBethyfutla
dernièreàsetournerversmoi,jem’efforçaidenerienlaisserparaître.—Lesconversationsdesmecst’ennuient?metaquinaDella.—Vousavezl’airdeplusvousamuserici.—Ohça,c’estsûr,renchérit-elle.Ellesmedévisageaienttoutescommesiellescherchaientàcomprendrecequej’étaisvenufaire
dansleurtanière.Ilfallaitquejebriselesilence.JefixaisBethydemanièretropflagrante.—Jevenaisvoirquelsaccompagnementsvousaviezpour lessteaks.Londonnemangepasde
vianderouge.J’eusaussitôtenviederavalermesparoles.PourquoimentionnerLondon,nomdeDieu?Bethy
plantalesyeuxdanssamargarita,HarlowpritunfruitetBlairemelançaunregardnoir.J’avaismislesnanasenrogne.Super.—Biensûr.Nousavonsdelasaladedefraises,despommesdeterreaufour,desaspergesetdes
petitspains.Sij’avaissuqu’ellenemangeaitpasdevianderouge,jeluiauraisachetédusaumon.Bethy éclusait sa margarita comme un vulgaire verre d’eau. À cause de moi, son rire avait
disparu.Toutçaparcequej’avaisenviedelavoir.—Cen’estpasgrave.Elleétaitaucourantqu’ils’agissaitd’unbarbecue.Elleauraitdûledire
plustôt.Elledevrasecontenterdesaccompagnements.Elledoitbienmangerceschoses-là.— Elle peut manger les feuilles d’épinard de la salade de fraises. Je suis sûre que c’est son
régimehabituel,raillaBethyeninclinantdenouveausonverredecocktail.HarlowécarquillalesyeuxdestupeuretBlairebaissalatêteenricanant.Personneneditrien.C’étaitmoiouBethys’enprenaitàLondon?—Tuassansdouteraison,finis-jeparrépliquer.Bethytournalatêteversmoi.J’euspeurd’ydécelerdelacontrariétémais,enréalité,elleavait
l’airàdeuxdoigtsd’éclaterderire,leslèvrespincéespourréprimersonhilarité.EllesemoquaitdeLondon.Mapoitrineseserra.Elleétaitjalouse.Bethyn’étaitdoncpaspasséeàautrechose.
—Tuferaismieuxderetournerdehors.TuaslaisséLondontouteseuleaveclesgars.Elledoits’ennuyer,observaBlaire.
Jeluilançaiuncoupd’œilethochailatête.Ellesmeviraientdelacuisine.Messagereçucinqsurcinq.
En ouvrant la porte qui donnait à l’extérieur, j’entendis le premier gloussement. Puis toute la
cuisineexplosaderire.Jerefermailaportederrièremoiensouriant.Woodssetournaversmoid’unairamusé.—Tuleurasditquoipourlesfairerirecommeça?Jehaussailesépaules.—Jesuisdrôle,c’esttout.—Situledis,ironisaGrant.Jel’ignoraietmetournaiversLondonpourl’interroger:—Tumangesdesépinardscrus?—Oui,répliqua-t-elle.
Bethy
Ledînern’avaitpasmanquéd’intérêt.Thadétaitarrivé justeà tempspourpasserà tableaprèsavoirétéretenuàuneréunionavecsonpère.J’étaissoulagéedelevoir.ÊtrelaseulecélibataireétaitassezdésagréableetcommeThadnonplusn’étaitpasaccompagné,jemesentaismoinsseule.
AprèsavoiréclusémonverredemargaritapourgérerlaprésencedeTrip,toutentierpréoccupéparLondon,j’étaispasséeàl’eau.J’avaiscessédem’abrutiravecdel’alcool.
Blaireétaitassiseenfacedemoi,etDelladel’autrecôtédeThad.TrippetLondonavaientprisplaceàl’autreboutdelatableprèsdeGrantetHarlow.C’étaitdoncplusfaciledelesignorer.
—Jesuiscontenteque tout lemondeaitpuvenirce soir.Vousêtesnosamis lespluschersetvousêtesdevenusmafamille,commençaDellaenlançantunsourireàWoods.
LesconversationsseturentettouslesregardssebraquèrentsurDella.—Nous voulions vous en informer tous enmême temps, nous avons donc trouvé une excuse
pourvousrassembleretvousannoncerlabonnenouvelle.Jesuisenceinte!Lapièceexplosadansuntonnerred’applaudissementsetBlaireseredressad’unbondpourserrer
DelladanssesbrastandisquelesgarçonscongratulaientWoodsàgrandrenfortdetapesdansledos.JemerapprochaiderrièreBlairepourféliciterDellaàmontour.
—Jesuissiheureusepourtoi.—Merci,merépondit-elleavecunimmensesourire.Enmeretournant,jetombainezànezavecTripp,quim’observait.Jemedemandais’ilpensaità
notrebébé.Jevoulaisqu’ilsachelavérité.Nonpasquecelachangeâtquoiquecesoitpourlui.C’estmoiquiavaisétéleplusaffectée.Maisquandmême,ilavaitledroitdesavoir.
Jedétournailesyeuxetretournaim’asseoiràtable.Thadm’arrachamonverred’eau.—Netouchepasàlaflotte.Elleestcontaminée.Ellefaitpondredeslardonsdanstouslessens.J’éclatai de rire, la tête posée contre son épaule. Il avait raison. Je commençais àmedire que
c’étaitcontagieux.Jereprismarespiration,etThadmetapotalajambeensouriant:—Fautseserrerlescoudes.Fairegaffeàl’effetdomino.Thadneserendaitpascomptequec’étaitexactementlaviequejedésirais:unépouxquim’adore
etquiaimaitnosenfants.Je jetaiunœilàGrantquienlaçaitLilaKateenl’embrassantsur lefront.Puis je regardaiNateescalader lesgenouxdeBlaire, enrouler sespetitsbrasautourde soncouetserrerdetoutessesforces.
—Tuasl’airplusheureusequ’avant,constataThadenmedévisageant.—C’estlecas.Çavamieux.Jemesensmieux.
Avecunhochement de tête il enroula sonbras autour demes épaules et inclina sa tête vers lamienne.
—Ont’aime,tousautantqu’onest.Tulesais,ça,n’est-cepas?MêmeWoods.Onveuttousquetusoisheureuse.
J’eneusleslarmesauxyeux.Jelelaissaimeserrercontreluiuneminuteavantderépondre:—J’aibeaucoupdechance.—C’estclair.Onestassezgéniaux,répliqua-t-ild’unairtaquin.Monrirejoyeuxséchameslarmes.
Lorsquejeregagnaileparkingenbasdemonappartement,laHarleygaréesouslelampadaireetlemotardappuyécontreelleattirèrentmonattention.C’étaitTripp.Jenevoyaispassonvisage,maissatailleetsamotoletrahissaient.
J’ignoraisenrevanchecequ’ilfaisaitlàetcommentilavaitréussiàarriveravantmoiaprèslasoiréebarbecue.
Jemedirigeaiversluiaprèsavoirverrouillélaportièredemavoiture.Ilsedétachadesamotopourveniràmarencontre.
—Qu’est-cequetufais?luidemandai-jeunefoisarrivéeàsahauteur.—Jevoulaisteparlerseulàseul.Jepeuxentrer?Étais-jeprêteàrecevoirTrippchezmoi?Jen’avaispasencorecréédebonssouvenirsdanscet
appartement.Personnenem’yavaitrenduvisite.Jemecontentaid’ydormiretd’yvivrecachéedumonde.LaprésencedeTrippallaitchangerladonne.
—Jet’enprie,insista-t-il.—Biensûr,O.K.,cédai-je.Ilm’emboîtalepastandisquejegagnail’escalier.—Commenttuasfaitpourarriveravantmoi?demandai-je.—Thadm’aramenéàmaHarleyetj’ailaisséLondonrentrerchezelleavecsavoiture.Ellene
veutpasfairedebécane,alorsonnelaprendjamais.Commentfaisait-ilpouravoirunerelationavecquelqu’unquirefusaitdemontersursaHarley?—Tuparlesd’uneformulegagnante:pasdevianderouge,pasdemoto.Vousavezvachementde
chosesencommun,touslesdeux,observai-jed’untonquejevoulaisléger.Tripps’immobilisa.Jemedemandaisijel’avaismisencolère.Nousétionspratiquementarrivés
à ma porte. Je me retournai. La confrontation ne me faisait pas peur. Qu’il fasse l’enfant, si çal’amusait.Jeplaisantais,c’esttout.Enfin,presque.
—Tun’aimespasLondon,affirma-t-ilenmedévisageant.J’auraispuluimentir,maisc’étaithorsdequestion.—Jenel’aimaisdéjàpasilyahuitans.Ilinclinalatêtesurlecôtépourmescruter.—Jesaispourquoitunel’aimaispasàcetteépoque.Maispourquoiaujourd’hui?Ilallaitvraimentlancercedébatmaintenant?Jehaussailesépaulesetesquivailesujetensortant
mesclés.—Ellen’apaschangé.Jefranchislaporte,Trippsurmestalons,commes’ilavaitpeurquejenerebroussechemin.Je
détestai les picotements qui me parcouraient la peau dès qu’il était près de moi. J’avais besoind’espace,nomd’unchien.
— Il y a huit ans, tu ne l’aimais pas parce que c’était mon ex. Tu étais jalouse de l’attentionqu’ellemeportait.
Jelaissaitombermonsacetmescléssurlatableetfisvolte-face.
—C’est exact.Qu’est-ce que tu veux, Tripp ? Tu veux que je reconnaisse que je suis jaloused’elleaujourd’hui?Parcequ’elleestavectoi?C’estçatonbut?Tutesentiraismieuxsijefaisaisça?
Ilagrippamonpoignetetmetiracontrelui.—Oui,Bethy, je serais carrément aux anges. Parce que si tu es jalouse deLondon, alors j’ai
encoreunechanceetçan’estpasfini.Jem’efforçaiderespirer.Sapoignedéclenchaituncourantélectriquedanstoutmonbras.Mon
cœurbattaitlachamadeetlespapillonsavaientreprisduservicedansmonventre.—Alorsc’estça?TuesjalousedeLondon?insista-t-ildesavoixrauque.J’avaisenviedeluimentir,parcequelavéritérouvriraittouteslesbarrières.Jel’avaisrepoussé,
il était parti.Mais ça nem’avait pas rendue heureuse. Il m’avait manqué. La nuit, je restais àmafenêtreàscruterau-dehors.Jevoulaisvoirsamotogaréedel’autrecôtédelaruependantqu’ilmesurveillait.Chaquefoisque jeprenaismavoitureetqu’iln’étaitpas là, jemedisaisquec’étaitmafaute.Quej’yétaisalléetropfort.
—Oui,finis-jeparavouer.Trippserralamâchoireetunelueurdesatisfactionéclairasonregard.Puislesveinesdesoncou
semirentàaffleurer.Jem’armaidetoutmoncourage.
Tripp
Ilfallaitquejerestecalme.Pourtantj’avaisenviedelasouleverdansmesbrasetdel’embrasserjusqu’àenperdrehaleine.Elleétaitjalouse.Elletenaitsuffisammentàmoipournepassupporterdemevoiravecquelqu’und’autre.Yes!
—Maisqu’est-cequeçaveutdire,Bethy?Tuasvouluquejedisparaissedetavieetj’aiobéi.Jeprenaisungrosrisque,maisilfallaitquej’enaielecœurnet.Elledétournaleregardpourfixerunpointdanslevide.—Çaveutpeut-êtredirequejeressentiraitoujoursça.(Ellehaussalesépaules.)Jenesaispas.Je
saissimplementquetumemanques.Ellesefrottalevisageenpoussantungrognementdefrustration.—Jenesaispas!Cetrucentrenous…(Elleplantasonregarddanslemien.)Ilfautquetusaches
quelquechose.Quelquechosequejeveuxtedire.J’enaibesoin.Elle était en train de craquer. Ses défenses étaient enfin en train de tomber et j’allais avoir
l’occasionderevenirdanssavie,ilnefallaitpaslarater.—Jet’écoute.Bethy montra d’un geste le canapé et une chaise qui ornaient son petit studio. Je n’avais pas
encore regardéautourdemoi.Ellen’avait rienà faire ici. Jenevoulaispasqu’elleviveentrecesmurs.Lapeintures’écaillait,lesstoresétaientcassés.Dugrosscotchentouraitlesfenêtresetlesofaétaitrapiécéenplusieursendroits.Jenelaissairienparaître.Jenevoulaispasqu’ellecroiequejelaméprisais parce qu’elle habitait cet appartement, mais je détestais l’idée qu’elle passe ses nuitsderrièreuneportecadenasséependantquejem’endormaisdansuncondodeluxe.
Bethypritplacesurunechaiseenvinylequiavaitconnudesjoursmeilleursdanslesannées1970.Jem’assissurlecanapé.
—Jen’aipasavorté.J’aifaitunefaussecouche.Sadéclarationmesortitdemespenséessordidessursonlogement.—Quoi?Ellepoussaunsoupiretrelâchasesépaulesavantdepoursuivre:—MatanteDarlam’avaitditqu’ellem’aideraitàfairequelquechosepourlebébé.Jecroyaisque
c’étaitunemanièredélicatededirequ’ellemeferaitavorter.Quandellem’aannoncéça,j’aipleurépendantdeuxjoursentiersenpensantàcebébéquejeneconnaîtraisjamais.Jenevoulaispasavorter,maisj’avaisseizeansetmonpèrenem’autoriseraitjamaisàavoirunenfant.Jen’avaisquematanteDarlaaumondeetsielles’occupaitdemonavortement,alorspluspersonnenemesoutenaitdansma
décisiondegarderlebébé.Jet’aiappeléplusieursfoisdansl’espoirquetupuissesm’aider,maisjen’ai jamais réussi à te joindre. J’étais à huit semaines de grossesse quandma tantem’a obligée àconsulterdansuneclinique:j’enaiconcluquec’étaitunecliniquepratiquantl’IVG.Jen’avaisjamaiseuaussipeurdemavie.J’avaiseumalauventretoutelamatinée,maisjemedisaisquec’étaitàcausedemescrisesdelarmesetdel’angoissequimeserraitl’estomac.Quandledocteurm’aexaminée,jesaignais.Jen’aiapprisçaquelasemainedernière.Onm’afaituneinjectioncontreladouleur:j’étaisen train de faire une fausse couche. Mes souvenirs de cet instant sont embrouillés par lesmédicaments.Quand j’ai repris connaissance, j’étais chez tanteDarla et je saignais abondamment.Ellem’aannoncéquelebébén’étaitpluslàetj’enaiconcluqu’ilsavaientinterrompulagrossessependantquej’étaisendormie.Nousn’enavonsjamaisparlé,carlesujetétaittropdouloureux.Jusqu’àcettesemaine,quandtanteDarlam’asoudainparlédemafaussecouche,çam’aperturbée.C’estalorsqu’ellem’aracontétoutel’histoire.Jamaisellenem’auraitobligéeàavorter.
Ellesetutbrièvementetbaissalesyeuxsursesmainsavantdereprendre:—Jem’enveuxet jevisaveccetteculpabilitédepuissi longtemps,alorsquec’était inutile.Je
voulaisquetusachescequis’étaitréellementpassé.Quejen’aipasvouluavorterdenotreenfant.Etquelemomentvenu,j’étaisprêteàfairecequ’ilfallaitpourlegarder.
J’avalailabouledansmagorge,bouleverséparlerécitdeBethy.Pasuneseulefoisjeneluienavaisvoulu.Aprèsavoirenfintrouvélecouraged’écoutermamessagerie,jem’étaismisàboireetj’étais resté pendant plusd’une semaine en état d’ébriété. Je n’avais plusmon téléphone avecmoi,celuiquemesparentsm’avaientpayé,mais j’avaisaccèsàmaboîtevocaleàdistance.Lorsque lesappelsàl’aidedésespérésdeBethys’étaientsoldésparunultimemessagem’informantqu’elleavaitavorté,lemondes’étaitarrêtédetourner.
J’avais pulvérisé une chaise en la balançant à travers la chambre d’hôtel bon marché danslaquellejelogeais.Puisj’avaislabourélesmursàcoupsdepoingavantdem’effondrerensanglots.L’instantd’après, j’étaisen traindeboire. Il fallaitanesthésier ladouleur.Bethynevoudrait jamaisquejeretournelachercher, telquejel’avaisprojeté.Jel’avaisdétruite.Etmoiavec.Jenepouvaispasluifaireface.
Mais jamais jene l’avaisaccuséedequoiquecesoit.Elleétait jeune,elleavaitpeur.Sonpèreétait rarement présent et elle bossait pour aider à payer les factures. Je n’avais pas relevé mamessagerievocale,angoisséàl’idéed’entendrecequemesparentsavaientàdire.Enconséquencedequoij’avaisgâchémavie.
Ilfallaitquejeluidisetoutelavéritésurlesraisonsdemondépart.Sansplusattendre.—Bethy,sij’étaisrestéici,mesparentsm’auraientenvoyéàYale.J’yseraisrestéplusdequatre
années. Ilsm’auraientobligéàpassermesvacances scolairesdansma familleàBostonet tous lesétésdans lecabinetd’avocatsdeManhattan.Mes joursàRosemaryBeachétaientcomptés. Il fallaitque jeparte.Si je trouvaisunmoyendeprendre le largeetdedevenir financièrement indépendantd’eux,alorsilsn’auraientplusaucunpouvoirsurmoi.Aprèsça,j’auraispurevenirverstoietpuis,arrivéeà tesdix-huitans, tuauraispum’accompagner.Àl’époque,c’est laseuleréponseque j’aietrouvée.Jenevoulaispasteperdre.
Jescrutaisonvisage.J’avaistentédeluiexpliquerçaàplusieursreprises.Maispourlapremièrefois,ellem’écoutaitenfin.
— Quant à la grossesse : je n’utilisais plus le téléphone que mes parents m’avaient payé. Jel’avais laissé derrière moi. J’économisais pour m’acheter le mien. J’allais t’appeler dès que j’enauraiseuunnouveau.Maisjem’inquiétaispourtoiet,auboutd’unmois,j’aiutiliséletéléphonedemachambred’hôtelpourrelevermaboîtevocale.J’aieuaccèsàtoustesmessagesd’uncoup.Àcetinstant-là,lemondeautourdemois’esteffondré.
Bethyeutunpetitriretriste.
—Nousétionssijeunes,songea-t-elleensecouantlatête.Tutesouviensdesgaminsqu’onétait?Jenemesouviensmêmepasdenouscetété-là.
Jen’avaispasoublié.—Onétaitpeut-êtredesgosses,maiscequejeressentaispourtoiétaitsincèreetn’aabsolument
jamaisdisparu.Nousrestâmesassissansriendiretandisquelarumeurdelacirculationetlamusiquedesvoisins
comblaientlesilenceentrenous.Jelacontemplai.Elleregardaitfixementlemur,perduedanssespensées.Tantdechosesavaient
changédepuisqu’elleétaitentréedansmavie,cetété-là,pourl’illuminerdemillefeux.—Ceque j’aidit sur l’île : j’avais tort, reprit-elleenposant lesyeuxsurmoi. J’étais terrifiée
parcequejeneculpabilisaispasdecequenousavionsfait.Jem’envoulaisdenepasmesentirenfaute.Maisjeveuxvivremavie.Àlatraversercommeunautomate,onsesentseul,ettuasraison,Jaceauraitvouluquejevivepleinement.(Ellefermalesyeuxtrèsfort.)Si tuesd’accord, jepenseque j’aimerais bienque l’on sevoieplus.Sans caractère exclusif.Occasionnellement.Peut-être.Sic’estquelquechosequipeuttefaireenvie.
Pas exclusif ?Merde. Jemaîtrisaima réaction en ne laissant rien paraître. Elleme tendait unrameau d’olivier, ou tout dumoins une branchette, c’était déjà ça. C’était mieux que ce que nousavionsactuellement.
—Oui,çameplairait,répliquai-je.Ellesourit,etlesoulagementvisibledanssesyeuxvalaitbientouteslespeinesdumonde.—Vraiment?s’inquiéta-t-ellecommesij’allaischangerd’avis.—Absolument.Elle balaya la pièce du regard, un sourire béat sur le visage, avant de me regarder d’un air
incertain:—Çatedérangesi…jeteprendsdansmesbras?J’ouvrislesbrasengrand.—Vienslà,répondis-je.Elle attendit une fraction de seconde avant deme serrer contre elle. J’inspirai son parfum en
enfouissant mon visage contre elle, caressant son cou du bout du nez en souriant de la sentirfrissonner.
Jen’étaispeut-êtrepassonpremierchoix,maiscelan’enlevaitrienaufaitqu’elleétaitàmoi.
Bethy
Siuntypesefaitlivrerledîneretloueunfilm,çatediraitdetejoindreàlui?
Jesourisendécouvrant leSMS.Depuisnotrediscussion,Trippm’avaitenvoyédeuxmessagessansimportancemaisriendeplus.Jenesavaispastrops’ilétaitoccupéous’iltestaitleterrain.Cederniertextodissipaitunpeuledoute.
Jetirailefreinàmaindelavoiturettedegolfpourluirépondre.
Çadépenddutypeenquestion.J’aidesprincipes.
J’appuyai sur « Envoyer » puis glissai le téléphone dans la poche de mon short avant dedécharger le restedemon stock.Ma journéede travail touchait à sa fin, le soleil se couchait et leterraindegolfvenaitdefermer.
Montéléphonevibra.Jeleressortisillico.
Ilestgrand,extrêmementséduisant,avecunsourireà tomberpar terre, ilsaitque tuaimes lesfettucineAlfredo au poulet de chez Gambino, qui t’attendent, accompagnées d’un verre de blanc,quandtuarriveraschezlui.
J’éclatai de rire, puis jetai unœil alentour pourm’assurer que personne nemevoyait sourirecommeunepossédéedevantmontéléphone.
Vendu.Jenerésistepasauxfettucine.
Saréponsearrivaaussisec.
Nickel.Ondit19heures?
O.K.
Jerangeaimontéléphoneetmeremisautravail.J’avaisbesoindeprendreunedoucheetdeme
changer avant de le rejoindre. Je sentais unmélange d’huile de bronzage et de transpiration. Sansparlerdelabièrequ’onm’avaitrenverséedessusunpeuplustôt.Lesrisquesdumétier.
Je réussisà toutdéchargerenun tempsrecordetàpartir sansque tanteDarlamedemandeoùj’allais.EllenevoyaitpasTrippd’unbonœil:elleluigardaitrancunepourunépisodequiremontaitàMathusalem et je n’étais pas sûre qu’elle en démorde un jour. Je m’occuperais d’elle en tempsvoulu.
Jeregagnaimonappartement,medouchaietenfilaiunepairedeleggingsetunhautàencolureasymétriquequidénudaituneépaule.L’ensembleétaitconfortableetjoli.JenevoulaispasêtretropbienhabilléepourunesoiréesanschichischezTripp.
J’arrivai devant son appartement à 19 h 05. Sa Harley était garée dehors et la lumière étaitalluméechezlui.Lapremièrefoisquej’avaisfranchicetteporteaprèssonretouràRosemaryavaitété particulièrement dure. Jace avait voulu lui organiser une soirée de bienvenue et j’avais feintd’oublierquej’avaisperdumavirginitésursoncanapé.Ouquej’avaispasséunnombreincalculabledenuitsdanssachambre.
Et voilà que j’y retournais pour passer du temps avec Tripp. La perspective d’affronter cessouvenirsmeterrifiait.Maisc’étaitnotrepasséetplusriennem’obligeaitàl’esquiver.
Jefrappaiàlaporte.J’entendisaussitôtlespasdeTrippquitraversaitlecouloir.Laportes’ouvritengrand.Enl’apercevant, jefuspriseaudépourvu.J’oubliaisparfoisàquelpointcethommeétaitsexy.Pasétonnantqu’ilaitconquismoncœurd’adolescente.
Ilavaitlescheveuxmouillésetsapeausentaitbonlesavonparfumé.SonT-shirtgriscollaitàsontorseauxquelquesendroitsoùsapeaun’avaitpascomplètementséché.Sonjeantombaitparfaitementsurseshanches,àcroirequ’ilavaitététaillésurmesurepourquelesfemmesdumondeentierbrûlentdedésirdevant lesmusclesondulésde sonabdomenqui se fondaient enVdans le tissu.Sacoupeépousait parfaitement ses longues jambes.Lesmusclesde ses cuisses se contractaient en souplessetandis qu’il se balançait d’un pied sur l’autre. Et pour terminer, la peau bronzée de ses pieds nusn’auraitjamaisdûdéclencherl’ombred’uneexcitation.Etpourtantc’étaitlecas.
Je m’arrachai brusquement à ma contemplation et levai les yeux sur lui. Je constatai avecsoulagementqu’ilneraillaitpasmonécartdeconduited’unpetitairsatisfait.Ilsecontentadesourireets’effaçapourmelaisserentrer.
—J’étaisentraindeservirlevin,expliqua-t-il.Ladouceurdesonparfummecueillitsurleseuil,medonnantinstantanémentenviedeluilécher
lecou.— Je t’attendais pour louer le film. Je ne savais pas trop de quoi tu aurais envie. J’ai ouvert
iTunessurlatélésituveuxjeterunœil.Jegagnailacuisine,quimenaitausalon.—Jeverraisbienunfilmd’action,proposai-jeenpensantqu’ilvalaitmieuxévitertoutecomédie
romantiqueaveclui.D’embléej’avaisenviedeluilécherlecou.Cen’étaitpeut-êtrepaslapeined’apporterdel’eauà
monmoulin.—Jetelaissechoisir,conclut-ilenretournantdanslacuisine.Je le regardai servir nos deux assiettes. Il avait commandé lemême plat quemoi, ce quime
rappelatouteslesfoisoùilm’avaitinvitéeaurestaurantcetété-là.Ildisaittoujoursquejechoisissaismieuxqueluietilfinissaittoujoursparpicorerdansmonassietteaulieudemangerdanslasienne.
—Tonverredevin,annonça-t-ilenlefaisantglisserversmoi.—Merci.Ilsoulevalesassiettesetinclinalementonendirectiondubalcon.—Tuveuxmangerdehors?C’estplusjoliqu’àl’intérieur.
—Oui.J’apportenosverresetjevaist’ouvrir,acquiesçai-je.Unefoissurlebalcon,bienquelemobilieraitchangédepuis,monespritsetournaverslatoute
premièrefoisoùjem’yétaisretrouvéeaveclui.Jerepoussaiaussitôtmessouvenirsenprenantplacesurlachaiselaplusproche.L’évocationdecequenousétionsneferaitquebrouillerletableau.
Tripps’assitàsontouretmeregarda.— Je ne vais pas te mentir : commander le dîner chez Gambino m’a rappelé d’excellents
souvenirs.Ilfaisaitlamêmechose.Lepasséauraittoujourssaplace.—Jen’aipasmangéçadepuis…ehbiendepuisunmoment,concédai-je.Ce plat me faisait toujours penser à lui. Ce n’est qu’une fois que Jace avait commencé à
m’amenerdanscerestaurantquej’avaisétécapablede l’appréciersans tropsouffrirdessouvenirsquiluiétaientattachés.
Nouscommençâmesàmangerensilence.Je n’avais pas envie de parler de Jace. Ce n’était pas juste vis-à-vis de Tripp. Nous avions
suffisamment parlé de son cousin. Son empreinte ne nous quitterait jamais. Désormais, il étaitquestiondenous.
—Qu’est-cequit’estarrivédebeau,aujourd’hui?s’enquitTripp.Mes yeux se rivèrent sur lui. La lueur que je décelai dans les siens me coupa le souffle. La
profondeurdesonregardémerauderecelaittantd’émotions.Chaque jour, cet été-là, lorsqu’il venaitme chercher au travail, ilmeposait cette question.Au
départ,c’étaitsamanièreà luidemedemandercomments’étaitdérouléemajournéemais,avecletemps,j’avaisprisl’habituded’inventeruntissud’histoiresrocambolesquespourleplaisirdelefairerire. Au final, je lui prenais la main en affirmant que de l’attendre au parking était le plus beaumomentdemajournée.
Jerépondis,macuilleréedefettucineensuspens:—Ça,c’estdeloinlaplusbellechosequimesoitarrivéeaujourd’hui.Misàpartlefaitquej’ai
surprisM.Wickinghamentraindefairepipiaudixièmetrou.Trippfitlagrimace,puiséclataderire.
Tripp
Unesensationdechaleurm’enveloppaetj’inspiraiprofondémentlasenteurdevanille,désireuxdelaretenir.Monétreinteseresserraetladouceursoyeusequejetenaisdansmesbrasémitunpetitbruitquimerappelaunronronnement.
Et quime réveilla. Le soleil qui filtrait par la fenêtreme fit cligner des yeux. J’aperçus alorsBethyquidormaitàpoings fermésblottiecontremoi.Ses jambesétaientmêléesauxmienneset lerestedesoncorpsreposaitàmoitiésurlemien,àmoitiésurlecanapé.
Nous avions tenté de regarder un film la veille au soir. À un moment donné, Bethy s’étaitallongéesurmoi.Impuissant,j’avaisregardésespaupièreslourdesserefermer.Danssonsommeil,elles’étaitrapprochéedemoi,àtelpointquej’avaisdûm’allongeràmontourpourqu’ellepuisses’étirerde tout son long.L’évidencede soncorps lovédansmesbrasm’apportait un sentimentdesatisfactionimmense.
Enrevanche,lemomentoùelleallaitseréveilleretserendrecomptequ’elleavaitdormisurmois’annonçaitcommeuneautrepairedemanches.Elleallaitêtrefurax.Enfin,c’estcequejepensais.Après trois verresdevin sur le balcon, àme raconter l’histoiredeBlairedébarquant àRosemaryBeach,Bethys’étaitconsidérablementdétendue.
J’adoraisl’écouterparleretdécouvrircequej’avaisratédesavie.Commentelleavaitdéménagéde chez son père quand il avait épousé une certaine Renee, qui détesta Bethy sur-le-champ. Mapoitrineseserraenl’écoutantplaisantersurladuretédusolsurlequelelledormait,oulesnouillesdontelles’étaitnourriependantdesmois.
J’avaisconnumonlotdeplatsdenouillesetdenuitsparterre,etjenel’auraissouhaitéàBethypour rienaumonde.Enquittant laville, j’étaisdéterminéàconstruireuneviedansunendroit sûr,avectoutcedontelleavaitbesoin.
Jenevoulaispasqu’ellesoitcontrariéeenseréveillant.Celafaisaitdeslustresquejen’avaispasaussi bien dormi et que je ne m’étais pas réveillé aussi heureux. Nous ne nous étions même pasembrassés. Je ne voulais pas la pousser. J’avais tendance à rester scotché à ses lèvres quand elleparlait,alorsjemefaisaisviolenceenm’efforçantdelaregarderdroitdanslesyeux.
Elle étira une jambe qui glissa sur lamienne. Je relâchaimon étreinte lorsque je réalisai quej’avais dû la réveiller à force de la tenir si serrée contre moi. Inconsciemment, j’avais fait lenécessairepourqu’ellenebougepas.Elle eutunpetit bâillementdouxet remua lesdoigtsqu’elleavaitentremêlésàmescheveuxpendantlanuit.Puiselles’immobilisatotalementetjesusàcetinstantquemaBethyétaitbeletbienéveillée.Je lui laissaiunmomentpourévaluer lasituation.Oui,elle
étaittoutemberlificotéeavecmoi,maisnousétionshabillésetriennetouchaitaucunezonesensible.Quandelle tourna la têtepour l’enfouircontremontorse, jenepusm’empêcherdesourire.Aprèstout,ellen’allaitpeut-êtrepasfaireunbonddepanique.
—Jesuisdésolée,marmonna-t-ellecontremachemise.—Pourquoi?m’enquis-jeensouriant.Ellepoussaunpetitgrognementadorable.—Jemesuisendormiesurtoi.J’inclinaisatêtepourscrutersonvisage.—Net’excusepaspourça.Jamais.Ellemedévisageauninstant,puiss’humectaleslèvresetbaissalesyeux.—Jet’écrase.Tuarrivesquandmêmeàrespirer?renchérit-elled’unairgêné.Ellefitminedeselever,maisjeresserraimonétreinte.Jen’étaispasprêtàlalaisserpartir.—Cela fait des années que je n’avais pas aussi bien dormi. Tu es lameilleure couverture du
monde,plaisantai-jepourfairepartirlatensionquis’étaitemparéedesoncorps.J’avaisadorésentirsadouceurdansmesbras.Jevoulaissentirdenouveaucetabandon.Elleémitunpetitrireetreposasonfrontcontremapoitrine.—Aprèsunejournéepasséeausoleil,levinmemetK.-O.,sedéfendit-elle.—Onferadoncçaplussouvent,c’estnoté.Tufaisquoicesoiraprèsleboulot?Elle leva la tête et son sourire me serra le cœur. C’était son vrai sourire. Celui qu’elle me
réservaitàmoiseul.—Sijetevoisdeuxsoirsdesuite,çan’aplusriend’occasionnel,pondéra-t-elle.Jen’avaispasenviedepenseràça.Ellenevoulaitpasd’unerelationexclusive,cequisignifiait
qu’elle pouvait sortir avec d’autres. Si ça se goupillait effectivement ainsi, je n’étais pas sûr depouvoir répondre de mes actes. L’idée qu’elle en voie un autre me rendait dingue. Jamais je nel’autoriserais.Mêmesijenesavaispasdutoutcommentm’yprendrepourarrêterça.
—Biensûrquesi.Onadîné,papoté,regardéunfilmetons’estendormistouthabillés.Çan’ariendesérieux.Onpeutparfaitementremettreçacesoir.
Son sourire s’élargit et elle remua de nouveau. Je desserrai mon étreinte à contrecœur pourqu’elle puisse se relever. Si j’insistais, elle risquait de ne pas revenir. Sinon je pouvais toujoursl’attacheraulit,histoiredetordrelecouàcettehistoiredefréquentationoccasionnelle.
Une foisdebout,Bethy leva lesbrasau-dessusdesa têtepour s’étirer,me laissantentrevoir lapeaulissedesonventre.Sonleggingépousaitsesformesetj’étaisàçadelasupplierdesetourneretde s’étirer ànouveaupourpouvoir contempler sonculparfaitementmoulé.SonT-shirt descendaittropbaspourquejelevoie.Lanuitdernière,j’avaisàpeineeuunaperçuduspectacle.
—Jesuisencongéaujourd’hui.Ilfautquejefasselescourses,leménage,et…—QueturendesvisiteàJaceetquetut’arrêtesàlapostepourrelevertoncourrier.Aprèsquoitu
descendsàlaplageàl’endroitoùJacenousaquittés,complétai-je.Je l’avais suivie pendant desmois. Je connaissais par cœur l’emploi du temps de son jour de
relâche.Jene tenaispasà lui fairepenseràJace,mais il faisaitpartiedesavie.Denotrevie.Moiaussi, je voulaisme souvenir de lui. Je voulais prononcer sonnomsans avoir peurqu’elle nememettesurlatouche.
Ellemedévisagead’unairéberlué,maistotalementdénuédetristesse.Laculpabilitéetleregretavaientcesséd’assombrirsonregard.Ellepivotasurlestalons,ramassaseschaussuresetlesenfila.Cen’étaitunsecretpourpersonnequejel’avaissuivie.Elleétaitaucourant.
Jemeredressaienpositionassiseetpassaiunemaindansmescheveuxébouriffés.Jemepenchaienavant,lescoudesposéssurlesgenoux,tandisqu’ellecherchaitsonsac.Ellevoulaitmettredeladistanceentrenouset,sijevoulaisvivred’autressoiréescommeça,j’allaisdevoirlalaisserfaire.
—Demainsoir?demandai-jeunenouvellefois.Elleseretournaversmoi.Jesentaislesrouagesàl’œuvredanssoncerveau.—Ilyaunefêted’anniversairepourM.Emersonaucountryclubdemainsoir.Poursesquatre-
vingtsans.Certainsinvitésviennentdeloin.C’estungrostruc.Woodsm’ademandéd’ytravailler.M.Emersonn’étaitautrequelegrand-pèredeLondon.LesyeuxdeBethydisaienttoutfortceque
sesmotstaisaient.Elles’attendaitàm’yvoirencompagniedeLondon.À dire vrai, j’avais oublié que London m’avait demandé d’y aller. J’avais refusé. Suite au
barbecue,j’avaisbiencomprisquejeperdaismontempsetlesien.Ellen’avaitpassaplacedansmonmonde.Àuneépoque,onavaiteuquelquechose,maisjem’étaisdétachédecettevieetlecontactdeLondonmerappelaitsanscessepourquoij’avaisfui.
— Je n’y serai pas. Il n’y avait pas à proprement parler de relation à casser, mais j’ai dit àLondonqueçan’allaitpasfonctionnerentrenous.Ellefaitpartied’ununiversdontjen’aipasenvie.
Unéclairdesoulagementtraversasonregard.Elledétournaaussitôtlesyeux.—Oh,O.K.,fit-elle.—Aprèslasoirée,alors?Jerevenaisàlacharge,jen’avaispasl’intentiondelaissertomber.ElletripotalacouturedesonT-shirt.— Je suis toujours épuisée après une soirée au country club. Je ne serai pas de très bonne
compagnie.Jen’auraiqu’uneenvie:mangeretdormir.Cequimeconvenaitparfaitement.—Jeteferaiàmanger,puisunmassagedepiedsdutonnerre,aprèsquoijetelaisseraidormir.Jeretinsmonsouffleenregardantlalutteinternequisejouaitsursestraits.—O.K.Maistun’espasobligédet’occuperdelanourriture.Onrécupèretoujoursdestonnesde
restesaprèscegenred’événements.J’auraidequoifairepournousdeux.Intérieurement,jefisunbonddejoieenfendantl’aird’unpoingvictorieux.Envrai,jemelevai
calmementethochailatêteendirectiondelacuisine.—Super.Tuveuxuncaféavantdepartir?
Bethy
JeserraiunenouvellefoismonT-shirtsousmonnezeninspirantprofondément.Ilsentaitl’odeurmerveilleuse de Tripp. Je fermai les yeux et me remémorai la sensation délicieuse de son corpsmuscléétendusouslemienauréveil.
Jemesouvenaisvaguementd’avoirétéincapabledegarderlesyeuxouvertsdevantlefilmetdem’êtreappuyéesursonépaule.J’auraisaiméresteréveilléepluslonguementpourenprofiter.J’avaisl’impression d’avoir raté le meilleur. Cela étant, il avait bien fallu que je ferme les yeux pourm’endormirtoutcontrelui.
J’étaistentéedeporterceT-shirttoutelajournée.Maisç’auraitétéunpeuflippant.Jeleretiraidoncetm’apprêtaiàlejeterdanslepanierdelingesalequandjemeravisaietlelaissaitombersurmonlit.J’allaisdormiraveccesoir,sansmepréoccuperdesavoirsic’étaitbizarreoupas.
Cen’étaitprobablementpasunebonne idéede retournerchez luiaussi rapidement.Çadonnaitl’impression que les choses avançaient trop vite. Il fallait que je protège mes sentiments de cethomme-là.Jesavaisdéjàqu’ilavaitlepouvoirdemebriser.Maisquandilm’avaitannoncéqu’ilnevoyaitplusLondon,j’avaiscédé.
J’avaisétésoulagéed’apprendrequ’ilnevoulaitpasfairepartiedesonmonde.Trippneparlaitjamaisde sesparents, quinevivaientd’ailleurspas àRosemary et n’y avaientpas remis lespiedsdepuis l’enterrement de Jace. Mais l’été arrivait à grands pas. Et s’ils revenaient ? Tripp n’avaitencorepaseuàlesaffronter.Allaient-ilsluiforcerlamain?Allait-ilprendrelafuite?Jenepouvaispastoutlâcherpourlesuivresurlaroute.Mêmes’ilmesuppliait.Mavieétaitici,désormais.Montravail,mesamis,monfiletdesécurité.J’avaistout,ici.
J’allaisavoirdumalàmepréserver.FaceàTripp, ilnemefaudraitpasgrand-chosepourmeperdredenouveau.Lanuitdernièreparexemple:m’endormirdanssesbrasm’avaitsembléleplusnatureldumonde.Jem’étaissentieàmaplace.
Aveclui,moncœurétaitendanger.Mêmemoncorpsperdaitlatête.Aujourd’hui,j’avaisbesoindeprendrelelarge.J’allaissuivremaroutinehabituellesanspenser
àlui.
Ausupermarché, j’achetaidesPringlesaromatisésà l’anethetde lacrèmeglacéeaubeurredecacahuètesaucasoùTripppasseàlamaison.C’étaientsesdeuxen-caspréférés,toutdumoinsquandil avait dix-huit ans.En faisant leménage, jenotai une listede choses à acheterpour améliorer ladécointérieure,commeunecouverturepourrecouvrirlecanapé,voiredesrideauxpourlesfenêtres.
Jenettoyaidesendroitsquejeremarquaisrarement,tellesquelesplinthesoulesportesdesplacards.Jegrattai lapeinturequis’effritaitet jeponçai lemur.J’accrochaipar-dessus laphotodumariagereprésentantDella,Blaire,HarlowetmoiqueDellam’avaitenvoyée.
Au lieu de dépenser une fortune en essuie-tout, en assouplissant, en épicerie fine et en papiertoilette triple épaisseur, j’utilisai l’argent pourm’offrir le gel et le lait pour le corps que j’avaisrepérésdansunejolieboutiquequivenaitd’ouvrirenville.Puisj’achetaiunbouquetdemargueritesavantd’alleràlaplage.
Cen’estqu’enenfonçantlespiedsdanslesablequejemerendiscomptequetouteslesdécisionsquej’avaisprisesaujourd’huitournaientautourdeTripp.Jem’arrêtaijusteavantd’atteindrel’endroitoùjem’étaistenuelanuitoùJaceavaitdisparudansleseaux.Jeregardailesfleursserréesdansmamainetj’avalailabouledansmagorge.
LesmargueritesétaientlederniersymboledemonhistoireavecTrippquejen’avaispasréussiàabandonner. C’étaient les toutes premières fleurs qu’onm’ait jamais offertes. Un soir, Tripp étaitvenumechercherenmotoaumobilehome.Enarrivant,ilavaitsortiunbouquetdemargueritesdesonblouson.Ellesétaientunpeufripéesmais,àmesyeux,ellesétaientabsolumentparfaites.
Une fois par semaine,Trippme laissait desmarguerites ici ou là. J’en avais trouvédansmoncasierautravail,devantmaported’entréeetà la tablequ’ilnousavaitréservéeunsoiraucountryclub.Ilm’avaitexpliquéquelesmargueritesluifaisaientpenseràmoi.Ellesn’étaientpasexubérantesetattendues,commelesroses.Ellesétaientmagnifiquesetlibres.Ellesilluminaientunepièceet,sousleurdehorsd’innocence,cachaientuncaractèresauvage.
LorsqueJacem’avaitoffertdesroseslesoiroùilm’avaitditqu’ilnevoulaitpasmeperdre,quej’étais plus qu’une histoire de sexe et qu’il m’aimait, je lui avais répliqué que les margueritesfonctionnaientmieuxpourmoi.Àpartirdelà,c’estcequ’ilavaitchoisi,sansjamaissedouterquesoncousinavaitétéletoutpremieràm’enoffrir.
Jeparcourus lesderniersmètresquimeséparaientde l’endroitoù j’avaisperdumonâme.Lesyeux rivés sur la ligne d’horizon, je baissai les paupières, laissant le vent et le bruit des vaguesm’envelopper.JenevoulaispasmereprésenterJacedansunetombe,froideetsombre.Pourmoi,sonespritrestaitprèsdel’océanqu’ilaimaittant.Celieulerendaitheureux.C’estlàqu’ilauraitsouhaitéreposer.
— J’ai apporté des marguerites, lui confiai-je. (La plage était vide et le vent emporta mesparoles.)Jesaisquec’esttoiquimelesoffraisnormalement,maisaujourd’huij’aieuenviedet’enapporter.(Jeprisuneprofondeinspiration.)Parcequ’ilfautquejetedisequelquechose.J’aibesoindetacompréhensionetdetonpardon.Jenet’aijamaisexpliquépourquoij’aimaislesmarguerites.Tutemoquaistoujoursdemoiparcequejenevoulaispasderoses.J’auraisdûtelaisserm’enoffrir.Maisjepréféraislesmarguerites.
Leventdétachaquelquespétalestandisquejerestaisimmobileàcontemplerlesvaguesdéferlantsurlesable.
—J’aimaislesmargueritesparceque,avanttoi,avantnous,j’aiconnuungrandamour.Sigrandqu’il a tenu toutes ces années,même lorsque tu es arrivé dansmavie et que tu as revendiqué unepartiedemoncœurque j’ignoraismoi-même.Tune le saispas,mais tum’assauvé lavie…deuxfois.Jeneveuxpasquetucroiesquejen’étaispasentièrementavectoi,ceseraitfaux.L’amourquim’avait trouvéavant toi était encore enmoimais, à cemoment-là,moncœur t’appartenait.C’étaitnous.JenesavaispascommentteparlerdeTripp…
Unemarguerite s’envola dubouquet. Je la regardai rouler jusqu’au sable blanc, oùunevaguel’emportaaularge.
— Ilm’avait quittée et je le détestais. Je n’aurais pas dû : lui aussi n’était qu’un enfant à cetteépoque.Ladouleur et l’incompréhension étaient fortes. J’étais perdue et la fillette que j’étais avait
disparu.Enlaretrouvant, tul’aspréservéedeladestructionlapluscomplète,car j’étaisbeletbiensurcettetrajectoire.Nousavonsétéparfaitsl’unavecl’autre.Maisletempsd’unesaisonuniquement.Jusqu’àcequeTripprevienne.Aprèsça,lemondeabasculépourmoi.
J’attendisqueviennentleslarmes,commeàchaquefois.Maisjeneressentisnipicotementauxyeuxnidouleurdansmapoitrine.
—Cettenuit-là,c’estmoiquiauraisdûmenoyer.Pastoi.Moi.Maistuesintervenuet,encoreunefois, tu m’as sauvée. Je ne méritais pas d’être sauvée, mais tu n’as jamais vu les choses de cettemanière. En partant, tu as emporté une partie de moi. Ce morceau de mon cœur que tu avaisrevendiquéestàtescôtés,là-bas,pourtoujours.Tuétaismonhéros.
Jemepenchaipourdéposerlebouquetdanslesable.J’attendisuninstantavantd’ouvrirmamainpourretardersonenvol.
—Ilafaitpreuvedepatienceenversmoi.Ilaprissoindemoiquandbienmêmejenecessaisdele repousser. J’ai eu pour lui des mots blessants et j’ai voulu lui faire mal, tant je souffrais. Etpourtant il a tenu bon. Il a attendu. C’est lui qui m’a sauvée des ténèbres dans lesquelles m’avaitplongéetaperte.Ilm’afaitrire.Ilm’afaitressentirdeschoses.Etj’aienviedeça.Sijefaislechoixdevivremavie,celaneveutpasdirequejet’oublierai.C’estimpossible.Cequenousavonseunemequitterajamais.Tunemequitterasjamais.
Jemeredressai,laissantlesmargueritesposéessurlesablejusqu’àcequel’eaulesemporteuneparune.
—Merci,JaceNewark,dem’avoiraimée,dem’avoirsauvéeetd’êtremonhéros.Une larme s’accrocha à un cil et roula le long de ma joue. Je ne l’essuyai pas. Ce serait la
dernièrelarmequejeverseraisici.Elleétaitspéciale.
Tripp
Bethy avait les paupières closes depuis trenteminutes déjà,mais j’étais resté sans bouger, sespieds surmesgenoux, à la contemplerdans sonbasde joggingdécoupéet leT-shirt qu’elle avaitapportéspoursechanger.Cesoir,elles’étaitcomportéedifféremment.Ellesouriaitplusvolontiersetson rire était léger. J’avais eu dumal à la laisser fermer les yeux pour s’endormir. J’avais envied’entendrelesondesavoixetdem’imprégnerdelamélodiedesonrire.
Quandelleétaitarrivéeavecsesvêtementsderechange,jel’avaisenvoyéeprendreunedouche,àson grand soulagement. Je nous avais servi des assiettes avec les restes qu’elle avait apportés etl’avais écoutéeme raconter la soirée. Enm’annonçant que London était venue accompagnée d’untype,elleavaitscrutémaréactiondeprès,commesilanouvelleallaitmecontrarier.J’avaisposésespiedssurmesjambesetavaiscommencélemassagequejeluiavaispromistoutenlataquinantsurletempsqu’elleavaitpassésousladouche.
Enregardantsespieds,jemesouvinsdelapremièrefoisquej’avaisremarquéleurdélicatesseetlapetitessedesorteils.Cesoir,sesonglesétaientpeintsenfuchsia.Lapremièrefois,ilsn’avaientpasdevernis.AvantBethy,jen’avaisjamaiseuenvied’embrasserlespiedsd’unefille.Lapremièrefoisquej’avaisportésesorteilsàmeslèvres,elleavaitrigoléensetortillantpourselibérer.
Jeluiavaisditquelaseulechosequej’aimaisplusqu’elleétaitsespieds,etelleavaitcachésonvisagedanssesmains,rougecommeunepivoine.Jen’avaistouchélespiedsd’aucuneautre.
Jedéposaiunbaisersurlacambrureparfaitedesonpied,puisl’installaisurmajambeavantdemeglisserderrièreellepourl’attirercontremapoitrine.Elleremuaaussitôt.J’avaispeurdel’avoirréveilléeetmefigeaienattendantqu’elleserouleenboulecontremoi,unejamberelevéesurmescuisses, un bras en travers dema taille. Puis elle frotta sa tête contremon cou etmurmura que jesentaisbonetqu’ellenechangeraitpassonT-shirt.
Je réprimai un rire et attendis qu’elle se soit rendormie avant de m’installer. Je l’attirai toutcontremoi.Lesommeilm’emportaenunclind’œil.
LarespirationdeBethyetlachaleurdesonregardmeréveillèrent.J’ouvrislesyeux.Lesoleiln’avaitpas finide se lever et ladouce lueurdumatinbaignait levisagedeBethypenché surmoi.Nousétionstotalementemberlificotésmais,cettefois-ci,ellen’avaitrienfaitpourpartir.Bethyavaittoujoursétécâline.Aprèselle, jene l’avaisacceptédepersonned’autre. Jenepouvaispasdormirdanslesbrasd’unefemme.CedroitrevenaitexclusivementàBethy.
—Salut,fis-jed’unevoixenrouéedesommeil.
Le mouvement régulier de sa poitrine attira mon regard. Dans son cou, son pouls se mit àaccélérer.Était-ellecontrariée?Jelevailesyeuxsurelle.
—Çava?demandai-je,inquietàl’idéequ’elles’éloignedemoi.J’avaisenviedepasserunenouvellematinéeàlatenirserréecontremoi.Ellehochaimperceptiblement la tête, lesoufflecourtetsaccadé.Quelquechosene tournaitpas
rond.Jedégageailentementmamainappuyéecontresondos,pensantquejel’avaispeut-êtreserréetropfortcontremoi.Jelalaissaiglisserlelongdesonflanc.Bethyretintaussitôtsarespiration.Jemefigeai,lesyeuxposéssurmamain.Ellereposaitjustesoussonsein.
Est-ceque…jelevaidenouveaulesyeuxsurelleetcompris.Sondésirétaitflagrant.Elleabaissales paupières en respirant profondément. Je ne voulais pas interpréter la situation de travers,maisl’idéequ’ellepuisseêtreexcitéepropulsaitdéjàmonsangdansmonsexedur.
—Ah,fit-elledoucementenfermantlesyeux.Le renflement demon érection l’effleurait à peinemais, pendant la nuit, elle avait glissé une
jambepar-dessuslamiennepourserapprocherdemoi,desortequesonpubisétaitjusteau-dessusdemon sexe. J’avais commedans l’idéequ’il ne s’agissait pas d’unebanale érectiondumatin ;moncorpsréagissaitaufrottementexercéparsonentrejambependantlanuit.
Je soulevai mes hanches, juste assez pour exercer une pression plus ferme contre elle. Sespupillessedilatèrentetelleagrippamonépaule.
—C’estagréable?demandai-jetoutenglissantunemainsursesfessespourlafairecoulissersurmoi.
Ellehochala tête.Je l’installaidesortequesescuissesentrouvertesmechevauchent,s’ouvrantdavantageàmoi.
—Oh,Seigneur,gémit-elletandisquenoscorpss’emboîtaientcomplètement.J’écartaisescheveuxetsaisissonvisageentremesmains.—Tut’esréveilléeexcitée?sondai-jed’unevoixrenduerauqueparledésir.Sansdireunmot,ellecommençaàsefrottercontremoi,latêteenarrière,laboucheentrouverte.
Bonsang,elleétaitsexy.Sarespirationlourdefaisaitrebondirsesseins.J’avaisenviedelesdénuderpourlesregarderdanser.JesaisissonT-shirtetellelevalesbraspourmefaciliterlepassageavantderetirersonsoutien-gorgeenunéclair.
Sapoitrineétaitsublime,plusgénéreusequ’avant,maissestétonsavaientgardéleurteinteroséeetleurdouceur.J’avaistoujoursadorélespoitrinesopulentes.CelledeBethymecomblait.
Elleémitdespetitsgémissementscontentéstoutencontinuantàsefrottersurmoi.Jepinçaisestétonsetléchaileurauréoledurequis’agitaitdevantmoi.Elles’immobilisaaussitôtpourmelaisserleloisird’enprendreunenbouche.
Sesmainsseglissèrentdansmescheveuxetellesusurramonnom.Jesuçaiavidementsontétonavantd’enfouirmatêtedanssapoitrinepourléchersapeau,puistournaimonattentionverssonautresein.J’étaisfaceàlaplusbellepoitrineaumonde.
—EnlèvetonT-shirt,ordonna-t-elled’unevoixessoufflée.Jereculai,lesyeuxrivéssursesseinspournepasrateruneoncedeleurondulationtandisqu’elle
m’aidaitàretirermonhaut.Aprèsquoijelesléchaietlesembrassaideplusbelle.Sesmainscaressèrentmontorse,puiselleentrepritdemegrifferledosduboutdesonglestandis
quejemaintenaislarondeurparfaitedesesseinsàhauteurdemonvisage.Lorsqu’ellecommençaàeffectuer des petits mouvements circulaires des hanches en gémissant, je saisis sa taille et meredressaienl’emportantavecmoi.Elleenroulasesbrasetsesjambesautourdemoietjefonçaitoutdroit dans la chambre. Nous n’y avions pas encore mis les pieds ensemble, mais il était hors dequestionquejelaprennesurcefoutucanapé.Celafaisaitdesannéesquejerêvaisdeluifairel’amourdanslachambre.
Jel’allongeai,retiraid’ungesterapidesonshortetsaculotteavantdemeglissersurelle.—Ouvrelescuissespourmoi,madouce,ordonnai-jeenlesécartantlepluspossible.Bethyobtempéra,lesjambesgrandesouvertes.Lesoufflecourt,jeremarquailamoiteurévidente
quirecouvraitsonsexe.J’inspiraiprofondémentetsonexcitationéveillatousmessens.—Merde,bébé,çasenttellementbon,soufflai-jeendéposantunbaisersursonpubisnu.Bethyeutungémissementdesupplication.Àuneautreoccasion,j’auraisfaitensortequ’elleme
demandedelagoûter,tellementc’étaitbandant.Maisj’enavaistropenviepourattendre.Jeglissaimalangueenelleetlafisroulersursonclitorisgonflétandisqu’ellesecambrait.Sa
mains’étaitreferméesurmescheveuxcommepourmemaintenirenplace.L’idéequ’elletiennematêtedeforceentresesjambesfitpalpitermonsexe.
Jecommençaiàlasavourerenlamordillant,dégustantcedouxparfumquim’avaittantmanqué.Monnomglissadeses lèvres,commeunemélodie.Ellefinitparpousseruncri, traverséeparsonpremier orgasme. Je la maintins en place, me délectant de son foutre tandis qu’elle me suppliaitd’arrêter.
Sestremblementscessèrentenfin.Sesgémissementsdeplaisirfrisaient ladouleurtandisquejecontinuaiàlécherlapeausensibledesonclitoris.Sijecontinuaisencoreunpeu,elleallaitjouirunenouvelle fois, mais d’abord j’avais envie de la pénétrer. Jeme glissai sur elle et le regard lascifqu’ellemelançaensourianteutraisondemespenséesrationnelles.
D’uncoupderein,jeplongeaiauplusprofondd’elle.Sesongleslabourèrentmondosetellesecambracontremoienhurlantmonnom.Lesparoisétroitesde sonsexem’agrippèrentet jecollaimeslèvresauxsiennesavantdememouvoirenelle.Elleaspiramalanguedanssabouche,m’incitantàaccélérer lacadence.Bethyme rendaitdinguedèsqu’elle semettait à sucer lamoindrepartiedemoncorps.
—Putain,ohputain,c’estbon,scandai-jeenarrachantmaboucheàlasiennepourreprendremonsouffle.Jenem’enlasseraijamais,jetejure.(Haletant,jecontemplaisesseinsquirebondissaientàchaquepoussée.)Merde.Regarde-toi,bébé,bonsang.
Foudedésir,j’avaisenviedeplongerenelleauplusprofond.Jevoulaism’enfouirenellepourlaissermamarquesursoncorps.
—Plusfort,supplia-t-elletandisquesesyeuxserecouvraientd’unvoiledeplaisir.Oui ! Plus fort, plus profond, plus intense. J’en voulais plus. Je la voulais tout entière. Jeme
retirai, elle poussa un cri de protestation et je la retournai aussitôt sur le ventre en remontant seshanches.
—Àquatrepattes,ordonnai-je.Elleseredressaetreculapourquejelaprennesur-le-champ.—Reviensenmoi,gémit-elle.Jesaisissonculetplongeaienelle,plusprofondémentencoredepuiscetangle.Jelaissaimatête
tomberenarrièretandisqu’elleaspiraitmonsexeàchaquepoussée.Jemepenchaienavantpouragrippersesseins.J’auraisvouluavoirunmiroirpourlesvoirse
balanceràchaquecoupdeboutoir.Maisl’imaginermesuffisait.J’yétaispresque,j’allaislaremplirdemonfoutre…
Merde!—J’aipasmisdepréservatif.Ilfaut…—Non!(Elleagrippamesfessespourmemaintenirenelle.)Jeprendslapilule!Jeveuxquetu
jouissesenmoi.Jouir.Enelle.Commesij’obéissaissurcommande,jelapénétraivigoureusementencriantson
nom.Sonlonghurlementsuivit lemien tandisqu’elle tremblaitsousmonpoidsetquesonsexese
refermaitétroitementenabsorbanttoutemasemence.Àboutdesouffle,j’enroulaimesbrasautourd’ellepourlaserrerdetoutesmesforces.
Bethy
Les lèvresdeTripp effleurèrentmondos, puis il se retira lentement. Jem’effondrai sur le lit,épuisée.
—Nebougepas,dit-ildoucement.Jenevoispasoùj’auraispualler.Jen’étaisabsolumentpasenétatdememouvoir.Son odeur imprégnée dans les draps me fit frissonner. Sérieusement ? Je ressentais déjà des
picotementspartout?Trippposaunemainsurmacuisse.—Retourne-toi,intima-t-ilenm’aidant.Jeseraisvolontiersrestéecommeça,levisageenfouidanssonparfum.Il écartames jambesenentrepritdemenettoyerà l’aided’ungantde toilette.Comme la toute
premièrefois.Jeleregardaiavecémerveillementmemanipulercommesij’allaismebriserenmillemorceaux.Sa tâche terminée, il leva lesyeux surmoi.La lueurdepossessivitéqui les animaitmesurprit.
J’avaisoublié.Trippétait le seul àme regardercommeçaaprès l’amour.Personned’autrenel’avait jamais fait. Au début, j’avais été un plan cul facile pour Jace. Mais même après que saperception de notre relation eut changé, il ne m’avait jamais nettoyée après l’amour en medévisageantcommesij’étaissaraisondevivre.
Trippétaitleseul.J’avaisdéjàcroiséceregard.Plusieursfois.Jel’avaissimplementoublié,oul’avaisocculté.Aprèsavoirconnuceregard,ilétaitdifficiledesecontenterdemoins.Lasensationdechaleurquiparcouraitmoncorpsetlesentimentd’êtrechérieémanaienttoutentierdeceregard.
Il jeta legant sur le côté et s’allongeaenm’attirant contre lui. Jen’étaispasencoreenétatdeparler.Jeparvenaisàpeineàgérerl’émotionquisecouaitmapoitrine.C’estbienpourcelaquejelesavaiscapabledemedétruire.C’estpourcetteraisonquej’érigeaisdesmurs.Parcequel’amourdeTrippchangeaittout.Cegenrededévotionétaitrare.Jelesavaismaintenant.Àl’époque,jenem’enrendaispascompteetjen’avaispassaisiàquelpointsaperteseraitinsoutenable.
—Jenepeuxpastepartager,murmura-t-ilenappuyantseslèvrescontrematempe.Jesaisquetuveuxprendreletemps,quetuaspeur.Jecomprends.Maisjenepeuxpas…c’estàmoi.Çaatoujoursétéàmoi.Tuétaisàmoiilyahuitans,tul’esencoremaintenant.
L’idée d’être avec quelqu’un d’autre après ce que je venais de vivreme semblait impensable.J’avais connudes relations sexuelles superficielles, sans lendemain. Je préférais ne plus jamais enavoirsilavien’avaitriend’autreàm’offrir.
— J’avais oublié, ou peut-être que je ne m’autorisais pas à m’en souvenir, affirmai-je enm’appuyantsurmapoitrine.
—Quoidonc?demanda-t-ileneffleurantmonbrasduboutdesdoigts.—Toi.Commentc’estavectoi.Jenepourraipaspasseràautrechose.Tum’asanéantie.Jene
seraiplusjamaiscapabled’oublier.Ilmetiraparlebraspourscrutermonvisage.—Qu’est-cequeçaveutdire?Jeluiavaisfaitpeur,jelevoyaisbien:ilnecomprenaitpasoùjevoulaisenvenir.—Te sentir enmoi est une sensation incomparable.Quand tume traites commeun trésorqui
n’appartientqu’à toietque tume jettesce regardpossessif, je suisanéantie.Commentveux-tuquej’aillevoirailleurs?Jenepourraiplusjamaisoublier.
Ilsaisitmonvisagedanssamainpuissanteetcaressameslèvresdesonpouce.—Es-tuentraindemedirequetunelaisseraspersonned’autretouchertoncorps?—Oui.Ilserralespaupièresfortetinspiraprofondémentavantderouvrirlesyeux.Levertdesoniris
s’étaitassombri.—Tantmieux,machérie.Çaveutdirequejeneseraipasobligéd’allerenprisonparcequej’ai
démoliungarsquiavaittouchéàcequim’appartient.Je laissai fuserun rire et ilme sourit, puis inclina la têtepourm’embrasser.Cen’était pasun
baiseravide,maisunbaiserdélicat,délicieux,profond.Jemelaissaiallerdanssesbrasendécidantdemepréoccuperplustarddecequ’iladviendraitdemapersonnes’ilmequittaitdenouveau.
Lorsquejerouvrislesyeux,lesoleilbrillaithautdanslecieletj’étaisseuledanslelit.J’auraispréférémeréveillerdanssesbrassurlecanapé.Jem’étirai,meretournaietjetaiunœilàsachambre,quin’avaitpasbeaucoupchangédepuismadernièrevisite.Elleavait surtout lemérited’avoir sonodeur.J’étaistentéedemepelotonnerdanslesdrapsimprégnésdesonparfum,maissaprésencememanquait.
Jemerassis,basculaimesjambespar-dessusl’immenselitetattrapaiunT-shirtqu’ilavaitlaissétraînersurunechaise.Jel’enfilai,passaiunemaindansmescheveuxetsortispourretrouverTripp.
J’aperçussondosenpremier.Mêmequandilselivraitàungesteaussisimplequedeservirducafé,lesmusclesdesondossemettaientenmouvement.Ilportaitsonsurvêtementsuffisammentbaspourlaisserentrevoirlecreuxdesesreinsetlacourbedeseshanches.J’avaisenviedelecaresserpartout.Etdevoirsesfessesnues.
—Si tucontinuesàreluquermonculcommeça, tuserasprivéedecafé.Parcequeavant toutechosejet’allongeraisurlebarpourtefairejouir.
Ettoujourscesmotssalaces.—Tuparlesd’unemenace,ripostai-jeenluiprenantdesmainslatassedecaféenquestion.Ilenroulasonautremainautourdematailleetempoignamesfesses.—Raviquetuleprennesaussibien.Jenesuispassûrquetusortesdecetappartementd’aussitôt.Malgré laperspectivemerveilleusedem’envoyeren l’air toute la journéeavecTripp, il fallait
que je sois au terrain de golf à 15 heures. J’avais pris le dernier quart de la journée après avoirterminéàpasd’heurelaveille.
—Ilfautquej’aillebosser,luirappelai-je.Etarrêtedemetripoterquandj’aiunetassedecafébrûlantentrelesmains.Jen’aipasenviedet’ébouillanter.
Ilretirasamainenpoussantunsoupir.—Tuterminesàquelleheure?—Vers19heures,répondis-jeenavalantunegorgéedesondivinbreuvage.Il passa une main dans ses cheveux et fixa un instant le mur derrière moi. Je savais ce qu’il
pensait,cequimerendaitnerveuse,maisj’attendispatiemmentensirotantmoncafé.Nousn’avionspasmisdemotssurcequenousétionsentraindevivre.J’avaismespropresangoisses,toutcommeilavaitlessiennes.
Si je ne lui avais pas sauté dessus cematin après avoir senti son sexe dur appuyer entremesjambes,leschosesneseseraientpasprécipitées.Ilnousfallaitdésormaisréévaluerl’étatdeschoses.Il n’était plus question de se voir à l’occasion pour s’envoyer en l’air.Nous avions un passé, dessentimentsetdesémotionsprofondémentancrés.Etpuisilavaitcettemanièredemedévisageraprèsavoirfaitl’amour.Toutceladonnaitunetoutautredimensionàlasituation.
—Aprèscequis’estpassécematin,jenepensepaspouvoircontinuersanstoi.Jeteveuxavecmoi.Jen’aipasenvied’espace.Jeteveuxtoiici.Avecmoi.Toutletemps.J’aienviedepouvoirteserrercontremoiquandjeveuxetoùjeveux.Jeveuxm’endormiretmeréveillerdanstesbras.Pourfairecourt,j’aibesoindesavoirsurquelpieddanser.Tuenesoùdanstatête?
Dansmatête,j’enétaisencoreàmerepasserenbouclelaséancedejambesenl’airdecematin.Jen’étaispasprêteàpenseràautrechose.
— Il faut que jeme prépare pour aller bosser. Et tu as raison, il faut qu’on parle.Mais pourl’instant,onpeutjustesecontenterd’êtretelsqu’onest,sansétiquette,justenous?
Ilfronçalessourcils.—Est-ceque ce«nous»veut direque si j’ai enviede t’embrasser dansun lieupublicoude
t’appelerpourentendretavoix,j’ailedroit?Etquetuviendrasdormiricitouteslesnuits?Jen’étaisvraimentpassûredecedernierpoint.Jen’étaispasprêteàdépendredelui.Jen’avais
toujourspaseularéponseàmesquestionsconcernantsesperspectivesd’aveniretsarelationavecsesparents.Jen’étaispassûrequ’ilpuisseyrépondrepourlemoment.
—Ouiàtout,saufresterdormir.Pourl’instant,jepensequ’ilfautposerquelqueslimitesànepasfranchir.Pourêtresûrd’avancersansfaireerreur.
Etsanschangerd’avis.Iladoraitvivresurlarouteetnaviguerd’unlieuàunautre.Combiendetempsluifaudrait-ilpours’ensouveniretm’envouloirdelereteniràRosemary?
Ilrejetalatêteenarrièreenmaugréantunjuron.Maréponseneluiavaitpasplu.Jeposaimatassesurlebaretenroulaiunbrasautourdesataille.—Cen’estpassigrave.Ilfaut…tudoisêtresûrquec’estlaviequetuveux.—Madouce,toidansmonlittouslessoirs,c’estexactementlaviequejeveux.Depuisquej’ai
dix-huitans.Jen’aipasbesoindem’assurerdequoiquecesoit.Jevoulaislecroire.—Voilàoùonenest,Tripp.Tun’espasalléàl’universitéettuastravailléuniquementcomme
barman.Jenesaispastropcommenttutedébrouillespourvivresansboulot,àmoinsquetonposteauconseilducountryclubnepaievraimentbien.Moi,jen’aijamaismislespiedsàl’universitéetjem’occupedelavoituretteàboissonsduterraindegolf.Nousn’avonspaslemoindreprojetd’avenir.J’ai grandi dans un mobile home en vivant toute ma vie au jour le jour. Toi, tu étais censé êtrel’héritier des Newark, mais tu as fui cette existence que tu rejetais. Voilà où on en est. Tu veuxvraiment prendre un boulot comme barman à Rosemary Beach quand tu auras épuisé toutes teséconomies?J’endoutefort.Etcetappartementn’estpasassezgrandpourunefamille,doncquandtutemarieras, il faudra que tu achètes unemaison.Nous savons tous les deux que tu ne peux pas tepayerunemaisonici,doncilfaudraitquetudéménages.
Jem’arrêtai.Unventdepaniqueenflaitdansmapoitrine.Voilàexactementceàquoijenevoulaispaspenser.
—C’estpourtoutescesraisonsquej’aibesoindeposerdeslimites.J’aibesoindefaireattentionàmon cœur. Parce que quand tu partiras d’ici – et tu le feras, tu es destiné à bien plus qu’à êtrebarman–,jevaismeretrouvertouteseuleàrecollerlesmorceaux.
Jem’écartaidelui.Ilnemeretintpas.J’avaispeurdeleregarderdanslesyeuxaprèscequejevenaisdedire.Iln’avaitréfléchiàriendetoutça.Ilavaitvécudansl’instant.Jevenaisdeluidonnerunaperçudel’avenir.
Je nepouvais pas confiermon cœur àTripp.Pour lui, c’était pour toujours et à jamais. Je nepensaispasàtoutçaavecJace.Ilcroyaitquejevoulaisl’épouserparcequej’enavaisparléunjouralorsquej’étaisivre.Envérité,jenepensaispasàl’aveniravecJace.Aufonddemoi,jem’attendaisàcequ’ilmequitte,luiaussi.
LavoixdeTripprompitlesilence:—Tuferaismieuxdetepréparer,tuvasêtreenretard.Moncœurseserraetleslarmesmevinrentauxyeux.Iln’avaitaucuneparolerassurante,aucune
émotionàpartager. Iln’essayaitmêmepasdemeconvaincrequenousavionsunechance. Il savaitquej’avaisraison.
Jereculaiethochailatêtesansleregarder.Puisjemeprécipitaidanssachambrepourrécupérermes vêtements. Jeme changeai hâtivement en retenantmes larmes. Je refusais que la douleurmebrise.J’allaism’ensortir.J’allaism’ensortir.J’allaism’ensortir.
Ilnefitaucungestepourmeserrerdanssesbrasoumedireaurevoir.Jeregagnailaportesansdemander mon reste. Si mes paroles l’avaient repoussé, j’étais contente de m’en rendre comptemaintenant.Jen’avaisfaitquedresserunelistedescénariospotentiels.Quesepasserait-il lorsqu’ilfaudraitlesaffronterdanslaréalité?
—Pourquoimoi,Bethy?Jemeretournai.Deboutdanslecouloir,ilmeregardaitpartir.—Qu’est-cequetuveuxdire?—Tunet’espasposétoutescesquestionsavecJace.Tuvivaisdansleprésent.Ilnesavaitpasce
qu’ilallaitfairedesavie.Ilvivaitgrâceaufondsfiduciairedesesparents,ilprofitaitdesavie,sansmettreàprofitsondiplôme.Etpourtantturestaisaveclui.Tuétaisheureuseettupartaisduprincipequetoutallaitbiensepasser.Alorspourquoimoi?Pourquoituasbesoindesavoirtoutçaavecmoi?
Je ne voulais pasm’entendre le dire à voix haute. Ça donnait l’impression que je n’avais pasassezaiméJace,alorsquec’étaitfaux.Jel’avaisaimé.Maisçan’avaitjamaisétémongrandamour,quej’avaiseu,etperdu.Aprèsça,onpeutsurvivreàtout.
—AvecJace,jenemepréoccupaispasdesavoircommentj’allaisfairepourresterenvies’ilmequittait.Avectoijeveuxtout.Sij’aiunsimpleavant-goûtdecequeçapeutdonner,jenepourraiplusjamaism’en détacher. Je suis tombée amoureuse de toi lorsque j’avais seize ans et ça n’a jamaischangé.Maisjenepeuxpasteredonnermoncœurcommeça.Avectoi,j’aibesoindesavoirquec’estpourtoujours.
Jen’attendispassaréponseetilnetentapasdemeretenirtandisquejefranchissaislaportedesonappartement.
Tripp
Woodss’adossaàsachaisedebureauetsouritensecaressantlementon.—Jetedemanderaisbienpourquoi,maisjeconnaisdéjàlaréponse.Tuveuxposertesbagages.—Lemomentestvenu.J’aivingt-sixans,répliquai-je.—EtpuisilyaBethy,renchéritGrantd’untonamusé.Oui.IlyavaitBethy.Elleétaitlemoteurdetoutesmesdécisions.—Jesaisquej’aiétépréoccupéaucoursdesdix-huitderniersmois,maiscommentsefait-ilque
jen’aiepasapprisledécèsdetongrand-père?Jemesensvraimentcon,ajoutaGrant.Le père demamère, KingMontgomery, était un globe-trotter. Il mettait rarement les pieds à
RosemaryBeach.Ilrefusaitderesterassisàunbureautoutelajournée.Iladoraitparcourirlemonde.Il avait succombé à un arrêt cardiaque lors d’un safari en Afrique. Je ne pouvais pas l’imaginersouffrir demaladie, grabataire. Savoir qu’il était mort d’un coup en s’adonnant à ce qu’il aimaitm’avaitaidéàacceptersadisparition.
Monpèreet luines’étaient jamaisentendus.C’estunedesraisonspourlesquelles j’aimais tantmongrand-père.Ilétaitconvaincuquejedevaischoisirmapropredestinée.Ilm’avaitdoncoffertunappartementlorsquej’avaiseumonbac.C’étaitsamanièreàluidemedonnerunpointdechutesijechoisissaiseffectivementdeprendrelatangente.
—Jen’étaispasencorerentréàRosemaryàcemoment-là.Personneneleconnaissaittrèsbienici,medéfendis-je.
—Ehbienjepensequec’estuneexcellenteidée.J’aimoi-mêmeréfléchitrèssouventàceprojet,maisjen’aijamaisrienfait.Lecountryclubmedonnedéjàbeaucoupdetravail.Maisjetesoutiens.Techniquement,lapropriétén’estpasàvendre,maispourtoietpourça,ellelesera,affirmaWoods.
JejetaiunœilàGrant.J’avaisbesoind’entendresaréponse.—Maiscarrément!C’estmonboulot,enplus.Envoie.J’adorel’idée,s’enthousiasma-t-il.Jemelevai,unlargesourireauxlèvres.—Jeveuxqueçaaillevite.J’aiquelquesbroutillesàrégler.Jepaierailesfraissupplémentaires
pourfaireaccélérerlesformalités.—Ceneserapasnécessaire.Jem’enoccupeimmédiatement.
Bethy
Jeme tenais dans l’encadrement de la portemenant à la salle àmanger. Tripp était attablé encompagnied’unefemmequejeneconnaissaispas.Cinqjourss’étaientécoulésdepuisnotredernièreconversationchezlui.Ilnem’avaitdonnéaucunsignedevieet,jusqu’àaujourd’hui,jenel’avaispascroiséaucountryclub.
Pendant ces cinq jours, j’avais fait les choses mécaniquement, le cœur n’y était pas. La nuitdernière,j’avaissanglotéjusqu’àm’endormir.Jen’avaiseuaucunmalàlerepousser.Aprèstout,nem’avait-ilpasdéjàquittéesansseretourner?Quandallais-jeenfinarrêterdecroireenlui?Combiendefoisfallait-ilqu’ilmebrise,encoreetencore,avantquejecomprenne?
Jimmyarrivaitversmoi.Jel’attendisdansunrecoinàl’abridesregards.—Lananaestvieille.Elleapprochecarrémentlacinquantaine.Paspossiblequ’ilcoucheavec.Il
sepasseuntruc,maiscen’estpascequetucrois.Arrêtedefairecettetêtepitoyableetsecoue-toi,mafille. Entre sur la piste, fais ton numéro, et colle-lui sous le nez ce qu’il est en train de rater. Nemontrepasqu’ilt’ablesséeouqu’iltemanque.Etarrêtedepenserqu’ilestaveccettemeuf.LejolipetitculdeTrippnetraînepasaveccettefemme.Sansrire,elleal’âged’êtresamère,affirma-t-il,sérieuxcommeunpape.
Je nem’étais pas suffisamment approchée de la femme-mystère pour l’apercevoir. De dos, jevoyaissesbeauxcheveuxetunejoliepairedejambes,riend’autre.
—Tuessûrqu’elleestplusâgée?Jepriaispourqu’ilaitvujuste.Siarrivéeàleurtablejemerendaiscomptequ’ilflirtaitavecelle,
j’allaisexploserenmillemorceauxdevanttoutlemonde.Moncœurétaitauboutdurouleau.—Fais-moiconfiance,Bethy,cen’estpascequetucrois.Jetelejure,mabelle.Vaprendreleur
commande.Etenrevenant,remue-moicepopotin.Ilvamater.Donnetout.Fonce,ordonnaJimmyenmegratifiantd’unclind’œil.
Jeprisuneprofondeinspirationenpriantpournepasperdre lespédaleset faireuneconnerie,commepleurer.J’allaism’ensortir.Jimmymecertifiaitqu’elleétaitplusâgée.C’étaitpeut-êtreuneparente.Etilavaitraison:j’avaisenviedelevoirparcequ’ilmemanquait.
Jem’activai avant deme remettre dans tousmes états. Tripp, lamine sérieuse, était en pleineconversation.Commes’ilparlaitaffaires.Cequin’avaitaucunsenspuisqu’iln’avaitpasdetravail.
Illevalatêteetsetutenrivantlesyeuxsurmoi.Ilavaitl’airsurprisdemevoirensallepourledéjeuner.Cen’étaitpasmonhorairehabitueletillesavait.Maissouslasurprise,jedécelaiaussidudésir.Commes’ilavaittoutautantenviedemevoir.Cequin’étaitpaslecas,puisqu’ilnem’avaitpas
appelée.—Vousdésirezboirequelquechose?J’étaiscenséecommencerparprésenterleplatdujour,maismalangueétaitparalysée.Jedévisageailafemme.Ellejetaunœilaumenupuismeregarda:—Del’eaupétillantepourmoi.Jimmyavaitvujuste:elleétaitbeaucouptropâgéepourTripp.Jetournaimonattentionverslui.Ilmedévoraittoujoursdesyeuxaveclamêmeintensité.—Salut,fit-ilsimplement.J’étais censée faire quoi ? Ilm’ignorait depuis une semaine. Je lui avaismis la pression pour
qu’ilrépondeàmesinterrogationssurl’avenir,etils’étaitrenfermécommeunehuître.Etmaintenantça?
—Bonjour,Tripp,articulai-jeavecdifficulté.—Et,euh,jevaisprendreunCoca,lança-t-il.(Jehochailatêteettournailestalons.Samainse
refermasurmonbras.)Attends.Jenepouvaispasfaireunscandale,maisj’avaisuneenviedévorantederepoussersamain.Au
lieudequoijemeretournai.Lafemmenousobservaitavecintérêt.—Bethy,jeveuxteprésenterquelqu’un.Quoi?Ilallaitmeprésenteràcetteinconnue.Pourquoi?Nesachanttropquoirépondre,jerestai
silencieuse.Trippposalesyeuxsursoninvitée.—Quinn, je vous présente Bethy. Je vous ai parlé d’elle un peu plus tôt. Bethy, voici Quinn.
Architected’intérieur,elles’occupedetouteladécorationducountryclub.O.K.Bizarre. Je hochai la tête et lui souris. Je n’étais pas vraiment sûre et certaine qu’elle ait
enviederencontrerlepersonnel.Pourtantsonsouriresemblaittrèssincère.Ellemetenditlamain.—Jesuisraviedevousrencontrer,Bethy.Trippm’atantparlédevous.J’eusdumalàcachermasurprise.J’étaisàvifetmesémotionsselisaientsurmonvisagecomme
dans un livre ouvert.La situation était parfaitement insensée.On aurait dit que je venais de quitterTripp ce matin même après m’être réveillée dans ses bras. Pas qu’il m’avait totalement zappéependantcinqjours.
Jeluiserrailamainavantdemarmonneruneréponseetdem’enallerprécipitamment.Jimmym’attendaitlesmainssurleshanchesetmesautadessusdèsquej’euspassél’angle:—Alorsc’estqui?—Ladécoratriced’intérieurquibossepourWoods,apparemment.Jenecomprendsriendutout.
Elle avait l’air de savoir qui j’étais et ellem’a serré lamain.Ma parole, Jimmy, je vais finir parprendredesmédocs.Trippmerendchèvre,j’enpeuxplus.
Jimmym’attiracontreluienmedonnantunetapedansledos.—Allons,allons,Bethy.Jesaisdequoi jeparle.Toutvabiensepasser.J’aivuBlaireetDella
traverserexactementlamêmechose.Accroche-toi.—BlaireetDellaavaientdesamoureuxquilesvénéraient.Cen’estpaslamêmechose.Jimmyarquaunsourcil.—Bethy,monchou,ilfautquetutereprennes.Ouvrelesyeux,mafille.Cegarçonesttellement
obsédépartoiqu’ilnesaitpluscequ’ilfait.Siseulementc’étaitvrai.JechoisisdenepascontredireJimmy.Ilfallaitquejeretourneencuisinepréparerlesboissons.
Trippnemequittapasuninstantdesyeux.Lorsquej’étaisensalle,ilépiaittousmesmouvements.Un vrai miracle que je n’aie pas renversé d’assiette sur un client. J’avais réussi à prendre leurcommandeàtouslesdeuxsanslesregarderetàremplirleurverreaveclesourire.Àlafindeleur
repas,matêtemenaçaitd’exploser.Jemassaimestempes,latêteappuyéecontrelemur.Jen’allaispastermineravant18heuresetla
migrainen’étaitpasuneoption.Quandellesmetombaientdessus, j’étaismalade.Jenepouvaispasmelepermettreaujourd’hui.
—DonJuanarégléett’alaisséunbonpourboire.Jetel’aiprispourqu’ilspuissentnettoyerlatable.
Jimmy agita les trois billets de cent dollars.C’était ridicule. Je ne pouvais pas accepter un telmontant.Leurrepasavaitcoûtéàpeineletiers.J’empochail’argentengrommelant.Jem’occuperaisdeTrippplustard.
Tripp
Ellem’envoulait.Jem’yattendais,maislevoirdemespropresyeuxn’étaitpassimple.J’avaisenviedelasouleverdansmesbrasetdel’emporterdehorspourtoutluiavouer.Maisj’avaisbravésonabsencependantcinqlonguesjournéespourn’avoirplusjamaisàmeréveillersanselle.
Ellevoulaitêtrerassurée.Ellevoulaitlacertitudequemoiaussic’étaitpourtoujours.J’allaisluienfournirlapreuve.
J’avais commencé à faire des projets pour notre avenir avant même qu’elle exige de lesconnaître.Maisluiexposermesidéesetluidémontreràquelpointj’étaissérieuxnerevenaientpasexactementàlamêmechose.
Cematin-là,jel’avaislaisséefranchirlaportedechezmoiuniquementparcequ’ellem’avaitdit:«Avec Jace, je nemepréoccupais pas de savoir comment j’allais faire pour rester envie s’ilmequittait.Avectoijeveuxtout.»
C’estàcemoment-làquej’avaiscomprisquejen’étaispasdutoutsondeuxièmechoix.Quecequenousavionsdépassait toutcequ’elleavait jamaisconnu.Mêmeavec Jace.Savoir l’importanceque j’avais changeait la donne. Je déplacerais des montagnes pour lui donner ce dont elle avaitbesoin.
C’estd’ailleursexactementcequejem’étaisappliquéàfairecescinqderniersjours.Etavoirdesamishautplacéss’étaitavérébienpratique.
Bethy sortit par laportede serviceducountry club. Jeme redressai contremamoto.Cen’estqu’arrivéeàmahauteurqu’ellemeremarqua.Sasurprisesemuarapidementencolère.Jeréprimaiunsourire.Elleétaitfurax.J’allaisbientôtyremédier.Elleavaitposésesexigences.Jem’apprêtaisàyrépondre.
—Qu’est-cequetufabriques?melâcha-t-elleenmefusillantduregard.—Jesaisquetuesrognecontremoi,maisilfautquejetemontrequelquechose.(Jeluitendisla
main.)Deuxchoses,àvraidire.Ellefronçalessourcilsenrepliantlesbrassursapoitrine.—Tumefaistournerenbourriqueetjeneveuxpasjoueràça,affirma-t-elled’untonfatigué.D’ungestejerepoussailamèchedecheveuxquiétaittombéesursonvisage.Çamedonnaitun
prétextepourlatoucher.—Jesuisdésolé.Maisjetejurequec’estfini.Basta.Suis-moi,s’ilteplaît.Elleavaitl’airsurlepointdecéder.J’insistaiunedernièrefois.—C’estjusteàcôté.Donne-moidixminutes.Maparole.Jevaistoutt’expliquer.
Ellelevalesyeuxsurmoietjesusquej’avaisobtenugaindecause.—O.K.Jesaisissamainetnouaimesdoigtsauxsiens.—Prenonslamoto.J’attachailecasquesoussonmenton,mêmesiellesavaittrèsbiens’enchargertouteseule.Puis
elleappuyalesmainssurmesépaulesetgrimpaderrièremoi.Elleenroulalesbrasautourdemoietjefermailesyeuxenmedélectantdelasensation.
Enquelquesminutes,nousavionsrejointlesabordsdelapropriétéducountryclub.J’empruntaiunpetitcheminengravierautraversdesdunesetm’arrêtaiàl’aplombd’unecollinequisurplombaitlegolfe.Jecoupailemoteur,descendisetl’aidaiàretirersoncasque.
Ellejetaunœilalentourpuismedévisageaavecunfroncementdesourcils.—Qu’est-cequ’onfaitici?—CettepropriétéappartenaitauKerringtonCountryClub.Après ledécèsdesonpère,Woods
étaitcenséconstruireicipourétendreledomaine,maisilnel’ajamaisfait.Alorsj’airacheté.Tout.J’aiembauchéGrantcommemaîtred’œuvre.Jevaisfaireconstruireunhôteldeluxepourproposeruneautreoptionàceuxquineveulentpasacheteroulouerunemaisonpendant lesmoisd’été.Lesclientsdel’hôtelaurontaccèsauKerringtonClubpendantladuréedeleurséjour.(Jeménageaiunepause.Bethyouvritlabouche,maisaucunsonn’ensortit.Jepoursuivis:)J’aiprisrendez-vousavecQuinnaujourd’huipourqu’elleaituneidéedecequejevoulaisafindemefairedespropositions.Àpartirdemaintenant,c’est toiquiassureras la liaisonavecelle.Elle saitque lesprisesdedécisionfinalestereviennent.
Bethylevalamainpourm’interrompre.—Attends, quoi ? Comment as-tu pu payer ça ? Un hôtel, c’est… considérable, Tripp. C’est
énorme.J’avaisoubliéqu’ellen’était pas aucourantde tout.Nousn’avions jamais abordéma situation
financière.Jem’enétaisrenducomptelorsqu’elleavaitévoquémontravaildebarmanetl’éventualitéquemeséconomiestouchentàleurfin.
—Lepèredemamèreestmortilyadeuxans.Ilm’atoutlégué.Lerestedelafamilleétaitoutré,maisletestamentétaitenbéton,faisantdemoisonseulhéritier.LorsquejesuisrentréàRosemaryBeach,l’idéeacommencéàgermerlentementdansmatête.
—Donc tu as acheté ce terrainpour construireunhôtel ? Ici ?Tuvas le faire sortirde terre,commeça?
Ellemefixaitd’unairsidéré.—Tuesici,Bethy,répliquai-je.(Jeluiprislamainetlaramenaiàlamoto.)Jeveuxquetuvoies
autrechose.Ellerestasilencieuse,melaissaluiremettresoncasqueetlaconduireunpeuplusloinlelongdu
rivage.Nous atteignîmes l’endroit qui surplombait une longue bande de plage et la couverture que
j’avais installée plus tôt, retenue aux quatre coins par des lanternes. Le soleil finissait sa course àl’horizon.Ellemesuivitensilence.
—J’aiégalementachetécettepropriété.Lavueestmagnifiqueet l’endroitsuffisammentgrandpour construire une maison de la taille que tu voudras. Ce que tu veux. Nous la construironsensemble.
—Tuveuxconstruireunemaison?murmura-t-elleenjetantunœiltoutautourd’elleavantdesetournerversmoi.
—Oui.Avectoi.Lamaisondetesrêves.Toutcequetuvoudras.Tantquetuesavecmoi,jemefichedureste.
Ellecontinuaitdemeregarderfixementcommesij’avaisperdularaison.Jeplongeailamaindansmapocheetenressortisunepetiteboîteenvelours.Jememis à genoux. Bethy resta bouche bée.On arrivait aumoment quime foutait une peur
bleue.C’estcequejevoulais.Plusquetoutaumonde.MaisBethy?Lesmotsqu’elleavaitprononcésl’autrematinmelaissaientcroirequ’elledésiraitlamêmechose.Fairesavieavecmoi.J’espéraisquemesactesluiprouvaientàquelpointj’étaissérieux.Finidesetournerautourànepassavoircequel’avenirnousréservait.
—Ilfautquetulesaches,Bethy.Cequ’onavait,c’étaitpourlavie.C’étaitdéjàlecaspourmoiquandj’avaisdix-huitans.Jen’avaisd’yeuxquepourtoi,exactementcommeaujourd’hui.Machérie,toutescesannéesj’aiattenduquetuguérissesetquetumereviennes.Toutcequetuavaisàmedire,c’étaitqueturessentaislamêmechose.Jedéplaceraiscieletterrepourqueçafonctionneentrenous.(J’ouvrislaboîteetscrutaisaréaction.)BethyLowry,veux-tum’épouser?
Silence.Elleregardafixementlabaguedansmamainavantderiverlesyeuxsurmoi.—Tuasfaittoutçaàcausedecequej’aidit?Elleallaitmetuer.Jerisquaiunhochementdetête.—Oui.Jecroisque tune te rendspascompte :si tumedemandaisde tedécrocher la lune, je
trouveraisunmoyen.Elleémitunpetitrirequisetransformaensanglot.Monestomacsenoua.Ellen’étaitpascensée
pleurer.C’est ce qu’elle voulait. Soudain elle hocha la tête de haut en bas en laissant échapper unnouveausanglot.
—Oui.Aucunmotnem’avaitjamaiscombléàcepoint.Enunclind’œiljemerelevaietl’attiraicontre
moi.Sesbrass’enroulèrentautourdemanuquetandisquejelasoulevaidusol.—Monamour,jet’aimetellement.Maparole,j’aicruquetuallaisdirenon,soufflai-jecontre
soncoutandisquejefermaislesyeuxpourreprendremonsouffle.—Jenesaispascommentonpourraitrefuserunedemandeenmariagepareille,répliqua-t-elle
enreniflant.—J’aiperduhuitannéessanstoi.Jeneveuxpasperdreunjourdeplus.Elle déposa un baiser dans mon cou. Je la reposai lentement par terre. J’avais de grandes
ambitionspourcettecouverture.—Jepeuxavoirlabague?s’enquit-elled’unevoixdouce.Jelatenaisencoreserréeentremesmains.J’éclataiderireetsortislebijoudesonécrin.Bethy
tenditlamainetjeluiglissailabagueaudoigt,quejecontemplaid’unairémerveillé.—Ehbien,moiquicroyaisquece regardpossessifnepouvaitpasêtrepire,observa-t-elleen
souriant.Jem’arrachaiàmacontemplationpourlaregarder.MaBethy.—Quecesoitclair.Soittuemménageschezmoidemainsoitjefouslefeuàtonimmeuble.Àtoi
devoir,annonçai-jeavantdel’attirersurlacouvertureetdelacalersurmesgenoux.Ellepartitd’unéclatderire,latêterenverséeenarrière.Jamaisjenemelasseraisdecettemélodie.Elleposadenouveausesyeuxpétillantssurmoi.—Onferal’amourtouslesmatins?—Ettouslesaprès-midi,ettouslessoirs,etdansladouche,etsurlebalconsituveux!Elleposalatêtecontremapoitrine.—Jet’aime.
Bethy
LeslèvresdeTrippeffleurèrentmonoreille.—J’aienvied’êtreentoi.Çafaitcinqjoursquejepenseauxdélicesdetachatte.J’aimeraiste
prendre,là,danslenoir.Il avait glissé les mains dans mon short. Nous étions suffisamment éloignés des autres
habitations, mais il n’était pas exclu que quelqu’un se promène sur la plage. Lorsque Tripp mepénétrad’undoigt,plusrienn’eutd’importance.
Jemedégageaipour retirermon short etmaculotte.Sesyeuxbrillèrent, et il déboutonna sonjean.
—Jetejure,unefoisàlamaison,jebaiseraichaquemillimètredetapeauenprenanttoutmontemps.
Jelechevauchaiavantdemelaisserglissersursonsexegonfléqu’iltenaittenduversmoi.—Putain,c’estsexy,souffla-t-il.Sijen’avaispaseuautantenviedelesentirenmoi,j’auraisprisletempsdel’exciter.—Viens…ouais…descends…ohputain!gronda-t-iltandisquejelehappaienmoi.Jebasculai la têteenarrièreenpoussantuncri. Je savaisque j’étaisprête,mais jen’avaispas
réaliséàquelpointj’étaistrempéejusqu’àcequ’ilmepénètre.Sesmainsagrippèrentmoncultandisquej’ondulaissurlui.— Je vaism’allonger sur le dos et te laissermener la danse, souffla-t-il avant de prendrema
bouche.Jepoussaiungémissementendévorantseslèvres.Ilfinitparreculer.Jerepoussaisapoitrineetil
éclataderireavantdes’allonger.Jeposai lesdeuxmainsàplatsursontorse,relevaimeshanchespuislesrabaissaidenouveaudansunmouvementdeplusenplusrapide,sentantl’orgasmemonterenmoi.
—Sorstapoitrine,bébé,jeveuxlavoir,ordonnaTrippdecettevoixrauquequimerendaitfolle.Jeretiraimonhautetmonsoutien-gorgepourlibérermesseins.—Bonsang,oui,susurra-t-ilenlesprenantàpleinesmains.Ilfitroulermestétonsentresesdoigts,lesyeuxrivéssurmontorse,pendantquesesmotsdoux
meportaientauxnues.—Magnifiques,nomdeDieu,commenta-t-ilenagrippantmeshanchespoursecambrerenmoi.—Jevaisjouir,clamai-jedansungémissement.Plusfort,Tripp,j’ysuispresque,suppliai-je.Trippmeretournasurledos.
—Écarteengrand,madouce,quejeplongedanstabellechatte.Jeveuxtesentir jouirsurmabite,souffla-t-ild’unevoixbrutededésir.
Ilnem’enfallaitpasplus.LesmotssalacesdeTrippmefirentpartirenflèche,jem’agrippaiàluienscandantsonnomtandisqu’ilmeglissaitàl’oreillequemonsexetrempésentaitdivinementbon.Lorsque la vaguedudeuxièmeorgasmeme submergea, je suis à peuprès sûre d’avoir poussé unvéritablecri.
Trippsoufflamonnomtandisquesoncorpstressautaitau-dessusdumien.Leregardvoiléparlapuissance de mon propre orgasme, je contemplai mon merveilleux amoureux m’emplir de sasemence,leslèvresentrouvertes.
Savaguedeplaisirpassée,ilmeserradanssesbrasetroulasurledos,sonsexeenfouienmoi.—Jecroisquejevaisrestercommeçatoutletemps,murmura-t-il.Àcetinstant,cen’estpasmoiquiallaislecontredire.
Tripp
Jem’adossaiàl’encadrementdelaportedenotrechambrepourregarderBethydormir.Elleétaitépuisée. Il faut dire qu’elle avait eu six orgasmes avant que je ne la laisse tranquille. Je souris enavalantunegorgéeduverred’eauquej’étaisalléchercher.Elleétaitdansmonlit.Labagueaudoigt.Huitansquejerêvaisdecetinstant.
Elleétaittoutpourmoi.Irrésistiblementattiréeparsaprésence,jem’approchaid’elleetposaileverresurlatabledenuit.
Elleseretournaenbattantdespaupièresetpoussaunbâillementavantdemeregarder.—J’aifroid,murmura-t-elled’unevoixengourdie.Viensmetenirchaud.Jemeglissaisouslescouvertures,lesourireauxlèvres.—J’arrive,bébé.Jesuislà.Pourtoujours.