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I
Financement des PME au Burkina Faso : une analyse comparative des banques
classiques, des systèmes financiers décentralisés (SFD) classiques et des établissements
financiers islamiques (EFI) en termes de coût des produits.
Présenté par :
Han-Madou ILBOUDO
Enseignant-chercheur en sciences de gestion à l’Université Ouaga I Pr. Joseph KI-ZERBO
Décembre 2016
I
Contenu Introduction ............................................................................................................................................. 1
1. Cadre conceptuel et champ de l’étude ............................................................................................. 2
2. Approche méthodologique ............................................................................................................ 11
3. Résultats de l’étude ....................................................................................................................... 12
3.1 Coût de financement des PME par les banques classiques ......................................................... 12
3.2 Coût de financement des PME par les SFD classiques ............................................................... 13
3.3 Coût de financement des PME par les EFI .................................................................................. 14
3.3.1 Au niveau de la caisse BAITOULMAAL ..................................................................... 14
3.3.2 Au niveau de la caisse LIGDI BAORE ......................................................................... 16
3.3.3 Au niveau de Coris Bank BARAKA ............................................................................. 17
3.4 Analyse comparative et recommandations ................................................................................ 18
Conclusion ............................................................................................................................................. 21
Bibliographie.......................................................................................................................................... 22
1
Introduction
Les responsables politiques du monde entier manifestent un vif intérêt pour la question du
financement des PME. Selon Peria (2009), cette situation s’explique par la contribution de
ces entreprises au secteur privé et par le sentiment largement répandu qu’elles souffrent d’un
accès difficile au crédit surtout en Afrique sub-saharienne. En effet les PME en Afrique
représentent 50% des emplois1, de même que 40% des petites et 30% des moyennes
entreprises considèrent l’accès au financement comme un frein majeur au développement de
leurs activités2. Une enquête auprès des entrepreneurs du secteur artisanal au Burkina Faso en
1999 montre que la majorité présente l’absence de crédit comme un des obstacles de la
croissance de leurs entreprises qui sont des micro-entreprises et des PME (Murengezi, 2008).
Plusieurs études dont celle de la banque mondiale en 2006, placent les difficultés d’accès au
financement comme premier obstacle au développement des PME en Afrique Sub-saharienne.
80 à 90% des PME connaissent des contraintes de financement en Afrique Sub-saharienne
(Lefilleur, 2009). Le besoins de financement pour les équipements, le fond de roulement ou la
trésorerie ne sont pas spécifiques à la PME, la spécificité se trouve plutôt dans les difficultés
pour les responsables des PME à accéder aux financements surtout pour le moyen et le long
terme (Soulama, 2010). Les responsables de cette catégorie d’entreprises insistent sur la
quasi-impossibilité pour eux de trouver les financements nécessaires pour moderniser leurs
équipements, construire de nouveaux ateliers ou lancer des activités complémentaires
(Murengezi, 2008).Cet état des faits s’explique surtout par un risque plus élevé à financer
cette catégorie d’entreprises (Collier, 2009) mais aussi une incapacité des PME à satisfaire
aux conditions que sont celles des banques classiques (Dereumaux, 2009).
Le refus de financement des PME par les banques et la fuite du crédit par les PME sont des
réalités en Afrique Sub-saharienne. En effet une série de rapports d’évaluation du climat
d’investissement (Investment Climate Assessment, ICA) produite par la banque mondiale a
permis de collecter les informations auprès d’un certain nombre d’entreprises et on y trouve
parmi les PME, plusieurs à ne jamais avoir demandé de prêt. Le niveau des taux d’intérêt,
l’importance des garanties exigées, la complexité des procédures ainsi que l’absence de
besoins sont autant de raisons qui expliquent la réticence des entreprises aux prêts. Les
banques d’Afrique imposent par exemple en moyenne 15,6% à leurs meilleurs clients parmi
1 Micro, Small and Medium Enterprises Database, SFI : ,
http://rru.wordbank.org/Documents/other/MSMEdatabase/msme_database.htm 2 Données d’enquêtes auprès des entreprises sur http :www.enterprisesurveys.org.
2
les petites entreprises, alors que ces taux dépassent à peine 11% dans les autres pays en
développement. Les taux d’intérêt élevés s’expliquerait par un risque très élevé du
financement des PME en Afrique (Peria, 2009).
Face à cette situation d’autres mécanismes de financement ont été encouragés pour faciliter
l’accès des PME au financement. C’est le cas des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD)
(MONTALIEU 2002 ; Scerdoti, 2009) et de la finance islamique (BENZHA 2008). Ainsi, le
Réseau des Caisses Populaires du Burkina, un des principaux systèmes financiers
décentralisés du pays a commencé ses activités en 1972. Depuis lors, les SFD sont en pleine
croissance et ont suscité un espoir de développement pour les populations pauvres et les PME
(Murengezi, 2008). Aussi la finance islamique même encore embryonnaire est présente dans
le pays avec deux (2) établissements financiers islamiques (EFI) sous forme de SFD et une
fenêtre de finance islamique au sein d’une banque classique.
Prenant en compte, le coût du financement comme une raison de la fuite du crédit par les
PME, nous nous proposons de faire une analyse comparative entre les banques classiques, les
SFD classiques et les Etablissements financiers islamiques (EFI) en termes de coût des
produits proposés aux PME. L’intérêt est de donner le niveau actuel du coût de financement
dans ces trois types d’institutions financières au niveau du Burkina Faso tout en faisant des
comparaisons et des recommandations pour une compétitivité des produits de la finance
islamique, jugés plus chers par la population actuellement . Ainsi nous allons d’abord
présenter notre champ d’étude ainsi que l’approche méthodologique, ensuite nous donnons les
résultats sur le coût des produits aux PME respectivement dans les banques classiques, les
SFD classiques et les EFI et enfin nous faisons une analyse comparative et des
recommandations.
1. Cadre conceptuel et champ de l’étude
Puisque notre étude porte sur le financement des PME, il est important de clarifier le concept
de PME pour montrer le type d’entreprises dont il est question, ainsi que les caractéristiques
qui sont les leurs. La définition de la PME qui permet son identification et sa reconnaissance
dans l'environnement n’est ni aisée, ni uniformisée dans les études et dans les milieux
professionnelles. En dehors de la différence au niveau des espaces économiques qui peut
expliquer cette situation, il y a le fait que sur le même espace les diversités existent. C’est
pour cela qu’en fonction des spécificités de l’étude on opte de prendre en compte la définition
3
qui se rapproche le plus aux réalités du terrain choisi pour mener le travail. Au Burkina Faso,
en référence à la charte des PME(2010) dans son article 2,« On entend par Petite et Moyenne
Entreprise, toute personne physique ou morale productrice de biens et services marchands,
immatriculée au registre de commerce ou tout autre registre, totalement autonome, dont
l'effectif ne dépasse pas deux cent(200) employés permanents et dont le chiffre d'affaires
annuel est inferieur ou égal à un milliard ( 1 000 000 000) FCFA avec un niveau
d'investissement inferieur ou égal à deux cent cinquante millions(250 000 000)FCFA et qui
tient une comptabilité régulière ».
Une autre réalité à prendre en compte dans la notion de PME est celle de formelle ou
informelle. En effet d’une part, on a de ces entreprises qui ont été créées dans le respect des
procédures et des démarches administratives en vigueur dans le pays malgré leur petite taille
faisant d’elles des PME. Ces PME sont donc immatriculées au registre des entreprises avec un
numéro d’immatriculation, sont enregistrées au service des impôts avec un numéro
d’identification et même souvent au service de sécurité social avec un numéro employeur.
Cette existence formelle leur permet de postuler aux marchés publics auxquels elles
remplissent les conditions. D’autre part, on a ces PME qui sont nées de la seule initiative de
leur propriétaire qui démarrent ses activités sans accomplir aucune formalité de création. Ces
PME qui sont les plus nombreuses pourtant dans les pays sous-développés constituent ce
qu’on appelle couramment « secteur informel ». Elles ne sont pas immatriculées sauf qu’au
niveau du service des impôts des recensements au niveau du secteur informel permettent de
les enregistrer sans numéro d’identification pour leur imposer un certain nombre d’impôts
comme la patente. Ces PME informelles constituent l’essentiel des emplois et des revenus
surtout dans les zones urbaines des pays en développement. Dans la ville de Ouagadougou par
exemple, 6 ménages sur 10 tirent la totalité ou une partie de leurs revenus dans les activités du
secteur informel (INSD, 2003). Elles souffrent plus du problème d’accès au financement
bancaire (INSD, 2003) et sont exclus des marchés publics en absence de documents légaux.
Nous allons élargir notre recherche aux PME du secteur informel compte tenu de leur
importance dans le secteur privé.
Les difficultés d’accès au financement bancaire ont contraint les PME à se tourner vers le
microcrédit auprès des systèmes financiers décentralisés (SFD). Les pays de l’UEMOA3 se
sont dotés d’un cadre juridique uniforme règlementant les activités de la microfinance. A cet
3 Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
4
effet le cadre juridique au niveau du Burkina Faso est composé de la loi 59/94/ADP portant
règlementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit, de son
décret d’application N° 308/PRES/MEFP du 01/08/95 et de la convention cadre régissant les
institutions non mutualistes qui a été insérée depuis 1995 dans le droit positif. Par ailleurs,
selon les dispositions de cette loi, le Ministère de l’Economie et des Finances, assure la tutelle
de toutes les IMF4 reconnues sous ce cadre et qui sont appelées « Systèmes Financiers
Décentralisés (SFD) ». Au Burkina Faso, les SFD sont plus de cent cinquante (150),
organisés en réseaux pour leur grande majorité. On en dénombre sept (7) réseaux avec un
huitième groupe constitué de ceux non affiliées aux réseaux. Les banques classiques quant à
elles sont actuellement au nombre de treize (13) au Burkina Faso présentées dans le tableau
suivant.
4 Institutions de micro finance
5
Tableau1 : Liste des banques au Burkina Faso
BANQUE
ADRESSE DU SIEGE
Coris Banque Internationale (CBI-SA)
1242, Avenue du Dr Kwamé N’Krumah
01 BP 1319 Ouagadougou 01
Bank of Africa Burkina faso ( BOA-BF)
770, Av. Du Président Aboubakar Sangoulé
Lamizana 01 BP 1319 Ouagadougou 01
Banque Atlantique du Burkina Faso (BHBF-BF) Immeuble Nouria Holding – Rue de l’Hotel de
ville, 01 BP 3407 Ouagadougou 01
Banque Commerciale du Burkina (BCB) 653, Avenue du Dr Kwamé N’Krumah, Secteur
4, 01 BP 1336 Ouagadougou 01
Banque de l’Habitat du Burkina
Faso (BHBF)
1200, Avenue du Dr Kwamé N’Krumah, Secteur
5, 01 BP 5585 Ouagadougou 01
Banque Internationale pour le
Commerce, l’Industrie et
L’Agriculture du Burkina (BICIA –B)
479, Avenue du Dr Kwamé N’Krumah, Secteur
4, 01 BP 8 Ouagadougou 01
ORABANK / Ex Banque Régionale
De Solidarité du Burkina Faso (BRS-BURKINA)
Avenue Kwamé N’Krumah
01 BP 1305 Ouagadougou 01
United Bank of Africa (BIB/UBA) 1340, Avenu Dimdolobson , Secteur 3,
01 BP 362 Ouagadougou 01
Société Générale Burkina Faso
(SGBF)
248, Rue de l’Hotel de Ville,
01 BP Ouagadougou 01
Ecobank Burkina Faso (ECOBANK) 633, Avenue Ilboudo Waogyandé, Secteur 4,
01 BP 145 Ouagadougou 01
Succursale Compagnie Bancaire de l’Afrique
Occidentale (CBAO)
Avenue Sangoulé Lamizana
11 BP 161 CMS Ouagadougou 11
Banque Sahélo-saharienne pour l’Investissement
et le commerce du Burkina Faso (BSIC
BURKINA)
Avenue Kwamé Nkrumah 10 BP 1305
Ouagadougou 10
Banque de l’Union (BDU) Avenue Loudun, Imm. Abdoulaye TRAORE,
Commune de Baskuy, 01 Secteur N°05
Projet ZACA - 11 BP 242
Ouagadougou - Burkina Faso
Source : Construit par nous même
La finance islamique est aussi présentée comme un système de finance éthique, avec des
produits mieux adaptés aux PME (ADRAOUI et al, 2016). Les établissements financiers
islamiques sont au nombre de trois (3) actuellement au Burkina Faso dont une fenêtre de
finance islamique dans une banque classique, ce sont :
6
- la caisse BAITOULMAAL,
- la caisse LIGDIBAORE,
- l’agence BARAKA de Coris Bank International.
La finance islamique est un système financier construit autour de principes spécifiques ainsi
que des instruments bien définis ; en se basant sur les prescriptions de la loi islamique qui a
pour sources principales, le coran parole de Dieu et les hadiths ou paroles du prophète
Mohammed (Paix et Salut sur Lui). La finance islamique n’est donc pas comme le pensent
certains un système basé seulement sur des interdictions et des restrictions. Le fait que la loi
islamique interdit de verser ou de toucher l’intérêt n’implique pas qu’elle défend de gagner de
l’argent ou encourage le retour à une économie fondée uniquement sur les espèces ou le troc.
Au contraire elle incite les parties à des transactions où elles partageront bénéfice et risque.
A partir de la loi islamique, nous pouvons situer la finance islamique dans le schéma suivant :
Schémas 1 : Définition de la finance islamique
Source : construit par nous même
Les principes qui sont spécifiques à la finance islamique sont notamment :
- le principe d’interdiction de la pratique du riba (intérêt) ;
- le principe d’interdiction du gharar (spéculation, incertitude) et du maysir (hasard) ;
Finance islamique
Loi islamique
Fiqh Al Ibadat (Culte) Fiqh Al Muamalat (aspects de la vie)
Activités
politiques
Activités
économiques
Activités sociales
7
- le principe d’interdiction du financement des activités illicites (alcool, porcherie,
statuettes…) ;
- le principe de partage des profits et des pertes (principe des 3 P) ;
- le principe d’adossement aux actifs tangibles (économie réelle).
La finance islamique est aussi vieille que l’islam elle-même, révélé au 7ème
siècle après JC. En
effet, Depuis l’avènement de l’islam, Fiqh Al Muamalat donne le règlement et un cadre
structuré des transactions commerciales et financières entre d’une part les membres de la
« Umma » et d’autre part avec les autres communautés notamment juives qui partageaient le
même territoire. Toutefois la pratique institutionnalisée de la finance islamique a vu le jour
dans la seconde moitié du XXème siècle. Ainsi les premières initiatives allant dans ce sens se
situent dans les années 1960, au Pakistan avec une banque sans intérêts à Karachi, en Malaisie
avec Tabung Haji et en Egypte avec Mit Ghamr.
Finalement le consensus est de considérer la véritable naissance de la finance islamique
moderne après les années 70 suite à la création de l’Organisation de la Conférence Islamique
(OCI) regroupant un grand nombre de pays musulmans.
A l’époque, le défi était de concevoir un système financier qui devait respecter les préceptes
de l’Islam et être compatible avec le modèle économique moderne. Lors de la troisième
conférence islamique, tenue à Djeddah en 1972, un plan global de réforme des systèmes
monétaires et financiers en fonction de l'éthique islamique a été présenté.
En 1974, le sommet de l'OCI à Lahore a voté la création de la Banque Islamique de
Développement (BID), une banque intergouvernementale qui allait devenir la pierre angulaire
du système bancaire islamique.
Les années 90 ont connu l’expansion de la Banque de détail islamique et la naissance de la
désintermédiation financière islamique, soit le passage d’une économie d’endettement à une
économie de marchés financiers. Durant ces années, les Institutions Financières Islamiques
(IFI) deviennent de plus en plus structurées, et leurs règles de fonctionnement se sont
raffinées. Ainsi, en 1991, la principale organisation internationale de normalisation de
l’industrie de la finance islamique a été créée : l’Accounting and Auditing Organisation for
Islamic Finance Institutions (AAOIF) qui sera chargée d’élaborer les standards comptables
appropriés pour les IFI.
8
La finance islamique est présente dans plus de 75 pays au monde avec plus de 1800 milliards
de dollars d’actifs en fin 20135. Depuis sa naissance son taux de croissance annuel est à deux
chiffres et d’au moins 14%6. Le développement de la finance islamique prend, principalement
deux formes. D’une part, il y a des pays qui ont décidé d’abolir l’intérêt de leur système
financier et de mettre sur pied un système conforme aux principes de l’islam ; c’est le cas du
Pakistan, de l’Iran et du Soudan. D’autre part, la plupart des pays adoptent un système où
coexistent les institutions financières conventionnelles et celles islamiques. Parmi ces pays, on
peut citer la Malaisie, le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis, l’Angleterre, la France, le Maroc,
le Sénégal, etc. Dans ces pays, il y a des institutions qui sont entièrement spécialisées à offrir
des services financiers islamiques, tandis que d’autres sont des guichets ouverts par les
banques conventionnelles dans le but d’offrir à leur clientèle qui le désire des services
financiers islamiques.
En finance islamique, on distingue :
- les produits de participation où la banque est rémunérée par une part du bénéfice de
l’activité financée avec participation à une éventuelle perte aussi, ce sont notamment
la Moudharaba et la Moucharaka ;
- les produits de vente où la banque achète au comptant pour revendre à terme au client
un bien mobilier ou immobilier avec une marge sur le coût de revient qui constitue sa
rémunération, c’est surtout la Mourabaha ;
- les produits de location où la banque perçoit des loyers comme l’Ijara ;
- les autres produits comme le qard hassan.
Le mot Moucharaka vient du mot arabe Shirkah qui signifie participation ou association. Pour
les juristes musulmans, la licéité de la Moucharaka trouve son fondement dans les trois
sources : le coran, la sunna et l’ijma. C’est un mode de financement basé sur la juste
répartition des risques entre des associés dans une activité.
Concrètement le contrat de Moucharaka peut être conçu comme suit : un entrepreneur
approche une banque ou autre investisseur pour lui demander de financer un projet. La banque
procure un capital avec droit de regard sur la gestion du projet. Un partage des profits de
l’activité est fixé à l’avance selon des proportions fixées par le contrat et les parts de profits ne
sont pas forcément égales aux rapports des apports de fonds. Par contre les pertes éventuelles
5 Standards and Poor’s
6 Standards and Poor’s; GIFF (2010). Islamic Finance opportunities: Country and business guide. Prepared bay
Kuwait Finance House
9
sont à répartir exactement au prorata des apports. En plus, le manager (l’entrepreneur), reçoit
une rémunération pour la gestion effective du projet avant la répartition des bénéfices nets.
D’une manière générale, la banque n’intervient dans la gestion du projet que pour s’assurer de
son bon fonctionnement, car le client possède une meilleure maîtrise des opérations en raison
de son expérience professionnelle. La Moucharaka est illustrée par le schéma ci-dessous.
Schémas 2 : Définition de la Moucharaka
Source : daily-bourse
La Moudharaba est l’un des plus vieux contrats de financement qui remonte à la période
préislamique. Il s’agit d’un contrat entre deux parties, l’une avance à l’autre les fonds
nécessaires à la réalisation d’une activité lucrative afin de partager les bénéfices qui seront
obtenus. Autrement dit c’est une association du capital et du travail où un financier (rab-al-
maal) apporte à un entrepreneur (moudharib) qui possède un savoir-faire, les fonds en vue de
la mise en œuvre du travail pour réaliser un bénéfice à partager entre les deux parties selon un
mode de répartition convenu au préalable. Ce partage de bénéfice ne peut se faire sur la base
d’un montant fixe arrêté pour une partie. Les pertes financières quant à elles, sont supportées
uniquement par l’apporteur des fonds, si elles ne sont pas liées à la mauvaise foi, à une
négligence ou au non-respect des clauses du contrat par l’entrepreneur ; ce dernier se limitant
à la perte de sa force de travail qui n’aura pas réussi à produire des revenus.
Le fonctionnement de la Moudharaba est schématisé comme suit :
10
Schémas 3 : Définition de la Moudharaba
(1)Part des bénéfices en cas de profit ; sinon rien.
(2) Part des bénéfices en cas de profit ; en cas de perte, l'investisseur assume l'intégralité des pertes.
Source : daily-bourse
La Mourabaha est le produit le plus utilisé parmi les modes d’intervention en usage dans les
banques et établissements financiers islamiques. Son poids relatif est estimé à plus de 70% de
l’ensemble des financements accordés par les banques islamiques (Sidi, 1996). Le terme
Mourabaha est dérivé du mot arabe ribh qui veut dire bénéfice. Ce sens désigne donc la vente
au prix de revient majorée d’une marge bénéficiaire. La vente dans la jurisprudence islamique
se divise en deux grandes catégories : la vente avec négociation (musawama) et la vente
fiduciaire (ba’i al-amana). Dans le premier cas, le prix de vente est établi d’un commun
accord entre le vendeur et l’acheteur sans référence explicite au prix de revient de la chose
vendue. La vente fiduciaire exige la déclaration par le vendeur du prix de revient ou prix
d’achat et peut prendre trois formes :
- la tawliya ou vente au même prix déclaré sans bénéfice ni perte ;
- la wadhi’ah ou vente avec un rabais sur le prix déclaré ;
- la Mourabaha ou vente avec un bénéfice sur le prix déclaré.
11
Schéma 4 : Définition de la Mourabaha
Source : Illumine consulting, introduction à la finance islamique
2. Approche méthodologique
Nous avons utilisé une méthodologie qualitative de nature exploratoire compte tenu de l’état
embryonnaire de la finance islamique au Burkina Faso. Ainsi nous avons collecté des
données qualitatives sur un échantillon constitué de 5 banques conventionnelles, 5 SFD
classiques et 3 EFI. Nous avons utilisé la technique non probabiliste au jugé pour le choix des
unités de l’échantillon.
Avec un guide d’entretien pour chaque type d’institutions, nous avons fait des entretiens
semi-directifs d’une durée moyenne de 45 minutes avec les chargés de crédit dans ces
institutions pour recueillir un certain nombre d’informations qui nous permettent de faire les
comparaisons au niveau des coûts des produits afin de faire des recommandations pour une
compétitivité des produits financiers islamiques pour PME.
Les PME ont été aussi interrogées pour avoir leur appréciation et leur comparaison sur les
coûts de financement de ces trois types d’institutions. A leur niveau nous avons procédé aussi
à des entretiens semi-directifs avec un guide d’entretien sur un échantillon de trente (30)
PME. Nous avons donc utilisé en tout quatre guides d’entretien, pour la collecte des données
sur le terrain. Les entretiens ont été réalisés dans les villes de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso,
Ouahigouya, Koudougou, Dédougou, Gaoua, Fada N’Gourma et Pouytenga.
12
3. Résultats de l’étude
3.1 Coût de financement des PME par les banques classiques
Les entretiens ont été effectués auprès des banques ci-après.
Tableau 2 : Echantillon des banques
Nom de la banque Fonction de
l’interviewé
Date
d’entretien
Durée de
l’entretien
Lieu de
l’entretien
BSIC Burkina agence
siège
Chef de service,
grandes entreprises,
ex-chef de service
PME
7 juillet 2016 40 mn Siège BSIC à
Ouagadougou
ORABANK agence
siège
Directeur clientèle
entreprises
7 juillet 2016 45 mn Siège Orabank
à
Ouagadougou
UBA agence de
Ouahigouya
Responsable des
opérations
14 juillet
2016
45 mn Agence UBA
à Ouahigouya
Coris Bank
International agence de
Dédougou
Chef d’agence 28 juillet
2016
50 mn Par téléphone
BOA agence de Gaoua Directeur d’agence 9 août 2016 50 mn Agence BOA
à Gaoua
Source : construit par nous même
Nos entretiens ont aussi abouti aux résultats de taux d’intérêt élevés aux PME de la littérature,
toutefois ces taux même toujours décriés par les PME sont légèrement en baisse aujourd’hui.
En effet, il est au tour de 11% pour le moins cher à 13,5% pour le plus cher. On se rend
compte que les banques qui vont plus aux PME ont des taux légèrement supérieurs aux autres,
sûrement pour compenser la prise de risques.
A côté du taux d’intérêt, il y a un autre élément du coût du crédit qu’il y a lieu de prendre en
considération car les PME en évoque en terme de coût, il s’agit de ce qui est appelé
couramment frais de dossier. Ces frais de dossier existent aussi dans toutes les banques au
Burkina Faso et sont fixés selon trois méthodes au niveau des banques :
- le pourcentage du montant du prêt, il est de 1% actuellement au niveau des banques ;
13
- le pourcentage du montant du prêt avec montant minimum, c’est les même 1% mais
avec un montant minimum comme celui de 75000F CFA à la BOA Burkina ;
- les montants forfaitaires par tranches de montants de prêts, à partir de 75 000 francs
CFA.
Dans la plupart des cas, il faut ajouter à ces frais de dossier, des frais d’assurance du prêt à la
charge du demandeur du crédit, ce qui contribue encore à renchérir le coût du crédit.
3.2 Coût de financement des PME par les SFD classiques
Les SFD rencontrés sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.
Tableau 3 : Echantillon des SFD
Nom de
l’IMF
Réseau Fonction de
l’interviewé
Date
d’entretien
Durée de
l’entretien
Lieu de
l’entretien
MECAP-
Ouahigouya
RMECAP-B Agent de
crédit
1er
août 2016 45 mn MECAP-
Ouahigouya
Caisse
Populaire de
Gaoua
RCPB Directeur de la
Caisse
Populaire
8 août 2016 45 mn Caisse
Populaire de
Gaoua
PAMF Non affilié Directeur
PAMF Bobo-
Dioulasso
15 août
20116
40 mn PAMF Bobo-
Dioulasso
Micro Crédit
Fadima
Non affilié Agent de
crédit
22 aout 206 40 mn Siège de
l’institution à
Ouagadougou
Micro
Solidarité
Taan Yama
Non affilié Agent de
crédit
30 août 2016 40 mn Siège de
l’institution à
Fada
N’Gourma
Source : construit par nous même
MECAP : Mutuelle d’Epargne et de Crédit des Artisans et des Producteurs
REMECAP-B : Réseau des Mutuelles d’Epargne et de Crédit des Artisans et des Producteurs
du Burkina
14
RCPB : Réseau des Caisses Populaires du Burkina
PAMF : Première Agence de Micro Finance
Nous nous sommes intéressés au coût financier du prêt qui reste un facteur très déterminant
dans le choix de financement des PME. Au niveau des SFD, ce coût est constitué des intérêts
et des frais de dossier. Les résultats de nos entretiens confirment que l’intérêt croît avec le
niveau du risque. En effet, nous avons relevé deux situations au niveau des SFD :
- les SFD en réseaux, proposent des taux d’intérêts inférieurs à ceux des autres. A leur
niveau les taux d’intérêt se situent entre 15% et 18% dégressif et 10% constant ;
- les SFD non affiliés aux réseaux, c'est-à-dire celles qui prennent plus de risques en
allégeant les garanties ont des taux d’intérêt constants se situant entre 12% et 18%,
c'est-à-dire qu’elles sont plus chères que le premier groupe.
Dans la majorité des cas, c’est le principe de taux constant qui est appliqué aux prêts au
niveau des SFD, cela est peut-être lié à la durée de ces prêts qui en général n’excèdent pas un
an.
Il existe quelques rares cas de taux d’intérêt constants inférieurs à 10% dans des SFD à statut
particulier, généralement des institutions à caractère confessionnel.
Les SFD font supporter des frais de dossier à leurs clients qui demandent des prêts. Il existe
deux cas de fixation de ces frais. Le cas le plus fréquent est le montant forfaitaire par tranches
de montants de prêt et ces montants varient entre 500F CFA et 15 000F CFA. Le deuxième
cas est celui de valeur proportionnelle au montant du prêt, fixé en majorité à 1%.
3.3 Coût de financement des PME par les EFI
3.3.1 Au niveau de la caisse BAITOULMAAL
Baitoulmaal est une mutuelle d’épargne et de crédit au capital variable, qui a commencé ses
activités en mars 1997 par des opérations de souscriptions, d’adhésions, de dépôts et de
retraits. Elle a obtenu son agrément du Ministère de l’économie et des finances le 31 mars
1999.Les responsables de cette caisse à sa création ont affirmé que son fonctionnement sera
basé sur la charia (cf. Statuts), en mentionnant notamment la prohibition du prêt à intérêt. Sur
15
la page de garde du document de prise en charge de la caisse Baitoulmaal, rédigé en octobre
1999, par cinq (5) membres dont des imams du CERFI7 et de l’AEEMB
8, il est écrit : « Dieu a
maudit celui qui se nourrit de la riba, celui qui l’offre, celui qui en témoigne et celui qui en
établit le contrat »9. En fait cette caisse dont les promoteurs sont des musulmans avait pour
objectif d’offrir aux musulmans et à tous ceux qui le souhaitent des produits financiers
conformes à la charia (loi islamique).
Baitoulmaal a réalisé sa première opération de crédit dénommée « Spécial mouton de
Tabaski » où des frais administratifs de 5% de surplus étaient demandés aux bénéficiaires10
.
Cette opération a été pour la caisse une opération « test » pour la définition des conditions
d’octroi de crédit à Baitoulmaal (cf. Assemblée générale du 8 mai 1999). La caisse compte
actuellement cinq (5) agences implantées à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Dori et Ziniaré.
Notons qu’au jour d’aujourd’hui, on distingue deux types de produits au niveau de la caisse
Baitoulmaal :
- les produits de financement classique des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD),
c'est-à-dire des prêts à intérêt. Ces produits dominent dans la caisse à plus de 90% ;
- les produits de financement islamique. Il s’agit actuellement du seul produit
Mourabaha (vente à coût majoré), qui est à moins de 10% des financements de la
caisse.
Le coût des produits de Baitoulmaal sont comme dans les SFD classiques constitués des
intérêts et des frais de dossiers. Leur particularité est liée à leurs taux et tarifs. Ainsi pour
l’intérêt le taux est de 6.5% pour les montants de prêt inférieur à Cinq cent mille (500 000)
francs CFA et 8.5% pour ceux supérieurs à 500 000 francs CFA. Quant aux frais de dossiers
de prêt, ils sont de 1% du montant augmenté de 2 500 francs CFA.
Pour les cas rares de Mourabaha, le taux de marge se négocie entre le client et la caisse, mais
en général on en arrive à un coût pour le client supérieur à celui des produits classiques, une
des raisons de non développement de ce produit.
7 Cercle d’Etudes, de Recherche et de Formation Islamique
8 Association des Elèves et Etudiants Musulmans au Burkina
9 Hadith authentique (parole du prophète de l’islam)
10 Politique de prise en charge, octobre 1999
16
3.3.2 Au niveau de la caisse LIGDI BAORE
Selon son document de présentation, la caisse LIGDI BAORE a été créée pour satisfaire les
besoins de financement de la communauté des musulmans. Elle a pour objectif principal de
promouvoir la finance islamique au Burkina Faso en fournissant des services financiers
adaptés aux besoins des populations conformément aux prescriptions de l’Islam. Les objectifs
spécifiques sont :
- contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté ;
- contribuer à améliorer les conditions de vie des populations musulmanes ;
- créer de l’emploi et participer à la lutte contre le chômage ;
- promouvoir les produits financiers islamiques ;
- fournir des produits financiers adaptés aux ménages et aux petites et moyennes
entreprises (PME) ;
- renforcer la solidarité et la fraternité entre les populations et contribuer à réduire leur
exploitation.
La caisse LIGDI BAORE a démarré ses activités le 11 septembre 2009 sous forme de
mutuelle d’épargne et de crédit agréée par le Ministère de l’économie et des finances et non
affiliée aux réseaux. Ses promoteurs sont essentiellement des anciens membres de l’AEEMB
et du CERFI. Elle compte actuellement quatre (4) agences implantées à Ouagadougou, Bobo-
Dioulasso, Ouahigouya et Banfora.
Les produits proposés par la caisse LIGDBAORE sont :
- le crédit équipement mis en œuvre par des contrats Mourabaha de la finance
islamique, c’est le crédit dominant où la caisse achète pour le compte de ses clients en
majorant son coût d’achat;
- le crédit investissement, la caisse participe au capital d’un projet générateur de revenu
avec participation au résultat ;
- le crédit social, ce sont des prêts sans intérêt accordés aux membres de la caisse sous
forme d’avances sur salaires, de crédit scolaire, de crédit santé, de crédit alimentaire,
de crédit familial et communautaire, le montant de ces crédits est plafonné à deux cent
mille (200 000) francs CFA.
17
Pour ce qui concerne le crédit social, il existe seulement des frais de dossiers fixés de façon
forfaitaire à 5 000 francs CFA quel que soit le montant du prêt, d’ailleurs plafonné à 200 000
francs CFA.
Au niveau des crédits d’équipement où c’est la Mourabaha qui est appliquée, le taux de
marge commerciale varie de 10 à 15% du prix de revient du bien.
Au niveau de la participation au capital, la part de la caisse dans le bénéfice varie de 15 à
30%.
En dehors de la marge et du bénéfice partagé, il existe pour ces opérations, des frais de
dossiers fixés de façon forfaitaire à 2000 francs CFA, inférieur à celui des prêts sociaux.
3.3.3 Au niveau de Coris Bank BARAKA
CBI BARAKA est une agence de Coris Bank International dédiée à l’application des
solutions de financement islamique. Elle a démarré ses activités en juillet 2015 et fonctionne
comme une fenêtre de finance islamique au sein de Coris Bank International qui reste une
banque classique. Une autre agence liée à CBI BARAKA Ouaga a ouvert ses portes à Bobo-
Dioulasso courant 2016. Ces deux agences ont ainsi opté de proposer à la population des
produits financiers islamiques.
Pour le financement des PME et même des grandes entreprises, CBI BARAKA depuis son
ouverture a proposé pendant longtemps le seul produit « Mourabaha ». Courant 2016, un
autre produit a été expérimenté, à savoir l’Ijara (produit basé sur la location-vente), mais la
grande majorité des interventions de financement de l’agence reste concentrée sur la
Mourabaha.
Il y a lieu de noter que l’agence n’applique pas de frais de dossier pour les opérations de
financement, mais elle pratique aussi des frais de gestion des comptes supérieurs à ceux des
banques classiques.
Ainsi, les coûts de financement sont constitués actuellement de la marge bénéficiaire pour la
Mourabaha et de loyers pour l’Ijara. Les taux de marge et loyers sont négociables, même si la
banque reconnaît que les frais liés au double transfert et à la double mutation (biens
immobiliers) rendent actuellement ces produits plus coûteux pour le client que les prêts
ordinaires avec intérêt. Dans les frais de transfert, il y a par exemple les frais d’acquisition
18
pour les biens meubles et immeubles auxquels s’ajoutent les droits de mutation pour les biens
immeubles.
3.4 Analyse comparative et recommandations Précisons que les résultats ci-dessus ont été conformes entre responsables d’institutions
financières et de PME, traduisant leur réalité et leur fiabilité.
Le coût financier du crédit est constitué principalement du taux d’intérêt dans les banques et
SFD classiques. A côté du taux d’intérêt, il y a d’autres éléments comme les frais de dossiers
et les frais d’assurance à la charge de l’emprunteur. En majorité tous ces deux systèmes
accordent aux PME des crédits de court terme, d’une durée inférieur ou égale à 12 mois. De
façon générale, les frais de dossier et les intérêts débiteurs sont actuellement plus élevés au
niveau des banques par rapport aux SFD. En effet, les banques ont des taux d’intérêt aux PME
qui se situent entre 11% et 13,5% dégressif contre 10% constant dans la plupart des SFD.
Pour des crédits de longue durée, les SFD seraient plus chers que les banques compte tenu de
la constance du taux mais la réalité du court terme des crédits les classe moins chers que les
banques en matière d’intérêt. Pour ce qui concerne les frais de dossier, ils sont au tour de 1%
du montant du crédit dans les deux systèmes, toutefois il existe des montants minima
forfaitaires plus élevés dans les banques.
La partie la plus intéressante de notre comparaison est celui du coût du crédit dans les deux
systèmes ci-dessus basé sur l’intérêt à celui des établissements financiers islamiques (EFI)
basé plutôt sur le partage du profit et la marge. La quasi-inexistence des produits de
participation au niveau des EFI au Burkina Faso, nous a amené à faire la comparaison sur la
base du produit de financement avec marge commerciale, à savoir la Mourabaha. Le
problème de comparaison du coût de financement entre le système classique et le système
islamique se pose de la façon suivante. Un promoteur de PME qui désire acquérir un bien
mobilier ou immobilier a la possibilité d’emprunter une somme au niveau du système
classique (banque ou SFD) avec un taux d’intérêt sur le capital, il pourra ensuite acquérir son
bien et rembourser son emprunt avec les intérêts qui constituent le principal coût de son
crédit. La solution que le système islamique lui offre consiste pour l’EFI à acquérir au
comptant le bien voulu par ce promoteur et de le lui revendre en majorant le prix de revient
d’une marge commerciale avec un paiement à terme.
19
La comparaison concerne ici le prix de vente du bien à la PME par l’EFI (P) au montant
remboursé à la banque ou SFD classique (R). Le résultat obtenu au niveau des banques
classiques, des SFD classiques, des EFI et des PME donnent P supérieur à R, c'est-à-dire le
financement islamique par la mourabaha plus cher que le financement classique. Les
responsables des EFI donnent les explications suivantes à cette situation :
- Le coût de la double mutation: il y a en effet deux opérations commerciales avec deux
transferts de propriété dans la Mourabaha. Cela occasionne un double paiement des
droits de mutation pour les biens immobiliers avec la législation fiscale en vigueur au
Burkina Faso actuellement, d’abord pour le transfert du fournisseur à la banque et
ensuite pour le transfert de la banque au client PME.
- Le coût du double transfert : il s’agit des frais d’acquisition du bien qu’il soit mobilier
ou immobilier par l’EFI.
Dans le système classique, la banque ne supporte pas les deux coûts ci-dessus mentionnés
et le client PME n’intègre pas forcément ses propres frais d’acquisition pour comparer les
coûts des deux financements, classique et islamique.
- Le coût du risque élevé : le système financier islamique est présenté comme un
système de partage de risques entre prêteurs et emprunteurs. L’idée des responsables
des EFI que nous avons rencontrés est de maximiser sur des opérations sûres pour
couvrir les risques qui existent sur toute leur chaine de financement. Les opérations de
Mourabaha sont classées parmi les sûres où l’EFI peut maximiser son gain. La
conséquence est des taux de marge sur prix de revient généralement supérieurs aux
taux d’intérêt de dette classique.
Le coût étant un élément pris en compte par la PME pour son choix de financement, la
préférence sera le financement classique à l’état actuel de la réalité et de la compréhension des
de ses responsables. Cela est confirmé non seulement par les PME que nous avons interrogées
mais aussi par les responsables des EFI qui proposent les deux systèmes, classique et
islamique à leurs clients. Il y a alors un problème de compétitivité des produits de finance
islamique notamment la Mourabaha par rapport au crédit ordinaire. Cet état des faits a amené
des EFI à faire dérogation de certaines conditions de la Mourabaha en l’occurrence le double
transfert pour éliminer une partie des frais et rendre le financement compétitif, c'est-à-dire
qu’il trouve une formule pour financer le bien qui est transféré directement du fournisseur à la
PME. Cette façon de résoudre le problème amène un autre plus critiqué qui est celui de la
20
non-conformité charia de telles Mourabaha. C’est pour cela qu’il est important de mener la
réflexion pour rendre la Mourabaha compétitive par rapport au crédit ordinaire tout en restant
dans le respect des conditions de validité du produit selon la charia, notamment celle relative
au double transfert de propriété (double vente). Notre contribution à travers cet article va dans
ce sens et nous formulons les recommandations suivantes :
- Eliminer le coût de la double mutation sur les biens immobiliers par la législation : Au
lieu de chercher à éviter la double mutation qui est une condition de conformité-charia
de la Mourabaha, il faut plutôt chercher à éliminer son double coût. L’application
d’une telle recommandation n’est pas seulement du ressort des EFI qui ne peuvent que
formuler la proposition, son adoption et son application relève des autorités en charge
de la règlementation du fonctionnement des banques et établissements financiers et de
la fiscalité. En insérant ce produit dans le cadre règlementaire, on peut éliminer le coût
de la double mutation par des textes spécifiques. On peut permettre par exemple, un
transfert temporaire de la propriété du bien à la banque sans paiement de droit de
mutation. Le client pourra après la vente par la banque, payer les droits de mutation
s’il s’agit d’un bien immobilier. Cela va permettre de faire baisser le prix de vente de
la banque. Ainsi les PME auront un financement à un meilleur coût, auquel s’ajoutent
les autres avantages de la Mourabaha comme la préservation de l’économie du fictif et
du détournement du crédit.
- Une sensibilisation sur le coût du double transfert : il y a lieu d’expliquer aux
responsables de PME, l’existence de leurs frais d’acquisition du bien en aval dans le
crédit ordinaire. Cela leur permettra de comprendre et d’accepter un prix de vente
supérieur à un montant remboursé dans une dette classique hors frais d’acquisition du
bien.
- Mettre en place des mécanismes de gestion des risques : Plutôt que de vouloir
maximiser sur certains produits en l’occurrence la Mourabaha pour compenser les
nombreux risques auxquels sont exposés les EFI, il y a lieu de réduire la marge
commerciale à son niveau minimum ou moyen, tout en mettant en place des
mécanismes pour gérer les risques qui sont spécifiques aux banques islamiques. Il y a
lieu par exemple au titre de la maîtrise des risques d’avoir une technique fiable
d’évaluation des dossiers de demande de financement, d’adopter une technique de
suivi de l’activité des clients et de constituer un fonds de garantie des financements
islamiques.
21
Conclusion La finance islamique même encore embryonnaire est présente dans beaucoup de pays de
l’UEMOA dont le Burkina Faso. Les trois actuels établissements financiers islamiques (EFI)
composés de deux SFD et une fenêtre de finance islamique dans une banque classique sous
forme d’agence, sont donc en concurrence avec les banques et SFD du système classique.
Comme tout nouveau sur un marché, la finance islamique se doit de présenter aux populations
notamment les soit disant exclus du système classique que sont les PME et autres populations
vulnérables les avantages dont elle est porteuse. Les avantages qui intéresseraient les
populations sont entre autres :
- l’accessibilité au crédit surtout pour le moyen et le long terme ;
- la baisse du coût du financement;
- la solution au problème de garantie ;
- la conformité des conditions aux prescriptions de la charia pour une bonne partie de la
population notamment musulmane estimée à plus de 60% de la population du pays
(INSD, 2007).
Les deux premiers éléments cités sont primordiales pour une intégration réussie de la finance
islamique au Burkina Faso, c’est pourquoi à travers cet article nous avons mené une réflexion
sur la question du coût de financement. En effet, actuellement au lieu d’être un avantage, il est
plutôt un désavantage pour la finance islamique, qui voit certains de ces produits notamment
la Mourabaha jugé plus cher que le crédit ordinaire dans le système classique.
Quand on sait que ce produit vient en tête au niveau des banques islamiques en termes de
volumes de financement, notre travail a consisté d’abord à présenter des résultats qui
montrent cette réalité de produit plus cher, ensuite nous avons exposé de par nos résultats les
explications de cet état et avons fait nos recommandations qui devraient permettre de rendre
la Mourabaha compétitive par rapport aux crédits ordinaires en termes de coût pour le client.
Ces recommandations concernent surtout, la législation pour éliminer le coût de la double
mutation sur le financement des biens immobiliers, l’explication et la sensibilisation sur la
prise en compte des frais d’acquisition par l’EFI et la mise en place de mécanismes de gestion
des risques spécifiques aux banques islamiques.
22
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