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CENTRE JURIDIQUE FRANCO-ALLEMAND
TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT ADMINISTRATIF I
Cours de : M. le Professeur Philippe COSSALTER
Chargé de TD : M. Benoît MULLER
Année universitaire 2012 / 2013 - Licence L2
FICHE N° 1 : DROIT ADMINISTRATIF ET DROIT INTERNATIONAL
Séance n° 1
I. LECTURES
Les étudiants sont invités à prendre connaissance des commentaires au GAJA sous :
- CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné
- CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo
- CE Ass., 29 juin 1990, GISTI
II. DOCUMENTS
Document n° 1 : CE, Ass., 18 décembre 1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim , req.
n° 181249
Document n° 2 : CE, Ass., 5 mars 2003, Aggoun, req. n° 242860
Document n° 3 : CE, Ass., 9 juillet 2010, Mme Cheriet-Benseghir, req. n° 317747
Document n° 4 : CE 8 juillet 2002, Commune de Porta, req. n° 239366
Document n° 5 : CE 22 septembre 1997, Melle Cinar, req. n° 161364
Document n° 6 : CE Ass. 23 décembre 2011, Eduardo José K, n° 303678
Document n°7 : CE Ass., 11 avril 2012, GISTI, n°322326
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Document n° 1 : CE, Ass., 18 décembre 1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim ,
req. n° 181249.
Considérant que l'article 1er de la convention franco -suisse du 4 juillet 1949 relative à la
construction et à l'exploitation de l'aéroport Bâle-Mulhouse à Blotzheim stipule que : "le Conseil
fédéral suisse et le Gouvernement français conviennent de construire et d'exploiter en commun un
aéroport commercial ... Il sera constitué à cet effet un établissement public qui prendra le n om
d'aéroport de Bâle-Mulhouse ... Ledit établissement sera, dans la suite du texte, désigné par
l'expression l'Aéroport. L'Aéroport est régi par les statuts et le cahier des charges ciannexés et par la
loi française dans la mesure où il n'y est pas dérogé par la présente convention et ses annexes" ;
qu'aux termes de l'article 2 de la convention : " ... 2. Le Gouvernement français met à la disposition
de l'Aéroport les installations qu'il a déjà réalisées. Il s'engage à acquérir, classer dans le domaine
public et mettre également à sa disposition les terrains nécessaires à l'aéroport, à ses installations et
au raccordement avec les réseaux routiers et ferrés ..." ; qu'aux termes de l'article 3 de la
convention, l'établissement public dénommé l'aéroport de Bâ le-Mulhouse est "géré par un conseil
d'administration" ; que l'article 19 de la convention stipule que "la révision des statuts et du cahier
des charges, provoquée par une décision du conseil d'administration prise à la majorité des deux
tiers des membres en exercice, pourra être effectuée d'entente entre les deux gouvernements" ; que
selon l'article 3 du cahier des charges annexé à la convention, relatif à l'extension et à l'amélioration
de l'aéroport, les nouveaux terrains nécessaires à l'exploitation doivent être acquis par le
Gouvernement français ; qu'aux termes de l'article 9 du même cahier des charges : "Si, l'état
descriptif et estimatif étant entièrement réalisé, les ouvrages ou installations se révèlent insuffisants,
les conditions d'établissement et de mise en service d'ouvrages ou installations supplémentaires
seront déterminées par un avenant au présent cahier des charges, établi dans les conditions prévues à
l'article 19 de la Convention" ; que l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gou vernement de
la République française et le Conseil fédéral suisse, signées à Berne les 12 et 29 février 1996, donne
effet à la proposition d'extension del'aéroport de Bâle-Mulhouse formulée, le 25 janvier 1996, par le
conseil d'administration sur le fondement des stipulations précitées de l'article 19 de la convention
et de l'article 9 du cahier des charges annexé à cette dernière ; que cet accord a notamment pour
objet de porter l'emprise maximale de l'aéroport de 536 hectares à environ 850 hectares, en vu e de
permettre la construction d'une nouvelle piste ; qu'il prévoit qu'il appartient à l'établissement public
d'apporter les fonds nécessaires à la réalisation de l'opération, sous réserve des stipulations de
l'article 2 2 de la convention ; que la requête de la SARL du parc d'activités de Blotzheim et de la
SCI "Haselaecker" tend à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 mai 1996 du Président
de la République, portant, en application de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958,
publication de cet accord ;
Sur le moyen tiré de l'article 53 de la Constitution :
Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la Constitution : "Les traités de paix, les traités de
commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ce ux qui engagent les
finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à
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l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent
être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ..." ; qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution :
"Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publ ication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son ap plication par l'autre
partie" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de
l'article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l'approbation est intervenue sans avoir été
autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de
l'article 55 précité ; qu'eu égard aux effets qui lui sont attachés en droit interne, la public ation d'un
traité ou accord relevant de l'article 53 de la Constitution ne peut intervenir légalement que si la
ratification ou l'approbation de ce traité ou accord a été autorisée en vertu d'une loi ; qu'il appartient
au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d'un moyen soulevé devant lui et tiré de la
méconnaissance, par l'acte de publication d'un traité ou accord, des dispositions de l'article 53 de la
Constitution ; que, par suite, contrairement à ce que soutient, à titre principal, le ministre des
affaires étrangères, le moyen tiré par les sociétés requérantes de ce que le décr et attaqué serait
illégal au motif que l'approbation de l'accord qu'il publie n'a pas été autorisée par la loi n'est pas
inopérant ;
Considérant qu'en vertu des stipulations de l'accord signé à Berne les 12 et 29 février 1996, lequel
se réfère au 2 de l'article 2 de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 et à l'article 3 du cahier
des charges précité, il incombe au Gouvernement français d'acquérir les terrains nécessaires à
l'extension projetée de l'emprise de l'aéroport ; que, par suite, les socié tés soutiennent à bon droit
que cet accord engage les finances de l'Etat au sens de l'article 53 de la Constitution ;
Considérant toutefois qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 19 de la convention du 4
juillet 1949 et de l'article 9 du cahier des charges annexé à cette dernière que le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse ont prévu, dès l'origine, la possibilité d'une
extension des installations de l'aéroport ; qu'en vertu de l'article 27 de la Constitution d u 27 octobre
1946 dont les dispositions relatives aux traités engageant les finances de l'Etat sont reprises par
l'article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958, le Parlement, par la loi n° 50 -889 du 1er août 1950,
a autorisé le Président de la République à ratifier ladite convention, et notamment son article 19,
ainsi que ses annexes et, notamment, l'article 9 du cahier des charges ; qu'eu égard à l'objet des
stipulations de ces articles, le Parlement doit être regardé comme ayant autorisé par cette loi les
dépenses liées à l'établissement et à la mise en service d'ouvrages ou d'installations supplémentaires,
destinés à répondre à l'insuffisance desouvrages ou des installations existants ; qu'ainsi le moyen
tiré de l'article 53 de la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens :
Considérant que si les sociétés requérantes soutiennent que l'accord des 12 et 29 février 1996 aurait
un objet plus large que le seul établissement d'un avenant au cahier des charges annexé à la
convention du 4 juillet 1949 et qu'en conséquence, il ne pouvait être conclu sous la forme simplifiée
prévue à l'article 19 de ladite convention, le choix du mode de conclusion des traités et accords
internationaux n'est pas détachable de la conduite des relations diplomatiques et, par suite, n'est pas
susceptible d'être discuté par la voie contentieuse devant le juge administratif ;
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Considérant qu'il n'appartient pas davantage au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de contrôler
l'appréciation portée par le Gouvernement français et le Conseil fédéral suisse sur le respect de la
condition d'entière réalisation de l'état descriptif et estimatif, énoncée par l'article 9 du c ahier des
charges annexé à ladite convention et sur la nécessité de procéder à l'extension de l'aéroport de
Bâle-Mulhouse ;
Considérant, enfin, que si les sociétés requérantes critiquent le contenu de l'échange de notes
publiées par le décret attaqué au regard des stipulations de la convention du 4 juillet 1949, il
n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, de se prononcer sur la validité d'un
engagement international au regard d'autres engagements internationaux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander
l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75 -I de la loi du 10 juillet
1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75 -I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que
l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer aux sociétés
requérantes la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les
dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire applicat ion de ces mêmes
dispositions et de condamner la SARL du parc d'activités de Blotzheim et la SCI "Haselaecker" à
payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les
dépens ;
Article 1er : La requête de la SARL du parc d'activités de Blotzheim et de la SCI "Haselaecker" est
rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispos itions de l'article 75-I de la loi
du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera noti fiée à la SARL du parc d'activités de Blotzheim, à la SCI
"Haselaecker", à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, à la commune de Blotzheim, au Premier ministre, au
ministre des affaires étrangères et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.
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Document n° 2 : CE, Ass., 5 mars 2003, Aggoun, req. n° 242860.
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 de la Constit ution : " Les traités de paix,
les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui
engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui
sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cess ion, échange ou adjonction de territoire,
ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 55 de la
Constitution : " Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou
accords relevant de l'article 53 de la Constitution et dont l a ratification ou l'approbation est
intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés
ou approuvés au sens de l'article 55 précité ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la Constitutio n qu'il appartient au juge
administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer qu'un traité ou accord a été régulièrement
ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu'un tel moyen est invoqué à l'appui d'un recours pour excès
de pouvoir directement formé à l'encontre du décret de publication qui en a permis l'introduction
dans l'ordre juridique interne, mais aussi par voie d'exception, à l'occasion d'un litige mettant en
cause l'application de cet engagement international, sans que puisse y faire o bstacle la circonstance
que le décret de publication dont la légalité est ainsi nécessairement contestée n'a pas été attaqué
dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, à l'appui de sa contestation de la décision
préfectorale du 13 septembre 2001 qui lui a refusé un titre de séjour au motif que l'article 9 de
l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue de l'avenant du 28 septembre
1994, subordonne la délivrance d'un certificat de résident à un ressortissant algérien à la
présentation d'un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les
autorités françaises, M. X... est, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères,
recevable à se prévaloir de ce que ni cet avenant, ni l'accord initial qu'il modifie n'auraient été
régulièrement approuvés faute d'avoir fait l'objet d'une autorisation d'approbation par la loi ;
Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses deux premiers avenants en date
des 22 décembre 1985 et 28 septembre 1994, qui sont relatifs aux conditions dans lesquelles les
ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité
professionnelle, portent sur des matières relevant du domaine de la loi ; que, dès lors , ils doivent
être regardés comme modifiant des dispositions de nature législative, au sens des dispositions
précitées de l'article 53 de la Constitution ;
Considérant toutefois qu'en adoptant la loi du 29 octobre 2002 autorisant l'approbation du troisiè me
avenant à l'accord du 27 décembre 1968, le législateur a nécessairement entendu autoriser
l'approbation de l'ensemble des stipulations de l'accord initial et de ses deux premiers avenants dont
ce nouvel avenant n'est pas séparable, y compris celles de ces stipulations qui, exprimant tout autant
que les autres la commune intention des parties, comportaient une date d'entrée en vigueur ;
qu'ainsi, à la suite de la publication du troisième avenant au Journal officiel de la République
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française le 26 décembre 2002, l'accord et ses deux premiers avenants doivent être regardés, selon
leurs termes mêmes, comme étant entrés en vigueur à la date de leur signature ; qu'en particulier, le
deuxième avenant, dont il a été fait application pour refuser à M. X... un tit re de séjour, doit être
regardé comme étant régulièrement applicable à compter du 28 septembre 1994 ; que, par suite, le
moyen tiré de ce que le préfet des Hautes-Alpes ne pouvait opposer à la demande de titre de séjour
de l'intéressé les stipulations de ce deuxième avenant, faute pour celui-ci d'avoir été approuvé en
vertu d'une loi, doit être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... n'était pas titulaire, à la date de la
décision contestée, d'un passeport muni du visa de long séjour exigé par l'article 9 de l'accord
franco-algérien ; que, dès lors, le préfet des Hautes-Alpes a pu légalement se fonder sur ce motif
pour refuser à M. X... le titre de séjour sollicité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "
Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente
ordonnance, sous réserve des conventions internationales " ; que si l'accord franco -algérien du 27
décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants
algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi
que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être d élivrés, il n'a toutefois
pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de
procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement
ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation
entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
qu'au nombre de ces dispositions figurent notamment celles qui résultent des art icles 12 bis (7°) et
12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoient que le préfet doit consulter la
commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les
liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie
privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que le préfet n'est
toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effec tivement
cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il est marié à une ressortissante de nationalité française
depuis le 17 mars 2001, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des
circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de
l'intéressé, la décision de refus de titre de séjour en date du 13 septembre 2001 n'était pas
susceptible de porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte
disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; que, par suite, M. X... n'est
pas fondé à soutenir que le préfet des Hautes-Alpes était tenu de consulter la commission du titre de
séjour ;
[…]
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
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Document n° 3 : CE, Ass., 9 juillet 2010, Mme Cheriet-Benseghir, req. n° 317747.
[…]
Considérant qu'aux termes du 14e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : La
République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ;
qu'au nombre de ces règles figure la règle pacta sunt servanda , qui implique que tout traité en
vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; qu'aux termes de l'article 55 de la
Constitution du 4 octobre 1958 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité,
de son application par l'autre partie ; qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'est soulevé devant
lui un moyen tiré de ce qu'une décision administrative a à tort, sur le fondement de la réserve
énoncée à l'article 55, soit écarté l'application de stipulations d'un traité international, soit fait
application de ces stipulations, de vérifier si la condition de réciprocité est ou non remplie ; qu'à
cette fin, il lui revient, dans l'exercice des pouvoirs d'instruction qui sont les siens, après avoir
recueilli les observations du ministre des affaires étrangères et, le cas échéant, celles de l'Etat en
cause, de soumettre ces observations au débat contradictoire, afin d'apprécier si des éléments de
droit et de fait suffisamment probants au vu de l'ensemble des résultats de l'instruction sont de
nature à établir que la condition tenant à l'application du traité par l'autre partie est, ou non, remplie;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la déclarat ion gouvernementale du 19 mars 1962 relative
à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie : Les grades et diplômes d'enseignement
délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programmes, de scolarité et
d'examen, sont valables de plein droit dans les deux pays. / Des équivalences entre les grades et
diplômes délivrés en Algérie et en France, dans des conditions différentes de programmes, de
scolarité ou d'examens, seront établies par voie d'accords particuliers ; que si le premier alinéa de
cet article, qui produit des effets directs à l'égard des particuliers, ouvre le droit, dans le cas où un
diplôme de médecine algérien a été délivré dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et
d'examen que les diplômes de médecine français, à l'inscription au tableau de l'ordre des médecins
en France dans les conditions prévues par l'article L. 4111-1 du code de la santé publique précité,
ces stipulations ne créent aucune obligation, pour la France et l'Algérie, d'organiser des cur sus
identiques en termes de programme, de scolarité et d'examen ; que, par suite, la circonstance,
avancée par l'administration et le Conseil national de l'ordre des médecins, selon laquelle, à compter
de la fin des années mille neuf cent soixante, les conditions de programme, de scolarité et d'examen
conduisant à la délivrance du diplôme de docteur en médecine auraient cessé d'être identiques dans
les deux pays n'est pas de nature à établir que l'Algérie n'applique pas les stipulations précitées de la
déclaration du 19 mars 1962 ; qu'il ne ressort ni des pièces du doss ier, ni de l'audience d'instruction
tenue par la quatrième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, que des grades et
diplômes d'enseignement de médecine délivrés en France dans les mêmes conditions de programme,
de scolarité et d'examen qu'en Algérie n'y auraient pas été regardés comme valables de plein droit ;
que, dès lors, le Conseil national de l'ordre des médecins a commis une erreur de droit et une erreur
d'appréciation en retenant que Mme A ne pouvait, faute que la condition de réciprocité posée par
l'article 55 de la Constitution soit remplie, se prévaloir des stipulations précitées de l'article 5 de la
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déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 et en s'abstenant, par suite, d'examiner si le diplôme
de Mme A lui avait été délivré dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen
que celles existant en France ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Conseil national de l'ordre des méd ecins
aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que l'autre motif ment ionné dans la décision attaquée;
Considérant, toutefois, que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que
la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait,
autre que ceux initialement indiqués par la décision, mais également fondé sur la situ ation existant à
la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours
de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de
nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que
l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que,
dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne
prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant que, par un mémoire qui a été communiqué à Mme A, le Conseil national de l'ordre des
médecins soutient que sa décision était légalement justifiée par un autre motif que ceux indiqués par
la décision attaquée, tiré de ce que les conditions de fond énoncées au premier ali néa de l'article 5
de la déclaration du 19 mars 1962 n'étaient pas réunies pour que Mme A puisse se voir reconnaître
la validité de plein droit de son diplôme ; qu'il résulte effectivement de l'instruction que les
conditions de programme, de scolarité et d 'examen dans lesquelles Mme A a obtenu son diplôme de
docteur en médecine délivré en 1997 par l'Institut national d'enseignement supérieur en sciences
médicales d'Oran n'étaient pas identiques à celles qui étaient requises, à la date de la décision
attaquée, pour l'obtention du même diplôme en France ; qu'il résulte de l'instruction que le Conseil
national de l'ordre des médecins aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se
fonder sur ce motif ; qu'il y a dès lors lieu de procéder à la substitution demandée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de
la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice
administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A
la somme que demande le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des frais exposés par lui
et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
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Document n° 4 : CE 8 juillet 2002, Commune de Porta, req. n° 239366.
Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la Constitution : "Les traités de paix, les traités de
commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les
finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à
l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent
être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. / Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou
approuvés. / Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le
consentement des populations intéressées" ; qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : "Les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son applic ation par l'autre
partie" ; que si, pour vérifier si un traité ou un accord peut être regardé comme régulièrement ratifié
ou approuvé, il appartient au juge administratif de se prononcer su r le bien-fondé d'un moyen
soulevé devant lui et tiré de la méconnaissance, par l'acte de publication de cet engagement
international, des dispositions de l'article 53 de la Constit ution, il ne lui appartient pas, en revanche,
dès lors que sa ratification ou son approbation a été autorisée en vertu d'une loi, de se prononcer sur
le moyen tiré de ce que la loi autorisant cette ratification ou cette approb ation serait contraire à la
Constitution ;
Considérant que l'article 1er du traité entre la République française et la principauté d'Andorre
portant rectification de la frontière, fait à Andorre la Vieille le 12 septembre 2000, stipule que la
France cède à l'Etat andorran une portion de territoire d'une superficie totale de 15 595 m2 destinée
à permettre la réalisation d'un accès au tunnel sous l'Envalira et que l'Etat andorran cède à la France
une portion de territoire d'une superficie totale de 15 925 m2 ; que l'article 3 du traité stipule que
"les droits de propriété, ou tous autres droits réels, sur les terrains concernés seront transférés de
telle manière que les propriétaires andorrans des terrains passant sous la souveraineté française
deviennent propriétaires des terrains passant sous la souveraineté andorrane et que les propriétaires
français des terrains passant sous la souveraineté andorrane deviennent propriétaires des te rrains
passant sous la souveraineté française" ; que par l'article 5 du traité, les parties s'engagent à entamer
dans les meilleurs délais des négociations en vue de conclure un ac cord portant délimitation de leur
frontière ; que la loi du 6 juillet 2001 susvisée a autorisé la ratification de ce traité qui a été publié
par le décret du 28 août 2001 du Président de la République ;
Considérant que si, pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret du 28 août 2001,
la COMMUNE DE PORTA soutient que le décret serait intervenu en méconnaissance des articles
53, 55 et 72 de la Constitution, ces moyens tendent, en réalité, à mettre en cause la conformité à la
Constitution de la loi du 6 juillet 2001 ayant autorisé la ratification du traité, et, par suite, ne sont,
en tout état de cause, pas susceptibles d'être utilement présentés devant le Conseil d'Etat statuant au
contentieux ;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur le
bien-fondé des stipulations d'un engagement international, sur sa validité au regard d'autres
engagements internationaux souscrits par la France ou sur le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les
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principes énoncés à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'il ne lui
appartient pas davantage de se prononcer sur le bien-fondé d'un moyen tiré de ce que l'autorité qui a
signé le traité ou l'accord, au nom de la partie étrangère, n'aurait pas été habilitée pour ce faire par
la constitution ou les dispositions de droit interne de cet Etat ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait la consultation du
conseil municipal de la COMMUNE DE PORTA préalablement à l'intervention du décret portant
publication du traité signé le 12 septembre 2000 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE PORTA n'est pas fondée à
demander l'annulation du décret attaqué ;
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la
présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la COMMUNE DE PORTA la somme
qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans le s dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PORTA est rejetée.
___________________________________________________________________________
Document n° 5 : CE 22 septembre 1997, Melle Cinar, req. n° 161364.
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du
26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les
enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des
tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit
être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement
invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir
d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une atte ntion primordiale à l'intérêt supérieur
des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Yeter X... célibataire de nationalité turque,
titulaire d'une carte de résident de 10 ans qui lui avait été délivrée le 12 juin 1992 dans le cadre
d'une procédure de regroupement familial avec ses parents, a irrégulièrement ramené de Turquie en
France, le 13 janvier 1993 son fils Tolga, alors âgé de 4 ans, puis a demandé au préfet de la Moselle,
l'admission au séjour de cet enfant, dans le cadre du regroupement familial ; que le préfet, par
décision du 25 novembre 1993, a, d'une part rejeté sa dema nde en se fondant sur le caractère
irrégulier de l'entrée en France de l'enfant et, d'autre part enjoint à Mlle X... de prendre toutes
dispositions nécessaires pour faire quitter la France au jeune Tolga dans le délai d'un mois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni le père de l'enfant, qu'il ne connaissait pas, et
qui n'avait jamais fourni aucune aide pour son éducation, ni aucune autre personne proche de la
famille, ne pouvait recevoir l'enfant en Turquie ; que dans ces conditions, la décision du préfet de
renvoyer le jeune Tolga en Turquie et de le séparer, même provisoirement de sa mère, porte atteinte
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à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3 -1 de la convention
internationale des droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X... est fondée à soutenir que c'est à tort que,
par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à
l'annulation de la décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle ;
Article 1er : Le jugement en date du 19 juillet 1994 du tribunal administratif de Strasbourg et la
décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle sont annulés.
Document n° 6 : CE Ass. 23 décembre 2011, Eduardo José K, n° 303678
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 13 juin 2007 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Eduardo José A, demeurant Evenida
Rovisco Pais 16-3° Esq 1000-268 à Lisbonne (Portugal demeurant ... ;
M. A demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt n° 03PA04248 du 18 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de
Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 juin 2003 du tribunal administratif
de Paris rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 17 mai 1999 du
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant son recours hiérarchique dirigé contre
la décision du 15 décembre 1998 du trésorier principal du 8ème arrondissement de Paris lui refusant
l'enregistrement d'une déclaration de créances en application du décret du 3 juillet 1998 et, d'autre
part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'enregistrer sa déclaration de créances ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 -1 du code de
justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les pièces dont il résulte que le pourvoi a été co mmuniqué au ministre de l'économie, de
l'industrie et de l'emploi, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale s et
le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu les accords des 26 novembre 1996 et 27 mai 1997 entre la République française et la Fédération
de Russie ;
Vu la loi nº 98-546 du 2 juillet 1998, notamment son article 73 ;
Vu le décret n° 98-552 du 3 juillet 1998, notamment son article 6 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
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- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur -rapporteur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Eduar do José A ;
- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Eduardo José A;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, res sortissant
portugais, a demandé au trésorier principal du 8ème arrondissement de Paris d'enregistrer les
obligations et actions russes au porteur dont il est devenu propriétaire à l'issue de la succession de
son grand-oncle, qui était ressortissant français, afin de bénéficier d'une indemnisation au titre de
l'accord du 27 mai 1997 conclu entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques
financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945 ; que, par une décision du 17 mai 1999
rendue sur recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie a confirmé la décision du 15 décembre 1998 du trésorier principal du 8ème
arrondissement de Paris refusant l'enregistrement de ces créances, en raison de l'absence de
nationalité française de l'intéressé ; que le recours pour excès de pouvoir introduit par M. A à
l'encontre de la décision ministérielle a été rejeté par un jugeme nt du 20 juin 2003 du tribunal
administratif de Paris ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt du 18 octobre 2006 de la cour
administrative d'appel de Paris, contre lequel l'intéressé se pourvoit en cassation ;
Considérant que l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 entre la France et la Russie stipule que les
créances dont il prévoit le règlement concernent : A. - Les revendications relatives à tous emprunts
et obligations émis ou garantis avant le 7 novembre 1917 par le Gouvernement de l'Empire de
Russie ou par des autorités qui administraient une partie quelconque de l'Empire de Russie, et
appartenant au Gouvernement de la République française ou à des personnes physiques ou morales
françaises (...) ; qu'en vertu de l'article 73 de la loi du 2 juil let 1998 portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier : Les opérations de recensement des personnes titulaires des
créances mentionnées à l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 (...) se dérouleront selon des
modalités fixées par décret. / A défaut d'avoir déclaré leurs créances dans un délai de six mois à
compter de l'entrée en vigueur du décret prévu à l'alinéa précédent, ces créanciers ne seront plus
admis au bénéfice des opérations de recensement et ne pourront prétendre à une indemnis ation au
titre de l'accord précité. (...) ; qu'en application de cette loi, le décret du 3 juillet 1998 fixant les
conditions de recensement des personnes titulaires de créances mentionnées à l'article 73 de la loi a
prévu, en son article 3, que les valeurs représentatives de créances, telles que les titres et certificats
d'emprunts ou de rentes, les obligations, les bons, les lettres de gage et les actions sont déclarées et
déposées aux guichets du Trésor public et, en son article 6, que pour les personnes physiques
détentrices des valeurs visées à l'article 3, l'identité et la qualité de porteur français du déclarant
sont établies par la présentation de la carte nationale d'identité ou du passeport ;
Considérant que, lorsque le juge administratif est sais i d'un recours dirigé contre un acte portant
publication d'un traité ou d'un accord international, il ne lui appartient pas de se prono ncer sur la
validité de ce traité ou de cet accord au regard d'autres engagements internationaux souscrits par la
France ; qu'en revanche, sous réserve des cas où serait en cause l'ordre juridique intégré que
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constitue l'Union européenne, peut être utilement invoqué, à l'appui de conclusions dirigées contre
une décision administrative qui fait application des stipulations i nconditionnelles d'un traité ou d'un
accord international, un moyen tiré de l'incompatibilité des stipulations, dont il a été fait application
par la décision en cause, avec celles d'un autre traité ou accord international ; qu'il incombe dans ce
cas au juge administratif, après avoir vérifié que les stipulations de cet autre traité ou accord sont
entrées en vigueur dans l'ordre juridique interne et sont invocables devant lui, de définir,
conformément aux principes du droit coutumier relatifs à la co mbinaison entre elles des conventions
internationales, les modalités d'application respectives des normes internationales en débat
conformément à leurs stipulations, de manière à assurer leur conciliation, en les interprétant, le cas
échéant, au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle et des principes d'ordre public ;
que dans l'hypothèse où, au terme de cet examen, il n'apparaît possible ni d'assurer la conciliation de
ces stipulations entre elles, ni de déterminer lesquelles doivent dans le cas d'espèce être écartées, il
appartient au juge administratif de faire application de la norme internationale dans le champ de
laquelle la décision administrative contestée a entendu se placer et pour l'application de laquelle
cette décision a été prise et d 'écarter, en conséquence, le moyen tiré de son incompatibilité avec
l'autre norme internationale invoquée, sans préjudice des conséquences qui pourraient en être tirées
en matière d'engagement de la responsabilité de l'Etat tant dans l'ordre international que dans l'ordre
interne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en écartant le moyen tiré de la contrariété avec la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la
condition de nationalité prévue par le décret du 3 juillet 1998 en application de l'accord du 27 mai
1997 présenté devant elle par M. A, au seul motif qu'il n'appartient pas au juge administratif de se
prononcer sur la validité des stipulations d'un engagement international au regard d'autr es
engagements internationaux souscrits par la France, sans rechercher, après s'être assuré que cette
convention était entrée en vigueur dans l'ordre juridique interne et était invocable devant lui, s'il
était possible de regarder comme conciliables les st ipulations de cette convention et celles de
l'accord susmentionné du 27 mai 1997, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur
de droit ; que, par suite, son arrêt du 18 octobre 2006 doit être annulé, sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en
application de l'article L. 821 - 2 du code de justice administrative ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'a ccord du 27 mai 1997 par les
dispositions de l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 et celles de l'article 6 du décret du 3 juillet
1998 :
Considérant d'une part, qu'il résulte des dispositions précédemment citées de la loi du 2 juillet 1998,
éclairées par les débats parlementaires, dont l'article 6 du décret du 3 juillet 1998 a fait une juste
application, que s'agissant des titres relevant du § A de l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 signé
entre la France et la Russie, auquel la loi renvoie, seuls les ressortissants de nationalité française
peuvent déposer leurs titres à fin de recensement ; que, d'autre part, l'accord du 27 mai 1997 tend à
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permettre le règlement définitif des créances réciproques, financières et réelles, apparues
antérieurement au 9 mai 1945 entre la France et la Russie ; que l'article 1er de cet accord réserve la
possibilité d'enregistrement des créances aux personnes disposant de la nationalité française ; qu'il
résulte tant de l'objet que des termes des stipulations de l'accord conclu entre la France et la Russie
que ce dernier a entendu apurer un contentieux financier entre ces deux Etats, le règlement des
litiges liés aux créances entre les particuliers et chacun de ces Etats demeurant exclusivement de la
compétence nationale ; qu'ainsi ces stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des
particuliers ; que le requérant ne peut par conséquent utilement invoquer, à l'appui de ses
conclusions tendant à l'annulation de la décision administrative contestée, un moyen tiré de la
méconnaissance par la loi du 2 juillet 1998 et le décret du 3 juillet 1998 des stipulations de l'accord
du 27 mai 1997 signé entre la France et la Russie ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que M. A soutient que les dispositions précitées de la loi du 2 juillet 1998 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier, ainsi que celles du décret du 3 juillet 1998 qui
subordonnent l'enregistrement des créances des porteurs de valeurs mobilières à la justification de
leur nationalité française lors de cet enregistrement sont incompatibles avec les stipulations de
l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés
fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles
instaurent une discrimination fondée sur la nationalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole addition nel à cette convention :
Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa
propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage
des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d 'autres
contributions ou des amendes ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : La jouissance des
droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune,
fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou
toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation ;
Considérant que les dispositions critiquées prévoient les modalités d'indemnisation des porteurs de
titres russes au titre de l'accord du 27 mai 1997 ; que, ainsi qu'il a été dit, M. A est propriétaire de
titres entrant dans le champ de l'indemnisation prévue ; que, dès lors, le requérant peut se prévaloir
d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de
l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des
dispositions de l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 et de l'article 6 du décret du 3 juillet 1998 en
invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'a rticle 14 de la convention ;
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Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue ne peut être
regardée comme discriminatoire, au sens de ces stipulations, que si elle n'est pas assortie de
justifications objectives et raisonnables, c'est -à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité
publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts
de la disposition applicable ; qu'en l'espèce en signant avec la Fédération de Russie l'accord du 27
mai 1997, la France a mis un terme à un contentieux entre États ; qu'il était matériellement
impossible de déterminer, pour l'ensemble des titres indemnisés, la nationalité de leurs porteurs à la
date où est intervenue la dépossession ; que la France a obtenu le versement d'une indemnisati on au
profit des ressortissants français porteurs de titres d'emprunts russes en échange de l'abandon de sa
protection diplomatique au soutien de la revendication de ces créances ; qu'eu égard à l'objet de cet
accord, à la contrepartie qu'il comporte, aux modalités pratiques de sa mise en oeuvre et à
l'impossibilité d'identifier les porteurs de titres à la date de leur dépossession, la limitation de
l'indemnisation aux seuls ressortissants français par l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 n'est, en
tout état de cause, pas incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier
protocole additionnel à cette convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir à l'appui de ses
conclusions tendant à l'annulation de la décision du trésorier du 8ème arrondissement de Paris, que
les dispositions du décret du 3 juillet 1998, ainsi que celles de la loi du 2 juillet 1998 pour
l'application de laquelle elles ont été prises, qui imposent la preuve de la nationalité française des
porteurs de titres et sur le fondement desquelles a été prise la décision contestée, auraient méconnu
le principe d'égalité, garanti notamment par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que ne peut être regardée que comme sans incidence la circonstance que les titres
litigieux auraient été acquis avant le 7 novembre 1917 par un ressortissant français dont M. A est
l'ayant droit ; que, du fait de sa qualité de porteur des titres litigieux, M. A ne pouvait davantage
prétendre à leur recensement comme ayant droit d'un ressortissant français spolié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort
que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de
conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées devant la cour administrative d'appel de
Paris doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice
administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mi s à la charge de l'État qui n'est pas,
dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A des sommes qu'il demande au titre
des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 18 octobre 2006 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris ainsi que
ses conclusions présentées devant le Conseil d'État au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice
administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eduardo José A et au ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie. Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre des
affaires étrangères et européennes.
Document n°7 : CE Ass., 11 avril 2012, GISTI, n°322326
Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,
présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le
siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), désigné mandataire unique, et représenté par son président
en exercice, et la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION
PAR LE LOGEMENT (FAPIL), dont le siège est 221, boulevard Davout à Paris (75020), représentée
par son président en exercice ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES
et la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE
LOGEMENT demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux
conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et
indépendant et modifiant le code de la construction et de l'habitation (partie réglementaire) en tant
que l'article R. 300-2 qu'il insère dans le code de la construction et de l'habitation fixe les conditions
de la permanence de résidence mentionnées à l'article L. 300 -1 du même code exigées des personnes
de nationalité étrangère autres que les détentrices d'une carte de résident ou d'un titre conférant des
droits équivalents et autres que les personnes relevant de l'article R. 300 -1 du même code pour se
voir ouvrir un droit au logement opposable ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune des associations
requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union europ éenne ;
Vu la convention internationale du travail n° 97 concernant les travailleurs migrants ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;
Vu le décret n° 54-794 du 4 août 1954 portant publication de la convention internationale du travail
n° 97 concernant les travailleurs migrants ;
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Vu le code de justice administrative
[…]
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le
droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant
sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions d e permanence définies par décret
en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / Ce
droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les
conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441 -2-3 et L. 441-2-3-
1. " ; que le décret attaqué n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence
de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant d étermine, par
l'article R. 300-2 ajouté au code de la construction et de l'habitation, pour les personnes qui ne sont
ni de nationalité française ni ressortissantes d'un Etat membre de l'Union européenne et de l'Espace
économique européen ou de la Confédération suisse, les conditions de permanence du séjour en
France qui leur ouvrent un droit au logement opposable ; qu'en particulier, il établit, pour les
personnes autres que celles détenant une carte de résident ou un titre de séjour prévu par les traités
ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, une liste
de cinq catégories de titres de séjour permettant à leurs détenteurs de demander le bénéfice du droit
au logement opposable, sous la double condition d'une durée de résidence préalable de deux ans sur
le territoire national et d'au moins deux renouvellements du titre de séjour détenu ; que cette liste ne
comprend pas la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ou " salarié en mission ",
ni la carte de séjour " compétences et talents " ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 6 de la convention
internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants :
Considérant que les stipulations d'un traité ou d'un accord régulièrement introduit dans l'ordre
juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution peuvent utilement être invoquées à
l'appui d'une demande tendant à ce que soit annulé un acte administratif ou écar tée l'application
d'une loi ou d'un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu'elles contiennent, dès
lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir ; que, sous
réserve des cas où est en cause un traité pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne
dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, une stipulation doit être
reconnue d'effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l'intention exprimée des pa rties
et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elle n'a pas pour
objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte
complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers ; que l'absence de tels effets ne
saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les Etats parties comme sujets
de l'obligation qu'elle définit ;
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Considérant que l'article 6-1. de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949
concernant les travailleurs migrants, régulièrement ratifiée, et publiée par le décret du 4 août 1954,
publié au Journal officiel de la République française du 7 août 1954 , stipule que : " Tout Membre
pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à appliquer, sans discrimination de
nationalité, de race, de religion ni de sexe, aux immigrants qui se trouvent légalement dans les
limites de son territoire, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'il applique à ses
propres ressortissants en ce qui concerne les matières suivantes: / a) dans la mesure où ces questions
sont réglementées par la législation ou dépendent des autorités administratives : (...) / iii) le
logement (...) / d) les actions en justice concernant les questions mentionnées dans la convention ; "
que l'article 11 de la convention définit le travailleur migrant comme la personne qui émigre d'un
pays vers un autre en vue d'occuper un emploi autrement que pour son propre compte ; que
l'engagement d'appliquer aux travailleurs migrants un traitement qui ne soit pas moins favorable que
celui appliqué aux ressortissants nationaux en matière de droit au logement et d'accès aux
procédures juridictionnelles permettant de faire valoir ce droit ne saurait être interprété comme se
bornant à régir les relations entre Etats et, ne requérant l'intervention d'aucun acte complémentaire
pour produire des effets, se suffit à lui -même ; que, par suite, les stipulations précitées peuvent
utilement être invoquées à l'encontre du décret attaqué ; que celui -ci n'est pas compatible avec ces
stipulations en tant, d'une part, qu'il subordonne le droit au logement opposable de certains
travailleurs migrants au sens de cette convention à une condition de résidence préa lable de deux ans
sur le territoire national qui ne s'applique pas aux ressortissants nationaux, d'autre part, qu'il exclut
de son champ d'application des titres de séjour susceptibles d'être attribués à des personnes pouvant
avoir la qualité de travailleur migrant au sens de cette convention, tels que les travailleurs
temporaires ou les salariés en mission ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité :
Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autor ité investie du pouvoir
réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité
pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas
manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
Considérant que si le pouvoir réglementaire pouvait, dans les limites de l'habilitation donnée par le
législateur et sous réserve du respect des principes à valeur constitutionnelle ainsi que des
engagements internationaux de la France, fixer, s'agissant des ressortissants étrangers, des
conditions leur ouvrant un droit au logement opposable distinctes selon l es titres de séjour détenus
par eux, il ne pouvait légalement le faire que pour autant que les personnes résidant en France sous
couvert de ces titres se trouvent dans une situation différente au regard de la condition de
permanence du séjour sur le territoire national posée par l'article L. 300-1 du code de la construction
et de l'habitation précité ou pour des motifs d'intérêt général en rapport avec cette même condition ;
que la différence de traitement qui résulte du décret attaqué ne se justifie ni par un motif d'intérêt
général, ni par une différence de situation au regard de la condition de permanence du séjour entre
les personnes détentrices d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ou " salarié
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en mission ", ou d'une carte de séjour " compétences et talents ", d'une part, et les personnes
détentrices d'autres titres de séjour temporaires inclus dans le champ du décret attaqué, d'autre part ;
qu'il suit de là que le décret attaqué a méconnu le principe d'égalité en excluant du b énéfice du droit
au logement opposable les détenteurs de ces trois catégories de titres de séjour ;
Considérant que les dispositions ainsi entachées d'illégalité sont indivisibles de l'ensemble des
autres dispositions attaquées ; que, dès lors, le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES
IMMIGRES ET AUTRE sont fondés à demander l'annulation de ces dispositions ;
Sur les conséquences de l'illégalité du décret attaqué :
Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte es t réputé
n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de
nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a
produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général
pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après
avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre
public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en
considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts
publics ou privés en présence, d'autre part, le s inconvénients que présenterait, au regard du principe
de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets
de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent just ifier qu'il
soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans
l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses
engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie
des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le
cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
Considérant qu'au regard, d'une part, des conséquences de la rétroactivité de l'annulation du décret
attaqué, qui produirait des effets manifestement excessifs tenant au vide juridique ainsi créé, d'autre
part, de la nécessité de permettre au Gouvernement de prendre les dispositions assurant la continuité
de la procédure du droit au logement opposable, et compte tenu tant de la nature des moyens
d'annulation retenus que de celle des autres moyens soulevés par les associations requérantes et
susceptibles d'affecter la légalité des dispositions attaquées, il y a lieu de prévoir que l'annulation
prononcée par la présente décision ne prendra effet qu'à compter du 1er octobre 2012 et que, sous
réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présent e décision contre les actes pris sur
son fondement, les effets produits par les dispositions du décret attaqué antérieurement à son
annulation seront regardés comme définitifs ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761 -1 du code de justice
administrative :
08.03.2015 |Seite 20
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Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la
somme de 1 500 euros à verser respectivement au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN
DES IMMIGRES et à la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET
L'INSERTION PAR LE LOGEMENT au titre des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de
justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge
de l'Etat la somme que demande au même titre l'association la Cimade, qui n'est pas partie dans la
présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de l'association la Cimade, de l'association des familles victimes de
saturnisme et de l'association Fédération droit au logement sont admises.
Article 2 : L'article 1er du décret du 8 septembre 2008 est annulé à compter du 1er octobre 2012 en
tant que l'article R. 300-2 qu'il insère dans le code de la construction et de l'habitation fixe les
conditions de la permanence de résidence mentionnées à l'article L. 300 -1 du même code exigées des
personnes de nationalité étrangère autres que celles détenant une carte de résident ou un titre
conférant des droits équivalents et autres que les personnes relevant de l'art icle R. 300-1 du même
code, pour se voir ouvrir un droit au logement opposable.
Article 3 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre
les actes pris sur le fondement du décret du 8 septembre 2008, les effets p roduits par ce dernier
antérieurement à son annulation sont regardés comme définitifs.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros respectivement au GROUPE D'INFORMATION
ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et à la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA
PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE LOGEMENT au titre des dispositions de l'article L. 761 -1
du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la Cimade au titre des dispositions de l'article L. 761 -1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN
DES IMMIGRES, à la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET
L'INSERTION PAR LE LOGEMENT, à l'association la Cimade, à l'association des familles victim es
de saturnisme et à l'association Fédération droit au logement, au Premier ministre, ministre de
l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et au ministre de l'intérieur, de
l'outre-mer, des collectivité territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et
européennes et au Défenseur des droits.