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Etat des lieux de l’urbanisme séparatiste dans la France périurbaine
2017 – 2018
Lucie VEGRINNE
Mémoire de 3ème année
Sous la direction de M. Damien Simonneau
Chercheur postdoctoralCentre Emile Durkheim, Sciences Po BordeauxUniversité de Louvain, Belgique
SommaireSOMMAIRE...................................................................................................................2
REMERCIEMENTS.....................................................................................................3
RÉSUMÉ – MOTS CLÉS.............................................................................................4
INTRODUCTION..........................................................................................................5
1ÈRE PARTIE – HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE DES RÉSIDENCES
ENCLAVÉES..................................................................................................................9
1. L’AVÈNEMENT DES GATED COMMUNITIES À L’ÉTRANGER.................................9
1.1. Les prémices étatsuniennes – Le commencement d’un urbanisme
ségrégué....................................................................................................................9
1.2. L’exportation du modèle dans les pays en développement –
L’amplification du phénomène sécuritaire.........................................................15
2. LES ÉVOLUTIONS DE LA FRAGMENTATION SOCIO-SPATIALE À LA FRANÇAISE
17
2.1. Des racines historiques – Une longue histoire de la fragmentation
urbaine en France.................................................................................................18
2.2. L’actualité de l’habitat clôturé dans la France périurbaine – La
permanence de séparations territoriales.............................................................22
2ÈME PARTIE – SOCIOLOGIE DES RÉSIDENCES ENCLAVÉES DES
CLASSES MOYENNES PÉRIURBAINES.............................................................27
1. LA MULTIPLICATION DE L’OFFRE SÉCURITAIRE PRIVÉE – L’ORGANISATION
D’UN CADRE DE VIE EN RUPTURE..............................................................................27
2. LES CAUSES DE LA DEMANDE SÉPARATISTE – LES RAISONS DE L’ENTRE-SOI
PÉRIURBAIN.................................................................................................................31
CONCLUSION.............................................................................................................40
Bibliographie................................................................................................................42
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 2
Remerciements
Je remercie vivement mes professeurs de l’Université d’Irvine, en Californie,
qui m’ont inspiré ce sujet, notamment Scott Bollens pour International Divided
Cities et Kamal Sadiq dans Comparative Urban Politics.
Je remercie de même mon maître de mémoire, Damien Simmonneau, pour
m’avoir accompagnée durant mon travail, de façon attentive bien qu’à distance.
De plus, je remercie vivement ma professeure de yoga, Madame Guibbaud,
pour m’avoir accordé un entretien et une visite de sa maison et pour avoir ainsi
donné un angle de terrain à mon mémoire.
Enfin, je tiens à remercier les réponses par email de François Madoré lorsque je
l’ai interrogé sur le regard actuel qu’il porte sur ses études du phénomène des
résidences enclavées datant de dix ans.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 3
Résumé – mots clés
RésuméFace à l’émergence des gated communities aux Etats-Unis et de résidences
enclavées sur le même modèle dans certaines métropoles du Sud, la prolifération
de lotissements dans la France périurbaine pose question. Selon certains, ces
résidences ne sont que le reflet des communautés d’entre-soi murées américaines.
Pour d’autres, la France est encore loin du modèle américain, notamment du fait de
la permanence de l’Etat providence. Il s’agira d’étudier les raisons qui poussent les
classes moyennes à déménager de la ville à la banlieue et les transformations
urbaines en découlant.
AbstractThe gated communities phenomenon in the United-States is spreading in Southern
megacities and could also impact the French periurban lotissements. According to
some scholars, these housing complexes promote the same lifestyle and high
security as Americans do, while some argue that France is still under the influence
of the welfare state and is not moving towards the gated communities phenomenon
yet. This dissertation is mainly a sociological study of urbans moving to the
suburbs and its effects on French urban scenery.
Mots clés : apartheid – bétonnisation – capital nobiliaire – carte
mentale – clubbisation – entre-soi – esthétisme – émiettement
de la ville – fragmentation – gated community – Home Owners’
Assocations – hygiénisme – idéal villageois – Levittowns –
lotissement – métropole – mouvements pendulaires – périurbain
– propriété – ségrégation – sentiment d’insécurité – séparatisme
– suburbs – ubiquité – privatisation
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 4
Introduction
Lancé en 2017, le projet gouvernemental Cœur de ville a pour but de
revitaliser les centres-villes de taille intermédiaire en France. Il part du constat que
ces communes subissent une désertification commerciale et un abandon des
services publics, les déconnectant des métropoles et déconnectant également les
habitants entre eux. Cœur de ville fait le pari que ces villes peuvent atteindre le
renouveau via les commerces, que le déclin des centres-villes peut être inversé en
associant élus et artisanat. La transition numérique du commerce, l’arrivée de
magasins de grandes marques – type H&M à Niort – , la baisse des loyers contre la
vacance commerciale, ainsi que les animations de quartier comme les braderies ou
les boutiques éphémères sont des pistes envisagées par les maires membres du
réseau Cœur de ville1. Le gouvernement présente le projet Cœur de ville comme
une occasion de travail de cohésion interdisciplinaire à échelle nationale, ce qui
démontre son souci d’unité et non de séparation au sein du territoire français.
D’après Martine Pinville, secrétaire d’Etat au Commerce, à l’Artisanat, à la
Consommation et à l’Economie sociale et solidaire au moment du lancement du
projet Cœur de ville, « La dévitalisation commerciale n'est pas une fatalité » et
« Le combat pour revitaliser les cœurs de ville passe avant tout par notre capacité à
travailler ensemble »2.
La mise en place de ce projet fait clairement état de la dégénérescence de la
France périurbaine, c’est-à-dire de la réduction de ses activités commerçantes,
industrielles et tertiaires, au profit de la grande métropole à laquelle chacune de
ces communes est reliée. Le phénomène de périurbanisation est celui de la fuite
des habitants des villes centres vers des espaces périphériques 3. De plus, puisque
les mouvements entre lieu de vie, lieu de consommation et lieu de travail, dits
« mouvements pendulaires », sont de plus en plus importants, les centres-villes de
1 Page officielle de Cœur de ville sur le site internet du Ministère de l’économie et des finances. URL : https://www.entreprises.gouv.fr/coeur-de-ville 2 « "Cœur de ville", un portail pour revitaliser l’économie des centres-villes », Les Infos du Gouv, 2017. URL : http://www.gouvernement.fr/argumentaire/coeur-de-ville-un-portail-pour-revitaliser-l-economie-des-centres-villes3 Définition de périurbain par Geoconfluences. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/periurbain , consulté le
18 novembre 2017
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 6
taille intermédiaire sont de moins en moins fréquentés. Ces « mouvements
pendulaires » constituent les déplacements journaliers des périurbains 4. En résulte
une certaine fraction entre les villes centres et les villes de banlieue, ainsi que des
différences de conditions de vie entre les habitants des métropoles et les habitants
des bourgs. Cela a une forte répercussion sur l’organisation spatiale dans ces
zones. Elle tendrait à être de plus en plus séparatiste. En effet, les communes
périurbaines seraient de plus en plus habitées par des ménages fuyant la mauvaise
réputation de la ville, en termes de sécurité et de salubrité notamment, à la
recherche d’esthétisme architectural et d’homogénéité sociale 5. C’est d’ailleurs ce
qui les pousserait à ne pas consommer dans les centres-villes, où les occasions de
rencontre entre classes sociales sont plus grandes, au profit des centres
commerciaux par exemple6, menant ainsi à la dévitalisation des « cœurs de ville »
dont nous avons rendu compte. Il s’agira, dans ce travail, de rentre compte des
évolutions d’urbanisme sur le plan du séparatisme dans la France périurbaine.
Nous partirons de l’histoire des gated communities, ou résidences clôturées
et sécurisées, aux Etats-Unis, berceau de l’urbanisme ségrégationniste, avec la
littérature universitaire d’Edward Blakely et Mary Snyder dans Fortress America.
Gated Communities in the United States principalement. Puis, nous verrons
comment ce modèle s’est externalisé dans les pays en développement,
principalement en Amérique Latine, selon les travaux de Teresa Caldeira sur
Fortified Enclaves. Ainsi, nous comprendrons que la définition américaine d’une
gated community, comme une résidence sécurisée à la gouvernance privée destinée
aux couches aisées de la population et en filtrant l’accès, s’apparente à la
définition sud-américaine de la gouvernance territoriale privatisée dans ces gated
communities. Cette première partie nous donnera un angle ségrégationniste du
séparatisme, c’est-à-dire que la séparation spatiale y est une mesure de la
séparation sociale7, particulièrement forte en raison des profondes inégalités socio-4 Bonerandi, Emmanuelle, « De la mobilité en géographie », Geoconfluences, 2004. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Mobil/MobilScient.htm5 Wolff, Manuel, et alli, (dir.), « Shrinking Cities, villes en décroissance : une mesure du phénomène en France », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Aménagement, Urbanisme, document 661, mis en ligne le 08 décembre 2013, consulté le 15 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/261366 Grimmeau, Jean-Pierre et Wayens, Benjamin . « Les causes de la disparition des petits commerces (1945-2015) », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 2301-2302, no. 16, 2016. URL : https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2016-16-page-5.htm7 Définition de Ségrégation par Geoconfluences, 2015. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/segregation
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économiques. Nous chercherons à savoir si ce modèle s’exporte également dans la
France périurbaine, si ses lotissements sont bien enclavés et particulièrement
fragmentés, ou s’ils sont seulement des résidences pavillonnaires, certes sécurisées
mais non à vocation exclusiviste. Nous utiliserons principalement les études de
Renaud Le Goix, Eric Charmes et François Madoré sur la question de la
différenciation socio-spatiale en espace périurbain en France. Leurs termes
« quartiers fermés », « clubbisation » et « ubbiquité », respectivement, renvoient
tous au séparatisme socio-spatial conceptualisé dans ce mémoire. Partant du
constat de l’émiettement des villes françaises, la recherche démontre certes une
fragmentation sociale en milieu urbain, mais elle semble plus limitée qu’outre-
Atlantique. Cependant, les mêmes phénomènes d’entre-soi sont observés et de
multiples parallèles peuvent être établis. Néanmoins, les travaux sur les gated
communities à la française demeurent limités, rien que parce que l’on n’utilise
généralement pas cette expression, à caractère stigmatisant du point de vue
francophone. Nous étudierons le cas d’une résidence sécurisée en milieu périurbain
pour appuyer notre propos, dénommée le Hameau de Noailles, située à Talence, en
Gironde, grâce à un entretien semi-directif, sous un angle méthodologique
qualitatif (voir annexes 1, 2 et 4). Grâce à cette littérature universitaire et à cette
étude de terrain, nous envisagerons le séparatisme français périurbain comme un
désir d’entre-soi reproduit via le séparatisme physique des lieux de résidence, sans
la dimension de perpétuation des inégalités et de distinction sociale forte que l’on
retrouve dans le ségrégationnisme outre-Atlantique.
Cette géographique, cette histoire et ces études universitaires posent
question : Comment se manifeste la ségrégation socio-spatiale à l’étranger ? En
quoi est-elle réduite à l’état de séparatisme dans les lotissements français ? Quelles
sont les raisons de l’entre-soi ? Comment qualifier les effets de socialisation en
communauté fermée ? Comment l’architecture sécuritaire se développe-t-elle ? Par
quels moyens le gouvernement soutient-il ces initiatives privées ?
Ainsi, notre problématique sera la suivante : Dans quelle mesure peut-on
parler de séparatisme social dans la France péri-urbaine ? Autrement dit, nous
étudierons la tendance à la distinction, à la différenciation et à la fragmentation des
habitants de communes périurbaines.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 8
Nous soutiendrons que le constat de l’entre-soi en territoire périurbain
français est bien inévitable, mais qu’il doit être relativisé par rapport à l’extrême
cas nord-américain ou sud-américain. En effet, le séparatisme n’est peut-être pas
une volonté profonde ni consciente des individus concernés. Bien que les
dynamiques entre ces zones géographiques soient similaires, nous relèverons les
spécificités françaises de l’urbanisme séparatiste, permettant de se prononcer pour
une plus grande cohésion sociale et territoriale en France.
D’abord, nous étudierons l’histoire et la géographie des communautés
enclavées, aux Etats-Unis, puis en Amérique Latine et enfin en France. Nous nous
centrerons sur les évolutions particulières du cas français, afin de démontrer
qu’elles se démarquent des gated communities nord- et sud-américaines. Dans un
second temps, nous dresserons l’état des lieux de l’urbanisme séparatiste dans la
France périurbaine, du point de vue de l’offre des promoteurs privés et des
facilitations du secteur public, ainsi que du point de vue de la demande des
ménages rurbains, afin de déterminer si cet espace est réellement le théâtre de
l’entre-soi ou non.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 9
1ère Partie – Histoire et géographie des résidences enclavéesL’émergence de communautés résidentielles murées débute aux Etats-Unis, à
partir de l’industrialisation de la société des XIXème et XXème siècles, jusqu’à
devenir le modèle prééminent d’habitat et à promouvoir un modèle de gouvernance
privée, concurrent aux services publics. Un phénomène similaire peut être observé
dans les grandes villes de l’hémisphère Sud, soit des pays en développement où les
inégalités socio-économiques se répercutent sur l’organisation territoriale. En
France, nous démontrerons que les résidences enclavées existent, certes, mais sont
le résultat de phénomènes différenciés. En effet, elles prennent racine dans les
pratiques de la noblesse et de la bourgeoisie de vivre dans les quartiers les plus
huppés des villes depuis l’existence de cours royales. Les enjeux des lotissements
clôturés dans la France périurbaine actuellement s’inspirent donc de ce passé et
moins du modèle américain des gated communities, à l’inverse des métropoles du
Sud.
1. L’avènement des gated communities à l’étranger
D’abord en Amérique du Nord, puis en Amérique Latine et dans d’autres
pays émergents, les gated communities, soient les communautés résidentielles
closes, se répandent de façon exponentielle.
1.1. Les prémices étatsuniennes – Le commencement d’un urbanisme ségrégué
Le modèle des résidences clôturées et sécurisées semble prendre ses racines
aux Etats-Unis, sous le nom de gated communities. Elles apparaissent de façon
concomitante à l’apparition des banlieues, dite suburbanization. Ce phénomène est
le résultat de la modernisation et de l’industrialisation durant les XIXème et
XXème siècles. En effet, du fait de l’invention de nouveaux modes de transport, en
commun ou automobiles, les individus ayant les moyens de les utiliser déménagent
hors des villes, se démarquant ainsi de la classe sociale urbaine ouvrière et
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 10
précaire. Cela démontre que, d’emblée, les suburbs, ou banlieues, se construisent
en opposition aux villes. La culture de la mobilité en est une conséquence. Cet
urban sprawl, ou étalement urbain, débute dans la Sunbelt américaine, comme en
Californie, puis dans les larges aires métropolitaines, telles que New York et
Chicago8. D’ailleurs, la première gated community des Etats-Unis serait Llewellyn
Park, située dans l’Etat du New Jersey, à une vingtaine de kilomètres du cœur de la
ville de New York. Sur son site internet, on apprend qu’elle est fondée en 1857, à
destination des individus souhaitant se mettre en retrait des « désordres de la
ville » et de la « dégradation de leurs conditions de vie »9. Cela rappelle que le
choix d’un ménage de la vie en gated community est, dès les origines,
intrinsèquement lié à la réticence pour la ville.
Aujourd’hui, l’étalement urbain progresse fortement aux Etats-Unis et le
modèle des résidences enclavées se normalise. Edward Blakely et Mary Snyder en
comptent 20.000 en 1997 et un tiers des 140 projets immobiliers de l’Orange
County, en Californie, étaient murés en 198910. Par ailleurs, d’après les statistiques
de Renaud Le Goix, un tiers des gated communities sont destinées aux très riches
(33%), quasiment la moitié aux classes moyennes (49%) et une plus faible portion
aux ménages modestes et aux minorités ethniques (18%)11.
Edward Blakely et Mary Snyder dressent une typologie de ces gated
communities dans leur ouvrage et en mentionnent trois idéaux-types : les « lifestyle
communities », les « prestige communities » et les « security zone communities ».
D’abord, les « lifestyle communities » s’orientent principalement vers la sécurité et
les loisirs. Elles peuvent être de type « retirement community » pour des retraités
socialement aisés ou « golf and leisure community » si elles se promeuvent avant
tout les activités de golf ou de tennis. En outre, les « suburban new towns » sont de
8 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 1997
9 Site internet officiel de Llewellyn Park. URL : http://www.llewellynpark.com , consulté le 02 mars 2018
10 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 1997
11 Le Goix, Renaud, “Quartiers fermés, intérêts particuliers”, Urbanisme, n°337, 2004. URL :
https://www.urbanisme.fr/enclaves-residentielles/dossier-337/EDITO#article334
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l’échelle d’une ville et concentrent des espaces résidentiels et commerçants. Ces
villes fortifiées sont ultérieures aux résidences fortifiées.
Deuxièmement, les « prestige communities » sont habitées par des individus en
quête de contrôle de leur image sociale. Les « enclaves of the rich and famous »,
soit les quartiers pour riches et célèbres, sont les plus exclusives et cachées. On en
trouve de multiples à Hollywood, à Los Angeles en Californie, du fait de la
concentration de riches célébrités dans la zone. Les « developments for the top
fifth » sont des quartiers de populations très riches et homogènes, souvent de
cadres, offrant également des services et une architecture de prestige. Enfin, les
« executive home developments » sont des programmes immobiliers pour les
classes moyennes soucieuses de l’apparence et de la qualité de leur environnement
et en recherche de distinction sociale. On en retrouve beaucoup dans l’Orange
County de Californie, comme à Irvine, que nous détaillerons ensuite.
Le troisième idéal-type est celui des « security zone communities », qui regroupe
des sous-idéaux-types de « perch » selon les auteurs, littéralement de perchoirs.
Autrement dit, ces résidences sont un moyen pour les habitants de se rehausser des
alentours, de s’en protéger et d’en refuser l’accès à autrui. On retrouve ce type de
résidences à fortifications dans les aires métropolitaines majoritairement. Les
auteurs parlent de « city perch » pour les quartiers fortifiés au cœur de grandes
villes, comme Los Angeles et Washington, de « suburban perch » pour les
banlieues et de « barricade perch » lorsqu’une rue est barricadée par ses résidents
volontairement, type cul-de-sac, afin d’en restreindre l’accès 12.
De cette diversité de résidence enclavées, on peut déduire différentes
raisons d’ériger un mur entre sa résidence et l’extérieur. L’argument le plus
fréquent est la sécurité, la protection face à la criminalité propre aux villes. Mais il
n’est qu’une excuse, que le fruit d’un ressenti, car les statistiques ne montrent pas
une hausse empirique de la criminalité13. Par ailleurs, on remarque souvent les
habitants de gated communities motiver leur choix pour la qualité de vie et
l’esthétisme des lieux, comme c’est le cas des « prestige communities ». Les parcs
arborés et entretenus, l’architecture décorative des maisons, sont alors essentiels 12 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 1997
13 Low, Setha M., “Construire l'exclusion à travers les communautés fermées”, Les Annales de la recherche urbaine,
Volume 93, n°1, 2003. URL : http://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_2003_num_93_1_2493
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pour les habitants. De même, les acheteurs peuvent être attirés par l’offre de
services propre aux gated communities, souvent tournée vers les loisirs. On y
observe fréquemment des piscines, des terrains de golf et de tennis, des salles et
sport … Elles s’apparentent, dans ce cas, aux « lifestyle communities »14.
Néanmoins, dans les faits, les promoteurs ne mettent pas tant en avant la
sécurisation, l’esthétisme et le divertissement. En effet, ils font surtout la
promotion de la « communauté » et du mode de vie allant avec l’installation dans
ce genre de quartier. Pour Edward Blakely et Mary Snyder, une communauté
repose sur cinq aspects essentiels : le partage du territoire, le partage de valeurs,
l’appartenance à la même sphère publique, des structures de support en commun et
un destin de groupe15. Chez Joel Garreau, la définition de communauté varie et
s’explique surtout par sa différenciation avec les autres formes d’organisation
possibles. En effet, les communautés sont plus qu’un voisinage, bien différentes
d’un gouvernement local, car fondées sur une identité de groupe, un puissant
sentiment d’appartenance et le choix volontaire des membres de les rejoindre. Dès
lors, une communauté établit une dichotomie entre « nous », présents derrière ses
murs, et « eux », à l’extérieur. Pour l’auteur, la communauté est même un moyen
de dépasser l’individualisme et l’anonymat des sociétés modernes, une façon pour
les individus de se lier plus étroitement16. Les promoteurs immobiliers jouent donc
sur ce profond désir de communauté et insistent sur le système idéal que représente
la vie en gated community. Les Américains rechercheraient la communauté idéale
depuis l’arrivée des Pèlerins sur le continent au XVIIème siècle 17, ils trouvent
enfin une façon de pratiquer leur mode de civilisation dans ces résidences
séparatistes. Joel Garreau prend l’exemple de la ville d’Irvine, en Californie du
Sud, dans l’Orange County, pour illustrer sa vision de la communauté. Cette ville,
comportant de multiples résidences clôturées, est, selon lui, plus qu’un suburb, car
elle est habitée par des personnes volontaires et se sentant y appartenir. Irvine est,
en grande partie, construite par la Irvine Company. Le fils du vice-président,
Nielsen, dit : « Nous allons construire cette chose parfaite pour vous. Nous ne vous
connaissons pas, mais nous savons comment vous êtes et nous savons que vous 14 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 199715 Idem16 Garreau, Joel, Edge City. Life on the new frontier, 1991
17 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 1997
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allez l’apprécier »18. Cette citation reporte donc le fait que les promoteurs
cherchent à répondre à l’attente de communauté idéale des Américains. Même si
les gated communities se ressemblent souvent, vues de l’extérieur, chacune est
empreinte d’un fort sentiment d’appartenance et de reconnaissance.
Résulte de la construction de multiples gated communities aux Etats-Unis
un phénomène de privatisation de l’espace public et surtout de son contrôle social.
En effet, puisque les individus cultivent l’entre-soi et ont recours aux
aménagements des promoteurs immobiliers pour la sécurisation de leur cadre de
vie, les pouvoirs publics ne jouent plus leur rôle régulateur. Le modèle de Charles
Tiebout, développé dans les années 1950 et appliqué aux banlieues américaines,
explique ce principe. D’après lui, l’installation d’un ménage américain en banlieue
est motivé par le cocktail de services et d’équipements offerts par la municipalité
et les promoteurs immobiliers. De fait, ils se comportent davantage comme des
consommateurs que comme des citoyens dans leur environnement et le politique
perd de son influence face aux habitudes consuméristes. Donc, puisque les
habitants sont considérés comme des consommateurs, ils sont filtrés par le prix
d’achat de leur logement. Dès lors, on peut considérer les villes clôturées
américaines comme des biens de club, c’est-à-dire, en économie, des biens
collectifs dont les mauvais payeurs peuvent être exclus 19. Cette gouvernance via le
prix par des citoyens-consommateurs est la première forme de contrôle social
exercée par les gated communities à la place des pouvoirs publics. En règle
générale, ce sont les Homeowners’ Associations (HOAs) qui en endossent la
responsabilité. Non seulement ces associations de riverains entretiennent les rues,
les trottoirs, les services et les équipements, mais aussi elles exercent une forme de
gouvernance. En effet, les gouvernements locaux les soutiennent dans leur
démarche de réhabilitation de la ville, d’autant qu’ils abandonnent progressivement
l’espace public. Elles peuvent même collecter des impôts pour leur action dans
l’Etat de Californie. De facto, elles sont souvent décrites comme
18 “We’re going to build this thing that is perfect for you. We haven’t met you but we know what you’re like and we
know you’re going to like it here”. Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the
United States, 1997, p.26719 Charmes, Eric, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, 2011. URL :
https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/la-ville-emiettee--9782130587767.htm
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 14
des « gouvernements privés », fruits de la privatisation de la gouvernance
résidentielle. Néanmoins, leur type de gouvernance fait défaut de démocratie car,
au sein du comité de gestion de la résidence, tous les foyers possèdent un vote,
sans considération du nombre d’individus dans le ménage. Par ailleurs, les HOAs
ne se contentent pas d’exercer un contrôle social à l’extérieur dans les espaces
communautaires. Elles établissent aussi un règlement strict à respecter pour les
riverains, allant jusqu’à restreindre les choix de peinture de porte d’entrée, exclure
les animaux de compagnie, défendre de faire sécher son linge au balcon ou à la
fenêtre ou encore interdire certains meubles qui peuvent être vus par l’extérieur
depuis la fenêtre20. On peut qualifier le comportement des HOAs de community
policing. Cela signifie que la co-surveillance est leur nouveau moyen de maintenir
la sécurité de la communauté dans son espace, au lieu de faire appel au contrôle
des pouvoirs publics21. En fait, ces HOAs pratiquent une forme de NIMBY. Ces
initiales signifient « not in my backyard » ou « pas dans mon jardin ». Ce
mouvement regroupe des opposants à tous types de projets pouvant amoindrir leur
qualité de vie et la valeur immobilière de leur propriété. Généralement, dans le cas
des gated communities, la raison d’une contestation NIMBY va à l’encontre des
populations pauvres et des minorités ethniques. Pour confirmer l’abandon de la
sphère publique de ces espaces aux HOAs, nous pouvons ajouter que de multiples
lois américaines aident à l’émergence de « gouvernements privés ». Par exemple,
les trespass laws, interdisant la pénétration d’autrui sur une propriété privée,
autorisent les individus à planter des panneaux rappelant les sanctions encourues
par la violation de propriété privée devant leur terrain. Sur le même principe, les
park exclusion laws excluent des parcs les sans-abris, les drogués … Les off-limits
orders sont plus généraux et excluent certains individus, toujours les plus pauvres
et marginalisés, de certains espaces, ceux occupés par les classes aisées des gated
communities22. Par ailleurs, la pratique de l’exclusionary zoning est très fréquente
20 Blakely, Edward et Snyder, Mary, Fortress America. Gated communities in the United States, 1997
21 Garnier, Jean-Pierre, “Un espace indéfendable. L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire”, Laboratoire
d’Urbanisme Insurrectionnel, 2015. URL : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/05/urbanisme-
anti-insurrectionnel.html 22 Porcu, Manula, « Gated communities et contrôle de l’espace urbain. Un état des lieux », Déviance et société, vol. vol.
37, no. 2, 2013. URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/revue-deviance-et-societe-2013-2-page-229.htm
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aux Etats-Unis. Elle consiste en la séparation entre les terrains à destination des
ménages modestes et les propriétés des ménages aisés. En conséquence, les
opportunités de travail, les écoles réputées et les services de qualité sont seulement
accessibles aux classes sociales supérieures, sous prétexte de la sauvegarde de
parcelles moins chères pour les couches populaires de la population. Ainsi, les lois
américaines incitent à la ségrégation urbaine et à la privatisation du contrôle
social, via le relais des résidents eux-mêmes.
Nous avons démontré que les gated communities américaines sont
progressivement devenues une norme en urbanisme et qu’elles impactent même les
modes de gouvernance, en passant de la sécurité publique à une sécurisation de
l’espace public par le secteur privé.
1.2. L’exportation du modèle dans les pays en développement – L’amplification du phénomène sécuritaire
Après avoir compris les dynamiques de la ségrégation urbaine américaine,
nous allons maintenant voir comment elles se sont exportées dans les pays
émergents du Sud. En effet, on constate des similarités architecturales entre ces
deux zones géographiques, principalement pour les métropoles des pays du Sud
marquées par de profondes inégalités, où le désir d’entre-soi propre aux gated
communities étatsuniennes est aussi prégnant. De même, les politiques publiques
en œuvre dans ces métropoles du Sud facilitent la gouvernance privée des
populations aisées sur leur territoire urbain.
Néanmoins, nous pouvons remarquer certaines différences entre le modèle
d’Amérique du Nord et le modèle d’Amérique du Sud. En effet, les inégalités sont
encore plus profondes dans cette seconde zone géographique, si bien que les
populations ouvrières sont par défaut exclues des espaces formels, où elles n’ont
pas les moyens financiers de payer un loyer. Ainsi, les populations aisées n’ont pas
directement besoin de construire des communautés enclavées pour atteindre
l’entre-soi, puisque les classes sociales inférieures qu’elles évitent quittent la ville
d’elles-mêmes. Ces dernières vivent dans des quartiers informels, en auto-
construction, très insalubres et où la criminalité est effectivement plus élevée.
L’accès à l’eau courante et à l’électricité n’y est pas répandu. Nous pouvons citer
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 16
les exemples des favelas et cortiços de Sao Paulo, d’après Teresa Caldeira. Les
favelas sont bâties en périphérie, tandis que les cortiços sont dans les centres-
villes, mais les deux types de quartiers informels sont éloignés des quartiers
privilégiés de Sao Paulo. En conséquence de ces inégalités, particulièrement depuis
les années 1980, les ménages les plus riches vivent en gated communities. Leur
principal but est de se démarquer du chaos urbain propre aux favelas et cortiços, si
bien qu’ils sont sensibles au discours sécuritaire des promoteurs immobiliers et au
fait qu’ils leur promettent un style de vie différencié des couches inférieures de la
population. In fine, cette forme de gouvernance séparatiste renforce les inégalités
et la ségrégation à Sao Paulo, car les clôtures justifient les stigmas et les
sentiments d’insécurité en défaveur des classes ouvrières isolées 23. Ainsi, l’entre-
soi à Sao Paolo et plus généralement dans les grandes villes d’Amérique du Sud est
plus sujet aux inégalités et à l’enjeu d’insécurité qu’aux Etats-Unis et la pauvreté
semble y être encore plus stigmatisée et recluse.
La tendance ségrégationniste dessinée pour les pays du Sud d’Amérique
Latine varie dans les autres pays en développement. Les rivalités interethniques se
répercutent radicalement plus sur la profondeur des inégalités. En effet, les
minorités ethniques sont généralement les populations les plus défavorisées. Elles
sont d’ailleurs préjudicées par les politiques publiques, car le pouvoir est souvent
aux mains de dirigeants issus de l’ethnicité la mieux lotie et la plus puissante.
Nous prendrons l’exemple de Johannesburg en Afrique du Sud, développé par
Scott Bollens dans Cities and Soul in Divided Societies24. L’Afrique du Sud subit
l’impact de l’apartheid, c’est-à-dire du régime de séparation selon le critère de
couleur de peau, en vigueur de 1913 à 1991. La politique ségrégationniste avait un
rayonnement jusqu’en urbanisme, si bien que Johannesburg est divisée en quartiers
pour blancs, souvent les plus aisés, et en quartiers pour noirs, les plus modestes,
tels que Alexandra et Soweto. L’héritage de l’apartheid est toujours d’actualité.
Malgré les efforts des politiques post-apartheid à Johannesburg à partir de 1995, le
manque de cohésion sociale et de redistribution des ressources y perdure. Ainsi, les
politiques passées activement ségrégationnistes forgent le paysage urbain et les
mentalités. On apprend de Johannesburg que les inégalités économiques et les 23 Caldeira, “Fortified enclaves: the new urban segregation”, Public Culture, The University of Chicago Press, 1996
24 Bollens, Scott, Cities and Soul in Divided Societies, 2011
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 17
inégalités en termes de logement sont en fait le fruit des divisions ethniques entre
noirs et blancs de l’apartheid. Le manque de services publics et d’investissement
dans les quartiers des populations noires jusqu’en 1991 se ressent toujours
actuellement et les disparités ne s’équilibrent que sur le long terme. Contre le
ségrégationnisme urbain, Scott Bollens propose, entre autres, plus de démocratie
locale participative, afin de réunir les divers groupes sociaux et de les associer au
processus de décision public25. En conclusion, le séparatisme socio-spatial en
Afrique du Sud comporte le trait commun avec les Etats-Unis de l’entre-soi et du
désir d’homogénéité sociale, mais il est accentué sur l’ethnicité des habitants. Par
ailleurs, on remarque particulièrement à Johannesburg le poids des politiques
publiques dans le processus de fragmentation socio-spatiale et l’héritage qu’elles
laissent sur la ville et sa population.
Les métropoles des pays du Sud partagent donc des similarités avec les
enjeux des gated communities américaines, principalement le désir d’entre-soi,
avec tout de même des particularités selon l’histoire et la géographie du lieu. Par
exemple, l’impact de la pauvreté est très important en Amérique Latine, tandis que
la dimension ethnique est plus appuyée en Afrique du Sud. Nous verrons comment
le modèle des gated communities s’exporte en France et quelles en sont les
adaptations.
2. Les évolutions de la fragmentation socio-spatiale à la française
En France, la division de l’espace entre classes sociales est une réalité et on
observe bien des résidences clôturées destinées aux populations privilégiées depuis
la monarchie. Cette histoire particulière laisse une trace sur le paysage urbain
français et sur les habitudes des propriétaires français, si bien que l’équivalent des
gated communities américaines en France – que l’on ne nomme d’ailleurs pas ainsi
– se fondent sur des dynamiques différenciées, que nous expliciterons.
Actuellement, les lotissements clôturés se multiplient dans la France périurbaine,
25 Bollens, Scott, « Role of public policy in deeply divided cities: Belfast, Jerusalem and Johannesburg », dans T. Sisk, I. Koryakov (Eds.), Democracy At The Local Level: The International IDEA Handbook on Participation, Representation, Conflict Management, and Governance. (pp. 82-89). Stockholm: Institute for Democracy and Electoral Assistance, 2001
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 18
mais l’esprit d’exclusivisme et la gouvernance privée diffèrent sensiblement des
dynamiques étrangères.
2.1. Des racines historiques – Une longue histoire de la fragmentation urbaine en France
Nous chercherons à dresser une chronologie de l’habitat muré et socialement
supérieur en France, afin de déterminer en quoi ces évolutions spécifiques
impactent le paysage urbain français actuellement.
Il est difficile de retracer un historique de l’émergence des résidences
clôturées et sécurisées en France, car jamais on n’y a parlé ouvertement de gated
communities comme aux Etats-Unis ou en Amérique Latine. De fait, les recherches
sur ce type de résidence en France sont encore limitées 26. Il semble que la division
de l’espace a suivi la division en classes sociales à partir de l’Ancien Régime et de
l’emménagement de la cour du roi Louis XIV à Versailles. En effet, c’est à cette
période qu’est construit le château de Versailles, destiné à loger les proches de la
famille royale, et que les nobles voulant se rapprocher du château ont fait
construire leur propre hôtel particulier dans la ville. C’est d’ailleurs ce que Norbert
Elias explique dans La Société de cour. Il y distingue les « appartements de
parade » et les « appartements de société », l’un servant aux réceptions mondaines
et l’autre aux réceptions intimes. La multiplication des appartements de parade
prouve bien qu’un noble reflète sa position sociale à son entourage via son lieu de
vie. Norbert Elias effectue un parallèle entre le luxe de ces résidences et l’effet
Veblen, autrement dit la consommation ostentatoire : « Dans une société où chaque
attitude d’un individu a une valeur de représentation sociale, les dépenses de
prestige et de représentation des couches supérieures sont une nécessité à laquelle
on ne peut se soustraire. Elles sont un instrument indispensable d’auto-affirmation
sociale, surtout quand une compétition continuelle pour les chances de rang et de
prestige tient en haleine tous les intéressés, comme c’était le cas dans la société de
cour »27. De même, l’auteur rappelle que ce type d’habitation ostentatoire a aussi
pour but de se différencier des couches inférieures de la population, en opposant la 26 Billard, Gérald, et alli, (dir.), Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en
Amérique du Nord, Presses universitaires de Rennes, 200527 Elias, Norbert, La Société de cour, Flammarion, 2008, pp.42-43
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 19
beauté de ces hôtels particuliers aux principes de construction de la plupart des
maisons, relevant de la « symétrie, solidité, commodité, économie » d’après
L’Encyclopédie28.
La logique des nobles d’habiter « entre-soi » semble s’être poursuivie dans
les décennies suivantes en Île-de-France. En 1892 est construit le parc Montretout
à Saint Cloud, soit la première résidence fermée de France 29. Le même phénomène
d’agglomération peut s’observer à Versailles, Neuilly-sur-Seine, au cœur de Paris
comme dans le Marais etc. Le fait que ces résidences soient toujours occupées
aujourd’hui par le même type de population, c’est-à-dire par la classe supérieure de
la population, souvent avec des origines sociales nobles, contribue au fait que ces
banlieues parisiennes soient toujours considérées comme huppées actuellement.
Les études de Michel Pinçon et de Monique Pinçon-Charlot rendent d’ailleurs
compte de ce phénomène, à Neuilly-sur-Seine majoritairement. Les lotissements
chics construits dans cette ville de banlieue parisienne à partir du XIXème siècle,
dans le but de préserver l’esthétisme et l’hygiénisme qui y avaient débuté, se
soustraient à des règles d’urbanisme très strictes. Cela marque la différenciation
sociale visuellement, comme des espaces privilégiés uniquement accessibles à un
certain groupe. De plus, ce groupe y dispose d’équipements propres, comme des
clubs privés au sein du bois de Boulogne, dénommés « Cercles », concédés par la
ville de Paris et transformés en espaces discrets et clos. De même, les écoles de
Neuilly-sur-Seine, même publiques, s’apparentent à des espaces sous contrôle, car
le niveau y est très exigeant, maintenu par des familles menaçant les enseignants
de transiter vers l’enseignement privé et car que les parents n’y inscrivent leurs
enfants que parce qu’ils savent que la fréquentation respecte leur désir d’entre-soi.
L’organisation spatiale de Neuilly-sur-Seine est donc très surveillée. La loi relative
à la Solidarité et au Renouvellement Urbains dite « loi SRU » de 2000 impose un
quota de logements sociaux de 20% que Neuilly-sur-Seine n’a pas respecté et elle a
même préféré payer une pénalité de 800 000€ pour cela en 2004, car son taux
n’atteignait que 2,6%30. Ainsi, cette ville est un espace de ségrégation spatiale
assumée et entretenue. Cela favorise l’homogénéité sociale entre les habitants, la
28 Elias, Norbert, La Société de cour, Flammarion, 2008, p.2529 Porcu, Manuela, « Gated communities et contrôle de l’espace urbain. Un état des lieux », Déviance et Société, vol. vol. 37, no. 2, 2013. URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/revue-deviance-et-societe-2013-2-page-229.htm30 Pinçon, Michel, Les ghettos du gotha, Points, 2010
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 20
fondation d’un réseau d’interconnaissances, donc une certaine impression de
« village », ce qui cultive leur attachement à leur lieu de vie. Les auteurs
affirment : « La ségrégation spatiale, dans les beaux quartiers, ce n’est pas
seulement l’exclusion, le rejet des familles modestes, mais c’est aussi le
rapprochement, l’agrégation de familles socialement proches, que tout porte à
entretenir de bonnes relations »31.
La rénovation de Paris par le baron Haussmann, survenue de 1852 à 1870
sous le Second Empire de Napoléon III, porte également la logique d’entre-soi par
classe sociale. La commande de l’Empereur était de rompre avec « les traditions
révolutionnaires du peuple de la capitale »32, source d’incivilité et d’insécurité. Dès
lors, ces grandioses bâtiments amènent une population plus aisée dans la capitale,
harmonisent son architecture et en font un espace sécuritaire. Depuis, l’élite
urbaine, par instinct de ségrégation, habite les « beaux quartiers »33. On retrouve
bien la même logique dans l’aménagement de la France périurbaine actuelle.
L’attrait croissant pour l’immobilier urbain du XVIIème au XIXème siècles
dont nous avons rendu compte voit l’émergence d’une classe de « petits
propriétaires ». La propriété peut se définir comme « une certaine manière
d’épargner et de concentrer ses efforts en vue de l’acquisition d’un chez-soi, une
manière de placer son bien et de gérer son patrimoine, une manière d’hériter et de
transmette, une manière de marquer sa réussite sociale et de se distinguer
socialement », d’après Hélène Michel34. Autrement dit, la propriété peut faire
partie de l’identité d’un individu et le patrimoine immobilier est également un
moyen de démontrer son appartenance sociale puis de la transmettre. De plus,
Hélène Michel distingue plusieurs valeurs propres aux propriétaires en général,
telles que l’attachement à des règles destinées à conservation et la valorisation du
patrimoine, le sens du placement à long terme et sur plusieurs générations, la
revendication d’avantages fiscaux ou de droits à la propriété à l’Etat … Ces
31 Pinçon, Michel, Dans les beaux quartiers, Seuil, 1989, p.4232 Garnier, Jean-Pierre, “Un espace indéfendable. L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire”, Laboratoire Urbanisme
Insurrectionnel, 2015. URL : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/05/urbanisme-anti-
insurrectionnel.html 33 Dunne, John et Janssens, Paul, Living in the City : Elites and their Residences, 1500-1900, Brepols, 2008, p.11
34 Michel, Hélène, La cause des propriétaires, 2006, pp.283-284
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 21
valeurs et revendications démontrent que la propriété est, en somme, un moyen de
jouer un rôle dans l’économie et dans la société35. On peut donc représenter les
propriétaires à travers leur identité, fortement rattachée à leur bien immobilier. Les
interactions entre propriétaires consolident cette vision et ces valeurs ont vocation
à être transmises intergénérationnellement. De cette façon, la classe des « petits
propriétaires » se distingue des autres classes sociales et cela peut être l’une des
racines de l’exclusivisme des résidences de la France péri-urbaine.
Ces valeurs semblent être encore plus prégnantes chez les propriétaires
nobles, dont l’identité et le patrimoine précisent leur capital social et leur capital
symbolique. En effet, le capital social désignant « l'ensemble des ressources
actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d'un réseau durable de
relations plus ou moins institutionnalisées d'interconnaissance ; ou, en d'autres
termes, à l'appartenance à un groupe » selon Pierre Bourdieu36, la propriété
immobilière est une façon pour la noblesse de se regrouper, de renforcer ses liens
de classe sociale et de démontrer son identité de classe. De plus, ce capital social
conduit à un capital symbolique, c’est-à-dire que le partage du capital immobilier
accorde une garantie de reconnaissance aux membres d’un même groupe. Lesdites
« mondanités » sont un moyen pour les nobles d’entretenir leur capital social ;
elles comprennent la participation à des dîners, fêtes, cérémonies, clubs et
associations etc. Pour eux, la perpétuation de l’histoire et des traditions familiales
est essentielle et c’est pourquoi vivre, de génération en génération, dans la même
zone géographique, voire la même demeure, compte grandement 37. Les villas, en
banlieue urbaine, sont comme une reproduction de la vie de château que menaient
les ancêtres de nobles38. De même, dans les « beaux quartiers », les espaces verts
permettent de faire écran à l’insalubrité des villes et remplissent la fonction des
murs des gated communities39. Ces parcs et l’architecture décorative servent à créer 35 Michel, Hélène, La cause des propriétaires, 2006, p.284
36 de Saint-Martin, Monique, L'espace de la noblesse, Editions Métailié, 1993. URL :
https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/l-espace-de-la-noblesse--9782864241412.htm37 Idem
38 Brelot, Claude-Isabelle, « L’espace résidentiel des élites dans la France post-révolutionnaire (1800-1914) », dans
Living in the City : Elites and their Residences, Brepols, 2008, p.15539 Brelot, Claude-Isabelle, « L’espace résidentiel des élites dans la France post-révolutionnaire (1800-1914) », dans
Living in the City : Elites and their Residences, Brepols, 2008
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 22
des « cartes mentales » parmi les habitants d’une même ville, à intégrer
mentalement quel type de population habite par quartier, à ségréger socialement et
géographiquement la ville40. Pour conclure, l’immobilier est une démonstration de
classe sociale, une démarcation entre classes. La noblesse, en démontrant le
prestige de sa demeure, démontre également sa supériorité au sein de la société.
Dès lors, la propriété nobiliaire est source de séparatisme spatial et sociétal.
Pour finir, la noblesse bâtit des demeures murées et exclusivistes à partir du
XVIIème siècle et ces habitudes se transmettent aux générations ultérieures
françaises, si bien que l’habitat français est, en effet, fragmenté entre classes
sociales supérieures et classes sociales inférieures. Cette particularité historique est
à prendre en compte dans l’analyse de l’émergence de dites gated communities au
sein des lotissements périurbains.
2.2. L’actualité de l’habitat clôturé dans la France périurbaine – La permanence de séparations territoriales
Nous verrons que l’on observe aujourd’hui un développement des résidences
clôturées et sécurisées dans les zones périurbaines françaises, fruit de dynamiques
spécifiques, comparativement à celles des Etats-Unis ou des pays du Sud.
Ces dernières se sont développées en France à partir des années 1960. Selon le
magazine en ligne Geoconfluences, “on comptait plus de 14 millions de
périurbains lors du recensement de 2008, soit 23.8 % de la population de la France
métropolitaine”41. L’INSEE définit une commune périurbaine selon sa population
résidente et employée, qui doit pour au moins 40% travailler dans le pôle urbain 42.
Ainsi, une commune périurbaine est surtout définie par son éloignement avec
l’agglomération et est le résultat de l’étalement urbain.
Ce phénomène produit des mobilités quotidiennes entre une ville centrale et les
communes agglomérées dans ses alentours, que l’on nomme « mobilités
40 Thompson, Victoria, « Les bonnes adresses : mapping the Urban Elite in Revolutionary Paris”, Living in the City :
Elites and their Residences, Brepols, 2008, p.13741 Définition de périurbain par Geoconfluences. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/periurbain , consulté le
18 novembre 201742 Définition de périurbain par Geoconfluences. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/periurbain , consulté le
18 novembre 2017
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 23
pendulaires »43 ou encore « navettes »44, du domicile vers le travail tous les matins
et inversement en fin de journée ouvrée. Selon Hadrien Commenges et Julie Fen-
Chong , les heures de pointe sont « dimensionnantes » pour l’espace45. Dès lors,
l’automobile occupe une place centrale dans l’organisation des habitants des
communes périurbaines et constitue l’un des principaux objets de critique des
périphéries urbaines46.
Par ailleurs, on observe au sein de l’espace périurbain des surfaces
commerciales, des zones d’activité, ainsi que des formes d’habitat diversifiées
selon la classe sociale de ses occupants, mais généralement fermées sur elles-
mêmes. En effet, on distingue une forte présence de cités, destinées aux couches
populaires de la population, des lotissements pavillonnaires, où vivent les classes
moyennes, ainsi que des résidences clôturées et sécurisées, appartenant par aux
plus aisés. Pour chacun des trois sortes d’espace périurbain, la façon de se
distinguer et de se séparer de l’extérieur est différente. La clôture est souvent un
simple grillage ou une haie chez les catégories populaires et moyennes-inférieures,
puis devient une grille, au moins entre la rue et le jardin, chez les bourgeois 47.
Cette typologie amène aux autres grandes critiques adressées aux périphéries
françaises. Leur configuration affiche un esthétisme très uniforme, est
démesurément consommatrice d’espaces agricoles pour les défenseurs de
l’environnement et sacrifie les espaces publics au profit de l’entre-soi d’un point
de vue socio-politique. En somme, l’habitat de France périurbaine séparatiste
constitue une nouvelle forme d’organisation urbaine.
Les critiques de cet habitat peuvent être dues aux comparaisons de certains
avec le modèle américain des gated communities, que nous avons développé dans
43 Idem
44 Commenges Hadrien, Fen-Chong Julie, “Navettes domicile-travail : naissance et développement d’un objet statistique
structurant”, Annales de géographie, 2017. URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/revue-annales-de-
geographie-2017-3-page-333.htm45 Idem
46 Définition de périurbain par Geoconfluences. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/periurbain , consulté le
18 novembre 201747 Floch, Jean-Michel et Levy, Daniel, “Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010. Poursuite de la périurbanisation et
croissance des grandes aires urbaines”, INSEE, 2010. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281046 , consulté le 18
novembre 2017
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 24
la sous-partie précédente. Certains des premiers lotissements s’inspirent du style
de vie à l’américaine dans les gated communities. On peut ici citer le travail de
William Levitt, considéré comme le fondateur de l’Amérique suburbaine telle que
fragmentée aujourd’hui. Effectivement, les surnommées « Levittowns » sont des
lotissements, caractérisés par leur similitude et par le fait qu’ils pourraient être
installés dans n’importe quel espace vide de banlieue, où ses habitants peuvent
travailler et consommer. Ainsi, selon Fanny Taillandier, les Levittowns sont une
« utopie » au sens de Thomas Moore, qui, dans Utopia de 1516, affirme que :
« Qui connaît cette ville les connaît toutes, car toutes sont exactement semblables,
autant que la nature du lieu le permet » et enseigne que « C’est un lieu qui n’est
nulle part – tel est le sens étymologique – et dont les règles sont créées avec lui.
C’est un lieu qui tourne le dos au mouvement de son époque. C’est un lieu, enfin,
dont l’abstraction multiple et essentielle fait un terrain particulier, où l’application
d’un règlement systématique radicalement neuf est possible – où, donc,
l’expérimentation politique est envisageable. L’utopie est un territoire inédit,
expérimental, qui se proclame par les pierres et par les lois ». Par ailleurs, « le
lotissement est aussi une utopie comme lieu clos, séparé du reste, indépendant »48.
Les Levittowns débutent par la ville homonyme, proche de Long Island, dans l’Etat
de New York, dans les années 1940, puis le fondateur développe ce modèle
standard aux Etats-Unis, avant de l’exporter en France, à la Résidence du Parc de
Lésigny, entre Roissy et Orly, en Seine-et-Marne, surtout peuplée par le personnel
des aéroports. Puisque leurs habitants y sont surtout pour en partir afin de travailler
et consommer, on les décrit souvent comme vides d’âme. Elles produisent donc
bien une fragmentation de l’espace.
Néanmoins, l’exportation du modèle en France reste à relativiser, grâce à
l’action de l’Etat-providence. En effet, la principale raison de la fragmentation de
l’espace par les gated communities aux Etats-Unis est qu’elles procurent seules
tous les services dont les individus ont besoin, si bien qu’il n’y a plus lieu de sortir
dans l’espace public, ce qui le rend même de moindres attrait et qualité, voire
menaçant. Or, en France, les équipements du service public demeurent des
48 Taillandier, Fanny, « Banlieues françaises / Le lotissement comme utopie. Pour une appropriation littéraire et
philosophique du lotissement Levitt et de ses avatars », Urbanités, 2015. URL : http://www.revue-urbanites.fr/le-
lotissement-comme-utopie-pour-une-appropriation-litteraire-et-philosophique-du-lotissement-levitt-et-de-ses-avatars/
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 25
nécessités pour les individus, si bien que la mixité sociale dans l’espace public
persiste, d’après François Madoré49. Nous ne sommes donc pas encore dans la
même économie de club que dans l’Amérique suburbaine. Selon Charles Tiebout, à
l’inverse des services produits par l’Etat-providence, le marché immobilier
résidentiel repose sur une offre étendue de services et équipements offerts par la
municipalité, ce que transforment les individus américains en consommateurs de
biens de club de leur résidence et non plus en citoyens50. Ils deviennent même
méfiants de l’espace extérieur, comme nous l’avons précédemment développé (voir
1ère sous-partie de la 1ère partie). En revanche, l’espace public français est toujours
fréquenté par des personnes qui ont les moyens de vivre dans une zone enclavée
tout comme par des personnes qui n’y ont pas accès, ce qui conduit au fait que la
France périurbaine n’est pas soumise à la même économie de club et à la même
fragmentation qu’aux Etats-Unis.
Comme mentionné, les cités populaires font partie de l’urbanisme sécuritaire de
la France périurbaine. En effet, la bétonnisation des quartiers observée lors de la
construction massive de logements sociaux dans les années 1970 fait penser à
l’architecture militaire ou hygiéniste, c’est-à-dire à une approche de
l’environnement humain pour son assainissement. En effet, les cités étaient
“censées assainir les corps des prolétaires en même temps que leurs esprits” 51, mais
elles sont aujourd’hui le lieu de tensions, de délinquance, voire de criminalité.
L’une des raisons de la transformation de ces cités en quartiers sensibles pourrait
être leur isolement du reste de la ville. Aujourd’hui, les politiques publiques
cherchent à mettre fin à l’enclavement et à la ségrégation de ces espaces, à inciter
la circulation dans l’espace public. La construction de centres commerciaux dans
ces zones, par exemple, est l’un des moyens privilégiés d’atteindre leur
49 Madoré, François, « La France : des territoires en mutation. Nouveaux territoires de l'habiter en France : les enclaves
résidentielles fermées », Geoconfluences, 2006. URL :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/doc/territ/FranceMut/FranceMutScient.htm , consulté le 18 novembre
201750 Charmes, Eric, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbain , Presses Universitaires de France, 2011.
URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/la-ville-emiettee--9782130587767.htm 51 Garnier, Jean-Pierre, « Un espace indéfendable. L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire », Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel, 2015. URL : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/05/urbanisme-anti-insurrectionnel.html
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réappropriation. Cette situation souligne l’une des limites de la résidentialisation et
du séparatisme urbain, en défaveur des couches populaires.
En définitive, l’espace français périurbain est en pleine réorganisation et
restructuration et des gated communities ou Levittowns tendent à apparaitre.
Néanmoins, la permanence de l’Etat providence en France, entre autres, permet d’y
relativiser la privatisation de la gouvernance de l’espace public, tant et si bien que
les résidences clôturées que l’on y trouve ne constituent pas un modèle aussi
homogène et séparatiste qu’outre-Atlantique.
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2ème Partie – Sociologie des résidences enclavées des classes moyennes périurbainesDans cette seconde partie, nous étudierons la sociologie des habitants issus des
classes moyennes de lotissements sécuritaires de la France périurbaine aujourd’hui.
Nous prendrons l’exemple du Hameau de Noailles (voir annexes 1, 2 et 4). Nous
verrons comment les promoteurs immobiliers promeuvent de plus en plus la
sécurité et un style de vie entre-soi au sein des lotissements neufs des banlieues et
dans quelle mesure cette offre correspond bien à la demande des classes moyennes
françaises. Néanmoins, nous déterminerons en quoi ces dynamiques sont
singulières des enjeux nord-américains et du Sud et pourquoi le désir d’entre-soi
est qualitativement distinct.
1. La multiplication de l’offre sécuritaire privée – L’organisation d’un cadre de vie en rupture
Les statistiques prouvent la montée de programmes immobiliers mettant en
avant la sécurité, d’où une forme d’exclusivisme social dans ces quartiers. De
même, le secteur public semble soutenir la passation au secteur privé de la
sécurisation de l’espace. Cependant, il faut mesurer le propos de fragmentation
entre classes sociales, car l’Etat français et la citoyenneté française demeurent
contraires au séparatisme territorial.
Dans la France périurbaine actuelle, 90% des logements sont individuels et
50% d’entre eux se situent en lotissement, souvent construits par des promoteurs 52.
Afin d’y dresser un état des lieux de l’urbanisme sécuritaire, nous pouvons nous
servir du recensement effectué par François Madoré en 2007 - bien qu’il date de
onze ans désormais. Le chercheur a identifié parmi les publicités pour programmes
immobiliers sur le Web les mots clés « Ensemble clos, clôturé, fermé, protégé,
52 Ruggieri, Charlotte, « Banlieues françaises / entretien : les lotissements pavillonnaires du périurbain, des « hlm à plat
» ? », Urbanités, 2015. URL : http://www.revue-urbanites.fr/les-lotissements-pavillonnaires-du-periurbain-des-hlm-a-
plat/
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 28
sécurisé ou séparé (par mur, muret, grille, portail automatique, digicode,
vidéophone, accès réservé) », le terme de « Résidence située dans un parc clos » ou
encore le critère « Présence d’un dispositif de fermeture (par grille, mur, portail)
de l’ensemble résidentiel dans sa globalité ». Il conclut que 38 % des promoteurs
affichent sur leur site Internet au moins une opération immobilière fermée et ce
dans toute la France53. Il affirme donc la banalisation du discours sécuritaire chez
les promoteurs immobiliers, qu’il nomme « ubiquité »54. Parmi les expressions de
banalisation du discours sécuritaire, on note « vous pourrez, comme autrefois,
laisser la porte ouverte l’esprit tranquille ». Mais, sans expliciter l’intention
ségrégationniste, les promoteurs et les clients préfèrent parler de quartier, de
résidence ou de hameau que de gated community55. Ainsi, la rhétorique séparatiste
chez les vendeurs rend banal ce type d’architecture, si bien qu’il n’est même plus
discriminant et que les habitants y sont de plus en plus nombreux.
Ce mode de vie est également facilité par les politiques des communes
périurbaines. En effet, on peut y parler de « clubbisation » selon les termes d’Eric
Charmes, c’est-à-dire du rapprochement entre la sphère consumériste et la sphère
politique. Autrement dit, les communes cherchent à attirer de nouveaux habitats et
se mettent en compétition entre elles en proposant des services et des biens
collectifs locaux, en échange d’une taxe locale. C’est pourquoi on peut parler
d’ « émiettement » des villes pour Eric Charmes, au sens où les villes sont en
concurrence en proposant séparément leurs propres services, au lieu de fonctionner
selon les services publics de l’Etat ou d’assumer leur interdépendance. Par cette
stratégie, elles font concurrence au secteur privé, mais aussi à l’Etat, censé
produire les mêmes services pour tous les citoyens au niveau national. On retrouve
donc, dans certaines communes périurbaines, le modèle de Charles Tiebout 56 et des
53 Madoré, François, « La petite ville française au défi de l’enfermement résidentiel », Norois, 2012. URL :
http://proxy.sciencespobordeaux.fr:2320/418154
Billard, Gérald et Madoré, François, « Une géographie de la fermeture résidentielle en France. Quelle(s) méthode(s) de
recensement pour quelle représentation du phénomène ? », Annales de géographie, 2010.
URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/revue-annales-de-geographie-2010-5-page-492.htm 55 Meletti, Jenner, « Italie. Bien à l’abri du bruit et des odeurs », Courrier international, tiré de La Repubblica à Rome,
2011. URL : https://www.courrierinternational.com/article/2011/04/21/bien-a-l-abri-du-bruit-et-des-odeurs 56 Charmes, Eric, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbain , Presses Universitaires de France, 2011. URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/la-ville-emiettee--9782130587767.htm
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 29
caractéristiques de l’urbanisme en gated communities américain.
Cette dépendance de la mairie à la demande des résidents donne un moyen
de pression aux citoyens sur la politique de la mairie. En somme, ils tendent du
club vers la communauté politique et fonctionnent telle une copropriété, où la
mairie accepte de faire des compromis avec les habitants, comme des voisins
prennent des décisions en collectivité dans une assemblée générale de copropriété.
La plupart des maires des petites communes péri-urbaines étant sans étiquette, ils
cherchent le consensus en priorité57. Par exemple, la préservation de l’entre-soi
importe tant pour de nombreux résidents qu’ils s’opposent au développement des
transports en commun, d’autant qu’ils utilisent fréquemment la voiture. De même,
Eric Charmes parle de « syndrome du dernier arrivé » car les individus refusent
que la croissance démographique impacte le paysage pour lequel ils ont choisi leur
cadre de vie, qu’elle fasse passer leur « idéal villageois » de campagne à une ville.
Ainsi, « beaucoup de communes résidentielles prévoient une croissance annuelle
moyenne de l'ordre d'un pour cent » d’après l’auteur. Néanmoins, les positions des
familles peuvent s’atténuer, comme pour maintenir l’école communale ouverte, ce
qui nécessite l’installation de plus de familles avec enfants, ou encore pour
conserver des commerces de proximité58. De plus, le rapport à la commune n’est
pas qu’économique ou politique, il reste une dimension psychologique
d’attachement à son lieu de vie chez ces ménages.
Par ailleurs, la loi joue en faveur de la ségrégation dans les communes
périurbaines. La législation favorable aux propriétaires débute dans les années
1970, lorsque le président Valéry Giscard d’Estaing lance le slogan « Tous
propriétaires », dans le but de changer l’image nobiliaire de la propriété et d’inciter
les ménages de toutes catégories sociales à l’achat immobilier. De nouvelles
formes de crédit et des aides de l’Etat à la propriété sont accordées aux catégories
populaires. En conséquence, dans les années 1980, on observe une montée
statistique des constructions de maisons individuelles et un rajeunissement des
acheteurs. C’est donc bien ici que débute la périurbanisation et son architecture en
maisons individuelles et lotissements clôturés59. En 2000, un quota de 20% de
57 Idem58 Idem59 Michel, Hélène, La cause des propriétaires, 2006, p.82
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 30
logements sociaux par ville est imposé par la loi SRU, mais il ne s’applique pas
aux communes de leur échelle. De même, cette loi revient sur la possibilité de fixer
une taille minimale aux parcelles constructibles, dans le but de promouvoir une
urbanisation plus dense. Puis, la loi Urbanisme et habitat de 2003 revient sur cette
mesure, ce qui entraine la construction de maisons sur des espaces plus vastes,
donc plus espacées, et par des ménages plus aisés. Ils évitent ainsi les vis-à-vis et
la proximité entre les maisons. Ces deux lois provoquent bien une forme de
séparatisme spatial.
On peut noter que ce phénomène de ségrégation donne lieu à une nette
hausse des prix immobiliers. Par exemple, dans le Hameau de Noailles, résidence
clôturée à Talence, Gironde, que nous étudions, le prix au mètre carré est bien plus
élevé qu’ailleurs dans la commune :
Monsieur Guibbaud : Il y a une chose, c’est toujours très
demandé et les prix sont plus chers que le reste, qu’une maison du
même type dans Talence. Bien que Talence soit recherché aussi.
Madame Guibbaud : Un appartement qui donne sur les tennis, au
rez-de-chaussée, est à vendre. Alors je voudrais pas me tromper,
440.000€ je crois.
Monsieur Guibbaud : Alors le mètre carré est cher, et il y a
beaucoup d’acheteurs.60
D’ailleurs, la crise économique, facteur d’inégalités socio-économiques, ne rend
accessible l’habitat périurbain et ses services qu’à des ménages aisés, ce qui
favorise leur entre-soi. Ainsi, la mairie peut continuer à prélever suffisamment de
taxes pour produire ses propres services. Les « clubs » des communes périurbaines
ont donc clairement une entrée payante. Bien qu’elles refusent les free riders en
barrant leur entrée à ceux qui possèdent un standing social inférieur, elles
démontrent elles-mêmes un comportement de passage clandestin, en profitant des
services rendus par la métropole sans en payer le prix, comme les routes et les
réseaux de télécommunication. Il faut, néanmoins, relativiser la hausse des prix
exponentielle dans les communes périurbaines car, pour permettre à leurs enfants 60 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 2018
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de rester dans le même village et en conserver l’esprit, les familles peuvent
souhaiter la baisse des prix ou la construction de davantage de maisons
mitoyennes61.
Cependant, le phénomène de « clubbisation » et d’entre-soi ne s’observe pas
qu’en terrain périurbain. Dans les centres-villes également, il y a bien des
immeubles dont l’accès est bloqué à autrui par un digicode, maintenus par des
concierges … Les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, de même,
démontrent que la banlieue parisienne huppée suit également une forme
exclusiviste. Le souci de préservation de son cadre de vie concerne donc un large
nombre de ménages, indifféremment de leur lieu de vie et de leur classe sociale.
Pour autant, l’exclusivisme est plus remarquable en milieu périurbain du fait des
politiques communales que nous avons mentionnées et de la déterritorialisation.
Cela signifie que les individus prennent l’habitude de la mobilité entre le lieu de
vie et leur lieu de travail, comme nous l’avons expliqué pour les navettes travail-
domicile précédemment, et qu’ils considèrent leur commune périurbaine comme un
espace de repli62.
In fine, l’offre sécuritaire périurbaine donne lieu à un phénomène de
séparation, mais ce n’est, pour autant, pas une raison suffisante au séparatisme
généralisé. Autrement dit, les ménages périurbains n’utilisent pas tous la clôture
pour le rejet d’individus urbains issus de couches sociales inférieures.
2. Les causes de la demande séparatiste – Les raisons de l’entre-soi périurbain
Nous nous intéresserons à la réponse des propriétaires périurbains face à
l’offre de lotissements clôturés et nous analyserons ce qui les pousse à s’isoler
dans ces espaces. Nous montrerons, nonobstant, en quoi ces problématiques sont
différenciées du total exclusivisme et ségrégationnisme.
Il est désormais intéressant d’étudier les causes de cette prétendue fracture
sociale territoriale. On constate en effet une réelle division de la société dans son
ensemble, entre insiders et outsiders. Les seconds, les plus démunis, sont sous 61 Charmes, Eric, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbain , Presses Universitaires de France, 2011. URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/la-ville-emiettee--9782130587767.htm62 Idem
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 32
contrat de travail aidé, d’intérim ou à durée déterminée et sont maintenus sous la
perfusion des aides de l’Etat, tandis que les premiers, insérés sur le marché du
travail grâce à leur contrat à durée indéterminée, jouissent de plus hauts salaires et
d’une meilleure protection sociale, donc accumulent les profits. Il y a donc une
certaine « altération du modèle social français du vivre-ensemble et la création »
de « regroupements affinitaires »63. On le ressent bien dans le discours des
acheteurs en zone périurbaine. Par exemple, Monique de Saint Martin et Pierre
Bourdieu citent un couple vivant à Rambouillet, Monsieur et Madame B., à ce sujet
: « Les autres propriétaires sont en général des couples un peu plus âgés qu'eux,
autour de 35-40 ans, qui ont pour la plupart deux enfants, "une population à
majorité de fonctionnaires ou du secteur public ; beaucoup de gens de Renault,
quelques uns d'EDF, des PTT, des administrations comme Impôts, Police (...), des
cadres moyens et des agents de maîtrise, beaucoup travaillent à deux" »64.
En outre, on parle d’une certaine différenciation entre urbains et
« rurbains ». La rurbanisation est le fait que, suite à l’étalement urbain, les villages
situés proches des grandes villes et ces dernières forment une agglomération, si
bien que ces villages grandissent en taille et en nombre d’habitants. Un synonyme
de rurbanisation et périurbanisation pourrait être l’ « exode urbain »65. Ces
nouveaux arrivants sont généralement issus de la ville et la quittent par quêtent
d’un « esprit villageois », pour retrouver la sécurité, l’harmonie avec leur
voisinage, le calme sonore, la proximité avec la nature ... D’ailleurs, Monsieur et
Madame Guibbaud, vivant au Hameau de Noailles à Talence, Gironde,
mentionnent cet « idéal villageois » :
Madame Guibbaud : On avait à peu près tous le même âge, des
bébés, qui ont grandi ensemble. C’était un peu le petit village.66
63 Belmessous, Hacène, “Des ‘villes privées’ à la française. Voyage à travers les forteresses des riches”, Le Monde
Diplomatique, 2002. URL : http://proxy.sciencespobordeaux.fr:4253/article9636.html 64 Bourdieu, Pierre et De Saint Martin Monique, « Le sens de la propriét ». La genèse sociale des systèmes de
préférences », Actes de la recherche en sciences sociales , Vol. 81-82, mars 1990, pp. 52-64. URL :
http://www.persee.fr/docAsPDF/arss_0335-5322_1990_num_81_1_2926.pdf65 Ghorra-Gobin, Cynthia, « Le périurbain et la métropolisation. Que faut-il retenir du débat Outre-Atlantique ? »,
Confins, 2014. URL : http://journals.openedition.org/confins/985766 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 2018
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 33
On constate donc une forme de rejet de la ville, avec comme excuse que la
propreté fait défaut ou que l’architecture ne leur convient pas, voire de peur,
principalement car leur ressenti les pousse à croire que la délinquance y est plus
élevée. L’argument majeur de ces individus, souvent des familles de cadres issues
de la classe moyenne avec enfants, est qu’ils souhaitent offrir une meilleure qualité
de vie à leurs enfants. En réalité, ces rurbains n’étaient pas en proie à une hausse
de la criminalité lorsqu’ils vivaient en ville, comme les statistiques le démontrent,
mais à la croissance du sentiment d’insécurité. En somme, l’ « émiettement de la
ville » conduit à l’ « émiettement social », au sens où les ménages les plus aisés de
la France périurbaine se « clubbisent » dans les espaces les plus valorisés67.
C’est ce qui les pousse, dans leur quartier périurbain, à accepter le discours
d’ubbiquité des promoteurs immobiliers et à planter des clôtures autour de leur
demeure, ne souhaitant pas reproduire le modèle de la « ville contaminée » par « la
société incivile des zones défavorisées » selon les termes de Jacques Donzelot68.
On constate, effectivement, un fort impact de la catégorie socio-professionnelle sur
la décision de déménagement en zone périurbaine (voir annexe n°3). L’échec des
cités françaises, construites par l’Etat et aujourd’hui associées à la délinquance
urbaine, pousse les individus à avoir davantage recours à aux sociétés privées pour
la sécurité de leur lieu de vie. Ainsi, on observe une perte de vitesse de la
puissance publique en termes de sécurisation de l’espace public et une « montée en
puissance des processus de régulations informelles et privées des comportements
prédateurs » d’après Michel Wievorka69. Par ailleurs, l’installation si fréquente de
clôtures est légitimée par le désir de préservation de l’environnement. Autrement
dit, ces individus souhaitent protéger le paysage et la campagne environnants et
l’architecture bourgeoise de leur maison et garantir la valeur de leur bien
immobilier. D’ailleurs, historiquement, les élites ont fréquemment eu tendance au
regroupement. D’abord, durant les Lumières, les élites vivaient ensemble par
quartier. Puis, ces lieux devenant symboliques et facteurs d’attachement, les
67 Charmes, Eric, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbain , Presses Universitaires de France, 2011.
URL : https://proxy.sciencespobordeaux.fr:2222/la-ville-emiettee--9782130587767.htm 68 Billard, Gérald, et alii, (dir.), Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en Amérique du Nord, Presses universitaires de Rennes, Chapitre 4, 200569 Billard, Gérald, et alii, (dir.), Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en Amérique du Nord, Presses universitaires de Rennes, Chapitre 4, 2005
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 34
familles d’élites n’ont pas nécessairement recherché la mobilité géographique et
ont accumulé les parcelles sur les mêmes terrains70.
Au fond, l’entre-soi est bien la principale motivation des ménages à habiter
une résidence enclavée dans une commune péri-urbaine. Ils ressentent un désir de
socialisation avec des individus de condition similaire, partageant, en conséquence,
les mêmes goûts. On le remarque par le sentiment d’appartenance spécifique à ces
communautés. Premièrement, puisqu’ils négocient ensemble leurs droits et devoirs
auprès de la mairie, en club ou en communauté politique, comme nous l’avons vu,
une certaine solidarité et une conscience commune émergent. De plus, ils
bénéficient souvent, dans ces lotissements, de services de loisir, comme une
piscine, une salle de sport, un terrain de tennis ou de golf, des jardins au minimum.
Ce sont des lieux de rencontre et de socialisation entre voisins. Au Hameau de
Noailles, le terrain de tennis et la piscine sont de véritables espaces de
socialisation pour parents en enfants :
Monsieur Guibbaud : On organisait même à l’époque un petit
tournoi entre résidents.
Monsieur Guibbaud (à propos de la piscine) : Les enfants
aimaient beaucoup, c’était leur point de ralliement.71
Au fur et à mesure que leurs habitudes s’y installent, ces équipements deviennent
une justification supplémentaire d’enfermement ; « chacun peut s’y exposer pour
construire des relations sans risque mais aussi souvent sans surprise »72. Le couple
Monsieur et Madame B. vivant dans un lotissement de Rambouillet cité par Pierre
Bourdieu et Monique de Saint-Martin affirme : « ça nous a beaucoup plu, le fait
d'être vraiment seuls (...), en plus vous pouviez mettre un petit enclos. Alors, on ne
se faisait pas beaucoup d'illusions parce qu'on savait quand même que c'était un
lotissement et qu'il y avait des problèmes de type copropriété, mais ils seraient
vraiment amoindris par rapport à l'immeuble »73. De fait, on ne peut affirmer que la 70 Ruggiu, François-Joseph, « Les logiques résidentielles des élites dans les villes de province françaises de la fin du XVII° siècle à la fin de l’Ancien Régime », dans Living in the City : Elites and their Residences, Brepols, 200871 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 201872 Billard, Gérald, et alii, (dir.), Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en Amérique du Nord, Presses universitaires de Rennes, Chapitre 4, 200573 Bourdieu, Pierre et De Saint Martin Monique, « Le sens de la propriét ». La genèse sociale des systèmes de
préférences », Actes de la recherche en sciences sociales , Vol. 81-82, mars 1990, pp. 52-64. URL :
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 35
ségrégation spatiale est uniquement le résultat de la banalisation du discours
sécuritaire chez les promoteurs immobiliers. Forcément, « l’offre suit intuitivement
la demande ». L’installation de clôtures est un processus d’appropriation privée de
l’habitat, à des fins de tranquillité et d’entre-soi74. La tranquillité est bien la
motivation majeure de Monsieur et Madame Guibbaud à habiter au Hameau de
Noailles, d’abord lorsqu’ils ont déménagé d’un appartement pour une maison
individuelle :
Monsieur Guibbaud : Nous on est plus indépendants ici, on est
plus autonomes disons.75
La calme est également ce qui a poussé les résidents à installer un grillage autour
de la piscine :
Madame Guibbaud : Ah oui toutes les fêtes se terminaient dans la
piscine, avec des hurlements, des bouteilles de champagne. Alors
bon, de temps en temps, mais quand c’est régulier. Alors ils ont
fait fermer par des grillages.76
Mais on pourrait alors en déduire que les périurbains cherchent une sociabilité, une
solidarité et une convivialité fortes, dans l’esprit d’un village, et que vivre dans la
France périurbaine n’est pas nécessairement synonyme de repli en totale
opposition avec la ville77.
Toujours est-il que l’entre-soi est caractéristique des résidences enclavées.
L’ « idéal villageois » auquel elles se conforment serait le produit d’une
« invention de la tradition », selon l’expression de Eric Hobsbawm et Terence
Ranger. Cela désigne « un ensemble de pratiques rituelles et symboliques qui sont
http://www.persee.fr/docAsPDF/arss_0335-5322_1990_num_81_1_2926.pdf74 Madoré, François, “La France : des territoires en mutation. Nouveaux territoires de l'habiter en France : les enclaves
résidentielles fermées”, Geoconfluences, 2006. URL :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/doc/territ/FranceMut/FranceMutScient.htm , consulté le 18 novembre
201775 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 2018
76 Idem
77 Charmes, Eric, Launay, Lydie, Vermeersch, Stéphanie, “Le périurbain, France du repli ?”, La vie des idées, 2013.
URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-periurbain-France-du-repli.html , consulté le 18 novembre 2017
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 36
normalement gouvernées par des règles ouvertement ou tacitement acceptées et qui
cherchent à inculquer certaines valeurs et normes de comportement par la
répétition, ce qui implique automatiquement une continuité avec le passé [...]
Toutefois, même lorsqu'il existe une telle référence à un passé historique, la
particularité des 'traditions inventées' tient au fait que leur continuité avec le passé
est largement fictive. En bref, ce sont des réponses à de nouvelles situations qui
prennent la forme d'une référence à d'anciennes situations, ou qui construisent leur
propre passé par une répétition quasi obligatoire »78. Cette tradition par
construction sociale peut effectivement être appliquée aux zones de notre étude,
car les communautés s’imaginent les rites de la société rurale et la solidarité
mécanique des villages qu’elles aimeraient reproduire pour leur propre compte,
alors qu’elles n’ont pas elles-mêmes vécu la culture du passé. Elles construisent
seulement cette identité et cette tradition par opposition à ce qu’elles reprochent
aux villes, c’est-à-dire trop de mixité sociale et pas assez de communication entre
individus voisins79. Par exemple, le nom de la résidence que nous avons étudiée sur
le terrain, « Hameau de Noailles », est forcément choisi pour la connotation du
terme « Hameau ». En effet, le terrain appartenait à des religieuses avant de
devenir une résidence et les promoteurs ont conservé la dénomination « Hameau »
pour en donner une image de sécurité, de tranquillité, de communauté, de
privilège80.
Alors, les raccourcis sont vite établis et certains voient une profonde
fracture entre le périurbain et l’urbain en France. Le principal symptôme serait que
le vote Front national est supérieur dans les territoires périurbains qu’en ville. Or,
le désir d’entre-soi des périurbains que nous étudions ici concerne la zone
restreinte de leur habitat et on n’observe pas de conscience généralisée entre
périurbains. Leurs pratiques se limitent à leur commune ou leur résidence. De plus,
il existe plusieurs types de périurbains, comme nous l’avons déjà exprimé, de
l’aisé au populaire. Les classes moyennes supérieures vivent plus proches des
villes centres, donc bénéficient de leurs avantages, comme les services, les routes
et le bassin d’emploi, tandis que les classes plus modestes en subissent plutôt les
78 Babadzan, Alain, « L'invention des traditions et le nationalisme », Journal de la Société des océanistes, 1999. URL : http://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1999_num_109_2_2103 79 Idem80 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 2018
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 37
nuisances, comme la proximité d’un aéroport et la précarité. Le vote Front
National est donc majoritairement présent dans le périurbain paupérisé, que l’on
peut qualifier de « France périphérique »81. La fracture urbain-périurbain demeure
donc à relativiser, d’autant que la France n’est pas en pleine américanisation, au
sens où ses lotissements périurbains ne suivent pas exactement le même modèle
que les gated communities. Par exemple, il y a moins d’équipements collectifs et
pas d’équivalent de la gouvernance des HOAs82.
En outre, le cas du Hameau de Noailles permet de relativiser le
communautarisme existant au sein des lotissements périurbains français. En effet,
les raisons de l’emménagement dans cette résidence particulière ne sont pas
principalement l’homogénéité sociale des résidents, mais plutôt l’emplacement
géographique et la taille du logement, soit des motivations très « terre à terre »
comme l’affirme Madame Guibbaud83. Un portail sécurisé y a été installé
ultérieurement à la construction de la résidence, forcément dans un but de
sécurisation et de filtrage des entrées, mais il faut signaler que le vote en
assemblée générale fut « très serré »84. D’ailleurs, les avis étaient partagés au sein
même du couple Guibbaud. Madame Guibbaud craignait tout rapprochement de sa
résidence à des gated communities américaines et ne souhaitait pas que son lieu de
vie devienne trop exclusiviste :
Madame Guibbaud : J’avais pas envie que ça fasse comme à
l’américaine, les ghettos, les gens riches qui se protègent.85
De plus, ces portails sont ouverts tous les soirs aux heures où les résidents rentrent
du travail, ce qui limite l’isolement des habitants et questionne la profondeur de
leur volonté d’entre-soi. Par ailleurs, les règles de copropriété, bien que strictes,
sont peu respectées, ce qui démontre que le cadre de vie au Hameau de Noailles et
dans la France périurbaine en général n’est pas aussi réglementé qu’aux Etats-
Unis, du fait des HOAs. Le concierge employé par la copropriété ne rend pas de
81 Charmes, Eric, et alii, (dir.), “Le périurbain, France du repli ?”, La vie des idées, 2013. URL :
http://www.laviedesidees.fr/Le-periurbain-France-du-repli.html , consulté le 18 novembre 201782 Belmessous, Hacène, “Des ‘villes privées’ à la française. Voyage à travers les forteresses des riches”, Le Monde Diplomatique, 2002. URL : http://proxy.sciencespobordeaux.fr:4253/article9636.html83 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 201884 Idem85 Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud au Hameau de Noailles, 15 février 2018
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 38
services aux résidents, il assure seulement l’intendance et les habitants
s’organisent en partie eux-mêmes. On peut ici citer l’exemple de la piscine du
Hameau de Noailles :
Madame Guibbaud : Le règlement est strict mais il est pas
tellement respecté parce que personne le fait respecter. Alors
pendant quelques années on avait un concierge formidable qui
contrôlait tout ça. Parce que c’est vrai que quand les jeunes
débarquent à dix avec leurs copains de classe dans la piscine,
c’est pas agréable. Le concierge surveillait bien. Il venait voir si
les gens était de la résidence. Mais maintenant personne fait ça.
Les gens à la limite s’ils veulent être tranquilles font la police. 86
Enfin, il faut souligner que l’esprit de communauté et l’ « idéal villageois » qui
apparaissaient dans les premières années du Hameau de Noailles déclinent. On en
déduit que le style de vie communautaire et reclus des gated communities
américaines ne se reproduit pas en France. Concernant le couple Guibbaud, ils
affirment que les amitiés sont moins fortes au Hameau de Noailles, bien que
l’entente soit cordiale :
Madame Guibbaud : On a de bonnes relations, mais pas d’amitiés
particulièrement, si vous voulez.87
Néanmoins, le cas du Hameau de Noailles est, bien-sûr, isolé. A propos, il faut
noter que cette résidence comporte des appartements et des maisons, donc pas
uniquement des ménages souhaitant quitter la ville pour un pavillon individuel et
clôturé.
Pour finir, les périurbains cultivent un esprit de communauté en s’installant
dans une résidence clôturée et, de fait, fermée à autrui. En revanche, il faut
distinguer plusieurs types de périurbains et relativiser le rejet de la ville et des
couches sociales inférieures par ces individus. Par conséquent, la France
périurbaine est un espace fragmenté et non ségrégationniste comme nous avons pu
l’affirmer des gated communities étrangères.
86 Idem87 Idem
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 39
ConclusionAfin d’évaluer le niveau de séparatisme social dans la France périurbaine, nous
avons décrit le phénomène des gated communities américain et de ses équivalents
au Sud. De plus, nous avons analysé l’offre et la demande sécuritaires dans les
lotissements périurbains français. Nous en retenons que le séparatisme spatial
français n’atteint pas la même ampleur qu’à l’étranger.
En effet, on parle même de ségrégation en territoire américain ou du Sud, au
sens où les divisions ethniques et les inégalités économiques se répercutent sur
l’espace résidentiel. Ainsi, les populations les plus aisées tendent à s’isoler des
plus pauvres, qui sont souvent les minorités ethniques, via des résidences
clôturées. Cette façon se détacher de l’extérieur est également une façon de s’en
protéger, d’exclure autrui qui ne possède pas les mêmes distinctions sociales, de
démarquer clairement par un mur et un système de sécurité les délimitations de la
fragmentation sociétale. En résulte une privatisation de l’espace public, auparavant
géré par la sphère étatique, d’ordinaire responsable de l’intégration de l’ensemble
des citoyens. Or, dans le modèle des gated communities, c’est bien l’individu lui-
même qui prend en charge les barrières à l’entrée et les règles à l’intérieur de sa
communauté.
A l’inverse, dans les résidences enclavées françaises, l’entre-soi prend des
formes différentes. Effectivement, on constate bien un désir de distinction sociale
et de cadre de vie homogène. A cette demande précise répond l’offre sécuritaire
des promoteurs immobiliers, qui promeuvent des remparts à l’insécurité, le calme
et l’esthétisme, ainsi qu’un mode de vie d’isolement des nuisances extérieures.
Néanmoins, principalement du fait de la permanence de l’Etat providence, les
périurbains français ne se mandatent pas entièrement de la gestion de leur lieu de
vie. D’ailleurs, l’esprit de communauté en quartier périurbain aisé ne semble pas
aussi fort qu’outre-Atlantique, puis la socialisation à l’extérieur du lieu de
résidence et la mixité sociale demeurent éminentes – comme nous l’avons
notamment expliqué pour le Hameau de Noailles de Talence. Nous pouvons en
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 41
conclure qu’il existe en France plusieurs formes de périurbains, dont les plus
reliées à la métropole et aux services publics ne sont nullement enclavées. In fine,
nous pouvons relativiser la ségrégation sociale en France, bien que le séparatisme
entre une résidence murée et son environnement soit un fait.
En résumé, pour répondre à la question Dans quelle mesure peut-on parler de
séparatisme social dans la France péri-urbaine ?, nous apportons le constat de
lotissements murés et accessibles à une population aisée uniquement, auquel nous
opposons les relatives motivations d’entre-soi et d’homogénéité sociale des
habitants aisés périurbains, comparativement au ségrégationnisme affirmé
étatsunien ou des métropoles émergentes. Si les individus périurbains choisissent
de vivre dans une résidence avec murs, ce n’est pas pour autant qu’ils sont
exclusifs et rejettent toute forme de cohésion sociale avec l’extérieur,
conformément aux valeurs de solidarité de la vie urbaine française.
Effectivement, ce sont bien des valeurs de cohésion sociale, mixité sociale,
harmonie sociale, solidarité interclasse et liens sociaux intergénérationnels que
l’Etat essaye de raviver par son programme Cœur de ville, dont nous avons fait
mention en introduction. Il s’agit de revitaliser les centres-villes de taille
intermédiaire, dont l’activité commerciale décroit actuellement, au profit des
centres commerciaux ou des métropoles. Le fait que l’Etat s’en préoccupe et
investisse pour ce la redynamisation des Cœurs de ville démontre bien que la ville
privée n’est pas le modèle périurbain français. De même, le succès du projet
permettra de déterminer si le citoyen français conserve des valeurs et un
engagement pour sa commune, comme nous l’avons supposé, ou s’il prend
davantage une place de consommateur, source de privatisation de la gouvernance
de l’espace public, comme dans les gated communities notamment. Finalement,
l’avenir du projet Cœur de ville répondra au débat entre l’entre-soi périurbain et
séparariste et l’unité territoriale.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 42
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VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 46
Annexes
Table des annexes
ANNEXE 1 – PRÉSENTATION DU TERRAIN....................................................47
ANNEXE 2 – RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN...................................49
ANNEXE 3 – LA PROPRIÉTÉ SELON LA CATÉGORIE
SOCIOPROFESSIONNELLE, D’APRÈS MONIQUE DE SAINT-MARTIN
ET PIERRE BOURDIEU...........................................................................................64
ANNEXE 4 – PHOTOGRAPHIES DU HAMEAU DE NOAILLES, TALENCE,
GIRONDE, FRANCE..................................................................................................68
ANNEXE 5 – PHOTOGRAPHIES DE STÉPHANE DEGOUTIN.....................70
ANNEXE 6 – PHOTOGRAPHIES D’UNE LEVITTOWN À MENNECY,
FRANCE........................................................................................................................72
Annexe 7 – Photographies d’Afrique du Sud, par Johnny Miller dans « Unequal
Scenes »..........................................................................................................................74
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Annexes
Annexe 1 – Présentation du terrain
Le Hameau de Noailles est situé à Talence, une ville moyenne de Gironde,
limitrophe à Bordeaux. Il compte 140 appartements et 50 maisons individuelles,
soit une densité de population relativement forte. Il date des années 1970 et est, à
l’époque, considéré comme d’architecture très novatrice, grâce à ses toits planes,
ses baies vitrées et ses espaces verts. Par ailleurs, il met à disposition de ses
résidents une piscine et un terrain de tennis, le rendant encore plus populaire
auprès des acheteurs. Ces services renforcent l’esprit de collectivité au sein du
Hameau de Noailles, l’idéal de village. D’ailleurs, le choix du nom est
probablement motivé. Le champ lexical de « hameau » renvoie au village, donne
l’idée d’un groupe de villageois, comme dans les liens de solidarité mécanique, au
sens d’Emile Durkheim, tissés « autrefois » au niveau local, où les individus
forment un tout. « Noailles », quant à lui, est le nom de la rue menant au Hameau.
On peut en conclure que, dans l’esprit des promoteurs, le Hameau de Noailles est
une résidence où la qualité de vie et l’esprit communautaire sont particulièrement
mis en avant. Néanmoins, on ne peut pas parler d’architecture sécuritaire dès les
origines du projet immobilier, car la résidence est d’abord ouverte sur l’extérieur.
Son axe principal est d’ailleurs assez large et est souvent emprunté par les
riverains, notamment par les employés de la faculté de Sciences de Bordeaux, dont
les bâtiments se situent juste derrière. Il est donc intéressant de voir la
transformation de cet espace en une zone d’entre-soi, petit à petit.
Des portails et un digicode sont installés à chaque entrée vers 1995, suite à un
vote en assemblée générale. Cependant, le vote est très serré. Les votes en faveur
des portails trouvent que leur habitation manque de sécurité et se plaignent de vols
de voiture ou dans leur domicile. De même, ils avancent l’argument de la sécurité ;
les voitures avançant rapidement sur l’axe principal représentent un danger pour
les enfants en bas âge, ainsi qu’une nuisance sonore. Enfin, ils ne veulent plus que
la piscine et le terrain de tennis soient utilisés par des personnes étrangères à la
résidence, comme cela pouvait se produire, bien que des grillages aient été installé
en prévention peu après la livraison du programme immobilier. Ainsi, on voit que
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 48
Annexes
les intrusions de l’extérieur sont considérées comme un problème pour certains et
que le désir d’entre-soi est une réalité. Ces arguments sont bien entendus par
l’ensemble des habitants, mais ceux votant à l’encontre du projet de clôture
préfèrent encore l’ouverture sur l’extérieur et craignent l’effet gated community à
l’américaine. Ils ne partagent pas l’idée que le monde extérieur constitue une
nuisance, la clôture est un plus fort désagrément de leur point de vue. Le résultat
très serré du vote en assemblée générale montre que les avis étaient très partagés,
ce qui indique que l’urbanisme séparatiste et sécurité de la France périurbaine n’est
pas une réponse aux mêmes enjeux qu’aux Etats-Unis ou dans les pays du Sud.
Lorsque je cherchais une résidence susceptible d’illustrer mon étude, je n’avais
même pas pensé d’emblée au Hameau de Noailles, alors que j’y passe toutes les
semaines, pour un cours hebdomadaire de yoga. En effet, j’avais en tête l’image
des gated communities que j’avais pu observer aux Etats-Unis et rien en France ne
me semblait en être l’équivalent. Pourtant, les caractéristiques du Hameau de
Noailles et de multiples autres lotissements de la France périurbaine sont bien les
mêmes : un portail sécurisant, un concierge, des maisons d’architecture uniforme,
des espaces verts, des services collectifs tels qu’une piscine et un terrain de tennis
…
J’ai alors fixé un entretien avec ma professeure de yoga, qui m’a reçue pour une
heure chez elle, avec son mari. Le couple vit dans la résidence depuis sa
construction, au départ en appartement, puis en maison. Il fut ravi de me décrire la
qualité de vie régnant au Hameau de Noailles et de me montrer l’intérieur
confortable de leur maison. En tant que professeurs à l’université en sciences et
parents de deux enfants, ils représentent la famille nucléaire de la classe moyenne
française « classique ». Leur témoignage m’aide à illustrer mes propos en seconde
partie.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 49
Annexes
Annexe 2 – Retranscription de l’entretien
Nom du fichier : Entretien avec Monsieur et Madame Guibbaud
Date de l’entretien : 15/02/2018
Lieu : Résidence Hameau de Noailles, chez Monsieur et Madame Guibbaud
Durée : 44:15 minutes
Nom de l’enquêteur : Lucie Vegrinne
Lucie Vegrinne : Merci de me recevoir. Comme je vous l’avais expliqué, je fais
une recherche sur les résidences fermées et sécurisées et leur lien avec le modèle
américain des gated communities. Le Hameau de Noailles est donc un bon cas
d’étude pour moi, surtout depuis qu’un portail a été installé.
Monsieur Guibbaud : Oui alors le portail n’est pas en place depuis le début.
Lucie Vegrinne : Oui c’est ce que vous m’aviez dit.
Monsieur Guibbaud : Et pourquoi elle a été fermée ça a d’ailleurs été un grand
débat parce qu’il y avait des gens qui ne voulaient pas la fermer, d’autres qui le
voulaient. Elle était contre, moi j’étais pour, pour d’autres raisons que je vais
expliquer d’ailleurs, qui se sont révélées aussi vraies. On a voulu la fermer parce
qu’il y a eu des vols de voitures.
Madame Guibbaud : Entre autres. Il y en a aussi eu dans les appartements.
Lucie Vegrinne : Ah oui même dans les appartements ?
Madame Guibbaud : Ah oui ah oui, dans la journée.
Lucie Vegrinne : Il n’y avait aucun dispositif de sécurité à part le gardien ?
Madame et Monsieur Guibbaud : Non non.
Monsieur Guibbaud : Il y a un gardien, mais il n’est pas là la nuit. Donc même
nous on nous a volé une voiture devant la porte.
Madame Guibbaud : On avait trois voitures et ils ont volé une BM qui était dans le
coin, c’est-à-dire coincée par les deux autres. Un dimanche matin.
Monsieur Guibbaud : C’était la voiture de ma mère, à l’époque. Parce que j’ai
gardé sa voiture parce qu’elle partait en vacances.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 50
Annexes
Madame Guibbaud : Ah oui c’était ta mère. Et donc à 6 heures du matin, un bruit
épouvantable, on sort. Le gars avait cassé la vitre arrière de la voiture pour pouvoir
bouger le volant, puis le frein. Après il est allé à fond la caisse pour sortir.
Monsieur Guibbaud : Il a fait une marche arrière. Très adroit. Il avait poussé contre
l’autre.
Madame Guibbaud : Un raffut. Et puis d’autres tentatives de vol de nos voitures
aussi qui avaient pas marché.
Lucie Vegrinne : Hum. Et ça y’avait pas ça à la création de la résidence ?
Monsieur Guibbaud : Non y’avait pas de vols et pas de portails. Bon y’avait aussi
un passage continu de voiture. C’était peut-être …
Madame Guibbaud : Les gens de la fac passaient par là pour pas faire le détour par
le feu. Alors ils ont commencé par mettre des genres d’arbres couchés au milieu,
comment ça s’appelle ?
Monsieur Guibbaud : Bah les dos d’ânes.
Madame Guibbaud : Ah oui. Pour freiner la vitesse des gens. Et puis après les gens
en avaient marre parce que ça passait à toute allure. Alors voilà, vos questions
maintenant, que nous on a raconté la petite histoire.
Monsieur Guibbaud : Euh y’avait un autre problème aussi. Y’avait pas mal de
jeunes couples qui avaient des jeunes enfants, donc c’était dangereux. Parce que
les gens passaient à vive allure. Mais ça a été très serré le vote. On a fait ça en
assemblée générale, ça a été très serré. C’est passé juste pour les barrières.
Lucie Vegrinne : Et donc le vote vous vous rappelez de la date ?
Monsieur Guibbaud : Alors ça les dates pfff …
Lucie Vegrinne : Environ ?
Madame Guibbaud : Raphaël, notre fils, était encore là parce qu’il était étudiant
ici.
Monsieur Guibbaud : Oui parce qu’on habitait déjà là. Parce qu’on habitait un
appartement avant.
Madame Guibbaud : 1995, peut-être, quelque chose comme ça.
Lucie Vegrinne : D’accord. Donc vous vous êtes là depuis la construction de la
résidence ?
Monsieur Guibbaud : Oui.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 51
Annexes
Lucie Vegrinne : A l’origine, qu’est-ce-qui vous avait motivés à déménager ici ?
Monsieur Guibbaud : Le lieu. On allait avoir le deuxième enfant et puis on
cherchait quelque chose d’un peu plus grand. Parce que là où on était on n’était pas
trop mal, mais …
Madame Guibbaud : Un appartement à Pessac. On était à Pessac. Un appartement
que j’ai acheté quand j’étais célibataire. Donc c’était trop petit avec un mari, puis
un enfant, puis deux. Donc on cherchait un appartement. Et moi je travaillais à la
fac de sciences. J’étais tout à côté. C’était pratique. Et donc on a regardé, trouvé
un appart … En plus la piscine.
Monsieur Guibbaud : En plus on connaissait le vendeur. Par hasard. C’était une
connaissance.
Madame Guibbaud : Et après donc quand les enfants ont grandi, ça n’allait plus, il
fallait plus une chambre pour deux. Donc on a voulu agrandir pour qu’ils aient leur
chambre. Donc on a trouvé quand cette maison se vendait.
Lucie Vegrinne : D’accord. Dans les motivations, si on devait hiérarchiser les
motivations, est-ce-que vous étirez plutôt attirés par le voisinage, le style
d’architecture, les services, la localisation ?
Madame Guibbaud : Alors là moi localisation, je travaillais juste à côté. Et puis
l’architecture, oui, nous plaisait, c’était moderne, original pour l’époque. C’est
d’ailleurs un monument classé. Les écoles d’architecture viennent régulièrement
visiter. C’est particulier, les toits plats, les grandes ouvertures, du bois et des
vitres.
Lucie Vegrinne : Du coup ça vous paraissait assez novateur, moderne, de qualité ?
Monsieur et Madame Guibbaud : Ouais, oui oui. C’était sympa.
Lucie Vegrinne : Et vous trouvé que ça a bien vieilli ?
Monsieur Guibbaud : (Soupir) On peut dire que, oh oui. Ça n’a pas trop mal vieilli.
Y’a des gens qui font un peu n’importe quoi alors qu’il y a des règles très strictes,
mais qui ne sont pas toujours respectées. Dans la copropriété, on est obligés
d’accepter.
Madame Guibbaud : Peut-être dans les immeubles, les entrées dans immeubles, qui
ont vieilli très vite. Tu trouves pas ? Parce que les matériaux étaient …
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 52
Annexes
Monsieur Guibbaud : Oh oui. Enfin nous qui avions vécu dans l’immeuble, on
avait une vue sur la piscine, les tennis. On jouait au tennis toute la famille. On
trouvait que cette vue était très agréable.
Madame Guibbaud : Oui. Sur le parc aussi. Parce que y’a le parc municipal juste à
côté, qui appartient maintenant à la fac de sciences. Pas nous mais les autres
immeubles donnent sur le parc, la partie où on était d’ailleurs.
Lucie Vegrinne : D’accord. Et donc les services, la piscine, le tennis, vous vous en
servez souvent ?
Madame Guibbaud : Oh oui. Un peu moins maintenant, moi je joue plus au tennis.
A l’époque je faisais des compétitions, j’étais classée, plus maintenant. A partir du
moment où j’ai commencé le yoga, (rires), je me suis détachée un peu du sport, de
la compétition.
Lucie Vegrinne : Et les résidents en général y vont fréquemment aussi ?
Monsieur Guibbaud : Oh oui oui. On organisait même à l’époque un petit tournoi
entre résidents.
Lucie Vegrinne : Ah d’accord, donc il y avait une petite communauté ?
Madame Guibbaud : Il faut dire que c’était pris d’assaut par les profs de la fac,
surtout de la fac de sciences. On avait à peu près tous le même âge, des bébés, qui
ont grandi ensemble. C’était un peu le petit village.
Lucie Vegrinne : Et ça continue ?
Madame Guibbaud : Bah je sais pas. Nous on s’est excentrés parce qu’on a changé
de lieu. Hum, je peux pas dire. Franchement.
Monsieur Guibbaud : C’est-à-dire qu’on participait beaucoup plus à la vie de la
résidence quand on était dans notre appartement, d’autant plus qu’il dominait la
piscine. Donc on voyait tout le monde. Avec les enfants, les enfants c’est toujours
un lien. Ah beh vous me gardez les enfants, parce que je vais chercher quelque
chose.
Madame Guibbaud : Maintenant je sais, s’il y a des petits, comme ça. Ça arrive,
mais moins. Tandis que là c’était tous du même âge, on était tous. Et après bon ça
s’est … Et puis y’a beaucoup aussi d’étudiants. Surtout dans le bâtiment où on est
au yoga.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 53
Annexes
Monsieur Guibbaud : Le bâtiment du yoga c’était uniquement des studios, des
deux pièces ou des chambres. La société qui avait construit ça avait, au départ,
prévu de louer ces studios. Et puis peu à peu ils les ont vendus. Les gens ont acheté
ces petits studios. Parce que beaucoup de gens voulaient habiter cette résidence. Ça
a eu un succès au départ.
Madame Guibbaud : C’est vrai que c’est très agréable à vivre.
Lucie Vegrinne : Bah oui, j’imagine, oui.
Monsieur Guibbaud : C’est calme.
Madame Guibbaud : Oui en plus c’est calme ! Il y a une rue à côté mais vraiment
c’est bien disposé, donc vraiment on n’entend pas.
Lucie Vegrinne : Et puis pas loin des transports, des commerces, tout ça.
Madame Guibbaud : Oui, assez, à peu près.
Monsieur Guibbaud : C’était un grand parc, qui appartenait à des petites sœurs, des
religieuses. Et donc y’a une église, qui est désaffectée maintenant. Et la fac de
sciences a racheté le terrain. La résidence a été construite sur une partie du terrain,
avant. Et après, quand les sœurs ont vendu, c’est la fac qui a acheté le terrain.
Madame Guibbaud : Ça a été, d’abord, une école internationale francophone de
gestion. Alors c’était habité par beaucoup de noirs, de langue française. Tous les
pays de langue française.
Monsieur Guibbaud : Les anciennes colonies françaises quoi.
Madame Guibbaud : Et après c’est donc la fac qui a acheté, mais y’a pas si
longtemps que ça.
Lucie Vegrinne : D’accord. Et le nom « Hameau de Noailles » est du fait qu’avant
ça appartenait à des religieuses ?
Monsieur Guibbaud : Euh non, je pense pas.
Madame Guibbaud : Y’a une rue, la rue de Noailles, juste derrière.
Monsieur Guibbaud : Oui parce que la princesse de Noailles était à Bordeaux,
non ?
Madame Guibbaud : Ah alors ça je sais pas pourquoi. Mais c’est la rue de Noailles.
C’est celle-là ou l’autre ? Là où vous rentrez ?
Monsieur Guibbaud : Ah je sais plus. La rue de Noailles c’est celle qui est en bas.
Madame Guibbaud : Oui c’est ça. Elle longe.
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Annexes
Monsieur Guibbaud : Vous l’avez peut-être jamais prise parce que ça entoure le
terrain.
Lucie Vegrinne : Je vois, d’accord. « Hameau » c’était pour l’esprit village ?
Monsieur Guibbaud : Tout à fait, oui.
Lucie Vegrinne : Ca a été choisi par les promoteurs ?
Monsieur Guibbaud : Certainement, oui.
Lucie Vegrinne : Est-ce-que le côté village a été renforcé avec la construction du
portail ?
Madame Guibbaud : Je ne pense pas, non. Il faut dire que nous on a une vision
différente parce qu’on a eu dix ans l’appartement et depuis ici. Donc la vie est
quand même différente. On participe moins à la vie des gens qui sont dans les
immeubles. On va un peu moins à la piscine aussi, parce que moi je suis allergique
au soleil, mais on y va quand même.
Monsieur Guibbaud : Les enfants aimaient beaucoup, c’était leur point de
ralliement. Nous de notre balcon on pouvait surveiller.
Madame Guibbaud : Enfin seulement un petit peu, s’ils se noyaient c’était pas
pratique.
Monsieur Guibbaud : Voir s’ils n’étaient pas seuls, surveiller les gens quoi.
Lucie Vegrinne : Hum d’accord. Est-ce-qu’il y a par exemple encore des fêtes des
voisins et des choses comme ça ?
Monsieur Guibbaud : Alors la résidence organisait une fête une fois par an, ça se
perd un peu.
Madame Guibbaud : Si, une fois par an, l’été, mais on n’y était pas. Mais il y a une
fête collective où on va si on est là, en début, milieu ou fin d’été.
Lucie Vegrinne : Et c’est sympa ?
Madame Guibbaud : Oui oui oui, c’est sympa.
Monsieur Guibbaud : C’est autour de la piscine, bien que la piscine soit … Il y
avait des problèmes avec la piscine au début, des problèmes de nuisances, parce
que les gens faisaient des fêtes la nuit. Et nous qui avions des bébés qui se
réveillaient c’était pas …
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 55
Annexes
Madame Guibbaud : Ah oui toutes les fêtes se terminaient dans la piscine, avec des
hurlements, des bouteilles de champagne. Alors bon, de temps en temps, mais
quand c’est régulier. Alors ils ont fait fermer par des grillages.
Monsieur Guibbaud : Mais il y avait aussi un problème de sécurité, parce que les
enfants pouvaient courir et sauter dans la piscine.
Madame Guibbaud : Ca a quand même été un peu plus calme, parce que les nuits
étaient difficiles, nous qui étions juste au-dessus.
Lucie Vegrinne : Ah oui, du coup il faut une clé pour rentrer ?
Madame Guibbaud : Oui voilà.
Monsieur Guibbaud : Puis il y a des codes pour rentrer dans la résidence. Bien que
maintenant ils ont fait un nouveau système. Je crois que c’est entre quatre heures et
six heures, ils laissent les portails ouverts pour que les gens qui rentrent du travail
n’aient pas à taper le code.
Lucie Vegrinne : D’accord. Donc le règlement est assez strict dans la copro ou
pas ?
Madame Guibbaud : Le règlement est strict mais il est pas tellement respecté parce
que personne le fait respecter. Alors pendant quelques années on avait un
concierge formidable qui contrôlait tout ça. Parce que c’est vrai que quand les
jeunes débarquent à dix avec leurs copains de classe dans la piscine, c’est pas
agréable. Le concierge surveillait bien. Il venait voir si les gens était de la
résidence. Mais maintenant personne fait ça. Les gens à la limite s’ils veulent être
tranquilles font la police.
Monsieur Guibbaud : Y’a deux courts de tennis ou maintenant les gens viennent
avec leur raquette sous le bras alors qu’ils ont pas le droit. Au début, je faisais
partie du conseil syndical parce que je voulais savoir ce qu’il se passait.
Maintenant je m’en fiche un peu. C’est-à-dire qu’ici on est beaucoup plus
indépendants. Même au niveau des compteurs, des choses comme ça. Là-bas, dans
les appartements, ils ne les avaient pas mis individuels et ils ont été obligés de le
faire après. D’abord pour le chauffage, parce que c’est un chauffage collectif dans
les immeubles et nous c’est un chauffage individuel. L’eau aussi, toute la
distribution d’eau. Nous on est plus indépendants ici, on est plus autonomes
disons.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 56
Annexes
Lucie Vegrinne : C’était une de vos envies quand vous avez déménagé de
l’appartement à la maison ?
Monsieur Guibbaud : Le problème c’est qu’on a une fille et un garçon et qu’ils
voulaient chacun une chambre.
Madame Guibbaud : Et puis avoir un bout de jardin, c’est sympa. Il y a un garage,
une cheminé, enfin toutes ces petites choses en plus de l’appartement.
Lucie Vegrinne : Oui, c’est une suite logique.
Monsieur et Madame Guibbaud : Oui. (rires)
Lucie Vegrinne : Dans les voisins qui se fréquentent, il y a vraiment une différence
entre les immeubles et les maisons ?
Monsieur Guibbaud : Non je pense pas.
Madame Guibbaud : Souvent les gens qui habitent les maisons habitaient avant les
apparts. Moi j’ai des amis dans les immeubles. Mais c’est vrai que je connais
moins les nouveaux arrivants.
Lucie Vegrinne : Il y a beaucoup d’anciens, alors ?
Madame Guibbaud : Oui, pas mal, oui.
Lucie Vegrinne : C’est avec ces personnes-là que la communauté continue ?
Madame Guibbaud : Pas tellement. Personnellement, nos amis ont déménagé, ça
partait en ville à Bordeaux. On n’a plus tellement de relations maintenant.
Monsieur Guibbaud : Y’avait plus d’enfants dans la première vague. Ça mettait
l’animation.
Madame Guibbaud : On a des relations, mais c’est moins actif qu’avant, quand on
était plus jeunes. Les gens se rencontrent, mais ils sont différents, il y a d’autres
secteurs de relations. On fréquente un peu mais pas assidument. Nos amis sont
partis en fait.
Monsieur Guibbaud : Certains on les revoit, mais dans la résidence non.
Madame Guibbaud : On a de bonnes relations, mais pas d’amitiés particulièrement,
si vous voulez.
Lucie Vegrinne : D’accord, et donc probablement parce qu’il n’y a plus les enfants
pour faire la connexion ?
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 57
Annexes
Madame Guibbaud : Oh non, pas que ça. C’est parce que les gens avec qui on a
grandi dans la résidence ont déménagé. D’autres sont décédés. Les autres on n’a
pas trop d’affinités. Voilà.
Lucie Vegrinne : Qu’est-ce-qui a permis, selon vous, que le lien aie autant pris au
départ ?
Madame Guibbaud : Je pense qu’on était tous du même âge, on était nombreux, on
travaillait beaucoup à la fac de Bordeaux. Donc cette promiscuité. Et puis, comme
disait mon mari, les enfants qui grandissent ensemble et jouent ensemble, ça crée
des liens.
Monsieur Guibbaud : On disait aux petits, pour les taquiner un peu, « on va
changer de maison et qu’on va acheter ailleurs ». « Ah non ! On reste au
Hameau ! ». Le Hameau, c’est connu, c’est pour toujours. Un monsieur vient de
décéder, il y a déjà plein d’acheteurs intéressés de la résidence pour sa maison, qui
sont locataires ou qui veulent s’agrandir.
Lucie Vegrinne : Ah oui, donc il y a beaucoup plus d’avantages que
d’inconvénients au Hameau.
Madame Guibbaud : Oui.
Lucie Vegrinne : Quels seraient les inconvénients, selon vous ?
Madame Guibbaud : Dans les appartements, peut-être, c’est différent. C’est
bruyant. Moi j’étais contente de venir ici parce qu’on avait des voisins très
bruyants, qui se battaient la nuit, ça criait.
Monsieur Guibbaud : Des scènes de ménage.
Madame Guibbaud : Les cris aussi de la piscine, quelques fois.
Monsieur Guibbaud : Les bruits montent. Comme certains en faisaient la nuit.
Madame Guibbaud : C’est plus tranquille ici.
Lucie Vegrinne : Est-ce-que ça a quand même été plus tranquille avec l’installation
des portails ?
Madame Guibbaud : Je pense, oui.
Monsieur Guibbaud : Je pense aussi.
Madame Guibbaud : Moi qui ne voulais pas ces portails, je suis quand même
contente, parce que les vols de voitures, de ceci, de cela … On est plus tranquilles,
malheureusement.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 58
Annexes
Lucie Vegrinne : Pourquoi ne les vouliez-vous pas, ces portails ?
Madame Guibbaud : Parce que j’avais pas envie que ça fasse comme à
l’américaine, les ghettos, les gens riches qui se protègent, vous voyez.
Monsieur Guibbaud : Y’avait un problème de sécurité aussi pour les enfants, parce
que les enfants pouvaient sortir de la résidence facilement.
Madame Guibbaud : Oui, mais bon, ça ça a été un temps, et tous les gens ne
vivaient pas avec des enfants.
Monsieur Guibbaud : Oui mais on était dans le bain à l’époque. Enfin moi j’avais
voté pour, toi t’avais voté contre, de toute façon.
Lucie Vegrinne : Finalement, est-ce-que vous trouvez que ça donne un effet
ghetto ?
Madame Guibbaud : Non, j’ai pas cette impression. D’autant plus que c’est
souvent ouvert.
Monsieur Guibbaud : Oui, c’est ouvert le soir, il y a des horaires. Sinon il y a un
bip ou un code.
Madame Guibbaud : Non, franchement j’ai pas l’impression, peut-être parce que
j’en vois les avantages maintenant. Peut-être de l’extérieur ?
Lucie Vegrinne : Non non, je ne trouve pas (rires). En plus c’est des portails qui
sont très souvent ouverts.
Madame Guibbaud : Et puis c’est pas comme si c’était des hautes grilles fermées.
Monsieur Guibbaud : Y’a pas de barbelés encore. (rires)
Madame Guibbaud : Quand on a fermé la piscine avec des grilles, c’est vrai que
c’était un peu désagréable. C’est tellement plus sympa, une piscine ouverte.
Monsieur Guibbaud : Oui, c’était une piscine ouverte, mais là aussi y’avait le
problème des enfants.
Madame Guibbaud : Oui, puis d’être envahis par tout le quartier.
Monsieur Guibbaud : Déjà qu’il y en avait qui ramenaient beaucoup de copains, du
lycée ou des étudiants.
Madame Guibbaud : Oui, mais des gens qui sont normaux, disons, c’est pas gênant
quoi.
Lucie Vegrinne : Ca gêne personne qu’autant d’élèves du yoga aient le code ?
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 59
Annexes
Madame Guibbaud : Alors au début y’a des gens qui se sont plaints. Je sais pas
comment ils ont su. Monsieur Monlezun avait mis le code sur internet. Quelqu’un
a su et s’est plaint alors ils avaient changé le code. Maintenant je le donne sans que
ce soit publiquement écrit. Depuis, j’ai pas eu de problème, non. Vous arrivez,
vous êtes calmes.
Monsieur Guibbaud : Oui, le yoga c’est pas bruyant.
Lucie Vegrinne : C’est une salle qui vous appartient ?
Madame Guibbaud : Non, je la loue et je paye l’assurance à la résidence. Je faisais
aussi un cours de gym, parce que je suis professeure d’éducation physique au
départ, j’ai fait le professorat de yoga après. Les profs de la fac m’ont demandé si
je pouvais pas faire, en plus d’un cours de gym, un cours de yoga.
Monsieur Guibbaud : Oui parce qu’elle était professeure à la fac de sciences.
Madame Guibbaud : Alors j’ai dit oui puis j’ai loué la salle.
Lucie Vegrinne : A l’origine la salle avait été construite pour quoi ?
Madame Guibbaud : Je sais pas, mais à l’origine il y avait un professeur danseur au
Grand Théâtre. Ils avaient aménagé ce local, avec les barres, pour faire des cours
de danse.
Monsieur Guibbaud : Au départ, ces salles avaient été construites, parce qu’il y
avait des studios destinés à la location. Donc ils avaient fait ces salles pour que les
gens de l’immeuble les utilisent. Ensuite, avec le conseil syndical des premiers
installés, la société les a revendues. Ils ont même fait des box en bas, parce qu’il
n’y a pas assez de garage. Donc la salle de yoga, vous la connaissez, c’est la plus
grande. Juste à côté il y a une salle de sport, les gens payent librement une
cotisation, pour faire des altères et des trucs comme ça, il y a des appareils.
Madame Guibbaud : Ca fait du bruit dans la salle de yoga. Il y a des vélos machin,
je sais pas comment ça s’appelle. Donc on entend « toc toc toc », certains mettent
la radio, donc je suis obligée de leur dire.
Lucie Vegrinne : Ah oui, d’accord, ça venait de là ! Et c’est le concierge qui
nettoie et qui range ?
Monsieur Guibbaud : Oh non, le concierge c’est un monsieur trop important.
Madame Guibbaud : Il est surtout très flemmard.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 60
Annexes
Monsieur Guibbaud : Il y a des femmes de ménage qui font le ménage dans les
escaliers.
Madame Guibbaud : Il devrait nettoyer devant chez nous, justement. Dans les sous-
sols il le fait pas. Il y a beaucoup de passage, pas mal de box, ça passe, ça passe et
ça repasse. Donc il faudrait quelqu’un qui nettoie régulièrement, mais c’est pas
fait.
Monsieur Guibbaud : C’est-à-dire qu’on a eu un concierge formidable au début,
après un qui était très bien. Un alsacien d’ailleurs, qui avait le sens de son boulot.
Sa femme était aussi chargée d’une partie du travail, des escaliers. Les enfants le
respectaient. Maintenant ils prennent des femmes de ménages. L’actuel, il fait rien.
Il fait le portier, c’est tout.
Lucie Vegrinne : Mais qui l’a choisi, le concierge ?
Madame Guibbaud : C’était le gendre de celui qui était avant. Ils sont partis à la
retraite, ce couple très efficace. Ils ont donné la charge à leur fille, qui était mariée.
La fille a divorcé, elle est partie, c’est son mari qui est resté. Pas très gracieux, pas
très efficace.
Lucie Vegrinne : D’accord. Il vit aussi dans la résidence ?
Madame Guibbaud : Oui oui, à l’autre bout de votre bâtiment.
Monsieur Guibbaud : C’est un avantage en nature.
Madame Guibbaud : Lucie, je vous fais un petit café ?
Lucie Vegrinne : Non merci, ça va. Donc les espaces verts, c’est aussi lui qui les
entretient ?
Monsieur Guibbaud : Non, c’est une société. C’est important, les espaces verts.
Donc ils ont mis une société. Y’a des contrats etc.
Lucie Vegrinne : Etait-ce une des raisons pour lesquelles vous vouliez déménager
ici ? Les espaces verts, l’esthétisme du lieu ?
Madame Guibbaud : Au début, y’avait pas tant de verdure. Quand on a acheté, on a
même attendu, l’appartement était pas terminé quand on a acheté. On a attendu huit
ou neuf mois.
Monsieur Guibbaud : Ils nous avaient même prêté un petit studio pour mettre nos
affaires. Parce qu’on avait donné congé là où on était avant.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 61
Annexes
Lucie Vegrinne : Les espaces verts ont été créés combien de temps après la
livraison ?
Madame Guibbaud : Tout de suite ils les ont installés. Mais il faut le temps de
pousser. Ça a quand même été prévu assez vite.
Lucie Vegrinne : C’était important, vous pensez, dans la tête des promoteurs et des
architectes ?
Madame Guibbaud : Oui, je pense, oui.
Lucie Vegrinne : D’ailleurs, il y a un cabinet d’architectes dans la résidence.
Monsieur Guibbaud : Oui, ça a été longtemps le bureau du promoteur, qui était
chargé de faire la location-vente des apparts. Il est resté longtemps, jusqu’à ce
qu’il vende à l’architecte.
Lucie Vegrinne : Il ne gère plus du tout la résidence ?
Madame Guibbaud : Ah non non. C’est le fils d’une dame de la résidence qui
habitait là.
Monsieur Guibbaud : Je ne l’ai pas connu à l’école d’archi. Je suis professeur de
mathématiques et j’ai donné des cours à l’école d’archi, en plus du lycée.
Lucie Vegrinne : C’est le cabinet d’architecte qui organise les visites régulières de
la résidence ?
Madame Guibbaud : Ah non pas du tout. Par l’école d’architecture.
Monsieur Guibbaud : Oui, comme c’est une résidence qui faisait modèle à l’époque
et l’école d’archi n’étant pas loin. Il doit y avoir un contrat. La résidence était dans
la liste des Journées du patrimoine cette année. On a vu des groupes passer.
Lucie Vegrinne : D’accord. C’est vrai qu’il n’y a pas tellement d’équivalent de
cette résidence à Talence.
Madame Guibbaud : Sur le bassin d’Arcachon, il y avait des premiers modèles.
Des maisons en bois. Comment ils appelaient ça ? « La girole ». A partir de ce
premier modèle ils ont donc conçu ça. C’était trois grands architectures. Comment
ils s’appelaient ?
Monsieur Guibbaud : Salier, Courtois, Lajus. Ils sont presque tous morts.
Madame Guibbaud : Je sais pas lequel mais il en a un qui continue à travailler.
Lucie Vegrinne : Donc c’était le même cabinet d’architectes sur le bassin et ici ?
Madame Guibbaud : Oui, mais c’était pas des résidences, c’était des maisons.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 62
Annexes
Monsieur Guibbaud : Ce type de maison peut-être, mais avec le même toit et très
vitré.
Madame Guibbaud : Pareil, oui, c’était pareil.
Lucie Vegrinne : On vous a déjà dit que ça ressemblait au Corbusier, comme
architecture ? Moi je trouve.
Madame Guibbaud : Vous trouvez ?
Lucie Vegrinne : Oui, les toits plats, les piliers, les baies vitrées.
Madame Guibbaud : Oui, mais Le Corbusier il me semble que c’est pas des
ouvertures aussi grandes. C’est quand même des fenêtres étroites. Je pense à la
résidence pour ouvriers à Pessac, des usines Frugès.
Lucie Vegrinne : Oui, à Pessac il a conçu une citée pour ouvriers, mais sinon il a
construit beaucoup de villas. Par exemple la villa Savoye, en région parisienne.
Madame Guibbaud : Je sais pas si vous avez vu, depuis, les gens ont racheté les
maisons des usines Frugès et en ont fait un aménagement sympa.
Lucie Vegrinne : Oui oui, j’y suis allée il y a quelques années. Le Corbusier c’est
toujours noir et blanc, toujours des piliers, toujours des toits plats, toujours des
baies vitrées.
Madame Guibbaud : Oui oui c’est vrai qu’il y a quelque chose. A Frugès les gens
ont racheté et changé à leur goût. C’est coloré, c’est pas mal. C’était un peu
austère au départ.
Lucie Vegrinne : Je l’ai visitée il y quatre ans, environ.
Madame Guibbaud : Moi bien plus que ça. On s’intéresse à l’architecture en
général, mais c’est pas pour ça qu’on a choisi d’habiter ici au départ. Nos
motivations étaient plus terre à terre. C’était près de la fac, ça paraissait sympa.
Lucie Vegrinne : Et les voisins sont venus pour les mêmes motivations ?
Madame Guibbaud : Oui, je pense, c’est assez fonctionnel et agréable à vivre.
Lucie Vegrinne : D’accord. J’ai un peu fait le tour de mes questions … Mais s’il y
a des choses que vous voulez rajouter ?
Madame Guibbaud : Non, je sais ce qu’on pourrait rajouter.
Monsieur Guibbaud : Il y a une chose, c’est toujours très demandé et les prix sont
plus chers que le reste, qu’une maison du même type dans Talence. Bien que
Talence soit recherché aussi.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 63
Annexes
Madame Guibbaud : Un appartement qui donne sur les tennis, au rez-de-chaussée,
est à vendre. Alors je voudrais pas me tromper, 440.000€ je crois.
Monsieur Guibbaud : Alors le mètre carré est cher, et il y a beaucoup d’acheteurs.
Lucie Vegrinne : Et peu d’offre !
Madame Guibbaud : Mais là les propriétaires commencent à mourir et plus de
maisons sont à vendre.
Monsieur Guibbaud : Ou même des gens qui ont des trop grandes maisons parce
que leurs enfants sont partis et qui veulent vendre.
Madame Guibbaud : Lors de l’enterrement de ce monsieur, où on était, l’un des fils
m’a dit qu’il avait déjà eu dix demandes, alors que c’était pas officiel et même un
peu indécent. Le bouche à oreilles, ça fonctionne.
Lucie Vegrinne : Ah bon ? On voit qu’il y a un fort attachement et une forte
attractivité de la résidence.
Madame Guibbaud : C’est très agréable à vivre.
Lucie Vegrinne : Oui et ça fait toujours moderne, bien entretenu. Et puis la piscine
et le tennis, quand même.
Madame Guibbaud : En plus y’a aussi un sauna. Y’a des petites choses sympas.
Lucie Vegrinne : Oui je note ça !
Monsieur Guibbaud : Bon, c’est l’heure d’aller ouvrir.
Madame Guibbaud : Tu y vas ? Je vous montre la maison, Lucie ?
Lucie Vegrinne : Merci.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 64
Annexes
Annexe 3 – La propriété selon la catégorie socioprofessionnelle, d’après
Monique de Saint-Martin et Pierre Bourdieu88
88 Bourdieu Pierre, De Saint Martin Monique. Le sens de la propriété [La genèse sociale des systèmes de préférences]. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 81-82, mars 1990. L’économie de la maison. pp. 52-64. URL : http://www.persee.fr/docAsPDF/arss_0335-5322_1990_num_81_1_2926.pdf
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 65
Annexes
Annexe 4 – Photographies du Hameau de Noailles, Talence, Gironde, France
Les immeubles
Les maisons individuelles
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 69
Annexes
Vue aérienne de la résidence
Crédits: CAUE de la Gironde. URL : http://www.cauegironde.com/ressources-en-
ligne/observatoire-caue/hameau-de-noailles/
Ces images ont été prises dans la résidence du Hameau de Noailles, étudiée sur le
terrain. Elles permettent de donner une idée du cadre de vie des habitants ainsi que des
emplacements des portails sécurisés, dont nous avons fait mention.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 70
Annexes
Annexe 5 – Photographies de Stéphane Degoutin
Le Parc de Montretout, Saint-Cloud, Hauts-de-Seine, France
Vue aérienne de gated communities dans l’Orange County, Californie, Etats-Unis
Crédits : Stéphane Degoutin, « Petite histoire illustrée de la ville privée »,
Urbanisme, n°337, 2004. URL :
http://www.nogoland.com/urban/publications/urbanisme2.htm
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 71
Annexes
La première photographie illustre la propriété murée et d’architecture distinguée de
la noblesse française comme au Parc de Montretout. La seconde illustre
l’expansion des communautés enclavées aux Etats-Unis, particulièrement en
Californie, rendent l’espace sectionné en de multiples maisons individuelles,
réunies en gated communities, entourées et protégées sous forme de culs-de-sac.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 72
Annexes
Annexe 6 – Photographies d’une Levittown à Mennecy, France
Carte postale de Mennecy de l’Association Vivre à Mennecy
Rue Lenôtre et rue François-Mansart, 1972 à 1976
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 73
Annexes
Rue Châtelet
Crédits : Mennecy et son histoire, 2006. URL : http://www.mennecy-et-son-
histoire.com/Levitt/Levitt%20pages%20WEB/Levitt%20Accueil.htm
Les archives de la résidence de Mennecy, située en Île-de-France, retracent
l’historique de l’arrivée des Levittowns en France et la tentative d’exportation du
modèle de vie en gated community sur le sol français.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 74
Annexes
Annexe 7 – Photographies d’Afrique du Sud, par Johnny Miller dans « Unequal
Scenes »
Vue aérienne de Strand et Nomzamo
Vue aérienne de Stellenbosch et Kayamandi
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 75
Annexes
Vue aérienne de Alexandra et Sandton
Crédits : Miller, Johnny, Unequal Scenes, 2016. URL :
http://www.unequalscenes.com/
Nous choisissions d’ajouter une partie de la série de photographies de Johnny
Miller en Afrique du Sud afin d’illustrer notre propos sur l’urbanisme sécuritaire et
enclavé en Afrique du Sud depuis l’apartheid. Elles démontrent à quel point les
zones sont différenciées entre groupes ethniques et classes sociales.
VEGRINNE Lucie | 3ème année | Travail personnel | 2017-2018 76