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Ferhat Abbas L'Independance Confisquée

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Ferhat Abbas L'Independance Confisquée

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r".h~1 Abb~s. r,,,.ckn prhidC'nl du GO'IH~'''emtml',..,,1 svl..., d" la R ~p"bIÎqu ~ ~1~~.ÎCllnC',d r~~~" k bilm' ~atl~ «.,mplal· ~alll'C' dl:' l'AIX",i\' de I\I(,! ~ 1971'.

'\1'''" M'lM ~n~ dl' ~uC'rTI". nl1d"pt'Od~nl'" ~ procbmh' ''' ~ inilkt ~'J6~ . M~is rit" l"St C'f",nM/llk PU""11 8dla d·abord. p~r ROlimediC'lI C' el1~uilt. En umlaltt iml"'~t'r If -soci:diSlllr- rt l'II s"nnlt'llanT l'Alt:"rir li. leur pouml. pt'rsonnd. ils ont t·"tr~,t ..... Ul holml"n tt '1r~hl II:' unI: dr" fhollh3d~·.

ruhal Abbas anal)!Il' ln diffif1lllh dr 1',\lgtrir ilia lumltre du p~~."" historique. dC' la nllol1is~tiu" . de l'nt*rlel1fC' dl' ta "rhulution pu la loi" CI d~ la luUC' a.m«. I'oll' Ini. Il' pal's prut t"'KI'tr wn ~quilihrr ~n _I:"u rMrit~~r dt l'Islam. U dimension rc!i/lirusc ('t social". ct la fom"'pt;on liMralr dr 13 dfmocr.die.

l in thlOil:nagl' luei.!\' ct ,tn~...,u.\ Su. rA]I:~rir. Slir Il' tlt.s IIIondr .

• "1 m IN!)!) li Tnbl'r (1'('1111' KnbJ'IIt). Frr/,," Abbrts. rtprts du tf IIdr-«" ,lIgr l'. s '1 " sl a lit! Ph4 l'''' tI l' Il''' li SIl if,1f d f/l'"d nrll· l'tml'''1 Il's drofl.l dt' 14 romnumnlllë mllSllllllllnt' t'I ",,1Kt' tn 194; / ... Manifu lC' allltrltn ./I/olld" rU.1UI.A. t'n l'Ull ..... JO/II' ft' f :/. N. t'II 1')5-1 1'1 41'1'11'111 prrsldl'III du (,'.l'./tA. Il d;mls· sltlNllr 41' la p"Slll rll('l" 4 ... l ibsttllblh n1i1l01/4/ ... consll­I"alllr tll 1,6;, ,11I1t l'II " sfdrllcr ,,,,.,.rlllft' par /kil BrUn 1'1 ptlr Rflllmrdlt'rtt, l'frbnl Abbns, qul!l '~Iull rrlirêdr III ('1" pail· IIqllt, a III rlllrgi par 1 ... pris/drill (:bndll. Il fi pl/bm prlcl­dtmtl/rnl , I~ JC'unt All:h·iC',l. La Nuil Nluniale'. Au topsie: d 'unt I(IIHI'r.

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L'INDËPENDANCE CONFISQUËE

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DU MI!ME AUTEUR

U Jr~1W AlgI'/nI. U Jeune: l'a"luc. l'Uo. Ré&!. Garniu , 1981.

Ûl Nui' «>IOII/"/r. Julliard. 1%2 AU'''f'Slt ,rUIW '~"'t, l'Aurore, G"nic •• 19BO.

FER H AT ABBAS

L'INDÉPENDANCE CONFISQUÉE

1962- 1978

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A la jeunesse a lgérienne

" à la jeunesse du Maghreb

Je vous dédie cc livre: l'our Ijue l'Algérie, dans un Maghreb renais­

sant, sc dc:.'eloppe comme une patrie r:adic:use oU tous tes Algériens, sans distinct ion d'opinion, seront heu­reux de vi"re,

l'our que la famille demeure la cellule sociale, $OUrce d'énergie, d'esprit d'entreprise ct de solidarité I13tionale,

Pour que l'Islam, foi de nos pères ct de nos ehouhada, rcste la pierre angulaire $ur laquelle s'~difieront le renouveau et la gr:lndeur de notre ",...

Pour que ,'ous soyez fiers de ootre race et de not re civi l i~t ion, ~ns tomber dans le rac isme ct sans m~priser aucune autre civilisation,

l'our Ijue le Mllghreb devienne une gr:lnde communauté unie par le sang el p;ar la roi de nos aneètres ct s'impose, comme telle, OIU monde c~tê-rieur,

Pour que la culture ct la seience assurent ,'otre promotion s.1ns pour autant couper Ics racines qui VOU$ r:lllachent au JlCuple rural ct à ,'Otre milicu social.

l'our que "OIlS vous nourriss iez d'humanisme, de poésie, d'alllour ct d'art,

Pour que vous soyez des hommes respon.ables et libres, respectueux des droits et des libertés d'autrui,

F. A.

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Text Box
L'Indépendance confisquée 1962-1978 Ferhat Abbas Flammarion Paris 1984
Page 6: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

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AVANT-PROPOS

/II~ NKIt~: fWU >."" ,j .. JOixnap. Quj('Otl. qUt It lai. u ,...,,11 .. """al>l, /lrlfar" dt m,,,.

l.E CURAS ' •

• Qui ~ .. , ri ,fm,pklr,. pkll, . •

A:<TOIN~ LOISeL

l)cpuÎs le S juillet 1962. l'Algérie est indépendan­te. ~!Jis aucune loi n'c.1 inlc rI'cnut pour prOlégcr les citoyc:ns CQnlr<: les abus du pouvoir.

Le 3 j uillet 1964 il 2 1 h Cllre.~, d~ policiers. tels des malfaiteurs. escaladèrent ta clôture de ma villa à Kouba (Alger) cl sc pr':scnlèrcnL li ma porte, mi t rail­Jettes au~ poings. J'étais couché. Mon épouse leur oo \',i l la porle ct fUI saisie de frnycu r devant ces hommes armés. Ces policiers. conduits p.u le corn­mi~irc ccntr:tl. feu Ilamadcchc. \'cn:,iel1l poUl m'arn:tcr cl me conduirç je ne sais ou. Ils n':l\'aicnl aucun mandat d'arrêt . Je ne connaissa is ni le com­miSS<lirc. ni IIl1cun de ces agenlS. J'ai donc refusé de les suivre.

Après une longue ct pénible discussion. ils c3pim-

1. Le Cor.an. _"'le 2. _ t:. ,""che _. v. 2U.

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, lèrcl'll. Néanmoins. ils În\'CStircnL la m:llson. I.e lendemain, ct jusqu'au 19 aOÎlt. des policiers en armes CI pM groupes de quatre montèrent la garde, jour ct nuit . au tour de ma demeure.

Le 19:1oÎlt, un inspecteur, accompagné de deux policiers, sc présenta 11 8 heures du malin pour m'informer que le commissaire central dé!;irait me voir. Je lcs ai suiyis. Je fus CQnduit d'abord dans un ootiment sur [es hauteurs de Saint·Eugène. aujourd'hui Dologhine. ensui te à El Biaf, dc\'am les locaux de la Sécurité gértêrale. Une aulre \'Ol lure m'emmena d:lns une villa, ancienne clinique désaf· feclée, où je fuS enfermé jusqu'au 30 octobre.

Dès que j'cus quiLlé la maison, la police sc mil à pcrquisitionflcr chez moi, au m~pris de la loi. En rouil13nl, clic trouva une Icllrc que mon fils. étudiant de 19 ans, m'avait envoyé il Sétif oU je me trouvais en avril 1964, Il me disait qu'un ami était vcnu m'a,'cr­tir qu'il t tait question dc mon :mest:uion et que je dcvais prendre mes précautions,

Je: n'avais aucune précaution il prc:ndre, Je n'élais mêlé ni de près ni de loin aux événemenls du jour ct n'avais rien :1 cacher, En découvrent cctte lcmc, la police arrêta mon fils el l'emmena il l'ancienne clinique Roubi où il fui enfermé, lais""nl $:.1. mère en pleurs et dans la désolation,

Ma femme avait déjà subi d'autres ~pre u\'es . En 1945, après les tvtncments du 8 mai, clic fut arrê tée ct enferm~e il la pri50n d'E l 1-larF.lch, a"cc les condamn~es de droit commun. Elle y demeura un mois. Ensuite elle fut dirigée sur I~ camp d'Akbou, une caserne d~saffeClée où étaient détenues des femmes d'origine italienne ct allemande. Après la fermeture de cc camp, en janvier 1946, elle fut plac~e en résidence surveillée 11 RelizallC, alors qu'une telle mesure avait êté supprimé<: par la b'êe de l'état de siègc.

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Elle n'a été libéré<: que lorsque je te fus moi·mcme. après le 16 mars 1946. Cependant elle n'a jamais élé aussi malheureuse ni n'a souffert au t:lll t que le jour où la police de Ben Il-clla lui arracha son fils et le conduisit vers une destination inconnue.

En l'absence de Ben Bella, notre fils fu t libéré le 24 septembre par Boumediene gr:ice :\ l'inlen 'ention du Dr ,\hmed Francis ct de Cherif Belkacem, minis­tre de l'Ilducation. Il sorlil fortement éprouvé el ph}'siqucment affaibli par les condi tions dc 53 dé ten­tion ct les épreuves subies.

A El Diar, j'éta is au secret. Mais j'ai su ccpendant que j'avais beaucoup de compagnons dïnfOTlune: le président Fares, l'ancien ministre de la Justice Amar Bcntoumi, le commandant AZ7.edine, le commandant Larbi Berrcdjem de la Wila)'a Il , Io:.~ frères de J'ancien ministre des P.T.T. Hassani, les députés Bouah:m Oussedik, 8r:ahim Me7.houdi, etc.

Le samedi 31 octobre il 2 heures du m:l tin, certains d'entre nous furent réveillés. I.e licutenant chargé de notre sUr\'eillance nous informa que nous étions libêrés. Nous nous prl!par;îmcs ct dcs voitures nous emmenèrent sur une place d'El Biar où le directeur de la Sùreté nationale, N:ldir Yadi, nous attendait. Celui-ci nous fit mettre 10:$ menottes, fit cnc~drcr

chacun de nous par deux policiers t3ndis que deux alllres sc relayaien t au volant des \'oitu res qui sc dirigèrent vers le Sud ornnaÎs. Je dois dire quc dès le départ du directcur de la Sûreté, ct â peine avions· nous fait une centaine de mètres, que le policier responsable de ma voiture m'ôta les mcnOLtes .• Je n'admet~ pas, dit-il, qu'on mette do:$ mcnottes à nOIre père ct au père de notre indépendance .•

En roule, j'avais cu froid, car j'élais légèrement \·<:Iu. le même agent me remit UTlC chemise plus chaude que la micnne ct m'en re\·<: tit malgré mes protestations. Nous anivames ;\ lléchar vers minuil.

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, Nous rümcs conduils dans dc.~ pii:cc.~ vides. Je rédImai un malclas CI des COl,m;rl ures. Le "'ali' , Rachid "li 1'3ch. Ille les fi l porler.

I.e IcrKIcmain ,- novembre. et :1 l'occasion de te jour anniversai re. le commi~'\.,1ire de police de la localité nous informa que oous êlio!'l.~ ses i'lI'itês CI que nous aviOns droit au couscous tradit ionnel. Nous n'étions plus que qualre: üenlourni. Mczhoudi. Ous­:;edik el moi·même. Les aul res délcnus avaient (It dirigés, la nuit même. sur d'aut res licu~ : 11:: comman· danl Antdine à Tamanrasset. le présidenL Fares il Ain Salah. le comm:.ndanl I.3rbi BcrrcdjclIl à AI'lou. Je fis remarquer au commissaire. au cours du rcp:!s, qu'il risquait sa rê"OC<Ition. "El après? me répoodÎt· il. les porles de Dieu sont larg~s .• Nous élioJt~ daM le Sud. oil les nuits sont fr .. khcs. Le même commis­saire 4uill:l son pardessus ct me le donna .• Vous me le rendrez lorsque ~ous serez li~ré., me dil-il.

Le lendemain, nous primes la route toujours en di rec tion du Sud, sans savoir où nous allions. Avant d'arr;l'er il ,\drar, le chef ~e I:i Daira ' vint à notre rencontre. C'ét~i t Si Ilelk:!eem Ik nb:,atouchc de Barika dont je eonn:l issais bicn 13 famille. Son accueil fu t trh cordial. A Adr:lr. on nous plaça. Ikmoumi et moi. dans dcu)( villas jumelles al'ce jardin commun. Cc." là quc nous ,·éciimcs. Hcntou' mi. coléreux ct broyant du noir, ct moi. vil-ant phi lo:;ophiqucment 13. oû Dieu m'aVôl it «m~ui t . I';ime

cn paix ct la conscience tmnquille. Les députés Mezhoudi ct Ousscdik furent dirigé.~ sur TiminlOUn.

Nos famill ... "i furent autorisées à nous rendre vilite. Mon épouse fi l plusieurs fois le voyage Algcr-Admr pour me ravitailler et m'apporter ~u linge. Mon fils, mes nevcux ct nietes vinrent également me l'oir

2. Wall: préfet. J. /Ni,a: .....s-prif«'urc:.

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accompagnés de mon fidelc ami Hadj Djaballah de Bl ida.

Cest dnns celle villa du Sud quc j"appris la mor t du regreHé Cheikh 1:1 Bachir Ibrahimi. ancien prési­dcn t de l'associat ion des Oulémas. Une grande figure de l'Islam disparaissait! Cheikh El Baehi r fut mon co:n:'~gnort de cellulc après mai 1945, il la prison m~1t.t:lLTc de Constantine. Il rut aussi mon père spmtuel. La oouvellc du décès de moo ami Abdclui~ Kessous me p-1rvint également! Adror. Aliz Kessous avai t été mon condisciple au çoll~ge de Ski kda. Il avait é té UII grand mi litant de la cause algérienne. Il ~irigea avec moi le journal Ct:",!'",!' en 1938. le ~urllal t:galirl, de"cnu ensuite la Rfpubliqut algf.. rI!'nnf!. de 1944 3. 1954. Je rai beaucoup regrelté.

C'est :tuss i du rant ma détention que mon :lmi ct collaboroteur à la présidence dc l'Assemblée natio­na le eonstiwame, I.ueien Angeli. fut e~pu lsé du lerritoire na tional. Arrêté dans la rue, la police ne lui la issa même pa~ le droit de se rendre à son domkile poor y prendre ses affai res personnelles.

Nous fii mes libérés, Bemou mi fin mai, el nlOi le 8 juin 1965. Ccs événemems se passèrent alors que Ben Bella dé tenait le poul·oir. Mais il ne devai t pas le g.1 rder longtemps puisqu"i l fut arrê lé lc 19juin.

Lc 10 man 1976. il 71\30, la police frappa de nouveau à ma pon e. C'étai t le commissaire de police de Koubn. accompagné de deux policiers en civil. Il "cnait me significr que j'é tais placé en résidence surveillée dans ma propre villa. Il mïnforma que mon téléphone allai t é tre coupé ct que tOUIC visite était interdite, à l'exception de celle des membres de ma famille. Je lui demandai s'i l ava il un mandat motivant celte mesure. Il n'avai t rien. Jc lui remis alors une protes ta tion écr itc dans laquelle je m'é le-

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vais cotUre ce procédé arbi lraire I/ui porlail allcintc li m~ liberté sans qu'aucune accu§3tion officielle ne soil portée à ma connaissance, Cetle fois-ci. l'Algérie vivait sous 13 férule du colonel Boumediene, de son vr,Ji nom Mohanled Boukharouba, Une $Cmainc plus ta rd, j'appris que nia pharmacie él:l il confisquée el mon compte en banque bloqu ~, Boumediene ne s'inquiéta nullement de savoir si j'avais les nlo)'ens de subl'eniT à mes besoins ct 11 ceu~ de ma famille, lieureusement des amis m'apportèrent leur :lide.

Celle si tuation dur:!. jusqu'au 13juin 1977, Cc jour·là, il 22 heures, un inspecteur de police vint m'informer Que la surveillance policière au tour de ma demeure était levée ct que je pouvais cireulcr librement en Algérie. Mon jmsscport llC me fut rendu qu'après la mort de Boumediene, survenue le 28dé­cembre 1978. Quant li ma ph:umacie, elle ne me sera restituée Qu'en j:tnvic r 1982,

J'ai supporté CCI arbitrai rc .~ ns mc plaindre. Je le eonsidér.t is. dans le régime sous lequel nous vivions. ccmme étant dans la n:lIure des choses. L'Algérie tout entière n·était·dle pas soumise au bon plaisir du pouvoir perronncl ct pr isonnière de l'au tori tarisme? Lorsque le poul'oir ne repose sur aucune légalité ct encore moins sur la légitimité, ces e~cês sonl prévi· siblcs.

En 1964, je fus arrêté parce que je ne voulais pas suivre Ben Bella dans son aventurisme ct son gau· ehisme effréné, J'ai démissiooné de la ptisidellCC de l'Assemblée na tionale constituante dès le jour oû la Constitution du pays f~t discutée ct adoptée en dehors de l'Assemblée Que je présidais ct des députés élus pour cc faire. la discussion ct l'adoption curent pour cadre une sa lle de cinéma de la vi lle, • Le

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~hjeslic _. U fut insl ilutionna li~ le parti unique. à l'instar des démocraties populaires.

Ben Bella s'é tai t i m~giné que je devenais un olr.;tacle à sa politique. alors que je voulais simple­ment Cllprimer publiquement mon refus de participer à la • soviélisa,!ion. de mon jm}'S, entreprise cngagée ~nlre la ~olonlé de nOI re peuple.

Après ma démission, la radio d'Alger ct la presse m'injurièrcnt. Puis Den Alla, qui me remplaça, par la suite, à la présiderlC<: de l'Assemblée nationale cons· tituante, tint une conférence de prcs.sc au cours de laquelle il annOllÇa ma radia tion du F. L. N.

Qui me radiait? !Jen Bella? Ben Alla? Le Bureau poli tique? Ni les uns ni les autres n'avaient au toritë pour le faire. L'Assemblée nationale? Elle n'avait pas été ccnsultée. Le Comité centra l? II n'e~is tai t pas.

En vérité, Ben Bella ct Ben Alla s' imaginaient que j'ét:!is un la rbin à leur scryice, Ce en quoi ils se trompaient J'u n et l'autre. Nous savons que Ben AlI;1 a pas~ les années de guerre en prison, Abane Ramdane m'a ccnfié qu'au moment dc son arresta· tion, il tenait en mains une miuaillcllc chargée cl qu'il s'étail bicn g:mlé de s'en servir.

Tel fuI le ccmporlcnle nt de notre p r~ tendue • élite ré~0IutiOlln3ire. qui s'est permis de nous juger!

A son tour, Boumediene me plaça en résidence surveillée jmrce que j'ava is signé avC(: Cheikh Khei· reddine, ancien yiee·présidcnl des Oulémas, Ben Khedda ancien président du G, I'.R.I\., CI Lahouel Hocine, ancien secrétaire général du M .T,L. O .. un appel au peuple algérien. Âvant d'êlre diffusé, l'ap­pel rut remis en main propre !l Boumedicne. Nous n'avions pas li nous cacher. Nous affi rmions, au gl1lnd jour. notre conception de l'u l'cnir ct notre rerus de subir le pouvoir pefl\.Onnel ' .

4. Voir. en anno:~c, rappel au peuple.

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C'ét:! it no ire d roi t CI !lOlre de"oir, d':IUI:!nl plus que le 1" novembre 1975, d~ns une réunion publique, Boumediene :!vnit annoncé il son :!udiloire qu'i l allai t doter l'Algérie d'une OOUYl:lle charte - la cinquième depuis le ,- novembre 1954 - ct d'une nou" e l1e Constilut ion, que chacun pourrait discuter. ° Duranl cette période, ava il, il ajouté, le déba t sera ou,'e rt à toutCS 1e.~ opinions, à toules les idées, dans la liberté tota le. °

Nous ayons applaudi à l'annonce de cc débat, e3r, pour la premiè n:: fois depuis l'indépendance, le pou­voir allait enfin donner ra parole ::IU pcuple. Mais nous dùmes d6ehanter très YÎte, Je rappellerai au;( dHenseurs de Boumediene que même son ami Goor­ges Marchais, tout communiste ~talin ie n qu'il c.~t ,

venait de publ ie r un livre où il défendait âprement la liberté d'express ion. Il y éeriyait :

Il faui toujours êlll: en larde contre la tentation de substituer ~ l'effort démocratique de convic tion, de confrontation et de bataille d'idées. les facili tés de l'au tori té el de réprcssion. C'esl pourquoi il est n:JlUrcl que nous uprimions not re désaccord :lYCC les mesurcs r~ prcss i\'cs qui 311enlenl :lux libcrta d'opinion, d'n­prcssion ou de crt:nion où qu 'clics soient prises. C'est ainsi, par exemple, que nous ne C3chon~ fUs que nous avons une sérieuse divergence ayec le Parti communKte de l'Union 501'iét iquc sur la question de la démocra tie. le respect des libertés indiyiduelles et coI lceti,'es, de: la liberté d'cxpression et de cré:uion, entre aUlres, a pour nous une va leur uniyerselle ct nous le dtrendrollS parlOUl, chaque fois que cela CSI nl!ees· uire, ct SllIIS restriçtion ',

Il n'ét:l it pas interdil de penser que M:m:hais e ilt lenu le même lang3ge deyant Uoumediene et que cc

S. GCOfSes Msrcl\.)is. l'"rlfNIJ l'd" dl"'~III, Paris. Gru<el, t911.

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dernic r se fût COnl'Çrti au respect du surrr.lse IIn;"er· sel c l au.\ méthodes d~mocm t iques pour asseoir légalement son pou''OÎr. C'é t:l;t mal le connaÎtre,

,\ peine no ire appel lui fut,iI remis qu'il entm d~ns une gr .. ndc colère. Il déciMa devant $CS ministres qu'il allait nous faire fusiller,J1 n'admetWÎt pas qu 'il y ait des opposants à oon régime alors qu 'il détenai t le

' pou"oi r depuis doul:e annécs. Mais il ne s'cs t jamais inquiété ni de la façon dont il nous gouvernai t ni de celle donc il ayai t pu déten ir le pouvoir.

Nous n'ayons pas été fu si llés. En taUle modc.~tie je pcnse que Ics quatre mi litan ts que nous sommes ayions déjà défendu l'Algérie alo~ que Houmcdiene n'é tait pas cnCOl'e né. NOIre droit il la parole étai t plus légitime que le sien, L'Algérie n'c.~t pas née ayee son coup d"Ëtat du 19 juin 1965. C'est un vieux pays ri che de m(l:urs anccstralcs, de tmditiollS ~cul<tircs

de liberté ct d'une belle civi1i:<;alion. Nous l'a \'on:l défendu eonue le régime colonial. El si oominalcur que filt ce r':gime, il ne nOlis a pas empêchés de fl3rlcr, de critique r, de revendiquer.

C'es t srke ~ 1:1 libt:rté de parole que notre pt:uple :1 pu sc: former politiquement cl s';umer moralement, ct Qu'il cst mont':, enfi n, il l'assaut de la forte resse coIoni:lle c t de ses injustices, I.a parole a ses mira· cles, Notre Prophcte l'a oonfi rmé .• rai é té envoyé, dit,iI, avec J'épée ct le Verbe ct fai constaté que le Verbe était plus tronehant que J'épée, ~ le Verbe, c'est J'é ti ncelle d'où jai llissent la lumii:re ct la yér ité, La fl3rolc porte en eUe des forces insond<tbles. Sans liberté de parole, un peuple ne yit pas.

Aprês ma prt:mière dé tent ion d:!1lS le S ud en 1964,1965, d'où je suis reyenu malade, un vieux compagnon de lulle m'avait conseillé de .deteler o.

«Tu ;IS aSSCl: fail pour ton p..-'ys, ferme ta porte aux visi teurs, a rrê te- Ioi, Désormais lU as droil au repoli. Que I c.~ jeunes édifien t l'Algérie «Imme ils l'cnten·

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den\. • C'étai t le langage de la rJison. Mais pcUI-()f1 viv re pour soi dans une tour d' ivoi re, dans la quiétu­de. quand l'injustice. comme unc lèpre. db'ore loul le corps social d'un pays? L'aveni r de ccu~ qui na issent. leu r vic. nous sont aussi précieux que le furent les nôtres. Je crois personnel lement que le droi t de: cr itiquer CI de d~noncc r l'injustice CSI un droi t impresc ri ptib le CI immua ble. Certes. nu crépuscule de la vic, nos fa rtel> d iminuent CI IIOU~ ne pouvons plus agi r comme au temps de la jcuneuc. I\lais nous pouvons toujours témoigner. L'islam le recom­mande.

Cc livre esl un simple témoignage S:IIlS aucune ambi tion personnelle. Je n'écris pas comme d'autres préparent des coups d'É tal. Je ne convoite ni pouvoir ni lIonneur. je VcUll seulement dire. devant mon pays.

1 cc que j'ai vu et ee que je pellSC. ear quels ehc~ns tortueux l'Algérie indépendante est-clle arri~.

vivre sous un régime tota litai re? Les peuples ne choisissent pas le totali tarisme. Il s'impose li eux par la force ou par la TUS<:. et les réduÎ t li l'état de fi gurants. Il fau t que chaque citoyen en soi t cons-cient.

Ces régimes trahissent l'avenir, trahisS<:nl la morale ct ses principes. Ils sont en contradiction fondamentale avec l'is lam ct les droiu de l'homme. En démocratie réelle, tous les citoyens partic ipent eff<:<:tivemc::nt aux aITaires publiques. Le pouvoir émane de la voloo té de tOllS, librement exprimée.

Cc dogme a prévalu dans !"islam dès la mort du Prophète. Le Khalife Abou-Bakr a eté élu p.l r loute la commu nauté musu lmane réunie ct consul tée. El cette règle de l'islam cl de la d~mocratie a été violée chez nous dès la fin de la guerre de libération par des hommes qui ont fai t fi des sacrifices de notre peuple. en lui confisquant sa vÎe toi re. A aucun moment ces

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hommes n'ont pensé il. lu i donner la parole, alo~ que ) lui seul ,.V-JÎt le droit de légiférer pour le pays.

Vingt ans ont passé. Les deu:"! hommes qui ont rusé al'<:<: l'histoire ont été écartés par l'h istoi re. Ben BcII3 a été chassé du pouvoir par le coup d'Étal du 19 juin 1965 perpélré pol r le groupe d'Oudja au bénéfice de IklUmediene, son all ié de la veil le et son ministre de la Défense. Celui-ci l'enferma quatorze ans, sans acte d·aceus;lIion. sans jugement. sur simple· lettre de cachet ", comme sous les rois de France. Son geôlie r pensai t sans doute :i tout sauf il son destin et à 13 mor!. Il fu t emporté en pleine force de l'age p3r une gr:l.ve ct brutale maladie, le 28 décembre 1978.

Ains i sc te rm i n~ l'aventure de deux hommes qui sc considéraient , sa ns raison. comme des surhommes. et qui ont pris I~ pou\'oi r par la ruse et pa r la force. Pendant que le peuple algérien versai t son sang par flots pour ouvri r la voie il l'indépendance et la liberté, eux sc nourrissa ient du rh'e de i.levenir des· sultans" d3ns leur p3)"S.

On m'a reproehé d'avoi r aidé l'un ct l'au tre. Je dirai dans quelles ci rconstances je rai fait. J'étais loin de soupçonner que les manigances des Ben Bella ct d c.~ lIoumei.liene avaient pour but de condui re notre pays au pa rti unique ct au pouvoir pcrsonnel. J

C'es t dans etlle ignorance que j'ai éte mêlé il leurs all iances. Pouvais-je vraiment avoir le projet de collaborer 3vee des C'Jndidats dictateurs? Je respecte trop le peuple pour accepter qu'il soit pri\·e de ~ liberté d'expression ct de ~ part icipat ion .lUX aff 3 ires de l'Ét;).!. Je suis trop attaché 11 l'islam pour le troquer contre un nD\l1'c! ordre social qui a donné partout aille u ~ de~ résu!t3ts si décevan ts.

Aux plus mauvais jours, 11 Adrar, CQmme dans nm résidence surveittée à Kouba. je vivais mon isolement ct ma soli tude sans jamais désespérer dc l'aveni r de la démocrJ tie et du révcil du peuple. Toute m3 VIC

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j'ai \'écu l'islam dans son intensi té ct fèvé de 13 liberté dan~ sa plénitude, Aucun pouvoir, quel qu'lI

1 SOil, ne peut emprisonner indéfiniment 13 C(Inscience d 'un homme ou d 'un peuple,

Ccrt3ins penseront peut.etre que Ikn 1k1l3 comme Boumediene é ta ient mus paf la recherche du bicn public et la volonté d'apporter un changement :l l'Algé rie, Mais en réal ité ils n'on t fait, l'un c t l'aut re, que du paternalislI1t' à bon marché, en s'appuyant sur une _ mafi a» de • pet its copains . prêts ~ se se rvir plutôt qu'à servir, Sous leur régi fll~. le slogan . Par le peuple pour le peuple " est devenu, selon J'c~p ression employée par Harbi, • Par nous CI pou r nous'_,

l'our moi. je leur pardonne beaucoup de choses. Mais je ne peux leur pardonner qu'ils aient in trodu il dans notn: pays les pra liques st3liniennes. le oollec, tivisme parasi tain: des democratic:s popuiaircs. c t qu' ils aient changé nOI re style de vie, Tous les deu~ ont méC(lnnu l'islam. Ils mult ipliaient leUr!; \'Q)'agcs en U.R,S.S, Ils tenlaient aussi de (a ire admet tre au~ Algériens que Moscou ~ tai l désormais la nouvelle: Mecque de J'Algérie, Celn est· il possible'! Cda est·i l conceyablc? Le premier y reçut • l'ordre de Lénine ", réservé au~ mnrxistes flléril<\ nls. Le second pensait y trouYe r un appui CI une. gloire. qui rem· place ra it . à ses )'e u~ , t'ndhé~ion de son propre peuplc,

l orsque s'écoulaient mes jours sous la suo'ci tlance des mi trnil leues de Bcn Bella ou dc Boumediene. il m'arriv:a it de penser:li mon destin CI au leur. Ils onl ehcvauehé les chimères du pouvoir, J'ai c ru plus raisonnable de respecter t'homme, A chacun sa conscience, :li chacun sa conccption du Bien CI du Mal. Devant les micns afnigés ou découragés. j'ai

6, Mohamed Ibrbi, 1 .. F.L N, Mirait t r NldUr/, Jeune Afrique, 1980,

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souvent lentr: de leur rendrc espGÎr en 6'oquanl les \'C~ si actuels de Victor Hugo:

Nous avons tous deul au front UIIÇ couronne , .. Vous des neurs de I)'s d'Ot CI moi de ( h.\'eu~ blJncs, Roi, quand un sacrilège ose: insuhu la yiltre, C'e:u yous qui la vens.?: C'Ç$I Dieu qui Yeng.cT:l

l'au t,e '.

Jç nois, en effet, qu'au-dcss li s des mul1i tudes hUnlaines, de leurs actions, de leurs ag ita tions, de leurs e:l!culs. il y a un Juge suprême, Quui qu'il en soit. à chacun sa d CS li néc, ln sagesse commande quc l'on gouverne à - lombeau ouvert ". C(InllllC ks cava· liers IT'J,'ersenl le désert, l e pou"oir ne mct pas ;'1

l'abri de la mort. l orsquc j'étais prësidenl du Gou· ,'erno,:mcnt provisoire, je penS:Jis sau\'cnl :tux comptes que je deva is rendre au peuplc el à Dieu, Je vivais en parfaitc communion d'idées ayec nos maquisa rds, Cc n'CSI pas S,1 RS misan que ccu~-ci SC dtOOmlllèren t moudjahidini' . • les combaunnts de la foi _, C'est l'islam qui a conduil lcurs pas, Leur cr i de guerre é1:lit AllahAkbar!. Dieu csl le plus grand", Leur cri d'espérance éta il aussi: • Yahia ,., ;,r/IIII/ (m t, l lIuurria • • Que viven t l'i slam c t la liberté ! "

Cela est si vra i qu'un homme du régime, le I)r Ahmcd Talcb 1 bmhimi, le confi rme en des terml.-'S inattaquables "

Si nous cl1crchons. tcril·il. 13 face cachée qui a allumt l'élineelle de la rb'oIulion daM L, patrie islamique à 11'ôI\'ers sa longue histoin:. nous ne trOUY~ r ions pas d':tulrc roo.'C que l' isbn., C'esl lui qui a :trfront.! ln; nombrelu difis qui Ont menacé la eommun~ulç musul· manc d'~ntanl isscmcnt CI donl le Iriomphc spirituel

7, Viel"" Hugo. u ml "Qm~u, &, A l'heure 3Ç!udlc le I)r Ahmed T"lcb Ibr~h;mi nI

m!o;,ltc des Arf,i rcs clrangCrCl,

"

Page 13: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

s'cst poursU IVI ~ft$ cesse: en dépit <k5 eondi tions de troubles eonnues p.1t «Ile eommun3u t~, de: la raiblc:ue de sa foree politique:, de sa division en groupes et colkctivitb. Sans l'i~llm la musulmans ne sc: ser:r.icnt pa~ libérés du colonialisme. Si quelqu'un 3 des doutes à ce sujet, il lui surfit d'ttudie r la rholution algérienne, il ne pourrp qu'é tre convaincu "l ue c'élait unc révolut ion islami"lue qui S'cSI déclenchée au nom de l'islam, qui a triomphé gr.lee à lui ct que SI:S hommes avaien t pour devise la parole de Dieu le T.à Hau t qui dit: • Ne ' crois surtou t pas que «u~ qui sont tués dans la voie de Dieu sont morts: ils iOIIt vivants ct auprà de k ur Sc:igllCUr seront pourvus de biens t • •

Si, depuis vingt ans, l'Algérie ne trouve pas Ic chemin de son fut ur, si elle cherche encore sa voie, si elle CSlloujours ballonée entre les vents de l'Est ct de rOuest, c'est que le sang des chouhaJa n'a pas pesé bien lourd sur son dCSlin. Ni Ben Hella ni Boume· diene ne l'ont pris en eomple. Cela cependant étai t important. Ils onl pré tendu que le l'a rti unique, la dictature , le pouvoir personnel ct le socialisme sans libcrt fs étaien t seuls aples li !;Ortir l'Algérie de son sous-développement. La revue Rfl"of./lion africaine a osé meme éc ri re à l'époque de Den Bella que le • Coran avai t vie ill i •. Si cc langage n'était pas une erreur, pi re un blasphème, çomment expliquer que /IOtre foi ail conduit les mouJjahidine à la. victoire, ct que nos pères aient risisté à la colonisai ion CI à ses abus durant plus d'un siècle'!

En Algérie, depuis 1962, l'islam CSt mis en accu­salion dans sa pensée et dans ses çomposantes sociologiques. Nous ~i vons dans une atmosphère de mensonges hab ilement orchestrés. Les Algér iens CI les Algériennes doivent adhérer au stalinisme totali·1

!J. Dr "h!Md T.kb Ibrahimi . • Qucstiofts el rtpom.c:s , ur le ....:ialisme . (con(ê",nec donnk lors du 14' Kmiroaill' ... , La JlC'nKc isLamiq~c1.

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jtl1i re ct accepter le (IOuvoir personnel s' ils \'eulcnt p.lTt iciper à la vie publique. Être algérien tout court ne suffit plus pour ètre eÎloyen à pari entière.

Une nouvclle cllste de privilëgiës est née ainsi. Comme il y eut pendant la çolonis:Hion, Je premier collège qu i étui t tout, ct le deuxicme collège, qui n'élait rien, comme il y eut du temps de la Rome païenne dcu~ catégories d'hommes, les patriciens ct les plébéiens, il y a aujourd'hui en Algérie une infime minorité qui bénéficie de tout (Iib<:rté, pouvoir. richesses) ct la grande masse du peuple qui, bai llon. , née, surveillée, subi t le matraquage de la propagande officielle ct allend des jours meilleurs.

Il faul cspérer qu'i l n'y aura plus de descente en ~ enfer. La foi qui nous a sauvés hier nous s.luvcrn demain. L'cspril de sol idarité nationale qu i nous a soudés pour dé trui re un régime colonial inju~le nous animera de noU\'eau pour édifier une République algérienne authent iquement libre, déoorrassée des séquelles de siècles de servitude CI des miasmes d'une dicta ture malfaÏS3nte qui n'ose p,asdire son nom. t

Il est vrai que les difficultés CI les remous au milieu desquels nous vivons ne nous sonl ~IS propres. L' indépendance des peuples I1fricains CI asia tiques est survenue à une époque oû l'u nivers entier était en mutation. Par leur ampleur el leur soudaineté, les événements nés de la dernière guerre mondiale onl surpris tous les peuples y compris ecu~ des deux superpuissances. Traumat i~e p,ar plus de sept années de guerre,

l'Algérie ra été 3utant sinon davantage paf un régime auquel clic ne s'an endait pas et auquel d ie n'a jamais adhéré. Notre peuple exprime, comme il peut. une muNIe el profonde protestation. Que fait ·il'! Il édifie partout des mosquées de ses propres deniers ct multiplie les pèlerinages aux lieux saints de l' is lam. C'est sa maniè re à lu i de dire. non . 11 la

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Page 14: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

• soviélis.:nion .. de l'Algérie el aux inésalilé~ sociales CI politiques qui en r~u l ten l.

L'éliq ucu~ fallacieu se d'État. progressis te .. ne trompe personne. le progrès hunmin I;$ t glob:!!. Il est moral ar.lnl d'être m:llérid. On n'ëdil'ie pas le progrès dans rinjustice sociale el 1'asservi>scmcnt dc l'homme.

J 'éeris cc livre: pour la jeunesse, pour ccux qui nai$l:ienl à la vic Ct qui n'ont connu ni régime colonial ni gu"rrc d·Algérie: . CI;$ jeunes doivent se prép.ucr au~ respon$.1 bilités de dem:!in. 1'01011 livre CSI uo message. un hymne il la démocra tie el aux libertés c:sscntielles de l'homme. Et aussi un hymne il sa dignité. Auosi dirai-je il ces jeunes que vivrç e'est choisir èl'non subir. Et leur rappeler ce vers de Sophocle daru;AjQ.r: • Ah! Donnez·moi vos vingl ans si \'ous o'en fait es rien! ,.

J'ai parcouru retape la plus importante de ma vic. Elle fUI une: lutte exallante, Sorti d'u n douar misé­rable. j'ai été confronté à !"injustice:.;\ la misère des pauvres gens. en meme lemps \lu'aux éludes moder· nes. J 'l.i exercé les responsabilités des mandats élec­tifs et enlin celles du pouvoir. A aucun moment, je n'ai trahi mon idéal ni f"illi aux règles fondamentales de la démocratie.

Je voudrais que: mes compatriutcs cn portent témoignage. Je ne suis ni fanatique, ni rétrugrade, ni intégristc, Je suis pour un isla m OU\'erl il la seiellCC. à la technique moderne, ouvert sur le monde utérieur, sur les autrc.s civilisa tions ct les autres eroyan~~s, Un islam dont les premières \'e rtus sonl la gënêrosité du eu:ur el la loléranee . • le:s l:réatun:s humaines sontl.! fam ille de Dieu et celle d'cnt re elles \lui est la plus chère au Seigneur CSI edle qui est la plus utik il I:!

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famille, .. Cet humanisme exprimé par notre l'ro­phète a valeur uni\'ersclle, Le savant Pasteur. par nemple. ne ra pas oublié quand il s'est écrié;. Je ne le demande pas que lle est ta race, ta nationalité ou la rdigion mais quelle CS t ta soofrranee._

Cest pourquoi il faut s'armet momlement pour parer aux dangers de la vie. De graves menaces pèsent encore sur l'humanité. CI . d'un jour a. l'autre, la tempÇte peut déferler sur le monde, Si ce cata­clysme ~ produisait, la jeunesse y résisterait mieux en restan t !idèle à la foi de ses pères. à son enmcinemenl. C'est dire que nous pouvons adopter 13 voie du progrès. sans renier notre origine ct nos s.:!gcs traditi0n5, sans tourner le dos à I"hùilage des ance­tres, sans abandonner notre style de vÎe. Cest dans notre passé que nous devons puiscr notre force et nOtre misoo d'ê tre.

J'ai vécu l'époque eoloniale §.,1ns peur, sans com­promission ct sans haine. Je savais que. rAlgcrie frança ise _, telle qu'clle avait été édifiée, n'éta it qu ' une étape dans l'histoire de l'Algérie. Et qu'un ordre social qui repose uniquement sur la force s'éeroule un jour, de quelque manière que cc soit .

Durant mon combat politique la bonnc foi était ma règle. la croyance en Dieu mon soutien, !"islam mon guide, le progrès, 13 liberté et la just ice sociale mon idéal de tous les jours, J'exprime l'espoir que la même croyance ct le m':me idéal guidenl nos enfants cl donnent un $CM il leur vie:. Puis.çcnl ces enfanlS marcher vers le changement ct les temps nouveaux sans mutiler l'isl ~ m, sans renoncer 11 la liberté ct sans renier leur propre civi lisa tion!

Alger. mars 1976-mai 1983.

Page 15: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

GRANDEUR ET MISÈRE DU F. L,N,

Les causes de la subversion

'" La deuxième mort des chouhada

iN"", fVOtU 1 .. sorlaU.1tI<' d .. Fld .. 1 Ou­.~

A"mtd BI!N 8~LLA,

J'III III ","lhtu, .. ",.." J'lr ,ls f'II~' (tu" qui 1. J/IfII, J'a; ftl djgn., J'ItrlS NJo/tU .. r.u", qui,... 1. '/iflI pa.,

J ULI'S VALLIOs (I: /luw,glj,

La guerre d'Algérie a pro\'oqué une sorte de métamorphose ehe7. nos masses populaires, Les témoi ns de celle transformation om exprimé leur étonnement et leur admira tion, Ils furenl élonnés p;lrce qu'ils ne s'a ltendaient pas à ce que l'Algérie, premier pays colonise en Afrique du Nonl, ct colonie de peuplement par sureroil, pii t sc redresser CI

réaliser son unité nationale, Ils furent en même temps plcins d'admiration poU T son courage el sa combat i, vité,

Ce double miracle fu I l'a:uvre du F,L.N. Il a été conçu commc un roucmblement de toutes les forces vÎves du pays, sans distinct ion d'opinion, Cimenté par la foi musulmane CI l'espoir de vivrc libre, le F,L.N. se révéla un excellent instrument de lu ite, Je dois signaler que même certains Français d'Algérie ct de

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France y adhérèrcnl. Ni la • pacification. mcn~c vigourcusement par l'armée françaisc, ni les tentat i­ves de division, ni la recherche de la • troisième force. nc purcnt détourner le F.L.N. de son objectif ou briser son élan et son unité.

Sa substitut ion au CR.U.A. ' a été un acte d'une grande habileté. C'est en tournant le dos à cc qui nous divisait ct en adoptant une formule d'union générale qu'un avenir de liberté apparut au~ plus incrédules. Contrairement à cc que cert1lins ont écrit, cc chan­gement s'opéra lentement. La préparation de l'insur­rection s'est faite dans le secret - très peu de personnes étaient au courant de ce tournant de l'histoire, - et, d'ailleurs avec des moycns très faib les. En dehors de la Kabylie ct des Aurès, les maquis.1rds étaient mal équipés, mal armés, mal nourris, insuffi­samment entraînés. La défection de certains d'entre eu~ augmenta les difficultés de la première heure.

Le F.L.N. comprit alors que si l'insurrection ne s'étendait pas au-dclà dc son premier cadre, elle risquait d'être êtourri:e dès le départ. II lui était donc essentiel d'étendre son audience. Il s'adressa à tous les Algériens, militants ou non, ct de toute origine socialc. pour les inviter il rejoindre ses rangs: le soulèvement ne pouvait aboutir i\ l'indépendance que s'il devenait l'affaire de tout le peuple.

L'enjeu était considérable ct le poids de l'entre· prise très lourd. Aussi le peuple ne s'engagea-t-il pas tout de suite. Il se donna un temps de réne~ion. Il s'in terrogea. Dans un premier temps, l'événement du 1- novembre fut commenté discrètement entre parents et amis sûrs. Peu à peu, il devint un sujet de conversations quotidiennes. D'autant plus que le M.N.A.', se réclamant de Messali, surgit brusque-

1. C.R.U.A. : Comité I"I!volutionn.ire pour t'unilé cl r,cli on. 2. M.N.A.: Mouvement Il:'llion.:ll algtrien. regTOUp3nl tes

m~ti'lCS.

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ment ct vint créer unc confusion dangereuse. Si le nom de Mcssali Hadj 3vait encore une ccrtaine résonance auprès du P.P,A. - M.T.L.D.', en revan· che il n·offrait aucune garantic 3U restc de la population.

Comment ct pourquoi le M.N.t\. en est-il venu ~ frapper le F.L.N. d3ns le dos '! Le mppelcr permet d'éclairer les origines des conflits qui surgirent ~

l'indépendance. En effet, la crise qui secoua le M.T.L.D. au début de l'année 1954 eut pour C3USC la désignation de Messali Hadj commc président à vic du parti. Le Comité ccnlr:J.1 contesta ce choix et sc sépara dc lui. 1\ partir de cette scission naquit le ) grou[H' des unlra/is/l's ct celui des ml'SSaliSll's. Ces deux groupes ~'engagèrent dans unc violentc lutle intestinc. L'action de l'un ct dc l'autre a été p.1Talyséc sur le plan nation31.

Un troisième groupe naquit alors. neutre. sc don­nant pour mission de réconcilier les deux fractions ant<lgonistcs ou de passcr ~ l'action sans elles. Cc C.R.U.A. fu t composé, dans un premier temps. de Benboul3id, Boudi3f. Didouche Mourud. Krim Bel· kaccm. Ben M'Hidi ct Rabah Bitat. Il s étaient en lia ison avcc trois autrcs milil3n ts qui sc trouvaient au Cairc; Khider, Ben Bclla ct le jeune Aït Ahmed. Ayant échoue: dans Icur mission de réconcil iation. ils préJXIri:rcnt seuls l'insurrection ct passêrent à l'action le l ''novembre 1954.

Si les eentra listes. Ben Khedda, Kiouane. Lahouel. Bouda, Hadj Chcrehali, Chawki Mostef3i. Y3zid Cl autres restèrent un certain temps d3ns I"expeetati"e aV3nt de rcjoindre le F.L.N .. les mcssal istcs. cu~, ne perdirent pas leur temps. Ils s'empressèrent de lancer

3. P.P.A.: pani du pcuple algérien. crU en 1931 apra ta di:;.sotulion de rtloile nord·africaine. DiSSOlls ~ son tour. it reru;l en 1946 sous le nom de M.T.l.D .. Mou"cmcnt pour le triomphe dei tiben" démocr31;ques.

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un nouveau mouvement, le M.N.,\. ( Mouvement national algérien), en lui attribuan t l"initi:l1h'e de !"insurrection. le M.N.A. rêuniss:aitles vieux cadres du M.T.L. O. restés fidèles tt Messali: Mezerna, Chadly Mekki, qui seront emprisonnés au Caire, Fi lali Abdellah, Ucllounis • le fameux général »,

Hocine Mokri, Uelhadi qui servit d'appât à la police française pour l'arrestation du général Salan en avril 1962, Khclifa Ben Amar, Laid Khcffaehe. MOII' lay Merbah, Maroc, Amir, l:\rbi Oulcbsir, AisMt Ab­dclli, Memchaoui, etc,

,\uui le M.N,A. eréa·t·il dans l'immédiat la con­fusion. Il rassembla la majorité des militants M.T.l.D. Il entra en conflit avec le F.L.N. ct se ré~éla dès lors dangereux. l'cndant toute la guerre d'A lgérie ct tout particulièrement durant les deu~ premières années, cette guerrc fr.l\ricidc priva noire combat de valeureux militants. Ce grand risque pour l'Algérie en IUlle aurait pu être aussi un grand malheur. Car si les deux antagonistes, le F.L.N. ct le M.N.A .. avaient été d'ég:lle force, l'armée coloniale se $trait contentée de regarder les Algériens s'entre­tuer pour gagner la guerre. Mais le renforcement du F. l.N. par tes anciens U. D.M.A. " pa r les anciens eentralistes et les Oulémas ' finit p;lr lui donner une grande audience populaire ct inlernationale. Peu ;. peu le M.N.A. perdi t pied ct de~int la proie de 1:1 police et de l'armée frJnçaise qui le guellaient ct auxquelles il recourut pour consommer sa perle.

Les tragiques é~énemenLS du Il mai 1945 allribués à des irresponsables P.I'.A. étaient en effe t encote

4. U.D. M.A.: Union d~mocr3Liq~c du LI13nifcoLo 31Mricn, MriLièrc du P"'ll"ammc du Ami~ du "",nifesLe ot d.: la libcrt< (A.M.L) fonod< 1»' Fe."", Abbas.

5. L'AS<OciILioft des Ou\tnus 1"<:gtOIIp.üt des 10mb musul· m~ns ~uLour do. choiks Bon lbdi •. Emb.1rek I:t Mili. &obi, tbrah imi. ctc.

JO

présents dan..~ 1;1 méLlH.li re du peuple, qui ~e mëri;lLl des f:luSSC$ noul·elles. D'autre p.·ut. l:l France n'était pa,; jugée sa ns nuances. Les ouvriers. ay1tnl tml'aillé en métropole, les anciens militants, le peu d'Algé­riens qui ava ient été scol"risés savaicnl que I:L F mncc lit pouv"it être confondue avee la eolonis3tion ct les colonialistes, La guerre eont rc la France n'était donc pas souhaitée par tOtis. Non sculemcnt notre peuplc mesurait les terribles conséquences d'un eonnit qui embrascr:lit lout le p:!ys, mais il prévoyait que, s'il sëtendail en puiss:an<:C, l'issue en deviendmil ineer· taine. Il sav:lit que la France élait une grande \ puissance el que Ics moyens dont elle disposait éla ient considérables ct largemenl disproportionnés. A lelle enseigne que, dans certaines régions, il avait bien fallu que le F. L N. fil rmi tre la peur des exécutions sommaires pour rallier l'ensemble des populations. Du côlé français on ne fa isait rien, sinon rcnforcer la puissance des colons. C'est dan..~ CCli candil ions que la guerre dum plus de sept ans.

I.e 6 fé~r i cr t955. le gouvcrnement social iste de Guy Mollet, imitant ainsi celui du Front populaire de 1936, c.1pÎ lula devant 11,:$ manifes tations de rues à Alger, manifeslations montées CI manipulées p:tr les potcntals coloniaux ct leurs hommes de main. Cc gOUI'ernemenl commit l'erreur de ne pas recourir à la médecine d'urgence, il l'opëration chirurgicale ct au bistouri pour écourter la guerre ct ép.ugner des innocents. Il s'cnlisa dans une guerre de reconquête coloniale. Il remit en honneur la • pacification *, les • r,lIissages. ct la • torture. des siècles derniers.

Le temps passa. Les autori tés civiles CI mili taires franç:lises se consultêrent CI sc réconfortèrent mULUellemenl. A part ir dc 1956, le F.LN. avai t la silUal ion en main. Aucune mesure radicale suscepti, bic d'ouvrir les ~oies de l:l paix par la négociation n'esl Înlervenue. En récusant toute négoci:uÎOl1, cn

JI

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rdusanl 10lit changement, le gouvernement français ct son a rmée :lppon èrcnl de l'cau :lU moulin de l'insurrection. l'eu!l peu. le climat changea. La prise de conscience collective vil le jour iiOUS nos ycu~.

A p~ rli r du Congrès de la Soummam. le 20 aoul 1956. le F.L.N. est devenu vi rwcllemcnt m3; lr.:: du terra in. Touie l'A lgérie musulmane :l basculé ve rs

\ l'ayeni r. Commerçants, p3)'$3n$, fonctionnaires, ou­vriers. étudiants. femmes. enfants. vieillards. riches cl pauvres 0 1'1\ formé un mcme auelngc. tirant dans le même sens. A l'aUentisme des premiers mois, à la peur. 01'1\ suc~dé r engagement. le mépris du dallgcr cl de la mOrl. Un JlCuple galvanisé a émergé de l'abîme où une colonis..'l!ion séculaire l'avait préei­pi té .

L'écrivain algérien. de langue française. Mou­laud Feraoun. témoin du connit, flOt:1 dès la fin 1956 :

L'idée d';ndtpcndancc esl devenue pour noU!< la seule r:I;son de vivre, Nous avons pcut":IrC cu lori de laisser sïncru~tcr en nous cellC idée folle, mais il n'cst pas qucstion de l'en :lTrad .. : r'.

Ce témoignage CM capita l. Feraoun ne s'es t pas vu a tt ri buer, comme nous, l'étiquette d'anti-Fmnçais. Il a fai t jXlr!ic de ces inslilulcu~ musulmans qui a vaient choisi d'apprendrc à lire et à écrire a ux petits Algé rk ns. li a é lé le collègue des T:lhrat, Djabali, S i "mmoor, Scllal, Ma hyou, Bouguermooh, Si Ha~ san, Roula, Da li Chaouch, Mak3ci, Haddad, Bel­hadj, Gaid, Bou'arene Hourouib.1 l1assen, Daoudi, Mcssa i, Sfaxi lounis, etc. Inlassablement. ce corps d'ense ignan ts s'es t donné, corps ct lime. il sa miss ion d'éd uca teur, sans t rahi r ni son peuple ni la Fr.mce.

Ce: bilan posit if s'inscrit :lU c rédit du F.L.N. Malgré l'incroyable répression, le Front de Libération

6. MooololKl f CDOUft rDI :uIo:lSSiM ~I ro .... .s. en 1962.

32

IU tionale a su mobi liser \es m:I!ISCS contre la rréscnce oolooiale. Il a fait naitre unc profonde solidari té. une fratcrnité chez tous les comb.1t1anIS . • Un pour IOUS.

tous pour un • dCI'ient la loi des maquis. Le d6'oue­ment el Ic.~ s.1crificcs sc sonl multipliés.

Loin de moi la pensée de présenler l'insurrection comme un ensemble pMfail. Il s'en faul. J'aura i l'occasion d'en reparle r. Mais, d'une manière géné­rale ct malgré de nombreuses bavures, les chefs onl bien cngagé le: combat. Le plus miséT""Jblc d'enlre nous est dCI'cnu un homme forl parce qu'il s'cS! scnti solidaire de tous. I.e commerÇ3n1, le fellah. Ic fonc­tionnaire, I"ouyrier, le maquisard sal'ent désormais pourquoi its sonl riyés à la mcme l;leh~. El lorsque la mon sc présente, chacun l'accep te pafce qu'eUe eSl le prix de la victoire de demain.

On pouffail citer dcs milliers d'e~empl~ de bra­voure. Je me contcnte de reprod uire le récit d'un soldat fr.lTlçais, d'un. par:l", dont le témOÎgnage ne peul ctre contesté. En 1957, en Kabylie, des paras saulent su r un groupe de partis.1M. La panic est inégale. Les maqui~ards tombenl les uns nprès les aulrC.'. Survient le drame: la mOft d'une jeune infirmii:re et ce lle d'un maquisa rd. La issons la parole 3U soldat fronçais:

D'une c:lbane eoincte enlre deux hauts blocs de pierre nous d~bu.sqllOns dcux femmes. [)çUl ~una; Ar:lbcs aux dlC,-euJ noirs, courts ct teintés de rouge!.. . NOIre pel;t M\U$-lieutcnant :IC sait que faire. Ilvoudrail bien profiter de l'occasion pour manifC:Slcr ses qU3lih~S de ehef. .. Ah! il :1 lroul·é. Il s'apprOl:hc de:; deu.t femmes qui l'ignorent el, haussant sa pelite tnille, il les gine rune ~près l'autre! Comme Ç3, p<lu r bien montrer que e'cst lui qui comma~e ... On sc regalde stupUai ls. horriblement gênés. Les deux femmes sc SOIlt changéei en sla tuc:s. pêtrifites de h3inc:. Suffoqu~c p;lr liOn âme, rune enfin sort d'ellc-memc. Qui l'artètcrait1

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Que crnindrait ·dle encore en ce monde. 11 cene minute N ... El de pI~in·p~d. elle enlO: dam; la Irngédie lIu·clle s"esl choisie. Elle sa i.i t par la vcsle cct homme '-lui ra gin~e eillui tient sa vic entre $CS maim;. elle le sait. Elle le s.tisit ct quand. errarte de $On audace. elle devrait rel irer 53 main. elle achhe son gestc. soudain libérée de la peur. de la mort - ct le gifle à iOn tour. cUe. la femme. Illi roffieier. comme il ra gmée dans un immense orgueil ab$olument pur .. . • Tue>;·I,,! Mais hlc>;-Ia donc". cric cnfin notre chef d·une ~oix étranglée. Lïnterprète n·htsite pas. Il jettc la fem me i terre ct. d'un pied poK 511r son ,·cntre. la maintient DU sol. le petit lieutenant. tout rouge de col he. n'arrête pas de crie r: • Tucz·la. mai. tuez·la donc: . • L'interprèle tire cill<l b.Jlles 11 ta suite sur te corps de Celte femme éer:l$ée. Deux b.JUcs en pleine poitrine. puis trois au '·cntre. Elle meurt $38$ . , encr ...

Quel est le nom dc edtc jeune tille~ Qui s'en inquiète aujourd'hui~ La deuxième infirmière a été sauvée. protégée par les paras cU:"l-mêmcs. Le peti t lieutenant n'a plus osé. Mais dans cc drame sanglant. de quel côté était l'honneur ct de quel cilté étai t le déshonncu r~

le comoot n'en a pas moins continué. ÉCOUlOns encore le récit de cc soldat rrançais :

Il reste en haut un fellagha. Il tire toujours.. Mais IOIIS les autres sonl morts un peu partout. (1;lui<i. pensotlS­nous. ne rés istera pas longtemps. Pourtant . l'homme est bicn abrité ... On ess.tie tout : mitrailleue. grenade in<:endiaire. lan<:e·roquelle>. Il tire toujours. Mais nous sommes lanl eClle fois à lui répondre qu·lI la longue on I·andn\. Son tir case. Mort~ Non! Le voilll qui ~ glisse de la grJnde piCfre sous laquelle il s'était blollÎ...

7. Pi~rrc Lculli~l1 •• SaillI A/klr,l" Ir DrDl"J'!. Paris. ~d. de Minuil. t96l .

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Une b.Jlle a dû louel>cr 53 colonne vertébrale ct il e'l ~ demi paralysé .. . On prend finalement l"honune ~ bras 1. corps CI on le sort agonisant. Il a de grands trouS dan$le dos ... II eJpire d3M les pierres. s.tM un mol ...

Dans tOUIl:S les régions d·Algérie. dans tOllles les ... ·/lQyQs. un vent d'héroïsme souma. L·crreur de la tolonisalion est d'avoir cru que ce peuple était définitivement domestiqué. Des faits d ·armes aussi va leureux m'ont été rapportés. qui onl pour cadre 13 Casbah. dtlrontla .. ootail1e d·Alger. où des hommes CI des remmes onl préféré mourir plutôl que de (Xlder. Même cournge dans le b/t'd. Un de mes ne,·e Ul\ c l son compagnon s'éta ient donné pour mOI d'ordre: .. Mourir plulôt que parler m~me sous la lorture ... Ils vivaient dans tlne eaene. dans la région de Tah~r. Il s furent dénoncés '. Arr~tés par les harkis. ils reFusè rent de sc rendre au village. Le lieutenant qui commandait l'opération lenta de les con traind re. Mon neveu. Mansour Hocine. ct son compagnon. Bouhroum Rabah. SC jetèrent su r un harki JlOur s·emparer de son arme au cri de .. ,\lIah 00 Akbar.! Au milieu de la bagarre. ils rurent aootlus par le lieutenan\.

Que de railS semblables pourraient être rapportés! A Ighzir Amokrane viY:lit ,\n grand pa t riote. Hadj Amar Djenka!. A~ant la guerre il militait avec les Bouguermouh. les S:t;.i.da CI les Fergane i\ I·U .D.~1..\ . Nous le e ilions comme exemple de droiture CI de courage. Il fUI déooncé comme militant du F.L.N. Des p:lrns se prëscntèrent chez lui. le 4 mai 1956. cl l'invitèrent 11 les suivre. Il savait cc qui 1"allendai\. Il résista. leur déclarJnt : .. Vous voulc7. me Iuer en me tirant dans le dos? Vous ~oulez m'accuser de délit de

8. Cclui qui les dé1lOnÇ:t. M·Chin Md.~r.k. d.vint. 11 I"indt· pcndancc. membre du F.L.N. "$lXÎ.1tiste. de Ikn Bc1l3. Il ne pouoait lIIi.U1 fai,e !

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rui te? Je n'ai j:lmais tourne le dos à mes advcrsairc$, ni rui le combat. Tirez pend:'nt que je vous regarde et qucje crie: M Vh'e la République algérienrll: ",» Et il tomba criblo! de balles: il avait 7S ans,

En janvier 1960, lors de la réunion du C.N,R,A, à Tripol i, le regrcu ê coloocl LOifi me remit un drapeau algérien ensanglanté, • Nous l'avons pris, me dit-il, sur le corps ,.l'un cholrid, Au cours d'un accrochage, il le tenait bien haut race 11 l'ennemi. MOrle1!emenl blessé, il se rcp!ia pour ne P.1S l'abandonncr sur le tcrr.lin de b3taille. Nous avons r.lmaS$ë Cd emblème national sur lui. Il eSI mort cn Ic tenant sur $(In cœur', •

Une p.1Ttie de l'opin ion publique rrançaise Ù:M rerusée à admeurc l'héroïsme de l'Algérie musul­mane ct Sol dé terminatiOl1 à aller Jusqu'au bout dc son combat. Cerlains ont mcme prétendu que le général de Gaulle nous fit • cadeau. de nOITe indépendance et quï! aura it bradé l'Algérie rrançaise.

La \'é rité est toute autre. Sans doo te, le général dc Gaulle, en grand pat riote frança is, en visionnaire, avait-il fini par admettre que la France ne devait plus assumcr le rôle dc dernier. gendarme. de la coloni­sa tion et perpétuer en Algérie un systcnll: condamn~

pa rtout ailleurs, Cest lit un méri tc que nous devons lui reœnnaltre .• Micux que les hommcs de gauche et Ics hommes d 'Etat qui l'ont précédé, il contribua à mellrc fi n à un drame qui s'étcrnisait. Les Algériens. en se ballant courageusement, avaient démOI1IT~ au~ yeux du monde que la prédominance des Européens. d:ms leur P.l)'!, était désormais finie. Leur révolte é tai t irréversible. Sans doute ne pouV'Jicnt·ils pas rcmporter une victoire militaire sur l'armée françai· sc. Mais, dès l'instant où le peuple. dans le comb3t, avai t pris conscience de sa personnalité et dc la

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légi timité de sa eause, le SOtt des armes importait peu! Lïnsurrection était pas.sée du s tade aveugle du terrorisme CI de l'embuscade au re rus collect if du régime colonial. l.a guerre elle-même avcc ses excès avait rendu plus odieux un tel régime.

Cette é'lQlul ion ne fut ras rapide. Il a fallu s'accrocher au terrain, aCCepter ta souffra nce ct la mO rt, subir les assauts de l'armée frnnçai se. rés ister durant des années. Et de la résis tance naquit un grand changement, C'est dans ee processus de chan­gement ct de brassage des masses que se trouve la grandeur du F.L,N. On aurait tOft, cependant, de présenter notre luite comme une marche sercine. Aucune guerre n'est à l'abri dc.~ erreurs ct des abus.

Il est toujoors faci le de dénigrer une révolution et une insurrect ion. On troovc toujours des hommes dc main pour le rai re. Strge Bromberger, pour ne ei te r que lui, a mis sa ptu me au service de l'ac til,!n psychologique de l'armée rrançaise pour déverser son liel sur le F.L.N., duran t notre guerre de libérnt ion. Son livre. us HrfNllrs 1., porte déjà un titre impro­pre , l 'homme colonisé qu i prend les armcs pour sc

)

'i bérer d'un régime colonial odieux n·est jamais un rebelle. C'est un pal riolf qui combat pour une juste cause.

Certes, une révolution quelle qu'elle soit n'cst jamais à l'abri de tragiques erreu rs, de bavur.:s regre ttables. De la Révolut ion rrança isc à la révolu· tion bolchevique, de la Résistance rrançaise des :Innées 1941 à la guerre des partisans de Tito, les uemples abondent dans l'histoire qui montrent que la tibér.u ion des peuples est chèrement payée au détriment des droits de l'ltomme. Il fau t juger le F.L.N. dans cette perspective ct sdon celle dîmen-

tO. Serge Brombcfllcr, 1.1'$ Rrbrllrs "tg/rir,... l'~ril. PIoa, "SB.

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sion humaine. El s' il r311:. it dénoncer, pour notre honneur, pour ~ choohada, pour la santé morale de notre peuple, certa ines :;u; t ions que jc vais r~l pponc r

ct q ui ont terni notre combat. il convient dc rappeler que souvcnt ces actions ~taicnt le fait d'ind iviùus 'lui se rëclama.icnt du F.L.N. plutôt '1 uc de la pan du F. L.N. lui-mçmc.

Certes, nos fa utes furen t graves. I ndépend~tm ment du M.N.A. qui a continué it trahir ct i, combattrc le F. L.N., les excès dont nou~ nous sommcs rendus ooupables sont des taches noi res dans l'h istoire du F. L.N. Les morts d ' El Hal ia, la nui t rouge de la Soummam. les exécutions de /o.l douza, les meu rtres etlcs sévicC$ inuti les sont autan t d'abus qui (lUraicnt pu être évités. Un combat comme le nÎltre aurait pu êl re conduit safl$ débordemcnts.

l'our les condamner. il suffit de se rappeler l'his­toi re de l'is lam, de comparer la CQnduitc des prem iers musulmans ct la nôtre;

Fait prisonnie r par les idolâ trcs. trente ans ap rès l'I Iégi re, un musulman enchainé \'oit se rapprocher de lui un cnfant, un poignard 11 la main. L'enfant terni le poignard au prisonnier. l a mère. croyant son enfant cn danger dc mort, poussc un cri d'épouvamc. le pr isonnier caresse la tê te de l'enfant ct le renvoie il S3 mère. Il d it à ccl lco(:j;. Croycz-vous donc qu'un musulman se venge sur les cnrants c t les femmes? •

En Algérie. l'arfrontement a laissé libre cours aux instincts lcs plus bas. En de nombreuses circonstan­ces, le compor tement de cer tains ehefs et de certa ins lI1a'luisards a été ho rr ible. On a a!'.S:l$.Siné dC$ inno­cents pour assouvi r d'anciennes ha ines. toul 11 fa il ': l rJngèrcs 11 la lulle pour l'indépendance. On oon­damnait ht tarI ure chez les Français. Mais on la pra tiquai t sur ses prQpres frères.

A ct t égard. j'ai reçu ùes confidcnces tcrrib les. Faut-il en parler? Il ser::tit v:l În de les Inire car I ~ t

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l'érité hi~torique fin it toujours par s' imposer. Pour ne pns trop noirci r le tab leau, je Ille contentcrai de rep roduire ic i un cos typique rappor té par le colonel BenehériL Cdui o(:;. après le Congrès du C.N. R.A. dc Tripol i (décembre 1959-janvic r 1960), rr::t nchil le b:l rrage électrifié en T unisie pour rejoindre la Wilaya IV. A rri~é dans la nlt'chru Ouled Said, rég ion de \

Ain Bessam, il d t le témoin de tOrtu res injustifiées. Il s'informe. Voici le réc it qu'il nous en donne: J

CmiS""nl le pit(:, je dtpeehc un émii.S:lire aux rensei­gnements. Ce nçtait rien en liOfTl me. LP popul3tion avait éuS C(lMVoqUec pour ~"i Sier ail jugement de Dahmanc. accusé de tra hi son et de romplicit.! avec l'ennemi [ ... 1. Sans prê ter la moindre attention 11 ces paroles. dcve­nues trop b milihe5 daM le maquis. je me dirigu is ven la demeun: de Mouloud. Au fur et à lIlC$u re que je m'en approcha is, j'entenda is des hu rlements de plus en plus si nistres, des gémÎ5scments sourds aeromp.1gnb d'insulles et d'imprécluions. Quand jc parvins devan t la maison de Mouloud. un spectacle dantesque s'offrit il mes ~'cux : un individu était !\lspendu il une corde par les quatre memb{cs. AUlour de CCI • hé l irop t~re. se tenait une populo tion médu$\!c ct haletante. Chacun applaudii.S:lit saM trop savoir pourquoi. heureux scule:­ment de mani fester son apprub3tion il un aete dont il ignorait les lenants el les aboulii.S:lnts. • Pa rle! parle ! csp«c de traim, de lâche! · disai t le juge . • Parle. par le . , répé tait en eho: ur la foule en dél ire, spectacle affrcux d'un homme livré sans défense 11 un juge stupide el il une foule ignare; spectacle il l'image de l'inoommcll$Ut;lblc bêt ise humaine. J'ordonnais immédia~ue 1'00 détacha t le prison· nier el qll'on l'en tour'; t de soins vigilants jusqu':\, cc qu' il sc r':loblit dHiniti l'ement. C'cs t oinsi qu'aprèl! quelques jours je vi s apparaî tre dev3nt moi un homme dans la forte de l'age, au regard frane,:Io la dfmaKhc a ltière: qu i me salua avec rClipcçt

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sans doute, mais sans aucune t(lmplaisance ni aucune buscsy, Je œmmençai$ :i l'interroger, • Je ,ui5, me dit,il. copropriétaire par voie d'héritage d'un jardin 3"ee Si Mohamed, neveu du ch.cr du Comité local. II y li Il'"' dizaine d'années, nous avions cn&agé un p..-o«s qui y

trouve encore en instane<: devant le tri bunal de Blida, Malgré les multiples menaces ct prCS$ions dont fai été l'objet fai toujours rdu$é de céder ma part 11 Moha­med, N'ayant pu obtenir satisfaction p;lr la persuasion, Si Mo/lamed sc décida ces derniers temps 11 fair.: appel a la compélence «lair« de son oncle Kaddwr I,-.J. • Cat ainsi qu'un matin, le jour où vous êtes arrivé, juste 11 temps pour me délivrer. je dCv:Jis faire conl\3is­sana..,., pu avec le jugement de Dieu mais a"ee l'injustice da hommes. • Si Kaddour. accompagné de quelques responsables du village, vint me rëveiller de bon matin ct me signifia que j'étais aeeu.sê de haute lrohi~n ct que je devai~ rendre compte de mes actes criminels devant un tribunal rtvolutionnair.: C(lII$titué 11 al erret. Ensuite tOul sc déroula comme dans un rêve a"cc une: ropiditê hallucinantc. En quelques minutes. je fus interrogé. jugé ct condamné ". '

Ainsi parla un malheureux qui a risqué non seule­mcnt de mourir, mais de mourir en • traître. il l'Algérie en lu tte. Il rut $<Iuvé. Le colonel Ikncherir oondarnna Si Kaddour. Mais que de malheureux ronl morts en Kabylie ct a illeurs ct qui n'curent pas la chanec d'ê tre sauvés, il! ~)tlr~mi1, par un Ikncherif!

Même dra.me à Taher, au douar Beni-Siar. Un maquisard ayant appartenu au M,T.LD. à Constan­tine revint dans son douar d'origine, au milieu des siens, la famille Djcghri. Il devint un bandit de grand chemin e~éeutant ceu~ qui lui refllSaien t de l'argent. Mais un jour, il s'a ttaqua ~ un collecteur de

tl. CoIortcI "hmcd lIcnc:hcfir. Li4~t..o dtl m~~huu. "ticr. S.N.E.I>. t962.

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fonds du l'.LN. Cclui-<:i descendait, périodiquement, du maquis pour remplir $<1 mission. Il en proritait [!Our aller cmbra~ser réguliè rement sa mère. Djeghri l'attira chez lui pour un diner, le dépouilla de ses fonds c t l'égorgea.

Sa mêre, ne le voyant plus venir, s'inquiéta, Elle manIa au maquis pour s'informer. On lui répondit qu'il étai t descendu comme d 'habi tude. Une enquête fu t ouverte. On découvrit a lors le crime ct le double jeu de I>jcghri. Celui-ci fUI reconduit au maquis. et là, il fut jugé ct exécuté.

Notre révolution a commis de graves erreurs. Elle continuera. il en commettre. même après l'indépen­dance. La psychologie dc certains maquisa rds el de leurs chefs a été souvcnt ccllc d·analphabètes. Lors­que l'autorité CSt exc r~e par ccu~ qui ne savent ni lire ni écrir.: ct qui ont peur de 1:1 perdre. lorsque l'exécution des ordres reçus revien t à des hommes plus ignorantS encore, on tTOUVe l'uplication, dans certains cas. de eruaUlés inutiles.

En Kllbylie, par exemple, ne serait·il pas juste et honorable aujourd'hui d'élever un monument li la mémoire de toutes les victimes innoccntC!l de la • bleui te _, li 1" mémoire de tOUS ces jeunes officiers et djoullOuds immolés sur l'autel de [a bê tise humai, ne, aprês qu'i ls eurent combattu durant des années sans autre récompense que r llccus.1tion de trahison? Mals qui se soucie maintenant dc leur hon,",u r ct de leur sacril1ce"?

On sait comment les guerres commencent. On ne lia it jamais exactement comment elles I1nissent. Au cours des années de guerre, le F.L.N. est resté égal il lui·même, Son objectif n'a pas va rié d'un pouce. Il s'agissai t de libérer une lem: du joug d'une nation étmngère et de permettre à un peuple de vivre libre, Il s'agissait de libérer l'Arrique du Nord cl d'édifier un Maghreb un i ct puissant. Malgré les erreurs ct les

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insurrlSanccs,le F.L.N. a condui t victorieuscmentles opérations jusqu'à lïndépendan«.

Mais il l'extérieur, dans les prisons Ct :lUX frontiè. res, ceux qui ne sc ball:lient pas nourrissaient d':lu­tres ambitions. Ils rêvaient déjà 11 d'autres objectifs ct échafaudaient des plans pour l'après·guerre.

Dcs in té rêts p<:rsonnels entrèrent en ligne de compte ct mirent fin à la magnifique unité du F.L.N. Celui-ci changera de visage et deviendra un simple instrument entre 101 mains de quelQucs·uns.. De ceux·là mêmes Qui n'aV:lient pas te mérite d'a\'oir comballU, des Ben Bella, des Boumediene ct autres embusqués.

Le mo l cependant venait de très loin. L'Éloi//' nord-a/ricaint, créée en 1925 par l'émir Khaled à Paris. dev:lit protéger l'émigration nord-africaine de l'emprise du Parti communiste français. Celle émi­gra tion, dans l'esprit de l'émir, devai t conserver intacts sa foi religieuse cl son attachement à la terre des ancêtres. Son passage en Europe ne devait être Que provisoire. Et il en fut longtemps :linsi. Mais peu à peu une sorte d'êvolution se produisit. L'Etoile tomba entre les mains de Hadj Abdelkader ct de Messal i Qui, eux, appartenaient au Parti communiste françai s. Par :lilleurs les émigrés syndiqués il la C,G.T., filiale du même part i, côtoyèrent la elasse ouvrière française ct sc familiarisèrent avec des mots comme ~ IUlle de classes " .• bourgeoisie ", • proléta­riat ", etc, Lorsque, :i son lour, MCSS:l li se rendit compte du danger, il sc sépara du Pani communiste. Après la dissolut ion de l'Étoile nord·afrie:line. il créa en 1937 le l'.P.A., lui donna les mêmes structures Que te Parti communiste français ct pratiqua comme cc dernie r le· centralisme dénlOcratique _. Mais il en fit quand même un parti na tionaliSte musulman.

Du passage de Messali au Parti communiste rran. çais. le l'.I'.A. en garda des t/:lCCS. Il hérita le cul te

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du ehe:f, le cent/:llisme • démOC/:l tique", le goûl du secret, du double jeu, des restrictions mentalC$. Devenu un p:lrti elandc:5tin, le l'.P.A. mania a\'ee aisance dans la prop:lgande des contre-vérités sou­vent grossières. Et ~ force de mentir aux autres, ses mi litants en arrivèrent ~ sc mentir ~ eux-mêmcs. Mais c'étai t un grand parti qui remua lcs masses. Il ne s'emOOrrass..1it pas des moyens. Tous les argu­ments étaient bons. En 1956, au Caire, le colonel Ouamrane: qui avait appartenu à cc P.I>.A. me: dit un jour: • Je t'observe ct tu m'étonnes beaucoup; tU ne: fumes pas, tu ne boi~ pas, tu respectes la religion. Nos chefs nous dis.,ient Que: lU étais un M' Tourni. mang~ant de la viande: de porc, ne (:lisant pas le ramadan, buvant du vi n. Ils nous mentuient.»

Effectivement, le P.P.A. maniait les mensonges comme le régime colonial maniait le fouel. Mais nous devons tes lui pardonner parce Que la mission qu'il s'étai t donllée etail lourde ct pleine de d:lngers. Au demeurant. son recrutement éla it illégal ct hétérocli· te:. A côté de srands p:lt rioles Ct de bons musulmans, on )' trouvait des gens sans conviction aucune Ct même des indicateurs de police. Ces ùcrnicrs s'étaient associés à une noble entreprise, m,lis il laquelle ils ne croyaient pas. Idéologiquement, l'islam de:meu/:lit leur foi. Dans les grandes circonstances, ils prêtaient serment sur le: Coran. Mais un ccrtain nombre d'e:ntre eux commençaient à balbutie:r la terminologie m:l rxiSle ct s'exerçaient, :lvee plus ou moins de bonheur, il sa dialectique.

Le l'. I'.A .. ainsi, n'était pas un p:lrti politique ouve:rt au dialogue. C'é tait plutôt une secte politiço.­religieuse qui lenait de l'esprit ùe zaouia ", de la

t2. 2_1,, : _les de: confréries. d'es",;' rc li,ku~. pt", 0\1

moi ....... nipul&s P,1f les aulor'lés (r.u.çaÎSC:S CI wmbanucs PJ' les O.M""","

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solidari té rrane·maçonnique et de la discipline 5lali· nienn.: , A l'exception de eeu~ qui ont adhéré ;,u M,N.A" ses milita nts sc sonl bien battus dur;mt la guerre. Beaucoup sont morts les armes il la nlain. Mais its n'avaient pa5 renoncé à leur appartenance première. A de rares cxceptions, ils sont restés sectai res. Mais aucune évolution ne s'cst fai te ehcz cux. alors qu ' ils voyaient notre peuple. aussi bien militants des autres partis oue sans parti, sc mobi liser pour vaincre ou mourir. Détail plus gm"e. les que· relies internes ne s'éta ient pas é tein te$. Un homme comme: Ikn M' Hidi avait prévu le relour au • passé pourri _.

Au Caire, il s'étai t heurté à l'ambition nlOntan!e de Ben Bell:!. Il l'avait apos trophé en te rmes sé l'è rcs. Plus la rd, dia loguan t a l'ec le colonel Oigcard. quel· ques heures avant sa mort , il lu i avait déelaré :

LorsqllC nous serollS Libres, il 5(: p:lS5oera des chosc:s lerribL(:$. O~ oubliera 10ul(:$ Les souffranc(:$ de notre peupLe pour 5(: dispuler Ics place$. Cc 5(:rl La hme pour le pouvoir. NOlIS sommes en pleine guerre ct certains y pe!l$(nt dfjà... Oui, j'aimerais mourir au combat avant 1:1 lin ,

A mon arrivée au Caire. en av ril 1956. j'ai élé froppé par les désac;oords qui régnaien t au sommet, Chacun semblniltircr ln couverture à soi. Le détour· nement par l'a rmée française de l'avion transportant cinq des dirigean ts du F.L.N. de Raba t à T unis, cn octobre, aggrava ees divergences parce qu' il fill\3Î tre des ambitions cher. un grand nombre de militaires, On peut di re, par e.temple, que la mésen tente de ceu.t que nous considérions comme: les • chefs de l'insurrection., transpirant à Iravers les murs du ch.:iteau d'Aulnoy, donna des • espérances. à l'é tat, major de l'A.L.N. Celui-ci, sentant proche la rin des hostilités, se mit , dès 1961 , à jouer sa propr.: carte ct

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;i é tablir ~ propre stratégie en vue de I:t prise au pouvoir. Son ~'Onnit avec le G. P.K.A, n'avait pas d'autres misons.

Avant mcme que les accords d 'Évian ne fu ssent signés. Buumedienc dép..:cha. en secret. l!.outenika au château d'Aulnoy. Sa mission OOfIs;stai t à tTOU\'Cr parmi les cinq prisonniers un éventuel all ié. Il s'adr=1 d 'abord il Boudiar. Celui-ci dédina l'offre. II condamna l'indiscipline de l'état·major, ct sc refusa il toute ac tion fractionnelle. lloutenib s'adressa alors 11 Ben Bella qui accepta d 'cirC l' homme de l'état.major. Celte alliance demeurée secrète ItLla it peser lourdement sur l'avenir du p:t)"s.

Il faul croire que la stratégie arrêtée p:lr ces deu~ hommes était bonne puisque, avant mcme not re re tour en Algérie. 3outenik:l disai l il des llinis tunis iens: • Retenez bien mon nom, vous entendrez p.'\rle r de moi.. 11 est regrellable que l'on n'a il pas entendu par ler de lui pendant que des hommes de $On âge mouraient .dans les maqui~: . . .

J'ai rencontré pour la premlere fOIS u.oUdl;lr. AI) Ahmcd ct Bi ta t ;', Rabat ;\ leur li bémtion. après la signature des accords d'Êvian. J e connaissais déjà Khider de longue d:lte CI Ben Bell:t, que j'a.'ais vu au Caire en nvri11 956. On comprenait di rneilement leur mê5(:mentc. Puurquoi ne s'étaient,il s pas mis d'ac· cord sur 1(:.'1 termes ct le contenu de la proclamation du 1- nOl'embre 1954, pour éd irie r l'avenir? Nous reproduisons une partie de ladite dédaration à l"in, tention des jeunes Algériens qui fIC la connaissent p;ts.

Le front de I.ibtralion n3lÎ01lalc, sc: d\':gagcant de toulc compromiS$ion possible, offre la possibilité :i 10us les p.ltrÎOIC' DlgërÎcns de loutes l~ couches iIiOCialcs, de tOilS les p;lrlis el mou"cmcnl$ purement a'géricn~, de ~'inté grc r dans la lulle dc libération, s.a1lS nucune aUl re roru;id~ration,

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Pour pfiçisl:r, nous re traçons ci-après les grandes lignes de notre progranl me politique: a ut : ind~pendallCC nationale par : 1) La res tau ra tion de l'État algé rien, sou\'crain , démo­cratique ct social dans Je cadrc des pri ncipes islami­q"~ 2) Le respect de tou tes les libertés fondamenUiles, $;Ins distinctiOfl de r.lCC CI de confessÎon,

En cc ]- novembre 1954, tout <!ta it cla ir c t a la pattée de tous. Not re comb,lI avai t pour but la destruction du régime colonial ct pour rinalité l'ac­cession de tous les AlgüieM à 13 dignité ct 3U ~ libcrté$ essentielles dc l'homme. Td lc ëlai t no lrc r<!volulion.

Le F,L.N. rcvendiquai t a insi les droits de J' homme tels qu 'ils sont dUinis par la charte des Nations unies

'et la déclarat ion unive rse lle de 19411: 1) la libcrt<! de pensée ct d'e~prC$Sion partout dans

Je monde ; 2) 13 liberté de conscience p3rtout d3ns le mon·

de; 3) 13 lutte contre la rn isbe partou t d3ns le monde ; 4) la libéra tion de la craintc partout d3ns le

mondc. Celle proclamation a va leur de doc trine et de

programme. Nous pouvions, après les acCOTds d ' ~via n, rentrer en Algérie et procéder à une consul ­t3tion du peuple, r3ire élire libremtnt des représen· tants ct donner au pays unc Constitu tion ct des lois conrorrncs à son espri t. Le peuple n'cst,il pas seul déposita ire de la légitimité nationale? Il C.~I seul habilité il. choisir ses d irigean ts ct il. leur d icte r les opt ions pour 1'3venir.

C'é t3i, le poin t de 'lue de Baudiar c t de Aït Ahme~l. Quand Ben Bel1a en mai 1962 proposa 1;1

réunion du C. N. R.A., ils s'y opposèrent, rai~n t

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remarquer que ce t organisme n'avait plus de rôle à jouer, l'i ndépenda rn::c acquise. Du poin t de 'lue du droit, 19 position de Boudiar ct de An A hmed ': \a il ina ttaquable. C'était la logique meme. Mais, cettc posit ion contraria it beaucoup ICl; d~scins de IJen Bella. Celui-ci entendai t entrer en Algérie avec une nouvellc charte dont il a VD it a rrêté le progra mme avec l'accord de Boumediene. Pour lui , la réunion du C.N. R.A. é ta it capita le. C'était sa seule chance car scul ce t organisme pouvait _orlïcial iscr son social is­me. et lu i donner, il lui tkn Bella , un rôle prépon­dérant à la tête du F.L.N . C'é tait donc Ben Bella qui avait rait le choix, au eh:iteau d 'Aulnoy, du socin­lisme a la Fidel Castro. avee la ferme volonté de s'érigcr, il la raveur de p:uti unique, en. p,ltron. de l' Algér ie.

Le social isfTle é tait une nouvelle donnéc ajoulée il la proclamallon du 1" novembre. Durant la guerre, ' personnc n'cn sourna mol. Un écrivain 3 cu le courage de récri re.

Du socialisnle il n'cst jamai.t question dans les plates­formes plécédenles: décbralion du ." fIO\'cmbre 1954 Cl le Congrès de la Soummam en aoii t 1956. D'ai ll eurs il Tripoli, S3M que b rHérenee au socia lisme scient ifi­que soi t uplicite, on parle surtout de mltional isations cl de réforme: agTll ire qU Î se si tuent dans une problémati­que m::llemcnt • soci a li~te 0 . En ]964, par comre, 13 charte d'Alger fern rUérentt explicite au marxÎsme li.

Avec l'appui de l'é tat-major ct de ses amis person­nels, Ben Bella manœuvra 5i bien que le C.N .R.A, sc réun it il Tripoli le 27 mai 1962,

A Tripoli, nous rumes saisis d ' un texte mal cxpurgé de son contenu mar~is te et qui 3vait été préparé par

Il , Bruno Étienne, L'AIV' lr. CUItIlUS rI rlvoIlltlo..s. Paris, le Seuil, 1977.

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Page 26: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

iiI Fédération de Frunce du l'.L.N,, très m;lrquée par J'extrême gauche. De la charlc .• bcnbelliSle », réd;. 8« en toule lcitc li Tunis, sur SC$ indiquions, le Congrès adopta les cinq poinls suivanls:

1) le socialisme servira de pbte-forme fi l'action du gou"ernement ,!lgérien;

2) le: respect des principes de l'islam: J) la subordination de l'industrialisation de J'Algé_

rie fi la salisfacion des aspi r:uions socialt:s des mas, ses:

4) 13 nation31isation des secteurs clefs de l'éco~ mit nationale:

5) la cr,;:lIion d'un parti prépondér:lllt laissant à l'opposition la liberté de s'exprimer.

Le Congrès précisa que ces dispositions n'avaient qu'un eametêre st ric tcment provisoire, ct cc jusqu':) la réunion sur le territoire n"tion.11 d'un congrès élargi aux forces intérieurcs, lequel congrès dCVllÎt 3voir autorité sur cclui de Tripoli ,

Jusque,là nous reslons dans le eAdrc des principes généraux, quoiquc beaucoup, p:trm; ceux qui p:!r­laient du • socialisme", ne savaient pits .lU juste de quoi ils parlaient. Cependant, d~s que la formation du bureau poli tique vint à l'ordre du jour, les di((ieultél surgirent. Les qucstioll$ de: personnes se posèrent à nOU"eau avec violcnce, au sein des anciens militants du M.T.L.D.

On a beaucoup p,ulé \lu Congr~s de Tripoli. J'y assistais. Cc ne fui en réa lité qu'un vulgaire règle­ment de comptes, sans honrlCur cl sans grandeur , surtou t lorsqu'on sc rappelle qu'à la mêmc époque, J'O.A$. multipliait les crimes sur le: territoire nalio­nal. Et au momenl où les débats dégénérêrent en injures grossières, Bcn Khedda, président du G. P.R. A .. ct ses ministres quittèrent Tripoli poUf Tunis. C'élait pour eux le seul moycn de • bloquer " les décisions du C.N.R.A.

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J'/wais dcmandé alors il Boudiaf les raisons du différend qui l'opposai t à Ben Ikll:! .• C'est un homme impossible, me dit-il. \1 veut rester seul el il restera seul. Toi aussi tu le: quineros. "

Après cette réunion, un postc ,;metteur ~pp~ rte­

nant à l'étal·major se mi t à diffuser, de la fron tiè re IIlnisienne, des informations incxactes el p:lrtisancs. Le 30 jui n, e ~téd,; par ces émissions, le G.P.R.A. rc:.·oqua les membres de l'é tat,major CI prononça la dissolu tion dc cet organisme. Celte mesurc, manifes­tation de l'autori té du gOtl\'CfnCmenl, arrivait trop lard, De part et d'"ut rc les posit ions étaient déjà bien arrêtées. Le F.L.N. éelala, donnant naiS$3nce à deu:c groupes adverses. L'un et l'autre a"aient des maqui­sards ik leur disposition. Du côté du G. P.R.A .. les ' '{ilayas Il , Il l. IV ct la Fédér/uion F. L N. de France. Du côté de Ben Bella ct de Boumediene, les Wilayas 1. V, VI et l'armée des frontières aVct 50n puissa nt armement.

Face à celle scission de l'A. L N. ct à la lulle d'innuences d';clenchée p:!r la anciens militants du M.T.LD .. ma posi tion de"enait difficile. Je n'avais pas soupçonné qu'i l y eüt, au lendemain de notre victoi re. tant de haine CL tanl d'ambition personnelle parmi cu~. Au demeurant, dcpuis le Congrès de Tripoli d'aoüt 1961, ct après l'éleclion de Ben Khedda il la pr~sidence, les anciens U.D. M.,\ . et les Oulémas étaient pratiquement sur la touche. Devant les membres de l'état·major qu'il avai t réunis, Ben Khedda alla jusqu'à nous tr.:liter d'· opportunistes". C'esl dans cel étal d'esprit qu'il nous écarla de lOut poste de responsabili té. Aucun dc nous n'a participé aux secortdes négocia tions d·Évian. aucun dc oous n'a élé déligné pou r siéger à l'exécutir provisoire présidé pa r Fares.

Déjà. lorsque je fus désigné comme prélident du G.P.R.A. en septembre 1958, un • centra liste ", Bou,

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ma7.:l, emprisonné à Fresnes ct que le~ autorités françaises, par la suite, aidçrent à ~'évade r. s'e~dama lorsqu'il apprit mon élection: • Abbas. noos le pres­serons comme on cilron ct après nous le jetlerons! ~ En vérité je n'étais pas dupe des calculs des aUlres ct n'élais en lout C;lS pas à leur ~rviee, ni à celui du M.T.L.D., mais bien au service c:xdusif de mon pays.

A leur sonie de prison. Uen llclla ct son groope sc comportèrent avec nous différemment. Ils sollicilè­rem en toute occasion notre appui. A Tunis, Khider, en présen<:e de Boumendjel, du Dr Froncis. de Ben­guettat ct de moi·mème. fit un long plaidoyer en fneur de son ami. Il nous 3SSUro que Ben Bella, au pou\'oir, ferait appel à toutes les compétences cl à tou tes les bonnes volontês, SMS esprit !XIrtisan. II 1 ferai t respecter les libertés cs.scnticllcs de l'homme Ct laisserait 11 J'opposition la liberté de s·exprimer. comme l'al'ait d'ailleurs décidé le C.N,R,A.

L'état-major, de son cOté, maintenait le contact avcc nous. Nos relations avec Boumediene avaient toujou/'$ été correctcs grace 11 la présence du com­mandant SIim3ne, de son vrai nom Kaïd Ahmed. A l'époque OÙ je présidais le G.P.R.A" j'avais, 11 différentes reprises, pris la défense de Boumediene contre ses adversaires. Il fot le protégé de Boussouf, de Ilcntobbal ct de moi·même. j'avais une bonne opinion de lui. Je le considérais comme un bon musulman ct un bon patriote, ct surtout un grand travailleur, qui savait ti rer le maximum de ses collaborateurs. Nous primes bonne note, sans aut re engagement, des assurunces que Khider nous donna, Den Bellu pouvait bénéficier d'un préjugé favorable. o.:scmparé après la dissolution de l'ét;l\-m;tjor le 30juin 1962, il qoitta Tunis en s'assurant immédia· tement la collaboration de Boumendjel.

Après la réunion de Tripoli . nous nous réunimes

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avec les Oulémas se trouvant à Tunis. Ils étaient d'anciens élèl'cs de lien Badis, Sur l'essentiel nous étion5 d'accord. L'Algérie musulmane al'ec sa euhu- \ re, sa langue, son style de vic, son économie devait resurgir de la dHaite du régime colonial.et renaitre à la vic, sans renier ce que la France avaIt scnlé chez nous de progrès scientifique et technique. Nous nous in terdisions un retour en arrière. aux m«urs du Moyen Age. 300 trib.:llisme ct au régionalisme,

Je quillai Tunis avec ma ramille le 29 juin 1962, pour être en Algérie le 1- juillet ct participer au référendum sur l'aotod~termination. Nous étions accompagnés de mon regretté nel'eu Ali Bcnabdcl· mOUlllene, de sa femme ct de ses deux enfants, Un jeune Guelmois étai\ au volant de la voiture mise à ma disposi tion. Juste avant mon dépar l, le eomman· dant t-1cndjeli de l'étal·major me contacta ~ur m'indiquer le trajet à emprunter. Nous deViOns passer la nuit à la frontière, dans la région du Ker. Boumediene viendruit fi notre rencontre. /1. la rron­tière tunisienne nous fumes hébergés dans une mai· son ou le Dr Boodcrba nous rejoignit. Il m'apportait la Jeltre du chef de l'état.major que l'oici :

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RtPUBUOUEIJ.GlRIEHHE F,LN, • A,LN,

t'rAT,MAJOR Ct .. "'1tRAt.

N- ' .65/ f E.M,G.

Au fri.e Abb;u.

A la ...:ille de ta ",nl.~ Cft AI&ln.:. .Lau ... it ~lt !lb utile de _s ,fCl'KXI!'l,.cr ~f\n de f.i", c_mble 1. poinl de b ,i lu~lion. Je m apprc~IS d alileun l prcl>ll", Ja ""'le du Kef '1 •• 1>11 des ptOblCmcs .mprt .... , _ ""nul m·empêche. de ~gl11C' mon polle, Je le "'8"'tle vivemenl cl le d.m.onde d e.CuK. Cc COtU'C!emp:r.

le liens. OI'pcllCbnl, m.1jnl.,~.nl que .IU l'Appleln ~ •• joind.e le sol nollOru.1. l ... ppclc. ,,1 Cft ~IIII besoin a.>mbien Il0l''' ~uplc m.I"'IYC d'infOl'lnallons l'nies. combi<:n dupé el myslir~ Il • ~!t cl combien !"immense l"'vail d. d."ific'IlÎon devienl u.,.nt.

T. prÛocncc ~n ~Is~ne sera ulu~, j'en .uis 'u., pu IOUl lIDI'c ~uple q~I .... 1 b",n,rec:on.ru..lft ceux qui Onl donnt pOlI' qlK ..... "" u hkni el d.~p;!.'''isK ... milt",; il le rkl.me .. , ~~ l IOUS ~poM:Ibles, des explio;,lloll5, NOire de.'oî. n i d «iann II. SOIf de compl'ClMl,e çc q ... les nkusil& de la 8.c,,,, DOUJ 0fI1 ~ ce jour dHcndu de fai.e,

Je ,I.e d.m.o~ de .... 1 •• COII$lammeftl en conlael ane_ .. ~, l ,nlerméd,al'" de notfC f.~fC, chef de 1. Wilaya. Je "" dO\lI~ pu. de plus.. que lu reh.~ ..... ainsi l'IU!Ofilt CI le presto", cie celle w.t.y:a.

Je profile en OUlrc de Cc que je l'~C''' POU' l'Informe. de 1. siluatlOn conf_ qu i .è"", ~ Co" .... nli .... Da tlt .... nls i_ ~nts el l é~,guid& ,[ IM""nl u"" .."mp:og"" de p~s.nd •. I."~nl d .• l~ .11, ~ Ilen Bella .II"E.M.G. pour briguer Je pooI~r. çco;, b",n . ûr .~pqnt de do!ni,,,,mcnl$ el ""_1 ,es vwnl i lromper dthWrtmenl le Pcuple, d'où 1. nt';n"lt de me"'" u ... Qmpl&IIC d'upliealion pu la mlilliplic:olioa des C<)fII.cU nec: Ic:s iltmcnl$ UiM du pl)".

Je te rappelle en jlSWnl POU ' d·t...:nlu.!! ClMt .. tl 'luc tu au ... ane des r.~ ck COMtlIrn;ft<:. qu'il le .. uule cl r",elueu, pOlI' nous d'i ns;ller ,ur l'aff.ir. du cDfTlm,ndul Sli ....... POU' ras(M1;' combien da"~feu POU' Ie~)'$ K" la prlliq ... ~ Cd mêtho<b liches CI dbhonoranles.

Je !crmlllc en le SOU""il.nl """ bonIIC Kntf~.n sor ru.lional cl luIS penuado! q,", le Pcupk 1'0"",,;lIc ... comme un pl' concrel v.n la .ecanquete de '" diSl'ilt.

Bie .. fnlcmdlcmeftl. Etal·major ~tntral de l'A.L.N.

Si,nt: Houmcd iellC

"

Le Icndemnin, nous nous dirigeilmes ve"" I;t fron, tière algérienne. Au liell-dil • El Gualaf Essena'in", mon nmi Mahmoud I-Iakimi nous attendait. J'étais Irès ému en revoyant un ami el un militanl de la première heure, qui exerça de gr;J. ndcs responsabililés dans le F.L.N. cl qui fut torluré par les paras. J'ai lr;J.vcrsé 1I\'ec 13 rnçmc émoI ion la fron l ière algérien­ne. De nombre:ux nmis élaienl ve:nus à ma rencontre, parmi I e.~ucls le rcgre:né e:a pilaine Sfax; Mohamed Salah. Ils nous re:joignirent iL Tébess<l .

Cette journée fuI mémorable. La joie de la foule sc muait en dé lire. A Ain lkid3, je: lui adrC$S3.iS quelque:s mots en présence: de Cheikh Si Belgaeem El Oadaou i qu i prit également la parole, Nous repartîmes l'nprès,midi vers Oalna, en p:l~nt

d'abord au P,C. de la \Vibya 1 où le oo1onel Zbiri nous anendait. Il me fit présenler les armes par unc section de: l'A.L.N. CI nous accompagna jusqu'" Balna où le nouveau prHet, Raha l Abdclatif, nous acueillit ~ la prHec\Ure. Nous rcnlramcs à 22 hcur~$ à Sét if. La population de Sétif rewnnul le: cortège. S.1

joie fut d~bordante. Des hommes \'oulurcnl SOIllevcr ma voilure:. Il s montèrcnl sur le toit. Des femmes poussaient des youyous étourdissants.

La ville: de Sêt ir mil une grande villa à ma disposit ion, celle de: M. Audure:lu. Cesl dans Celle: vill3 que je reçus le nol de nits :t mis CI ma famille , Ils venaient de partoul , d'Alger, de Bougie, de Jijel. de ConSlanline, de Batna. de Khenchela, de IJ.ordj Bou Arreridj ,

Le command:lnl lIuniimi de 13 Wilaya III avait dét3ehé lin groupe de djounouds pour assurer la sécurité. Ce: furent des journfcs inoubliables.

Financièremenl, j'étais renlré de Tuni~ sans mo)'ens. Ma pharmacie avait é lé saccagée et fermée en 1957. Elle ne me fut d'3ucun secours. Ce: sont mes amis de Sét ir qui nl'aidèrent en ces premie,.,.

"

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momenl5. Du I»lcon de la villa, je pris la parole en même temps que le commissaire poli tique de la Wilaya 1. Je dis aux Algériens que le temp.~ de la C"hiku)"u " était terminé et que <:elui de la responsa­bilité des eito)'cns commençait. Jc dis ég:..!ement aux Français d 'Algérie de restcr c t que leur sécuri té serail assurée.

Lc 7 juillet, le président Ben Khedd:1 ct ses minist res n:ntr~rent à Alger. Au dire des témoins, Alger "éeut des moments de joie délimnte. Ce rut l'enthousiasme et l'allégresse. Jamais plus noire peu­ple ne revivra de parei ls moments. Le coloncl Bou­mediene entr:.. à Sétir avec un bataillon de l'A. L.N. Dès l'indépendanee proclam~e il installa ses djou­nouds à Bel-Air, dans l'ancienne eascrnc des C.R.S. Les colonel.s Zbiri Tahar et Ch;Îabani Mohamed le rejoignirent. Nous organisâmes un • meeting. en présence du préret Tahar Ladjouzi qui "cnait de remplacer DenOlene.

Le colone! Boumediene me demand:.. 3vee insis­tance de me rendre à Tlemeen pour que je m'associe à son groupe et à celui ce Ben Bella. L':..rrest:..tion, à Constantine, du commandant Slimanc par le colonel Houdnidcr Salah dc la Wilaya 1 J. dit • Saout El Amb", avait accentué le désnccord enlrc les [cndan­ees .• Si tu étaÎ$ pa~ par sa wilaya, ec colonel t'aurait cmprisonné de la même maniè're", me dit Boumediene. 11 me conseilla de rejoindre Tlemcen en p3S.1.3nt par le Sud, où commandait le colonel Chaa­bani. Je restais cependant indécis, malgré 1'3ppcl du Dr Fmncis de retour à Relizane, sa villc na tale. Il me fit part de sa déc ision de rejoindrc Boumendjel. Cc dernier, chargé du se:rviœ dc presse: du groupe de Ben Bella, était seul â sc débattre au milieu d'un grand nombre de journalistes.

Sur ces entreraites je reçus la ~isite du comman-14. Chi"")',, : ~Iild qucrelles.

"

dant I-I assa n Mah)'ou1., accompagné de quelques officiers de la Wilaya III qui sc rendaicnt au P.c. dc Zbiri pour s'inrormer. HaS5~n était ner~eu~. mena­çant, agressif. 11 parlait même de guerre cÎvilc. • Nous sommcs prêts, me dit,il, à nous ballrc contre nos propres fri:res, si cela est néccss.,ire:." C'est à la même époque que le commandant Il3mÎmi menaçaÎt de raire sauter le barmgc de Khermta,1c <:3$ échéant.

Je leur conseillai ln modération. Le pou~oir n'est légitimc et n':. de ya leur que s' i! cs t garanti par le peuple. Cest à cet Înstant que je pris la déeision de me rendre â Tlemcen. me disant que cClle prise: de position en r~veur du groupe de Ben Belin pou~ait peut-i:tre arrêter l'A lgéric sur la pente de la guerrc civilc, qui, en cet instant, paraissait imminente et inéyitable.

Beaucoup de mes amis m'on t reproché celle prise de position. Je ne crois pas qu'une attitude d'expec­tative, à la Poncc l'i lalC, pouvait servir le pays. L'Algérie, sortÎe il peine d'une guerre Silns merci qui dura plus de sept anlltes, risquait d'ê tre • congoli· sée ". Quand le ~t du pays est en jeu. il est indigne de raire des calculs ct d.,jouer il ]'atlcnlis,e. A.

Le colonel Ouamrane éÎai t en visite chey. moi. Nous prîmes ensemble la route d'Oran. Ma ramille et mon ami Hakimi nous a<:compagnaienl. Nous Im\'er­sâmes trois wilayas: la l, la IV el la V, sans inquiétude. A chaque pesle de contrôlc, les djou­nouds nous présentaient les 3rmes. Nous p.1ssarncs la nuit à Tiaret , logés à la sous-prérecture. Le lende­main, nous flOUS rendimes à Tlcmcen à la villa Rivaud, poste de commandement de Ben Bella. Bou­mediene nous accueilli t fraternellement cl chaleureu­sement. L'accueil de Ben Uella fut plus réser~é.

Medeghri venail dc remplacer Diefenbaker il la préfecture de Tlemcen. C'est chey. lui que ma famille et moi·mêmc nous riimes hébergés jusqu'à ce que

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nous soyons installés dans la villa du secrétaire gern:ral, face 11 la préfecture.

Medeghri itait un garçon cultivé, bien élcvé, courtois. Avant de gagner le maquis. il étai t étudian t en mathématiques il la faculté d'Alger. En avri l 1946, je me trouvais à SaYda, sa ville na tale, poUf soutenir la lisle U.D.M .A. à l'élection de 1't\s5cmblée constituante. Son ~fe étai t le responsable de not re .scetion locale. Son fils, Ic petit Mc:dcghri. à peine âgé de 10 ans, vint â moi : .... « un superbe bouquct de nCUfS. Je le pris par la main et nous nous rendimcs à la salle où devai t se tenir le meeting élcctoral.

Au cours de mon exposé, j'ai fÇCOnnu le neveu du ginéml Catroux, candidat lui aussi aux mêmes i leetions, mais dans le premier collège, à qui je déclara i : • Pourquoi, avec des lois plus justes. le jeune Medeghri, ici prisent, ne serai t-il p.:I s un jour prUet dans son propre pays"? Les années avaient pas.sé. Medeghri me dit : • Mc voilà préfet selon tc.~

vetux." • Tu seras probablcment minist re", lui ai-je répondu. Et il le fut.

A Tlcmcen, le climat politique n'était p.:IS bon. L'atmosphère dans la villa Rivaud était ce llc des souks: marchandages, conciliabules, ruptures ~uivics de réconciliations. l'crsonnellement, j'ai trava illé loyalement 5:105 c:tlculs ni arrière-pcnsécs pour la réconciliation ct poUT la sauvcga rde de l'unité natio­nale, durement aequi§Ç. Les amis qu i sëtaient dép13-«5 d'A lger ct de différentes villes du P.1YS pour me voir reçurent la consignc de travailler pour la modé· rlI tion el l'un ion fraternelle.

Le jour où Fares, pr~sidcnt de l'exécutif provisoire. vint il. Tlemcen, tout semblait réglé. Nous nous rendîmes à Onln. A peine étais-jc installé dans ma chambre d'hôtel quc l'on me demanda. C'était une femme europeenne qui m'attcndait. Elle étai t en pleurs, désc.~péT« .• Monsieur Abbols, me di t-elle,

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e'cst Dieu qui l'OUS envoie. Sauve7. l11e5 deux fils. Ils viennent d'être aTTetés ... Je m'informai: • Qu'ont·ils rai t?" La femme, lOujours en brilles. reprit: • On les accuse d'a"oir appanenu à. I"O.A.S. Mais cc n'cst pas possible. Ils sont si jeunes. 20 ans et 22an5. M. Ab­ba.~, $aul·e7.·Ies.. Je promis d'inten·enir. J'ai demandé 11. voi r le commandant de la place. C'était mon ami le commandant Hckhti. de son vmi nom NemmiclM:. quc j'avais bien connu :lU Maroc. Nous discu tânlCS du cas de ces deu)l; jcullC$ gens et je lui ris di re : • Ne trouvcs-tu pas qu'il y a cu trop de sang d:lns cc malheureux fllYs"? Pourquoi continller 11.

t uer ~ I.·O.A.S. est vaincue. Nous sommes vÎctorîeu~. L'heure est arrivée pour nous d'édifier notre pays autrement que p.:Ir la violence. Soyons m .. gnanimcs. Rd:khe ces deu~ g:l rçons. " Il-ckhti me rassura. Au rond, il fllrtagcaî t mes sentiments, et les deux prisonniers furent relâché5.

Je l'entre tins aussi des massacres qui avaient ensanglanté Oran. Un certain nombre de Français invités 11 assistc r à la cérémonie de la • réconcilia­tion", le S juillct, furent pris sous un fcu croisé parti des toits des maisons par des inconnus en uniforme. Crime gratuit qui ne poU"ait pas rehausser le pres­tige de J'A lgérie libre . • C'cst unc affaire troublante, me dit BekhtÎ. Apres le M cessez·le-feu ., le 19 mars, les vOyou5 ont pris l'uniforme de l'A. L N. CI ~e sont conduits en bandits de grand chemin. Nous en avons afTcté ct désarmé plu~ de qU:ltre cenIs. Les Fr:mÇ3is nous ont demandé de ne pas les fusiller. M:lis ecs hommes étaient un danger public.·

La mère des deux garÇQns libér':s revint me voi r. heureuse. Ses deux enfanlS l':lccomp.:lgnaient. Elle me les priscnta ct me remercia tout en pleurant. Je m'inquiétais dc savoir s' ils avaient de l'argent pour ,·o)·ager. lb me répondirent par l'affirmative . • Alors prencl. le premier avion et lJue Dieu mus g;Hde .•

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Page 31: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Bekhti est aujourd'hui ministre des Anciens Moud­jahid ine. I l cont inue avec le même dévouement à servir l'intérêt général. à panser les blessures de l'Algérie, à secourir les veuves de guerre, les orphe­lins et les inval ides.

A Oran, je ne voyais Ben Bella que raremcnt. Il continuait ses intr igues, ses conciliabules secrets avec ses anciens amis du P.P.A. Au même moment, Constantine était le théât re d'événements gravcs. Le commandant Larbi Bcrredjem \'cnait d'im·cstir la ville au nom du groupe de Tlemcen, de f:lire libérer le commandant Slimane ct d'cmprisonner son propre chef, Ic colonel Uoubnider ct le ministre Bentobbal. Il a fallu J'in tervention de Bitat du Bureau politique pour faire relâcher les deux prisonniers.

A Alger, Khider tentait de faire accepter [e Bureau politique qui n'avait pu être mis sur pied à Tripol i. Au début d'août, un accord fut condu enLTe lui ct Krim d'une part. Boudiar et le colonel Mohand-Ould-Hadj, chef de la Wilaya [Il , d'autre part. Mais cet aeoord ne dura pas longtemps.

Le 20 30Ût, sans savoi r pourquoi. les hommes de la zone autonome d'Alger ouvri rent Ic feu sur les djounouds de la Wilaya IV. I l y eut des morts et des blessés. Dans cc oonnit de nombreux civ ils payèrent auss i de Icur vic. ,

1...1 route oonduisant au pouvoir éta it déjiijonehée de morts. Le grenou illagc de ceux qui prétendaient au leadership était scandaleux. La vic toire arrachée par le peuple éta it tachée du sang des innocents. On assista à des réoonc il iations spectaculaircs vitc démenties (mT

les faits. Le carrousel des arresta t ions ct des libérat ions démontrait le manque de séricux, de patriotisme ct de oorlYietion des uns ct des autres. Les appétits se multipliaient et se déchainaient. L'Algérie était comme un animal blcssé entouré d'une meute de loups aiguisa nt leurs crocs. Chacun voulait en 3rracher un

"

morceau. Et tant pis si. au bout du comptc, le pays devait cn pfi tir. L'absence d'une autori té légale. forte ct j reoonnue. avait fait naitre une multitude d'ambitions, toules plus ou moins contestables.

Celle situation dura jusqu'à l'entrée des troupes des fronti1:res à Alger. Semant des cadavrcs sur sa rou tc, Boumedienc faisait la .oonquête de J'Algé­rie _. C'é tait la seule guerre qu'il fit. L'élection de l'Assemblée nationale constituante, le 20 septembrc, apporta un léger apaisemenl. La liste des candidats, donc des. élus _, avait été établie par un Bureau politique plus contestable ct conte.~té que jamais.

Après l'installation de l'Assemblée ct la désigna· tion du premier gouvernement algérien 'pr~sidé par ( Uen Bella, celui-ci rendit offic iel le c socrahsme à la Fidel Castro_, au lant dire le communisme stalinien. 1 Que pouvait-il faire sinon oopier et imiter? C'est dans ces circonstances que l'Algérie allait connaître le c benbcllisme _ après avoi r connu le • mcssalisme~.

Pour oonci lier • le di<lble ct le bon Dieu >, nOire président du Conseil nous parla du • soci<llisme spécifique. de l'Algérie. Celle. spécifici té - se traduisait ainsi pour lui: l'islam est dans le vrai ' spirituellement ct d<lns l'erreur économiquelllcnt, alors que le marxisme était dans l'erreur spirituelle­ment ct dam le vrai économiquement. Aulant dire que l'islam ct le marxisme étaient touS deux dénatu­rés ct tous deux tr:lhis.

L'amalgame de deux idéologies différente.~, cel le de !"islam cl celle du marxisme, va conduire notre pays à une p;lr:llysie éoonomique, à une action anarchique. Su r le plan moral, vint la dégradation des mo::urs et des traditions. L'unité nationale, si chèrement soudée, éta it rompue.

Notre peuple, qui fut héroïque dans le combat, ne put s'opposer li l'arbitr:lire du pouvoir personnel. Il deviendra, au fil des jours, une foule indifféren te. ,

~\

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sans resson, UI1(: massc étmngèr~ aUll arraire$ publi­quc.~_ les dirrieuhés quotidiennes l'occuperont: pro­blèmes de logement, démarches adminÎstr;uh-es, ravi. taillement, etc.

les autori tés ignoreronl $CS sourrrnnccs, ses droits $Cront saeriliés ct les dirrieultés multipliées ~ur son chemin. Comme ravait prévu 13en M'Hidi, personne, parmi eeult qui le gouvcrnent. n'a eu pitié de lui. Personne ne ~ souvient plus de ce quïl a enduré pendant plus de sept ans de guerre. Alors que Dieu 1

nous dit : . l'homme est libre de croire, il est libre de ne P.1S croire", (kn Bella nous força :\ croire fi son • sys tème" sous peine d'être ellelus de Ja nation en lant qu'afrreux. réactionnaireso. lc sang des chou. Il3da fut trahi. Pour la deuxième fois, ccs ehouhada moururent sur l'au tel du stal in isme ct du culte de la personBOllité. Ben Della comme Boumediene lirent du F.l.N. un instrument de leur pouvoir. -

• l 'Algérie rrJnçaise • a été détruite. l 'Algérie musulmane n'a pas été ressuscitée et -l'Algérie socialiste" n'cst pas née.

Ce qui a pris n~iSS.lnee e'cst l'égoïsme :I\'euglc. Je particularisme agressif. Ja course aux places CI aux prébendes. le plus forl éemse le plus faible. Nous devenons étrangers Ics uns aux ;nltres. le pa)'s ne sait plus où il va paree que personne ne lui a ouvert le chemin de l'aveni r. l e pouvoir autori taire et policier se contente d'étendre ses sombres ai les sur ce quïl y a de gérll! reux dans nOire société. El, étrange e~ro­que rie du siècle. un pareil régime S'cst baptisé • régime progressiste '.

le progrès. le vrai progras.. ne pourrui t·il pas ~rcodre d'autres chemins sur lesquels !"homme, libéré du colonialisme, aimerait s'engager sans perdre son am.:, sa digni té ct sa liberté'!

1 S. Hadilh: paroles du Prophètc recueillkJ el a Ulhcnlifi~es.

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" lE SANG DES CHOU I-IADA TRAH I

l 'Algérie il l'heure du st:llÎnisme

P~r I~ '~"'fU l 1:.'" "'rirl l'A_m~ ~JT rtI

~ditlo-t! SDuf r(U '1"/ iJ<Ir ID fci. qui fiJN I~ lM". 'lu/ u t«iJOfUrflINlnll ", .. ,url­I~"",,,, III i".riu n III r/l'Mir/.

I.E COllAN ' •

En 1962, Ben Bella, sous J'innuenee d'une rrange plu~ ou moins gauchiste de la Fédération de France du F.L.N., engagea l'Algérie dans une voie dêjà in~titu!ion nalisée dans les Républiq ues populaires de l'Es!, à savoir: parti unique, eentrnlismc di! • démo­emtique. ct pouvoir personnel. Je n'ai pu, :lussi bien par conviç!ion que par !cmpc!rament, le suivre dans celte voie el j'ai donné ma démission de l'Assemblée nalÎonale constilu:lnte (cf. Annexe J). Un homme politique doit respeeler un minimum de probi té Întellectuelle. sinon il tombe dans l'aventurisme. En quinant la présidence de rAsscmbl~e nationale, fai ~eril une longue lettre aux dcputés, qui reste :\ mes yeux une pT(lr~ion de roi encore val~ble:

.. le Coran. JOUrn tc 10J .• Ic lemps", v. I-J.

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Assemblée nationalc constituante

République algérienne démocratique et populaire

Le Président

Alger, le 12 août 1963

POURQUOI JE NE SUIS PAS D'ACCORD AVEC I.E PROJET DIO CONSTITUTION

nA6L1 PAR LE GOUVERNEMENT Err LE BUREAU POLITIQUE

Par Ferhat ,\bbas Député de Sétif.

Donner une Constitution à la République est un acte d'une extrême importance. [1 requiert notre réflexion, notre mison. notre sagesse. Après l'héroïque combat pour l'indépendance. c'est un autre combat qui s'impose il nous. Le peuple tout entier ct, en premier lieu. ses représentants doivent faire preuve de lucidité ct de CQuragc.

La loi du silence que nous nous sommes imposée durant les sept années dc lutte, parce que l'ad"ersaire était au milieu de nous. n'a plus sa raison d'être. I.e silence doit être rompu.

Avant d'engager l'avcnir, cclui du pays, celui de nos femmes ct de nos enfants. chacun de nous doit prendre conscience de ses responsabilités pour mieux les assumer. Sinon, il renonce. par un laehe opportu­nisme. au devoir élémentaire de tout citoyen.

A Tripoli, le C.N.R.A. avait déjà été saisi par la

"

Fédération de France du F.L.N. d'un projet de Constitution.

Oepuis, deux autres projets ont été soumis, en avril dernicr, à la Commission de la Constitution. Le premier émane des frères Bcnabdallah, Mou rad Ous­sedik., Hocine El Mehdaoui. députés, Bendimered et llenghe1.a1, consuls en France: le second de moi­même. Cc sont deux projets qui pouvaient servir de base à des débats.

Au moment où la Commission allait commencer ses délibérations, le gou"ernement a fait arrêter ses tmvaux en déclarant qu'il élaborerait lui-même le projet de Constitution.

A un mois de la fin de nOtre mandat. cc projet vient à peine de parvenir il l'Assemblée. Par contre. par la presse, par la mdio, par les conférences, dites des cadres. par des décl3rations ministérielles, on tente de l'imposer au peuple.

Cetle campagne cst pour le moins singulière. Elle est d'autant plus anormale qu'elle tente de défendre un projet de Constitution qui ne règle aucun de nos grands problèmes. " .

C'est pourquoi je me permets de m ~Ievcr leI solennellement contre de pareils procédés. de mani­fester mon désaccord ct de donner les raisons de cc déS:lecord.

ProclduTe el droit

Sur le plan de la procMure ct du droit, l'Assem­blee nationale constituante ct législath'e a été élue, sur proposition du F.L.N., a\'ec mandat de doter le pays d'une Constitution démocratique ct populaire, dans le délai d'un an.

Détentrice exclusive de la souveraineté nationale, elle est donc seule habilitée 11 connaitre des lois dont

6l

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1

clic a, concurremment avec le gouvernement. rinilia­live. Ces lois, avant d'être examinées. doivent être déposées sur son bureau SOus forme de projets ou de propositions. Ces projets ou proposlhons ne sont renduS publics qU'3près que l'As.scmbléc cn est orricicllcmcnt s.aisic.

Or, le gOuvcrncment vient de violer celle règle fondamentale. Il a soumis à de pretendus Cldres d'un parti qui. cn fail. n'(.!tisle pas encore. un projet de Constitu tion S,1n5 que ]'As.semblëe en a il été infor­mée. Faire: approuver par des militants qui n'ool reçu aucun mandaI de cel ordre un IcJtlc fondamcnul re levant des atuibutions men lici tes des députés. c'cst clicr la confusion et viole r la loi .

~Iu milicr une Assemblée souveraine. qui a toujours apporlé sa collaboration loyale CI $On appui au gouvernement. esl un gesle extrêmemenl grave.

Le procêd~ rel~ye de la nlyslifica tiOfl, de l'action psychologique. En tout état de cause, il laisse cntrc' voir le rôle que l'exfe ulif entend réseryer ou l':gisla· tif. Avant même que la Consti tution de type prési· dent iel n'ait é té odoptf e par l'Assemblée, avant qu'clic n'ait étf soumise au référendum popul.1ire, nous assistons fi une ac tion dcstinée fi fai re pression sur les COnStituants CI fi meLlre [e peup[c en condi· tion, Il en rfsulte que l'Assemblée nationale cst déjà dépouill fe d'un pouvoir qu'elle détient, pourtant, du peup[e souyer:ain et du F,L.N ,

Le Part i, cssaie· t-on de rétorquer - si Parti il y a­ayait son mot li dire. Or, le Bureau politique a eu plus que son mot li dire, puisqu'i l est l'au teur même du projet. Quant aux militants, ils ne pouvaient avoi r [li

prétention d 'ê tre consult o!s avant le! députës. Ce sont des citoyens comme les au tres. Ils auront à donner leur ayis en méme tenlps que le peuple par voie de référeooum, Quand on yeut fonder un pani, il n'est pas question de créer une catégorie de privilégiés et

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de supc r<itQy~ns. Ni d'institutionnaliscr une autorité parallèle.

I~ POfl j

A propos de ce p-,rti, il est SOUYcnt fait référence à la Charle de Tripoli. Or, li Tripol i, il a été décidé que la reconversion du F.L.N. cn p:lrti politique un ique devai t sc raire dêmocrotiquemcnt, par le truchement du C.N.R.A., élargi à certains frères choisis p:lrmi Ics comballants de l'intérieur.

En aucun cas le 8un::au politique n'a reçu mandat pour mellre en place une organisa tion de celle importance.

Duranlla guerre de libér:ation, le C.N. R.A. a jQué il la fois le TÔle de Parlement algérien ct de Comité central du F.L.N ,

Un Parlement ayant été élu le 20 septembre 1962, c'est ;"i. cc Parlement que revenai t logiquemeru, à mon avis, la mission de désigner un nouveau Comité central du F.L.N. en rcmpl3ccment d'un C.N. R.A. disloqué ct dép:lssé.

Cc Comité central, désigné par l'Assemblée natio-nale. aurait cu pour t.lchc:>:

l' d'ê lnoorer les sta tuts du Parti: 2" de délinir notre doctrine ct notrc sodalisme: 3' d'établir un progromme: 4' de rcunir un Congrès n~tional pour discuter c t

mtilier les trois points ci-dessus. Ainsi, nous aurions fai t partic iper effectivement

l'ensemble du peuple au~ ass ises du l'artÎ. Et par là même nous aurions donné à cc Parti une base démocr:at ique et populaire.

Or, le Oureau poli tique, de sa seule in itiat ive, s'cst au torISe li faire un trovail qui n'é tait p;!s le sien. Premier résulta t : le différend de Khidcr a~·ec Ben

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BeIl:I. puis de Ben Bella avec Bitat. Khider évincé. Ritat écarté, le Bureau politique a voolu mettre les bouchées doubles pour placer le pays devant le fait acœmpli.

Qui a choisi ces prétendus cadrc.~? Scion quels critères ce choix a été fait? Pourquoi ces militants ~t pas d'autres? Cette cooptation dont bénérieient. cer. tains amis" est pour le moins arbiuaire. Elle aboutît il la formation de la • République des Camarades", contre Illquelle 10UI Algérien a le devoir de s'éle-ve r.

Le F.L.N. ne doit JXls ctre le p.:trti d'une fraction. mais celui du peuple - de loutle peuple _ de la même manière qu'il l'a été durant la IU1le armée. Sinon il devient un sujet de division ct ne peut fai re qu'un travail fwctionne l.

Certains mi litants ont conservé la nostalgie dcs anciens partLt ct n'on t rien oublié. On les trouve dans la plus grarKIe partie des postes de responsabilité. Cc retour aux divisions du passé cstla négat ion m':me du F. L.N.

Le Parti devant êtrc la • Conscience" et le • Gui, de" de la nation, sa formation doit êue entourée de toutes les garanties. Elle doit être J'œuvre du peuple. du peuple qui Imvaille. celui des ehlunps. celui des entreprÎses, celui des marchands, celui des usines, celui des combattants.

Or. scion les informations qui me parviennent. les fédéra tions ct les daims sont. dans la proportion de 80 'li. impopulaires. Notre peuple les subi t. Les cadres choisis $Ont en majeure partie dcs budgétivo­res et dcs profiteur.;. Ils sc désintéressent complê, tement du sorl des masses, Pour imposer silence il ces dernières, ils les traitent par le mépris ct font peser sur clics la menace. Cc sont de nOU\'caux caïds.

Nous ne sommes pas encore au stade d'un régime

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policier. Mais. si nous ne prenons paS gardc, nous y :I rril'erons il brêve échéance.

Le F.L.N .. en \:1n l lIue parti unique, s'il n'cst pas une org.:aniS:ttion démocratique. appelée i\ rosscmbJer toutes les énergies créatrices dont notre peuple est riche. ou bicn s'i l n'cst pas maniste-léniniste authen­tique, s'appuyant ~ur une dictature prolétarienne. que pourrait-il être? On peut le prédi re. Il sera condamné, par la nature des choses, 11 évoluer veN des structures rascistes.

Est.i l pensable que ",:s cadres ac tuels puisscnt contribuer au bicn-i:tre de nos masses paysannes et 11 leur éducation socialiste? L'affirmer semit un leurre.

Récemment, à Sétif, un rc.~ponsable fédéral, dont Je trai tement, me dit-un, est de l'ordre de 100000 francs par mois, ct qui. dcpuis, a été révo­qué, s'était attribué un appartement lu~ueux, unc rerme de 200 hectares ct l'exploitation d'un café· restaur:,"1. 1\ dc r:lres exceptions prh, e'cst de celle manière que sc manifcste le militantisme des pion· nier.; du • socialisme algérien".

Les mots sont impuissants il traduirc l'amère réalité. 1\ vouloir agir en dehor.; du peuple. on arrive ~ des résultats diamétralement opposés (IU~ véritables objectirs soci:lliSles ct égalitaires.

Oifini' noITP sociolismt'

Le socialisme doit ètre synonyme de bonheur et de libo.:rté. de travail r:llionnel ct de prospérité réelle, d'cspér:mce et de foi en un avenir meilleur. Pour cela, il n'cst pas nécessairc d'imposer au pays la dictature d'un pouvoir fractionnaire et sans controle.

A Tripoli nous nous sommcs prononcés pour. une orientation socialiste dans le respect des traditions de IïsI3 m ~.

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Page 36: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Quelles uranl donc les ear:\ctérîstiqucs de cc socialisme musulman? La Consti tution prëscntêc par le Bureau politique est muclle sur çç çhapitrc. Or IlOlre pc::uple doil être informé. Cest lui.même - cl lui seul - qui doit décider sou"craÎncmcn! de son des tin.

Oc nos jours. tout le monde sc r~elamc plus ou moins du socialisme. Il est de"cnu le mOI il la mode. Il est donc nécessaire de savoir ce que sera nOire socialisme. Cc 50Cialisrnc a instaurer en Algérie sera-toit le social isme scient ifique marxiste-léniniste, appl iqué dans les p.:1ys communistes. 00 le socialisme çêmocr:l tique CI humaniste?

(Pour ma pari. fai opté pour le deuxième !\OCia­

lismc pl rcc qu'il correspond aux aspirations profon­des de nOire peuple.

\. Les commandements de l'islam. en mali~r(: d'êdu· C3lÎon religieuse. de droit de propriété. de droi t il l' héritage. d'assistance sociale. eIC.. ne sont pas incompatibles avec une socié té socialiste. Ilien au contrai re . Sans déroger aux préceptes de Iïsl3m, sans heurter les mŒUrs et traditions de IlOIre peuple, nous pouvons engager le pays dans une révolution qui aura pour objectifs:

1· l' industri3 li s,1 tion ct l'édification d'une écono­mie di rigée et planifiée.

r la n3tion31is,l tion des grands moyens de produc­tion et son corolla ire, le dé\'cloppement des ooopêra· ti\'es de production et de consommation.

JO la limitalion des fortunes ct le contrôle du capital national privé pour l'amener, par une fiscalité appropriée. il participer au développement du seetcur social iste.

4· la défcnse des conquêtes sociales (allocations fam ili31es, congés payés, sécuri té sociale, salaire minimum interproressionnel garanti) et leur exten· ,~.

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s- la mobiliSoltion de tOlIl le p!.!uplc au tour de 13 Solinl': loi du trovail. de r crrort. de 13 morole et de l'honnête té . I.e oéocolonialÎsme oc mcnace OOlre pays que si la médiocri té, la pare5SC el la corruption s'y installent.

Ainsi délini. cc socialisme, qui tient compte des réalitéS algériennes. est en mesure d'arracher les masses tr.lVailleuses il la mi!;(:re en remelHlIlt notre économie en marche. ]] est en mesure d'étendre Ics bienfaits de la \' ie moderne aux populations rurales, restées ail slade du Moyen Age. En créant des richesses 1lOO\'clles, en construisant de noun:aux l'illages, en faisant éclater les privilêges de la fonune par une juste répartition du re\'enu national. il transformer:t, dans un temps trè.~ court, toute 13 physionomie du pays. . '

Je reçois ct j.: 1i~ la li tt érature clandestine du Part1 de la révolution socialiste (P,R.S.), Ce parti est procommuniste e t prêcooisc une révolution prolêta· ncnne.

N'ê tant pas moi 'même m3rxiste. n'étant pas corn· muniste, je ne partage pas celle idéologie. Au demeu· ran! une questiOn sc pose. Es!·ce que les Algériens 3ulhcntiqucI11ent marxistes pensen! que les condi· tions historiques ct sociologiques SOnl aujourd'hui réunies pour ent reprendre avec des chances de succès une telle révolutÎon? Est-ce que le prolétariat al~ê· ricn est en mcsure de prendre le poul'oi r? Où sont $CS

cadres, ses techniciens. ses doctrinaircs? Noire ])Cuple ,,'esl pas communÎste , Sincèrement

croyant, profondément 3uaehé :w~ traditions 3raoo. \x:rbê:res, il est encore trop loin d'une ré~olution de celte nature , Si elle sc produisait, elle ne se tmduirait que par un • gauchisme. ct un • al'enturisme. d6:!.st~u~ .

Maintenons·nous donc dans la position du· neutro· lisme posi tif. arre lêe à Tripoli , CORSc:T\'ons nos

r"

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bonnc:s re13tiOIl$ :wee nos amis de l'Est el de rOues\. Rendons la pleine l iber t ~ ii. l'expression de [a pensée maniste el au Parti communiste. Ne n:jetons per­SOnrte de la eommunaut~ nat ionale. Mais ne eher­ehons pas il imposer à notre peuple une id~o[ogie qui n'est pas la sienne, ni à l'into~iquer p.:lr une démago­gie faeile.

Ne délirons pas.

u rfgiml' prfsidl'nlid tI fe pOlll'oir pl'rSonnd

La eoncentration des pouvoil"$ entre les mêmes mains relève d'une autre forme de d~Jire. l e projet de Consti tution fait du président de la République, en méme temps que le çhd de rÉtat. le dld du gouvçrnemcnl el le çhef du P3rt i.

Pr:uiquement il n'y a p[us de dcmoc;ra tie. l 'As­semblée est sous la dépendanee d'un homme qui nomme les ministres el qui, par le truehement du Parli. choisi t les membres de l'Assemblée nationale, après avoir élé ehoisi lui·même par le P3rti.

l e dialogue entre le législatif ct l'exécutif. si fructueux pour le pays, devient un simple monologue. l e peuple est absent et n'est pas représenté. Ses reprc:senlants sont de simples figurants.

• La r~volulion se rait par le peuple et pour le peuple. Elle n'esl ni l'œuvre d'une seule personne, ni celle d'un seul indil·idu. Elle se fera par [ç peuple et pour lïn l~rit de 10UI le peuple. (rie}.

Cc slogan officiel, 3ffiçhê sur nos murs ct repr is par la radio, es t une contrev~ r it~. [[ masque la ré alit~.

Quant à nOire jeunesse:. elle sera eondamn~e à ne plus penser. Le régime fabriquera des robots, des opportunistes et des eourtis..1ns. Assurer le pain au peuple est. çertes, un objectif primordial. lui assurer

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eçt autre pain qu'est 13 liberté de penste et d'çxpres­sion est également un bicn pre:cieux. l3 jeunesse algériennç çn sera prive:e.

La na ture méme des pouvoirs multiples çxçrcés par un seul homme aura pour çons.:quenee ine:vilable le cul te dç [a personnalite:. Et eelui qui n'applaudira pas ineonditionnellement le • Mai tre. sera eonside:re: çomme un mauvais dtoycn.

L'équi libre des pouvoirs n'cxiste pas. Aucun reCOUI"$ contre les abus d'autorité n'cst pre:vu. [[ )" a bicn une disposition du projc t de la Constitution qui pr~voit que l'Assemblée nat ionale peut voter . une molion de censure et renverser le ehef de l'Etat.

Celle disposi tion est un non-sens. D'abord il n'est pas souhai table qu'un çhef d'Êt3t soit renl·ers.:. Il laisserait un vide redoutable. Ensuite CI sun out, n'ayant pas tte: invesli par l'Assemblée, eelle der­nièrç ne peutie renverser. Cene disposition est donç de pure forme. Elle CSt une simple d:wse dç style.

Nous jouons à • pile ou façe • le oor t du pays. Si le çhcf de l'État est un homme s..1ge, modeste el elai rl·oyant. nos libertés seront sauvegardC:es. Sïl a l'étoffe d'un Batista. lc P.l)'S vivra $ous la terreur. Pourquoi donc nOU5 placer, délibérément, dans eelte dangereuse alternative?

Autrç inconl'énient d'un Ici rêgime; aueun Algê­rien ne peut, ii. lui seul. porter, 11 bout de bras . l'Alge:rie. Le fardeau est trop lourd. Il arrivera que le chef de l'Étal, qui est en même temps eher de gouvernement, ne pourra pas tOut ra ire. [[ se dêehar­gera fat31ement sur son en/ouragt d'ulIe partie de ses responsabilit.:s. Des hommes non mandatés par le peuple, souvent des étmngel"$ au pays. deviendront ainsi ses véritables dirigeants. Ils ne manqueront pas d'cxpérimenter. au dé triment de l'intérêt nalional, les théories les plus fantaisistes.

Un tel régimç fin ira par engendrer des aetivite:s

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sub\'crsives, dc~ coups dl~I:1I CI des complots. A \'ouloir un • régime fOrl", on ouvre la porte il la sub\'ersiun et au d~sordrc:.

Un sl.'ul rlgimr : /0 dlm(l('rarir

La démocratie seule esl 5;l lut:lire. Elle ne signifie pas l'anarchie. Elle ne signifie pas un pouvoir faiblc. Elle s i g~ ific ; le gouve~nemen t du peuple par le peuple. Elle signifie un Etat hiérarchisé. Une bonne Con.titutiun doit !lonnn la parole au peuple. Elle !loit permettre la libre discuMÎOn. Cette libre discus­~ion, loin de nuire :\ la discipl ine nationale, permettra de r.:\·éler des cadres l':l lables ct cnrichira les ins ti . tutions de l'État. Un Etat. confisqué. c.~t un Êtat mort·né.

Un cher du gouvernement, investi p:1f une Assem. blée nationale SOtlvel'lline CI responsable devant clic, est la scule fOfmule qui com:sponde à notre devise • par le peuple ct pour le peuple_.

Il est indispensable que le chef du gouvernement soit contrôl~, Il est in!lispensable qu'il renlle des eompt c.~ au~ représentants lie ln nation. Si nous voulons évi ter les avcntures, il est vital ct S:llutai re d'associer le peuple p:tr 5;l majorité ct par S'l minorité aux amlires publiques.

Aux anciens peuples colonisés, nous devons donner J'exemple de la maturité politique CI de la cohésion. Nous devons leur donner l'image d'un peuple majeur qui gère sainement ct démocr:l1iqucment ses affa;. rc.~ .

Avec la Con~titutiOf1 qui nous est proposée c'est toujours le proyisoire qui dure, ct aucun problême fondamental ne reçoit de solut ion valable.

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Lo promsal;(J(I d" mandai du dlpllli,r tsr ""I.' r,ff'U'

Il nous faudra, cepend'lnt, sortir de cc provisoire. Nous avons perdu un tcmps précieux. La querelle dcs frères ennemis doit prendre fin. Donnons le pot.l'"oir au peuple en lui donnanl la parole. Lui seul est le 50uverain juge.

Je ne suis pas de ceu~ qui disenl que notre gouvernement n'a rien fail. Il a fail beaucoup, Mais il n'a pas commencé par le eommenccmenl. L'essentiel reste :\ faire.

Il n'a pas réuni le Congrès du Parti. !l pouvai t. l~ fa ire. Il n'a ~s fait procéder aux élecllons mUniCI' pales. 11 deyai t le faire . Il n'a pas permis la libre diseussion d'une Constitution digne de cc nom. 11 devait aussi le faire.

Aujourd'hui, faUie de mieu~, il nous prés~ntc, à la sauveuc, une Constitution squdeuique ct nous demande l'ajournement des élcctions légis13ti\·es. C'est une bute. Le peuple finÎra ~r e)liger cc qu'on lui refuse.

Pour ma part. je ne dérogerai pas à la loi. Mon mandat prendra fin le 20 seplembre prochain. Il n'ira pas 3u.ucl~, paTee que, en loute honnêteté, je consi· dère que nous avons cu tout le temps nécessaire pour accomplir la mission essent ielle qui nous a été confiée.

Depuis l'indépendance le peuple n'a pas encore étc une seule foi s librement consulté. Il est I~mps de le faire participer à la vic publique. 1.' est temps qu'!' rel/ouve son enthousiasme ct sa fol. Cc peuple salI yoteT. 11 l'a hautement prouvé. 11 a surtout Su résistcr, pendant sepl ans. li rune des plus grnndes arm~ du monde. Il a acquis par son héroïsme le drOl1 de choisir ses représentants ct de se donner le gouyerne· ment de son choix. Nous deyons lui fn ire confiance.

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Page 39: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Et même s'il sc: trompait CClle erre ... r sc:mit moins gral'e de conséq ... ences que le fait de le muscler. ct de 11,1; imposer une camisole de force.

Il a nu:rité mieux que celle suprême injure.

• • •• Les députés n'ont P.1S fa it ou pu faire cas dc cctle

letlrc pas plus qu'ils ne ticndront compte de celle du Cheikh llachir lbmhimi, un an plus tard.

A leur décharge, il faut dire que la plupart d'cntre eux étaient de couragcux comballanlS mais de m':diocrcs législa teurs.

Quoi qu'i l en soit , l'Algérie demcure une tcrre d'Islam. Et à la suite de la ré\'olution de Khomciny cn Iran, cette religion. en pleine mutation sociale, préoccupe un grand nombre de pays. On /Xlrle aujourd'hui du réltei l de l'islam comme on p:ul:li t du temps de la colonisa tion du panislamisme.

C'est une raison supplémentaire de faire connai tre notre foi dans ses profondeurs ct ses réalités.

L'islam est en l'an 1403 de son èrc. Il est la dernière religion monothéiste. Il a été rcvélé cn pleine lumiêre historique au YII' siècle de l'ère chrétienne. Il ne: s'entoure ni de mi racles ni de mystères. Sa pensée est d'être J'héritier de la parole d'Abraham ct le successeur du judaïsme ct du christ ianisme, dépouil­lés des liturgies et des sacrements.

I.e musulman cst placé directement facc à Dieu. dans !J. plénilUde de sa conscience, de sa liberu: et de ses rcsponsabilitts. Il est son propre _ pr,; tre ", pou­Y3nt accompli r tous les actes de la yic rel igieuse. l'oint d'intermédiaire entrc DÎcu ct lu i. S'il f:li t Ic bien, il lui sc:rJ compté eomme étant du bien, s'il fait le mal, il lui sera compté commc étant du mal.

"

Plus que Ic judalsmc ct le christianisme. l'islam ~st une relig ion à ciel _ouvert". Le croyant peut prier partout. même dans la solitude du déscrt. Il peut marier ct entcrrer s.:s coreligionnaires. sans :lutre obligation que celle d'è tre en é\al dc pureté ..

Les cinq obligations de l'islam: la profession de foi, ln prière, le jeune. la :a/dU' ct le pèlerinage aux lieux saints, subordonnées 11 l'h)'giène du corps ct 11 ln proprcté de l'environnement, consti luentle lien Spiri, tud de l'homme avec le Créateur.

L'islam ne rorce p::Is la croyance. La 10léf'Jnce est sa prcmi1:re I·crtu. Il ne demande p~s de croire p?ur croin: . II invite l'homme 11 la réneXl0n, 11 la médita­tion 11 la recherche de la vtrité. Il répète sans cesse: che;chcz ct rn isoRnt1 .. m':me en matiêre de foi, mêRlC 11 propos du problème de l'au-rlclà ct de 1:1 résurrection.

Mais l'islam est aussi une ci té terrestre. Au ~euil de la cité, le musulman est avert i. A la pureté de l'ume ct au respeet du dogme, il doit associer l'amour du trava il ct de l'erron .• Travaille iei ·ba~ comme si lU devais viyre éternellement ct préparc-toi à la yie rut ure comme un homme qui doit mourir demain '. ~ .

I.e musulman doi t donc n:eh~reher un premier bonheur sur celle terre ct l'obtenir par le travai l ct la production. Car il est dit" La maÎn qUÎ donne est plus méritoire que celle qui reçoÎ t ". ct aussi :· Allah aime celui qui fait son trav:l il avcc soi n . •

Sa concçption de l'ëconomie est :lussi éloignée de l'accumulation du capi tal que du collcctivisme. t 'is­lam est socialcrnentla "oie médiane. La communauté musulmane doit être une communauté unie. égalitai.

1 2. ZaUr: obIiplion pour \0111 musulm.:1n de don~' ~n"u.t·

kM.nt ~ .... pII">'rCJ te di .. ~me de « <I,,'it pooIoèd"-J. Jladirll.

15

Page 40: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

re : la conccnlr.IIÎOI'I ca pila lislc ct la thés.1llrisal ion en sont c~clues. Le riche il plus de: devoirs que ck droi ts envers la communaulë. C'est pourquoi l'islam inter] di, ,'usure CI les spécul:uions boursières.

• L1 tulle de classes ", rondement de la thêoric mar~isle. ne peul pas exister dnns une société à caractère égalilai re. Lc,~ hommes sont sol idaires les uns des nUlres comme le sont !cs pierres d'un même édifice. Ils sont cc que sont les cinq objets de la main: le plus pelit doigl il une importance égale à celle du plus grand. Aucune cloison ne sépare les riches des dêshérÎtës. Cc n'est pas la rOrtunc qui compte. mais les qualitës morales de l'homme. En Occident. les mariages enlre pcrwnnes de clmiscs socia les dirrércnlcs sont des mésalliances. Dans une partie de J'Asie, Ic.~ castes sociales sont cloisonnées. Ces phénomènes sociaux sont éu angcrs il l'islam.

JTous Id hommes sc valent : Dieu seul est grand. Mais l'incompatibilité m3jeure du marxisme et de

l'islam, en dehors de l'a théisme de l'un el de la spi rituali té de l'autre, réside tout spécialement dans le libéralisme el la tolérance de l'islam, ct le tOlali­tarisme et le $Ceta risme du socialisme marxiste­léniniste.

C'est pou rquoi nos gouvernements, celui de Ben Bella aussi bien que celui de Boumediene. devaient raire un choix. Ou bien ils optaient pour le .. ma té­rialisme historique. qui sc earaett! risc par 13 diela­ture ct la rorce brut3'e, ou alors pour l'islam qui exciut toute contrainte ... Pas de contrainte en rel i­gion ..... L'homme CSt libre de croire ct libre de ne pas croi~e ' :" ~i celte liberté existe en matière de roi, pourq uOI n eXlstera· t-e lle pas sur le plan politique?

Sans doute, la suppression des classes sociales préconisée par le marxisme cst-ellc séduisante, mais

4. Le Coran. ...... I1IIC 18 .• b voue ., v. 29.

çst-clle réalisable'! En pays socialiste, les hommes ont.ils tous le même rans social? L'islanl c.~t au plus prês de la réalitc sociale lorsqu'il 3dmet celle hiér:ar-

1 chic, qu'il eorri se el rédui t, en COnd;lnlnnnt le pou­l'oir de l'argent ct l'excès de rÎChc.'>SCs. \1 crée des devoirs suppl~mentllires aux croylmt.~ fOTlun~ !I. La zakât, avec ,;on eamet~re oblig.1toire. a la même importance que la priè re. Ihns les cireonsta~ces e.tcept ionnelles. comme la guerre ou la ram~~c: l'islam, si respeetueu ... . par ailleurs. de la propnete pri"ée, ordonne impérativement : .. l'rends une parlie de cc qu'i ls possèdent pour sanctifier leurs biens et les purifier ' .•

C'est assurément un conlrôle des rortunes Cl en quelque IIOTie aussi un prélèvement sur le. capital, quand les circonstances l'e~isent . Dans l~ mcme s~ns le Prophète a dit : .. Quand l'hul1lallllé a faIm. personne n'a plus le droit de se r~clamer de la propribé priv';e· . •

Et quand l'isla m donne une image de l'incroyant. c'est eneon: il son alt itude vis·il-vis des pauvres qu'i l rait référence: .. A H U vu celui qui traÎte de men­songe la religion'! Or e'est cclui qui repous~e l'orphe­lin et qui n'incitc point il nourrir le pauvre ' .•

Ainsi la dimension sociale de l'islam a·toCHe existé bien ava nt l'avènement du marxisme. Cette dimen­sion conduit ~ un socia lisme il visage hunlain, ct qui sc pr:a tique au stade de la di$u;bllliOtl ct non au stade des ""')"l'IU dl' prodIlC' ÎOtI.

C'est le rcvenu national qui doi t être contrôlé cl

répart i équi tablement dans la communauté. les moycns de production Tcs tant la propriété de ceux qui les possNent. Pou rquoi? P:lTCe que le droit à la

S. L<. COQ". IOIIDle 9, • le dts:t""u •• v. 101. 6. /lad!IA. 7. L<. Conn. IOIIllIle t01, • r UlililC ÇOIIllInle ", v. 1 l J.

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Page 41: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

propriété est la meilleure récompense du tr;l"ail ct de l'effort.

L'islam respecte le travai l ct le fruit du tf;lvail. l;l société musulmane a pour :lssises la liberté d'cntre­prise, l'initiative individuellc cl Ic respect de la propriété privée, sources de prospérité générale. Et par voie de conséquence, l'islam recommande J'êpar­gn~ ct condamne Ic gaspillage. Il protège l'hêri tage qUI est la sécurité de l'enfant. Dans la cité, personne n'a le droi t de sc désintérc.~ser du son de son prochain. La solidarité n'est pas seulement un aetc de portée morale laissé à l'appréciation de chacun, mais un dcvoir strict pour tous les membrc.~ de la commu­nauté .• Celui qui s'endort r-,1ssasié, Sllchant que son voisin a faim, n'est pas des nôtres ' .•

DaO$ l'islam, la personne humaine est respectée pour elle-même. Aux premiers jours de J'islam, lors du passage d'un corbillard. l'Apôtre de Dieu s'arrêta par respect. • C'est celui d'un juif., lui ditoOn. • N'est-ce pas une âme"!". répondit le Prophèle·.

Quand la menace de 5ub" ersion sc dessine, quand les mar~istes mano::uvrent pour déposer leurs o::ufs dans nOire nid, que faire? l 'isl3m se pose eelte question depuis qu'il a été soumis 11. la domin;llion de l'Occident ct elle s'est posée il. nous. Algériens. d'une façon précise pendant notre guerre de libéralion, alors que nous étions contraints de fornter nos cadres dans les pays communisles. Nous étions donc en contact diree~ et prolongé avec leurs concepts moraux ct socmu~, avec leur mode de pensée, avec leur idéologie.

J'ai posé la question au président du Conseil des

8. IIQdilh. 9. Salah AI·Din MUlllldjdjid IL ronupr J~ jusl/~t 1000iQ/~ M

/JIa",. Trad. Mcd Ihdj Sadok.

78

ministres Kossyguine, alors que nous étions en délé­gation à Moscou, en octobre 1960, ct lui .ai demand~ quel devait être notre comportcment SI la menace marxiste sc prêcisai t pour nous. Il m'a, répon?u : • l es gouvernants canadiens nous ont pose la meme question. Je leur ai répondu: si les eom~lunistes vous posent des problêmes, mell.ez-le~ en ~nson. » .

J'ai posé la mcme quesllon, 11. l'éktn, ~u Pr~nller ministre Chou En-lai: • Personnellemcnt. JC CroIS que le ciel est vide et que Dicu n'existe pas, me dit,i1. Mais il n'est pas néeess.,1irc que vous adoptiez notre socialisme. L'essentiel est que vous gouverniez en direction des masses. L'islam a été d'un grand apport socia l. II est respçetablc.» ,

Je rapporte ces témoignages d'hommcs d'Et:ll éminents pour démontrer que nOlis pollvon.s ~ntrcte' nir les meilleures relations avec les pays soclahstes, ct notamment avcc CCliX qui nous ont aidés durant notre lutte de libération. soIns pour alitant épouser ICllr idéologie ct adopter leur type de ~iét~ ct Ile gouvernement. Ils ne l'ont pas demande ct l l~ ne le demandent ]mS. Ne commettons donc pas le crnne de briller de notre propre main cc qui donne un sens à notre ,·ic.

On ne piétinc pas facilement ce qui fut grand! En 1967, sous Ic règne de Boumediene, dans son

nllméro du 9 avr il. le journal A/girie O~IUOlilé publiai t un dessin de Kateb Yacin.c où ,l'ironi.e s,1rcaslique rrisaitl'indécenee. Cc desstn represcntalt deux ruséc.~, une américaine etllne soviétiquc; à leur côté figllrai t le minaret ,. d'une mosquée avec cette légence: La fusée qrlÎ ne Jill/o rr/' (lOS. Pour Kateb

to. TOUl d'une m""luéc du haur de laquelle le mu~,ûn .ppc1\e au ciroq prihcs quotidiennes.

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Page 42: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Yacine:, l'islam serait-i l donc condamné :i. croupIr dans l'ignorance?

A celte époque:, Yacine était chargé de diriger le Théâtre national algérien d'expression française. Kalcb Yacine est un écrivain de laient. Boumediene lui avait confié cette mission, parce qu'il le savaiI mar~islc: c'est encore son droit. Mais prendre lïslam pour un sujet de déri sion, dans un pays musulman, n'cst ni intelligent, ni é16ganl. ni charitable. r ai ressenti cette légende comme une ginc ct une injure. C'est aussi une injustice car il fUI un temps où la science, qui a présidé à la naissance des fusées, etait enseignée 11 l'Europe barba re par les musulman~. Qui nous dit que l'islam ne reviendra pas :i sa gloire scientifique des premiers temps?

Mais mon propos n'cst pas 1:'1. TOule civilisation est ~rissable. Lorsque la civilisation moderne arrivera il son terme, elle entraînera du même coup la dispari­tion des fusées, orgueil présent des grandes nations, il moins que ces fusées ne soient la cause de s.a mort. Alors, la • fusée qui ne démarre pas", JXlrce que sa "oc;I tion est sur terre, accom pl ira son destin: appren, dre il l'homme Il survivre Il lui,même par la prière et l'espérance. Quant à la dictature stalin ienne de notre temps et il l'ath6sme des révolutionnaires. il s auront rejoint dans le cimetière des civilisations la mytholo­gie grecque, l'idolatrie de l'Arabie pa'(enne et les dieux romains,

1 Dieu seul est éternel. El son éternité appelle au

respect de l'homme et il. l'amour du prochain.

,.

III

DEUX DICTATEU RS EN COMPÉTITION

i/4 , ... ulrnll~ po~ I'OI,. 1011. ,;''('nl d'(lppro­~hr' /r Iront. CUI Ir~' follr; ('OI7I",r .I/r bonhrll' Ilaii lU' Ir u lmr. SOli .... '" lu ... lS~ rJI SUT Ir I~ rI lou.'tni 011,,1 Ir Idmt

ul dnns /0 ,'OU.

Mlftr:"'lJIIS du l'ou'''''r. ~O' Ir ro~,"!., «>Trompl. Nt 10"'''': PO' dans stS p''''

Les accords d'É,';an ctlc t:cs.'~cz-lc-feu proclamé le 19 mars 1962 mirent lin à la guerre d'Algérie. Les généraux français cl les ultra.s d'Alger s'étaient comportés t"Omme s' il s procédaient il une nouvelle guerre de reconquéte coloniale" scm~la.bl~ il celles que nos pèrc.~ ont connues. Elle ~ en dlfferalt que par le matériel sophistiqué employc contre ,110US. .,

Celle guerre avait trop duré. El1e avaIt trau~al.I~C notre pays ct meurtri nos eu:u rs. Les accords d ÉVian qui ouvmient la porle sur l'avenir de notre pays n'étaient ni pires ni meilleurs que tous les ,lecords d~ ec genre. Ils étaient viables. Il s, ga;J.n ti ssaiellt au s..~: bien notre indépendance que les mterets des FT<lnçals !.lui vivaien t avec nous.

"

Page 43: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Ben Bella et Boumediene les ont eritiqués. Celle eritique ëtait de mauvaise foi. Ceux qui, du côté algérien, les ont négociés - Dahleb, Benyahia, Mas­tcfai, Malek, Ya7.Îd, Krim, Boussouf o!l Bentobbal ­ont élë vigilants, coopêrati(s el il la hauteur de leur mission.

Les accords avaient prévu un • n~culif provisoi­re· qui sc situerai t entre l'Algérie • d~partcment français. et l'Algérie. pays indépendant _. La mis­sion était de préparer le passage de r une a l'autre.

Présidé par Abderrahmane Fares et installé dans la nouvelle ci té administrative de Rocher-Noir, cet néeUlif réunit des hommes des deull communautés. Ils devaient, elllre aut res, préparer le rUërendum de l'autodëterminatÎon. Ces hommes a\'aienl conseience de leur travai l, de ses difficultés, de ses pt:rils. Ils l'aceompliront a\'ee beaucoup de tact el d'adresse.

Du côté du F.L.N., on complait le Dr Mostdaï, Belard Abdesselam, maître Chentour. le Dr Hami· dou, El Hassar, le pharmacien Bentertifa. Du côté français, le Dr Mannoni, une victime de la guerre d'Algérie, le notaire Roger Roth, l'ingénieur Koenig. Les autres membres étaient censés être les sages de groupe: Cheikh Bayoud, Cheikh M'hamed.

Le grand mérite de Fares el de Mostefal est d'avoir rencontré Susini , le chef de l'O.A.S., malgré 10US les risques aUllquels ils s'Cl\posaienl. Et ces risques étaient de tout ordre. Celle rencontre fut positive: elle ëpargna à l'Algérie de nouveaux mas­sacres d'innocents et des destructions \'engcresses tellement inutiles. Baugeard. ancien maire de Blida, JacquesChevalicr et Ti llé (acilitèrent les entretiens ct !es accords.

Les commandanlS Azzedine et Omar Ousscdik oceupèrent la plaee d'Alger au nom du G.P.R.A. ct de rA.L.N. Eux aussi contribuèrent au maint ien de l'ordre, au retour au calme, sceondés par le préfet de

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police Vitalis Cros et le commandant en chef de l'arm~c française, le général Ailleret. Le poste de gouverneur général fut supprimé ct re~pl:lcé par celui de hauH.:ommissaire. occupé par Chnsnan Fou­ehel, un aut re homme de co::ur.

Après les terribles années de guerre, il était dcvenu diflicile de parler de paill CI de rraternité entre les deull communautés ct même enlre les Algëriens de l"intérieur ct de l'extérieur. Il fallait cependant croire il celle réconeiliation nécessaire et la préparer.

A l'intérieur du pays, des Hots de résistance o:~i$taienl encore, dans la région de Ain Doucir ct de Bou Saada. Le président de l'e~éeutir provisoire s'employa à les réduire avee le concour.> du préfet de M~déa, M. Mahiou. Dans le périmètre de Ain Doueir ils étaient commandés par le colonel Si Chérif et son armée composée de gOO d;ounouds CI par Abdcll:!.h Selmi, avec le mcme nombre de djounouds, à Hou Saada. Fares obtint la reddition de l'un et de l'autre. s.ans errusion de s.ang.

L'exécutif provisoire prépara le référend.um ~u'iI fiu au ... juillel. Quelques jours avant les clee\lons. mon ami Ihra-Dupont. industriel a la Chiffa, invita les FrallÇais d'Algérie à voter· oui. et à demeurer sur le sol qui les avait vus naitre.

Les résultats de la consultation électoralo: furent les suivanls: 5 267 324 • oui • conlre 1 g 680 • non • sur 6 328 415 électeurs inscrits. Le 3 juillet, la com­mission centrale composée de Bcnadjila Ayache, de Hadj Saïd Cherif et de Missoum Sbih constata qu'à la question: • Voulez-vous que l'Algérie devienne indépendante en ~'OOpërant avec la France? les éle..:teurs avaienl répondu: • oui_.

A Rocher-Noir, Fares déclar.t : • Le peuple algé­rien dans la plénitudc de sa souvera ineté vient de choisir librement son destin .• lIélas. celle sauvera i­net~ du peuple sera de courtc durée.

"

Page 44: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

A Paris, le général dc Gau lte proclamait l'indépen­dance de t'Algérie en ces termes :

f'3r le: r~,réfl:ndum du 8 :lvril 1962, le peuple fr.lI'Ç:I;';:I

aprrouv~ les d~larations gou"ernementalC$ du 19 ma.,; 1962 '1111 prévOient le cas 00 Ic:s populations J lgéri~n~ Çon~u.hé.cs en vertu de la loi du 14 janvier 196] CholSmUent de constituer un État indé~nd3nt coop6-ranI ;l"ee la France, ~n oon5équcnce, les rappollS COIre la France CI ]',\lst­ne él~nt dbormais fondés ~lIr les condit;()rt$ définie. par les dfcl~rations gOIl"cr~ntenta les du 19 mJ~ 1962, le présIdent de la République française décbre que .Ia Fra.1lCC rc<:onnait solennellement l"indépendallC<: de 1 Algéne.

Fait à Paris le 3juillet 1%2.

Signé: Charles de Gaulle.

T:Jle fut la conclusion de t'insurrection dédenehée le 1 novcm bre.

O n ~ peut s'empêcher de nléditer sur la v;lnile des en.tre'pr~ses coloni~les. L1 "oi~ du génera l de Gaulle ra ,~~ t ceho à celle du m!u":chal de Bourmonl qui. le ~ JU illet 18JO. nous promellait. sur t'honneur. la Iobe.'t": dans ~a ,dignité Ct le re.~pcct de notre religion. MaIS nous n cumcs droit qu'à la servitude.

.Cependant, la Si lu!lliol! en Algérie continuait à.se dc~~der. Les frOntières furent ouvertes !t u~ réfugiés re~I~es au Maroc CI en Tunisic. Au même momcnt,le ~!.u"',el,. le G . I'. ~ .,\ . 3rrivait 11 Algcr. Comme jc t'ai

cJà ~cru, .Ben Khedda ct ses minislres reçurent un a_ceue.~ ' délirant. . La foule envahit J'aéroport de Dar. EI.O~rda . I.es dJouoouds du colonel Mohand Ould HadJ . assu:-,- ient l'ordre. NOire peuplc' ne relrOuvcf'J plus JamaIS ,l'CliC immense jQie qui le dêlivmil des longucs 3 ~necs de larmes CI de sang.

Le préSldenl lien Khedda pri l la parolc:

L'Él~ 1 Soer,l le scrv;l~ut du peuple el non son g~nd3tmc. Il do;t s'ap~u)'ct sur le pcu~lc sanslcqucl il n·eSI rien. Nul gouvernement ne pourf'J opérer la rcçoosiruelÎon s·il n'est aidé par la discipline des citoyens en général et des mili lanls en paniculier ct :<ans le respect de tous ceux qui vivent sur celte lerre, quelle. que soient leu. origine ct leur confCS$ion. Nous deW)ns assurer la silrclé dcs biens CI la séeurit~ des personnes. En celle circonstance solennelle, ct au nom du G.P.K.A., je tiens il mppeler cc que nous n'avons ce5Sé de déclarer depuis le I~ novembre 1954 ct conccrnJnt Ics Europtcl'lS,:; savoir qu'ils onlleur place: en AIgt. ie. L'Algérie CSI llne; République démocf3tique ct sociale. Telle 11 tle la volonlé du peuple. Elle sera ce que le ~uple IlIi·rneme voudr~ qu·elle soit dans la démocr:llie ct la tiberl ~ .. .

Paroles pleines de S.'&CSSC, de bon sens ct d'espoir! Si l'Iles al'llienl été ob$crvées, elles auraien t rai t de ootre p:lys une nation moderne qui sc §Crailmobilis~e pour le tr.lv3i1 ct re~ercic.: de 13 liberté.

Dès le lendemain, Il' haul-comlllissairc de Frnnce, M. Fouchet, et ses collabornteul'll, MM, T ricol, Dours ct le coloncl Ouis, quittèrent notrc pays. M, Jeanncncy, premier amba.~sadcur dl' Fran« en AIgéric. leur suecéd3.

L'Alg~rie 'I IIai l aVOÎr deu~ capi tales: Algcr ct l1cmccn. Je .sentais confllStment que le malheur nous allcndait el quc celle si luation n'était pas ra ile pour rehausser le: prest ige de nOire pays ni pour consolider l'unité dl' ootre peuple. Et je me dis.1is que l'Algérie é lai t vmimenl un pays qui n'avait pas de chance.

Le 18jumet, KhemÎSti, chd de cabinet dU"prési­dent Fares, 3rriva il l1emccn pour une courIe visite. Il prép~rait s.'ms doute unc rencont re du président de l'exécutif avec Ben Bella, L3 rencontre cUI lieu cffeetivement :'!. Tlemcen le 20 juil\cl. En pr~sencc de Kh ider CI dl' moi·même, F3rC5 dêveloppa les raisons

Page 45: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

qui rendaient indispensable la rentrée de Ben Bella à Alger, Il ralla it mettre fin il celle situa tion de fait: un pJys bicéphale ayant deux capi tales.

A l'issue de eeue rencontre, Bcn Bella rendit hommage au travail de l'e~éeut ir provisoire dans une déclaration remise au journal /..t' Monde.-

Nou~ apportons. dit·i l, OOIre confiance ct nuue 3pp~i li M. hres ct à ses collabor.ueurs ct plus p.1rticulihe_ m~nt au~ membres de rexi!etltif d'origine européenne q UI ont tenu li afrronter tous les obstacles ct à raire confiance li l'Algérie n(lu"c1le. Qu ' ils $Oient persuadb que nous ne les OII bl iet(IRS pu.

Il les oubliera avant Que le coq n'ait chanté trois rois!

Ben Bella arri va il Alger le 25 juillet 1962 a"ee ses compagn?ns, il l'cxception de Bou111cndjd, du Dr FranCIS ct de moi·même. Il n'y avait pas de place pou r nous dans l'avion de M, Ben Bella. Sans doute étions·nous trop lou,lb! Cc jour même, Ben Khedda annonça qu 'i l démissionnait de la pré.s idenee du G.P.R,A. Ben Bella ct le Bureau polit ique s'installè_ rent dans l'immeuble dit. Villa Joly ~ proche du Palais d'É té ct Que Fares leur avai t aménagé. 1] y sera arrêté trois ans plus tard.

Mais les chefs des Wilayas n'avaient pas enCQfC renoncé à jouer chacun leur carte. La Wilaya IV fOfÇa la porte de la zone autonome d'Alger pour OCcuper la ville. Les commandants de celte zone. A7.<':edine CI Omar OUs;)Cdik , curent la sagesse d'évi­ter un IIrrrOntement. Apprenant la manœuvre de la Wila)'a IV, host ile au Bureau poli tique ct à Ben Bella, la Wila)'a VI, CQmm:mùée par le CQlonel Cha:l­bani , ct qui, e lle, leur i! tait favorable, lit route "crs Alger. L'armée d'Oujda s'ébranla à son tour ct pénëtra dans la capiule apr~ un heurt sa ngl.:l nt avec

86

les hommes de la Wil.:lya IV, Il r.:llla it agir. Ben Bella réunit !c.~ chers de wilayas il Rocher·Noi r. Il ob tint leur neutral ité en présence du pré.sident Fares. On dressa alors les listes des candidats aux élections il l'Assemblée CQnstituante sur avis du Bureau politi· q\le ct consultation des chefs de wilayas. Les élec­tions rurent rillées au 20 septembre 1962. Entre­temps un arrrontement mit au~ prises des éléments de la Wilaya IV ct ceux du Bureau politique. A la suite: de quoi on modifia Ics listes ùes eandidau.

A la première réunion, l'Assemblée nationale CQns­tituante me porta à 5:1 présidence. Ben Bella fut chargé de rormer le premier gouvernement. Un gouvernement censé être issu de la sou\"eraineté popubin::, ct ainsi composé; président du Conseil : Ahmed Ben Bella; viee-pré.sident : Rabah BitaI ; minist re des Finances: Dr Ahmed Francis; ministre de l'Imérieur: Ahmed Medeghri; ministre de la Défense: le CQlonci Boumediene; ministre du Com­merce: Mohamed Khob1.Î; ministre des Arraires étrangères: Mohamed Khcmist i; nlinistre des Tra­vaux publics et des Transports: Ahmed Boumendjcl; ministre de l'Industrie CI de le l'Énergie: Laroussi Khclira; minist re de la Just ice: ,\ mar 8entoorni ; ministre de l' Information: Mohamcd Hadj 1131110u; ministre du Travail cl des Arraires sociales: Bachir Boum,na; ministre de rÉùucation nationale: AMer· rahmanc Benhamida; ministre de l'AgrÎCulltlre ct de la Réforme agraire: Amar Ouzegane; ministre des Anciens Moudjahidine: Mohamedi Saïd: ministre des Affaires religieuses; Tawfik El Madani; ministre de la Jeu nesse ct des Sports; AbdelalÎ:l: Boutemka: ministre des P,T.T.; MOUlSa HalSani; ministre de la Santé: Mohamcd Seghir Nekkaehe.

Tout sembbit ren trer dans l'ordre. L'Algérie, ClIhin-caha, s'inst.:l lla fièrement dans

l'indépendance. Le processus aurai t pu être meilleur

81

Page 46: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

romme il aurai t pu ci re pire. La guerre civile avait été évitée de justesse et c'était l'essentiel. Les vagues de fond n'avaient pas déferlé sur le pays comme ~e fut le cas du Congo belge. Cela était très impor tan\. Notre ("!Cuple, en la ci rconstance, fit preuve d'une grande maturité politique.

Je ronnaissai$ très peu Ben Bella. Ce que je savais de lui, je l'avais ~ppri 5 par des liers. Je doi$ dire qu'à mon arrivée au Cllire, en avril 1956, il m·ayait accueilli chaleureusement : • Cest le plus beau jour de ma vie, me dit-il. I)OIIr le prouver ma joie, je vais apparaître pour la première foi~ en publie à tes côtés .• Ille fit le jour de ma conférence de prc.'se, le 25 ayril 1956. Khider, aussi, étai l à mes côté~.

le Dr l amine Dcbaghine, que je connaissais de longue date, me mit en garde eonlrc Uen Bella. Lorsqu'il rut :mcté en oclobre 1956, nous éehange:i­mes des lenres. Il é tait à la prison de la Santé;t Paris ct moi à Berne. en Suisse. A celle époque, il me rélicitait pour mon trava it et m'assurait de la con­fiance de tous les frères emprisonnés '. A ,'indépen­dance, il changea d·attilude.

Au Caire, en août 1957, lors du lX:uxicme Congrès du C.N .R.A., Abane Ramdane me fit un portrait peu nalleur du futur président de la République CI son jugement sur lui é tait encore plus désobligeant que celui du Dr Lamine : • Ccst Ben Bella, me dit·il, qui déTlOllç:t en 1950 notre organisation spéciale, 1"0.5.; du moment qu'il était arrêté, rien ne dcyait subsister après lui . Cest un ambilieux sans courage. Pour parvenir à ses fins, il passera sur le corps de tous ses amis, Il 1:." sans scrupule. » Et Abane ,jouta. pres­sentant sans doute sa mort proch:t ine: .. Je ne sais si j'assisterai à la fin de 13 guerre. Toi, peut-être. C'est pourquoi je te recommande dè.~ :tujourd'hui trois

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mililanu sinci:res du M.T.LO, : Ben Khedda. Tcm­mam CI Oahleb .•

I.e même a\·crtÎssemenl me rut donné par Boudiaf. lors dc la de rnière réunion du C.N, R.A. à Tripoli. en juin 1962. J'ai mis ces jugements sur le compte d·une simple mésentcnte cntre mili tants de C:lraetères dif, rérents. Cest un phénomène qui n'est pas rore au sein d·un même parti. Je n'ai donc pas fait état ni lenu compte de ce qui m'a été dit, d'au tant plus que Khider, que je tCn.3is en gronde estime, m'3SS Ufa du contraire,

Nous a.'ons. Ikn Bella CI moi .• rohabité 0. si I"on pc:ut dire, durant huit mois. lui à la présidence du Conseil ct moi à b présidence de l'Assemblée natil)­nal" consli tuante, rai donc cu Ic lemps de l':tn~II)'ser. d·obser~er et d'éwdier son comportement.

Déjà à Tunis, lorsqu'il s'était &:rié par trois fois: • Nous sommes des Arabes, nous sommes des ,\ ro, bes! Nous sommcs des Arabes! _, j'avais été déçu. Cette profession dc foi n'ë lait qu'à moité \'roie. Historiquement nous somme,~ des Berbères arabisés, dcs Arabo-Bcrbères che1. qui le sang berbère préul)­mine, O·ailleurs e'cst notre foi qu i importe ct non la race ~ laquelle nous appartenons. Je roppdais alors:\ Ikll lldla le mot d'un enfanl, qui a exprimé sponta, némentla réalité algérienne. Nous ét ions en 1922. Je r:tisais mon ser\'ice militaire ct je jouais au football dans t'équipe: de Jijel , Un jour, nous nous déplaç5mes à Constantine pour disputer un match. En cours de route, nous nous somme,~ arretés pour nous reStaurer en pleine çamp.1Snc.

Un berger, un enfant d·u ne dou7.aine d':Innées. éta it debout sur le talus de la rOUie et nous regardait. Un ~quipicr fr;tnçais lui passa un pain ct lui demanda en arabe:. Es-tu arabe ou kabyle1. Et notre berger de répondre sans hésitation : -AIIQ nifs/mI. Moi, je suis musulman .• Cette reponse. plus véridique que les

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propos de Ben Bella, ramenait la question il ses vraies d imensiOI\$. Ce 'lui compte cn Algérie. ce n'est pas la roce, c'est l'i slam. Il est le ciment social ct le dénominateur commun qui efface triba lisme ct par­ticularisme propre.s à notre IXI)·S. C'est le ferment qui a permis à nos masses de résister. duron t cent trente 31\$, lia déstabilisation de I"Alg,;rie et du Maghreb, ct qui a servi de base au soulèvement e t à la poursuite de la lulle a rmée contre les forces impérial istes.

La gronde erreur de Ben Hella, c'est d 'avoir tenté de substi tue r à ctt islam -le socialisme à la Fidel Castro -, au tant d ire le communisme stalinien. Sa grande erreur, pour ne pas di re son crime. a é té de déclencher et de poursuivre un prOCC5$US de destruc· tion de nOire type de socié té auqueloot re peuple étai t et demeure profondément a ttaché. A ect ég:Lrd. on peul affi rmer (.ju'aprè5 l'O.A.S,, Ben Bella el après lui Boumediene ont élé les seconds fléaux de l'Algé· rie.

Pou rquoi Ben Bella cl Boumedicne ont-ils choisi cc modèle de société? On peut le deviner facilement. C'est pa rce que l'un el l'autre étaient rongés par l'amour du pouvoir personnel CI (.ju"ils voulaient col\$erver ce jX)u\'oir il l'ombre d'un régime commu· niste 'lui le leur garant irait mieux que tout autre ! Un Fidel Castro ou un Brejnev ont plus de pouvoir qu'un mona rque d'un autre âge ct sont inamovibles. C'est l'a il rait du pouvoir absolu qui a déterminé le choix de nos dirigeants. Installés sur leur. ubnc ". ils se sont entourés, l'un ct l'autre. de • courlisans" plus prompts à se servi r qu 'à servir.

J'ai vu Ikn Bella courir à l'aventure el il l'échec. Il engagea dal\$ ce tte \'oie de la catastrophe toul le pays, J 'a i ess"yé de freiner ses OUlrJnccs ct ses extravagances. J 'ai essayé de le conseiller ct de lui raire entendre rJ ison, dans l"in térê t de l'Algérie musulmanc et dal\$ son propre intérêt. Peine perdue!

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Il ét~ i l grisé par sa promotion. Tel un enfant cn posses~ion d'un nouveau jouet, il oubliait les vrais problemes d'un ion et de reconstruction que posait le Po,ys après sept ans de guerre.

Entouré d'une poignée de gauchistes irresponsa· bles, dont la majori té e tait des ét rangers, voire des IIp.:1trides, tournant le dos au~ réali tés a lgériennes et aux principes de l'islam, le président du COOSti l fit de son • socialisme" un inst rumenl de défense CI de représailles contre ctux qui pouvaient prétendre au p.:1rl3ge avec lui des responsabilités ct du pou' \ ·OI r .

Il voulait rester seul , terriblement seul. 11 \"OulaÎI diriger seul ct parle r seul. Le rôle d' • homme rort " de 1',\ lgé rie lui fit perdre la tê te. 11 ne mesurait pas exactement le poids de sa charge. Il enterra les règles de la démocratie el confisqua à son $Cul profi t notre indépendance. Il ignora l'Assemblée nationalc, prëfé­rant consulter sa • marria" plutôt que les représen· tants du peuple. Les députés ct même certains ministres prenaient connaissance de ses décrets CI de ses décisions par la presse ou par la radio.

Quand un premier conflil l'opposa à son ami Kh idcr, ils ne vinrent pas devant le bureau de l'Assemblée . vider. !cur querelle, ils prérérèrcnt l'arbilr3ge de l'ambassadeur d'Égyptc! A Gamal Abdel Nasser. quand il vint en ,\lgérie. il proposa l'union de l'Algérie avec la République :uabe unie (R.A.U.). Du dr3pe3u algérien. encore humide du sang des ehouhada, il voula it faire une simple étoilc parmi celles figurant sur le dropeau de la R.A.U.! Qui pouvaÎl le suivre dal\$ cc chemin tortueux? A la meme époque, pour complaire au raTs. il pro­nonça des paroles injurieuses à rencontre des Saoudiens alors que ceux<i avaient été les premiers Arabes à souteni r linanciè rement ct fll(jrolemcnt le F.L.N.

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Il iMlaura un État pol icier et OI'ganisa S,1 propre police. Les arrestations rede~inrent aussi courantes que dumnt la IUlle de libér..tion. Il fit arrctcr IJoudiaf, rcnl'oya dans le Sud, sans raison. Sans instruction, sans procès, sans aucun respect ?a rég"rd de ses anciens compagnons. Boudiaf rapporte en ces termes les conditions de son arrestation:

Depui$ le 21 OOUr:lnl il midi, bcure il laquelle ï~i été enlc .. é p:ar un COmm3ndO en voitu re, je me lrou"e dans une maison inoonnue, SOus b boo1ne prde de: quelques 3genls. Jusqu'à cc jour, j'ignore jusqu'au molif de cc <:Ipl qui r:Ippclle étrongement les métloode~ de certains .':gima dHunts, l'our ees raisons el depui ~ mon· arrestation. j'ob5ervc une gr~vc de la faim que je poursuivrai jusqu'au jour où Une solution I~ga le Sl: f3 apportée il mon cas, Dtj.\ mon ét31 de s:.nté, compte tenu de ma tondi tion pbysique, e~ig<: la visi te d'un midcein. Que reslc,t,il à un homme privé de S3 liberté da ns Ics ciroonsl:ln«S obscures et m:oinlenu dans l'ignor:tncc totale dcs siens? Jeûner, même si la mofl doit en r"sulter, car il n'CSI pire humil iation humaine que d'accepter l'nrbitr:Jirc le plus criant $;l ns réagir (Le 24 juin 1963 ' ).

Il en fut de meme du colonel Qthma!)e ct de son épouse, dcpu tes il l'Assemblée nationale. Ils fu rent séquestres d:tns leur appartement 3. Oran CI f:ti dû interveni r pour les faire libérer. De mème le colonel Saout El AI"'Jb ct mon r'leVCU Mansour Youcef furent arrelés dans des conditions rocambolesques.

Mansour Youeef, secrétaire génér:tl de l'organisme saharien alor~ présidé paT le Or I.'Lmine Khanc, devait rencomTer le samedi IJ juin 1963, au café u­Strasbourg il proximitê du IY.I.lais de juslice, un de ses

2. Mobmcd Bavdiaf, OÛ .... l'Alti',~l libr~irie de l'ttoile, , .... 92

parems. 10; commandant Houderbala de la Wila)'" Il, ilujourd'hui responsable du l'arti i. Sétif, qui :tvait lui.mcme rende7.·\'ouS avec son ancien colonclll.oubc· nider, dit Saout El Arab. Le colonel cl r>hn$our arri"èrent les premiers. Et, a",tnt que le: eonlll,andam ne les ai t rejoints, il s étaÎcnt enleYé~ par un cOIn· mando de la police spéciale de Ilen Betta il la tete duquel se trouvait le commiss;Lir~ Ousmer .. f:m~r. qués dans dcu~ \'oitures de plltce oonah:oces, .ls furent détenus dans une des nombrc:uSC$ ",1I:t5 des bau teurs d'Alger transformees en lieu de dêtention clandestine et de torture.

Informé de celle double arrestation il la présidence de l'Asscmblée nationale, fai imrnéd intetnent télé· phoné au ministre de l'Intérieur, 1\.1edeghri .. T~nu à t'écart, il ignomit 10ul. Les arresl,IUOnS se faLsa,ent 11 son insu. Mon TIC,'eu fUI gardé cinq jours el rel;khé. Le colonel fut emprisonne quelque te:nl p:'i ct relâché S311S que: la moindre accusat ion n", fût officiellement portée il son encontre. .

En réalité, les complots dont Ilen Bella prétend:lIt se défendre n'existaient que dans son ;'Ilagination matadi.·c. Sur lOul le territoire S,1 police pen;onnctle emprisonnait, torturai t ct tuait, sans crainte ct S,ms lCrupulc, Khemist i, ministre des Aff"ires ctr:tngè:r~s, fut assassiné il la porte même de l'Assemblée nall': l 1131c! Il n':!. ppar tenai l p3s au eI:!.n d'Oujda qui ava,t poflé Ben Bella au pouvoir,

Ben Bella mil il profi t lïne~péricnce des députés pour leur confisquer leur pouvoir législ.ati f. A auc~n moment, eeu~-ci n'e~ercèrcnt leur droit de: controle lur l'act ion Cl la politique du gouvernement. Il fil

.insi voter une: Consti tution 11 sa mesure qu i lui " de cumuler les fonctions de ~ccrét:lire du F.L.N, tr:Lnsforlllé, par ses soin.~, en parti

de prc$ident du Consei l CI de prêsiden ~ de , chef suprème de l'armée. Le mcca·

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nisme insti tutionne l était simple. Le secrétaire géné­rai d u par ti unique choisissait les candidats il r As­semblée nationale e t le candidat il la présidenec de la République. L'Assemblée, ainsi élue, désignait le chef du gouvernement. Le cercle étai t fermé. Aucun recours n'était possib le, le même homme étai t il la roi s juge et panic. C'était le régime du pouvoir personnel le plus absolu, la négation même de l"idéal q ui avait arrm nos combattants, la trahison du sacrifice de nos e houhada.

Aucun juriste, a uc un homme de loi n'avait parti­dpi! à la ridaetion de cette Cons titution, blanc-seing pour un candidat il la dictalure. Ben !klla, rort de l'appui de l'armée que lui assurait provisoirement Boumed iene, prenait donc seul loutes les décisions. Le Congrh du F.L.N., dont la réunion devait al'oir lieu avant toute op tion rondamemale, ne s'est p.:1S

tenu. Aucune des libertés essentielles de l'homme, proclamées pourta nt dans la déclaration du 1" no­vembre 1954, n'a été mentionnée.

J'ai démissionné de la présidence de l'Assemblée avant le vote de la Constitution, n'entendant pas sortir du régime colonial pour tomber sous la coupe d'une dictature ct subir le bon vouloi r d'un homme auss i médiotre dans son jugement qu'i nconscient dans ses ac tes. Un certain nombre de députés, dont [e colonel Ouamrane, en firent autan t.

Ma longue Jeure adressée aux députés prédisa it les jours sombres qu i a ttendaient noire peuple . Mais mon avertissement n'a pas été pris en considération. Les députés dans leur majorité n'avaient pas une idée e~aete de leurs pouvoirs. lis se comportaient il [a manière des • g renouilles qui cherchent un roi •. Le Canard ~n(hain! écri vai t : • Cc n'cst pas un parle­ment, c'cst une ca$Crne. "

Lorsque not re • monarque. eut la situation en main. il s'avis., de riuni r le 15avril l%4lc Congrès

qui avai t é té prévu à Tripoli . Une commission. c hoisie ct réunie p:lr ses soins. deva it désigner les cong rcs.~isu:s. Bien sûr, aucun. historÎ<lue". aucun U.D.M.A., aucun Ouléma ne fit partie de ce fameux Congrès.

Le vénérable Cheikh El Bachir Ibrahimi. président de l'Assotiation des Oulémas. envoya au~ congressis­tes [a [ettre suivan te:

Dieu m', lOOQrdé la gr,ice de vivre jusqu'! rind~pc:n­dance de l'A Ig~rie. Ce jour-l::! , je pouVllis affronter la ~, l'âme en paÎ~, Qlr il me semblait tr.lll$mcurc le n~mbe.tu du combat pour 1.1. dHensc du Y~ritDble islam et de la renaiwnee de la tangue arabe (combat qui fut la r.li!iOn de ma vie) li ceu ~ qui p~nDient en main IÇ$ dcstin~a du pays. Je déeidai, en constquencc, de garder le silence. Aujourd·hui. annivcl"S:lire de la mort de !kn Badis. je me , -0;5 contr:lint de rompre cc silence, car l'heure est Br:lo'c: notre pays gli5Sc de plus en plus vers une guerre civile innpiable, une crise mOr:lle sans précédent et des: dimel/lIés teonomiqucs insurmontablÇ$. Les gouvernants ne paraissent p:u réaliser que notre peuple ;!Spire .vant tOUt il ["u nité. la la pail. Il la prospérité et que [e5 fondements théoriquÇ$ de leur action doio'ent être puisé!; non dans les doctrinc.s ~tran­gè res. m:Jis dans nos racines arabo-islamiques. L'heure est vcnue oil les respom.."Ibles doivent donner l"cxempk: du sacrifice. où Kules la probité et la competence doivent entrer en ligne de compte. Où l'intéli:t génér.1I doit primer. L'l!C'ufC est venue de fCvaloriser le terme sÎ &;llvaudé de • fraternité. ct de retourner au principe de la consul­tation si chère au Prophète. L'heure at venue enlin de sonner [e rassemblement de tous les enfants de l'Algérie, Min qu'ils b:itissent ensemble une cité de justice ct de [ibcrtt, une citi où Dieu aura sa place.

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les congrC5Si~tes réagirent rll\'orablelncnt li cc message. Ils suggér~ren( l'interdiction du Ularxi.~lne dans toute poIitiljue de notre pays. Ben Bella. lui. s'entêta dans ses posi tions et ne rit aucun c:lS de ropinion des autres. Il n'cut aucun respect pour l'homme qui raisait la rierté de rAlgérie musulmane ct qui était hautement apprécié dans tout rOdenl musulman pour rétcndue de son savoir CI sa culture. I! le classa p:!rmi les • vieu~ turbans" dép.usés par les événemen\.~. Il est vrai qu'à la même ~poqUi:. Ré'Vlll/ian o/,;('(/illl'. la revue bien.pens:rntc des gauchi~tes, écrivait que le. Coran avait vicilli •. Pour l"llOOneur du Coran, C\:luÎ qui ~e.:rivaÎt celLe ins.:m il~ ne 1'1IVllÎt jamais lu. S'il rllvait lu. il aurait su Ijue la Bible, rÉvangile ct le Coran ne vieillissent pas. Cc sont les civi lisat ions humaines Ijui vieill issent ct Ijui disparaissent.

A la véril~,le Congrts n'avait pas ballOe Ç()ru\cÎen­cc. Les congressistes n'ignur.Jient pas que le peuple était absent ct QU'Us ne représcntaiem qu'eux-rnêmc.~ ct leuf$ seules ambitions.

Pour fai re illusion. Den Delill. après aVQir dissous rAs.wciation dc.~ OulémllS, avait rossemblé quelques­uns des (lneiens élèves de Ben Badis sous le contrôle du ministère dit dcs • ~l3bous _. Il en fit un • clergé musulman ", fonctionnarÎs..: ct soumis, dont la mission était de tenter de re,·';tir le communisme d'un bur­nous bl:tnc de religieux. Comme au ternps de la c.:olonisation. on essayait ainsi de faire de la religion un instrument du pouvoir. :'13is cc • clergé" ne rit rien pour empêcher lkn IJelia de s'envoler ,'ers Moscou ct d'y recevoir. l'ordre de lënine", une décoration réser.·é aux héros nmrxi~te$. Au merne moment, il optait pour la tenue vestimentaire de Mao Tsc-Toung ct donnait le nom de Che Guevara :i un grand boulevard d'Alger .11011'1 que le nom du martyr cheikh t lH bi Tcbc:ssî c:ta;t rdc:gl,lé ~ une toute petite ..

ruelle de Beleour!. Sou~ la direct ion de Ben Bella, la République algér ienne sc comportait comme une femme adultère : mariée publiquement ~ rislam, elle c.:ouchait discrètement dans le lit de Staline. On pouvai t devine r le.: sembre destin qui attend:tit noire.: jeunc .... ~e! Ben Bella devenu :ai'm' était maître de rAlgéric. Son ambition étai t sa tisfaite. Que lui importait que l'islam soit mutilé, l'Algêrie ;mralysée 1 ct les e.:itoyens asscOlL~1

l orsque Ait Ahmed ct le CQlonel Moh:tnd Ould Hadj entrèrent en dissidence - ultime recours pour SC faire entendre - , Den Bella n'hésita pas à recourir il l'armée de Boumediene. Il porta III guerre dans la ) malheureuse Kabylie qui avait déjà été très éprou­vée.

Dans le Sud, le colonel Ch:îabani. ancien élève de Ben Badis, ne put se résoudre il trahir l'islam, Il entrn lui aussi en dissidence. Capture, il fut jugé :i • huis clos", S.1nS avoc.1t.~ ct 5.1nS têmoin5. Condllmnc: à mort, il rut exécuté. Cc ne rut pas un jugement mais un assassinat, contre lequel le colonel Zbiri. chef d'état-m:tjor. protest:t vigoureusement,

Incap.lblc de juguler, p:t r des lois justes ct appro. priées, le mécontentement qui sc généra lisait, Ben

1 Bella fit régner sur les Algériens une vague de terreur. l e fellah, qui espérait trouver, avee.: l'indé­pendance, un peu plus de liberté ct de joie de vivre, sc heurta à de nouveaux. ellïds _, les responsables du Parti ct les eadres d'une administration aussi autori­taire Qu'incompétente, plus rërocc ct plus méprisante que celle du régime colonial.

La police parol1èle du chef du gOuvernement non seulement procédai t :\ des arre~ta tions :lrbitraires, mais pratiquai t la torture, rinf:ime ct déshonorante torture. Arrêté, le Dr Ahmed Taleb Ibrahim; fut

J. Zarm : cher •

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tOrluré. Le vieux mili tant Mu~tnpha Lakhal le fut au$S;' Et bien d'autres encore. On :1 arrê té le prési­dent Fares, l'ancien ministre de la Justice 8cntoumi, les députés Ousscdik cl MC1.houdi, ks commandants A7.zedinc cl Si Larbi, ainsi que de nombreu~ mili­tan ts bien conllUS pour leur déYOUcmcnt il la causc publique. La délation, la suspicion et le • mouehar­dage. étaient érigés en systi:me. On appréhendait dans la rue n'imporle qui , pour n'importe quoi. Qui n'é tait pJS benbelliste n'é tait qu'un affreux. réae­tiunnai re", un infâme bourgeoi~ eOlltre-révolut ion­n:ll re.

L'arrestation de MClhoudi fut part iculiè rement scandaleuse. Melhoudi était député, ancien élève de Cheikh Larbi Tebcssi cl de U~n [bdls. [[ :1\'ait épousé la fille de Chcikh Emb:uck El Mili, de l'Association des Oulémas. connu pour SI;$ ouvrages sur l'Algérie romaine. Commandant dans la Wilay:t Il durnnt la guerre, il assista au Congrh de 13 Soummam le 20 août 1956. Ern'oyé à l'ex térieur, il a été mon di rec­teur de cabinet à la présidence du G. P.R.A.; après l'indépendance, sous Boumcdiene, il fut ambassadeur au Caire.

Il fut invité par le président de la Républiquc, avec les autres députés au Palais du Peuple. Au cours de la réception, Ben 8ella, tout en conversa nt familière­ment avec son hôte, J'en tmine dans les jardins du Palais. Là., il le livre il. ses policiers.

Très spectaculaire fut le cas de Khider, son ami et son supporter. Dans un prcmier temps, Ben Bella se sépara dc lu i ct l'é loigna des affai res publiques en le renvoyant au ûire. A son rctour il le priva de son poste de respoM:lble du Parti . Khider décida de se reti rer en Europe. Avant son départ il passa me voir à Kouba et me mit au courant de cc lIui sc tramait contre lui. Je lui fis d'a mers reproche~, car il m'avait trompé sur la nature de l'homme. Vinrent ensu ite les

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péripéties du trésor du F.L.N. , la condnmnation à mort de Khidcr, sa vie en exil jusqu'au jour où il fut lâchement assassiné à Madrid.

Mon tour deY:lit arriver. Je fus arrété, ainsi que mon fils comme je l'ai déjà rcla té. Le: présidcnt de la République - présidcnt du ConseÎI - sce:rétaire général du Parti. pcM:lit·il vraiment que l'on pouvait gouverner saÎnement un pa)'S avec de pareilles méthodes? S'imaginait-il que l'appui de l'armée était suffisant pour accomplir les t("tehes essentielles ct énormes qui attendaient le pays, pour conduire le peuple vers un dcstin meilleur? A l'tJXKlue où je lui prodiguais mes consei ls, je n'ai pas manqué de lui rappeler le mot de Napoléon I ~ : • On peut tOU t faire avcc les baïonne:ttes, sauf s'asseoÎr dessus .•

Ben Bella. a$Suré du sout ien de l'armée dcs fron­tii:res. ne tenai t aucun compte: de l'opinion publique. Or. pour avoi r des chances de durer. un ordre social doit nécessairertlCnt re:poser sur le consensus popula i­re. Au début de l'année 1965. il réalisa cependant qu'il ne dispos.."1i t d'aucune force réelle, Quand on mange Ol"ec le diable. il farl/ s'/trlller Itune longue cuillère. dit un proverbe. Le chef de l'État, avee son égocc:ntrisme rorcené, ne dispos.1it plus d'aucun allié. Il ne pouvai t donc opposer aucunc force aux jeuncs loups d·Oujda.

La voie était étroitc. Faisant route avee la seule armée dcs frontières, le risque étai t gmnd de devenir son prisonnier, D'aulant plus qu'i l aY:lit brisé. par ses fa ules et ses répre$Sions succcssivcs. le ressort popu­la ire d'où pouvait venir, le cas échéant, la défense de la légali té. En faisant le vide autour de lui . il avait fait le jeu de ceux qui. depuis longtemps. con\'oi­taient le pouvoir. Quand il te:nta de limiter leur emprise. il était déjà trop tard. Le chat Boumediene avait piégé la souris Ben Bella.

A ma libération, le 8 juin 1965, la prise du pouvoir

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par les militaires étai t en marche. Le prétute1 Ben Bella projetait de cllanger 50n ministre des Affai res ':trangeres. Ses pr~roSalives. définies par la Consti­tution. l'y autOl"isaienl. ~ Iais Boutenika entendait être un • ministre inamovible. parce qu'il avait négoci~, 11 Aulnoy, l'accord entre Ben Bdla Ct Boumediene. Celui-ci, nec l'appui de Kaïd Ahmed, 8outenika. ct la complicité des colonels Tallar lbiri, Sard Abid. Abbes, Drain, Yahiaoui, Chabou, • fran ­chit le Rubicon.,

Dan~ la nuit du 18 au 19 juin le president de la République fUI réveillé 11 2 heures du matin ct a rr~té. l'our Boumediene les réves échafaudés à Ghardi, maou et à Oujda. et probablement déjà au Nador, devenaient une réalité. ~f3is si la prise de pouvoir venait à échouer, un avion était déjà prét à décoller de Boufarik avec Boumediene et Boutenika il son bord. Au préalable, le colonel ct son complice s'étaient réservé un budget tres confonable de l'autre cùté de la Méditerranée.

L'armée, qui a pour devoir la défense de la Consti tution ct de la légali té, a failli 11 sa mission. Elle livrait le pays:i une au tre dictature. la dictature d'un clan au mépris des droits Oe 10UI un peuple CI de ses idéaux, CI en violation d'une Constitution que ce même dan avai t adoptée.

Ben Bella fut stquestré avec un petit nombre d'acolytes: Ben Alla, l'Iarbi, le Dr NekkaelK:, Zallouane. Ni l'Asscmblée nationale. ni l'armée ni 13 police, ni le Parti , ni les organisations diles de masse, hier encore si prompts â applaudir, ne réagirent. Les plumitifs de la presse, de la radio et de la télévisiun qui n'avaient cessé de chanter, il longueur de journcc, les qualités, les mérites CI la réussite du • surhom­me· rentrèrent leurs stylos ct leurs micros, ct sc turenl.

Les bâtisseurs du • socialisme à la Fidel Castro., , 100

les • miliciens. sc hàtèrent de rejoindre le camp du nou,'eau • maître. de l'Algérie. Et Ben Bella connut p<:lul:1Il1 quatorze ans la • Bastille. de Boumediene, bicn plus longtemps que les prisons françai ses.

I.e coup d'Êtat aVOlit été pa;.~ible précisément p-uee que. durant Irois ans., l'armée avait constitué I~ Jeul corps organist de l'Etal. Tout le reste: Parti. Asscmblées. élues .. , admini:nr:lIion, préfabriqué par le pouvoir personnel. étai t maintenu il rétat embryon, naire. $;]n5 consistance. sa.ns respons.lbilité, afin que l'opinion publique ne s'exprimaI p-1S. Ben Bella, une foi s tlébarrassc! tic ses anciens amis et tle~ • bour­gcois. 'lue nous étions, s'en prit alors au clan d'Oujda dont il supportait mal la présence ct la menacc. Voulant diminuer leur innuencc. il mit :\ profi t un voyage de Boumediene li Moscou pour lui retirer le commandement de l'aTlllée. Il nornm:a le colonel Zbiri cher d'état-major des armées. l'lus tarti, par des mesures \·ex:atoire.~, il amena son minist re de !"Intérieur, Medeghri, à démissionnn. Il lui ava it retiré la tulelle des prëfeelUres ct de la police, Ct rattaeha le ministère à ]:a présidencc. Kaïd Ahmed. autre homme d'Oujda ct ministre du Tourisme, abandonna 11 sun tour sa ch.Hge. Pour faire contre­poids à la men:ace de l'armée, nen Bella créa les • milices populaire~ • que les gauchistes animèrent de Jeu r littéralure pseudo-marxiste.

En di-eembre 1964. Ben Bella remania son mlms' tère . Il promut Boumediene à la vice-présidence du Conseil, avec rarrièrc-pcn..~fe de lui soustr:l ire le ministi: re de la DUcnse CI de lui enlever tout contrôle sur l'armec. Il ~'a t1ribua enfin le portereuille des Financcs, cclui de l'I nformation ct celui du l'Ian.

Au mois de mars 1965, il CSS:lya dc sc concilier les dirige'LIlts de l'Union générale des travailleurs algé, riens (U.G .T.A.) avec lesquels il avai l cu des fric' tions. En avri l. l'insurrection de la Kabylie étant

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termLllee Cl les chers condamnés, il commua la condamnation 11 mort de AH Ahmed ct du comm:LII­dant Moossa en peine de prison, avec l'idée de les libérer ct l'espoir de reconstituer autour de lui une sorte d'union nationale, L'élargissement du président Fares, du commandant Azzc:dine, des députés Ben­toumi, Mezhoudi, Oussedik, du commandant Si Lar­bi, le mien, êtait dicté paT le souci de reconsti tuer autour de lui une forcc ::Iyant des racines dans le pa)'li. Après avoir brisé l'union nationale formée dans le combat, il pensa lu reconstituer pour y puiser un second sournc.

La grande presse intern:llionale, dans l'ignorJnce des dirticultés internes ct du mécontentement popu­laire, ne cessai t de vanter ses mérites ct ses réa lisa­tions plus spectaculaires que rcntables. Il ne faut pas oublicr que la réputation de Ben Bella avai t été faite par l'Égypte, la Fmnce ct le Maroc. A l'intérieur du pays son nom n'était pas plus coonu quc celui des autres. historiques_,

Le: 22 juin 1965, Alger allait deveni r capitale du ticrs monde. Les Afro-Asiatiqucs se préparaient à tenir une conrérence au • Club des Pins », construit au bord de la mer pour y reccvoir les invités de Ben Bella (ooût de la con.~truetion: 15 milliards d'anciens fmnes). Le chef de l'État esptnlil ainsi recevoir un..: nou\'cl le conséemtion, acquérir un nouveau prestige ct a\'OÎr une audience mondiale. Il pensait enfin, la confére nce terminée, pouvoir fra pper un grand coup ct limoger, sans Iw::u rts, cer tains de ses ministres qui s'imaginaient être inamovibles, tels Boumc<liene ct Boutemka. Mais ses adversaires le devancl:rcnt ct cc: rut lui qu'on limogea. Je me trouvais alon il Sétif. Le commandant Benallia rrappa 11 ma porte 11 5 heures du matin ct m'apprit l'arrestation de Ben Bella, On découvrit d3n5 la chambre du président de la Répu· blique un véritable tré.~or : plus de deu;( milliards

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d'anciens rnlnes en pièces d'or et en deyises étnlngè­res. Cai5$(; noire ou deniers de la corruption? Il cst étrange qu'une chambre 11 couehcr, fût-<:lle prê­sidenticllc:, devienne une succursale du Trésor public.

Rares furent eeu~ qui déplorèrcnt l'arrC$lation de Ilen Della. E;(primant le sentiment des communistes, Fidel Ca.~tro accus:! lJoumedienc d'être l'. cnncmi du [)Cu pIe et un agent de l'impérialisme _. Celle accusa· tion ne l'empo;eha pas de devcnir, 4udquC$ mois :lprès, un ami de r .. ennemi du peuple », Pour les nasséricns, le drame ful ressenti comme un malheur. Le président Nasser délégua à Algcr le maréchal Ameur pour suggérer la mise en résidence surveillée de son ami au Caire. CCIIC proposit ion fut rejctée. L'immense majori té des Algériens se contenta d'cn­registrer passivemcnt CCIIC nouvelle révol te du Krui!. Comme au tcmps des janis.o;,'\ires, l'. Odjaq. se disputait le trône.

Le 19 juin ecpendant, Boumediene accusait publi­quement le régime instaure: par Oen Bclla ;

Le pouvoir personnel. aujourd'hui consacré. IOUles les instilutions nationales Cl régionales du Par ti Cl de l'État se trouvenl à la merci d'un seul homme qui C(Inlèrc les resporuabil itë$ à sa guise, fai l cl dUait, sclen une lactique mals3ine cl improviste, les org.1 nismes diri­gUnl', impose les options et les hommes selon l'humeur du momcnt, les caprices ct le bon lllaisir.

Tout ccla élait C;(aCI, et Ic jugement fan judicicux. Malheureusement Boumediene, insta llé au;( leviers de oommande, en fit de même, Son comportement dans l'e;(ercicc du pouvoir ne différa aueunemcnt dc celui tle son prédécesseur.

Le pouvoir changea de mains, mais le système demeura itlentique. l..3 légali té ignorée, l'Assemblée

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nationale écartée, Boumediene désigna un • Conseil de la Révolut ion. de 25 membres (dont dOU7.c colo­nels), composé comme suit :

PrisiJe,rl: Houari BoUMEOIENE

Mrmbrt! : - Colartel ABto Said, _ Colonel BEllIOUCHET Abdcllall, _ Colonel Mohamed BEN AIIM ED Ab-

deighanÎ, - Colonel UENCIIEIUF Ahmed, - Colonel BENDJEOto Chadli , - BEN IIAOJ)Qy Houhadjar, - BENSAlEM Abdcrrahm:Ule, - Colonel BoU8NIOER 5., lah, - I~UI)JIlNANE Ahmed, - BouMAZA Bachir, - BOUTEfI.tKA Abdelazi1., - CW2111F Belkacem, - Colonel DRAIA Ahrncd, - KAlU Allmed, _ Colonel KHAT1S Youeef. - MAI1SAS Ali, - M EUEGl t ll1 Ahrned, - MENDJEU Ali , - Colonel MOHAMMEDl Said, _ Colonel Mohand Ould HADJ, - MOULAY Abdelkadcr. - SOU FI Salah, - TAISI Larbi, - Colonel Y AlI!AOUI Mohamcd Salah, _ Colonel ZnlRI Tahar.

Habilement , Boumediene neutralisa les anciens chefs de maquis en les compromettanl dans d l:S affaires commerciales ct autres. Aux membres du Con:;ci l de la Révolut ion. il n'auribull aucune respon·

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sabil ité. En fait celui-ci n'étail qu'une eou "erlUre, un .. Iibi pour couyrir l'exercice de son poo"oir pcn;on. ncl .

Lorsque, li la ~uile d'é\'éncments ou de péripélics, cc Conseil perdit ~ue(e:;S;"emenl un certa in nombre de titulaires (ll.oun13·t;J., Mah~~, colonel Zbiri, colo­nd Abbes, colonel Khal ib, Mcdeghri , colonel Molland O uld Hadj, (olonel Saïd Abid. Ka'id Ahmed, Cherif !klk:!.cem, commandant BenS:l lem), Boumediene ne le! remplaça pas. Ceux qui rcsti:rcnt furen l de simpll:S l'igurantS. Ils siégèrenl, mais ne dClibérèrent p-1S. Ainsi aucun des changements annoncês le 19 juin ne fut concrélisé. Le fameux _livre bl:rne. annon~-ç à grand renfort de r:ldiu resta 1cUre mor te. Le proci:s de Ilen !klla, la d..:nlOCf:lti. ! s,1lion de~ in~ti tutions, 1:r l'in du • pouvoir personnel., sê"èrement con.d~ll1nê p-". Bounl~die~e I~i.m':nle, la liberté d'tXpresslon, la rntsc en applu;:lIlon du sur. , frage unÎvcrsel, rien de ee quc le peuple allend:,i t ne yil le jour. Cc qui étai t reproché :'1 Ben Bcll3 fut maimellu cl aggr:lvé.

L'habileté de Il.oumediene fut d'avoir su meure l'armée :1 son service, lout en restant dans l'ombre le 19 juin.

J'a i commeneê:'l ":erire cc li~re li l'époque où je me trouvais en ré~idenœ sur~ei1lce. Je le deuinais li Boumediene. Depuis il est mor\. Je le regrelte car j'aut:1is voulu étaler devant ses yeux les insuflïsances ct les mérails du pouvoir personnel.

Ikn Bella éliminë, LWumcdiene sc proçl3ma • chef d'État _, faisant l'i li la fois des rormes juridiques el dc~ inst itutions du pa~ s.

La lêg:llit": mise de côté, les mœurs de 13 jungle prirent force de loi. La porte $'ouYr:li \ sur l'arbi\t:1ire et l'absurtle. Personne n'avait supposé que Hou me· dienc, aneien éli:\'e d'El '\"I:har, au Caire, pou"ail abandonner la voie de l'islam ct de la liberté pour

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celle du total itarisme sialinien. Durant quatorlc ans. il exerça un potI\'oi r sans pariage. Il développa le pouvoir pcrnonncl clic culte de la personnalité. qu'il avait condamnés chez son prtdéccsscur, à un degré Ici qu'i l n'y avai t pas un seul jour oû la presse, la radio, la télévision ne partaient de $CS mérites. de ses réalisa tions, de ses réussitcs, de ses qU:llité$. Ses ooIlabomleurs ct ses ministres n'existaient pas. Lui seul créait. lel un dieu.

En 1975, pressé par les dirncultés. Boumediene voulut régulariser le • cofIÇubinagc» qu'il avait con­tmcté avec l'Algérie. Le , - novembre - date anni­ve rsaire du premier sang versé pour b. liberté - , il annonçai t que Je pays alla it cuc: dOlé d'une Charle cl d'une Constitution el que des éteçlÎOns libres all3icnt avoir lieu.

Conlmircmcnl à sa déclarat ion. le peuple fui mis cn préscnœ du fait accompli. Ses servic::es çonfeç tion· nèrent une Charte c::t une Constitu tion à sa mc::surc::. La première, qui se voulait socioirrromnwllis/e dans un • c::adre musulman., é ta it un texte où foi­sonnèrent les çontr.ldic::tions. Uf)(: mixture indigeste. Quant à la Constitution, elle ~tait le • cimetière. dcs libertls publiqucs et de 13 souvçT3 inçt~ natio­nale.

Lcs mots, sans doute, on t un sens diffé rc::nt sçlon que l'on se trouve en lerre de libcrt~ ou en lerre de dîc::talure. Chacun sait qu'en (:Cite lin du xx' sièc::le, les meilleures çonquêtcs de l 'human it~ demeurent les droits un iversels de l'homme ct les libert~ s fondamen· tales du dtoyen. Ces conquêtes sont un rayon de lumihe dans t'histoire des hommes. Elles ont une telle rorc::e CI une telle valeur que même les r~gimes totalitai res et oppresseurs s'en r~c::Iamcnt. Mais il cst vroi, çomme le dit de La Roc::hdou(:3u ld, que

/""' .l'hypoc:ris ie est l"hommage que le vjçe rend il ~vçrtu •.

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Évidemment la Cons titution de Boumediene fa it SOU\'enl rëfércnce à la liberté. Elle proc lame, entre autTl.'S : AflIdf J9: Lcs libertés fondamentales CI les d roi ts

de l'homme ct du citoycn $Ont garan tis. Tous les citoyens sont égau~ en droits et en devoirs .

t lrlide 45 ." Nul ne peUl ct re tenu pour çoupablc s i c::e n'est en vertu d' unc loi dûment promul· guée, antérieurement à l'acte inçrimi·

"'. Aflidf <16 ." Au regard de la loi, toute persoonc est présumée innocente jusqu 'à l'établisse­ment de s., culpabilité par une juridic_ tion réguliè re. CI avec:: tou tes les gara nlies uigées par la loi.

Artide SI: Nul ne peut ê tre poursuivi, arrê té ou délcnu que dans des cas dé tnminés par la loi et $Clon les formes qu 'elle a pres­c::rites.

AflIdc SJ : La liberté de conscience el d'opinion est inviolable.

Dès lors nous pouvons nous in terroger. Après la promulgation de celle Constitution, à quel artic le de loi le pouvoir pouvait-il se référer pour maintenir la séquestta tion de Ben Bella ct notle mise cn résidence forcée? Qui a ':tabl i la culpabilité de l'ancien prési­den t el 13 nôtre? Au demturant qui s'en CSt soucié et qui sc soucie de l'applic::ation de la loi? Montesquieu disait qu'arrivant dans un pays, il ne demandait pas qu'clic en était la loi. mail s; fa foi)' !tall oppfiqlJie. Où est la loi en Algérie~ Où cn estoOn de son appli ca tion~

Je c::herchc vainement 11 comprendre. L, vic CI la libcrt~ des multilUdcs humaines ne devtaicnt-elles pas être sac::técs pour tous les hommes au pouvoir? Cc.~ rnultitudes sont fait es de chair, de sang ct de

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oourrranccs ct ne sont pas une p;ite à modeler qu 'on peut pétrir :\ Ivkln té.

Si les colonels qui ont permis â Boumediene d'oe<:uper la première place furent d'authcntiques combattants, lui ne combattit que le peuple algérien, Il le mit il. genou~ en le dépouillant tic ses libertes ct de ses biens. A I"égard de certains réfractaircs, il utili~ la corruption. Ses conseillers lui apprirent que, dans les démocra ties populai res, c'est le secrétaire général du Part i qui détient h, première place. Ne pouvan! occuper « postc, Boumediene le supprima et le remplaça parcelui de" responsable de I"apparcil du Parti . qu"!1 confia il un de ses partisans.

Le F.L.N. était dejà un parti sans 'mie. [1 devint un organisme sans tête. le rcndel-vous des. bras cassês ~ ct des .Iaissés·pour-compte". Ben Relia disait déjà que le F.L.N. était constitue d'all/h f'll/iqlll's clwuil­les. Ce qui sc mult iplia avec Iloomt:diene. Le pouvoir personnel ct le culte de la personnalite s'affirmèrent, le coIlcctÎ\' isme marx iste s·aC<.'Cntua, booscula ct étouffa la cité musulnlUne ct le monde du travail. créant un immense désarroi dans les ma.o;scs musul­manes. A tous les échelons ùe la vic publique le peuple est absent. I)r~~ entre le fonctionnement ct le militaire, cc peuple vit en • liberté sur~eillée" . l.es éJections ne sont que vastes mascaradcs. t 'Algérie nage dans le menoonge, l'aventurisme ct le fal·ori · tisme. Le trône cst dans la vase.

Le seandale d'une telle si tuati\ll1 devint si évident qu'un membre du Conseil de la Révulution sc rebi ffa . Le colonel Tah:l r Zbiri, le vaillant comb':lIIant dc,~ Aurès, qui avait été promu eher d'état ·major des Armées, r:lppela à Boumediene que, s,ll1.'llcs colonds. il ne serait pas cc qu'il c,~t ct qu"!1 devait pu conséquent goul'efrler en prenant l'a \'ls de 10U$. Zbiri ne convoitait rien. Il voubit seulement contraindre Boumediene :' respeeter la parole donnée. En mai

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1967, il protesta contre le projet ù'arres tat ion du Ilr6ident de r"sscmbl~c,le comma ndant MendjeH '. U ne cessa pas de récl~l mer 13 Tiunion du Conseil de la Révolution. Au lieu de réunir le Conseil. Boume· diene mano::uvra pour isoler Zbiri. I.e I ~ novembre 1967, marquant sa désapprobation face fi l'attitude du chef de rËtat , le chef d'état·major n'assista ~s DUX cüémonies orfieielles: il montra;! que, sans le retour;' d<:s méthodes démocraliqucs. il sc dcsolida­rfscrait de Boumediene.

Celui-ci ne l'entendait pas 3in~i. Le système devait rester tcl qu"!1 étail Coûte que coùte. L'affrontcment inévitable CUI lieu dans la région de Moulaia CI d'El Mfroun. Le colonel ZbirÎ. qu i s'étai t dépl3cé avec ses chars d'El Asnam vers Blida. pris sous le feu de Mig pilotés ~r des aviateurs russes. rut contraint d'aban­donner la partie.

1 En 1959, le colonel Lamouri tenta un coup d'Élat

contre le G.P.R.A.; il fut arrêté el exécuté. Le colonel Boumediene J)l"ésidail le tribunal qui ordonna re~~eution. Comment ne s'en est-il pas soUI'cnu avant d'organiser lui-même un coup d'Etat?

Le 26 avril 1968, les am i~ du coloncl Zbiri avaient fai lli lui raire payer cher sa double lrahison. celle de Ben Bella puis celle du Conseil de la Révolution. Camouné sous l'uniforme de l'A.N.P., un cornmando pénétra dans le palais du goul'ernement où siégeait le Conscil des ministres. La s':a nce venai l d'être levée. Boumediene sonit par une petite porte, alors que ceux qui se disposaient à l'exécuter entraien! par la porte principale. L'allen!at Ccooua. Dans la rue, Boumediene fut reconnu p:!r deull guetteurs placés par le commando. Au moment où il montait dans s.a voiture les deux hom me~ ouvrirent le feu . II fut légèrement blessé.

~ . iL Filllro IilliTl';,r du 4-10 août 1969.

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~a violence appdle la yiolenee. Par son coup d'Eta t Boumediene a donné il la na lion un mauvais exemple. Il a OUyerl 1:'1 porte au " bandi tisme poli li. que ' . Quant aux él ites dont la responsabi li té est Irès lourde. les uns se sonl mis il. sefyir l'État. sans autre engagement; pour les autres, il :'1 surri aux maîtres de l'heure de IC$ envoyer manger au r:itclier pour obtenir leur approbation.

Après le 19 j uin. une délçgalion du Parti \'cnant de Conslan ti ne fut reçue par le nouveau prës iden t. • Voyez·yous. leur d it·iI, ce fauteu il où je suis assis? Il faudra me tuer pour me l'arracller .• Q ui oserai t dire. après ces propos. que lloumediene, toulle temps de la guerre d'Algérie, n'a pas nourri une seule pensée : prendre le pouvoir? Il ten ta, il diffé rentes repri5CS, de j usliner son comportement, en disan t par exemple: • Aujourd'Ilui quand on pa rle de la ~ ré~ lulion - e t de l"islam. moi je dis qu'il n'y a pas de contradiction.' En 10UI êtat de cause. il y a une contr:tdict ion majeurc : l'islam rcpose sur la digni té et les libertés de I"lI0mme: la révolution prônéc par Boumediene repose su r l'autoritarisme et l'abscm:c de loutc liberté. Ut où il n'y a pas de liberté. il n'y a ni soc::ia lisme ni islam.

El il di ra aussi que le F.L.N . de 1954 eSlle mcme que celui de 1965 : • J'entends par parti: le par li du Front de Libération nationale (F.L.N.) qui existe depuis 1954. qui a permis la réalisation de l'indépen­dance nat ionale ainsi que tous nos projets. particuliè­rement depuis 1965 '"

Regrellable ct injuste confusion! Le premier F.L.N. était un front qui a su réaliser l'Union nationale, qui a su la consolider par le sang de n05 martyrs. Il a mobilisé notre peuple dans sa totalité pour arrdcller son indêpendance. Aucune réfêrcnce

5. t'/ MwdJahld, 27 ma" 1978.

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n'd été faite au socialisme stalinien. Le second F.L. N. ) c" le part i de ceux qui ont piégé le peuple ct qui vj.·en t d3ns la vase de la corruption. du lucre ct des prébendes. Aucune comp:iraison entre les deux ror­mat ions n'cst possible.

Ooumediene di", encore fa propos du parti unique: • Il ne suffit pas de proclamer la nécessité d'un part i unique comme instrument dc développement rapide dans les pays du tiers monde 1 .. .). Encore faut· il lui garantir les conditions indispensables il sa réus$ite, à son déve loppement ct il sa continuité qu i sc résume dans sa démocrat ie interne' .•

Jlar CClle déc laration, Boumediene apportait deux r~ux témoignages. Il évitait de nous di re que le peuple n'a jamais proclamé la nécessité d'un part i unique. Dans cc domaine, il n'a jamais é té consulté. Le parti un ique lui a é té imposé par ceux qui voulaient régner sur ce pays. En second lieu, la • démocr:tt ie interne. est une simple clause de style, un mytlle. une imposture. Elle n'ex iste nulle part en pa)'~ totalitaire. Boumediene était bien placé pour le 5II ,·oir. sinon comment expliquer son coup d'Ëtat du 19 juin? Pourquoi la. démocratie interne. n'a·t-e lle pas jou~ son rôle cc 19 juin?

En vérité Boumediene sc gargarisai t de mots vides de sens deyant un auditoi re qui ne pouvai t pas répondre. La • démocratie interne. n'est pas la démocratie. C'es t la soumi!.sion, la médiocrité ct le mépris de l'homme.

A son tour, le colonel Yahi;J.oui. responsable de l'apparei l du Parti. dira un jour qu' il y avait deux libertés: 10 Iibtrli ,üll" et la /ibmllom,rllr. C'CSt 111 le langage stalinien qui est repris par notre colonel. En rtalit~ il n'y a qu'une scule liberté ct elle est indivisible. C'est celle qui consiste 11 dire que· Mi·

6. El Maudjahld. 27 ma" 1978.

"0

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<.las, le roi Midas a des oreilles d':îne· $a"-, se retrouver en prison. Cest celle qui çon$iste?l dire que Yahiaoui dl!bite dcs sou isc:s S3ns avoir ensuite la police sur le dos.

Une rl!"olu tionnaire authentique, Ros~t luxem­burg, çontemporaine de ll!nine ct uéeutl!e par les Allemands pour ses con" ietions m~lrxistes, a .. ai t une au tre conception de hl liben é . • La liberté, a\':t it-c lle dit, réservée au~ seuls partisans d'un gouvernement, aux seuls membres d'un parti. russent-ils aU$$i nom­breux qu'on voudra. cc n'cst p:u la liberté. La liberté. c'est toujOUT$ la li bertl! de celui qui pense au tre­ment. •

Cette opinion a I!tl! confirmée réeemment par le secréta ire gënél111 du Pa rti communiste français,. La liber té, écrit Gcorgcs Marchais, c'cst la possibilité donnée:\ ch:lque homme de se réaliser pleinement, d'organiser sa vic selon ses goûts, sa personnalité humaine. d'intervenir effecti" ement sur la vie de son entrepri se et de son pays, el cela dans une société fondée sur des rapports confiants ct fralernels entre les hommes. Cette liberté, pleine et entière, ne peut exister qu'à la condit ion de cesser d'être le privi lège de quelques'uns pour devenir Je bien de tous. C'est le chemin du progrès humain',.

Lorsque Ics hommes parlent ce langage, peu importe 13 couleur de leur peau ct leurs opinions, lb sont respecw.bles. On peut débattre a,'ec eux de 1011$ les problèmes puisque, en dernier ressort, c'cst le peuple qui tranche et qui fai t son choix.

Celle liberté conditionne toule évolution. Le tie rs monde est l'équivalent du tiers ëtat français d'avant la Révolution. Il est le devenir en puissance. la potentialité de la nation. Si le pouvoir ne le libère pas, il se libérera lu i-même un jou r. Or, en Algérie le

7. GCOfE'" Marchais. Of'. til,

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pouvoir personnel est. p~ r définition, hostile à celte libération. Pour se maintenir, il bloque Ie.~ rouages de rÊt:u démocra tique, 1)3ns le meilleur de.~ cas, il rait <.lu fQlunalismr. 11. l'excmple du régime colonia l.

Ecoutons encore Boumediene dans sa • dialecti­que· : • l cs pcT$On ne.~ que [a révolution a reje tées CI qui se permCHent de critiquer, d'in~ul ter notre pays. affirment que ricn ne va plus chez nous.' Faut-il souligner [a contradiction? Pour r:lire son coup d'État du 19 juin 1965, il a bien rallu que Iklumcdiene ai t trouvé des raisons de cri tiquer. ait jugé que rien n'allait plus. Si, ce jour-là, la critique était légitime. pourquoi ne le sernit-clle pas sous son règne'! Crit i­quer n'cst pas insulter son pays, 1)3ns le plus mauvais des cas, c'est proclamer que le pouvoir n'est pas;l sa place el qu'il conduit le (l.l}"S 11. la catastrophe.

Ceux qui émeUent celle opinion restent dans ta logique de notre guerre libératrice. l.orsque 13 • ré, ,·olution. stalinienne de Boumediene les rcjelle. c'cst tout il leur honneur. Cette· révolut ion. n'était pas au combat, Elle est aujourd'hui au pouvoir parce qu'elle a usurpé une souveraineté obtenue par le sang d c.~ :lutres ct qu'clic a trahi le S<icrifiee des chouhada. Je ne reprocherai pas au~ communistes de dérendre leur opinion, c'cs t leur droit ct leur de,·oir. Cc dont je me plains, e'cst le fait qu'un croyant libéral ne pui5se plus dércndre la sienne alors que nous sommes en pays mU5ulm:tn,

,\ l'époque oû Ben Bella occup:t;t la rune politi, que, Boudiaf interrogea un rc.~ponsab lc du Parti communiste :![géricn. Celui-ci lui répondit: • Pour nous communL~tes, le 5<!ul ra it que Ikn Bella se procbme social iste, même si !;CS décisions ne s'insè, rent dans aucun plan de transformation dficacc, nous nous engageons :\ le soutenir, car nous considé, rons que dans celle voie, tôt ou lard, il sera obligé de tenir ses promcsscs ou il disparaîtra $()lIS la poussée

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des masses impatientes de profiter des b<,;nériecs de cc.~ mesures ' . •

Je comprends très bien que les communistes aient une stratégie ct qu'ils la mellent en application. Mais ils doivent sc persuader que les masses musulmanes rcsterom toujours farouchement réfractaires au col­lectivisme stalinien. Et si, un jour ou l'autre, ta liberté d'e~pression reprenait droit de cité dans te pays, les communistes redeviendraient ce qu'il s ont toujours été en Algérie, une minorité insignifiante.

.' . Pour l'instant, et après vingt ans d'indépendance.

nous sommes encore dans le tunnel. On comprend que Boumediene, qui n'a pas fait la guerre, voulait effacer le souyeni r des terribles années de la gucrre ct nos propres souffnmces, I l déclara à des journalistes: • J'ai dit que les mOTlS étaient morts. qu'ils étaient poussière. J',li dit qu'il fallait penser aux vi"ants aYant de penser aux morts' .•

Comment peut-<ln séparer tes morts des vivants? La. cité n'cst-clle pas pétrie du souvenir des morts et du labeur dc.i vivants1 C'cst le sang de nos martyrs qui doit servir de mortÎer à l'édification de la nation, Les m,If1}'rs ne sont pas que poussière. Ils forment avec eeu~ qui naissent un amalgame qui donne vic au présent et façonne l'avenir. LC.i chouhada sont des sentinelles que l'histoire a placées sur notre route pour nous montrer le bon chemin.

Et, dans toute dictature. les peuples sont perdants quelle que soit l':lSsistanee que leur apJXlTle l'État. Un peuple assist': cesse d'être responsable. Or la

8. Mobamcd Boudi3r, Où ''Il" l'AIKü/~' op. d r. 9. Ania Fmncos ct J.·P. ~réni. UnAlgùirn _,m~ no"m~

dl~n~, Puis. Stock.

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respons.lbilité du citoyen conditionnc l'effort. Lïnsti­IlItcur qui fait les de,'oirs des élèves ne les instruit IKI5. Ccst â l'é lève de faire ses devoirs au prix d'cfforts et même d·crreurs. L'crreur sc corrige au fil des jours. a lors que l'irresponsabil ité dei; élèvcs ct dc1 ci toycns conduit !t la paresse CI .'i l'abrutissemcnt. 1

Les malheurs des Algériens proviennent de cc que Ben Bella ct Boumediene ont fait des options el des choix en dehors tl'cux, lc.~ oblig~nl à subir un sys teme iliserétionnaire. Pendant notre gucrre de libération, c'était ,'1 ce peuple de choisir S:l I·oie. Ceux qui l'on~ priv,~ tle la p~rolc, qui l'ont cmpèeh~ d'cxercer ses responsabilités, al'ec l'arrière-pensée de 4 vivre comme des rois. Cl de • régner. sur l'Algérie, ont commis une faute grave.

Unc raute dont nos cnfants supporteront les consé­quences. C.lr le jour viendra où, à l'exemple des Polonais, ces enf:lnts descendront dans la rue pour réclamcr leur liberté ct leur pain.

115 •

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IV

L'ARBRE ET LE FRU IT

Comment le pouvoir rcrsonncl C<ltnouflc ses ~chccs

UJ moillolU" qui onl po'" r."id~ lin hou, "",J.nl I~", IQine dan. la f"';"

PROVEKO~ ALGl'.KIf.N .

m,nult . j'«a,lr,QI J~ mU .IBM' aux qui. salIS droil. s',nflrnl J""'Rudl '"' ItIU.

LI! CORAN.'

L'Algérie, oolonie rrançaise, était une Icrre en voie de modernisation en pleine évolution. M~lhcurcusc, ment. les Algériens musulmans. tenus il. l'écart, aba ndonnes à leur tri ,IC sor t. dcmcuraicm , dans leur grande majorité. plongés dans 13 misère Cl allaches à des mœurs d'un autre ~ge.

En 1962, a lors que fétais prêsidcnt de l'Assemblée nationale constituan te, j'ai reçu un gra nd nombre de diplomates étr;lngcrs, en partiçulicr ccux des pays commu nistes c t des pays ambcs. Tous êl;licn\ e n ;ldmiralion deva nt l'infrastructure ct la richcsse de nutre pays. Un ministre syricn, M. Salah Bilar, qui \"cnait de visiter la Mit idja ct la rég ion d'Alger, ne

1. l.e Conn, sourale 7," 1 .. limbes ", Y. 146.

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tarissait pas d'êloges: • L'o:uvre de la France, me dit·it, est admirable! Si la Fl':lnce était re.~téc vingt ans de plus, dlc aUl':lit fait de J'Algérie J'équivalent d 'un fXI)'s europÇen .•

Je lui ris rem:lrquer que rAlgêrie. dont it admirai t la ri chesse, l'équipement ct l'évolution, n'avait pas été à nous. Elle avait été entre les mains des seuls Européens. Rares étaient ccu~ des nôtres qui avaicnt accédé il la richesse ct au bien.(:tre. Et beaucoup plus rares encore ceu~ arrivés il la direction des affai res publiques.

Il me répondit: • El main tenant. ~u'al1e7.'\'ous

faire? Cc pays est en pleine pl'05périté. htes·vous en mesure de le gérer? Vos respomabil ité$ sont très lourdes .•

J'ai répl iqué: • Être algérien cl n'ctre rien en Algérie a été une des e:luses princip:llcs d" notre comb:lt. C'cst une injustice insuppor table. La Fmncc ne faisait rien ou peu de chose pour 13 supprimer. C'est pourquoi notre peuple a pris les armes.

• Sommes-nous capables de gérer notre patrimoi· ne? La qucstion essentielle n'est p:1s là. L'indépen· dance ne se justifie p:lS (l.1r la eap:lcité d 'un peuple;'\ l'assurer. Elle est avant tout le droit d'un peuple li ctre lui·même, il reconqu,;r; r son identité et sa. dignité._

• l es autrcs problèmes se poseront après. - Mon verre est pet it, mais je bois dans mon verre -, discnt lcs paysans ue Fra nce. A notre tour, nous disons: - Notre pays cst sous-développÇ. mais c'est notre jXI)'S. Je suis un sous-développé, mais je vis d:ms mon fXIys -.

Le ministre syrien êtait sans doute sincère. Son propos traduis:tit unc certaine inquiélUue. La coloni· sation étai t morte, ce qu 'elle avai t abandonné dans notre pays représentai t un lIetif considérable. Corn· ment allions-nous le préserver. l'enrich ir ct le conver·

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tIr au prori t de nos masse"? Celles. préciSl!ment. qui nVAient le plus souffert du rég ime coloni:ll et de la guerre. Au nom de quelle idéologie allions·nous remobiliser 1Çl; énergies et le5 compétences et donner , notre p.:1)'$ une promot ion nou\'elle?

Tel était le problème dans toute 5.1 simplicité. Une .ronde ent reprise nous nltendait. Comme tOuteS les .ronuÇl; entreprises, elle requéruit l'union et l'lIuhé· .ion de tous. On ne mobilise pas les peuples au tour de . Iopns ereu~ et in intell igibles. Il convient de leur par· 1er le langage que nos fellahs pouvaient comprendre.

J'a i en mémoire l:l dêclUr'J.t ion que le président l'rimlin a fa ite (n mai 1959, lo rsque les ultras d 'Alger s'apprêtaient il renverser lu IV' République rrançaise pour lui substituer un pouvoir fOrl . susceptible de leur conserver leur" colonie".

Lorsqu'on prend le pouvoir. dit·il. j'estime qu 'on n'a pas le droit de déguil\Cr sa pensée. de tmi ter ue scs inlentioos par prétéri tion. Il faut proclamer sa doctrine. C'est une question d·oonnétc té. On ne conduit pas des hommes sur le champ de b;ltaille 3 \"c( des rdtrictions mentales.

Voilà le langagc qu'au lendemain de la guerre on 1 aurai t dû tcnir il notre peuple durement éprouvé. Il é tai t en droit d 'C ire rc:spc:eté cl honnêtement informé . Cc droi t ii ~voir et à accepter, il lui revenai t par les 5.1cririccs surhumains qu' il avai t eonsc:nl is. Pourquoi faire violence et l'égarer dans ue.' chemins inconnus? La C(Jnseience et le bon sens commandaient de s'en tenir aux forces qui avaient ~O' i de ferment à notre insurrection: l'islam et l'amour de la liberté! Ne uevaient·ils pas ucmeurer les assises du renouveau? Notre t:iche étai t lourde. Elle ne pouvait être menée à son terme qu'avec le concours de tous.

La Seconde Guerre morKlia le a remis en qucstion bien des valeurs ancienn.es. Aucun ordre $OCial n'a pu

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la première voie. La référence raile par Ben Bella et ses amis au • socia lisme li la Fidel Castro· ne: lai5$c: aucune 1!quivoque, Cuba es t, en erret, une marche guerriè re du communisme, une renêtrc de Moscou ouvene sur l'Amêrique du Sud. Le P.1ys se construit se lon le dogme mauistc-Iéninistc. Cc dogme est devenu le • catéchisme. de la société cubaine.

Nous pouvons schématiser les deux concepts !-OCiau~ ct politiques de l'islam ct du mauisnle:

- pour l'islam : croyance en Dieu, C réateur du monde, respect de la propriété et de l'entreprise privées, respect des libenés essentielles de l'homme, respect de sa dignité, harmonie de la !-OCi':té par la zakâ t ct la Tipartition équitable du revenu national, liberté de l'homme;

_ pour le m:müsme; n~gation de Dieu ct luue contre les religions rév':lécs, suppre$.~ion de la pro­priété privée, confiscation des moyens de production, suppression des libertés publiques. luite des classes, diclature prolétarienne,

Dans les deu~ schémas. les injonctions SOllt liées entre elles comme les anncaux d'une même ehaine. Si l'un des anneaux sc rompt, la courroie de tr.snsmis· sion s'arrete. Tout l'ensemble idéologiquc sc trouve: bloqué.

L'engagement de l'Algérie dans les struc turcs économiques copiées sur les pays communistes res­ter.! incffiC3cc tanl que le p;lYS n'aura p;lS basculé lout entier dans l'idéologie marxiste, Le rera·t·il ? J'espère pour ma part que cette voie sera abandonnée en cours de route pour permctlre il l'Algérie de sc concevoir dans sa pl~lIitude ct de rerairc son unité mornle. spirituelle, économique el sociale. Et ccci serail la meilleure des deux solu tions parce qu 'elle est conrorme à IlOt re conception du Maghreb uni, préco­nisé par les conrérences de Tanger et de Tunis en 1958.

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IX toute mamere, oous devons sortir des COIItra· dielions. Faut·il rappeler que. dumnt la suerre, l'A,L.N. :\Vait établi un oorrage infmnchissable con· Ire IJ part icipation des communistes à flOtre combat. I..orsque l':tspirant communiste Mai llot et Maurice I.aoon, de Sidi Okb.l, voulurent rejoindre la Wila~3 IV avec leur ehrsemcnt d'armes,!e colonel Ouammnc qui la commandai t leur fit savoi r qu'ils ICf1Iient les bienvenus, mais seulement à titre indivi· duel. Eux tenaient ,L conserver leur couleur politique. Celte condi lion ne rul pas acceptée. Ils constituèrent alors leur propre maquis. Privés du concours de la population, ils rurenl yile neutr.slisés par l'armée rrunçaise ct mi~ hors de comb:!\.

L'A,L.N .. symbole de loutes les couches sociales. n'a pu combattre et durer que parce que les possé. dants, les indésirables. bourseois. d'aujourd'hui, l'ont ponée à bout de bras. Cc sont les proprié taires terriens, les fellahs. les commerçants, les membres des proressions libéruleli qui l'onl oourrie, c.aehée. soustraite à la répression de l'armée française. Elle a v~eu au milieu des uns ct des autres. El il fau t dire que ces propriétaires, ces fellahs, ces commerçants, ces membres des profCSSÎQns libémles ont souvenl p:a)'t de lcur vic l'aide ct le soutien qu'ils ont :lpporlés ll'A.L.N,

Après la victoire, lous eeu~ qui SOfll restés loin des champs de bal,tille sc sont ingêniés à défo rmer !a II:tlUre de notre lutte en lui collant de fausses l! tiquelles. Mais l'histoire n'a pas dit son dernier mOi. Pour [cs genémtions il venir. notre unité nat ÎQnalc resle1'3 l'arme essentie lle qui a conduit Il; pays il son Indépendance. C'est celle unité qui a fini par avoi r nison du mylhe de l'. Algérie frnnçaise •. Sans ceLte unité, ricn n'aurait été possible.

Ccux qui se prennent aujoord'hui pour des • hé· ros., des :ufm. sc trolllfi:!:nt, comme Ilen Ilella ct

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Boumediene sc sont trompés. Ccst une chose que d'allumer un incendie, C'CSI autrc chose que de ralliser durant plus de sept ans pnr des sacrifices quotidiens. Ccst une chose de raire la guerre de Ghardimaou, d'Oujda ou d'un chateau de France. C'cst autre ehose que de s'Cllposcr personnellement ct quotidiennement :\ la torture, au napnlm, nux • d~lit:s de fuite., il. la mon. Pourquoi le nier? Celui qui n'a pns comballU peut,il guérir les blessures de ceu~ qui ont cté au centre du combat? l'union nationale n ~té notre rorce au combat. Elle devait être le fondement de la rcslauration de I"Algérie musulmane.

Trahir pour se scrYir, ce n'CSI ~s servir. En octobre 1945, à la suite des événements du

8 mai de la mêmc année, je me trouvais il la prison militaire de Constantine. Je panagc:lÎs ma cc\lule avec le Cheikh El 83ehir Ibrahimi. qu i fut, avec les Chdkhs /Jen Badis ct urbi Tebessi mon guide spi rituel. Nous rc:çiimcs, un jour, la visile du gêll1':ral Duyal, responsable avec le colonel Bourdi1:1 de la sanglante répression d:lns les régions de Sétif ct de Guelma. Le général nous demanda si nous avions besoin de que lque chose. Je lui répoodis un peu vivement:. Mon gén6al, nous n'avons besoin que de liberté .•

Après son déparl,le Chdkh El Baehir me reprocha ma vivaei lé :

Quand les cO'énernenu /lOIIS dcp.usent, me dit·il, nous devons y faire race BVee calme CI p:uienee. I~n pareille eir<"OnstallU. Dieu nous dit :. Il vous arri~er:J de dbirer une <.:hose alors qu'elle est un mal pour VOliS. 11 vous IIrri"era de haïr une çhosc: alors lIu'elle CSt un bien pour vous . •

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Et il poursuivit:

I}ans la lulle menée contre le r~gime colonial, nous lI'"OnS rcspecté I~ loi fl'1lnçaisc . Mais puis.que le dl'1lme esll~ ct qu'il a fl'1l ppl: durement 005 rrères, eomidéroos­le collime le présage de jOIl~ meilleurs. comme un bien. l e Gng des innocentJ fer:J mûrir nos probltmC5 cl h:iterJ leur solut ion. mîeu~ que nou~ ne le femn s nous-mémcs. 1] fa ut donc: continuer à agir ct :\ persé, vérer.

Le Cheikh El Bachir Ibrahimi e~prim:lit là une dcs règles de I"islam: • Ne jamais renoncer lorsqu'il S':lg;! dc défendre <.:e qui est just~ .•

En d'autres c irconstances, en mars 1956, le Cheikh urbi Tcbcssi vint me voir 11 mon domicile de la rue du Docleur,Trollard, :'t Alger. Il était aCCQm p.lgné de deu~ membres de l'Association ûes Oulémus: le Cheikh Khcirrcdinc d le Cheikh Abbe.~ Ben Cheikh El Hocine. Je me préparais ~ la demande du F.l.N., à rejoindre, au CaÎre. la délégat ion cxtérieure de la Révolution.

Je ne sais ~i nous nous reverrons un .four. me dit Cheikh I..arbi Tebcssi. Alors je te rCOJmmande de ne jamais

loublicr que l'Algérie ClOt mlfllulmane. C'at au nom de l'islam que les Alsériens se b:ulent CI acceptent de mourir. Ne reviens sur celle terre qlle si elle est libérfe. Et qU)nd I"hcure de La reconstruction du pays sonnera 11 l'horlO8e de Dieu, mellet. l'is lam au centre: de l'Cdifice ct Dieu O'OIlS aidera.

Je pense que le président de l'Association des Oulémas, Cheikh Ibrahimi CI son vice· président, le Cheikh urbi Tebessi. ont traduil ln pensée secrète CI profonde de notre peuple. On peut alors imaginer le désarroi de cc même peuple lorsque, après la guerre de libér.llion, le pouo'oir rengagea dans la ,'oie du

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parli un ique, du collect ivisme ct de la suppression dcs libertês essentielles de l'homme,

Qui [>Cut nier que le pays rêcl, celui des Ben Bndis, des Ibrahimi, dcs brbi Tebessi, edui des masses musulmanes, celui de nos manuels leolaires. celui dcs ehouhada, \'enait d 'être m)'Stiriê ct ignominieuscment trompé'! Je sais bien Que cc P-1 )'S n'a pas pu exprimer ct mani fester son indign:ltion. Le pouvait·i l'! E~ténué par une longue el douloureuse guerre, submergé p.u un pouvoir personnel bien orehesué, il S'C.~I la issé circonvenir. El depuis, il sc débat comme un animal pris au lasso. Il est certain que ce jXuple ne peut admcttre qu'i l a combattu pour courber la tête SOIlS

une dicta ture nouvclle ct se .... ir de tremplin ;i des lhéories qui lui sont étrangère,~, S'il a po:rdu momen· tanément le courogc de se défendre eonlre le nouvel impérialisme idéologique qui l'assai lle, il n'en con· serve pas moins, au fond du ca:ur, l'espoi r de sorti r, un jour ou l'autre, du tunnel. Il espère ret rou\'er b route droi te ct lumineusc tracée par 50Il histoire.

Tel est le tragique problème d'une indépendance qui a été confisquée.

• • • J 'étais président dc l'Assemblée nationale consti·

tuan te lorsque Ben Bella suspendi t la publication du journal communiste Alger , lpuhficQ;/I. Ct interdit le Parti communiste algérien (P.C.A). Je lui fis obler­ver qu'il porlait a ttein te 11. la liberté d'cxpression ct sc privait d'une opposition souvenl construclivc ct utile. L'islam nous recommande d'ctre torémnlS.

En efret, les hommes du P.C.A., les Alleg. Bachir Hadj Ali, Larbi IJouhali. étaient d'authenlÎques mar~istes. Il s étaient prudents ct 5.waient tirer la sonnette d'abrme qu,tnd le gouvernement s'êgarai t dans de fausses voies. El, chose eJ;sentielle, ils n'im-

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p,o~lsalcnt p;as. 1-1:lbitués :i analyscr les problèmes ~tgéricns SOIlS l'angle rc~olutionnaire, ils n';I~aient nul besoin d'aller i\ Cuba chercher dc.~ wlutions p<Jur le socialisme algérien. A mon oblervution, Ben Bella me répondit: • Les communistes me gcnent. puisquc je me propose de fai re aussi bien qu'cu~ . ·

Il n'cntre pas dans mes vues de dércndn.: des structures capita listes. En Europe. ces structurcs ne sont plus dUcndables dans leur contc~te a<;tucl. Elles doil'enl évoluer, De lOute manière, la concentration capitaliste s'esl effondrée en Algcrie a~ee la défaite du régime colonial. Mais il demcure une grande conru~ion dans l'esprit de nos dirigeants. Lorsque Ikn Bella voulai t introduire dans 13 societé musul· mane la notion de IUHe des classes, il dCI'ait sc rendre parfai tement compte qu'il paslmit i\ ellte du vrai problème. celui de la mobilisation du peuple p<Jur qu'il produise davantagc cl vive mkux. Un peuplc n'est ri chc que de son propre Ir.lvai l.

Sans doute dira-t-i l qu'i l a supprinlé le khammas­sa/' , Mais en réalité, il a lraosformé tous les p;ayS,1OS cn • kh .. mmas. de l'État, Tous les ouvriers ont. cté fonctionnarisés, tous émargent au budget de l'Etat. ta bureaucratie étend ses ten lacules sur le pa)'s ct le Ira \'a il s'en ressent. Celui qui n'est pas motil'''; pour trava ille r ne trayaille p;as. Et b COIISt ruction du socialisme n'cst plS un stimulant assez fan pour mobilise r nos trav:til!curs cl nos pa)'~aM.

En l'érité, le changement demande 1:1 participation de loutes les catégories socialcs y compris de eclles qui s'opposent au régime. C'est dans la mc.~ure où la parole est donnée au peuple que le renouvcau imer· vient . Une opposition éclairée, c'cs t le • gendarme. des hommcs au pou~oir. C'es t dans l'act ion CI p."

l, KhammalSOI : Iysl~mc de r.rmage oilles ou.riers (Ham­nraJ} perçoivent 1. tinqu;~me de la riroll •.

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l'aelion diversifib:: que les peuples YOnt de l'avant c l sc:: perfectionnent. Un gOuvernement qui SC refuse :l admeure une opposition ne peut voi r ses erreurs.

Je rai déjà dit, je eonsid~re le socialisme stalinien comme une utopie. C'est une voie étroite et contre nature. En 1917, la r~votulion russe n'a été possible que parce que le tsa r Pierre le Grand av:!;t :!ccomplÎ précédemment une grande Œuvre de modernisation. Sans les ouvriers des arsenaux de eonstruclion de Saint,Pétersbourg, sans les centres industriels créés par cc IS3r, Lénine n'aurai! p3S pu mobiliser les masses.

Cette mobilisation fu i difficile, car la conscience révolutionnai re ne préexiste pas chez l'homme. Elle se créc. On ne nait pas communiste comme ra dit Khrouchtchev. Le socialisme de Lénine, en [917, échappait à l'entendement des Russes. Il a fallu des années de terrible répression ct de tue ries nombreu­ses pour les contraindre il sc:: plier il la discipl ine du nouvel ordre social CI il le subir. Le CŒur n'y étai l pas. Il n'y scm probablement jamais. Quant à nous, nous pouvons nous demander quels sont les Algériens qui ont été convertis au • nw.tériali~mc historique.? Combien sont-Ils eeu~ qui ont abandonné l'islam pour le marxisme?

En rail, après Ben Bella, Boumediene étai t scul. Il rut le chef d'État le plus impopulaire. L'armée seule le souten3i l 11 bout de bras. Les Algériens. eux, n'aspirent qu'à yivre dans un Éta t de liberté ct de libre entreprise. Boumediene en avait conscience. C'est pourquoi le pouvoir personnel qu'il exerça ne pouvait sc mainteni r que par la rOrçe.

Il a gouverné par la peur. Son action n'était pas

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rationnelle. Il supprima la propriété privée pour les uns, et la cautionna pour d'autres. A telle enseigne qu'une caste de nQU\·c.aux riches esl née. une caste

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qui sc moque du socialisme ct du chef de 1'[;.13.1 lui· même:.

Depuis rindépendancc:. l'Algérie rompu: des mil· tionl\3i rcs CI même des milliardaires. Beaucoup plus qu'au temps de la colonisation. Celte classe de oouvcaUll riches f:li t fuir les capiwull à l'étranger. oppauvrit le pays. affaibli! la monnaie. Un homme d'affaire! suisse m':!. confié que tes nouveaux milliar­d:lircs, possédant des comptes dans les banques suisses, é l3icnt des Algériens. El si on ajoute Que ces Algériens sont dans la major ité des cas des amis personnels du chef de l'ÉI:;J.I. on aura \00\ dit de t'6::hcc de l' Algérie socialiste:.

Des familles de condition modeste ont été dépouil­lées. PH contre Je pouvoir ferme le5 )'eu.\ sur !cs spécula tions CI les fortunes mal acquises. Par impui S3nce, il 5'«( établi un modus "Ï\'l'ndi cnlre 1 pou\'Qir cl le monde des a rraires: • Laissez-moi 1 pouvoir et je vous laisse la spécula tiOll el Ics rich ses_. Et l'austérÎté? Elle est réservée au petÎ peuple, aux fOllCtionnai res_ aux enseignants_ au~

magistrnts, aux ouvriers, aux cadres subalternes de l'Étal.

Je rcprochais un jour il un ancien responsable de l'U.D.M.A. son eomporlement peu conforme il l'éthi­que politique. Il me répondit :. L'Algé rie est de"e­nue un immense: gâteau. Pourquoi n'en prendrnis-je pas ma paTt? Le militantisme d'autrefois n'a plus sa mison d'itre puisque l'e~emple vient d'cn hau t. Cest trop octe de se priver quand tout le monde se serI.· Cc misonnemcnt démontre, à l'évidenee, que l'immo-­rutilé s'est insl~lllée dans le pays ct qu'clic s'étend pour atteindre toul le corps social. 1

De temps en temps, cc socialisme provoque un SC3.ndale. Celui-ci est alors vite é touffé. Dans l'affaire des • Galeries algé riennes". entre autres, la j ustice n'a retenu que le pelÎt gibier. Aucun· gros bonnet.

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n'a été irtquié té. DaM la 'l'cnte du • Grand Bon Marché". c'CSt un haut ronctionnaire qui a cautionné ropér:l1ion.

A l'heure où j'écris, l'affaire de la S.O.T.R.A.W.O. passionne le public, en particul ie r le public de rOranie. IXpuis quelque temps rcnqu~tc CSt au point mort. La justice hésitc à jeter ses filets, de p<:ur de rame::ner de gros poissons.

A ce:: suje t, El Moudjahid. journal gou,·crne::me::n­ta l, ée::rit :

Ou simple dtlit de g:upillage de:: deniers de rÊtat 3U e::rime économique dans son im ';gra lit ':. il y 11 plusieurs voics qui y acçèdent. l 'Mfairc: qui sc Juge en cc momc:nt il Oran ct qui semble alimenter 1c5 con'·ers:a· tiOM _ l"arruire S.O.T.R.A. W.O. pour ctre plus préeis ­C>.t un exemple du genre. Cela commence par de la bagatelle. puis un jour son auteur est pris dans I"engre, nage. Il ne peut plus reculer. JI s'enfonce da'·ant3ge dans l"illégalit':. Quelque chose a chang': dans son uislen\:C. Fatalement. il s' inscrit en liste des marginaux de la société, ce que le peuple obstr\"e ayec un mélange de curiosité CI de dégoût, ct montre du doigt . A cause de I"origine de ces fonunes rapides el insultantes qui n'onl même pas la pudeur d'être discrèles. Ce qui donne Krieus.:ment ~ rén ,;chir .ur le sentiment d·im_ punilt qui anime ces gens. Posons dOlK le problème en termes de généra lita pour ne pas innu~r sur le cours dt I~ justi«. Commençons par faire un certain nonlbre de rem~rqucs qui paraitront peu t":trc surprermntes mais qu"il con. ,·ienl de >1OUligner. l'nfraire S.O.T.R."'.W.O .. au 'lade OÎI en sont les choses - ampleu r du prtjudice. compli· cités Cl romplais.anccs da1\$ les appareils d'c~écut ion dt t'administr.tlÎon ct de 13 mcntalitç qui s'est instaurée - . \:Cite affaire qui n'csl pas la première ni la dClni~rc. il fnu t le rCC(lnnaitre, ,'est surtou t (n'a)"OM pu peur des mots) le proeh de b COf"rUpllon dom les phénomi:nes des tructeu rs handicapent l'érieu5Cmcnt le fonclKlnne'

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ment de certaines instilutiuM publiques el dérnobilÎs.:nl 10:5 travailleurs int~gres ct qui. malgrt toot, !orarlfT inlONr Iru' loi aaflS la rho/ul/Of! II IfJ di' igtllnlJ.

El le rédHe::teur d'El MOIuljahid ajou te a,·cc un cer lain couruge auquel nous ne sommes plus lIabi· lués :

(':utnnt de ces principcs. la justiee ne doit pu s'en tenir au~ cHelS, mais aun; s'a tt aquer au~ causes. ne p.:!S se satisfaire des simples rompaI"SCS, m:lis a,·oi r le counge d·allcr :lU fond des choses en n·ha itanl pas sur les coupables, 100' les coupables quelles que lOient leur position sociale ou leur responsabilité dans le J)r~judice. 1:8ffaire S.O.T.R.A.W.O. indique que ce ph~n.omène de COfruption guene n·imporle qui (elle a troMform,; un jeune ""dTe universitaire dynamique ct travailleu r en esclave de l'~rgent . en malfaiteur el finalement lui a bri~é son existence it tout jamais) insuffis.1mment armt dans l'c~erci<< des responsabilités, notamment celles qui consÎ>tcnl à manipuler dCl! marchts d·État de plusieurs diZllines de milliers de di n:l.ts. EUe dfmonue que les institu t ions. ICl! ç:,dres et les trnvait1eurs en géntnl doi~nt ':trc prottgés de ceue faune: de courti · s:lns qui ne s'enl}),urnssc nt ]XlS des moyeM pour .. eni r il bout de leu r désir d'enriclliS5C:ment .

Les masses popu laires ne sc ront aueunc illusion. Pour ln ru meur publique cc procès est déjà t louffé. El il l'a été.

Quc sont de::vcnucs les grandes \·CrlUS qui ont conduit le peuple algé rien au combat"? Son ci\"isme, son ~bnégation, 53 di scipline. ~n solidaril ~, sa frate r-nité onl fondu comme neige au solei l. Un individua- 1 li sme forcen~, aiguillonné par les ~mb i lions el l'app"'t du gain, mène le pays à l'aventure. l'ills oos compa- 1 !riotes onl vécu dans la misere, plus ils aspi rent à

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s'tnrÎchir rapidcment ct de 10utC.~ Ic.~ faÇQns jlOur écrtlstr leurs voisins, O:ws les m;jqui~ on exécutai t un maqui~rd pour le délourncmcm dc 100 fr:mcs. Aujourd'hllÎ on ü,;lournc des million.~ !i.1ns êlre inquiété: mieu~, on devient un bon cadre dt rÉtat.

Gér:ud C hal innd CI Julielle ""inees onl parfaite­ment ~Iisi It mécanisme de I"enrichissement et des inégalit6s socinlcs qui cn résul tcnt. Ils écri"cm:

Sur le plan socia l. on constate 1'al'«ntU31ion des inégali tés, CdleHi k tmduiknt jl:Ir un r~nforeemcnt et un enrichiuemenl de certaines c13$SCS urOOÎRC$, notamment ta bourgcoisie administr3 li • ..: (ci.-ile el militaire), qui tirc sa puilo53T1tt ct ses privilèges de la parlicipation au pouvoir d't tat, ct la bourgeoisie non ~tatiquc (meKantilc, induMrieUc ou d'affaires), souvent lice aux milieu~ dirigeants de l'armée ou de l'adminis­tration, A 1'autre utro!mi t~ de l'échelle sociale, la grande mas!>C de la popubtion, compostc de paysa.ns S.1ns terre, de paysans pauvres uu du sous-prolétariat urbain, v<Jit son n;"cau de vic stagner sinun régresser ct dépen­dre de l'argent envoyé par les tr:lvailleurs ~migrés

en Europe',

Un féodalité d'argent pèse déjii, de tout son poÎüs, Sur le dcstin de l'Algérie. Le gou\'ernemcntlui-mémc donne le mauvais exemple. Il a oublié que le travail con~tructif sc fait dans la méditation ct la discrétion. Or à peine sommcs-nous sortis des Structures colonia­les que nous voulons nous offrir en e~emplc au~ autres peuples ct leur donner des leçons.

Le pouvoir personnel est plus a llcntif à une politi­que de • prestige. qu'à la solution des vrais problè­mes. Oësormais ,\Iger sc veut le IXntre attractif du tiers monde. Et pour jouer cc rôle, le gou,'erncment

2. G. C~IÎ3rod ct J. M'!IC'eS. L'At,"/~ llI/UfJ'I'I/imu. bitD" d'~,., ,"'OI~lflJtl lIIi'fDtIIll~. M~s~ro, 1972.

'"

ne l6sine pas sur Ie.~ dépenses. 11 y a cn r<;rmanence une interminable procession üe chefs d'Etat ct de ,Jélégations de touS ordres en Algérie. Ll'S invitations sc multiplient. Le palais des Nations, con~truit pour les besoins de la cause, accueil"; congrès sur congrès: Congrès des ministres des Affai res étranSÎ:'r~ des ministres du Commcree, des avocats, des archItectes. Quand ce n'esl pas celui des médecins sponifs! Tous, :i lour de role, sont les hôtes de l'Algérie.

Ce sonl ces invitations cl ces dépenses rastueuSC$ qui ont ,'alu li ItOtre ministre des Arraircs étrangêres l'honneur de présidcr l'assemblée de rO.N.U. CI ;1

Houmediene celui de présider l'Organisation des pays non al ignés. Pour les mémcs raisons de prestige, l'Algérie ne cesse d'envoyer 11 l'étranger cl dans touS les coins du monde ües délégations de tout genre, aussi imporlantes que possiblc, nos ministres ct certains hautS cadres de l'Ét;lt étant de"cnus dc véritables globe-trottcrs. Avec les sommcs (normes dépenséc.~ dans ces périples, on pou~ait construi re:. c~ don t nous avons le plus grand bcsolrl: lycées, hOPt j taux, barrages, routes. logemcnts,

Je parlerai peu du luxe insolcnt qui entoure la construction de nos édifices publics ct de nos minis­tères. Ces bf,tisses rivalisent avce celles des pays les plus riches. Quant à l'installation des bureau~ de nos l' .. O.G .. de nos fonctionnaires c t de nos ministres, elle constitue tout simplement une insulte 11 la misère de nos popu13tions. l'uisque nos dirigeants \'wlcnt imi­ter la Russie révolu tionnaire, qu'ils sc comportent, au moins, comme les premiers dirigeants russes. Lorsque je me suis rendu 11 Moscou, en 1960, j'ai visité le bureau de travail de Lénine ct rapp:mcmcnt où il V(cut. C'est moins qu'un logement d'ouvrier de 13 régioo parisienne. La Russie sovi~tiquc s'est c0ns­

truite dans cet appartement plus que modcste. S i nous recherchons ües e~emples dans nOIre

"s

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propre histoire, nous retrouverons la même simplicité ChCl, lcs premiern khalirles de lïsl3m, ceu~ qui furenl les bâ tîsseurn d'El Oum;l E1lsI;lmin, l;l oommunnuté musulmane, A titre d'e~emple, un f3it historique m~rile d'êt re mentionné, Une femme is raê lÎte avai t él~ spoliée par le gouvernement de Dnm~s d'un termin lui appartenant. Le gouverneur \'oulait y construi re une mosquêe, On consei1l:_ !I celle femme de sc rendre à Médine pour se plaindre au khalife Omar, Elle trouva celui-ci en Irain de rc.~taurer le mur de son jardin comme un simple ouvrÎer, Elle eut peine à croire que e'ét3itl~ le chef tou t-puissant d'un empire qui s'éll:ndail déjà jusqu'aux Indcs, Le kha­life, interrompant son trava il, reçut sa plainte, Il rédigea sur- le-champ un mcss~ge au gouverneur ct le lu i remit. Dès récept ion de cc mcss.1ge,le goul'erneur de Damas exécuta Ics ordres du khalife e t restitua le terrain à son propriétaire,

La simplicité des hommcs d'tH" est un exemple précieux pour les citoyens,

En vé rité, le pouvoir en Algérie n'est pns avare des deniers publies, II bruie la chandelle PoU les deu~ bouu. Parce qu'il a hérité des richesses ama5Sécs en dehors de lui, il ~'imagine pouvoir dépenser S.1OS compler. Parce qu 'i l a dëpouillé dc Icurs biens un gmnd nombre d'Algériens, Boumcdicne s'im;lgine disposer d'un ;lcquis inépuisnble, Simple illusion d'un \ homme qui ne oonn3Ît pas la valcur de 1'3rgent ct 11:5 méri tcs du l;lbeur,

L'Algérie ne peut pas être riche tant que sa popul3tion est Po1uvre. Une polit ique sage, exemplai­re, renlable, consistemit, dumnt plusieurs décennies, !I enmyer la misère, l'ignomnœ, Pour l'heure. 60% de noire: populalion ne mange pas il $3. faim, C<lUche!l même le sol. habite dc.~ gourbis, Nos enfants oonti­nucnt. en grand nombre, ii aller pieds nus, à être mal ct iMurrisammcnt habiltês, il être mal nounis.

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Ne perdons jamais de yue qu'il faul d'abord ,"ainere celle misère, Nous y p:!T\'iendrons en )' pcn~l!lt toujours, l'ortons le fcr rouge Iii où les plaies ~uppu rcnt. Certaines réalisations faites à cc jou r sont valables. Mais ellcs soot tellement vanlée.~ par le syst~me. exploitées par la presse, la mdio, I;L têlévi­sion \lu'ellcs rinisscnt par être nussi ennuyeuses que des panneaux publici taires, ,\ force de pratiquer l'autosati sfac tion, le p()lwoir croit qu'il fail des mir:_· clc.~ alOfS qu'il engage $(lUV~nl de grosses dépensc~ supcrnues.

Celle nutosatisfaction ne ellche-t-cllc pas en réalité une faillite? Je voudrais rappeler un souvenir. Au C(lUI'$ d'une de ses conférences. parlant de l'invasion de l'Empire romain par les barbares, le Pr E, F. Gau­licr nous dit que les Germains ont d,;truit l'Empire. .sa1lS le ,'oulo;r; • Ils sc comportêrent. nous di t-il, comme les enfants devant un réveil tn mouvement. Curieux, ils veulen t oonnaitre son mécanisnle ct le démooten t. Mais ils ne peu\"ent plus le remonter! • A l'indépendance de l'Algérie, il s'cs t p;lssé quelque chose d'analogue. Grisés par le pouvoir personnel, les Ikn Bella ct aut res on1 dêOl(lOu: les rouages de l'Algérie uistante, Ils n'ont pas pu les remonter ni leur subslituer ccu,\ d'une Algérie libre ct encore moins ceux d'une Algérie social iste.

Il s ont camouné leur incnp,Lcité ct leur ignorance derrière dcs improvisations auss i spectaculaires que C'.J tastrophiques. L'opinion publique ayant é té étouf· fée, il ne S'CM trouvé personne pour corriger leurs erreurs, La dictature est ainsi fail e. Elle dialogue ave<: elle-même et sc donne tics satisfecit. Aucune note diseordantc, C'es t le système où • tout vn bicn~, Puis un beau matin. le pays apprend qu'un coup d'É tat a sanctionné, durant la nui t, un règlement dc comptes, A lui seul, cc coup d'Étal est un aveu que tout n'allait pas si bicn, Mais qui accuse qui'? Qui

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sera le juge et qui sera jugé? Dans un confli t de cet ordre, l'Assemblée natiunale se devait d',lrbitrer, Un large débat public pouvait situer les respon~bililés Cl éclairer le pays.

Il étai! Solns doute illusoire de parler de "oie légale au moment oU le • banditisme politique. fais.1 il son apparition. Lorsque les loups sc dis~lent le • cada­vre • de l'Algérie, la raison du plus fort s'érige en loi. Le critère de toole promotion ne peut alors èlre que le coup de f«ce. Un loup ne s'entoore pas d'autres loups.. La maladie congénitale de notre passé hisl«i­que fa ÎS:l it Surraee. Le pouvoir pe~ncJ, la trahison. la violation de la ConstitutÎOll écri le ont toujours été les premiers ohstacles il J'unilïeation du pays.. Les règles de la démocra tie qui nous avaienl permis de comballre le régime colonial étaicnt désormais ban­nies de l'Algérie. Nous avions une élite et des hommes Compétents. Ils furent écartés, persécutés.

Je suis personnellement alle rgique il toute dictatu­re. Le droit il la parole est aussi précieux que le droit au pain. La liberté d'expression, le droit de criliquer sont synonymes de vie. L'/!duc:lIion des citoyens ne peut sc faire que dans le contexte démocratique. Conlïsquer la liberté, en fain: un monopole du pouvoir, c'est revenir il J'époque où un héritier du Roi Soleil disai t : • C'est légal parce que je le ' ·eux .•

J'a i déjà dérendu longuement ct ~vee vivacité la liberté et J'islam. Le lecteur voudra bien m'cn excuser ct considérer que ce livre a été écrit en partie lorsque la police g3rdait mon domicile. Le régime policier m'irrite. Il n'est p3$ normal que. dans une Algérie libérée du colonialisme, nous vivions encore sous un régime de contrainle.

" y 3 eu des ré:alisa tioru heureuses me dil.an. Je ne le nierai pas, mais aVCe J'avis du peuple elles auraienl ëlé mieux conduites. Au demeurant. lorsqu'on arrive au stade de 13 pratique, la Ihéorie Clil souvent pnse

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en défaut. Cc qui compte cn pareille matière. e'cstla réussi te . l'crlïc:u:ité. On jugc l'arbrc a ses fruits. on Juge une Œuvrc il ses résultats. Or. d'une maniè~e gtnérale. ils sont décevants, et ils auraient été l~e!l­leurs si le pou~oir s'~ t3it conC(:rté 3"CC les represen­.,nts authentiques du peuple. Voltaire :1 laissé le mot;. 11 Y a quelqu'un qui a plus d'esprit que M. de Voltaire, C'CSI M. tO\Il·1c·moodc . •

OÛ cst·il, ehc1. nous ce • M. tout·le·monde·? Il a été tuë par le sy~tèmc implanté par eCrLains hommes. Et commc personne ne peul prouver s.'l supëriorî lë sur Ic reste des Algëriens, ni juslilïer son • infaillibi, lité., Ic pays sc trouve privé d'ullC large participation des CÎto)·ens. L-Algérie 3 des hommes compétents parLOUl, dans l';ldminisual ion. dans les pror~ions libérales, parmi lcs commerçants ct chez les agT1eul­teurs. Mais ils sont. étourrés. !Xlr le favoritisme ct le népotisme, d'où leur découragement et leur inertic.

Les 1Il:1uv:liscs institu tions créent Ics mauvaises sociët':s. l'homme fait les lois. mais les lois aussi font l'homme ct cet cngren!lge sc trouve répercuté dans les dirrérentt$ ac tivités. En c~:uninant c.;crtaincs d'cn­tre elles. VO)'On5 comment le pouvoir s'y prend pour tromper tout le monde.

L'AGRI CU LTURE

Du temps de la coloni~ltion . l'Algérie ëtait plutôt un pays agricole. Elle était m:re de sa production. Nos gouvernanls n'onl pa~ su lui conserver sa pros­përitc. Ils se sont déoorrassés des bl:lles terres en l~ ;Clanl comme os à rongcr :. l'autogcsI.ion. sans a~OIr rien prévu ni ricn préparé, comme 51 les dORlallles erUS ct emretenus seientilïquement par les colOl'lS pouva ient durer CI progresser entre les mains des

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gem; sans eXJ}l:nence. Ils eroyaicnt fairc du socialis­me, alors qu'i ls n'ont mis en place qu'unc burcauel":l ­tic pesantc. Ils ont paralysé, par une réglementation abusive, l'initiative des e.lploitants.

Le résultat fut l'effondrement de b production agricole, Les ouvricrs sc prctèrent mal il l'ex]>érienee. Beaucoup de terres sont restées en frichc. Les comi­tés de gestion, désignés en principe par les tr3vail­leurs, se comportent cn nouvcaux propriétaires. Désa­busé et dérouté, 1" • ouvrier-fonctionnaire' s'cst mis alors il tricher ct souvent il ne rien faire. De leur coté, une administra tion incom]>étente ct uni: bureaucr~ t ie parasitaire n'ont ricn trouvé de mieux que de s'enri­chir au détriment ,Je l'ouvrier ct de l'État. Les Jmsse-droits et le désordre sc multiplièrent. Lc.~ salai res irrégulièrement payés, injustement bas, ne correspondaient pas au travail demandé ni au e<1\> t de la vic, L'autogestion sc transforme en • autoconsom, mat ion _.

Pour suppléer à un salai re de f'lmine. l'ouvricr sc paie en nature, en détournant à son profit une partie de la production. Les comités de gestion, dès leur créat ion, s'accommodèrent de celte si tuation. Cons­cients de l'inefficaci té du sys tème, chacun tenta de se servir au maximum, depuis les responsables. élus" jusqu'au plus modeste trayailleur,

Il nous faut rappeler que celle autogestion avait été suggérée à Den Bella par un trotskis te . Il fu t l'auteur des fameu:.: décrets du 29 mars 1963 qui livraient les meilleures terres à une autogestion improvisée.

La vérité est que J'autogestion est un échec ccla­tant. Aucune coordination n'a jamais existé entre le travailleur ct le ministère dont il dépend . Les semen­ces, les engrais, les pièces de rechange, tout ce dont le tr.lvailleur :1 un besoin urgent lui arrive al'ee des mois de retard. Les récoltes elles-rncmes sont. bra-

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dées". Il est in!erd it de les l'endre au plus offrant. Il faut obligatoi rement les céder à un organisme d'État. Ceue année, par exemple, les comités I"endaient le kilo de harico!s yeTIS ;1 un dinar. On le retrouvai t chc1. le ùctaillant ;1 10 dinars. Dans quelle poche est allée la diffcrenee. alors qu'il n'y a pas cu d'intermé­diaire '! Qui peut alors s'é tonner du défici t permanent de l'autoges tion qui grève, depuis 196J.1e budg~t.d.c l'É!~t? l'our le seul exercice de 1976-1977 . \:c de~,c!l a été de l'ordre de 784788854 dinars. Et rEtat pré!end dÎ>tTÎbuer des • ~néfices~.

Cc chiffre dans sa sécheresse CSt plus éloquent que Ics meilleurs tableaux statis!iques et mensongers affichés par le pou'·oir.

Lu ril"o/lllion ograir e

La ear,lctéristique du rég ime es! demeurée l'inef­ficacité accompagnée de la • fuite en ~vant -, La • rCI'olution agrairc _, /OOUfO ('::irlll"o. que rûll 1I0US rabâche depuis des années, en estl"illustration. Avant d'avoir troUI"C ulle formule sa ti sfaisante pour l'exploi­tation des terres récu]>érées sur la colonisation et qui sont les mCÎlleures. le régime s'est empressé de mutiler ou de supprimer la propriétc pri"ée, en expropriant sans rai sons les fellahs. sa ns teni r compte du f:lit que ceLle propriété coul·rait 60 % de nos besoins de consommation.

L'erreur de Boumediene est d'~l'oir cru que la propriété du fellah algérien était aussi impor!ante en superficie que dans certains Jm)'s musulmans. En Ir,IIl, en Égypte ct en Irak, par cxemple.les domaines pr il'cs de 500 à 100 000 hectares Ile sont pas ra res. On sait que le chah d"lran a offeTl il la réforlll~ agraire plus ùe 500 000 hectares de bonnes te rres lUi appaTlen:lIlt. En Algérie. la colonisation a ruiné .I~ propriétc indigène il un point tcl que b terre a ete

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Page 73: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

coostammenlau e<:nlre du drame colonial. Sa perle a provoqué dans le C(l:ur du fe llah une plaie inguéris. sable. Aussi bien sa reconquête fut-clle b pass ion domin3nte tout au long du siècle dernier. Exproprié, l'Algérien s'est obstiné li demeurer sur 53 lerre, en tan t que salarié. A force de privation CI d'économiOi il a pu, quelquefoiS, racheter cc qui fut b terrc de ses

"'= Cc processus s'cs t aecenlué à parlir de 1914, au moment où beaucoup des nôtres Ont été recrutés pour aller 1r.:lVailler en France. 115 fu rent environ 150000. Il s ont accepté d'être mal nourris. mal logés, pour ~conomisc r CI envoyer le maximum d'argen t chez eux, Beaucoup sont morts en France. Certains sont revenus malades, pour mourir chcl eux. Mais tous furent soutenus par l'espoi r de racheter un lopin de terre, une pai re de bctufs, une monture ,

Et c'cst ainsi qu'à P'lrtir de la gucrre 191 4· 1918. la • propriété indigène . sc reeonstitU:I, au grand déses· poir dcs colonialistes. Il faut li re à cc sujet les articles de La Dlpiche algérienne ct ses récriminat ions. Cette propri~té n'atteint que très rarement le grand domaine. Scion les stat ist iques publiécs avant 1IO"em· bre 1954, les terres cultivables sc décomposaient de la mani~re suivante.

Cha les colorIS, 3 millions d' hecta res de bonnes te rres é taient ainsi répa rt is: 3 % des colons possé. daient moins de 10 hecta res. 5 % cultivaient de 10 à 50 hectares , 16 % exploitaient de 50 li ]00 hectares et 76 % plus de 100 hcetares, Chez les colons, la concentrat ion de la p ropriété rurale s'é tait dol1-C réalisée. Le gros propriétai re avai t remplacé le petit colon.

Chc: Ics musulmans, la proprié té sc répa rtissai t dans une proport ion inverse : 76 % possédaient moins dc 5 hectares, 16 % cultivaient entre 5 et 10hec-

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tares. 5 % exploi taient de 50 11. 100 hectares ct 3 % sculement plus de 100 hectares.

LI révolu tion agr.lÎre dont le régime fa Ît chanter les bie nfai ts ct Ic.~ mérites aux enfants des écoles a dol1-C été une opération néga tive ct injuste. Négative, pa rce qu'clic a privé le pay~ de 60 % de sa production ct que l'étendue des terres récupérées au détriment du rellah est dérisoire , Injuste parce que eClle terre avai t élé perdue pM le re llah UTIC première fois, ct reconquise li la force du poignet. La mison,la moralc ct le droit commandaient que cc fellah conscrv:Ît sa terre.

En [9.54, 1'A.l.N. a évolué en toule sécurité au milieu de ces paysa ns. Sans les paysans :Iccrochés:i leur te rre, les maquisards n'auraient pas pu surv ivre. Aujourd'hui nous n':Lvons presque plus iJe fcll ahs. La réforme ag r:lire a provoqué un dêmeinement mortel. Toule I:t population rur:tlc émigre vers les villes, laissant les lerres incultes. CCI exode, à 1:1 recherche d'un emploi, est le phénomène le plus marquant de l'après·guerre. La loi qui , inslÎtuant la révolut ion agrnire, a dépou illé le rel lah plus systématiquement 'lue ne le fit la colonisa tion, est scélérate, d ictée par la haine de Iloumedienc contre les posséda nL~, contre CC UK qui aÎmaientla terre ct tTOuvaicntlcur bonheur il la travaÎ lle r. Il :1 ass.1s~ iné l'agriculture et tué l'efrort personnel.

La production agricole s'en est vÎte ressentie. Les produits de première nêces.~it é sc sont ra réfiés, l cs prix ont monté en nèche. Ils sont actue llement les suivants; pommc.s de terre 2,5 à 5 F le ki lo, tomates 6 à 1] F, salade g5 il 12 F, choux·neurs 5 11. 8 F. oignons 3 il 4,5 F, carottes J ft 5 F, navets 3 il 7 l' le P.1qucl, céleris 3,5 it 5 F, a rtichauts 6 :'1 10 F, poivrons 20 à 30 F, or:tngcs 2,5 li 4 F, clémentines 3 à 5 F, pommes 7 à 20 F, viande de mouton 65 il 75 F, vi :lnde de vea u 45 il 5.5 F. poulet] 6 11 22 F. o:ufs 0.60

'"

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il 1.20 F pièce. l'QIlget 35 il 55 F. merlans 40 il 70 F. ere\'wcs 35 il. 60 F.

t a qua lite de la production a dégénéré. les beaux légumes ct les beaux fru its sont dev~nus r:lfe~ sur les marchés. Parfoi~, des produits de premiêre nécc-'iSité disparai~sent. Il faut faire b Ijueue pour être servi, il moins de les acheter :lU marché noir, ou d·i:tre un • grnnd • du régime; on reçoi t alors les produits il domicile. On a manquë plusieUfll fois de pommes de terre, d·oignons. d'ail et. rrn:mc dorant leor ,,:;, ison. de tomates, de n:t\'ets, de salade. etc. Une telle situation dans un pays essentiellement agricole est déplorable. La farinc cst :!-OUvent ra tionnée aux boulangers en al1endant l'arrivée de bateaux ct il cst difficile parfois de trouver de 1;, semnule.

Les 1railcments ct salaires étant bloqués depuis 1968. le salaire journalier de l'ouvrier, enlre 1963 et 1915, est passé dc 1 F il 12 F : on peut mClourer la détrcs.~ des masses laborieuses. Il falbit alon; pr.:s de deux journées de travai l ;l un ou\'rier pour achete r un kilo de viande de moUlon.

La cOllllllt"frialisariun tirs fruits ('f MgllIIl.'S

Le système de la commereialisation des produits agricoles, plusieurs fois mooifié, est devenu très compliqué, un \'éri table labyrinthe. Avant la réforme, les halles des gtandes villes, créées en 1935, répon· daient aux besoins des consommateurs. Les manda· tai res réceptionnaient la marchandise, livrée par les grands ct les petits producteurs eh.:'que jour entre 15 heures ct 18 heures. Ils reprenaient le tmv;!i l il 2 heures du matin pour la venle :tUX commerç;t nlS dêtaillants. te Iravnil sc poursuivait dans la matinée jusqu'à 10 heures environ. Les gnandes villes é taient ainsi rovitailll!es régulii:rcment ct des camions ~r· taient ,lU peti t jour, dans loutes les dircdions, pour

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desservir Ic$ populations de l'intérieur. Le manda­ta ire percev:l it une commission de 6 % sur les borde­reaux de vcn te, sur la'"lud le il payait ses collllbora­teurs ct ses impôlS. Souvent. il faisai t des avances aux petits agriculteurs pour les soust raire aux prc ts usurai res. Le matin. la vente aux détnillants s'effec­tuait;\ crédi t pour permellre (lU X pe tits commerçants des '"luanie rs pauvres de s'approvisionner dans de bonnes conditions. L'écoulement de la marehllndise perissable se fa is.1it d:!ns les meilleut'$ délais.

Que reprocher il. cc système qui fonctionnait con­\'enablement ct donnait sal isfaction au consomma­teur? On a prétendu qu'il favorisail l'enrichissement des mandataires, ct le gouvernement, donc, 11 voulu innover. Par une lettre du 12 a~ ri l 1914, le wali d'Alger, en 3ccord avec le minisLre de l'Agriculture Cl dc 13 Ré\'olution agraire, supprima purement Cl simplement les mandatai res, sans se soucier de leur son. Il les • in~it :l à ecsscr tou te act ivité eommereiale le 30 ayril 1914. terme de rigueur~. A eeUe date, les lIa lles centmles de tOUles Ics villes fe rmèrent Icut'$ portes. A Alger, les ouyriefli communaux s'empressè­rent de pavoiser la grille d'entrée, comme s'ils venaient d'expulser des. milliardaires para s itaires~ . Boumediene lui'm~me déclara que celle opéraI ion était un • ac te réyolu tionna ire_.

On oubliai t '"lue les mandataires étaient tous dcs travailleurs, qu'aucun d'entre eux n'étai t rie lle, que duront la guerre ils firent leur devoir ct que certains perdirent leur fi ls au m:t'"luis. Mesure CI situation absurdes, d 'aulant que les jeunes plumitifs qui les calomnièrent n'avaient m~me p;!s tonnu la guerre.

Les mandataires rurent remplacés par un orga­nisme national , la C.A.C.O.M. (Coopérative agricole de la commercial isation). Pour 13 ville d'Alger un autre organisme fut créé aux Pin. ... Mari limes près de la foire d 'Alger, pour permettre à ceux qui potJyaicnt

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5) rendre de se r:witailler, en faiS:lntla queue. Cet o rg~lnisme, l'O. F.L.A. (Omee de.~ fruits et légumes d 'Algérie), prélève une commission de 15 % pour le seul fait d'ouvrir ses lOCaux aux producteurs.

Cette réglement at ion ~'a"érant lente et couteuse. le gouvernement créa, dès octobre 1974, un autre organisme de commereialiS3tion : t3 Coopêrat ive des fruits ct légumes (C.O. F.I!.L.) en liaison a"ec la C.A.P.C.S. (Coopêrati"e agricole polyvalente com­munale de service), el coiffêe elle-méme par la C.A.C.O.M., qu i devient, ainsi, l'organe moteur. Elle achète la marchandise aux domaines aulogêrés, aux coop.:rnli"es des anck:n5 moudjahidinc cl des villages socialistes. Elle prélèvc une marge bértéficiaire de 15 % sur le prix du kilo. fixé par la mercuriale mensuelle des bureaux du mini~t(:rc de l'Agriculture: elle livre ensuite 1,1 march~lndise il la C.O.F.E.L. En plus le nouvcau syslème, véritable spol iateur des travailkurs, s tipule que chaquc wilaya doit centrali­scr sa production. avec i nterd iction de la laisser sorlir du pêrimètre de son tcrri toi re administratif. Les gendarmes de la route ont pour mission de surveiller ccs. nouvellcs fron tières. ct de sais ir toute marchan· dise ci rculant sa ns autoris.ation d'une wilaya à une au tre.

Lorsque la production s'accumu le dans les stocks de l'une d'clics. celte-<:i en propose la vente aux autres wilayas. Quand le marché est conclu ct que la marchandise arrive sur le marché de détail. elle est déjà avariée et bonne à jeter. Est-ce cela la • révolu­tion.1 TOUl est conçu pour paralyser le rnvitaille· ment, spolie r les travailleurs de la terre et brouiller les cartes afin que les intén:ssés ne comprenncnt plus rien fi rien. La morale de celle si tuation est dans un de nos proverbes : • Quaoo la cigogne voolut embrns­ser son fils. elle l'aveugla. _

Mais CCI enchaînement, celle mult iplicité d 'orga-

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nismes, de réglementations. perlllenent à des parasi­tes de tr:lfiquer hontcusemenl et de s'enrichir rapi­dement. Depuis t'avenemcnt du président Chadli lIendjedid. heureusement lout cet arsenal de régle­menta t ion~ a été simplifié. Depuis. les produits com­mencent fi ré:lpp;lTllÎtre Sur les mar<:hés. Motlheureu­sement les pr;'r. ne baissent pas.

INDUSTR IES ET SOCltTÉS NATIONA LES

Avant notre indépcooafl(:e, l'Algérie é tait en "oie de développement industriel. Çà ct là, une industrie. 5QUvcnt complément:,ire de celle de la Fr-Jncc, s'im­pbnt;Lit, particulièrement aulour des villes du lillo­raI. L'option du pouvoir ré\'olu tionnai re a donné la priori t~ il lïndustrialis.1tion au détriment de l'agricul­ture. Oan~ un premier temps. le gOU"crnement na tio­nalisa l'industric pril'ée exiSlante. Dans un dcuxieme temps, il implant:! un certain nombre d'unités indus­trielles dont deux ou trois dans le tcxtile.

None ancien ministre dc l'I ndustrie. M. Abdcsse­lam Bdlid, un pnysa n racé. prudent et lucide. a négocié adroitcment la récupération des hydrocarbu­res. Un excellent résultat pour lequel il doit être félicité. t-.his, pou~~é par le pouvoir personnel. il donn,. fi la Son:ttraeh les dimensions d'un État dans J'Ét ~l\. Celle socié té eOIll[lte ,; dlc scule plus de 70000 fonctionnaires. l'uis il multipl ia la création des sociétés bénéficiant du monopole de l'État. en sacrifiant le secteur privé dont t'apport étai t pourtant d'une grande utilité pour le p:tys.

Ces iooustries, confiées à des directeurs sans formation - ni technique, ni commercialc - , ont fonctionné à • tombeau OUI'Cr! _. Sans ra ide finan­cière de J'État elles seraient en f"itlite permanente. Chaque exercice accuse un déficit imprCS5Îonna.nt.

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Page 76: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Le tableau ci-dcs§Ou~ indique, en milliers de dinars, les déficiL~ pour I"~nnée 1976.

États lies défici15 de I"exercice 1916

ENTREPRISl:,S I NDUSTRIE

SONlTEX SONACOME SNel SNERI SONIPEC S NMC SONI\REM SNS SN MtTAL SNLO SNI\T

TOTAL

• 1 01\ : tnviron 1 F.

OtflCITS I\U 31.12.76

19 165000 0 1\ 6371 000 DA

10273 000 DA 3 SO I 000 DA

Il 720000 DA 72 7U 000 DA S6 824 000 0 1\

261800000 01\ 7 S41000 DA 8171000 DA

153000 DA

45& 235 000 DA

La Sonntrach, la S.N. Sempae, la Sonie, la Sonel­gOl, la Soged ia ct la Sonc1ee sont bénUieiaires. La S.N. Sempac tire ses bénéfices du fait que l'Ornce des eér~a les lu i eêde le blé à un prix inférieur:t u prix d'achat.

Le seu l complexe sidérurgique d'EI Hadj:H compte un déficit de 178000 000 de dinars, soi t 38 % de la loto. lité du déficit. QU3nt au déficit du groupe commercial de la S.N.S .. il est de 156 095 000 di· nars, soit 34 % du défieil 10131.

Dans les autres ministêres, les sociélé:; nationales Ile se portent guêrc:: mieux. Le ministère des Travaux publics ct de 13 Reconstruction 3 créé des sociêtés nalionales pour exécuter les travaUlI COfIfiés autre­(ois. par voie d'adjudication, aux entreprises prh·ées.

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Le ré~ultat de celte substilUtion CSt négatir. il sc traduit par des ehnrges nouvelles pour l'État: ct Ijuand il y a malfaçon, le rccours au ministëre CSt inopérant, puiSljue la responsabilité illCOmbc à une société nalionale Ijui appartient il l'Élat. C'est ainsi Ijuc les dcficits d'exploi lation s'accumulent , Le table3u ci-dessous chirrre ces déficits pour la même année 1976.

ENTREPRISES TR-IVAUX l'U81.JCS

CAOAT SONATIM SORECAL SORt:CSUD SOItECCOR CI,\ SONAGIITEIt SOt'lATtTE CHTP

OTI\L

I)(;.FICIT AU ll.I2.I976

7700000.\ 1) t98 000 01\ 2152000 DA

322000 DA )%8000 DA 2431 000 DA 5111tOOO DI\ 5932000 DA

t78000DA

loi 1aH 000 01\

Les sociétés nationales re levant du rninistêre du Commerce ne sont paS plus rentables. L~llr dcfieÏl s'e~plique difficilement puisqu'clles jouissent du Olonopolt d'importation et Ijlle Ics pri~ d'ach31 sont majorés il la "ente d:lOs bicn d.;s cas de plus de 300 'h, A la place de nos P.-D.G. • nationaux ~, n'importe quel commerçant gérerait micux les aUai· res ct obtien.drail une rc::nlabililc normale.

Même si tuation pour Ic tourisme d'É ta t : la Sona­tour a subi un déneit, pour l'ellercice 1976, de 2808000 dinars. La lare princip:!le de not re tou­risme réside dans 1., manière de rcce'·oir. Le gou\'er· l'Cment a rait un gros erron dans çc seclcur. il a beaucoup conslruit, le littoral a été modilié. r.13is lorsque le louriste arrive, il cst mal nourri: dans les

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ENTItEI'RISES ENTHEPHISf;S NATIONALES

ONAFEX ONACO OF" 0:-.11\8

DtrK1TS AU 31.12. 1<)16

3273000 DA 31&770000'\ 6.& 422 000 DA 97110000,0.

Il 3 283 000 OA

ehambres, l'hygiène CI le conFort sont à pcine passa­bles: le pcrsonnel manque de tenue, il est Froid el

boudeur comme un jour sans pain: les dislraetions sont nres.

Le Sud a él~ s:leriFié: peu d'hôtels sont équipés eonvenablemenl. Mais si nous voulons que l'étranger vienne ehu. nous sc dislraire, nous devons lui ré,~erve r un bon accueil ct lui préparer un environnement digne d'un grJnd pays.

Pour sorlir du sous-développement, la Formai ion de nos e~ld res condi tionne loul progrès réel. En nmlière d'induslriolis;!tion, par exemple, le syslème de • l'usine clef en main", Fabriquée à rélranger, instal­lée par des élrangel"l5, fonctionnant sous 13 surveil­lance de respon.\;lbles étrangers, pronle surtout aux étrangers. Nous devons procéder ao trement.

Au Japon ct en Chine, 1ïndus1ri~11Îs;!tion a été précédée pM la rormation des techniciens. Par e:tem­l'le, aprb leurs études, les in~énieurs japonais élaient envoyés en Europe ou aUI EI'lIs·Unis œmme simples mal"lO:uvrcs. U, ils gravis.'l.:tient tous Id échelons depuis celui d'ouvrier spéci .. li~ jusqu'à celui de directeur d'usine. Cc SOnt des hommes de cette trempe qui ont bâti le Japon moderne. Fail de leur pays la troisième pui."-1ncc du monde, CI qUÎ

''''

sonl en train d'aider la Chine nouvelle il devenir une grande puiss.1nee.

C'est une crreur de croire que le scul mot de • socialisnte. garantira 13 réussite, Elle sc prépare avec la partieipalion de toutes lcs couches sociales, dans l'enthousiasme. Une option n'cst "alable que si clic lraduil les aspirations prorondes Ct légitimes des masses Ct qu'elle provoque leur adhésion. Il esl incontestable que le pouvoir a fail de belles choses. Mais cn agissanl sou\·crainement. en reFusant la critique CI le controle d'assemblées élues librement par le peuple, il s'cst coupé dcs mas.~ ct s'cst transrormé en pou\"oir • discrétionnaire _, Il Fail cc qu'il \'eui ct uti lise n'importe qui pour ra ire n'importe quoi. Aucun critère dans le choix des hommes. D'où la valse des P.-D.G. CI celle des milliards!...

On cannait le mot de Figaro : • On cherchai t un çalcul:lteur, cc fut un danseur qui l'obtint .• l.es postes de responsabililé sont allribués à des amis, ~ des parents. Le népolisme eSI pratiqué parlOul. Et quand, par hasard, une entreprise CSI confiée à un dirigcanl déterminé il en assurer la bonne gestion cl la renlabilité, il est vÎle rempl~eë . La règle est de gaspi ller h:.~ deniers publics. Et plus on gaspille . mieux on eSI considéré.

l.a renlabilit~ des im'estissemenls est ignorée. Elle de~rait c:lre une règle inviolable. L'Algérie produc­tive sc doit de travailler pour l'Algérie pauvre. Une politique de vases œmmunieants doil pouvoir ni"eler les inégalitcs socialcs. le luxe affiché p;lr cerlains, çà CI I~, est une offense à la misère dc..~ aUlres. l es œntrastes sonl déprimants pour ne p,as di re scanda­leul.

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LES FI NANCES

Les lina nces de l'Algérie reni:tent la mauvaise ges tion des entre prises nationalisées. Nou~ Yiyon~ un perpétuel d':séqui tibre linancie r. Après la guerre du Kippour, ou celle du Ramadan, qui a provoq ué la hausse du pétrole, beaucoup de gens ont cru 3. un enric hissement inespéré des pays producteurs. Ce fut un simplc mirage.

Un journali ste, ayant pose la question 3 nOtre ministre des Finances, reçut la r':ponso: suivante:

La crise du pétrole, cootmin:rncnt il cc qu'un l'Jin peuple pense, n'cst pas unc bonnc aITaire pour rAlgé. ric. A,·et l"in03 tion. le jeune 1!131 avail d ~jà perdu 3U

début de celle ~ n~e le tiers du triplement de recelles obtc nu en 197)·1974 à la fa"cur de la tucrl"<! du Kippour. 'Alors que tes rccellcs ~trolihes plafonnent ceue ann« en vakur nominak, poursuit Smaï! Mab,out, on ne peut enmyer la montée des impo r1~t ions. Elles augmentent, du fa it mcme de la croissance en bouk de neige, I(.~ besoins induits par l'investi§scmenl. qu' il s'lIgi= de ciment, de coton ou de produits sidérurgi· ques. Le prollr~s des investi=mcnls en tmine. d'autre part, Ulle amélior.l1ion du pouvoir d'achat et une demande Jccrue des biens de (Onsommation, qui ne peut être en(()fe couverte par la production nationale. la p'lft;.eipation aetrue de l'Algérie au commerce intcrnational se produit dans une eonjonelure Irès défavor:tble. Résultat : en 1975, l'Algfric eonnaitra Ic plus grand d~ rK"il commercial de $3 jeune hi>loirc (5,4 milliards de franc.) ct redevient un pays emprunteur . • Nous auroM besoin celle année, dit le ,rand argentier algérien, de deu~ milliards de dollars qu'il faudra (Ouv,it par un appel plus s)"Slématiquc aux crédits fourni~urs ("oil:"l nos uportateu rs prévcnus !), p:lr des empru nts, su r le

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marché arabe des c~pitau 1 , CI par des eO!1tf~ts inte r· guu"e,nemcnI3U~ , • • Nous s.,,·ons bicn, dit enCOre Smail M~hroug, que noIre crédit est fait de noI re gestion, Nous a"ons donné du mou aux ent reprises l'an dernier. dans Il période d'euphorie. Celle année nou~ r~~errons les écrous. nous nous occupons de la produc(i";I~ des enlfcpriK>', .

l.a produc l ion des entreprises prh'ées qu i jouait, ju~qu'i<.:i. le rôle de SQupape de sûrcté, corrigeant les défaillances dc.~ secteurs nJlion~ l isés, est menacée par rattÎtlllle démagogique de cert a ins responsables s)'ndic:lu~ qui ignorcnt rintérê l généra l.

I.c code du tmv~iI dc rAlg~r ie est dest iné il mobil iser les ma$.'lCS laborieuses en "ei llant sur leurs inl': rêts, l' lais ce llc bonne loi, capa bic de régler les conOils sociaux, rc.~' e lell re morte, p.:a r mauyaisc roi délibtrce, ou pM calcul inavouê. Oans les entreprises et mêmc dans cerlaines fcrme~ aUlogérées, les ouvriers se mettent en grève s.1ns raison. Ils a TTelenl le Ir.lvail sans préavis ct S:ln.~ rormuler de revendica· lions. Ni l'inspecteur du t r.jyai!. ni le syndica t, ni l'administ ration ne sonl averlis; d'où une perle sèche de la production.

Ccst Ic ré.~u ll :ll d'ulle conlradic tion dans r :ollÎlude des pouvoirs publics: ils poussent l'ouvrier:\ reven, diqucr CI il ne ri en faire, ct en même lemps dcman· dent il la dircClion de t'en treprise dc produire d~yan· tage, La situa t ion anarchique q ui çn résulte freine le lravail. L'Algé rie tral'~ilte peu. I.c tr.lY:LÎI eSI del'enu une t~lTe, 1:0 spécubtion ct Ics détournements Ilnç vertu. PJr manquç do.: conscience profc~ionnel1e la terre rCStç en friche , les u~incs tournent au r:llcn ti. L'Alr,érie prosperc s'~loir,ne , engloutie pa r un ch3n· r,emcnt précipité ct para lysan t.

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&$ rl'mi-d~$ plU$ nuisibl~s qu~ I~ mol

Pour arrê ter J'hémorragie fin:lnti~re, combler le nmnque 11 gagner ct ~quil i brer le budgel. faire face 11 ln pénu rie, le • pouvoir rc,'olu tionnai rc. sc tourne vers quat re sources d'éeOll(Hllie ct de profi t : l'austé­rité, la fiscalité, les hydrocarbures, les emprunts interna tionaux.

L'Étnt rai t dcs économies en réduisant au mini­mum IC$ d~penses, Le blocage des t rai temcnl~ ct des salaires sc tradui t ici p:lr le mOl austérité. Mais, comme je l'ai déjà dit, celte austérité ne frappe pas tout le monde, Magistrats. enseignants, polieicrs, au togest ionnaires. tous cc:: ux qui poflent lç poids des services publics perçoivent des trai temenl anor­maux,

L'État algf rien est le plus mauvais des pal rons. Tandis qu' il dépense sans compter pour sa politique de prestige, nos fonctionnaires ne savenl pas com­ment termincr leur fin de mois. C'est une absurdi té. Lorsque le fonctionnaire est seul li f!lire des sacrifi· cc::s, lorsqu'i l est témoin du gaspill!lge et des dépenses inut iles, son civisme se transforme en amertume. Certains journalis tes parlent d~jà de prévaricat ion ct de bakchich. de corruption en Algérie. Qui pourra it s'en étonner lorsque le trnitement ne suffît pas à assurer le pain :1UX enfa nts?

Présomptueux, l'É tat socialiste se glorifie d'a\'oir lUé le eaïdat ct le khamma5§!l t. La vérité est que tous les fonctionnaires sont soumis au régime du kham­mass:u. Depuis le haut fonc tionnai re, le hnu t magis­tra t, J'enseignant. l'employé jusqu'à l'ouvrier agrico­le, tout un chacun es t exploité au maximum, SlIns contrepa rt ie. Quant au caïdal. il neurit 11 tous les échelons. Si le ei loyen ne met pas la m:lin à la poche, quand il doit demander quelque chose, les portes de l'administra tion sc ferment dcvant lui.

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Le n13uvais $31:li re fai t le m!luvais fonetioona ire . L'indignité. telle une maladie: honteusc. ronge l'Alg'':· rie libre. L!I lisea l it~, a,·eugle. s,1Uyage, a ltucint 13 cote d'ale rte. Le taux d'imposition va jusqu'à 70 à 80 % du revenu imposable. Beaucoup ont cc.<;sc leur activité, fermé leurs commerces ou Icurs enlreprises. Les cultures familiales, l'arti$3nal sont moribonds. Notre p<:uple ab.:lndonne son esprit d';niti:l t;\'e pour se convertir en fonctionnaire. CeUe reeon\'crsion correspond aux vues du poU\'oi r révolutionnaire. elle e~ t pour lui un moyen sûr d'exerecr, sur le pays, une pression économique ct polidère ct de tenir en laisse l'ensemble de la population. Le y(J:u du pou\'oir est que ch.aque citoyen soi t, pour vivre, tributai re de l'Eta t.

Les richesses du sous·sol saharien constituent r uni­que chance de l'Algérie. Grâce à la commereialis.1· tion des h)'drocarburcs, l'Algérie parvient :"\ ~qui!i­

brer son budget. ~his le pétrole cl le gaz ne sont pas des denr":es reoouvelables. ct on peut soit les écono­miser pour couvrir les besoins énergétiques de noIre fut ure industrialisation, soi t vendre plus pour. dans J'immédia t, donner la priorité à l' indust rialisation ct aux produits de consommation $3ns trop s'émouvoir de cc qu'il adviendra lorsque nos usines seron! il meme de tourner.

Le gouvernement algérien a choisi eeUe deuxième solution. Ainsi l'Algérie de 1975 es t devenue l'auxi· liaire du C'Jpil~lisme inlernationaL Non seulement elle vise 11 s,1 lis faire les besoins énergétiques des nations industrielles mais elle va jusqu':) finnncer, elle·mème. les investissements nécc!'S.:lires à cette opération. Nos réserves en hydrocarbures ne dureront pas indéfiniment. Dans une Ircntaine d'années, lorsque l'Algérie posséder~ son industrie, il nous faudra acheter ailleul"$ les sourec.~ d'énergie que

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nous ne possédcron~ plus. Les p~rcnls ;wrnm mangé le raisin VC rt ct ~ enfants auronl mal au,\ dents.

l 'Algérie:l peu travaillé ct beaucoup emprunté. NOHe dClle: ex térieure ~sl Cil cuntinue lle augmenta_ l ion. Nous hypothéquons l'aveni r de nos enfants. En 1978 celle dcHe extérieu re é tail ùe l'ordre de 20 mil­lia rds de doUMS CI Il milliards • décais..~ ", w il un 101al de 14 milliHds de rranc.~. La moitié de cc~ 20 milli:uds est duc ;i des banques C'Xlérieures: 3 milliards à des pays é trangers, 5 millia rds 600 mil. lions :HU fourn isseurs.. La deite représente 40 % du revenu national alj:éricn '.

Pour un jeune Étal c'est beaucoup ifOp! Nos di rigea nts onl opté pour le capitalisme d' ËIOlI.

Nous Qui llons les ril'cs de noIre cilé musulm;mc poor nous aventurer sur des rivages inconnus. Une poignée de crypl<rcommunls tcs nous y condui l. Elle lenle de grerrer le c<tur de Lénine sur le corp~ du k h~lîfc Omar. Dans son aveuglement, cUe ne pcrç<lit pas les phénomènes de reje t ct la fièvre mortelle à luquclle elle nOU$ expo5C. Mais notre social isme n'csi pas du socialisme. C'es t un simple: capilali.fllll' d·trar. d'au. tan t plu.\ indficacc CI anarchique qu'il échappe au cont rôle du peuple.

ARRt:TF.R LA OI1MOGRAI·I1IF. GALOPANTE

L'on di l nOi re pays mieux loti que bc:lUCOUp d'au tres du tiers monde. Mais . aussi r~\'orisé qu'il soi t par la na lure - je ne p.1r le p:ls des hommes, hél:ls! - , il ne ~ède que des ressources lill1 it~cs. C'est pourq uoi la démogJ;Jphie algérienne doil êlre

}. R.pporl 3nnue! de la f13nquc mol\dialc.

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s.3gcment planifiée. II esl du devoir de tout dirigeant d'êlre conscient de celle vêrité.

L'emballement de notre l:lux d'accroisscment démogT3phique depuis l'indépendance - 3,8 % -re préscnle un dange r drT3yant pour notre pays. II annihi le aussi tôt tout errort de développemcnt, car il est l'un des plus forlS au monde, Toutes les réalisa, tions soci~conomiqucs ou cult urelles, tous Ics saeri, lic.:.~ consenti s pour l'éducat ion, aussi gigantCliqucs soient,ils, se ront dépassés si eeHe démographie débri­dée continue à submerger le pays.

Je n'ai pas été surpris de voir dcs homrne~ inslal­lés au pou~oÎ r, p." simple ambit ion, oublier de poser le problème démographique. Depuis l'indé­pendance, nous avons perdu de tr~ précieuses années. dc manière irrép:tr.lble. Les 3nnëe.i soixante furent en cc domaine celles de l'inconscience et du chlorofOllne. Lcs annêe5 soix:t.n te-<lix , celles de la ruite en avanl. à la suile d 'une percept ion encore confuse d'un danger déjà pré,~enl. Les années qua­Ire-vingt, ce lles de l'angoisse de ... nl un problème devenu aveug13nt CI aujourd'hui presque insolub!e_ Car même sÎ on définit maintenant une politique de compres.~ioll démographique ct qu 'e lle e.~t appli· quee, il raudT:1 plusieur:s genérations pour modifier la tendance. Et pend:wt cc temps, liI, la surchauffe du 13U:\ de erois.sarw:c démogrnrhique cont inuern $CS ravagl:S.

La presse m'appprend que le président C hadli se préoccupe sérieusement de ce prob!ème. Dieu fnsse qu'i l puisse rep:lrer ce qui pa T3Ît i1éjà irrépaT3ble, car l'hérilage est sur ce poinl, comme pour tant d'autres, Ifts lourd ...

On affirme habituellement que l 'e~amen de cc problème nous introduit dans un cercle vicieux, d'où les pièges poli tiques ne sont pas abscnt~. J'en sui~ conscient el je sais que l'Occident a perdu peu à

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peu le sens des valeurs humaines pour le prix de 50n matéri~liSl11e, et que, repu, il trou'"e à bon compte dans 13 surpopul3t ion du tiers monde les causes de 13 faim et de b malnutrition: misère CI faim tlisp;.raÎtraienl de nos pays si nous pr"li­quions le nllllhusian;snle démographique comme nous le conseille p;!ternellcmenl nos • am,s ~ d'Ocdtlent,

,\u conlraire la cause fondament,,1e de la démo­graphie gllopanle CSI el reSle le sous-développement, il n'y a poinl d'luire \'érité, Noussommcs proliriques j parce que nous sommcs sous-dé\'ek>ppës el non pas sous-dÇveloppés parce que proliriqucs,

En 1975, â une conférence de rO,N,U, sur la populltÎOn, le délégué du Vatican rappelai!, en

\

m~surant ses paroles, que les • problèmes démogrn, ph'qucs du monde sont davanlagc dus à réguïsme dcs riches qu'à la fécondité des pauvrcs _. Certes le sous-développetncntlllimente la surpopulat ion. Toute poli tique de • dégraiss:lge. démographique suppose un nive:l U culturel, économique, social. poli tique el mental surtisa nt pour qu'clic soit comprise, acceptée ct appliquée correctement ct s.1ns traumatiser les c,royance." Or il ne peut exister que dans un pays IIbbé d'une surpopulation démentielle. Voil:i le cer, cie videux: pour se développer, il f3ut maîtriser la pression démogrnphique, el pour la vaincre il faut euc déjà développé.

L'Algérie n'cst pas le pays des mullitudcs innom­brablC5 ct faméliques d'Asie. Par r.lpporl au tiers monde, eUe est en assez bonne position ëconomique, malgré rexploil:lIion coloniale et ses éehcçs depuis l'indépendance, IX cc point de vue, on peut artirmer qu~ rAlgêrie cst très proche non seulement géogrn­ph.quement mais même économiquement des foyers de dévelOflpcmenl européeos. De ce fai l, elle n'cst p;ts irrêmédiablement eadenassêe dans le cerele

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vicieu~ que je viens de décrire. En d'au tres termC5, je crois mon pays capable, dans ses Slruclurcs sociocul­turelles aussi bicn que dans la mentalite de ses cito)'ens. d'affronter, les )'eux ouverts, le grave pro­blhte démograflhique,

Quel est donc l'obstacle? On laisse dire que c'cst I"islanl. Voilà une infamie de plus conlre unc religion de tolêr .. nce et de progrès humain. L'isfalll . • Ia s.oumission à Dieu., rel igion de liberté, n'a jamais signifit I1s/isfam, e'cst,à-dire la eapitulalion cl la rtsignat ion, Le Cornn ne prescrit pas de faire des 1 cnfantS sans se prêoecupcr des condilions d'existence qu'on esl en devoir tic leur assurer. Jadis, on prêscn­la it complaisamment le musulman comme ligolt par le fatal isme.

fi, qui voudra-t-on faire croire qu'cntre une famille de huit enfants sans Mueation, sans logement décent Ct 5.1ns 3venir et une autre de trois enra!lts, mieux nourris ct mieux éduqués, l'islam prHé­rtrait la première et nous l'offrira;t comme modèle?

Il ne s'agit P.1S, bien sii r, de prescrire un contrôle des naiSSllnces et un planning familia l qui en vicn­draient il légitimer les interruptions de grossesse -e'cst-à-dire des meurtres organisés. Il faut nu con· Imire respecte r la vic donnée p.1r Dieu, en lui 8amntissant tes conditions matérielles ct morales pour son dêvcloppement et son plein épanoui~mcnt. On doit préconiser un êehclonncment des natSSllnCcs, Icur espacement planifié dans chaque foyer en fone· lion des moyens de chacun, de manière à briser la spimle inrernnle de la démographie galopanle ct de la course pour le bien-<:\Te moral ct malêrieL Dans les. condilions aetucl1C$, le bicn-<:trc relatif ne peut mllraper la procréalion débridée Cl nous apercerons le ..tsullal attrislant de celle course déscspérêe, a~ee le délabrement physique CI mor .. 1 du pa)'S, le dë:sor-

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drc matérialisle, le dérèglement de toutc une soç;été qui se clochardise.

Aux premicrs temps de risbm, un compagnon demanda au Prophète s'i l était n~cessaire, pour sa sicur;té, d'anaeher 53 chamelle pour la nui t, ou de la recommander simplement il Dieu. Le l'rophète répondit: • Allaehe-Ia ct puis recommande·la à Dieu .• Le père de famille qui veut avoi r des enfa nts doit d·abord prévoir les moyens d'assurer leur sécu­rité ct ensu ite les recommande r à Dieu. Telle est I::! morale de l'islam.

L'EDUCATION NATIONALE

Le problème est d'un autre ordre. Le pouvoir a réalisé li\. un enfort très louable, et fait une grnnde promesse au pays - 5COiariser tous les enfanl~. II a donné au peuple le goiit de l'instruction. Mais dans \ un pays à la démogrnphie galopanle, l'orrre res te en deçà de la demande, dans cc domaine comme dans tan1 d'autres.

A la renlrée scolaire de 1974, dans la seule ville d'Alger, on a dû faire face li 600 000 nouvelles inscriptions. Or aucune classe primaire n'a été cons­truite. D'où le système illusoire de la double vacat ion (deuil. heures de classc le malin, deuil. hcures l'après­midi) ct dans cenains quartiers, li forte densité 5COlaire, la triple vacation. D'où les hornires ineom· patibles a\"Ce un bon équilibre de r enfant cl une saine pêdagogie.

Le retard dans la construction scolaire. toujours pour la wilaya d'Alger, est considérnble. Pour rensei­gnement primaire, il es t de 978 c l;lssc.~ ct de 29 1 lo­gements, sur 1 952 classes CI 614 logements prévus dans le programme. Dans l'enseignement moyen, aucun C.E.M. nouveau n·a êté construit depuis

Q60)

1" • • \I!~e scolaire 1971- 1972. Dans renseignement \!Itldaire. sur trois lycées inscrits au premier Plan

'1II ,ldl ienna1. deuil. seulement o~t reçu un commencc· lU~nl d'ell.écution. La supprcss.on des écoles matcri Mlles CI des garderics d'enran ts li aggf'd\'é 1" situai Il,,n

QUllnt il la qualité de l'enseignement. le. bo~ In"ituteur d'autrefois s'est vu remplacé par un Inst,­tuteur. un moni teu r ou un instructeur d'un nivcau Inférieur. La form,lIion péd:lgogique des uns ct des lutrcs es t nellemcnt insuffisante. Oc plus, les classes IOnt surchargées, avec 45 ou 50 élèves .. ct. même doYan tage. D'autre pari. la double Vllcallon Impose 'Ull. mai lres un supplément d'effort, ct les êlèves, eull. , passcnt beaucoup de leur temps'" courir de la maison a. l'école ct viee vers.1.

A.·cc de telles conditions de travai l. il n·est pas possible de faire mieux ct les résuhats de ~n d'~nnée ne pc:u\"ent ètre que dc«vants. Pour 1 entree en sixième ( ' ''année moyenne), les résultaiS furent pour 1975.1976 de 20440 admis sur 49 JJ2 inscrits. mal· gré le faible niveau des épreu'·cs. Le no":,bre d~~ non.admis augmente d·annce en :Innée. Ces Jeunes: a cause de leur âge. ne sont recrutés nulle part. ds envahissent les c.~3Iie rs d'immeubles. les places publiques, les rues, endroits des plus naei.fs.

Dans les I)'cécs, le passage d3.ns le deu~,èmc cyc1~ pose des problèmes plus complexes. OHie,el1en~e~t. ,1 se rai t d.1ns les conditions suivantes: 30 % des ele \'cs, les meilleurs. sont admis il passer en seconde ~ur décision du conseil de clllSSC. Les llutres sont admiS il passer selon le ni\·eau scol:li re . selon l'âge et surtout selon le nombre de places disponibles, ou redoublent. Lcs non.admis sont orientés vcrs la formation profes. sionnelle. quand elle e~iste, mais la à 20 % sont rendus il leurs parents.

Qui s·étonncrll alors de les retTOuver sur les bancs

" Q ,

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des trib u nau~ correctionnels? Dans le journal El Moudjohid, on relève des chiffrcs rél'é latcurs, dans la rubrique. police. ;

- Le 15- 16 septembre 1914, sur 56 délits. 31 sont commis par des jeunes de moins de 22 ans.

- Le ().7 oc tobre, sur 35 déli ts. 20 >o nt impUlés 11 dc.i jeunes de tout âge.

- Le 15 octobre 1974, sur 42 déli ts, 18 sont l'O:uYre de eeue même jeunesse.

Bien entendu, El MOIli/jI/Md ne peut pas tout dire. Il est 13 pour na 11er le régi me. non pour le critiquer ct dire la véri té. Le rassemblement de ces jeunes. leur l désœuvrement ct le chômage oonstituent un grave d~lOgcr; la délinquance pour aujou rd'hu i ct le crime pour demain.

Si le gouvernement savai t compter ct s'il n'avai t pas donné à son • socialisme .. un caraelhe dognml i· que ct autoritaire. les sommes jc téc~ par les fenclres, en faveur d'une :lgrieuhure qui se refus~ it â jouer le jeu ct pour faire face au tmin de vic fastueu~ de l' tl~'' , aumient élé mieux employéOll dans les cons· truetions scolaires et dans l'ouverture des canlines que la ~i t uation précaire de nos populations rend si n~cessaires. Ces sommes gaspillées à tort ct à tr~v<!l"S pouvaient être util isëes au profi t de not re enfance ct de notre équipement.

UNE INFORMATION OR II!NTËF..

L'information objective a élë remplaeëe par les slogans ct par une propag3nde mensongère. Le peu·

1 pIc est laissé dans l'ignorance la plus compl~te dcs é~nements, de leurs causes, de leurs répercussions. Les échecs sont présenlés oomme dcs réussitcs, la presse ne sai t que vanter des succès îmaginairc:i!. l'our notre gouvernement lout CSt pour le micu~ dans le

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UlCllteur des mondes jusqu'au jour OÛ un él'énemcnt dnwmtique vient tou t démentir . Pourquoi I~umc' dleue a· t·iI détrôné Den Iklla? Pourquoi l'a-t-il tenu cmpri:sonn-é? Nous ne le sa\'on5 pas ct nous ne le .allrons jamais. Les dessous de l'affaire sont restés dpns l'ombre et ln vérité d~lns le puits. Pourquoi, 11 IOn tour, Je colonel Zbiri c.~ t·i l entré en connit avec Houmcdiene? L'opinion publique sc contente d'écha­fauder des hypothèses sans poul'oir donner a ll ~ fnits leur signification réclle. Qui a assassiné Khidcr 11 Mndrid? J>ourquoi notre gouverncmenL n·a· t-il pas e\ig.!; du goul'ernemcnl espaSnoltoute la lumière sur cc crime? Qui 3. tué Krim Iklkaeem il Fmncrort ? Aulant de questions qui restent sans réponse.

Ahmed Medegh ri, ancien ministre, s'cst • suici· dé •. Qui a pous.~ cc jeune rllinistrc, dyn~mique ct Irn .... Jilleur. :1 mettre fin il ses jours? Il venait de rccc"oir M. Poniato .... ski, ministre de l'Intérieur du gouvernement français. Rien ne laissait présager sa fin prochaine. nous restons en plein mystère. Kaïd Ahmcd a ét.!;, dans rë tat-major de l'A.L.N .. le bros droit de Boumediene, durant la guerre de li!x: r:uiOl1, son ministre des Fin:lnces durant plusieurs années et le responsable de l'appareil du Parti. II a été présent le jour du coup d'Etat du 19juin 1965. Quelles r:aisons l'ont poussé :i aoondonner son poste ct 11 sc réfugier il l'étrnnger? Pourquoi un autre homme de confiance du chef du gouvernement , Cherif Uelka­CCIII, a-t·iI • démissionné. de son poste ministériel? Le peuple a droi t 11 la ,-ëri té. L"inrornl:ltion pcrmel la IXInnai5S3nce. Un peuple mal. ou pas du 101lt. infor· mé, dans un pays soumi ~ :IU parti uniljue CI il la censure. s'enferme daM un cercle de eonlrcv~ r i l és gro»ières ct fi"it par admettre l'inadmissible_ On est en droil de sc demander si .• au concept colonial. nourri de mensonges. ne s'est pas substitué un concept plus prodigue de contrevérités.

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A deux reprises, depuis nOtre indépendancc, nous sommcs enlré~ en eonnit ;l\'ec un pays frère. Nos cnfants meurent. dans un tcrritoire lointain. s:rns \lue nous sachions eucterllc nt les causcs de ce drame. Rien n'est plus nmigeant qu' une guerre frat ricide. Pourquoi et il quelle fin celle guerre a·t-elle été d~crenetu;e? Elle a eoût~ S millbrds par jour à l'Algérie.

Le (lOuvoi r autoritaire dialogue avec lui·même. D~ns les réunions que le ellef du gouvernement tient avec ses ministres, la déli bération se réduit au monologue. rI n'est permis à personne, il aucun minist re . dïnterrogcr et encore moins de formuler des çritiques, l:J. règle cst d'approuver,

LA J USTtCE

La justice est un f:u::teur prioritaire de l'équilibre psychologique des peuples, Au lendemain de Jïndé· pcndance, grJcc au volontariat des avocats ct de nombreux autres auxiliai res de la justice. I"adminis· trJtion judiciaire a pu fonctionner d'une manière satisfais.,nte,

Depuis 1966, l'organisation judiciaire a été copiée su r l'organisa tion administrat ive. Il a été crié IScours d'appel ct, depuis 1974, une trentaine d'au­tres cours, Le nombre des jurid ictions ne cesse de croitre sans nécessité, alors \lue lçurs açlivi tés ne cessent de diminuer comme l'a reconnu le min is tre de la Justice dans son discours d'ouverture de l'année judiçiaire 1976- 1977, Cette si tualion parJdoxale abouti t il un véritable gaspillage de deniers publics ct de cadres,

Le prétexte pour justi fier ce dél'cloppement de l'appareil judiciaire est le dési r de rapprocher la justice du justiciable, Cet objectif n'a pas été ath;int,

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Fn modifinnt la competence territoriale des tribu· Il:IUX, on est ané i, rencontre du résultat recherçhé. Ainsi les justiciables de Tabl~, t , par excmple, qui sc rendaient il Blida ou il Alger, sont obliges dçwrmais de comparaître devant le tribunal de ~1édéa, l~lIeunc route directe nc les relie li cc dld-heu de l'ilia)';" ,

l.c~ greffïcrs, devenus des fonctionnaires, ne ,déh. vn:nt qu'au comptc·g()tJlI~ Ic~ doçumenlS ct ptèc~s demandés, les huissiers. supprimes, ont étc remplaces po,r des agents du greffe, Il en résuhc que , les décisioM de justice ne sont que rarement exeeu· t ~es, ,

La na tionalis:.tion des études notari:des ne s'exph­que pas davantage, Elle a cntrain~ le départ du personnel compétent ct la fe r nlc t~rc de nombre,uses études. Elle a paraly5<Ï les transaC\LOI1§ ct le tr~vad ~u noiaire, Les eito)'ens, ne p:,T\'en:,nt plus a fa,rc dresso;r leurs cont rats, préfèrent établi r des actes sous seing pril'é, ;,1,1 détriment du Trésor, ~vant l:l, r,Uor. me, I\;s droi ts cl taxes s'élevaient il plUSIeurs milliards d'anciens fmncs, A celle perte, il faut aP.-ttcr les dépenses de fonctionnement auxquelles l'Etat est désormais assujetti.

Dans son ensemble, le personnel judiciaire, mal rémunéré, se ra réfie. Les nouveaux lice nc iés en droi t préfèrent trayai ller dans les sociétés natio~~lcs plu l ô~ que de deyeni r des magistrats, Quanl a, ceux qUI cntrent dans la magistrature. un certain nombre d'entre CUl( succomb~ fi lu corru ptiOn ou au déeouT;!­gemenl. Leur situation n~~Ie n'est guère plus br!l. lante. Les nominations el l'avalK:emenl des mag.s· trats sont fonction non point de la valeur profes.~ion­nelle, mais de leur doçilité ou des appuis dont ils peuvent bénéfiçjer auprès de personnalit6i ciyiles ou tnilitair~s. Lc.~ décisions de justice, elles, sont rendues souvent sur instruction du ministhe de la Justice ou sur intervention. La Chancellerie dispose, d'après la

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loi. des magistralS du parquet. Mais, en plus, elle a dépouillé les magis trn ts du siège ct de lïnstruction, de leurs a tt ributions régala, en les soumettant à diverses pressions.

Les d roi ts de la défense ne sont pas mieux trait é.~. r ar une ordonnance du 26 septembre 1975. le minis­tre de la Justice mi t Je barrea u sous 5.1 tutelle. L'avOC':11 ne peut plus dénoncer I c.~ abus. la viola. tions de la loi ct les scandales.

Ainsi le droit de la défense. un droit rond~mental de l'homme, .se trouve pratiquement supprimé en Algérie.

IIORA IRES DE TRAVA IL ET REPOS HEBDOMADAIRE

L~ changement du jour de repos hebdomadaire, celUI des hornires de travail rclel'ent de la même elllral'agarw:e que la supprcs.siOll dC$ hallcs centralc:s. Chacun sait qu'en p,a)'$ musulman. la journée 5C pa.~ au ry~hme dc:s cinq prières; li l'aube (fadjr). au mi lieu du JOu r (dohr). au déclin du soleil (asr). au coucher du soleil (moghreb). ii ln nuit tombée ficha).

Lorsqu'on avance l'heu re de deux heures sur l' heure G.M.T .• COmme cela a été rait. la prière de /2 h tombe fi 14 h 30, au moment où les eroyanLS som à. ~ur travail. De même. en temps normal, la de rn ière pnère de la journée sc fait â 20 h 30 environ. AI'cc le e,hang~men t d'horaire , il faut a ttendre 22 h 30 pour 5 acqUitte r de son obligation. D'où l'impossibilité de dormi r avant 23 h pou r les vieillards c t les ouvriers. Cc q ui es t ca tastrophique, surtout pour ceux qui doivent 5e lever tôt pour reprendre le travai l. Avancer l'heure ne repose sur aucun impératir. Nous sommes au p:l)'$ du soleil ct de la lumiere . Nous n'avons aucune économie d 'éclairage à raire. A vec ce cha n.

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Bemem d'horn ire on a voulu simplement ct bêtement • s inger. l'Europe $ans raison e t sans avantage.

En revanche. BourJH:diene a voulu sc singulariser de l'Europe pour le repos hebdomadaire. Celui-ci n'a pas élé prtvu p~r l'i slam. Dieu n'a pa~ créé le monde en six ;O UI"5 pour sc repose r le septième. La notion de reF et du temps n'existent pas l o~qu'il s'agil de l'Etre é ternel. Le vendredi . jour de prière en com­mun, est un jour comme les autrc:s. Il est dit dans le Coran :

o croyants! Quand CSI fait rappel ~ l'oniee du jour de vend redi, nlors prcsscl·VQIJ5:i l'appel dc I)ieu el 13isscz 10111 négoce. C'est mieux polir vous. si vous Soa l·ez..

Puis. quand l'office est achevé. 3101"5 t1i sperg7.-\"llus sur lerre CI travaill ez à gagner les biens malëriels que Dieu donne par s.a gr.ice CI rappelez·vous Dieu SOIIven\. Pcut"':lre r~u!lSire7.·vous ' .

De cc l'erse l, il risulte que le$ musulmans trava il­len t le vendredi il l'exception de l'heure consacrée à la priè re. Ce n'est donc pas un jour fé rié. Le repos hebdomadaire fixé au dimanche a ses :w~ntages. II permet au père de famille de consacrer cc jour·là aux siens, sans pour cela sacrifier le jour de pri~re en commun. Et comme nous sommes J'. Occident .. du monde musulman CI que nos rclations avec J'Europe: sont u C$ importan tes.. nous 3,'on5 cinq jours de la semaine:i eons:aerer à ces rda tions., alors qu'en fixant au jeudi el au vendredi le repos hebdomadaire, il ne res te que trois jours francs. le lundi, le mardi ct le mer­credi. pour les échanges avec le monde européen.

Cc changemcnt relè,'c de la plus haute fantaisie ct de la plus vu lgai re démagogie. C'est une . imbécill i­té. qui s'ajoute à tan t d'autres. commises par le pouvoir personnel.

4. 1..c Conon. _"'le 62 . • le ~ndro:di., v. ' ·to.

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L,\ MEDECINE GRATUIT~

Celle mesure démagogique et ooüteus.: a ':: t': mise en pratique, il y a quclquc.~ ann~es, avec 1<1 même improvisatÎOll que la rcvohHÎon aSr:li re, Nou\'dle décision i rr~néehîe, elle n'apporle aucune solu tion mtionnelle au problème posé et coûte cher au p:I)'S, sans profit pour pcrson/lC.l'itléc est certes s'::néreuse Ct d'une gr:lnde portée sociale. Mais dans co;; domaine CI: n'cst pas de générosité qu'il s'agit, mais de soins à donner aux malades dan~ les meilleures conditions possibles.

la m';decinc gmtuite est conditionnée p.:1r trois facteurs: le mal:ldc, le médecin O;;t l'hôpital. le malade doit el re discipliné CI éduqué. II ne doit p<lS surtout pas êue un malade im:,gin:cire qu i vient encombrer les s.1Ih:,~ de consultations pour le plaisi r dc se faire c~aminer, de sc f;l;re délivrer une ordon. nanee cl de repartir :lVcç tics médicarnCI1IS Qu'il n'utiliser:! peul..ctrc p;IS. Cc phél'lOllI\:ne est observe quotitlienncnlent à l'hôpital Mustapha comme dans tous les hôpitaux gr;ands ou petits du p:lys.

L'édue:uion du public doit être entreprise à paniT de J'école pour !'enfant, ct lIU moyen des mllss nledill pour les adultes. Celle éducation aurait tic; preceder ra misc en appliclilion tic 1:\ métleeine gratuile. I.c m;ltade surtout <lur:li l dc; posséder la • e:lTle mêdicll' le· pour l'empêcher tic faire le tnur dc_~ médecins et des hôpi laux, p.:1r fois pour échapper à ~ tr:lVllÎl ,

Celle métlecine requiert un grand nombre de médecins, EUe esl pra!i(ju~e dans 1e.~ h6pilaux où le nombre dc m31;ld~ hlt'pitalisés cst crf,..,.yanl, et dans les J'IIlI)'c1iniques où les cOI1~Uh:llIlS se bouscolent. A"cç 1;, mCdcçinc gratoile, ces hôpitaux sc sont transfnrmés cn • foire;<;. à malades. Dans ccr!:tins ser vi ec.~, le nHlbde demandant un rendeZ'I'Ous pour

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une simplc consullation. doit :l1!endre 6 à 8 mois. O,lns de Iclles conditions un médecin consciencieux, (ruelle qoe soit s.a bonne vulonté, ne peut faire de la bonne médecine. la n:forme esl donc 1I11ée à l'cncon· tre de l'intérêt du malade. Noos manquons d'hôpi· IlIU~. de dispcns.1irc.', de salles de visites. Nous manquons de personnd paramédical qualifié. 11 en r~sllite que nO)!; médecins n'ont jam~is autont trJ· vllillé el que les mal3des n'ont jamais été aussi mal soignés,

A Pékin, les Chinois m'ont dit: • l'airc moins et faire mieu~ .• Nous. nous \'Ou lons faire beaucoup à la rois, ct tr~s vile. le résultat est que, comme l'on dit vulgairement, nous d~plaçons beaucoup de vent, sans profi t pour Ic pays, Ct nous ouvrons la porle il des pr:!!iques nnarchiques.

LE SCANDA LE. DES PIMRMACIES SANS l'HARMAÇIl~N

A l'indépendance de 1',\lgéric, la majorité des phllrmaciens (rançais avaient quillé le p.:lys, aoofloo donnant leors officines. Il nous f:l1l:lille5 rouvrir dans l'intérêt du public. l'oree nous a été de les cOllfier aux préparJteurs qui avaien t étc le5 3ux ili:ti res des ph:u­macicns, Ces hommes étaient e~pé ri mentés CI (juali­fiés. Mais de toutc évidence cclle nlesure éta it une solution provisoirc_

Entre· temps le gouvernement :\\'ait créé une $OCiélé chargée de la commercialisation dcs produi ts pharmaceutiques; la Ph(lrmu('i~ (('IIfW//' a/g(rri(,lIIr~.

Cct orsanisme devai t pOtJf\'oir aux besoins en médi· caments ct en matériel médical des hôpitaux, des dispensaires ct des pharmaciens. Qui trop cmbra~,

mal '::Ircinl. La Pharmacie ccnlrale fui déboTdée CI mise dans l'impossibilité d'assurer eHic3cement son

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-rôle. Sa ge.~lion rut longLCmPl' dimcî le. sinon catas­trophique: détériorolÎon de produits, gaspillage. mauvais choix de rournjs.~urs. ctc.

En outrc. In P.C.A. s'appropria les pharmadcs déclarées· bien V:Icant", Elle les (xploi ta à son prurit . Enfin, clic sc mil à creer d'autres pharmacies d;\ns les \'1IIcs CI villages mais S:lns ph;lTmadens. CCrlcs. l'intention était louable: :lssurcr la distribu­tion des médiçamenl$ dans ks coins les plus recula du pays. Mais pourquoi en «Infier la gérance à de jeunes apprentis. parrois inc~périll1cntës. cl qui sur· tout n'appréhendent pas leur rôle soc;o-édu~lif dans le domaine de la sanie: publique. a lors que nous possédons de nombreux pharmaciens sans orficincs1

Celle situation est scandaleuse. Contrairement ~

ce que pensent CC riains. le médicament n'est par un article d'épicerie. C'est un produit actif et dange­reu~ . Il ne doi t ctre manipulé que par des personnes qui en connaissent sa composi tion cl son mode d'action. l e pharmacien a fa it des études dans ce sens. 11 peut dès lou conseiller errieacernent le malade e t parfois mcme le: prescripteur. Faui-il rappeler que la plupart des laboratoi res ph:lrmaceu· tique:s $O nt dirigés, dans le reste du monde, par des chimistes ou des pharmaciens?

la Faculté mixte: de médecinç c t de pharmacie d'Alger forme environ 40 il 50 pharmaciens par an, Que devie:nnent,ils? Apr~ le service national CI le service ca'il, ils sc heurte:n t à une concurrence dêloyale de b Pharmacie centrale. Ils hésitenl à s'installer, Ils entrent alors dans les sociétés nationa­les ou les hôpitaux. oû ils sont mal uti lisés, En effet, Ics pharmacies dites d'Etat sont r~vitai11';es en pri()­rité alors que les pharmacies privées ne rcçoivcnt que parcimonicusement leurs commandes. De plus, fisc:!., lement. les agence:s de la Pharmacie centrale sont largemcnl favorisées.

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UNE DIPLOMATIE CONTRA IRE: A NOS INTERI'!rS

Au lendemain de noire: indépcnd:mee, l'Algérie al'ait soulevé l'admiration de nos amis ct même de nos adl·efSaires. Son combat fut hérôique:. Des e:ncou, rage:ments cl des marques de sympathie flOUS arri ­l'aient de toutes parIS.

Cette période fut de cou rIe: du rée. La course au pouvoir, l'ostracisme, l'installat ion d'un régime tota­litaire ont fai t perdre il l'Algérie ses libertés ct ses amis. Le pouvoir absolu enivre. On eonnait le mot de Louis X IV:. Quand on peut tout ce que l'on veut, il est dirfici le de vouloir cc que l'on doit.. Le de .. oir de nos dirigeants n·était·il pas de respecter le sang encore eh,lud de nos ehouhada? N'était,il pas de promou,'oir une Algérie OOIII'el1e, entretenant de bons I";lpports de voisinage ctlidèlc il lOI communauté maghrébine? Le Maghreb uni n'a-t-il pas été un objcclif rondame ntal du F. L.N .?

Depuis 1962, il n'en a rien é té. Nous sommes devenus les amis dc,~ Ét<lts communistes et les ennemis de nos voisins, Fidel Castro étant fIOtre • cousin •. Ainsi se développa notre dépendance: vis­à-vis des États de l'Est ct particulièrement de Mos· cou. Très vite, le pouvoir tourna le: dos à la solidarité historique du Maghreb. Le: monde arabe: qui doit raire race de:puis 33 ans au tragique problème pales­tinien en connait désormais un autre, celui du Saharn occidental. Cc poignard planté dans le dos de la communauté maghrébine est la plus scandaleuse des aventures. C'est un crime per~tré conlTe: l'unite ella pai~ nord·africaines.

La décolonisat ion dans le Sud aurait dii se faire dans les mêmes conditions que: d<lns le Nord. Il n'y a

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de vr:tie gr:lndeur pour nous ct pour nos .'oisins que dans l'unité du Maghreb. Mult iplie r les ~ t ats ne sera jamais un remède efficace il nos mau:t , El encorc moins fairc la guerre ct nous cntrctuer.

l' ar ses contradic tions nagran tes. la diplomatie de Boumediene fait scandale. Le reSpeCt du pr incipe des • na1Îona l it ~s" e ~t à sens unique. NOlis l'a,"Ons vu . il y a quelques années. réconci lier l'Irak ct l'Ir:m sur le dos des Kurdes. Or. les Kurdes, s' ils sont musulmans, ne sont ~s pour nutant des Arabes ou des Iraniens. Leur na tionalisme peut sc j ust ifier. Boumediene a dOl!(: trahi leur d roi t au respect de la personnal ité. Et il le réclame pou r des Maghrebins scmblab les 11 d'autres Maghr~bins. Même comportement vis-à·vis dc la Somalie lorsq ue ccllC dernière a tenté de récupérer II ne province soma lienne. de sang. de langue. de religion. Boomediene n'a dit mot pour ne pas peiner l'impfria lisme russe ct I! thiopien. Pas da~ant:lge il 1'1' :1 condamné lïn te r~en t ion é trangère: dans l'affaire: de l'Angol:l. Enfin, quand le Pakistan orienta l, S!!p.1 rl! pa r 1 700 km du Pakistan occidental. demanda. par la ~oie du suffra ge uni~eI"$ÇI , son droit à l'autonomie interne, 1J.0umcdiene se mngca du côté du Pakistan occidental pour la lui reru~c r.

QU'C$t<e 11 d ire? On r&lame l'autoo,,;te rmina tion pour les Sahraouis ct on le refuse pour le Bangla­desh? Nous sommes en pleine poli tique dc Gribouil­lc. El que dife de son si lcnce sur le problèmc dc r Érythrée? L'impf rialismc éthiopien devient légi ti­me, dès lors quï l reçoi t la bénédic tion de Moscou et dc Cuba. Dans ce cas particulie r, 1:1 posi tion dc r U.R.S.S .. hier DUX côtés des Ér), thrëens. CSt carac­té ristique de la subordination des droits des gens aux in térêts p3rt icu liers de l'idéologie des grands.

Da ns les problèmes du Moyen·Orient. l' alli tude de Boumediene m:lnque. pour le moins, de sérieux ct de modestie. Nous n':I~ons pas de leçons :i donner au

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prc,~iden t &ld~ te. il la S yrie. à 1:1 Jordanie, au:t l':l lcst i nien~. Le problemc de la P:llestine esl a ..... nt tou t celui des Palestin iens. Nou$ sommcs cenes .<.O l idairc.~ dc leur t'IUSC, mais n'a~ons p.1s le d roi t de leur dicter leur conduite.

El qua nd Boumediene a alLi~é un ine~ndie au Maghreb. qu'il a fa it tocr des Algériens pour unc c~usc qui n'CSI pas la leur. qu'une partie de nos richesses ~ sont envolées en fumee dans les sables du S:lhara . comment a·t·i l pu ~rler de l'unité de la _ nation :lrab<:". a lors quïl n'a p.1s été ca~ble d'Œuvrer pour fairc l'unité du Maghreb?

Il veut. semble·t·iI. dans la question du Sahara occidcnta l, sout~ni r le droi t il J'autodé tcrmintion d'une population. Il es t permis de lui demander de respecter, d'~lbord. cc dro it chcl Ics Algériens eu~­mêmes. auxquels il n'a pas donné l'occasion de sc dçtcrminer sur les. options. de leur pays, auxquels on a refuS!! la liberté dc choisir démocratiquement leur rçgime ct qu i n'on t même pas le d roi t d 'cxpres­sion ni de rçon ion. Comment Iloumedicnc peu t·il dans ccs condi tions se poser en champion de la liberté des peuples'!

Lorsqu'on e~erce chc? soi un pouvoir absolu. il est indécent de sc poser en champion de la li bcrtç che7. le "oisin. Qua nd un système poli tique échoue lamenta­blement ct qu'i l men<: tout le pays aux pi tes d irrlCul­tés. les dirigeants remplacent I":lnalysc objc:eti" e ~r le bluff,

Oô sont uonc Ics acquis de la révolu1ion? Guerrc à notre frontiere. fiasco économique, fi:1sCO socia l. fi:1sco politique, fiaKO diplomatique. L'çchcc est IOtal ct ua ns tous les domaines. L'Algerie de Bournc­diene,:" rexemple de la grenoui lle de la fa ble qui sc veu t aussi grosse que le ba:uf, sc nourri t ct s'cnnc de

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bourrabcs de cr,ine et de slogans. Le mensonge finit par la LUer.

Alors sur ces cendreS doil ren~i tre 1 ~1IJ:I;r;(' ,ùlfp. celle des ehouhada, celle d'un peuple a"ide de ~avoi r ct de libcrlè. Un peuple fondamentalement aU3ché il. la spiritualité de !islam ct Il son concept social . Un peuple qui aspire ,1 ne plu~ courber l'échine pour g3gner son Po,in. Certes, la fa im cst une déchéance. une calamité, mais l'humiliation en cst une autre.

Si .tprès Sol guerre de libération, nOire peuple, qui fui v~ill3nl ct courageux, n'a pas acquis la possibilité de rompre a\'Ce la • servilité . e t le droit de vivre se lon ses propres options, si ce peuple s'est laissé devenir la proie des imposteurs et des p:tr,lsites qui vivent sur son dos, cela signifie·l·il 'lu'il est prédes­tiné :\ vivre sous le joug'! Est<e là une mal':dicIÎon qui pèse sur nous depuis 13 haule Antiquité? Et mème si cene malédiclion él:;üt r':elle, devrni t-on se résigner à l'accepter S,lRS réagir? Ce n'est pas dalill not re nalure.

Alors agissons comme si nous étions d:ms ce monde pour vivre libres. La loi du plus fort est lOujours provisoi re. Interrogeons·nous. Après unc aven ture qui dure depuis 1962, le provisoi re demeure encore. L'avènement du président Chadli Bendjedid est-i l le commencement d'une ère nouvelle'! Pourra 't-i l effa­cer les erreurs de ses deux préd~ccsse ufl\ "! Est-il une promcssc CI une espérnflCC?

l.' histoire des prochaines années nous le dir.l .

'"

v

I)ÉMENCE ET - INFAILLIB ILITÉ . DU POUVOIR PERSONNEL

Quand Ben Bella expl ique ses erreurs

Iii, d,'Oluri(Nt I~ pou,"(]j, 'UI~ l{)uj(!U" oux mD/lU du "lu • • dlf,QI, ...

G€OR(i1iS DANTON.

R~SlIIU~' DU" loill I~u" dim~n,I(IfI1 ~"mol ..... /mpllq,,~ 10 rlll"N"~ o~ .. "rln_ âpQ~Jf llmoiru : dMM'.I (f' ""ni~,s IQ ""roIr. c'rlllN'_IIf~ Il .... IIX qui ""11011 l'Mlloi,, dt 10 dl,~.

SI.IIoIANE Cm :LKII (r«I~ur de l'u nÎ"'Ol;I~ d'Alser).

L'arbit raire, la bureaucr:Uie, Je gaspillage, le néro­tisme sont la maladie pernic ieu$C des peuples sous­développés c t particulièrement de ceux qui sont soumis au Plrli unique. Quand celle maladie alteint un pays. clic le submerge cl fin il par gangrener tOUI le corps social. Celle nwl~die :1 été inoculée :l notre glorieux Plys p:lr llen Delta CI aggravée par BoUill e­

diene. La my"S tifieation dont l'Algérie a ét': vic lime a

pour origine le prétendu congrès du C. N.KA., r~uni en juin 1962. à Tripoli, après les accords d 'Évian. En abordant, Pl r calcul , des problèmes qui n'él:.ient plus de leur ressor t c t en adoptant une orientation el une

",

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pseudCH,:harte, les congre:>:iistes, 11 peine un<.: SI)j~:In­taine, ou fi guraient plus de prétentieu~ que d'honnê, tes hommc.~, ont fr ustré le peuple de sa victoire en ignorant S(S droits., ses ~urflllnccs ct ses s.lerificc:s,

Les prétent ieux don t je parle, au"i incompêtents qu'ambitieux, voulurent :IS5urer \cUT :Ivenir CI sc réserver des places, Certains de nO$ çoloncls - eeu~ que le regrellé Abane trailait de simples assass ins -ct quelques congressistes earc. ... ..aienl le rêve de del'e­nir des hommes d'É tal sans passer par la caution du peuple, Ce dernier, qui :l\'aÎt supporté tout le poids de la gucrre, se trouva piégé avanl mcme d'accéder à l'indépendance,

Si ce peuple tarde encore li ouvri r les yeu~ sur celle usurpa tion, il dénoncer et briser Ic.~ idoles, c'est p.lrcc que dans les pays solls-dc"cloppés 1:1 ligilimir! du pouvoir res le une notion "b!;tr:tite , N'importe qui peut faire n'importe quoi, II peul même Sc proclamer empereur ct régner sur le pa)'s, l).okassa l'a fait. D'autres pouvaient le fai re, J'ai sou"enanee d'un arlicle de I.'t.d/Q d'AIgu en 1925 au moment ou 13 F r:tnce s'i nstalla en Syric, Le ;ournatisle disait que si. il Damas, on arrêtait un homme de la rue, CI qu'on lu i demandai l quel était le régime de son choix: monar­chie ou République, il répon~b it san~ hésiter: la monarchie .. , Et si on lui demand:li t : • 00 prendre le roi? Il répondai t aUiiSi 5:lM hésiter : • Moi, •

De fait, les musulmans en général Cl Ic.~ Ar:tbes en particulier, soumis depuis des siècles au rég ime du sultana t, ont perdu le sens de la d':mocratie Cl l'intérê t pour la délibér.l tion, En Algérie, ccpcndanl. les notions démoct:l tiques préexistaicnt dans l1(lS

djtmûu$', Che)': un gr:tnd nombre d'enlre nous, dlcs commençaient il entrer d:,ns nos mœurs, inspirées par les principes enscigné.~ dans les écoles, Et cela

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d'autant pl u~ que les féod :,li tés • indigi:n~'j;. qui ~ partageaient le pays furent é\iu,inêcs par la colonisa­tion flllnçai se, Durant un siècle d-"x;cupat iufl, on assisla au phénomène d'un nivellement par le bas, I.es chefs de tribus disp;lrllrenl. La société ~lgérienne mutiléc cl briséc donna naÎssaoce 11. une mul titude de petitcs gens accrochés désespo!rémcnt 11. la terre, A l'I:C les intellectuels qui les guidaient. ils relevèrent le gant Cl s·~ lI aquèrent. en 195~ , au rêgime colonial. En génêllli leur rormation, comme je rai expl iqué, ':laÎt fondée sur la liberté ct l'égalité des homnll."S,

()jen que mascarades, les nombreuses consuhations çlcclUr:,Ic.~, depuis la loi de 1919, familiarisi:rcllI un grand nombre d'Algériens au jeu du libre choix des reprêscntanl$, Il est vr:l i, cependant, que chez nos paysans le culte du • guide. restai l, par alavi.~me, une notion concrète, Mais le • guide" n'est p.'\s le • mait re ",

C'cst pourquoi, il l'indépendance, cn 1962, rab­senec d'un<.: forte • conscience publillue· permit loutes le.'i :lVcnlurcs.. 1.:1 oôtre commença le jour oû Ocn Ilclla ~ rcru:;:!. il procéder il des ~leetiuns libres d'où pouv(,ienl sortir des forces populaires nouvelles Cl des hommes nouveaux . Il prëféra s'armer du parti unique ct SC contenter de l'appui de l'armée des fron tiè res, pendalll que ses part isans se jetaienl comme des vaulours sur k s biens ab.'\ndonnés par les colons, Les vT3is dêrnocr:ltc.~ furent él imines ct écaT­t':s du pouvoir, jour après jou r, L' il tat manqua d'assises popu lairc.~ Cl dêmocratiques, Et le jour où Ikn Bella rul arbitlllirement arrêté , il oc trouva personne pour le dHendre, protester, prendre son P.1rti. ni même le plaindre,

Le nouvc:w • monarque", malgré l'engagement pris dev~nt ceux qui le porti:rent au pouvoir, ne respecta pas davantage les règles de b délllOCr:t tic, Il ne fu t même pas conscienl de sa tr:thisun ct du

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mauvais exemple qu'il venait de donner au pays. En violant la Constitu tion il laquelle il avait p.lrticipê, il s'cst mis au-dessus de la loi. Détail aggravant, il fit de son coup d'Êta! une date historiquc commc ~'iI invitait ses admillistr~s à. recourir au mcme proc~d~ pour se débnrasser dcs hommes en place. Quel CQntraste avec l'empereur Napol~on, parce qu'i l étai t un génie, passa toutc sa vie à faire oublicr le 18 Brumaire '.

Le ~ bonapartisme ",de Boumed~ne, sans génie ct sans gloire, eut des conséquences gra\·es. Il dOllna naissance ehcz les militaires il des • maréchaux d'Empire. et chcz les civils à dcs • barons. du régime. L.1 démocr.!.tie, au lieu d'avancer, recula. Les droits de l'homme, la dignité du citoyen furent emportés par le vent de l'Est.

Notre peuple ne méritait·il pas un autre dcstin que ~ passage du culte de Ben Bella il cdui de Boume' diene? Ne méritait ,il p:lS de récup!!re r sa liberté ct sa dignité? Du tcmps de la colonisation, cc peuplc a pu ct su trb souvent cxprimer s.a volonté. Il a su notamment util iser le bulletin de ,·otc. S'il y a eu des élus U.D.M.A. ct M.T. L.O. dalls diverses assem­blées, nous le devons à s.a clairvoyance. Le recours cn 1948 aux élections fra uduleuses li la Naegelen, cst, en un sens, un hommage qui lui fut rendu ct un témoignage de son OOur:lge ct dc sa détermination 11 choisir librement ses représen tants, malgré toutes les sortes de pressions qui s'cxerçaient contre lui. Cela es t si vrai que, en avri l 1955, alors que le pays étai t en guerre, les élcetions aux conseils généraux conlir­meront la volonté de votre peuple de vivre libre. L'U. D.M.A. avait reçu le feu vert du F.L.N. pour présenter des candidats et exposer le processus qui

2. Jou . d. co.p d'Étal du tt.rat 8oIIIIpa'IC _If<: k Oir.:c­loi re, lUqUei lVCttda le Comulat pu is l'Empire.

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nous a conduits à recourir à la violence. Partout les candidats de notre part i furent élus malgré 13 pré­sence de l'armée et le soutien de l'administra tion à ses propres candidats. Furent élus: Ali Benadelmou­mene 11. El Kseur; Mostcfaï, ~na teu r, il Colbert, Ic Or Ahmcd Benabid, le futur médecin du colonel Amirnuehe ct tlt: la Wilaya III , à Rordj Rou Arreridj : Seddik Bcnhabyles à Fedj M1.ala ; Abdelkrim Nouri 11 Souk Ahras: El,Hudi Djemamc à Jijel. Seul le sii:ge des Auri:s, là oil la guerre avai t empêché le déroulement normal des élections, avai t été altTibué 11 un candidat administratif. Ce succès de nos c~ndi­da ts étai t un test. Il indiquait clai rement les aspira· tions de notre peuple. !!st·il nécessaire d'indiquer que tous nos élus partageaient les options du F.L.N.?

Apri:s la gucrre, au cours de laquelle il a fai t preuve de bc:;I!JCOUP de courage. aprê.~ sa glorieuse vi.ctoi re , voilà cc peuple re tombé au rang de • peuple mineur", ine;tpablc de gérer s,1 inemenl so~ p.:mi· moine n.:u ional ct de I:onstruire librement un Etal. Cc peuple. enfant » a vécu terrorisé, comme s' il avai t des parents indignes.

Je voudrais dire iL mon tour que viv rc, c'est s'instruire ct s'armcr pour mieux lutter. L' indirfé· rence est sœur de I:!. n~. Rien n'cst plus méritoire que de dénoncer le Mal ct de le combattre. Il ne sert • rien d'accumuler des diplômes, de bâtir des villas ct des châteaux, si la majorité de nous-même demeure dans dcs taudis et vit de privations.

Pour nous donner bonne conscience, ne tournons pus si vite la page de la colonisation ct I:clle de l ~! , uern:. La colonisation C(lmme la guerre ont I:!.issé ehel les plus humbles d'entre nous des plaies ouver· les qu'il nQus faut guérir. Pour pouvoir le fa; re, faut-il encore parler, discuter, écrire ct ouvrir \a voic aux

::::,;remèdCS ct il la guérison, Nos premiers diri ­

ont abusé de noln: silence.

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J~ ne nie p~s les difficultés de la t:ichc l11~is encore fil ll~i l-il aborder nos problèmes avec sérieu:c., ct SUrlout ;i la lumière de l'imérêt génér.J.1. La. gr~ndc majorite des Français al':lit Quillé le P:')'S. L''''sériç êtait pril'ée de cadre., auss i bien sur le pbn écono­mique qu'administrJtif, Il nous était impossible de remplir ce vide par du iIIcllres s:ln~ saboter le pays tout ent ier, Nous étions pres'iés. Raison de plus pour • aller douccmem ~ et IlQUS donner fe temps de former de nouveau:c. cadres vabbles, :!Yant d'él:Hgir le terrain de IlOtre action.

Aprês 1'0.1\ .5., Ben Ben:, donna le coup de gr.iee au:c. cadres frnnçais pour les relllplJcer p~r des coopo;rants venus de l'E.~t il. la recherche d'un bun salaire, du soleil ct de la liberté, dont ils ét:,icnt scvrés che1. eu~ . Ces coopérnnts ne connaissaient pas nos problcml!5, Dans beaucoup tic secteurs ifs furent ineompetents ct souvelll plus r.leistes que les colons,

J';ti tiré la SOllneLte d'alarme et j'ai conseillé li Ben Bella de 53uveg:mler l'intérêt de tous a\'anl de satisfaire des intérêts personnels, En 1980 j'a i rap­pelé Illa posi tion, il. l'ég:ml des Franç:lis d'All)éric, dans un livre', Certains de mes compatriote~ m'en ont fai t. amicalement, le reproche. Mc suis-je donc trompé en recommandant de tourner le 0.10$ au:c. ranca:ur,o; ct au:c. ressentiments, ct de ne penser Ilu'à lu tmnsform:uion prugressive du p:lyS?

Alors que j'éta is président de l'Assemblée natio­n:lle constituan te, j'ai reçu la visite d'un CQlon dc t'Omnic, M. L.. . Il me déclam: • J'ai \:rê,: un beau dOUlaine pl:lnté d'orangers, d'oliviers ct de vigne, Une parlie es! r,;servée li la production du bit. J'aime cc domaine CQnlme si l~! lerre m'av:l;t donnê un enrant. la qucslion d'argent ne $e pose plus pour

J. A"lopJ/t d'"nt l''urr _ I~urorr. l'aris, Ga.nier.

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moi. Je veu~ $eulement que mon domaine ne meure pas, ~i$sc~-moi encore di:c. :lnS, le temps de former un personnel \:apable de le gérer el ensuite je partirai .• Sa proposition me parut digne d'intérêt et j'ai tenu il. en parler au président du Conseil. Ben Bella rcfUs,1 de le recevoir sous préleMe llue 53 proposi tion n'était pas conrorme à l'idéologie socialiste. Le colon quiua Je pays et son domaine tomba en ru ine au détriment des ouvriers ct de t'Algérie.

Tout le long de mon itinéraire politique, j'ai pensé et agi en ronetion de l'intér,;t général ct p:lrlieulièrc, ment des Întérel$ des p.luvres gens. de ceu:c. qui ne pouvaient sc défendre par leurs propres moycns. A l'époque de ma jeunesse, quand nous étions quelques, uns à nous baure contre le racisme colonial, beau, coup d'intellectuels musulmans élaient plus allentifs il. leur carrièrc ct a leur avancement qu'au:c. problè­meS sociaux, poli tiques ct humains que posait 1:1 colonis:alion. Dans t'Algérie indêpendantc, on re' trouve cdte même catégorie d'intellectuels. De même qu'ils ne sc sont p;l$ op~s au régime colonktl. ils ne s'opposent pas davantage :l la • dicto, turc stalinienne., introduite chez nous par deu:c. ambitieu:c. 53ns gloi re d se permettent de eriliquer notre passé!

J'ai sous Ic~ yeux un manuel $COlai re. Cc manuel reprend ce que j'ai écrit en 1936, pour le déformer, Bien mieu:c., on mc rapporte que des enseignants arabisants osent enseigncr à leurs élhes que Ferhat Abbas n'a pas comballu le régime colonial, Pourquoi s'indigner? Le régime colonial ava it Ses . indigènes de service o. Le pouvoir stalinien a ses • laquais. ct ses • plumitifs,:, ~

Réccmment un de nos ministres de la CulluTe, en visite en Turquie, 1'3.ppelait ce que j'avais écrit à l'époque oû je erOis,lis le fer avec les tenants du

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régime ooloni:II, Cc mm1stre ignorait ccnainement no;> conditions de IUlLe il une époque Ol! lui-même se taisail. Et puisqu'il a ,'oulu remuer les ccndres du passê,je vcu~ bicn lui rçpondrc: il cst cxact que pour défendrc noIrc droi l il l'égalité avec les Fronçais d'Algé rie, j'ui écrit que la • pa trie Icrritori~lc. était une nOlion élr:lngère il lïslam, El par "oie de oon.~uence il l'Algérie musulmane,

Chacun de nous connait le mOI de Oantoo: • On n'emporte p;ls la te rre dc la p;l trie à la semelle de ses souliers, " En Islam. celle p.1trie terriloriale n'e~ iste pas. O:IOS le monde musulman, on emporte. la terre de S.1 p.1Irie il la semelle de ses souliers", parce que celle patrie es t spiritualit':, culture ct civilisation. Elle n'a point de frontière ct llC rcconnait ni race ni territoire, l'anoul où le mue7.1.in appelle les croyants à la prière, le musulman CSI chez lui ,

A l'époque de la grandeur de l'islam, un musulman pouvait se rendre de Cordoue il Bagdad sans autn! passepon que sa roi. Le prophète condamne la référence au territoire, en nous dis,1n t : • Apprenez vo;> gén~alogies CI ne dites pas commc les Nazaréens, 'lui, lors'l U'On leur demande d'où ils sont, répondenl de tel village." Et la vic d'un homme illos tre comme Ibn K h~ldun est on témoignage vivant de l'uni l'cr, sa lité de l'islam, . Né à Tunis, il a été ministre à Damas, hOmme d'État au Caire, ministre il Tunis, conseiller royal à Tlemcen. Où cst sa patrie au sens territorial du terme? Elle n'cst nulle pan CI partoul, Elle sc Silue 1;1 où CSI EI-Qun/o El Islon/io, Aj,je donc lorI d'êlre musulman autant 'lu'Algérien?

Cen cs le monde musulman S'CSt modifié au con· tact de l'Europe coloni~le. Agre$Sé de tOUles parts. il a perdu ses l'ertus premières. Il s'est hérissé, lui aussi. de rrontiêres, SOUl'en t infranchiSS:lblcs. Mais cc chan, gement ne consl itue pas un progrès sur le passé, il es t

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une régression et p:trticulièrement lorsque l'on pense .i rUnilé du Gmnd Maghreb,

Dans Je même article j'ai employé 3ussi celle phrnsc: • La FrJnee, C'CSI moi". Les gens oc mau, vai:ôe foi ct eeu ~ qui ne corln3isscnl pas les nuances de la langue rf',1nçaisc onl donné de mon arlicle une in terprétalion très éloignée de la vérilé.

Pour que le lecteur soit juge: de ma pensée et de mon écrit, voici le Jlnssage incriminé:

Six millions de mllSu tm:ms vivent sur œlle lerre devenue lkpuis ccnt aM rr:lnçaÎSc, logis dans des laudis. pieds nus, saM vêlements cl saM p:lin. Oc œlle mullÎtutk d'affamés, nous, nous '"Ou lons raire une société moderne p:l r récole, la dUcnsc du p:lysannal. l'a!.~istantc iSOCialc.

EsI.il d'aulrc politique coloniale plus r~conde7 Ne l'oublions pM, s.1n~ l'~m3ncjp:ltion des indigènes il n'y ~ pas d'''lgérie rronçaise dllr:lblc. La France, C'<:!l~ m~, p:lrce que moi je suis le nombre, je suis le soldat. JI: SUlS l'ou~ricr, je suis 1'3rti~ n, je suis le consommateur, Écarter nIa C(1l1aborntion, mon bicn"':trc CI mon tribut ii rauvtc commune <:!lt une hérésie grossière '.

Il élail donc fadle de comprendre quc le. moi. en question ne m'~t3it pns personl1el. C'éta it un • m~i. collectif. J'ni s il1lplement dit que si le peuple ;l lgéTlCn ne sc reconnai5S:lÎt pas dans l'œuvre de la France, elle reslerni t précaire ct fragile.

Ai.je donc 1f',1 hi l'islam ct les intérêls de nOUe pays en apostrophant en ces termcs Je journal U '{('//Ips'! Il faul croi re que j"a~ais raison puisque r • Algérie française", édifiée par Ics colons, sans nOtls el au mépris des in térêts de nOire peuple, ne résista pas au temps. Les tcnants de r • Algérie fr.ançaisc" n'onl

.. , }ou",.1 E,.w.ft du U fénicr (9)6. Répon$C au jounQt li T~,.

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pas élé tn mesure dt m~Îlrise r le rulur. Ils ~l~ien t si dominalturs qu'i ls se sonl enrermés dans leur domi. natiun. Il s vivaienl 3U milieu dt nous salIS nous voir. Sourds et avtugles, ils n'ont pas tntcndu ni Jl("rçu celle immense clameur qui maniait des tntraillcs de la terre des ancc t re.~ pour réclama justice cl liberté. Ils ont cru qu'ils nous aV~lient domestiqués pour des sil:cles. t eur ~ule réponse à nos appels étaienl le gendarnle Ct la répression. lis onl rermé les yeux su r l'eMCnticl CI surtout manqué de pré\"O)'ance. C'cst dan~ ces condi tions cl m~lgré nos avertissements que I::J vague de rond du 1- nO\'embrc 1954 les surpri l e t les submergea. Ils durent quitte r le pays.

Ben Bella ne rut P'I! plus cI~lirvoy~lIl t . Comme les colons. il a vou lu meH rt l"islam • sous cloche. cl ignorer les droits de l'homme. El à son tour, il du t s'en alle r. Qu·a·t·i! laisse de son héri tage sinon un arriêre.goii l de cendrcs comme si, à partir de 1962, un nouvel incendie ovai t détrui t notre IXlyS? C'est dans ces cooditions que l'avènement du président Chadli Bendjedid a été considéré commc un bol d 'ol)'gènc pour le !XI)'!. I::t chatun sail qu'une dt ses prtmièrcs mtsurcs a été 13 libération de Ben Khedda, de Cheikh Khdr<.:ddine cl dt /-I ocine Lailoual. Il fi l rétobli r des passeports diplomatiques pour Ren Khedda cl pout moi·méme. Il se préoccupa aussi du sorl de Ben Bella. Il le lira du cachot où Boumed iene l'avait l3issé moisi r.

Dans un premitr temps il lui permit de s'ins t311e r il M'Sila thet ses bcaul·paTl;nlS. Quand il rut revenu à Alger. il le tmi ta comme un ancien chef d't t3t. 11 lui attribua un logement. lui accorda le droit à une pension CI lu i lit remell re, il lui tt il son épouse. des passepOTlS diplomaliques.

Le président Chadli Ikndjedid a f3it mieux. Il a supprimé r3utoriSOltion de sortie pour les Algériens qui voyngent hors du territoire national. Une tT:lcas.

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seric dt moins pour l1()S compatriotes. Les fe llahs CI les dirige3nts des fermes autogérées commercia lisenl. déso rmais. leurs récoltes sous Icur propre telpons..1bη lité. Le P.1)'$ est déjà mieux r3vitaillé .

Les relations avec I~ Fr:lnce se sonl amél iorées. El te n·e.~t pas peu de chusc, Iorsqu'on pense qu'un million des nôtres vivent de l'aulTt côté dc 1;1 Médi· terr.m!:e. cn deÀOf"S des relalions économiques qui lient les deux pa}'1i, unt sorte de grerfc humaine s'cst operée. à tC!..P.<'i nt que l'rançais ~t J\ lgériens sc tro.u~ ....... \'cnt simuhJnerncnt chel cux en h a nce CI en Algéne. 1 ~

En te qui conctrne le pal1Î- unique, le présidem innova. Ou lemps de Ikn Ucl la ct de Bournedient qu i. CUl. s'en réela maient oonstam ment. ec parti ':t:1 it resté il l'é ta t de f3ntOme. Cc qui k ur :1 permis d'tlcrcer un pou\'oir absolu, sans controle. Le prési· dent a donné vic 3U Parti. en tréan t un nouvtau Comitë central du l'.LN. et un Bureau poli tique. CtS deux org.1 nismes sc réunissent c t dé libêrtnt. Aidé par Cherif Messa.adia, mcmbre du Rure3u politique ct responsable du 1'3rti . le president a fô\il un gr:lnd pas vers la consultation démocrotique.

I.e pcuplt souhaite que le président ailk plus loin ct rétablisse: le.~ li bertés =nticlles de !"homme. L'Algérie nt sc porter:l que mieul c t le IXlrti qui gouvernera sera issu de la volonté générale.

Cette démocr:ll isa tion ne sera pas rôlcile. La. bureaucra tie - la rloml'rlklalura, disent les Russes­qui fest ÎnstJllét a rbi tra irement au leviers de com· mande depuis vingl-<1eux ôlllS ne voudr3 p3S être oontrolét ni céder 13 place. EUt refusera toute rérorme ct tout changement profond jusqu'au jour où le drame frappera dt nouveau à not re porlt. Cc nouveau drame n'cst pas $Ouhai t3ble. Mais il dcvien· dr:l une fatal ité de not re hiSloire si notre peuple oontinue il. subir un régime totalitaire ôluquel il reSle éuanger. La véritable r6'0lution algérienne consiste

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à libérer les nl:l..~ses populaires et à !eur eonrier les responsabilités qui sont les leurs et celles de tout citoyen à part entière.

A l'heure actuelle le président C hadli ten te de donner un cours nouve,]u à la politique. Déjà il renooe de bonnes rdations a\"(:c la Tunisie ct le Maroc. Il reprend à son eompte les décisions adop­tées, en 1958. par le F.LN. aux conférences de Tanger et de T unis. La sagesse de not re président est à la hauteur de ses respollS;lbili tés.

En 1963, en tant que président de r Assemblée na tionale constituan te, j'avais conseillé ii Ben Bella la eré:llion d'Urie Assemblée consultat ive maghrébine. composée de députés libyens. tunisiens. ;llgériens. marotains et mauritaniens. Ceue AliSemblce pouvait délibé rer sur 1<:$ problèmes communs aux cinq fXIys du Maghreb. Ben Bella écarta ma proposi tion. En cc tcmps·là il préférait l'amitié de Fidel Castro il la création du Gmnd Maghreb. Il tourna le dos au Maf(Jeet à la T unisie, traitant le président Bou rguiba de • bourgeois. vendu aux A méricains.

Sans doute les mesures prises par le président Chadli Bendjedid laissè rcnt -e lles ind ifrérent Ben Bel­lo. Libéré, dans un premier temps, il sembla réa liser ses erreurs prem ihes. II sc rendi t chez le pré,~iden t Ben Khedda et lui demanda de fXIrdonner le compor­tement qu'il eut à son égard. /1 se rendit également aux lieux S-liin!S de l'islam e t fi t son premier pèleri­nage. Devoir qu'il s'était bien gardé de faire au temps où il é tai t il la tê te de l'État ct qu'il frayai t a\'cc Moscou el Cuba. Il présenta d<:$ excuses aux Saou­diens pou r 1<:$ propos malveillants qu'il avai t tenus cont re eux. en 1962. en présence du présidenl Gamal Abdc] Nasser. en visite à Alger.

A toute erreur, miséricorde! Nous avons pensé que les quator/oC années de détent ion avaien t contribué il innéchi r son orient;l tion pol it ique ct idéologique. l cs

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Interviews donnél!.~ il l':,trice Barrat des Norll·t'lles IIIIÙoir,'$. 11. J)~niel Junllua ct Paul !Jalta du journ:!.1 1 .... M O/rd,'. celle confiée nu journa l Le M Ulin le laissaient présager.

Ocn Uella s'cst rendu ensuite à PaTis. En décou-vmnl 13 vraie France, il a é lé: de son accuei l. Nous n'en attendions en avons . 1 du parti unique meme en Algérie. pour i droit de s·exprimer. Son na tional isme, a ·t-i l di t, ne fut. qu'un bouclier opposé au colonialisme .rran· çais ". 1ll~l is au fond de lui·même, il répudIe le nation.1 Iisme. II croit en l'islam plus qu'au socialisme qu'il. considère $.1ns avenir" .. 11 a eonscillê le dialo­gue ct la réconciliation de l'Elat d ·ls,... .. ël avec les l'alestinicn.~ et enfin a préconisé le pardon ,lU M.N.A. ct aux Algeriens anciens harkis.

l' crsonncl lClllcnt j'~lppI3udis volontiers il cette autocritique. méme si elle esl tardive. Ben Bella condamne aujourd'hui ce qu'il a adoré hicr ct adore cc qu'il a condamné. A la suite de son au tocrit iqu.c et de ses nouve lles positions, dc ull de ses anciens proches coll:.bomteul"lI, tou~ deux de tendance marxiste, Moh:.mcd lIarbi ct Ilocine Zahouanc. se sont émus ct lui ont adressé, le Sjuillel 191:11, une leure OUI'e rlC oil ils disenl nOI,lmment:

N'avez.vous pu déclaré au journaliste du MOlin qui YOU~ pos:iit la qUÇ$lion. que le • socialisme QI un.: idrotosic sans :wenir". Mais que racontez·vous S. Ahmcd? Que s'csl·il donc passé? Quoi qu'il en ,;o;t. ~e résuhal est 111 : il p:lrail né;ccssaire dans \IOlfe SIrdléBIC actuelle de faire si1enœ sur \"O!fe aspecl. &:Iuchiste. CI

au contraire de dialo&uef avec Ccl, intêgfismc. reli­gieux qu; cn\"Q\itc aujourd'hui tes masses en mat de juslicCl .ocialc.

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Que ll arbi CI Zahouane sc soienl fa it , sur l'hom­me, au lant d'illusions que lIloi,même, il n'y a rien '-"elonnanl. Il esl bien vrai qu'en sonant de son tr.lgique isolement, l'ancien pré5ident de la Republi­que a lgérienne parle de l'islam e l de la liberté en des termes nouveaux,

Nous a\'ons alors pensé qu'i l ava it fini par mesurer la dimension de$ erreurs commises alors qu'i l détc, nai t tous les pouvoirs, En insti tuant le parti unique c t cn pronant un social isme S3ns liberté, il aY:li t fait du sta linisme, Du mernc: coup il ava it par,dysë les forçes populai res monlan tes.. II s'é t:li t ainsi privé du seul oppui solide sur lequel pouvaient rc~r ct son autorité <:t le del'enir de l'Algérie, En reflls:ln t la coopérut ion al'ee les \'ruis représentants du peuple, il s'étai t lui,mi:mc eondamné à l'isole­ment ct ét~tit '-'evenu une proie facile pour ses advcrS3ires.

Mais le journal SatU fronlitrt du 26 mars 1982 nous a montré l'ancien chef d ' Éiattcl qu'il a lOujours cté, I. 'image du musulman magnanime qu'i l veut donner de lui,même n'cst pas crédible. Il "eut pa r­donner à tou t te monde, emTe :llI tres :lUX harkis, m:lis il n'oublie P.1S, en revanche, de réserver sa hargne fi certains anciens cilmbaltants du F.l.N, qui menèrent le même combal que lui, Sans nourrir les mêmes ambitions. Il leu r 311rÎbue surtout la cause de ses échc~'S.

Nous admellOns \'Olonticrs que Ren Ilclla puisse se considérer comme un • César. déchu. Mais il aurait dû a lors, à l'exemple de l'empereur Auguste, • ren­Uer en lui,méme. pour di:couvrir les causes de ses déboires. C'cût été plus res~t:'lblc que d'insulter les mOrl$, à commen.,:çr par Ab.1ne Ramdanc, qui a eu le grnnd mêritc d'otg:lniscr ra tionnellemcnt noire iru;ur­rcction en lui donn~n t l'homogénéité, la coordirl:ltion CI le:; assiSC:i populai res qui lu i c taiem ncccssaires e t

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Ilui oot assuré la \';eloire. Pour !Jen Bclla, ceHe bar.e populai re fut une crreur, II écrit:

Eh bicn ~ Fc,h ~ t Abœs a élé propulsé ,,"cc Boumendjel. cl 3"«; Froncis. 3insi que tOUle une équipe, ainsi que le cournnl ecnlr:llistc qui élaÎt opposé :\ Masali. JI' croîs que cc eour~nt ét3it d3nteTCUK, Entre Ics d.cux mon choiK 3 été r3il, j'él3Îi pour Il: coura nt m~"ste. T3nt que j'avais l'cspoir que MCS5<Ili viendrai t a>'Ce nous pour r~ irc 13 révolutÎun. Or ils sc sont trou ... és en m:USC

au scin des OI'g~nismcs dirigC:tnls cl c'est justement çux qui I<Ont :tllb rJ;TC I;J. pai" 3Vec les FronÇ:t;s, 1':t.~'C que ,' banc n'3 ;Jm:lÎS rait p;lflie de l'O,S. {O.g:tn;S:tlion sptcialc J, parce qu'il n'a ;am3.is participt ~ un eomilé eent r~l, il n'" lroul·é .icn de m'CUA à fane 'lue de r~ire ,·c ni r la - racaille ", je dis bicn 13 • racail: le _. pol itique, je n'a i pas d'autrC5 mOI~ a dire, touS les rHormi~lcs. Voili!, pour mui, la faule d·Ab:!nc.

Soit! Nous lIOnlrnes de la • racaille •. Ilen BeHa, $Cul. eSI gmn'-' seigneur. Il est bicn déplowblc qu'un ancieo chef d'État, faute d'envergure morale et politique, en arrivc il. sombrer, ainsi. dans la vulgari­lé. Je v(lis ccpcnd3nt tenler de répondre il un réqu isitoi re inspiré par le soul'enir obsessionnel de S3

déehé~tnce. _ 11 pr~leod qu 'i l a él~ pressent; pour revenir au

pouvoir. Qui a pu le solliciter pour cc rctour~ Il doit $avoir qu'il esl définitivement éliminé. L'Algérie ne revicndm plu.~ en arrière, <lU X :'Innées 1962·1965. :i . , . ~ l'époque où Ben lIel1~, par ses positIOns I]utranc"res, KS cxtrav:lgnnccs, a permis le coup d'Et3t de Ilou· mcdicnc. Si, en ces lemps,là, il avait eu la S3gessc cl le bon seM politique de grouper aUlOur de lui ses compagnons de routc.les lJuudi3f.1cs ,\'it Ahmcd, les "rim, Ic.~ Bitat, et d'autres hommes connus du

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peuple, Ilou mediene, cet inconnu des Algériens, n'au­tait p<lS osé tenter son coup d'État. Aujourd'hui il est trop tard,

- le cas de Messal i ct du M,N,A. soule"é ic i par Ben Bella mérite d'être mentionné, Qui ne connaît Messali en Algérie? En tant qu'homme, il a été courageux ct tenace, Polit iquement, 5.1 première forma tion a été communiste, Ses analyses, au début , faisa ient réf~rcncc ;\ celle doctrine, Mais il a vite abandonné le marxisme pour l'idéal ar:lbo-islamiquc, En 1943, il é tai t au bagne de Lambèse, J 'a i obtenu sa libération en uigeant qu'il soit entendu par [a Commission des réformes er~~e par le gouverneur général Peyrouton, ;\ la suite de la publication du .. Manifeste du peuple algérien ... En sortant du bagne, il a pas.sé sa première nuit d 'homme libre dans mon appartement à Sétif, Je peux donc p:trler de lui en cOnnaisfoa nee dc cause.

J'ai constitué, cn 1944, le mOUI'cment des Amis du manifeste ct de la liberté (A.M.L.), après avoir cu un long entretien a,'cc lui. Messali n'é tait pas hostile aux réformes, ni :'t l'évolution de l'Algérie par étapes. Mais il était convaincu que la France refuserait tout changement p;lree qu'elle é tait prisonnière du ~ys­

tême colonial tel qu'elle l'ava it maintenu tout le long du siêcle. Pourtant il ne s'opposa pas li ma rel'endi· cation d'une République algérienne fédérëe à l:t Républ ique frnnçaise.

Pendant toute celle periode, j'ai assumé toute~ les responsabilités, Son pani étai t interdi t Ct lui en résidence surveillée. J'a i donc agi seul en son nom ct au mien. Et lorsque, le 8 mai 1945, l'administr.ltion coloniale mit fin à l'ac tivité des A.M.L., j'ai é té seul à supporter les CQnséquencl:.\ des tragiques événe­menlS dc Guelma et de Sétif. Et e'est par miracle que je n'ai pas été fusillé pour des émeutes fomentées à mon insu, par le régime colonial lui·même, avec la

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complici te de certains p.P,A, A Sétif ct à Guelma les colons onl cr ié; • Abbas au poteau!· Les l'. P.A .. ~ux. ava ien t pris leur précaution ' .

Dès 13 format ion des AM ,L. qui rcgrOOp;lient mes amis politiques ct le P.p.A .. je savais que le r.lssem· blcment de ces deux mOUl'ements comportait des risques que j'avais acceptés, Il faltait 11 celle époque alle r au-devant des événements ct vivre dangereuse­ment. Le moment était fa\'or.lble au changement. En 1954, le processus révolutionnaire se dêvclopPl au trement. N'ayant p;ls pu s'entendre a\'cc lui, les membres du C. R.U.A. onl écnrtê Messali. Le 1- M>

\'cmbre le surprit. D'où 5.1 réac tion anti·F,L.N. ct la rormation du M,N,A,

Aujourd'hui Ben Bella pla ide la cause de Messal i ct celle du M,N.A, Mais, enfin, qui a condamné Messa li en 19541 Et qui a ou\'ert les hostilités conue: le M.N.A.? Qui a fait em prisonner :lU Caire ses représentants, t-.l eleghna ct Chadli Mekki, sinon Ben Bella lui·même? II a fallu atialdrc la tonsti tution du G.p.R.A., en 1958, pour que ces deu~ militants soient li bërés. sur notre dcm~lI1de. l es cc:ntralisles,les U.D,M.A. Ct les Oulém,ts n'ont aucune responsabi li té dans ce drame fratricide ct douloureux.

En 1962, il l'époque où je présidais l'As.sc:mblée nationale constituante, j'ai été de ceux qui récla, maient un passeport algérien pour Messali. Den Bella s'y es t opposé, mais Mes5.1li ct les siens finirent par obtenir leur passeport. En dfel, en 1975, maitre l:>CSehezcllcs, avocat parisien bien connu pour sa sympathie (m'ers les Algériens, rendit visite à noire ambas5.1dcUf â Paris, M, Moh:lmed 8edjaouL le brillant défenseur de nos comp:ltriotes, et en particu· lier de Mes.~a li, expliqua que lui ct ~a familk ne

S. t a plupul ok Ic~ .. cbers 'YlIi~nl ~lt a,l'itn Iorl; d. b .... nifoul ;O" dll .- m:li It<lS,

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dispoI'aienl, m;, ls ré de,; de'm,"de~ renoul'clées depuis 1962, d'aucune pi~ee uidenlilé a lgér ienne. Il pria r;lmba~sndeur Bedj;ooui dc lui fnire délivrer des P.lpiers a lgériens a la fois pour S:t l isfaire une dem .. nde légitime el pour lui cp;lrgner rhumil;at;on dc dCI'oi r quémander des pas.scpons :i un p,;lys élranger. NOire ambaSS-;ldeur ma rqu .. sa surprise que, Lre;7.e ans après I"indépend;mee de rAlgérie, un hornrne qui a luué pour lidemilé de son p:t)'S n'a;t ]las réussi, p.1r;odo~alemenl, il obtenir une identit': pour lui-même.

li é lail en cff CI c lair que J';oelion politique de Messali il 1.1 tête du M.N.A. ne pouvait crracer ni faire oubl;';'r les années de IUlle ct les souffrances endurëes dur.JnL dcs années pour la cause 31gérienne, être un prétex te pour lui re fuser un pas..~port. L'amb.ls..~deur priL donc liniLiat;l'e d'établir les passeports demandés cl en informa Boumediene. Celui-ci approu .. , celle init ia li,·c.

l'lus tllTd , lorsque Messal i tomba malade, un proche de sa famille, le Pr Am:!li Solri, yinl :llerlcr notre amb.:ass.ldeur en se faisanL l'interprèle dc la fumille du malade. Celle-ci souhai ta it rapatrier r nn­cien présideTII d u P.I'.A. pour qu'au moins il rcnde Ic dernier soupir dans son pays. l a aussi le colonel lloumcdiCIIC. saisi par l',,mbass<,deur Bcdj;loui. ne fil a ueull<: dirrlCullé pour donner son ac(.'Ord.

Cependant, la famille renonça à transfércr le malade cn Algé rie, sur les conseils de ses médecins trailants qui pcnsaiclIL qui l ne pourrai! rccc I'oir loin de Par is les soins spécialisés qu 'exigcai t son état de san té. Messali nM.luru, il l'aris le 3 juin 1974. dan~ une clinique du V' arrondissement. II rut cllterré. selon son vœu. à Tlemcen. sa ville na lalc.

Si lien Bella aY;lit fail preuve de compréhension ct de générosité de cœu r cn 1963. la rin de Mess.1li ;Iurai l pu se produire d:lIls d'autres COfIdilion$. JI est

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VJ;n a ujourd'hui de sc recudllir sur sa tombe qu~nd, de son vivant. on s'es i refusê, alors Qu'on en a vai , la possibil ité. d'illuminer ses vieu~ jours d'un peu de joie. En ce qui concerne les ancicns mcssalistes, Bcn Ikl13 semble ignorer qu'i ls onl déjà êté rêhabilités. Chaùl i Mekki, pour ne citer que lui. est un haut fonctionnaire de l'ÉducatiOn nationale. El c'est bien a insi.

M:lis dire 'lue le M.N .A. pouvait coexister avec le F.L.N. CI mencr sur le lerT3in le m<:me combal que lui CS L une abcrT3tion. Celle analyse des faits démon· tre l'indigence inte llectuelle du prétendu. révolution­naire". Nous ne :;amInes p,;ls en PalCS Line oû les plus importantes forces combaLlanles vivent hors du Ler· rÎloire national. Elles peuvent donc se concerter et coordonner leur combat.

En Algérie, les forecs vives de lillSurrCClion étaient, il nntérieur. réparties sur un yaste territoire. Il éW;L essentiel, ;ndi~pcnsable. qlle l'unité dcs moud· jahidine ct celle d u commandemenl soient rêalisec:s. L'insurreclion ne pouvaiL p:t.~ cLre bicéphale sans compromettre son succès. Lors de !"indépendance, malgré l'unilé du F.L.N. ct de l'A.L.N .. l'Algérie a été menacée d';In:lTchie. Si nos forces eombnltantes avaient ~ Ié soumises il deux é tats-majors CI il deux formalions de combattants, c'était, il coup sûr .• la congolisation" de notre pays. Le malheur n·aur:l;t pas mallt!uê dc nous fr.l.pfll:r.

- Quant il ln nlOTl d'Ab.lIle Ramda ne CI à celle de mon nCI·cu. AII.:loo3 Abbas. clics onl été Ioules deu:( des .:lS53.ssinaU eT3puleux, motivés par lu haine que les analphabl:les vouaient il ccux qui s,1vnicnt lirc et écrire. la jalousie CI l'cnyie onl été les deux maladies de l'insurrection algérienne. Elles sc SOnt . hélas! répandues dans 10US les maquis, CI cela n'étai t pas nouveau, car, au cours de son hisLoire. le Maghreb a toujours décapité S3 société en supprimant ses clites

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J'IOUr rcx:ommcnccr du début. C'es. pourquoi il a S'"gné, sans jam~is prllgresser.

Mai~ le: crime ~ •• oujours aceompagné de l'hypo­crisie. Les colonels 'qui ont conduit Abane à la mor. , comme on conduit une: bête: à rabaltoir, lui ont réscr.i dans le journal El Moudj(lhid, du 29 ma; 1958, unc omisen funèbre digne d'lin gmnd héros. On as.~ssinc I;'tehement un compagnon de route, ensuite on l'encense. Aujourd'hui une des plus belles rue.~ d'Alger porle le nom d'Abane. Oe sen cô.é le gou • ..:rnement vient de IKIptiscr de SOfI nom un des plus b!:;lUll pétrolien algér iens. Autant d'honneur que S($ assassins ne connaitronl p:lS!

Un au tre inte lleewel a railli subir le même sorl qUI; le resrcllé Abane. Il s'agi l de Mohlmed Harbi, aUaché lU cabinet de Krim, ministre des Affaires cxu!rieurcs. Celui-ci l'accu~ de tenir des propos mall'cillan\S ct subvcnifs cl prit Il décision de rcn."()"er aux frontières pour ê tre j ugé. Nous savions cc quc ccla youlait dire .

Le colonel Kan m'aler ta. J'eus al'ec Krim un long entret ien c t je nnis rar le calmer. " sc contenta d'envoycr Harbi en mis.~ion, en Afrique noire.

Mon neveu avait fait son devoir d'Algérien, en ravitaillant en médicaments ct en argcnt la 2' 1.one du F,l.N. A l'indépendance, ceux qui avaicnt rcçu ses dons purent témoigner. La haute commission des

6. Cc .mm<: fUI l'",uvre du lriymvi"'l - K.im. Doo ...... r. Bcntohl1. Ca trois colorl(ls pellA;"nt dtil ~ impo5<"' leu. dictalu.e .u. la d~lt8at ion ult.ieure du f .LN. CI. pa. ,"Oie de constqUCII<:C ...... la . tvolulion alt:t.ienr.c.

A a: IIIOmmt·tl, je m<: trou,,,if;' MO<ILrcu~. 31it~' b JUile d'un K"'~ ~ccident d. voilure su"cnu au ~l3roc d:lns ru· ....... espagnol •. A~ne m. l<1tpllo..:. d~ Tunif; pou r pr.ndre d. mes lI0II'.., ..... 1\ m'annonç:a >:II vi.ile • son .. tOUr de R~~I. Il fYI ~s.sa..,c;nl il son retour l TllOUu. le:< circonstaftCCl de sa mort nie fu.enl conLé<:s par Mebri el ~r le colonel Che.i f Mahmoud qui tiSQt~. impllis$.:lnl, , $1/1 fin.

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anciens moudjahidine le rc:habilita ct lui allribua le titrc dc Chahid. J'ajou tc que CCUl! qui ont ordonné son exécution occupent aujourd'hui de h:lutes rone­tions lucratives.

J'ajoute encore quc tuer un innocent, père dc quatre enfants en bas age', pour sc venger d'un ancien adversaire politique es t contraire a la loi musulmane, à toute morale ct au~ grands principes au~que ls Ben IkUa sc réfère aujourd·hui .

Lor§q ue Ben Bella prétend que mon neveu a été • liquidé • pour mef(J;r~ /Q;r/', il dit une contrc véri té gm;sihc. l'ourquoi me faire taire puisque, dès le 1" novembre 1954. l'U.D.M.A. avait pris la défense du F.l.N .? La raison in\'oquée par Ben Iklla est pour le moins C:llomnieusc. Si le maTlyr Omar El Kama était toujours vivanl, il aurait pu dire, aujourd'hui, qu'a rartir de janvier 1955, j'é tais en reblion a"ec nos moudjahidine ct qu'en avril de la même année, il a C<If1duit chez moi Ic regrellé Abane et le coloncl Ouammnc pour un échange d'idées CI pour me dCf11anùer des seCOUf!i nmtéric1s que je leur ar[lO r­tais.

Le colonel Ouamrane peut cn témoigncr. Le grand mérite de l'action d'Abane est, précisé­

ment. d'avoi r mobilisé le peuple pour un même combat. 11 :1 élé un coordinateur intelligent ct désin­téressé. Il a vite compris que J'insurrection ne devait pas rester la • propriété des révolut ionnaires. du C.R.U.A., sous peine d'êt re étouffée. Le Congrès de la Soummam, qui fut son œuvre, donlll à ecUc insurrection une dimension nationale. Ceu~ qUe Ben Bella appelle .Ia raC:lillc., Ics peti ts, les eomballants

7. Son ~pOII$C. aid~. par son père, le capilaill<: 7..cbiche, se ClCll>UCflI ll'td~ca\ion de ses enfants. Ccn .. i. après da ~ tudcs SlIph;"ures. Ott_penllous des rOfK:lions Itonon.blcs. Si leu. père tui, cn-c:ore de a: monde il SC"';t n •• d. ses .nr~n1S comme.il: le $II;' moi·même.

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anonyma, entr(:rent dans la bnt"ille sans arrière. pen~e el sans calcul. Ce sonl eux qui 3ssurercnt 3U F.L.N. sa llieloire.

La cenlmlisles, les U.D.M.A. ct la Oulémas sonl fie~ du rôle qu'ils onl joue:, fien. d'3vo;r r;tllié la • I1Icllilte. populaire pour le combat libérntcur, Aucune rau$SC analyse ne peUl enlamer leur mérile ni celui du malheureux Ab.,ne.

- Il n'esl pas ae«plablc que Ben Bella accus;; les centralisles, les U.D.M .A. el les Ouléll1.:ls de son isolement, S' il est resté seul, c'est p.uce qu'il a maoo:uII/'é pour le rester. En 1962, il poul'ail aussi bien rormer un gouvernement d'union nat ionale alite la participation de ses compagnons de prison. Qui a écarté ceux-ci du poI.Illoir? Ce ne sont certainement pas les centralistes, ni les U. D.M.A., ni les Oulémas. Au moment où il a ordonné l'enlèllem.:nt de Boudiar. j'ai protesté en tant que pr6iuent de l'Assemblêe nationale, Mais Medeghri, alors minislte de l'Inté· rieur, qui avait reçu ma protestation, ignorailtout de cct enlèvement.

En vérité, Ilen Bell:1 s'est trompé sur son propre compte. Il n'avait aucun mérile particulier pour représenler l'Algérie en guerre ct la gouverner après son indépcndnnce, Sa renommée a c:lé criée de toutcs pièces par les f:gyptiens, les Français CI les Muro­eains, C'est leur presse qui l'a monlé en épingle et en 3 f3;t une· vcdcl1c". Les Frnnçais, par exemple, nprès le détournement de l'avion qlii IrnnS]lOrtail nos ne:gocialeurs de Rabat il Tunis, om parle: de l'avion de • Ben Bella ". lis aurnicnl aussi bien pu parler de l'avion de Khider, de Boudiar ou d'Ai\ Ahmcd.

Cclle publici té lui a donné l'illusion qu'il étai t au-dessus des autres. Ce fut unc da causes de sa raillite politique. Si Sen Bella 3vait êté guidé par un pur ",'t riotisme, si son em'crgure poli tique :l\'ait été de taille et s.a personnali te: plus solide, il aurnit pu

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répondre il. l'élan et il l'attente du peuple. Il aurail su trouller 1:\ voie de b solidari t ~ nationale ct de la eoopêJ';l tion a,'cc 1c5 forces populaires, Mais, faute de s:woir goo"erner ou de s.woir ~pprendre à gouverner ~vee les aut rC$. on devient démagosue. Est..(!e les c.:ntr.l listes, les U.I) .M.i\ . uu les Oulémas qui ont contr~ int, par exemple, Ait Ahmed à créer le· Front des forces socialistC5. et il reprendre le maquis flOur conquérir son droit à la parole? Par a illeu~. est-ce les centralistcs. les U.D,M,A, ou Ics Oulém:\s qui onl mobilisé notre :\rmée contre cclle m:llheureuse Kaby· lie <lui av:lit déjà tellerrn:nt souffcrt pendanl la guerre?

Son exécrnble politique ne s'aH\;ta pas là. Pour éteindre l'incendie de [a Kabylie. Ilen 8<.;lta n'avait rien trouvé de mieux que d'ntlumer un aUlre incendie :\ la rront iè re marocninc, Esl-ce les centralistes, la/ U.D.M,A. ou les Oulémas qui lui ont suggéré celle dil'cr$ion criminelle?

l.c colonel Ch:iabani, ancien élèlle de l'inst itut Bcn Ibdis, a été sca ndalisé p,1f le rêgimc prosoviétique que Ben IIcHn avait imposé au pays, 1':lrcc qu'il l'a dit ~ h:lule ct intelligible voix, Ben Belta l'a fait arrê ter cl ass.1ssincr par ses sbires. Ce crime 3·t·il été eomUlis par les centra listes, les U.D.M,A, ou les Oulémas? En vérité, dans le journnl San:f jrQnlii:rt Ikn Betb a remué les cendres de ses méfaits. Ne valail·i! [las mieux sc Inire ct 13isscr les morts dormir en paix'!

Ben licita donne pour orisine nu différend qui l'opposa il l'état.major au G.P.R.A. l'affaire de l'avia teur frJnçais tombé en tcrritoi rt tunisien. ContrJiremcnl à s.a version cet avion n'3vait participé li :lueun bonlbardemcnt il la frontière tunisienne. Nous élions très loin de l'affaire de Saliet·Sidi­Voueer, C'étai t un avion de reconnaiss:lIlce qui a commis l'imprudence de s'approcher lrop près dc

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nOlrc camp d'cnt raÎnement, \:ommandé par Ic capi, t:line IIcnabdelmoumcnc. Celui-ci fit ouYrir le feu. L'aYion fut touché et tomba en n,lmmes après que son pilote cut saute en parachute. L'incident CSI suryenu à l'intl!rieur du territoire tunisien. Que Bourguiba ait voulu récupérer ccl aviateur n'a rien d·ctonnant. Il nous le réclama, en él.:ha nge des grands servkcs qu'i] nous rend;,i t chaque jour. le G.P.R.A. donna son accord.

Nou$ donnâmes l'ordre au chef d'état'major de nous rcmcure le prisonnier. Il nous opposa un refus C:l tégorique Ct mcnaça de le fai re exécuter. l e G.P.R.A. en dél ibér:l ct envisagca de faire arreter Boumediene, avec, s'il le fallai t. l'appui de l'a rmée tunisienne, CQmme cela s'étai t produit pour l'arres ta· lion du colonel Lamouri en 1958.

C'e.~t :\ ce moment que fai pris sur moi [a respon.sabili té de reneOntrCf Boumediene et de lui faire entendre raison. J'ai toujours été contre [es solutions exucmes. Les minist res me donnèrent un délai dc vingt-quat re heures pour troul'er une so[u· tion !XIcifique :\ celte arr"ire. Je me suis rendu de nuit à Ghardimaou. Boumediene rn 'auendail. Il dél'cloppa ses argumcnts, je lui opposais les miens. La discuss ion dura jusqu'à 2 heurc.~ du matin. En fi n de compte, Boumediene céda.

Cc qu'il faut voir dans cc conflit, ce n'cst pas le cas d'un aviateur. Le sorl à réserver au prisonnier n'était qu'un prétexte. Nou~ étions dans la dernière phase de la guerre d'Algé rie. L'é tat·major ct son chef vou· la ient n'C$urer leur force (3ee à celle du G.I'.KA. Il ne dépla is.,i t pu à llourncdicne de nous mClITe à genoux. Il jouait déjà son propre jeu et espérai l conquérir le poul'oir en se servant de l':,rmëc des frontières, de l'armement et de l'argent que nous lui avions fournis. Il est inutile de chercher ailleurs les misons de SOlI au itude. t 'affai re de l'aviateur prëfi·

19.

Burai! d'une manière ée13tante cc qui devait sc passer en juillet 1962 et le 19 juin 1965.

_ Et j'en arrive à re.~scn tiel ct ~ l'actualité: le problbne de l'orientation poli tique du pays ct celui du part i unique.

lien Bella, me dit-<ln, cst dêsormais installé cn Europe. Il préside 13 Commission musulmane des Droits de l'homme. Grand bien fasse il celle Com­mission! S'il s'cst rcconl'erti !l lïslam ct s'il sc révèle un chaud p.:lrtiSln des drui ts de l"homme. nous en sommes très heureux. Mais autan t que je m'en souwienne, il n'cn a p.:ls toujours été ainsi. car on ne peut oublie r que, da le début de l'Algérie indcpen­dante, il s'es t jeté dans les bras du marx iste Fidcl Castro, ~ tclle enseigne que Mœcou en a fai t. en t3nt quc cher d'État. un ami pril'ilégié.

Les eenlralistcs, les U.D.M.A., les Oulémas ont été étrangers il l'În:;li tu tion du pMli unique, cc !XIrti qu i a aidé à supprimer LOUle liberté d'expression. la vérité est quc lien 1Ic1la a êté le démolisseur de l'union nation~le réalisée durant les eombals. S'il avait su un ir au licu de désunir, le sort de l'Algérie aur;rit pu êlre différen t. S'i l av,Lit donné la p;rrole au peuplc, s'i l 3va it respecté Ics droits de l'homme. s'il aV3it (lppelé le peuple au Iravail ct à l'effurt pour réparer Ics ruines de 13 guerre et former les eadre.~ qui manquaient terriblement, "Algé.ric n'3urait pas connu de d6>illusions ni de coup d'Etat .

• L'histoire a toujou rs le dernier mot·. pour reprendre 13 propre expression de Ilen Be1l3. ~13is nous ajoutons que, 1'. ordre de Unine. et la • mé­dai lle militaire. qu'il a gagnée il Cassino sous les ordres du général J uin n'ont pas, dans le destin de l'Algérie, le poids d'une scule goulle de sang de fIOli

ehouhada. Voilà ce que retiendra notre histoire. les élucubrations de l'ancien président de 13 Républ ique ne changeront rien à 1,\ vérité. ~'''Igérie nou\'elle es t

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née ",uand le s.ang des maquisards a coul':. El c'est une lourde erreur dc l'atLr ibuer t. l'O.S. ou au C.R.U.A. Certes, ils ont pris lïnili:lIil'c d':lIlumer le feu . Mais J'incendie n'a pu se prop;!ger que gr:ice à l'adhésion dcs masses, à l'ac tion des intcllcctuels ct ;i

Icu l'$ sacrifices, CI C'CSI parce que la • racaille", e·eM·à-<l ire le peuple, le maquisard inconnu, est entré dans le combat que la victoi rc a élé possible.

Il faut croirc que les vr:lis combauams p!.!nsaiem autrement que Ben Bella. Au Congri:s de la Soum· mam. du 20 aoùl 1956, les orricie l'$ cl rc.~ponsablc::s du F.l. N. m'ont désigné, avcc d'au tr.:s U. D.M.A. ct d'aunes centralistes. pour siéger au Conseil national de la révolut ion algériennc (C.N.R.A.). En 1957, ces mêmes rcsponsablcs réunis :Ul Caire m'ont élu mcm­brc du Comitë de coordination cl d'exécution (C.C.E.), de mçme qu'ils avaient élu :IU Congrès de la Soummam deux centralistes. Ren Khedda ct Dahlab. membres de cct organisme.

A la même époque, j'eus la miss ion de p.1 rçou rir l'Amérique du Sud. l'Asie ct une partie de l'Europe pour expliquer les raisons de la guerre d·Algérie. Je l'aiaecomplie sans me départ ir de ma mod':ro tion. car celle-ci, en p;!n:îlles dreon.~l anccs. es t supérieure fi la violence. Ben Bella m'a fé lici t': des résu hats obtenus ' . En 1958, le C.C. E. m'a placé ;i 13 prësidence du GClUvernemenl provisoi re de l:! République algérienne (G.P.R.A.). Le Congrès du C.N.R.A. m'a maintenu à cc poste de responsabi lité jusqu'à août 196 1.

Ce sont là des témoignages de confiance que les injures de Ben Bella ne peuvent ternir,

A l'indépendaocc mes collègues m'oot j'IOrté à la présidence de J'Assemblée nal ionale çonstituante. C'est ~ parti r du jour oÏl les droi ts de l'homme ct les libertés ~nticllcs du ei loyen ont élé violés pnr une

8. VDÎr ~nM.e II.

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Constit ut ion 101 3Ii t ~ire, êlaborée dans un cinéma jXlr de~ acol)·tes de Ben Iklla, que f:l i donne: 111:1 dêmis­Sion.

Je sais que beaucoup de choses n..: vont pas bien en Algérie ct je l'ai éçri l. Je sais que la démocratie CSt ab:.ente ct que les droits de l'homme sont méçonnu ~. Mais cc que J'opinion nationale ct interna tionale doi t savoir, c'cs t que [len Bella. premier présidenl de la R':publique, CSI le seul CI indéniable reSj'lOnsable de la situa tion de j'IOurrissel\lenl où il a engagé le pays. C'es t Ben Bella qui a éliminé l:! dêmocr:ltie ct la libert'; de nOlfe P.1yS. Et du meme coup il arrêta un éla n rénova teur.

• • • Un pays soumis depuis un siècle au ré~irne çolonial

se heur te il de grandes difficultés lorsqu'i l accède i\

Il'indércndance. Mais renlplacer une coloni!'1lion p.1 r une au tre forme d'(ll iénalion êehnppc 11 l'entende­ment. Sous J'occupation fr,lnçai se, nous avons été sous la menace d'un danger mortel. Cc danger a été r/'liropfonisarioll de notre P:Qs. AÛ lcmps de Bcn Bella et de Boumediene nous avons été sous 1:1 mcnaee de la sOI·ifriso/iQlI. e'est-à-<lire d'une autre forme d·· européanis,1 Iion . de L' Algérie.

Chacun sai t que le dessein a"oué de la eolonis,1tion fronçaisc, celle de ses g':néraux CI de ses hommes politiques. a été d'implanter en Algérie" ;i 5 millions d'Européens CI de nous domestiquer pour des siècles, comme cela s'est fai t pour les Noirs de l'Afrique du Sud. Nous dûmes subir le poids de celle criminelle entreprise. Ce fut pour nous urie lon!ue tr:tl'el'Sie du désert. ,\ u régime du sabre pratiqué par les gênér-,lux succo:da le - talon de kT. des communes mixles et des territoires du Sud, l'indigéll:l t. les tribunaux répro,:ssifs, les tribunaux mililai res. le code forestie r, les l'\.lUrS crim inelles, cte.

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J'ai été témoin, en pa.rtic, de cette période. la condition de l'indigène était si misémble que l'homme se conrondait quelquefois :avec la bête. l'humiliation était notre lot. En 1912j'ai vu un jeune administrateur de commune mi~ te giner un vicill3rd, Cdui<i courba la tête CI s'en alla. Les Inrmes coulaient sur sa barbe blanche, J'ni vu bicn d':lutrcs choses qui appelaient à la révolte. Nous vivions entre les brimndes ct Ics injustices. Mâh les cnlrëj;ilscs humaines les mieu~ conçues $Ont souvent déjouées par le cours imprévis ible de l'histoire. La France n'avai t pas d'enr:lnts à envoyer en Algérie cl malgré l'appert des étranKers nous n'avons pas été submer, gés. Les 5 millions prévus sc sont traduits en un ehirrre dérisoire. 900000 Européens environ. y com, pris les Juirs d'Algérie naturnlisés rrnnçais.

De leur côté, les musulmans, au lieu de dépérir devant l'œuvre coloniale comme les visionnaires colo­nialistes l'al'aient prévu, survécurent et progressè, rent. Ils surent s'adapter aUll n.)lJvelies conditions de vie, r~ce à un régime qui leur était hosti le. C'cst ainsi que l'Algérie échappa au péril dont elle avait été men:lcée. Mais comme en Arrique du Sud, les Européens détenaient tout le pouvoir, Ils avaient en main tous les leviers de commande et agissaient au gré de leurs intérêts, ignornnt les droilS du peuple colonisé.

Avant l'insurrection du 1" novembre 1954, ce peuple, aidé par quelques libërnu~ rrançais, tenla pacifiquement d 'ouvri r une brèche dans le bastion colORiai. En contournant les obs tacles. il avait choisi le terrain du droit, pour IUller ct eomballre les lois qui l'upprimaient. Ce chemin de la rel'endiea tion pacifique rut également long, Il s'échelonna su r plusieurs générations. Ourant plusieurs déeeRnies, les musulmans revendiquèrent, mais en \/;lin, le droit de VIVn: dans leur IXlyS, {I l'égalité avec les Français

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résidents, Des hommes surgi rent de 10US les miiieull sociau~ pour protester Ct contester, .comme , le Dr Moussa, ou M'hamed Ben Raha1. Victor Splel, m:lnn, Djilali Taleb, Ali Sab, S:l rer, Kaïd Hamoud, maître l-I3ddoud, Lamine Lamoudi, lIadj Ammar, Khclef, l'émir Khalcd, le Dr Bcndjclloul, Tahrut, Z~nna ti. les Oulémas (Cheikh Ben Radis, Cheikh Ibrahim;' Cheikh El Okbi, Cheikh El Mili, Cheikh urbi Tebcssi) , Allaoua Ben Loonissi,le Dr Bentami, ttc .. rurtnt des militantS valeureux, Leurs noms méritent d'être connus,

Déjà au debui du siècle, lorsque, en 1903, le Cheikh Abdouh, l'éminent proresseur d'El Azhar, vi sÎta l'Algérie, il provoqua chez les élites musulma' \ ncs de l'époque de grandes control'erses sur le sort de l'Algérie et le devenir de l'islam.

Dans la revue Studio fslan/ica. Rachid Bcnehc­rocb' résume ces contrm·erst$. Je reproduis ce résumé pnrec qu'il démont re que depuis des déecnnies l'opi , nion musulmane en ,\lSérie était atlentivc à cc qui se pas,'i.lit il travers le monde ct cherchait il sortir nOIre peuple du ghello colonia l.

l a première tendance group.:!it des Cheikhs, irr6'~rcn, cicusc:mcnt surnommés les· cnturban~', rC3pc:CtuCUx de la tradition a rabo-i~lamiquc dont i~ n'admellaicnt l'êvolution que daM dcUl domaines : su r le plan reli, gieu~, ils d~oonç3ient les innova tions impies (Md"). les sUJ'ICrstitions CI k: culte des ja;nlS ct, en ce qu; concerne l'cnsci"ncment , ils preconisaient une rHorme des mcthooes appliqu oXs dans IC!> 1Muias ct les ~coIes cor:aniques. Sur ces deu~ point.s, ils étaient d'accord a"ee le Cheikh Abdouh. Parmi les plus représentatifs, il con~ient de citer : Moh~med Ben Za~our ct Mohamed lIouqandouT1l,

9. I(~chjd Bcnchencb est le lils du P, MQhuncd Iknchencb de L1 faculté des !cUles d'All er.

203

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Mupht i Malekite ct tI ~nafite d·Atg.:r: Abdet Ihm;d BensmJ)'a. ,\bddkadcr El Madjdjaoui. Mohamcd Saïd Ibn Z:lkri , tou. trois professeurs de ta médersa ,. officiclle d'Atget: Ali Ilen El Hadj Mou~, eonscrv:&. teut du s;ln<;tuaire de Sidi Abdcrrahmane El T:i.albi. La 5«'000ç tendance étail rel'n!scnt':e p;lr un cert~in n<)mbre d'intellectuels qui, ayant pris I:t mCliure de leur modcrn il t , éta ient décidés à juuer le jeu de leur temps ct cr<lyaicn t en l'avenir de l'islam. Ils f'\'ll5<Iient que Ie.~ valeurs qu'ils i nC3.r"'1i~nt - l'iden tité ;t rabo- i$lamique, l'i nitiative, la foi dans le progrès _ Wl"rc>poodaient aux aspiro1iollS du f'\'uple alg':'ien. CClle C(l1IÇ~ption d·un i J I ~m rén<),·é t rndui t le S(lUci Cl l'cspoir de ec~ hommes devant la poss ibilité d'accéder 11 la eivilÎl;:l l ion d'aujourd·hui, de jouir de $ÇS bienfaits. s.J1lS rellOncer pour autant ~ k: urs intimes CO<Ivio,;rioru; de musulmans st ricu mais ~dairh En ce~" ils étalcnt encore plu proches de Cheikh Abdouh. Les plus importnnts d'cntre eu~ étaient Moh3mcd ]jen Mustaphn Den El Khoudja, plus connu sous le nom de famille de Cheikh El Kant~ 1 ou le surllOm dc Cheikh AI Mdattb.:!, im~m il la mosquée S:!fir d·Alter; Ibn Dali o\13"moud [kn AI Ih dj Kahhoul. rédacteur du ;oorll3l ofli<;iel 1:."1 MufuC"hrr ct "'OUdUfl"l" à la grnndc mùS<.]uéc d'Ailler; MUS1aphn AI Charclmli. professeur 11 la médersa d',\lge r, Abd RCU."lq AI Achtef, radi à la ",ohok",o " fn3lékite d'Algcr: M<:Ih~med Ikn Chencb, professeur à la méde1$3 el chargé de C'OtI~ à l'~'colc des leures d·Algcr (futu re faculté). L.a 1 roi~ième tendance C(lmprenai1 dcs IIQtables ct dcs per:oonnllitÇs ~ v/.llu écs de forma I ion ; nl~8 r~ I~ ment occi· denta le, l cs uns étaient p:trtisans de l'ns.similation t<:ltale, Ic$ autrcs faiSlltcnt camp:tgnc en fa.·eur de libertés plu' élendues cl de l'aecès dcs musulmans au~ emplois p"blics, Tous rel·cndiqu3;cnt le dhcl0pf'\'ment de r;n~truc1 ion frnnçaisc CI du progr~ social.

10. (,çoIc ooruiquc, I I. " .... ;BRinl ,digieuL 12. Tribv.ut,

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Pol itiquement enllagé, ce ttOUf'\' rcprhcntai t 13 \en· dance fran cisée CI e'est al·ce trois de ses porte·parole que le Cheikh aurn Une vive di scussion. l'atmi les plus ac ti fs, on ci tera Bclkaccm 1lcntami. mMccin: Ahmcd Houderb.:!, avocat à la cour d'apf'\'1 d' Alger: Ahmed llen Drihmat. inte rprè1e militaire en Tl:trn;tc, lOlOS trois de statu t civil français ; ~Iamd a n lIourkaib , lIammoild 1I0ualem, notables algét<lis.

Mais, cn 1903, ces te nd:tnces n'é taient pas \elle· ment e n guerre les unes ave<: les au tres, Rachid Iknchencb fai t observer que. pour tOuS, la langue est un des ~Iéments privi lég iés de la civilisa tion arabo-islamique, son image de marque, ga runle il la fois de son originali té et de son :luthenticité; bref la langue, C'CSI la national ité "

C heikh Abdouh se tiendra sur la réserve. Une seule fois, il porla la contradiction il Ahmed Ben Brihm:l t .• [1 reprochera, écril Rachid Iknchcneb, à son interlocuteur ct à t l'"Jvers lui, au~ M évolués M, de renoncer à leur pcr.sonnalité cl leur ide nlit;: (dhâ­fi",o) en c hercha nt avec les Européçl1$ d 'Algérie une assimilation impossible. 11 es time en dfet que les musulmans algériens ne «! ro nt jamais des ci toyens français à pa rt cntière, même s'i ls nbandonnaien t Jeur slatut civil personnel . •

Mais <;ctlc t roisième tendance ne fut pas sui vie. Ceu~ que nous .1"'011$ appclfs les • naluralisés. ne dépassèrent pas, en un sièc le, le chiffre de dix mille: âmes. 53ns les meUre en qU3f:lntuinc, 1.1 soc::iélé musulmane désapprouvait ehc"!. tux .. abandon du Slatul personnel mus ulman.

En 1912. le: 5Crvice militai re: obligatoire rut imposé ~ tous les Algériens musulmans. Et la guerre de: 19 14-1918 vint accélércr la marchc de l'histoire. Trois cent mille: musulmans a lgé ritns t rove:~rcnl la Méditerronée:. la découve rte d 'un monde difrérent de celui de: la colonic. aussi bicn sur le plan du cont~ct

lOS

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humain que sur le plan de l'ordre !KlCi.1 I, provoqua le réveil des masses colonisées. L 'indîs~ne. élcl'é nu r:tnS d'un homme en méuopole. ,cru$;l de plus cn plus de rel'cnir à $;1 coodi lion de sujcl dans son p.:lys.

Dès la nn de la suerre. l'émir Khalcd pclÎI-riIs de l'émir Abdelkader. CI ancien omcier de l'armée frJnçaÎsc. a crislallisé autour de lui le m()\JI'cment rcvendic:nir des musulmans.

1~lu conseiller sénér;!1 CI délégué nn:mcicr, 11 ~Iaborail en 1922 un programme de poliliquc indi­g~nc en di~ poinls. D'une grande modération, il aurJi l pu circ le point de départ d'un changement progressif du s)"5tême colonial en Algérie. Le voi­ci:

1) Reprtscnlalion 3U Parlement, fi proportion épie 31'ec les Europtcns d·Algtrie. 2) Suppression pleine e' entiere des loi~ ct mcsurcs d'exception, des ttibunaux de réprcSliion. des ~"Ours "imirn:lles ct de la su rveillance adminislr:Llil'e, avec applÎcatioa pure: CI simple d .. droil com ..... n. J) Mêmes eha'ges ct mêmes d,oits que les F",nç3;~ en ce qui concerne le service milimire. 4) Açassion pour les indigènes algériens à 10U5 les grades civi ls ct militaires, salIS 3Ulrc distinc tion qu<: «Ile du mérite ct des Côlpacitt5... 5) Application int/:grale au~ indig/:nes de la loi sur 1ïnstruction publique obli83wire. al'ec lib<.:rté de l'en­seignement. 6) Libert/: de: prçSSç ct d'as.socialion. 7) AppliCôltion au culte musulman de: la loi de ~para­tion de I"Égl i!iC ct de l'Elat. 8) Amnistie gfnfmlc. 9) Application aux indigenes dc:s lois S(l(:iales CI ouv,,/:­~.

10) Liberté absolue pour les ouvriers indigi:œs de sc: rendre: en Fr:Jnee.

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A un cerlain ~gard c' vu 5.1 popularité, sa mod~· mtion et le nombre d'élus qu'il avait groupés ,lutOUr de lui. l'émir lI uroit pu être l'interlocuteur souhaita­ble ct valable. Les colons pouvaient fa ire al'ec son programme un grand pas en avan' d;tns la voie du renouveau algé rien.

L:l • grosse colOfiisation. ne ra pas compris. clic uigca son départ en exi l en 1(2).

t.'émir ne rcparu' qu'une seule foi$ en France. En 1924, il cau,ionna à Paris la création de l'Étoile nord·africaine destinéc, dans $On e:spri!. à $Oustr.s ire les émigrés nord·africains fi t'emprise du commu· nÎsme.

Après son départ en exi!. les jeunes intcllccluels ct les élus indépendants prirent la relève. Lc mouve­ment revendica tif s'accentua d'année: en année. Il cspérni l un changement à l'occasion des fêtes du «llIenairc de l'Algérie fmnçaise. Elles n':tpportèrent rien aux musulm:lL1s, CI au contraire renforcèrent I:! puissance des colons. La mc:tropole: avait mis à la diSpo$ition dc la colonie 1 SO millions de francs dest i­nês aUl( o:uvrc.~ sociales des _ indigêncs _. Les colons refusè rent cc crédit sou~ prétexte qu'il portait alleinte à l',tutonomie financière de l'Algérie.

l)ç son côté le gouI'crllCment gênéral dépensa beaucoup d'argent pour raire défiler fi Alger ct dans les grandes ~illl!S d'Algérie les soldais de Uugcaud et de Saint-Arn;tud reSliuscÎtés. don' la vue mi, ;IU d~poir les maSlies musulmanes.

Cc ccnlcnaire. fê,é par la colonie: fr:a nçaisc:, fut le début de l'cntrée cn action de deux organisations musulmanes de combal. A Paris l'Étoile nord­africaine passai t entre les mains de Messali Hadj . Celuiool;i romp.:lÎt al'ee le Parti eonlmunistc r r:ançais ct orien'a les émigrés algériens vcrs l'idéal ar:aoo­islamique cl !"indépendance de l'Afrique du Nord.

Ou l'Ôté tunisien e' marocain. les étudiants pa,ta-

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geaient le rnëIDe idéal. Le Néo-I}estour M US la di rection de Bourguiba entra it en scënc, CI les é tudiants marocains sc regroupaicnl derrière le jour­Ilal L~k(;on mQrocQ;n~ qui donna nai~<:"1nee par la sui te :'lU parti de l'Istiklal.

En Algçrie, sur le plan religieu~, :lpparaissait l'Association des Oulémas, pré s id~e par le Cheikh Abdclhamid Ben Badis. Elle sc réclamait du réfor­misme de Cheikh Abdouh. qui avai t dée13ri:

L'islam est ClIp:lble de s-adapter au~ eonditions de la vic moderne:: le mU$ulman yiYMI dans un pays occi­denta l 011 placé SOIIS rautorité d'une pui:>San<.:e ehrf­ticnne peut emprunter â ses Yoisin.~ non mu~ulmans leur maniçre de viv re en public dunl la mesure où aucun interdit dogl1l~lique ne s'y oppose. Ainsi le port de la coiffure ct du CO$tume européens lu i cst permis. COmme CSI licite l:I. consommation de la viande d'une: OCle J.3cril"iéc p;ar un boucher chrétien ou juif .. _ L'islam n'c${ pas une: religion rigée, mais unc religion ou"crte, dynamique, tournée plus "crs l'a ''enir <tue n:rs le p:lssé.

L',\ssociation des Oulémas ne tnrda pas à entrer en eonmt avec le conservatisme étroi t des conrré ri es re ligieuses, soutenues ct subvcntionnër:s par le gou­ve rnement général de rAlgérie ::tuque! la création des médersas libres, l'enseignement de l'arabe, le renou­veau religieux ne plaisaient p;as du tOUt. Un secré­taire de préfecture d'Alger, Michel. en\'oya rrn:me unc circulaire à ses subordonnes oU il tentai t de démont rer, Il r~ide de lextes coraniques, que les Oulémas ét:'lient des hérétiques CI tes confréries re ligieuses des su nites. Je n'ai pas manqué de relever son ingérence dans une matière qui n'étnit p~s de son ressort, dans mon écrit intitulé: Un lIouvtau cam­mtnlalfur dtl Corail .- • Sidi Michel •.

Nous étions il la ,"Cille de l'année cruciale de 1936,

(,.8

celle du Front populaire cl du projet Blum-ViollelLe. En Algérie. e'cst l'année du • Congrès musulman. groupant les Oulémas, les élus indépcndant~, les membres de l'enseignement, les militants socialistes ct communistes, le' fonctionnaires, les ngrieulteurs ct les commerçants. Il appuya le projet de loi déposé p3r le gouvernement tenda nt il accorder la c itoyen­neté fronçaisc 11 60 000 Algériens qui conservaient leur 5t:ltut musulman. l es Oulémas, Ijualifiés de fana tiques, adhérè rent sans rtscrve à cc proje t. Pour le dêrendre Ct montrer sa bonne foi, le Cheikh Den Ibdis n'Msita p-'s il. diclarer, après moi et au nom dc tous les congre~,i~t cs : • Je suis satisfai t de.' réformes promises pM le gou"e rnemcnt Ill um,Viol1cLle, en atlend~nt que le suffrnge univcrsel so it réalisé pour tous, pcrmcll~nt l'intégrntion, pure c t simple, de la collectivité musulmane dans la gr.tnde famille rran­Ç:IISC ...

!'aisant celle déclaration au nom du Congrès musulman, le Cheikh Ben Badis faisai t une nclLe dêmareation entre la .. patrie spirituelle .. dont il "oulait :Issurer rintégritê en Algéric ct la .. p:lt rie poli tique .. qu'il laissait au second plan.

Aus~itôt la .. grosse colonisa tion. se mobit iS:l. Ses parlementai res à P:lrÎs assiégèrent le gouvernement. Elle dressa contre eetle réforme, bien anodine en "êrhê, un b.:lrragc inrranchissablc. Le projct ëchoua. Pour nous, cet échec sonBa le glas de la politique d'intégration c t s::ms doute celle de 1:'1 coexistence pacifiljue!.les Fr:lnçais ct des musulmans en Algérie. Vingt ans après, c'est la guerre d'indépendance. l e peuple algérien sc mobilisa il son tour. pour arracher S3 libcrtê.

Entre-temps les peuples aV:'lÎen l connu la Seconde Gucrre mondiale. Durant cette guerre, le général de Gaulle, chef de la France libre, vint en Algérie ct tenla de sa tisfai re les revendie;,t ions des musulmans

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en promulguant l'ordonnance du 7 maTS 1944. Celte ordonnance reprC",lit en grOc\ les disposi t ions du projct IJ lum·Viollcltc de 1936. Les temps avaient changé. Pour les Algériens lïntégr:llion ét~it morte. IUsormais C(';uJ\-<:; revend iquaient la reconnaissance de leur propre nation3li t': cl l'indépendance de leur p;ays.

C'est éplement le 14 maTS 1944 que fai créé à Sétir Je moul'ement des AmÎs du lIIonif~sl .. f'"f d .. la fi/N", (A.M. L.). Ce mou"ement é lait dest iné à contrecarrer les mesures pr ises p;ar 1"000donn:lllee du Générnl ".

Les colons, de leur côté, s'op~rerl\ égalemcnt à 13 poli t ique du Générn l. L'un dcux, ~1.Abbo, expri. ma, sans détour, leur opin ion. JI conria a un journal de "a ris 1:, décl3mtion suiv:tnte, au nom de la Fédér:uion des mai rcs ù'Algéric:

Nous sommes las de ces ridieules hi stoires d'cleetions imJiaencs. Si nous avoni réussi une fois le tour de force de les orien,er 11 MOlrc gré, nO\ls ne pouvons loujours rccommeneu . Il f~u' en rioir, Nous ne vou lo ns plus dc sou\"CTnements empreints d'un scntimcnt31isme périmé, mais des hommes furts qu i sachent faire respeCter nos droits en monlr~n t I:t force, Cl. éI'cntudlemcnl, en s'en servant. En 1936. j'ai saboté Je projet Blum.ViollCIIC ct le gOIl"crnemenl a capitul~ devant moi. Que le gênénl de Gaulle avait·iI besoin de sc mcler â nou"cau de ceHe hi~toirc1 l'lus on en donne aUJ\ Arabes cl plus ils en ~cl3menl ! Cro)'~~moi, je sais commenl les maler "!

l'cndant ce temps les tirailleurs 31gériens sc rou­vraient de gloi re e n h alie ct cn Alsace. Ils a vaient é té

t l . Cc qui fi t «rin , un jou" .... list~: • fcrht Abbu est '" ","ul p~trnacicn qM' n'~imc lU' k:s "nlon ..... nca . •

14. Jour~tl'lJrl'·P,rJH du 7 mlIi 1941.

2"

mobi\isé~ pour dëliv rer la France de l'occup:t lion n,17ie sans tlue le ur ~"Ond ilio n politique n'ail élé changee.

Ils fe nl rercn l aprh l'armistice e n AI",éric pour IIssister le 8 Ola i 1945 au~ m:usacrcs des IeUTS,

Le géneral de Gaullc re"int a u pouvoi r en 1958. Il sc trou l'a en pré.~nee d 'un grand mOUI'ement de Fr:mça is d 'Algt rie réclamant. a leur tour, \ïnté",ra, tion pour $!luvegardef leur. colonie". Mais depuis 1 9 ~4 le Génér31 avai t eu le temps dc mëdi ter. En jui ll et 1 % l, a prh Irois :années de pouvoir, il dédarait devan t des offic iers réunis i'I Metz :

1 ~bis il reste 1"Alaérie. Il ~t ... ·~i qu'à ee sujel nous :wons perdu du lemps. Nous nous sommes laÎlo...e dépasser pa r les b·énements. Nous n'a"oni pas pris ~uattd il rallait les mesu res généreu!lC$ et logiqurJ qui auraient été néccss"i .es. Alors nous 3"Ons cu sur les bras celle guerre d· Algérie .

l'cu après, il faisait ce eonst~t d'échee: • L3 francisation de 1' /\l lléric, possible \'o iI3 quarantc ans. ne l'e~ ' plus a ujourd'hui .•

Les hommes qui Ont défendu l'intégration, e'est·à· dire l'éga lité des droits et des devoirs e ntre musul· mans ct Français, n'ont pM tra hi la cause de notre peuple_ Ils ont pensé que la Frnnce étai t s uffisam· ment rÎche et puissante pour !IOrlir de l'ornière mO)'en:igeusc 11;5 paysans algér iens CI leur rCSlituer leu r liber,é ct leuf d igni té, dans le respect de leur foi. Il s ont acculé par leur action la colonisation dans ses derniers retrançhemcnlS CI d é\'oilé ses desseins impé· rial i~t es. Si « Ile intêgrnlion avait été faite, loyale· ment faite, l'Algérie aurait ê\'oIué l'e rs lïndépen­d:lnce sans effusion de sang. Not re peuple êmancipé et libéré des contrain tes coloniales n'aurai t pas man­q ué d 'inOuencer la poIitiquc de la France en Tunisie,

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au Maroc ct dallS le Moyen-Orient. Le cours de l'histoire. d~ns celle pnrLie du monde. nurnit pu être différenl. Mais les colons éta ient si forts Quïls ont cru pouvoir maintenir leur domination pour toujours. Faux enleul qui les obligera 3 quiller le pays.

Le • socialisme stal inien _, mis en place par Ben Bella el pratiqué par Boumediene. a p.1rul)'lié révo­lutÎon de I"Algérie. Quel est te devoir des Algêrien.~? A certains égards l'lOS problèmes sonl encore ceux d·hier. Après la colonisation mQliri,.lI,. et répressive Qui nous :1 privés, durant un ~ièçJe. de nI»' moyens d'ui~tence cl de nOire dignilé d·homme. nous nous sommes Ifouvés face il une colonis:llion idfofogiqul'. aussi répressi"e que la première, ct qui a "oulu violer notre ame el asservir notre conscience. Ce.'1 toujours I"Europe qui. sous prélexle de nous apporler la scknee el le progrès. veul nous faire perdre IlOtre :lulhenlicité.

Alors nous nous posons une question. L'A lg~ rie

pou rra·Hlle. un jou r. être elle·mcme ct sc hisser.;1 1:l force de ses bras, au rung d'une g rande nation. sans renier son p.1ssé. sa culture. sa civi lisation. les lib<:rI~s humaines et l'égalité des hommes~ l'ourra·toCHe COlIS'

l iluer. avec les pays \1lisins. le Grand Maghreb donl la formation est la meilleure image de notre gran· deur?

Ce problème est capi tal pou r nous, comme il l'es t pour tout le tiers monde. Nous sommes appcles à le résoudre en tenant compte des forces qui sc p.uln· gent le monde. Ou aller et ou chercher la technique qui nous est indiSpellS.1blc, sans tomber sous rhéS':" monie du dollar ou de l'idéologie marxiste? ,\ceepter une de çes deux innucnces, c'cst relomb<:r dnns un néocolonialisme aussÎ pernicieux que la colonisntion elle·même.

Reste l'Europe occidentalc. Elle :aussi est mcn~eée

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du 1I1\:l1le péril. EUe ;Iu~~i • nOlle. entre rilltraction dcs État~.lInis ct edle de l'U.I{.5.S. Mais ~i celle Eur.1fIC fIOuvai t surmonter cc qui ln divise pour s'unir, si clic fIOu"ail erf~c~r les séquelles d'un n;,tiun;l lisll1e étroi t, non seulement clic échappcr:li t il IJ f:llalité dï:tre dans un clan plutôt qu'un 3utre, m~i., devicndrait pour nous le meillcur partenai re. C"Cl'1 "ers celle Europe, que nOU5 connaissons bien. ou beaucoup des nôtrcs ,·ivent. que nnus pour· rions aLors nous tourner pour a ... "quérir cc que nous n"tvons pM ct ilPprendrc cc que nous ne s.wons P;IS encore. Nous y g"gne rion.~ notre évolut ion ct nos lib<:rté$.

• • • Mnis laissons le pnsso: aux jugements des historicns

CI l'''''enir 3 çcux qui le feront, ct revenons au présent. En juillet 1962. il Y avait deserrcul'$ il ne pns commcllre. Tous les peuples son! respectables. Cha· cun d'cux a sa pcrr.onnalité. Les lois qui les coneer· nent SOftent dc.~ 3sscmblées délibérantes, comme ln vçll,; tation émerge du sol de leurs pays. ElIcs doivent exprimer leur identité pnrtieul ièrc.

Ren lklln ct, "près lui, Boumedicne n'ont p-1S suivi cette loi de la "'tture. Il s ont inHOOuit et impose chez nou.~ les mœurs. les ~logans démngogiqucs CI les rites hérités du SU<.:Î~lisme st:lli nien, ct donc un régime basé sur la superposit ion des deux easl c.~ socin les. Une minori té d·hommc.~ libres, citoyens à p.1n entière, nous gouverne ct nou~ administre, mais la ma5.<;(; des e itoycns est ... · .. mtrainte au silence. Ils ont aÎnsi proVOQué un grand choc psychologique ct un dés:lrroi très gr:lve dans l1(lS popula tioos. chez nos paysitnS ct dans nutre jeunesse.

AillSi les 6'éocments de T i1Î.()UZOU attribués au bcrbCrisme CL ceux de Iko Aknoun. dont les auteurs

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.'enlient des étudiants intégrisles, ne sonl que des con"ulsions sponldiqucs d'un peuple comprimé ct pri,'C: de !iOfl droit ;) la p;lrole. Celle absence de: liberté uplique aussi. en partie, la grande émigf"Jlion des Algériens en Europe CI l'impossibilité de l'Algé­rie de coordonner son c:conomie ct de lui donner l'es.Wf désirable.

Sortirons-nous du lunnel? Il raul le croire. L'Algé­ric s'édifie malgré Ics mauvais bergers qui l'ont conduitc sur des ehemins ténébreux pour asservir notre p;l)'S3nnerie comme elle rUI asservie par la coIonis.'tion rrançaise. Cependant tout n'a p.u élé détruit. Déjà des cadrcs valables sont aux leviers de commande. I.cs erreurs se corrigeront en cours de route.

Nous avons un beau pays, ne l'oublions pas. Malgré la tyrannie subie, il nous reste le soleil ct sa luminosité_ beau ciel bleu qu'aucune dictature nOa pu confisquer. Notre pays est plein de couleurs ct de rcnds. Il rait bon vivre au milieu d'un peuple aussi hospilalier que généreux. Les contrastes qui u istent entre le Tell ct ses montagnes neigeuses, les hau ts p1ateau~ ct leurs grnndcs plaim:s, ct le Sahara ct son sable d'or, nous donnent l'impression de posséder trois pays dirrérents ct cependant si complément:Lέres. Le Sahara, à lui seul, CSI une richesse: incompa­rable. Le ~h.ab, m Golea, Ouargla, Tamanrasset. Djanet, avec leurs immensi tés sablonneuses, sont pour le vo}'ageur un enchantement,

Cest la science qui nous permeHrn de sortir du sous-développement. Cest par clic que l'Algérie nouvelle pourra s'édifier. Et aussi par le développe­ment du sens des responsabili tés ct p;lr le réveil dc la conscience politique. Le t f"~vai l personnel ct l'esprit d'cntreprise sont les garants du succès économique. L'élalisme ne condui t qu'à la paresse, au gaspillage cl il IïrrcsfIOn!':lbilité : l'Étal est le plus mauvais des

214

p;,If<)nS! l.'homme ne travaille ct ne tnlvai\lc bicn que SIl esl m01;"é par la réussite ct le ~uccè.., de cc qu'i l ent rc('Jrcnd. Il serail dangereux d'oublier que b meilleure riches.~c d'u n pays, e'esi le Ir:lvail de ~es citoyens,

l'obis si la science a son donlaine, la morale a le sien. Et ceux des honllnes qui élhent la science au rang d'un Oieu, ceux qui veulenl détruire Ic..~ rcli· gions révélées cl ignorer la morale d'Abraham s'en­gagenl d:1R5 une \'oÎe sans espéra n<:e. Quel sens donnenl·ils à l'existence humaine?

En celle l'in de siècle, ln conlcstation est P;lrLOUI. Toul est remis en cause: la ramille, 13 mor::le. la justice. I c..~ religiOM. L'alcoolisme. Ics drogues ct d'autres néaux suppléent les \'aleurs d·hier. DeS enrants sonl assassines sous le prétexte y'assurer 11 la femme la liberlé de concevoir. Ln délinquance ct le crime courenl les ruc.<>, El les États 1ëgifërenl pour encourager celle dégradation des mU'Ufli, Ils protè­gent les assassins ct assassinent les innocents.

Au mi lieu de cellc terllp.:le soule\'ée p.lr de~ eoneepts nouveaux, l'humanité est secouée d'inquié­tude cl de doute. L'homme a peur de lui·même, Pourra-t-il trouver remède au~ mythes CI aux utopies qui rcnlr:linent ..-ers un avenir plein d'incertitudes? Aur.t-t-il le cournge CI la volont': de relllonler il ses r.tcines ct regarder vers les hauteurs ot. sournc l'Esprit, vers le mont Sinaï, le mont des Oliviers ct le mont Arara? Il y redécouvrirait le sceret de son exislence CI sa raison de vivre, Peut"':1re retrouvera· t·il aussi le vérilable sens de sa mission sur terre, c'est-;j-dire respecler la vic, partager son pain ct vivre 1 en paix avec ses semblables.

Tooi le reste n'esl que folie des hommes.

'"

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ANNEXES

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ANNEXE 1

A moo\ .cIOII . d'une mission en Am~riquc I"ine CIl l'O. N.U" f~ilc en compagn,e de Kioo~ne CI de lIoci"" T.,ki, Ben Belli m'~cril ,

Cbc, f,c~ Pa,i$, 1. 15 dtamb,e 1956,

I.e r""e Bou .... ndjel nous ~)':Inl ~"p,is 1001 relOU" ~ profil~ de: ccu. nu,1\,fi'llK oca~ion pou' l'ée,ire ces '1"el, qua molS.

To.n d'~bord, nous vou,; r~licitons pou. le ~sn;;"1Ye lra",,1 que """. '"nez d. r~;,c, cl qyi PC'fTI(Ufli rJ'sbo«lc. li di./;awÎOn de noire '1ye.,ion, !on dy mois proch~in, av"" 10$ mti11eures chances de 'uech.

NO\l< ~von, .pp,i. (Ombie .. V()l'e "1'011 ~yp.b dO$ rth" rn~.ocain. cl lun"'en. surlOul ru, dt,e.rni,.,.,., I. dans leu. p.ise de ~il ioo 'lui, indtpcndammen' de SIIn effi,.ci,~ su, le ph .. des Nalions un' .... çompotle en .1I.,.mèmc une pmmtUeuse "ption 4u.nl .u de...,ni. nord" r.ie"n.

Quanll nous..i r.,,,mure 'lui JIOU.' cS! arr,,'« a boul.,,,rsé prov;so;tcmcnl '1uclq"" pcu notre plan d'.clion !tI, le pbn u téri"." clic ÇOmpotIC, cornpl. I""u du conlUlc poIiliqu d . ... IeqIKI la ~V<! ... mcDls fonl pbcéc, des a.."nl.;tICS poIillq<>eJ irwl<!n~bla donl nous d".tiOM li'e' 1. nu"mum d. profit,

l:cucRlicl al d'tubl" .... li3'-suivie: qui 110111 pcIIIICllrait l'écllan,e d',dtcs ind"pc_blc 1ooet"'"1 IQUJ les prab!l;mcs rond ..... a'.ux qui ne m:aroq""l'I)IIl PlU de Ile pote. Jo b~ •• échtancc.

Le ri" .... 'lui nous a.t .cludle", ... , appl''1ué pcrmel f.cile, "",nI 100' échan", ... ,,;.te d'idées 'OOch"lle!' p.obl~mes dont la JQlut,oo .equ'e',lan' l'économie du temps que r",i. da r~re!' habil" •• 10 dooncr leu. oyis,

NOIr. arreslalion pos.c cerl.iM pfQbl~mes d'o.g:tnisa"on de

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l'.elion à l'oxtüi.ur, Nou. >OIIImes con.aifll:u~ qu'~ cet erret, et dan. la rraternitt el la ccncoroe qui doivent prt,ider à notre action dans celle ph:ose , i capi tale pour l'avenir cl. notre patrie, vou, réal;«re7. la formule la plul erfiea..., pour vOIre t .. vail. No .... ne ""'na; ........ pas t .. projet. immédiat. d"ct; v;té, mai, flOu. peruons qu'un cont,el sénéral de t(>US 10< fKres intél'1:S.<6 ,'impo«, pour qu'" la lum i.re des dernie .. événemenl' cl œmpte lenu de nos objeclif., vo .... f=; ... ~ une redi. tribution mlionnelle d .. taches!

P""r nos objectif. les pl .... immédials, lous 1 .. frhes ici >ouliSl\Cnl la ntees.ilé cl l'urgence de la tourne.; d"",, 1 .. pa)', seandina\'C~ "",Iheurcusement repon,;e à Ca uSe de to .... ces dernie .. "'\il'lCments; de m~me que cclle en Amérique du Sud du Kcrllaire séné .. 1 de la ligue cl de Djamali, avanl que ne vienne 1. discu",ion de notre arr.ire,

Par .illeu", nous suUé", ... une intervention aupr~ des Ét~lJ .robe. pour une iniliative qu'ils le .. ienl «!p:lfément ~uprès du .ult.n pour lu i m.nifC-'ler leur ..,Iidarité dan. le dirférend aVec 1.1 Fralltt, cl qui rencouroserail à plus d' int"'nsige.""" au momenl OÙ sa pœilion paraÎl de plu. en plu. contrebalancée par le jeu in.pirt uniquemenl par le. occc .. ité. de strattgie intttie ure meno!< par l'Isliklal.

Inulile de YOIlS dire que nous entendons que VOUS dégasiez IOUle vot,.. aclion l Cc sujel de l'él6nent personnel qui ne nous préoccupe que d.ns 1. mel ure où IIOUS tirions tout l'a\·~"ta&e pos>ible lur le plan po!itiqu~,

Que te di,.. , che, fr~re, sinon que Il0\l< se",ns Ire. heureux de 'eccvoir de te5 fIOuvelie •• insi que ...,n", que tu pourr:.U fIO .. communiquer looeh,nt les fKres .e trou vant a vcc loi à l'exl6-tieur, ct le prions de { .. ",mellre IIOl re salul le plus fralernel ~ M.d.me.

Les journaux nous onl prêl~ le. déel3rat ions les plus exl",­va!"nt .. , comme ccl. s'ent~nd" Quoique nous conn.aissons lr~ bien 1.1 visi!>ncc de fIOtre peupk el le peu de crédil qu'il • <corde ! la o;;ImelOic pourrie de celle .ini51r. presse, nous avOn< dkiM d'intenter d .. procè. pour diffamation l quelques joo,t'""ux d'Algérie.

Tou. 1 .. rKres se joigll<:n t à moi poor l'embrasser affeclu eu" semenl,

220

ANNEXE Il

Aprês le CongKs de I~ Soummam, des di,·ergen= "ppa.u" rent p,"nli les membres de la l)êlogal ion exlé,ieure, A Tuni .. .\,"hS3~ ,'élail oppo!it au oo1ond Ouam"Il<:, J 'ét.;s inquiel cl j'a; r.it part aux priwnni ... de mes inqui<tude<,

Pari., k 31 M.ombre 1956,

Cher fKre, Nous "vo,", bien ,eçu la lellre pleil\C d'i"~ui<tude devanl la

dClérioralion avancée d. eert.ines .ituation. dont celle de la Tunisi.,

In ul ile de te dire que flOU' rcu.:ntons 1. méme inqui~lude , M. u il n'y a pa< 11 SC kurrer, il sem;1 inUlile et dangereux de pt<ndrc 11 notre comple, maintenant, celte politique de 1'3ut'u" .he qui a fait si grand mal 3u ' seno d'.n face,

Nou ... timons, 3U contro;"" que le mol c, t tots facile l r~""bcr aCluellement cl que C''''I le momenl le plu. propice pour ccla,

Le d~n8er n'est pas de dire que c~n"in .. décuions pri ... par 1. Consrèl. ~I ~ujell .. â ""ulion, mais bicn, devinant le mal en pui...,nce qu'elles contiennent en elles-mêmes, de sc réfugier dans une 100' d'ivoire, cOmme noire cas à nous ici , aVcc la rerme conviClion que flOUS ne sc", ... p:1.< aneinu par le • écl.bou S$u,,, inévi tables de dem.in.

Le mal n'esl pas de dire frall<:bcmcnt que 1. dé<.:i.ion ~'<)n.'<:O~ront Lamine', entre autre< Mc uioM, , .. ponsable des ae tivilés politiques cl milil.irc:s ~ rcxlérieur, esl su"'cptible

! . Il ,',,,, "" Dr L>oni .. 0.1>0,," ...

221

Page 113: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

d·.lre préjudiciable à l'aclivité de ces deu. br.lncbe-<. m~is bien .Ior< quo cclle échéance p3r.1iloS.~"1 d·un. é.idenee cri,ntc. de nous dire. nDU< avons lOUjoUr< 13 """,ibilil< de dire domain quand 1 ... coo.... auroni lourné mal irrémédiablemenl: nous no sommeS su~ro responsabl ... puiloljuc cc <onl d'aulre. qui onl pd. pareiUe déci,ion.

Tu me conn.is _ , pour .. ,."ir que J3Si",i loujour< a.ec Ioyaulé. Je te rends justice: d·~.oir. tout au Ions do Ion aClivilé a"ec flOUS. élé aus.<i bonncle que loyal.

Nous avons &:';1 il Tunis cl ~ Mabsas cl 3U. deu. f.-<-res en.O)·'" d'Alger pour les in.iler 11 une col!3boration indi.pensa· bic.

Nous .VOftS &:ril il Alsor .• u nom de lous lC$ frèrC$ ici: on .uo de lC$ f.ire re"enir sur certaines déei,loftS malheureuses OOnl cclle rdati •• a 1. r ... ""nsabilil': de L:tmioc.

Je le dis lrès franehemenl il. cc dornier d.ns 1. leur. quo j. lui ad........: aujourd'hui môme aveC le f.-<-re Iloumendjc1.

J·i nsi~I •• en l'.djurant (raterneUem""I. de ne voir daftS celle prise de posilion qui" élé un "éritablc ca. de conscience pour nouS IOU. quo noIre souci d'hiter une décision préjudiciable à noire aClivilé ~ur le pl.n e .. térieur.

Je ne lermine",i pu ""-ns le diro que tous les frère. d'ici eslimenl contrairemenl à nos ,ugsc>lioftS roI3li,· .. ~ 1. toumee d.ns r ... payslÇ3ndina,·c. que la prbcnce urgente li Now York de.ient qua,i indispensable. m.inleMnt quo nouS "'011< ,ur place une délégation du M.N.A.

Tou. IC$ f.-<-,cs loC joisnent i moi pour . OU< o.,bra ... r fmlorneUemcnt.

AllM~D 8~N Hf.I.l.A.

l'.$. : NOln: dern~ro 'UU"""'" n· ... bic" enlendu ... ..,bl. que li V.zid l.I C<I<lIi" .....

222

ANNEXE III

Aiser. le 13 .0ÛI 1963.

A M ... dame, 01 M""ieur< 1", Députés. Mombrc d. rAssemblée n31'onale conslilu.nle

Aiser

MOI cher< colli:!\uCl. En m;!.(ln de divergencC$ de poinlS de Yue ~ur la procédure

d'org:tnisatlon définili,·o de.< pouvoir< publics en Alsérie. 01 de mon désaccord fondamenl31 Sur la n3lure de Ces POU,."ifS. j'"i l"hoflncur cl le resrci do ,'ous remellre m3 dém'ssion de président de vOire A_mbléc.

En ,'OU' rernerei"",. une foi. de plu •• de la confiance que '."us m'a,·er. témoiSnée cl quo lai es,")'. de mériter. je '"ou, prie de croire. cher< coU"su ... en mOI IoCnlimen" fralernellemenl dé,·r)Ués.

Sisnt: Ferh31 ABBAS.

m

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ANNEXE IV

API'EL AU PE UP LE AlG!!RIEN '!

En moi ... de quotorn: aM. l'AIg<!rie '"" trou' .. POU' b. dcu~itlM foil Cft ronOit av« le peupk ff~re ma~in. Parmi nos soldau ct /lM en'a nts. les uM sont prilOnniers ou blcs!i5 cl 1 .. aulres sonl mortJ p.ns que I~ rcsporu.abilil~ de IIOtre peuple lit ftt u..,sb;:.

Nos mans. ceux cIcs I-broe1 iM. le In,'ement irod;goc inni~ l nos fr~ rel de n;tl ion~lil~ mal'Ol:ai"" e,pulsn d'Algérie, le dnme cl le d&arroi des popuillions nomad .. de Saguia El I lom.,. cl Oued Ed Ihb montrenl que Cc «>fInil. Mjl cura! 5CS ra>'l'($,

Ikmain CC coonil ,isque de SC ,~..tnliscr cl de plonge, IOU le l'Afrique du NO}!'d d'M un b~in de .. ns. lei hinel qu'il engendrera rompromcUtOtlI l'un ion du MJgh,eb arabo-isiami· que : .spen...., de 110$ peupl .. cl (orodemenl de notre l'''JOpe,il~ ct de ~re bi.~lre .

H.he II 1. guc,nt! Nous lançoM un appel lU> te.ponsablC$ alg~riens cl aU I , cspon ... bles marocains. :llOUIIeS ni'·e3u •• pour que l'lOS deull'"\"I (Closenl d'~tre un l implc pion dans l'tchiqu,e r inlcrMI~I. Hahe ~ la guc,,..! .u nom de la f"' lunitt musulmane cl de III J.(IIidaritt humaine.

les ,uenes modell'cs DC peuvenl dé"uire en un jou' le lra ... il de plusieurl ,én~ .. lions, Elles Onl ccué d'ô' ... d .. soIUlions •• lIblel pou, l'lOS problème .. Y recourir c'eSl acecpler le $Uicitle çoIl«lif. l'Afrique du Nord dc>'icnd",il un _~.u

1. "- le 1tcI .... j"11Id .... q .. "" 'Pr<' • III ",.;. •• , "md.~ ... ddlrilMll. ,"" 10 ..... ~ a l I<! .. pria .. d,IT...! da .... po)'\, pot la ..... d. ___ .... _."" __ l(.oiii A"-d, Je "' ................ ,_ _ ........ I<! ...... '" CI _, -. ... _~

124

le".in OÙ s'Uffron'erOlll les Supe.-GrlInds au Ml.imen' de nos ,nl,;re1> CI .le 1.1 1'"" lb"" Je "",...Je.

I:i=&< qlK: nous orf,e I~ "",11le",eusc flOPubtion d'Antob d&hiréc en' ,e p"" RII"'<S cl p..,.Amtritains dcvro;I _1 iMi,e. a la .<,neo'on.

NIXI. rcro.ÎOn< notre indépendance 1'\31Î(rn;tle cl CC' Krai l .Iors 13 '"ptll" a"K le principe de non-;,Ii&ncmcnl. clef de ' ..... 1< de 1101'" poIiliqlK: in'c . ... 'ion;>le dcpuis plul de , 'inSI ,"'

le. peuples m:rrocain et alg~ricn furenl unt$ d ~n; le comba, pou. le", ind~pe"""fICC, 1" oc peu"en' '"" !'bipr a"iourd'hui :\ III poIilÎl!uc dOl pi ••. Ou .. nt plu. de .cp! .ns. III Tunisie ct le M..,,. _lOtIt apporl<' leu r appa i oomt.nl ct po:osi, if.

l'ingr:ui 'udc "', la muque dl'>' peupl~ f.ibtr:s. le peuple a'8~rien CS I ~~ •. fort J'IOII' rendre le bien pour le bien el .rnrmer ... loOIiduilt m~gbrtbinc..

Rc.lom objeclif. ct rb l" l(:$, Ce'lC$. _1 JOmmes 'crmc:s pour .. u ... ..,. dc, nol ... IOU ve",i"",t n:uionalc ct rinlë&lil~ de notre 'e"i'o ..... m"i, il n·.n "" 1'"1 moi", vrJi que d'oulfes lâches i",ptrieu""," nous IOlIici'cnt.

FaUle d·i"'tilu tion. rtm .l,bien n' .. is,t pu. Il fo,,' le CI';"I. l 'A1Shie a'. r- de C ..... til .. tion ai de loi>. Elle vil d" .. le provi>Oi.c, I.e temps a t "eng d'y meUre fin.

Le coup dÙ" du 19 juin I9fiS dev.il rél3blir notre peuple dan< son enti~ ... 1OU"craillCl~. Sc:I 'u leu,," ont """damll<! .... ns blui ....... t. le pou",,"r personnd pu 1. pnx:bmalion ,g;"""IC:

Le """ ..... , pc.-n" aujourd·h.i """"'cr<!. 1"" ' .. le. 1.,.,i,., ..... ... , ........ cl r<!gion.oleo du P.Mi cl dt '·!Otal .. Il ... ,'cn, ~ 1. m,,,'; d'on ocu' 1Iotn/IM: ".i....,n,.. k:s .... _bilil~' .... _;..,. fai t ., déf.i, ....... " .. , .. , ........ bai ... CI i ......... olc ... "'FI ....... di'''''.''I .. impooc le> ..... CI la. Ioom ...... oc ..... rllll ..... , d. """""III. Ieo ""prim.., ,. pûioi •.

IltIu! CC coup d'!!ta, .... ricn rt~. le culte de 1. pc",," ... tité al loujoo .... n honnc~ r. l c pou,,,,;. pcrsonncl s'UCI"CC sa ... ronltillc. Il di,f'OIIoC 1I0Il g • .! du <k1tin de not ... pa)' •• de """ ''''''IOU'CCS, du budget. Il impose à no.; enfanu un ~)'S'~me ~~"calir de .... choj., Il _s IOUnlCl ~ une id&Jlogic hoslile 1". >'Il.u ... mor.1cI el spi.ilucllcl de l'i.lam. CCI iû~m poli' Içqucl un million CI demi d'Algériens son, """Is.

Il "" ,"",,1 juge du m.inlien de la l'''i. OU de t. guer .... le pcuplc o'cs, janui. ronsultt: ... ~ plus d·ailleu ... 4ue'" ... poII' ",bics algt. icM. y romp.i. les membres du Conseil d. la r<!,'OIulioor.

A OCH ... tpo<lUC "n IcI pou,"';. est un , ,,,"ch'onhme.

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La oolulion de nos problèmes inlernes aussi bien qll'exlernes ptlM(: P'" l'exercice de la souvc",inel~ popul.ir •. Il ne 5'agil pas de .ooloir imposer.u p.ys une chane n.tion.1e COmme proje!!e de le f.i,e le présidenl du Coru;eil de 1. Révolulion .• fin d'ill>tilulionn.liser son pou >Xlir. Une >c .. le voie ,esle ouve rie pour 1. conreclion de eeUe eh~rle" un dtb:ol public, ll'6:helle JI.] I;"'JI.] le. d'une Aw= m blée no t ionale coru;t i 1 "' nt e et SOU yc rai ne . et sarIS pour 'Ulanl p,éjuge r de l'option _i.li.te du Jl3J$.

Cc>! .11 >cin de cene Assemblée que le. représcnlanls lib,..,menl m.nd31b Jl3r le pellple pou,ronl I",dui", daru; les textes les légilim"" aspiralio .... de 1. n.tion . Toole 'ulre ch.rte cI.blie da .... le secret des .nlichmbres du pou>"Oi. ne pourrai l ':1re que nulle el fIOn '""nue,

Algériens, AI,gtriennes! Le "'gime coIon'.1 conlre lequel nous JIOU$ &Ommes rnobilists

nous a~3il humi lib. Il nous lva;1 ;n lerdil dan. noire propre p.1)" l'e,e,c,cc de 1. sou.era;nelc nMion.le en IIOIJ.< limil.nt .ux problcm ... Iimenl.ires CI économiques.

Depuis notre indépenducc. le «gime du pou>uir personnel nou •• conduil' progressivemenl 11 1. meme condilion de .ujets, saM liberl. et sans dignilé. Cetle lubordina ' >on at une in,uhe à la nalure même de l' homm<: cl de l'Algérien en ,,:miculier. Elle esl une .neinte i sa persan ... lit •.

Ce" pourquoi des hommes. milil.nl' de bonne >"Olon'é. se sonl reneon l~ pour déDOnce r ccl él.:01 de ch""", el metlre fin à l'indignation qui nous frappe. Ils "ppellenl 1 .. Algéric", il lUller .11. ,

L De faire élire pa. le peuple, libremenl coMullé. une Aw=mbh!e no lionale cQn1liluanle cl souverain • .

2. De m<:llre fin.u sysl~m<: tot.lit3ire acluel et d'éle>'er des b-orrihes légal .. contre toole velléilé de cc genre.

3. D'ctabli, les libenb d'expression et de pens.œ pour le"'1"el1es le peuple algérien" t.nt comb'llu.

4, D'(Cu vre r pour un Maghreb .robe un" islamique cl f.-:ller ... !.

Alger. mars 1976.

FER IiAT "BaAS" ancien président du Coo>'crnement provisoire de 1. République ~ Igé.icnne. CIlElkli MOIiAMED KIl ElltEDOINE : .ncien membre du Conseil fl3lion.1 de la révolulion 31gé rienne. Bf:NYOUCEF BEN KU EOIJA" .ncien prtsident du Geu>'c'nement provisoire de la République alMrienne. HOCt NE ' .... HOUE\.. , ancicn sec"'laire général du Parti du peuplo algé.ien el du Meuvemenl pour lc triomphe des libertés démocroliques, ancien reprt.<cnt~nt du F. L.N. i l'c'Iériell',

226

Algériens. AI,gtriennes

• .. Les fri:res Ferh.t Abh:!s. Ben)'ooeef ben Khe<ld3, Cheil: h

Milhnled Kheireddine cl Hoxine l",houc! sont en résidence )",,,,,illee depuis 1. publication de ce manifesle qui ren.le 1 .. préoccuJl3tions el les a,pi",tio", du peuple algé,ien .

Un Comilé de dUc ..... cl de solidarité a été connitué pour quc ccs mili\anlS de première heure continuenl ~ s'e~primer libremenl.

Dês demain """"Iiluez 11 voire 100' des comilés régionaux ct des comitb 10<::1 .. pour reproduire. dirru,er cl expliquer ce manir •• te,

K ATD Am.tED '.

l. 1.< .-m.odanl K.1d Aho>od ... ""'" .0 I<m: 4',,11 l Ro-..,. 1< 6 mon 1911. tl rOI loIo.ont l rIO,,' ... oill< ........ p.,., •.• .-0;, PlI .mp«h<' I<a _bt<01 ....... d. """,.",.040., do: 1'_i'Ol"'" l .. d<nHh. 6< .... ... 1< .... 1; do:r"J<' 1., r~"""luL Le rt~ ') ... ..;q ... do: Il00_,", '" ... """ .. 1' Ml ... po< LI po;' do> ........

m

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TABLE

Page 117: Ferhat Abbas  L'Independance Confisquée

Avant·propos. .... . ... .. ................ . 9 1. Grandeur cl misi:re du F.L.N.

1.4'$ ('m'.ffS dl' la .Wb\'(.'T.lùm ou 1.0 111'1I.fihlll' m(Nt dl's rhfm llfula ......... 21

Il. I.e sang des ~houh:ld:l tr:l hi L:Algiril' à rhturl' du .llalli/#ntl' ...... 61

III . Deux dictateurs en compétition ... .. .. . SI

IV. L'a rbre: e:1 le fruit COmmtfl/ II' POlll'OjT prTsomll'1 rOIl/lmfll' us àhf('s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

v. D~menee ct inraiHibili l ~ du pouvoir pero sonnel Ql/alUl B f'lI Brlla t .fpliqut .1".1 urru,s . . 175

Annexes

,. VIlTf! df! Brll Brl/a à Fahol Abbas. Ijdùl'mbrr J9j(j . . . ..... ... ... ..... 2 19 1. VIlTI' dl' Brn /klla à Fl'rlrat Abbas. JI dùrmbrl' 19j(j . .... ............. . 22 1 J. /.rll rl' dt' Fl'rlralAboo.1 au."I' f)lpulù dl' l'Assl'mblil' lIa/itmalt' C'"fm.l/iluantt" du IJ ovrÎI 196J ... .............. .. . ... 223 4. Appt'I 011 fH'l/ple ols:lrirn. mars 1976 224

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