30
Extrait de la publication

Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Extrait de la publication

Page 2: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur
Page 3: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

Page 4: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Extrait de la publication

Page 5: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Patrick Mennucci

Nous, les Marseillais

Pygmalion

Page 6: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

DU MÊME AUTEUR

Ma candidate, les secrets de la campagne de SégolèneRoyal (avec Frédéric-Joël Guilledoux), AlbinMichel, 2007.

Sur simple demande adressée à Pygmalion,87 quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13,

vous recevrez gratuitement notre catalogue qui vous tiendra au courant de nos dernières publications.

© 2013, Pygmalion, département de Flammarion.

ISBN : 978-2-7564-1 -4

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5 (2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictementréservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exempleet d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partiellefaite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause estillicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelqueprocédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par lesarticles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

151

Page 7: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

À Olivier Ferrand,député des Bouches-du-Rhône,

dont la pensée et l’actionmanquent au territoire marseillais.

Extrait de la publication

Page 8: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur
Page 9: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Avant-propos

Ce livre n’est pas un programme électoral – tra-vail par définition collectif ; ce n’est pas le premiervolume d’un futur recueil de mémoires. J’ai encorebeaucoup de choses à faire pour Marseille. Ce livren’est pas la description de Marseille, la carte postalesi chère à Jean-Claude Gaudin, mais un récit quidonne les clés pour comprendre les Marseillais. Endisant ses atouts, ses faiblesses au travers de sonpassé et de son présent, heureux ou malheureux.

Je dis ma vérité. Je parle avec mon cœur et monexpérience, je dis ce que j’ai vécu, ressenti, je livrema façon d’agir en politique et ma conception del’action publique.

9

Je veux contribuer à ouvrir les yeux de celleset ceux qui me liront sur les réalités complexeset contrastées de la deuxième ville de France. Jeraconte sans fard, sans acrimonie non plus carla comédie humaine est plus forte que tout etses acteurs, quels qu’ils soient, ont souvent leursmérites.

Extrait de la publication

Page 10: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

À l’heure où chacun fourbit ses armes pour lajoute municipale du printemps 2014, j’ai vouluapporter mon éclairage sur les affaires politico-judiciaires qui portent tant de tort à la réputationde Marseille, même s’il est heureux qu’au bout ducompte la Justice, dans son indépendance, contri-bue à nettoyer les écuries d’Augias. J’ai voulu,parallèlement, montrer comment un élu déter-miné peut faire avancer des dossiers essentielscomme celui de la Métropole, pour peu qu’il enait la volonté et l’énergie.

Sans arrogance, sans soumission non plus àl’esprit de parti, je veux mobiliser les intelligenceset les cœurs pour Marseille en apportant mapierre à l’édifice commun avec ces analyses et ceregard de socialiste.

Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirerlucidement ensemble les leçons du passé afin demieux organiser le présent et de mieux préparerle futur pour nos enfants.

Comme le million de Marseillais de corps oude cœur, qu’ils vivent sur les rives de la Méditer-ranée ou sous des ciels moins lumineux, je croisà cet avenir.

Je crois en Marseille.

Page 11: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Première partie

Espoirs, combatset trahisons

Extrait de la publication

Page 12: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Extrait de la publication

Page 13: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

1Un dîner au Vallon des Auffes

Marylise Lebranchu ne dit plus rien. Elleréfléchit. Regard perdu vers le Vallon des Auffes,petit port niché sous la Corniche, où paressentquelques barques de pêcheurs, face aux îles duFrioul. La ministre de la Décentralisation al’amour de la mer. Autour de nous, dans ce res-taurant de poissons parmi les plus chaleureux dela ville, les conversations bruissent, s’étirent.

Dernière gorgée de café. Un bref coup d’œilvers le carnet de notes, qu’elle a posé sur la nappeécrue. Petit sourire. « Je crois que vous avez rai-son, finit par lâcher Marylise. Ce n’est pas gagné,mais ça vaut le coup. Marseille ne peut pas resterseule. Vous m’avez convaincue. Ce sera à Fran-

13

çois et à Jean-Marc de décider si on y va ou pas,mais je suis d’accord pour défendre l’idée… » Àelle, ministre depuis trois mois, de tenterd’entraîner le président de la République et lePremier ministre !

Depuis trois heures, j’argumente, j’explique, jeraconte Marseille. Eugène Caselli, le président

Extrait de la publication

Page 14: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

socialiste de la communauté urbaine MarseilleProvence Métropole (MPM), est avec nous. Luiaussi a détaillé les contraintes d’une structure tropétroite, limitée à 18 communes dont certaines nerassemblent que quelques milliers de personnes.Qualifiée de « Porte de l’Orient », Marseille devraitêtre le passage obligé entre l’Europe et la Médi-terranée, un carrefour entre la France et l’Afriquedu Nord. Or, au fil des décennies, la cité pho-céenne est devenue un goulet d’étranglement…

Voir que j’ai pu convaincre Marylise Lebran-chu, qui doit mettre en œuvre la troisième phasede la décentralisation après les lois de GastonDefferre et du gouvernement Raffarin, m’est unformidable bonheur. Bien sûr, je sais que rienn’est fait. Que tout reste soumis à l’arbitrage deFrançois Hollande et de Jean-Marc Ayrault. Quebien des adversaires se lèveront sur notre chemin.Mais avec Marylise aux avant-postes de labataille, on peut gagner. On peut transformerMarseille en métropole euro-méditerranéenne ;réinventer le destin d’une ville et avec elle d’unerégion ; rendre justice à ses habitants, construireun moteur économique, intellectuel, culturel, quisera une des chances qui permettront à la Francede surmonter ses doutes et de dominer ses

14

angoisses.Cette idée d’une métropole qui associerait

Marseille, Aix-en-Provence, Martigues, Istres,Aubagne, Salon-de-Provence, j’y crois et j’y tra-vaille depuis longtemps. Durant la campagneprésidentielle, j’en ai beaucoup parlé avec Aqui-lino Morelle, un camarade de longue date qui,

Extrait de la publication

Page 15: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

après avoir animé l’équipe d’Arnaud Montebourget de Vincent Peillon lors de la « primairecitoyenne », a été chargé de préparer les discoursde François Hollande.

Avec obstination, chaque fois que j’ai pu, j’aiplaidé pour la ville et le territoire que j’aime. Le14 mars 2012, j’ai senti dans la ferveur du mee-ting du candidat socialiste à Marseille que le tonà notre égard avait changé : la profondeur de lacrise subie par tous a conduit François Hollandea mieux comprendre l’atout que nous pouvonsêtre plutôt que le fardeau que nous sommes deve-nus. Dans les mois qui ont précédé l’élection,confrontée aux conséquences délétères sur le plande la morale publique de l’affaire Guérini, ladirection socialiste a pris conscience du désastrehumain né de la violence qui ronge les cités, del’économie de la drogue qui prospère sur un chô-mage galopant, de l’affaissement de la municipa-lité Gaudin. Chacun à leur façon, VincentPeillon, Arnaud Montebourg et Manuel Vallsnous ont aidés à faire comprendre au pays qu’ilétait plus que temps d’agir, aux Marseillais qu’ilsn’étaient plus abandonnés.

Dès les législatives, le projet « métropole »

15

était en bonne place dans mon programme. Jereconnais que ce n’était pas vraiment la prioritédes électeurs de ma circonscription, qui couvrequelques-uns des quartiers les plus populaires deMarseille. Ils étaient surtout pressés de tourner lapage des années Sarkozy. Avides de retrouver unpeu d’espoir, de sincérité, d’égalité, même s’ils

Page 16: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

avaient bien compris que la crise économiquelaisserait peu de place au rêve. Qu’importe, j’aisouvent parlé de la métropole lors de mes visitesde terrain, mes rencontres avec des responsablesd’associations, des chefs d’entreprise, des artistes,lors de mes réunions à domicile et dans mesentretiens avec la presse. C’était une raison decroire en l’avenir de Marseille et aussi de prouverqu’il pouvait exister autre chose que le clienté-lisme du conseil général des Bouches-du-Rhône,ce système, qui était mon principal adversairedans cette élection puisque son président Jean-Noël Guérini avait initié une candidature dissi-dente dont le seul objet était de me faire battre.Je ne sais si mes explications étaient probantesmais j’ai souvent eu le plaisir de voir de l’intérêtchez mes interlocuteurs : manifestement, unprojet qui verrait toutes les villes d’un territoiretravailler ensemble au lieu de se chamailler sanscesse leur semblait relever du bon sens, del’évidence.

Le 17 juin 2012, dans la logique de l’électionde François Hollande, la gauche gagne les légis-latives. Superbe fierté autant qu’énorme respon-sabilité, je suis de ceux qui feront leurs premierspas à l’Assemblée nationale. L’euphorie ne dure

16

qu’un instant car de sombres nouvelles me ramè-nent vite les pieds sur terre : le Front national etses alliés obtiennent trois députés dans le Sud-Est,dont l’avocat marseillais Gilbert Collard, élu dansle Gard où il possède une résidence secondaire.Je suis bien placé pour avoir senti la pression du« Rassemblement Bleu Marine », puisque je l’ai

Page 17: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

emporté au second tour contre une candidatelepéniste. Heureusement, avec nos députés aux-quels s’ajoute une soixantaine d’élus de partis degauche, le PS détient la majorité absolue auPalais-Bourbon. Cela veut dire que nous auronsles moyens d’avancer. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault pourra compter sur nous. Il en aurabien besoin : le message de l’électorat est clair, ilnous accorde une chance mais peut s’en remettreà tout moment aux sirènes mortelles du clan LePen…

À peine élu, je m’attache donc à la rédactiond’une note à l’intention du pouvoir exécutif sur« la métropolisation du territoire marseillais ». Jem’appuie notamment sur le discours consacré à ladécentralisation prononcé par François Hollandele 3 mars 2012 à Dijon. Ce jour-là, le futur pré-sident de la République a réclamé « un pas déci-sif » vers de grandes métropoles européennes :« Il faudra doter ces grandes agglomérations,celles qui pèseront à l’échelle de l’Europe et dumonde, d’un statut métropolitain simple etattractif, adapté à chacune des agglomérations,leur permettant d’atteindre en termes de compé-tences, de ressources, de moyens, le niveau requisà l’échelle de l’Europe. Là aussi, faisons le pari de

17

l’expérimentation, de la liberté, de la souplesse.Ne craignons rien si nous voulons que chacunede nos structures soit la plus adaptée à la réalitéde nos vies. »

À partir de cette feuille de route, j’expose quele moment est venu de transformer le territoirede Marseille dans une métropole, et je fournis

Page 18: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

tous les éléments de contexte économique quil’imposent. Je n’oublie pas de préciser le climatpolitique, marqué à la fois par le conseil généraldes Bouches-du-Rhône empêtré depuis 2009dans une désastreuse affaire judiciaire et par lagestion assoupie de Jean-Claude Gaudin à lamairie de Marseille. Élu depuis 1995, celui-ci nevoit plus guère la ville que de son bureau, décoréau XVIIe siècle par le sculpteur Pierre Puget, oudu Sénat où il passe le plus clair de sa semaine.

Dès la fin juin, ma note parvient à Matignonpar l’intermédiaire de Camille Putois, la direc-trice adjointe du cabinet de Jean-Marc Ayrault :issue du corps préfectoral, elle était en 2007 lameilleure recrue de l’équipe de Ségolène Royal,alors que j’étais le directeur adjoint de campagnede la candidate du PS à la présidentielle. J’aigardé avec Camille une relation affectueuse néedes heures passées à réécrire les discours, les pro-grammes, à régler les déplacements et les mee-tings de Ségolène. Depuis cette campagne, noussommes restés très liés.

Dans un combat aussi intense que peut l’êtreune campagne pour la présidence de la Répu-blique, on sent d’instinct où est la force, le

18

sérieux, la compétence et l’engagement. Au 282boulevard Saint-Germain, le QG de Ségolène,Camille était un phare précieux pour notre petiteéquipe qui devait se débrouiller sans l’aide duParti socialiste. Plus que cela, une femme trèscourageuse : elle s’est engagée très tôt auprès dela future candidate, fin 2005, alors qu’elle diri-

Extrait de la publication

Page 19: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

geait le service des élections du ministère del’Intérieur… dont le patron n’était autre qu’uncertain Nicolas Sarkozy ! Durant ces premiersmois, je ne la connaissais que sous le surnom de« Céleste ». Un pseudo au PS, on n’avait plus vuça depuis l’arrivée de Jean-Christophe Camba-délis, alias « Kostas », après son départ du Particommuniste internationaliste…

Également destinataire de ma note, MaryliseLebranchu me reçoit avec son directeur de cabi-net, Serge Bossini, un Méridional qui a été untemps en poste à Marseille, et par un autreconseiller, Laurent Olléon, le mari de la nouvelleministre des PME et de l’Économie numérique,Fleur Pellerin. Bossini et Olléon ont la particu-larité d’avoir animé la campagne de FrançoisHollande pour les questions de réforme territo-riale. Ils sont les inspirateurs du discours deDijon sur la décentralisation.

Quelques jours plus tard, la ministre me croiseau Palais-Bourbon, à l’entrée de l’hémicycle.Comme toujours, le dialogue est cordial : si elleest une des personnalités les plus respectées duParti socialiste, notamment en raison de sonexpérience à la Justice au sein du gouvernementde Lionel Jospin, elle n’a jamais été du genre à

19

s’embarrasser du protocole. Pourtant, si ellel’avait voulu, Marylise aurait pu être présidentede l’Assemblée nationale : face à elle, personnene se serait présenté. Elle m’a confié avoir choiside rester au ministère de la Décentralisation pour« être dans l’action. » Cette femme est vraimentexceptionnelle, je ne connais qu’elle pour refuser

Page 20: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

les ors de l’hôtel de Lassay, les gardes républi-cains et les tambours de 15 heures du mardi et dumercredi.

Elle m’annonce sa venue à Marseille, le 26 juil-let, pour rencontrer les personnels territoriaux de laRégion et des représentants des différents servicesde l’État : « Ce serait bien qu’on en profite pourdiscuter un moment. J’arrive la veille, je t’invite àdîner. Tu connais une bonne adresse pour labouillabaisse ? » Je propose « Chez Fonfon », unetable toujours agréable : « C’est au Vallon desAuffes, le quartier où j’habite, c’est très typique,avec de petites maisons, le clapotis des vagues… Ily a une salle séparée, ça permet de travailler pendantle repas. » Je lui suggère de convier Eugène Caselli :« En tant que président de la communautéurbaine, il est intéressant qu’il soit là. Ce ne seraitpas juste que je me retrouve tout seul dans cetteaffaire : même si la création d’une métropole estma position en tant que parlementaire, je ne suispas le seul à être sur cette ligne… ». « D’accord, medit-elle avant de rejoindre le banc du gouverne-ment, dis-lui de venir s’il est disponible. »

Dès le lendemain, je transmets l’invitation àEugène. Il s’émeut que celle-ci passe par moi.Il téléphone au cabinet de Marylise Lebranchu

20

pour s’en étonner ! Alors qu’elle me l’a demandésimplement, amicalement, comme le font descamarades de la même formation politique depuisquelques décennies… Il faut dire qu’à peineconnu le résultat des législatives, Eugène aannoncé son intention de se présenter aux muni-cipales à Marseille en 2014 et il me considère

Page 21: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

déjà comme un concurrent potentiel. Sa lectureapparaît au grand jour peu après lors du conseilmunicipal, qui nous voit nous opposer sur unvote à propos d’un dossier d’urbanisme, ce qui abien fait rire la droite. La logique aurait vouluqu’il me soutienne dans mon combat contre unénorme projet d’hôtel de luxe sur la plage desCatalans. Il a préféré aller dans le sens de Jean-Claude Gaudin…

Au soir dit, nous voilà dans les petites rues duVallon des Auffes. Une belle nuit d’été, avecbeaucoup de monde, des touristes mais surtoutdes familles marseillaises qui rentrent de la plageet se sont arrêtées là pour manger une pizza.Marylise est séduite par cette ambiance décon-tractée : on parle bateaux, son mari possède uncaseyeur, une embarcation comme on en voitbeaucoup en Bretagne qui sert pour pêcher lestourteaux et les coques. Passe Charles, un amiqui s’occupe de la société nautique du Vallon : jele présente, ils se lancent dans un grand débatpour comparer les techniques employées enMéditerranée et sur l’Atlantique. De fil enaiguille, il nous invite même à prendre le pastis

1

21

et à partager les supions les pieds dans l’eau sursa terrasse. C’est avec bien des regrets que jedécline sa proposition, mais la métropole a tantattendu.

1.  Petites sèches qu’on fait frire avec de l’huile d’olive,de l’ail et du persil. Dans d’autres régions, on les appellemargate, chipiron, encornet…

Extrait de la publication

Page 22: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

Nous arrivons au restaurant, on s’installe.Poisson grillé pour Eugène et moi, tournée géné-rale de bouillabaisse pour Marylise et sonéquipe ! Sans chichis ni tralalas, la tablée est desplus joyeuses : il y a des techniciens, les policiersdu Service de protection des hautes personnali-tés, les chauffeurs, nous, tous ensemble. Celan’empêche pas d’avoir une conversation sérieuse.D’ailleurs, signe qui ne trompe pas, la ministreest venue avec des gens qui connaissent bien Mar-seille : Serge Bossini, mais aussi Jean-PhilippeThiellay. Conseiller de Jean-Marc Ayrault pour« les institutions, les libertés publiques, laréforme de l’État et la décentralisation », celui-ciest né dans la cité phocéenne, il a grandi dans lequartier de Saint-Barnabé. D’ailleurs, je soup-çonne Jean-Claude Gaudin d’avoir caressé untemps le projet de l’embarquer sur ses listes élec-torales. Il a eu l’occasion de le rencontrer et del’apprécier alors qu’il servait à l’ambassade deFrance au Vatican. Sauf que Jean-Philippe est unvrai socialiste et un vrai copain : il a bossé avecMartine Aubry et Jean-Jack Queyranne, conseillerd’État, il est un des cofondateurs de « TerraNova1 »… Depuis ce repas, il a même participé àune conférence que j’ai organisée pour défendre

22

1. Think tank progressiste fondé en 2008. Il était présidéau départ par Olivier Ferrand : originaire de Marseille,conseiller de Lionel Jospin à Matignon puis du président dela Commission européenne Romano Prodi, Olivier a été éludéputé en juin 2012 dans la circonscription de Salon. Il estmort treize jours plus tard, victime d’un accident cardiaque.C’est une perte terrible pour la vie politique française.

Page 23: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

l’organisation d’une élection primaire dans laperspective des municipales de 2014. Ce qui atellement étonné le maire UMP de Marseillequ’il m’a téléphoné pour savoir d’où je le connais-sais et m’en dire le plus grand bien !

Bref, avec Eugène, on se lance, on aligne lesarguments en rafale pour défendre la nécessitéd’une métropole. Nous n’avons même pas pris lapeine de nous concerter, nous savons où nousallons. Marylise nous interrompt : « Bon, vous,vous êtes pour. Mais les autres ? » Je lui répondsque les Marseillais auront du mal à être contre,même si certains feront peut-être preuve de pru-dence, à commencer par Jean-Claude Gaudinqui aura sans doute quelque réticence à signer unchèque en blanc pour un projet porté par un gou-vernement socialiste. Nous la mettons égalementen garde contre la réaction des sénateurs : tousceux qui dépendent des grands électeurs dudépartement pour être réélus, qu’ils soient degauche comme de droite, ne seront certainementpas de fervents partisans d’une réforme qui redes-sinera le périmètre des compétences au sein descollectivités locales. D’où l’importance dans ledébat parlementaire de s’appuyer sur l’Assembléenationale, les députés étant moins soumis à la

23

pression des maires et des présidents de struc-tures intercommunales qui ne manqueront pas demonter au front. Nous rappelons qu’il faudraégalement compter avec Michel Vauzelle, le pré-sident socialiste du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur pour qui j’ai une grandeconsidération et que je connais bien, ayant dirigé à

Page 24: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

trois reprises ses campagnes électorales. J’avanceune suggestion : « Il faudra inventer une formule,pour que la Région soit associée au processus entant que telle. Et consulte-le, il est d’Arles, etsans doute le mieux placé pour dire si cette partiedu département a vocation à s’inscrire dans lafuture métropole. »

Marylise Lebranchu a sorti son carnet Rhodia.Elle prend des notes. Puis trace un trait. À gauche,elle liste ceux qui devraient être pour la métropole,avant de demander : « Qui sera contre ? » Notreréponse est claire : « Guérini, tous ceux qui dépen-dent du conseil général… et tous les autres, lamaire UMP d’Aix-en-Provence qui est un poèmeà elle toute seule1, les communistes d’Aubagne etde Martigues qui ne sont pas des tendres, d’autresencore. Tu auras tout le monde contre toi. » Pas lapeine de masquer la réalité, de raconter que ce serafacile. Au contraire, on lui explique que dans cedépartement, cela fait bientôt cinquante ans quetout le monde se construit contre les autres. Quequand les premières communautés urbaines ontété créées en 1966 à Bordeaux, Lille, Lyon etStrasbourg, Marseille a laissé filer l’occasion.

1. Maryse Joissains-Masini est élue depuis 2001. Elle

24

est réputée pour son franc parler qui tranche avec l’imagebourgeoise d’Aix. Marylise Lebranchu connaît bien lepersonnage, tant pour l’avoir croisé à l’Assemblée natio-nale que pour sa sortie au lendemain de l’élection deFrançois Hollande : le qualifiant de « danger pour laRépublique », se livrant à des attaques sur son physique,elle a déposé un recours outrancier devant le Conseilconstitutionnel qui a été balayé.

Extrait de la publication

Page 25: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Un dîner au Vallon des Auffes

Marylise ouvre de grands yeux. Même si elle estchevronnée et a déjà creusé le dossier, elle necache pas son incompréhension en saisissantcombien les schémas qui existent partout n’ontpas cours ici. Combien la coopération entre lescollectivités est embryonnaire. Cela la choquetellement qu’elle nous détaille comment ça sepasse en Bretagne, où elle a été maire de Morlaixpuis un des rouages les plus importants duconseil régional après l’élection de Jean-Yves LeDrian en 2004 : « Pendant les élections, c’est labagarre mais après, tout le monde se met autourd’une table et chacun s’emploie à faire fonction-ner les choses. »

Que répondre ? Que Marseille est gangrenéepar le clientélisme ? Que, pour reprendre lesmots d’un magistrat, une organisation « à carac-tère mafieux » paralyse le conseil général ? Quel’individualisme est une règle partagée, chacunvoulant rester maître chez soi pour mieux contrô-ler son territoire ? Que pour beaucoup, l’immo-bilisme tient lieu de philosophie politique ? Letout au détriment du développement écono-mique, des transports, de la répartition harmo-nieuse des logements sociaux et de tant d’autres

25

urgences en souffrance ? Que quand j’ai été élu,en 2008, maire de deux arrondissements ducentre-ville, j’ai trouvé des placards et desbureaux vides, les sortants de droite ayant passétous les dossiers à la broyeuse avant de quitter leslieux. C’est hélas la vérité. Alors, même si avecEugène nous n’en sommes pas très fiers, nous

Extrait de la publication

Page 26: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

dressons un sombre tableau. Qui finit par la per-suader que l’âpreté de la bataille à mener est à lahauteur de sa nécessité.

En quittant Marylise, Eugène et toute la com-pagnie, pour rentrer chez moi à pied, je me disque je n’ai sans doute pas présenté Marseille sousson meilleur jour. Mais je n’ai pas menti, pasnoirci les choses plus que de raison. J’ai dessinéla ville telle qu’elle est. Belle, rieuse, laborieuseouverte au monde et pourtant si compliquée,livrée à tant de forces obscures, entravée par tantde faiblesses, qu’elle en perd la raison. Face à cetourbillon de contradictions, beaucoup ont baisséles bras. Moi, non. Jamais. Je ne suis pas le seul,d’autres aussi affrontent la tempête, se battent.Certains sont des amis, certains me sont incon-nus. Je ne sais pourquoi mais en ce soir d’été, jecomprends que nous saurons nous trouver. Quenous nous serrerons les coudes. Que nous seronsinventifs, malins, courageux. Qu’on va entendreparler de nous. Nous, les Marseillais !

Extrait de la publication

Page 27: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

2Les occasions manquées

Cela fait longtemps que j’ai compris queMarseille marche de guingois. Que dans cedépartement, les pièces du puzzle ne collent pas.Je l’ai vraiment touché du doigt en 2004 : vice-président du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’étais en charge des lycées etparticulièrement de leur construction. Alors queles dossiers avançaient plutôt normalementpartout ailleurs, ici c’était toujours compliqué…Ainsi, nous devions réaliser un établissementdans les quartiers Est de Marseille, à la Fourra-gère. Très vite, je me suis retrouvé au milieu d’unméli-mélo entre mon équipe, les différentsservices de l’État, le conseil général qui avait

27

prévu un collège juste à côté, la communautéurbaine Marseille Provence Métropole, la mairiecentrale et la mairie de secteur… Chacun tiraitdans un sens différent, chacun s’occupait d’unbout de l’histoire et surtout pas du reste, c’étaittoujours la faute de l’autre quand il y avait unproblème. Pour trouver un terrain, alors que

Extrait de la publication

Page 28: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Nous, les Marseillais

c’était le rôle de la Ville, cela a été la misère…Avec tout ça, allez répondre correctement auxattentes des enfants, des parents, des personnels !

Pour mettre de l’huile dans les rouages, onavait imaginé un « Comité de pilotage » qui seréunissait régulièrement. Je ne sais pas si ça exis-tait dans d’autres régions mais en PACA, c’étaitvraiment une première. Eh bien, malgré tous nosefforts, la première rentrée au lycée de la Fourra-gère s’est effectuée en septembre… 2012. Entre-temps, non loin de là et avec la bénédiction de lamairie, un établissement privé avait été décidé,construit et ouvert en moitié moins de temps.Lequel lycée catholique fut inauguré en grandepompe par Jean-Claude Gaudin, toujours prêt àprendre les mimiques des moines bénédictinsqu’on voit sur les boîtes de camembert.

Ce qui n’était qu’un sentiment s’est transforméen conviction en 2005, quand Ségolène Royalm’a demandé de l’aider à devenir la candidate duParti socialiste pour la prochaine présidentielle.Pari fou quand on se rappelle que DominiqueStrauss-Kahn et Laurent Fabius étaient déjà dansles starting-blocks, que Jack Lang trépignait enespérant récupérer la place, que Lionel Jospinétait prêt à reprendre du service et que François

28

Hollande, alors installé rue de Solférino, se tenaiten embuscade… Que du lourd !

Avec Ségolène, nous nous sommes alors lancésdans des dizaines de déplacements à travers laFrance. Tous les deux, nous avons avalé des mil-liers de kilomètres, souvent dans ma voiture,

Page 29: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

Extrait de la publication

Page 30: Extrait de la publication…Nous, les Marseillais, avons le devoir de tirer lucidement ensemble les leçons du passé afin de mieux organiser le présent et de mieux préparer le futur

No d’édition : L.01EUCN000594.N001Dépôt légal : septembre 2013

Extrait de la publication