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TRANSMÉDIATIONS

Traversées culturelles de la modernité tardive

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TransmédiationsTraversées culturelles de la modernité tardive

Mélanges offerts àWalter Moser

Sous la direction de Jean-François Vallée, Jean Klucinskas et Gilles Dupuis

Les Presses de l’Université de Montréal

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

978-2-7606-2786-4 (pdf)

Transmédiations : traversées culturelles de la modernité tardive : erts à Walter Moser

Comprend des réf. bibliogr.

e

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

nancière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.

nancier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

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Remerciements

La publication de ce volume a été rendue possible par les contributions de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, du Département de littérature comparée de l’Université de Montréal, du Département de littératures et de langues modernes de l’Université de Montréal, du Centre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE), du Centre de recherches intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques (CRIALT) et du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ).

Nous tenons également à remercier Monique Moser-Verrey pour son soutien indéfectible tout au long de ce projet.

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Avant-proposL’homme aux qualités transversales

Cet ouvrage collectif est né du désir de rendre hommage à un chercheur remarquable qui a mené une carrière exemplaire au Département de litté-rature comparée de l’Université de Montréal, puis à l’Université d’Ottawa comme titulaire de la Chaire de recherche du Canada « Transferts littérai-res et culturels » jusqu’à sa retraite en 2008. Comme l’annonce son sous-titre, ce collectif participe de la tradition bien connue des Mélanges (ou de la Festschrift comme on le dit – plus plaisamment – en allemand).

Cependant, ce désir initial de « fêter » un chercheur a donné naissance à un volume qui souhaite aller au-delà du simple témoignage amical : véritable compendium de ce que peut la littérature comparée quand elle est pratiquée avec rigueur, l’ouvrage réunit des auteurs de réputation interna-tionale et de jeunes chercheurs venus d’horizons divers (littérature, arts visuels, cinéma, philosophie politique…) et des contributions aux appro-ches théoriques et méthodologiques tout aussi plurielles (analyse du dis-cours, esthétique, herméneutique, critique culturelle, intermédialité, etc.).

En tant qu’éditeurs, nous avons dû nous pencher sur les causes de cette diversité qui nous paraissait transcender le simple éclectisme typique de ce genre de recueil. Cela nous a ramenés à la source d’inspiration de ces contributions à première vue si hétérogènes, soit à la pensée et aux travaux de Walter Moser lui-même. Nous avons donc cherché un fi l d’Ariane dans ce réseau touff u de recherches. Comment par exemple expliquer les passa-ges des études littéraires à l’analyse du discours, puis aux études culturel-les ? Comment relier Diderot au baroque ? Musil à la pensée des déchets ? Ou encore Novalis au « cannibalisme » brésilien ?

Nous avons cru déceler certaines constantes dans tous ces travaux : un parti pris pour des perspectives multivoques ayant recours à plus d’une discipline (études littéraires, histoire, philosophie…) ; un intérêt pour les

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chevauchements et l’hybridation (des discours, des époques…) ; une fasci-nation pour les mutations culturelles et historiques (à travers des réfl exions récurrentes sur la notion de « crise ») ; enfi n, le désir toujours d’aller plus loin, de voir au-delà des points de vue convenus et de réfl échir aux enjeux contemporains et futurs de ces recherches.

Par un heureux hasard, ces quatre constantes des recherches mosé-riennes correspondent point par point aux quatre acceptions du préfi xe « trans- » qui peut en eff et désigner, selon les cas : 1) ce qui traverse ; 2) ce qui chevauche ; 3) ce qui se transforme ; 4) ce qui se situe au-delà. On sait combien Walter Moser apprécie les défi nitions, à la fois rigoureuses et ouvertes à leurs connotations diverses aussi bien qu’à leur héritage étymo-logique, sémantique et historique. Nous ne saurions évidemment faire preuve ici du même « sens de l’exactitude » (typiquement musilien), mais nous prendrons le risque de placer tout de même cette introduction sous le signe de ce préfi xe éminemment mobile et protéen dont nous userons pour témoigner des nombreux transferts tant conceptuels que culturels, méthodologiques qu’historiques, qui ont caractérisé l’impressionnante traversée intellectuelle de Walter Moser.

Essai de traversée synthétique de l’univers conceptuel mosérien

« Moser est un magicien du concept », écrit Mieke Bal dans sa contribution. Et, comme tout magicien, il a d’abord dû consacrer un long apprentissage à la maîtrise de son art : on ne tire pas ainsi des concepts de son chapeau sans une rigoureuse formation et sans s’être nourri d’auteurs et de penseurs du passé et du présent.

Le parcours intellectuel de Walter Moser paraît se caractériser par une maîtrise et une polyvalence toujours croissantes tant dans le choix des approches théoriques et disciplinaires (des études littéraires, comparatives, sémiotiques, esthétiques et herméneutiques à l’histoire des concepts ou à l’analyse discursive et culturelle) que dans les objets (de la littérature aux arts jusqu’au cinéma et aux nouveaux médias), les périodes historiques (des Lumières à la « postmodernité » et à la Spätzeit en passant par le roman-tisme, le postromantisme et la modernité) et les aires culturelles étudiées (de l’Europe à l’Amérique du Nord et du Sud, au sujet d’œuvres et des pratiques culturelles en français, en allemand, en portugais, en anglais, en italien, en espagnol…).

Il ne saurait donc être question ici de cartographier tout ce territoire de la recherche ni de proposer une biographie intellectuelle de l’auteur ou éditeur d’une quinzaine de livres et de plus de cent articles ou chapitres d’ouvrages collectifs, de l’organisateur d’une quinzaine de colloques internationaux, de

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l’animateur d’une vingtaine de groupes de recherche subventionnés et du directeur de plus de 50 maîtrises, doctorats et postdoctorats.

On présentera plutôt ici brièvement les temps forts de son parcours intellectuel, tout en restant fi dèle à sa perspective épistémologique et éthi-que :

D’abord une remarque préliminaire. Les concepts ne sont pas les Idées plato-niciennes. Ils ne sont ni éternels ni immuables, et ne poussent pas dans le ciel bleu et éthéré de la théorie. Ce sont, au contraire, des constructions humaines, issues d’intérêts et de confl its humains et répondant à des besoins épistémiques spécifi ques dans des situations concrètes. Par conséquent, chaque concept a sa propre histoire de vie qui comprend un moment d’émergence et peut éventuel-lement être tracée jusqu’à sa disparition. Et les concepts se déplacent, ils circu-lent et, ce faisant, se transforment en assumant de nouvelles fonctions et de nouveaux sens1.

Des Lumières au romantisme allemand

Commençons en territoire neutre, à Zurich plus précisément, là où Walter Moser a reçu une formation de romaniste qui mènera à des études docto-rales sous la direction de Georges Poulet (dont les célèbres Études sur le temps humain2 ont peut-être eu un eff et « temporel » sur la « conscience critique3 » de son étudiant). La thèse de Walter Moser, sur la poésie fugitive au xviiie siècle et ses rapports avec la philosophie sensualiste en France4, adopte dès le départ une perspective transdisciplinaire et comparatiste qui va caractériser ensuite toute sa pensée et qui prendra encore plus d’impor-tance sous l’infl uence de Paul de Man5.

À partir des discours des penseurs « sensualistes » qui, à la suite des empiristes, Locke en particulier, posent au fondement de la connaissance les perceptions du corps humain, Moser étudiera la manière dont un Condillac, par exemple, classe la variété des perceptions humaines et

1. Walter Moser, « Transculturation : métamorphoses d’un concept migrateur », in Fulvio Caccia (dir.), La transculture et ViceVersa, Montréal, Triptyque, 2010, p. 33.

2. Le premier volume des Études sur le temps humain de Georges Poulet paraît en 1949 chez Plon. Les trois autres paraîtront respectivement en 1952 (La distance intérieure), 1964 (Le point de départ) et 1968 (Mesure de l’instant).

3. La conscience critique (Paris, José Corti, 1971), un ouvrage qui présente la « nouvelle critique », est un des ouvrages les plus connus de ce représentant de ce qu’on a appelé le « groupe de Genève ».

4. Walter Moser, « De la signifi cation d’une poésie insignifi ante : examen de la poésie fugitive au xviiie siècle et de ses rapports avec la pensée sensualiste en France », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, no 94, 1972, p. 277-415.

5. Monique Moser-Verrey, qui a aussi travaillé sous la direction de Paul de Man à Zurich, nous a signalé à quel point l’infl uence de De Man a été déterminante à ce stade de la carrière de Walter Moser, autant au regard de son orientation vers le comparatisme que dans la tra-versée de l’Atlantique qui a suivi (à Yale d’abord, puis à Montréal, à la suite de Timothy Reiss).

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s’interroge sur la manière par laquelle elles se transforment en sentiments ou en idées, ce qui amène la littérature à côtoyer la physiologie et le domaine médical, pour devenir elle-même un « savoir ». Quel mouvement interne produit cette transformation ? Déjà donc, il s’agit d’une histoire de « mou-vement » et d’une interaction entre les sensations qui évoluent pour devenir émotions ou idées et qui gravitent vers une pensée de la vitalité, du plaisir. Moser écrira peu après sur Jean-George Sulzer, penseur suisse, membre de l’Académie des sciences de Berlin et auteur d’un important dictionnaire encyclopédique (Th éorie générale des Beaux-Arts, 1771-1774), qui paraît maintenant comme une fi gure emblématique des « transferts culturels ».

Plus généralement, à cette époque, Moser s’intéresse à l’idée de la science et des discours qui la constituent, des Lumières jusqu’au roman-tisme. Cette veine de réfl exion fertile, inspirée déjà par l’histoire des concepts (Begriff sgeschichte), l’amènera à proposer de nombreuses lectures et études d’auteurs et de penseurs comme Condillac, D’Alembert, Diderot, Flaubert, Buff on, Herder, Kant, Hoff mann, etc., pour aboutir plus tard à son imposante monographie sur le Brouillon général (Das allgemeine Brouillon, 1798-1799) de Novalis, projet de poésie encyclopédique à la fois « radicalement fragmentaire » et « livre total » que Moser considère comme « révélateur d’une première grande crise de la modernité historique6 ».

Modernité(s) et postmodernité

Dans le sillage de ces réfl exions plurivoques sur l’Aufk lärung, la modernité et le romantisme, Moser se penchera aussi sur la situation problématique des discours en notre ère dite « postmoderne ». Soucieux de « comparatisme transhistorique », il a d’abord travaillé à montrer que cette crise de la modernité n’était pas sans précédent. Il a ainsi contribué à établir des liens entre certains discours crépusculaires typiques du postmoderne et ceux qui ont marqué la fi n des Habsbourgs dans la Vienne du tournant du xxe siècle, qui a vu à la fois la naissance d’une certaine modernité esthétique et une crise majeure de la modernité historique. Moser va particulièrement examiner cette crise à travers le prisme « médiateur » du roman inachevé de Robert Musil, L’homme sans qualités. Ce roman-essai, dont l’action se déroule à la veille de la Première Guerre mondiale, thématise et « forma-lise » cette crise non seulement en tant que déclin des valeurs, mais aussi

6. Walter Moser, Romantisme et crises de la modernité. Poésie et encyclopédie dans le Brouillon de Novalis, Longueuil, Le Préambule, coll. « L’Univers des discours », 1989. Pour les autres publications de Walter Moser sur les xviiie et xixe siècles, comme pour les nombreu-ses publications auxquelles nous ferons référence dans la suite de cette introduction, voir la bibliographie en annexe.

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comme aff rontement entre de nombreux discours scientifi ques, politiques, philosophiques, idéologiques, voire mythiques, qui y sont « mis à l’essai7 ». L’ouvrage collectif Vienne au tournant du siècle8, né d’un colloque qu’il a dirigé avec le philosophe François Latraverse en 1985, constitue sans doute le point culminant de cette réfl exion qui vise alors à établir une « archéo-logie des crises de la modernité9 ».

Mais l’archéologie critique mosérienne n’a eu de cesse de s’intéresser au présent, et donc à la dernière en date des crises de la modernité, celle qu’on désignait le plus souvent dans les années 1980 (mais non sans débat) par l’expression lyotardienne de « condition postmoderne ». À l’intérieur de ce climat généralisé de « fi n » ou d’« au-delà » de la modernité, la production culturelle semblait d’ailleurs corroborer ce diagnostic théorique. L’esthétique postmoderniste paraissait se caractériser par son recours à des procédés tels que la citation, la parodie, le pastiche, voire le plagiat. Ces diverses reprises du passé ont été lues comme des formes de création douteuses par une certaine critique qui y voyait un manque d’inspiration, un épuisement. Cependant, l’analyse plus attentive du postmodernisme permettait de dévoiler les grands mythes du modernisme, telles sa logique de la tabula rasa et sa prétention à une création ex nihilo. On découvre alors l’impor-tance de la nouvelle esthétique de l’appropriation pour laquelle reprendre le passé devient parfois un geste identitaire aux enjeux souvent complexes.

Walter Moser met alors sur pied une équipe de recherche10 pour étudier ces procédés littéraires et artistiques qui se démarquent par leur recours à divers modes de réutilisation. Cette notion permettait en eff et de défi nir de manière plus précise, moins idéalisante et plus « matérialiste » la création culturelle dite postmoderne, et ce, tout en comparant ces nouvelles formes à des procédés artistiques proprement modernistes, tels le montage ou le collage. Les concepts, problématisés, d’intertextualité et d’interdiscursivité, qui seront relayés plus tard par les notions d’intermédialité et d’interartia-lité, joueront à l’époque un rôle clé.

Avec ces recherches, qui donneront lieu à plusieurs publications impor-tantes, on constate un élargissement important des champs d’intérêt mosériens : le comparatisme déborde la sphère littéraire pour s’intéresser à d’autres manifestations culturelles (arts visuels, cinéma, médias…), alors

7. Voir Walter Moser, « La mise à l’essai des discours dans L’homme sans qualités », Revue canadienne de littérature comparée, vol. XII, no 1, 1985, p. 12-45.

8. Walter Moser et François Latraverse (dir.), Vienne au tournant du siècle, Montréal et Paris, HMH et Albin Michel, 1988. L’article qu’y publie Walter Moser s’intitule « D’une crise à l’autre : Musil et les enjeux de la (post-)modernité ».

9. Walter Moser, « D’une crise à l’autre », loc. cit., p. 292.10. « De la réutilisation au recyclage culturel » (Fonds pour la formation et l’aide à la

recherche [FCAR], 1992-1995).

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que les aires étudiées s’étendent maintenant au-delà de l’Europe et de l’Amérique du Nord jusqu’en Amérique du Sud et tout particulièrement au Brésil.

Walter Moser s’intéressera notamment au poète de l’avant-garde bré-silienne, Oswald de Andrade, qui, dans son Manifeste anthropophage (Manifesto Antropófago, 1928), concevait la culture comme une « canniba-lisation » des cultures dominantes et la production artistique comme une forme d’absorption, d’ingestion et de digestion du passé. Cette notion de cannibalisme culturel permettait de préfi gurer, de prolonger et de com-plexifi er les réfl exions sur la réutilisation en les reliant à d’importants enjeux identitaires, politiques et culturels.

Baroque(s) et néobaroque(s)

Si le postmoderne réutilise, voire « cannibalise » les styles anciens, le passé culturel devient ainsi une forme de magasin-entrepôt. Or cette accumula-tion arbitraire de styles dans le postmoderne, cet « excès » considéré comme artifi ciel, vu qu’il ne contribuait pas nécessairement à une production de sens, a amené certains critiques à faire des rapprochements avec le baroque. Cela ouvrait évidemment tout un faisceau de questions non seulement esthétiques, mais aussi historiques, culturelles, politiques, idéologiques, épistémiques, etc., auxquelles Walter Moser s’est intéressé de très près à travers divers groupes de recherche, d’importants colloques (à Paris, à Ottawa et à México) et de nombreuses publications dont il a été le plus souvent le principal instigateur.

Le concept de baroque dépasse ici son usage restreint de dénomination stylistique. La réfl exion théorique a en eff et multiplié les sens (style, période, culture, sensibilité…) de cette « réalité multiforme que l’on associe sponta-nément à l’excès, à la complexité, à l’irrégularité, à la corporéité ou au mélange des genres11 ». À travers son appréhension dans des pratiques artistiques diverses (littérature, cinéma, arts visuels, arts du spectacle), dans des périodes historiques qui vont du xviie siècle au tournant du xxie et dans des espaces culturels à la fois européens et américains (Brésil, Cuba, Mexique…), le baroque en vient à être vu comme un processus à la fois transculturel et transhistorique dont Moser retracera les diverses « résur-gences » (et non le simple « retour ») et les innombrables « valences » séman-tiques.

11. Nicolas Goyer et Walter Moser (dir.), Résurgences baroques. Trajectoires d’un proces-sus transculturel, Bruxelles, La Lettre Volée, 2001, quatrième de couverture.

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Recyclages culturels

Parallèlement à ces recherches sur le baroque, et en continuité avec les études précitées sur la réutilisation, Walter Moser va jouer un rôle de catalyseur dans le déploiement de tout un champ de recherche, plus ambi-tieux encore, autour des notions corrélatives de « recyclage culturel », de « déchets », de « mémoire et d’oubli »…

L’émergence, dans les années quatre-vingt-dix, d’une véritable « éco-nomie de la reprise et de la réappropriation », en lien avec la croissance fulgurante du numérique, marquait une accélération phénoménale du processus de « recyclage culturel » (dont Moser voyait la préfi guration dans les réfl exions quasi prophétiques de Hegel sur l’art postromantique). Cette « métaphore épistémique12 » permettait notamment de rendre compte de la matérialité de ces processus de récupération, ainsi que de la circulation de ces matériaux dans le nouveau contexte de la mondialisation.

Le recyclage culturel invite en eff et à une réfl exion de nature économique (et même anthropologique et urbanistique) sur le rapport entre les cultures dominantes et la périphérie, sur la circulation et la production de valeurs : certaines œuvres issues des « dépotoirs » du passé, par exemple, sont consi-dérées comme des « monuments » (qu’on songe à l’hypermnésie des « lieux de mémoire » contemporains et à la « muséifi cation » généralisée de la culture), d’autres jadis célèbres sont aujourd’hui oubliées ou récupérées de diverses manières (dans les contextes variés de l’amnésie culturelle typique des sociétés d’hyperconsommation ou encore des sociétés postcoloniales et postcommunistes). Encore ici de très fertiles groupes de recherche, des colloques importants et de nombreuses publications collectives réunissant des auteurs prestigieux13 permettront d’explorer les enjeux transdisci-plinaires, transhistoriques et transculturels, devenus cruciaux, de ces notions de recyclage, de déchets, ainsi que la paradoxale relation entre la « mémoire » et son corrélat, le (nécessaire) « oubli », tous des concepts que Walter Moser, véritable pionnier en ce domaine, a fortement contribué à (ré)actualiser pour la réfl exion culturelle contemporaine.

Histoire, temporalité et Spätzeit

Comme on l’aura remarqué, tout au long de ses recherches se profi lent les questions déterminantes, mais non déterministes, du temps et de l’histoire, liées sans doute à la formation de Walter Moser, mais aussi et peut-être

12. Walter Moser, « Le recyclage culturel », in Walter Moser, Claude Dionne et Silvestra Mariniello (dir.), Recyclages. Économies de l’appropriation culturelle, Montréal, Balzac, 1996, p. 49.

13. Voir la bibliographie à la fi n de ce volume.

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surtout au fait qu’en tant qu’homme de pensée engagé dans son époque, il s’est toujours intéressé à la « crise de l’histoire » (et non à la « fi n de l’his-toire14 ») qui est la nôtre.

En tant que comparatiste littéraire, intéressé par le destin des œuvres dans le temps, Walter Moser a pratiqué – fût-ce sur des objets, des prati-ques, des médias, des périodes et des aires culturelles toujours plus diver-sifiés – les principes d’une herméneutique inspirée par les leçons du romantisme allemand (de Schleiermacher en particulier), mais aussi par les versions plus philosophiques proposées par Heidegger et Gadamer, à partir surtout de la notion d’« effi cience historique » (wirkungsgeschichtli-ches Bewusstsein) de ce dernier qui a pour fi n de saisir comment une œuvre résonne de manière singulière dans chaque nouvel « horizon » historique.

Afin de penser les effets et la signification des œuvres, il a aussi exploré d’autres paradigmes conceptuels tels que la Jetztzeit (ce « passé chargé de présent ») de Walter Benjamin, la notion de non-contemporain (Ungleichzeitigkeit) d’Ernst Bloch, celle de belatedness (la hantise du « tou-jours en retard » née de l’« anxiété de l’infl uence ») exploitée par Harold Bloom, etc. Toutes ces réfl exions sur le temps, l’histoire et leurs paradoxes convergent cependant pour informer sa manière de penser le concept, devenu central dans ses recherches depuis la fi n des années quatre-vingt-dix et le début des années deux mille, de Spätzeit, notion diffi cilement traduisible qui désigne la condition « tardive » de la modernité, alors que la mesure du présent est devenue le passé, et ce, dans le contexte d’une pensée du déclin, de ce qui survient au déclin, mais qui se refuse pourtant à enté-riner les « visions de la fi n » (Endzeit).

Ces notions apparemment abstraites ont permis le développement de nombre d’analyses et de réfl exions concrètes sur la transformation des pratiques culturelles dans le contexte de la mondialisation et de la révolu-tion des nouveaux médias.

Mobilité, transferts culturels et cultures en transit

La notion de temps paraissant indissociable de celle de mouvement, on ne s’étonnera donc pas de voir Walter Moser s’intéresser ensuite aux concepts de locomotion et « médiamotion » (voire d’« artmotion ») à travers un nou-veau groupe de recherche et de nouvelles publications sur le genre du road movie, par exemple, qui implique, comme on le sait, que le déplacement soit aussi une éducation, un processus potentiellement initiatique.

14. C’est ce que rappelle Moser au bout de son essai fondateur sur le recyclage culturel en s’opposant à l’hypothèse, alors fort débattue, de Francis Fukuyama. Recyclages, op. cit., p. 49.

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Il semble d’ailleurs en aller ainsi du parcours intellectuel de Walter Moser lui-même, qui pourrait se placer tout entier sous l’égide du transit et des transferts. Ce n’est donc pas un hasard si, ces dernières années, dans le sillage de l’obtention d’une Chaire de recherche du Canada sur les « Transferts littéraires et culturels » à l’Université d’Ottawa (2002-2008), il s’est penché plus spécifi quement sur ces notions de « mobilité », de « trans-fert » et de « transit » d’un point de vue à la fois conceptuel, culturel (en ce qui concerne les relations Canada-Brésil tout particulièrement) et histori-que (au regard surtout de ce qu’il advient de nos « persistantes moderni-tés15 », et ce, plus de trois décennies après la publication de La condition postmoderne de Jean-François Lyotard).

Bref, le concept de transferts culturels, point d’aboutissement de la recherche de Walter Moser (à ce jour !), n’est pas seulement une notion théorique mais un protocole de lecture inédit pour l’analyse des échanges théoriques, critiques et méthodologiques de plus en plus fréquents à notre époque entre diff érentes disciplines, divers médias, diff érentes périodes et cultures. De la sorte, Walter Moser a contribué à établir le cadre conceptuel dans lequel le phénomène généralisé et très actuel du transfert culturel a pu être pensé et analysé dans le contexte, complexe et mouvant, de notre modernité tardive. Toujours sensible à son époque, il a su, tel un artiste de la pensée (mais avec la rigueur et l’indépendance idéologique du Selbstdenker musilien), pressentir les développements conceptuels à venir sur un mode éminemment ouvert aux transitions et aux transformations, à tel point d’ailleurs que nous serions tentés ici de créer le néologisme de « transcepts » pour décrire ces brillantes confi gurations théoriques.

Des mélanges transculturels, transhistoriques, transdisciplinaires et transmédiatiques !

Un tel trajet conceptuel et institutionnel implique évidemment un nombre incalculable de rencontres intellectuelles et humaines. Et, de fait, Walter Moser a su créer à lui seul, dans la tradition vénérable de la République des lettres et des Encyclopédistes, un véritable réseau de chercheurs provenant de diverses disciplines et de plusieurs pays. À la suggestion de la plus déterminante de ces « relations », Monique Moser-Verrey16, nous avons

15. « Les Modernités et leur persistance » est le titre de l’introduction de l’ouvrage suivant : Richard Dubé, Pascal Gin, Alvaro Pires et Walter Moser (dir.), La modernité en transit/Modernity in Transit, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2009.

16. Monique Moser-Verrey est elle-même une chercheuse d’exception, formée elle aussi à Zurich, et ayant mené une carrière fertile ponctuée de nombreuses publications sur la lit-térature européenne du xviiie siècle, l’écriture des femmes, la poétique du roman, ainsi que les littératures francophones, allemandes et hispaniques.

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sollicité pour le présent ouvrage une partie de cet immense réseau d’amis, de collègues, de collaborateurs, d’ex-étudiants, de co-chercheurs. Malheureusement, nous en avons sans doute oublié quelques membres importants de par la nature « secrète » de cette entreprise qui nous a empê-chés de faire un appel public ouvert à tous17. En outre, plusieurs chercheurs contactés n’ont pu – à grands regrets ! – participer à cette entreprise à cause de l’échéancier très serré que, par optimisme, nous avions d’abord établi. Cela dit, les 16 contributions ici réunies permettent de constituer un ouvrage substantiel et, nous en sommes convaincus, de donner une idée assez complète du polymorphe univers intellectuel mosérien.

À la fois transgénérationnel (du fait qu’il réunit des chercheurs établis de la génération de Walter Moser, des collègues un peu plus jeunes, ainsi que d’anciens étudiants), transculturel (Canada, Allemagne, Pays-Bas, Brésil, États-Unis) et transdisciplinaire (littérature comparée, études littéraires de diverses langues nationales, études cinématographiques, histoire de l’art, sociologie, études culturelles) du point de vue de l’identité de ses collabo-rateurs, l’ouvrage se projette encore davantage dans l’univers du « trans » lorsqu’on appréhende son contenu extrêmement diversifi é, quasi baroque, qui témoigne d’une multiplicité de transferts et de transgressions dans tous les domaines précités.

Nous avons tenté de donner une apparence d’ordre, sans doute trop symétrique, à ces 16 contributions en les regroupant en quatre sous-groupes thématiques qui représentent les pôles les plus fertiles des recherches de Walter Moser : « Recyclages et transferts culturels », « Postromantisme, baroque et Spätzeit », « Esthétique et herméneutique », enfi n « Philosophie et littérature comparée ».

Dans la section « Recyclages et transferts culturels », nos auteurs s’inté-ressent bien sûr aux migrations conceptuelles et politiques internationales : que ce soit à travers une lecture politique sophistiquée d’une installation vidéo de l’artiste-cinéaste fi nlandaise Eija-Liisa Ahtila (chez Mieke Bal) ou encore par un témoignage sur les relations intellectuelles et institutionnel-les interaméricaines (entre Brésil et Québec tout particulièrement) qui se veut un vibrant hommage à Walter Moser (Zilá Bernd). Mais cette section off re aussi l’occasion de réfl échir, d’une part, sur les transformations urbai-nes postmodernes à travers d’érudites déambulations dans les grandes métropoles du monde (New York, Paris, Los Angeles, Las Vegas, Dubaï) en compagnie de Régine Robin (qui esquisse ici une véritable « poétique

17. Nous souhaitons notamment nous excuser, plus personnellement, auprès de trois proches collaboratrices montréalaises qui ont été omises dans notre liste d’envoi pour le premier appel de textes (Michèle Garneau, Silvestra Mariniello et Johanne Villeneuve). Nostra culpa !

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des mégalopoles ») et, d’autre part, sur les enjeux du postcolonialisme, avec Gastón Lillo qui, par une analyse détaillée d’un fi lm péruvien, propose des considérations pénétrantes sur les nombreux paradoxes de l’oubli et de la mémoire dans le contexte du passé trop souvent douloureux, de nombreu-ses cultures latino-américaines.

Après ces pérégrinations internationales fort révélatrices, on se rend compte dans notre section « Postromantisme, baroque et Spätzeit », qu’il est diffi cile en fait de séparer géographie et histoire, comme en témoigne l’ambitieuse tentative de cartographier le territoire hétérogène du baroque dans le Nouveau Monde par Timothy Reiss qui y oppose notamment le baroque mexicain plus « historique » à ses variantes antillaises, plus « topographiques ». Parallèlement, Karlheinz Barck, en s’intéressant au « poète-traducteur » de Baudelaire qu’a été Walter Benjamin, met de l’avant la notion benjaminienne de « baroque de la banalité » qui laisse entrevoir la possibilité de nouvelles translationes studii qui ne seraient plus des translationes imperii, tandis que Françoise Lucbert propose une lecture sensible des « palimpsestes » décelables dans l’œuvre « hantée par les aléas de l’histoire » et foncièrement intermédiale d’Anselm Kiefer (aménagée au Louvre en 2007), avant qu’on aboutisse, en fi n de parcours, au-delà même de la fi n en fait, aux visions perspicaces que nous présente Richard Bégin des fi gurations cinématographiques de la Spätzeit dans le cinéma post-apocalyptique.

Ces voyages dans le temps et l’espace de la culture et de l’histoire nous obligent ensuite à interroger les fondements mêmes de la culture et de l’histoire dans la section intitulée « Esthétique et herméneutique ». Éric Méchoulan s’y penche d’abord sur les complexes enjeux sociaux et écono-miques, parallèles et divergents, des conceptions de l’esthétique chez Kant et Schiller, tandis que John Neubauer s’attaque à la notion même de com-plexité, d’un point de vue narratif (à partir de l’exemple du romancier hongrois Peter Esterházy) aussi bien que théorique (à l’aide des aléas de la notion de « résistance à la théorie » de Paul de Man). Gilles Dupuis, quant à lui, explore plus concrètement les fondements herméneutiques du « style » dans les domaines de la musique et de l’écriture avant de « terminer » sur la notion de « styles tardifs », tandis que Philippe Despoix s’intéresse à ce véritable art du visible qu’est le « cinéma transversal » (Querschnittfi lm) dans les portraits urbains (Paris, Berlin, Moscou) d’avant l’avènement du sonore, ce qui lui permet de mettre cette poétisation cinématographique en parallèle avec la « subversion de la forme romanesque par l’essai » chez Musil à la même époque.

Enfi n, la dernière partie, « Philosophie et littérature comparée », regroupe des auteurs qui s’intéressent à des enjeux plus philosophiques ou plus

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proprement comparatistes, comme Marc Angenot qui s’attaque au prétendu recyclage du fait religieux dans la modernité politique (à travers les notions de « gnose » et de « millénarisme ») dont il interroge brillamment la perti-nence avérée chez des représentants de la philosophie de l’histoire tels Voegelin, Löwith, Taubes ou Cohn. Peter Klaus, quant à lui, s’intéresse plutôt à la langue et à la littérature comme marqueurs identitaires dans la littérature québécoise des années soixante à deux mille (où il identifi e une évolution : de la « surconscience linguistique » jusqu’au « décloisonnement idéologique postcolonial »), tandis que Wladimir Krysinski propose une lecture savante des fonctions philosophiques, discursives et esthétiques du fragment chez l’« anti-Hegel en extase discursive » que serait Th eodor W. Adorno. Enfi n, cette section, comme l’ouvrage tout entier, se conclut sur la traduction inédite d’une brillante réfl exion d’un jeune collègue de Walter Moser (décédé trop tôt), Bill Readings, sur cette « quasi-discipline » qu’est ou que pourrait être la littérature comparée dont toute la valeur résiderait en fait dans son… échec.

Il va de soi que cette belle symétrie de nos quatre regroupements thé-matiques de quatre articles chacun constitue aussi une forme d’échec (avoué !) : ce bel ordonnancement cache bien sûr un véritable réseau sou-terrain de liens transversaux (à la fois transculturels, transhistoriques, transdisciplinaires et transmédiatiques), ce pourquoi il importe de rappeler en terminant que la polysémie sémantique du préfi xe « trans- » constitue bel et bien la véritable unité de ce volume, dont les fondations apparemment si hétérogènes et instables tirent en fait toute leur solidité et leur cohésion de cette instabilité et de cette hétérogénéité mêmes.

Bref si, comme cela est toujours le cas dans ce genre d’ouvrage collectif, la diversité des objets et des approches fera que peu de lecteurs se sentiront interpellés par tous les articles du recueil, cette même diversité, combinée à la haute tenue des contributions, fera que tous les lecteurs y trouveront matière à intérêt.

Une manière de conclusion

À première vue, on pourrait certainement affi rmer que ce qui fait l’intérêt du parcours intellectuel de Walter Moser, ce sont ses nombreuses publica-tions, ses fertiles collaborations ou son infatigable pérégrination intellec-tuelle et pédagogique à travers le monde. Mais certains insisteraient sans aucun doute plutôt sur le fait qu’au « travers de cette traversée », apparem-ment si peu linéaire, il soit demeuré tout au long de sa carrière un homme droit qui avance sans louvoyer. Il ne saurait cependant être question d’attri-buer cette honnêteté intellectuelle et cette éthique de travail aux seuls eff ets

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du proverbial terreau culturel helvétique. Car Walter Moser n’a certaine-ment pas été doté de l’austérité stéréotypée du calviniste, ni de la neutralité d’humeur qu’on veut parfois attribuer à ses compatriotes. Son enthou-siasme, sa générosité et la chaleur de ses interactions avec ses collègues comme ses étudiants lui ont permis de garder une fraîcheur qui fait tout son charme en tant qu’homme et chercheur, réputation enviable et tout à fait méritée.

En dernière analyse donc, ce qui étonne le plus chez Walter Moser, c’est sa capacité sans cesse renouvelée d’étonnement, qualité rarissime dans un monde d’universitaires trop souvent blasés et tout occupés à se donner l’air de tout savoir sur tout. Walter Moser, quant à lui, a su garder vivante cette étincelle qui est à la source même de toute recherche, cette curiosité devant le monde qui prend racine dans l’enfance et que trop d’adultes se pressent d’éteindre dès qu’ils ont l’occasion de mettre la main sur une conception du monde, une idéologie ou un système de pensée plus rassurant.

C’est en ce sens que Walter Moser est un véritable essayiste au sens proprement musilien du terme, c’est-à-dire un homme qui a su conserver le « sens du possible » (Möglichkeitsinn) et une « absence de qualités » (Eigentschaft losigkeit) salutaire, qui est peut-être à la source de toutes ses qualités (éminemment « transversales » comme on l’a vu) en tant que cher-cheur et en tant qu’homme. Nous espérons que ces contributions, concep-tuelles et amicales, permettront de témoigner, fût-ce très partiellement, des qualités de cette paradoxale « absence de qualités », tout comme des possi-bilités du comparatisme littéraire et culturel lorsqu’il est pratiqué avec curiosité, enthousiasme et rigueur.

Jean-François Vallée et Jean Klucinskas

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Wladimir Krysinski Université de MontréalKatalin Kürtösi Université de SzegedGaston Lillo Université d’OttawaFrançoise Lucbert Université LavalUli Locher Université McGillSilvestra Mariniello Université de MontréalÉric Méchoulan Université de MontréalRobert Melançon Université de MontréalLivia Monnet Université de MontréalEliane Moser OttawaFlorent Moser MontréalLucie Moser et famille Longueuil Monique Moser-Verrey Université de MontréalAndreas Motsch Université de TorontoCraig Moyes King’s College (Londres)John Neubauer Université d’AmsterdamMichel Pierssens Université de MontréalJosiane et Jean Porret MontréalEliane et Hans-Herbert Räkel Université de MontréalTimothy Reiss New York UniversityRégine Robin Université du Québec à MontréalSteve Savage MontréalJosef Schmidt Université McGillSherry Simon Université ConcordiaSamuel Torello MontréalJean-François Vallée Collège de Maisonneuve (Montréal)François Verrey Université de ZurichJohanne Villeneuve Université du Québec à MontréalTobias Wyss Zurich

Département de littérature comparée Université de Montréal Département de littératures et de langues modernes Université de MontréalDépartement des langues et littératures modernes Université d’OttawaCentre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE)Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)Centre de recherches intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques (CRIALT)

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