expression cinematographique

8/14/2019 expression cinematographique

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Lexpression cinmatographique

CineRSS.com


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Jai mis sur la premire page les photos de mes six ralisateurs prfrs ou plutt de

ceux qui je pense ont le plus influenc lexpression cinmatographique.

Tout dabord Charles Chaplin (1899-1977) qui a su profiter du cinma muet pour

inventer un nouveau langage puis Fritz Lang (1890-1976) qui a marqu le courant

expressionniste allemand. Dans un style trs diffrent et peut tre mon prfr :

Andre Tarkovski (1932-1986) qui a fusionn la posie et limage dans ses films et un

autre russe qui a cre un langage partir du montage : Sergue Eisenstein (1898-

1948). Je nai pas oubli bien sr la rvolution de la Nouvelle Vague et son plus

digne reprsentant : Jean-Luc Godard (1930-). Pour terminer, Ingmar Bergman

(1918-) chez qui japprcie autant les mlanges de couleur que son traitement de

lincommunicabilit.

Contact : [email protected]

Mai 2007


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Introduction

l y a un peu plus dun an, jai commenc crire quelques lignes

chaque fois que je voyais un film. Je lai fait dabord pour moi, afin

de complter ma base de donnes sur ma filmothque. A force de voir

beaucoup de films, jai eu tendance me rappeler les meilleurs et les

plus mauvais mais pas forcment toute la masse de films que je notais

une trois toiles1. Ma base ne comprenait que des notes et il mest

arriv de les donner un peu la va-vite et assez longtemps aprs avoir

vu un film. Jen suis mme arriver recommander des navets en me

fiant uniquement sur ma note car ma mmoire me faisait dfaut.

Dautre part, javais envie de me remettre la programmation et rien

de mieux pour cela que dutiliser un cas pratique. Le hasard tant bien

fait, je suis tomb sur un livre prsentant la programmation de sites

internet qui prenait comme exemple une base de donnes sur le

cinma. A partir de l, le site est n !

Au tout dbut, ctait quelques lignes crites juste aprs avoir vu un

film ou plus souvent quelques jours aprs. Puis, je me suis mis

prendre des notes pendant le visionnage des films. La premire date du

10 mars 2006. Depuis, il y a eu prs de deux cents ! Et je ne compte

pas tous les films que jai arrt en cours de route parce quils taient

franchement mauvais, que javais la tte ailleurs ou encore que le

tlphone sonnait.

* *

*

1Mon systme de notation va de zro quatre toiles. Les films que jai nots zro une toile peuvent tre

considrs comme sans intrt voire non regardables. Les films deux trois toiles sont intressants et pour

certains trois toiles, il leur manque juste un petit quelque chose pour arriver lexcellence. Les films quatre

toiles sont ceux qui mont marqu par leur histoire, leur esthtisme et que jai regards avec un plaisirextrme.

I


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Un essai peut tre crit de deux manires diffrentes : soit dans une

langue plutt difficile daccs, introduisant de nombreux concepts et

nologismes un peu la manire dun Kant ou dun Sartre2 ; soit avec

moult illustration dexemples et en exposant des concepts a priori

simples et vidents. Dans Critique de la raison pure, Kant nous dit quil

ne voit pas dintrt rajouter des exemples ses propos car en

augmentant substantiellement la taille de son ouvrage, il nuirait sa

comprhension. Et tant pis pour ceux qui narrivent pas comprendre

sans ces exemples.

Comme je nai pas une centaine de concepts exposer et que je suis

trs loin darriver manier trois concepts par page et les retordre

dans tous les sens, je me contenterai dun expos sur des concepts a

priori plutt vidents avec moult exemples illustratifs. Ce livre est un

peu comme les haku, ces petits pomes japonais dont je reparlerai plus

tard et qui en quelques lignes arrivent faire passer une motion ou

une ide.

Les exemples que jai choisis sont trs varis. Il ny a pas que dans lesfilms dauteurs intellectuels que lon trouve des bonnes ides. En fait,

mme une simple ide trs mal illustre par un pop-corn movie

amricain peut lancer ma rflexion. Cest une sorte de catalyseur. Son

rle nest que de dclencher la rflexion et lassociation dide, pas de

rpondre une question.

* *

*

Ce qui caractrise le plus mes gots en matire de cinma, cest que je

nai pas de prfrence. Je peux aussi bien voir les 11 Commandements

(pas le film de Cecile B. DeMille, celui de Michal Youn !) que Le Miroir

de Tarkovski. Il est vrai que jutilise des exemples assez extrmes. Je

nai surtout pas envie de me concentrer sur un de ces extrmes. Je

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Je ne parle pas des romans ni du thtre de Sartre mais plutt des essais philosophiques commeLtre et lenant.


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pense quil y a des moments o un film intello ou dun esthtisme trs

marqu peut procurer un immense plaisir mais il faut tre en condition.

Dautres fois, un film de pur divertissement sans ambition que de faire

rire est aussi un vrai plaisir. En fait, ce quil faut, cest savoir

slectionner le film appropri au sein dune offre plthorique. En un an,

je vois plus de cent cinquante films, c'est--dire environ trois cents

heures o jaurais pu faire plein dautres choses. Il ne sagit pas de

gcher ce temps en navets. Il y a trop de films que jai envie de

dcouvrir que je ne souhaite pas trop me polluer avec les derniers

blockbusters amricains. Si je ne suis pas slectif, je naurais pas pu

dcouvrir les films de Krzysztof Kieslowski ou de Werner Herzog. Je sais

aussi que je suis pass ct de bons films.

Malheureusement, les films qui mergent sont souvent ceux qui ont les

plus gros budgets marketing. Prenez par exemple Les Bronzs 3, le film

tait videmment trs attendu, il a t soutenu par lobjectif de battre

le record absolu de La grande vadrouille3 et finalement les franais sont

alls voir ce film plutt par nostalgie des deux premiers opus etattachement aux acteurs qu la critique. Les anciens de Splendid ont

repouss pendant longtemps ce projet par crainte dun chec. Dun

point de vue commercial, cest un grand succs. En revanche, la qualit

est loin dapprocher les deux premiers Bronzs.

Les autres sont condamns au bouche--oreille et quelques salles

avec le risque de ne durer quune semaine si le premier week-end nest

pas la hauteur des esprances de lexploitant. On a peine le temps

dentendre parler dun film quil nest dj plus pour longtemps dans les

salles. Il mest arriv ainsi de voir en DVD ou la tlvision et

dapprcier des films dont je navais mme pas entendu parl lors de

leur sortie. Narco, film franais sur un narcoleptique qui transforme ses

rves en bandes dessines, que je ne connaissais pas avant de le

3Record quil na jamais battu dailleurs.


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visionner en DVD, ma marqu par son esthtisme, sa musique, son jeu

dacteurs mme si ce nest pas du Bergman.

Je pourrais passer un peu plus de temps lire les journaux de cinma ?

Je lai fait un moment donn et jai test peu prs tous les types de

magazine cinma. Dun ct, il y a les journaux grand tirage comme

Premire ou Studio qui sont condamns ntre pas trop critiques

envers les grosses productions afin de pouvoir toujours tre invits aux

avant-premires. De lautre, il y a les magazines comme Positifou Les

Cahiers du Cinma qui sombrent un peu trop rapidement dans

lintellectualisme. Je me souviens notamment dun article dans Les

Cahiers sur Gangs of New-York qui arrivait trouver des explications

sur le message du film un peu tires par les cheveux. Toutefois, force

dessais, jtais arriv trouver un support qui me plaisait. Il sagit de

Brazil. Comme moi, ce magazine prnait lclectisme et savait avoir des

opinions tranches sur un film. Comme moi, ses journalistes taient des

inconditionnels du film Brazil de Terry Gilliam. Malheureusement, je

pense quils nont pas trouv leur public et leurs attaques contre LucBesson leur ont cot cher. Ils ont fusionn avec un autre magazine

musique du mme groupe de presse. Jai trouv alors que la partie

cinma tait de plus en plus bcle. Je nai pas renouvel mon

abonnement. Et depuis, je nai jamais rachet de magazine cinma.

* *

*

Je pense que le cinma peut tre vu aussi bien comme un art, une

industrie, un divertissement, un enrichissement humain. Le cinma

expressionniste allemand est un bonne illustration du pouvoir de

limage. Par exemple, les dcors du cabinet du docteur Caligari

renforcent laspect tortur et onirique du film. La peinture se mlange

au cinma.


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Le cabinet du docteur Caligari, Robert Wiene (Figure 1)

Les cinastes sovitiques des annes vingt sont pour moi avec les

expressionnistes allemands les reprsentants des deux courants qui ont

rvolutionn le cinma et lui ont donn son statut dart part entire.

Le cinma des premiers temps a transpos le thtre dans une salle

obscure : il nutilisait que des plans fixes. Le cinma des annes vingt a

cherch saffranchir du thtre et a donn sa propre vie ce nouvel

art. Des films exprimentaux comme Lhomme la camra de Vertov

ont cherch exploiter les possibilits techniques de la camra : plan

subjectif, mouvement de camra, surimpression. Dans ce film, il ny a

pas dhistoire, seules des images regarder. Vertov a invent le

concept de Cin-il : la camra se substitue lil humain et filme la

ralit.


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Lhomme la camra, Dziga Vertov (Figure 2)

Le cinma est une industrie car il devient de plus en plus technique et

donc plus consommateur en capitaux. Les objectifs de rentabilit

deviennent primordiaux. Il est clair que laspect grand spectacle prend

le dessus sur lart. Ce cinma produit le meilleur et le pire. Mme si tout

au long de mes critiques je men prends assez largement au cinma

amricain, je crois quil faut savoir aussi prendre dans ce cinma ce quil

a de meilleur. Je me rappelle davoir vu Lge de glace 2 un vendredi

soir aprs une semaine de travail bien remplie. Je pense que ctait le

meilleur moyen de me changer les ides et bien dmarrer un week-end.

Je naurai pas t capable de voir un Tarkovski ce soir-l, je me serai

endormi o ennuy. Ces films demandent un certain effort intellectuel si

on veut vraiment en profiter. Il ne faut donc pas aller les voir comme si

on allait voir le dernier Spielberg. Le cinma a aussi une fonction de

divertissement et pas forcment de divertissement intellectuel. On

passe un bon moment, on en parle aprs entre amis et mme si

lhistoire na pas laiss un souvenir imprissable, il peut en rester

quelques scnes ou rpliques amusantes. Mme des films qui peuvent

paratre pitoyables pour un grand nombre comme par exemple tous les

films des Monty Python me font tellement rire que japprcie toujours


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de les voir. Ce genre de cinma nest dailleurs pas forcment le plus

facile manier car la frontire entre le pitoyable-rigolo et le pitoyable-

trs lourd du genre Boratest trs troite. Seulement ce cinma ne fait

pas vraiment avancer les choses : il ne sert qu faire passer le temps

de manire agrable.

Cest pourquoi, jaime tout particulirement lorsque le cinma peut me

faire rflchir et menrichir. Je reviendrai plus loin sur tous les thmes

et concepts diffrents que lon peut trouver dans le cinma. Mme si

japprcie la lecture, je trouve que le rapport dure investie -

enrichissement est bien meilleur dans le cinma. Il est rare de trouver

des livres aussi riches que La Recherche du temps perdu. Souvent, on

ne trouve que quelques concepts dvelopps sur plusieurs centaines de

pages. Cela reprsente pas mal dheures de lecture. Un film, cela ne

dure que cent minutes en moyenne et mme sil aborde rarement plus

de deux trois concepts, le rapport est plus favorable que la lecture.

* *

*Le cinma peut tre vu comme du vin : pour apprcier le meilleur, il

faut aussi goter aux moins bons, voire aux trs mauvais. En

descendant trs bas on en gote dautant mieux la qualit dun grand

film. Cest aussi son ct rare qui renforce sa valeur. Il mest arriv de

passer des semaines sans voir un grand film ; cest un vrai bonheur

quand enfin je trouve la perle rare. Il est vrai que si je trouve

labstinence un peu longue, jai toujours la solution dun Chaplin ou dun

Tarkovski. Ce sont des valeurs sures. En outre, mme si elle a t

conteste par la suite, je crois totalement la loi conomique de Say :

Tout produit trouve son dbouch . Je connais des personnes qui ont

aim Capitaine Sky et le monde de demain ! Si un film a t produit et

ralis, cest quil a plu au moins aux quelques personnes qui ont

contribu sa construction. Quoique, je suis sr que beaucoup de

ralisateurs font des films en fonction de ce quils pensent du got du


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public ou uniquement pour des raisons alimentaires. Mais,

statistiquement, ce film trouvera au moins une personne quil

lapprciera. Evidemment, il nest pas sr quil trouve son quilibre

conomique. Revenons Capitaine Sky! Mme si je lui ai dcern le

navet dor4, jen ai retir quelque chose : dabord il tait culturellement

ou intellectuellement intressant jallais dire enrichissant, mais il ne

faut pas exagrer - de voir ce que rendait un film tourn quasiment

compltement derrire un cran vert. Cest un peu comme Final

Fantasy, le scnario est mal foutu mais cela vaut le coup de voir le

premier film ralis entirement en numrique. Finalement, jarrive

dautant mieux apprcier un film esthtique qui ne recourt pas aux

effets spciaux que je vois des films numriques lesthtisme artificiel

et forc.

Malheureusement, certaines fois on tombe tellement bas que lon nen

retire pas grand-chose, allez voir Brice de Nice et vous vous rendrez

compte par vous-mmes.

Par moments, le visionnage dun film est une vraie surprise. Cela mestarriv encore hier en allant voir Babel. Javais dj apprci 21

grammes (du mme ralisateur Alejandro Inarritu), je savais que les

critiques taient bonnes. Mais l ! Quel choc ! Cest pour cela que je

pense quil ne faudrait jamais lire trop de critiques dun film avant

daller le voir. On sen fait sinon une ide qui est souvent fausse. Cest

comme aller visiter un nouveau pays : il y a ceux qui lisent tous les

guides possibles et inimaginables sur les lieux quils vont visiter. Ils ont

vu les photos des paysages tant attendus. Et puis, patatras ! Le ciel

nest pas aussi bleu que sur les photos, faute dhlicoptre on narrive

pas avoir le mme angle de vue que la belle photo retouche vue sur

internet. Cela mest arriv rcemment en allant Rocamadour : je

navais vu aucune photo mais ce lieu me renvoyait mon imaginaire

4Voir Annexe sur le moins bon du cinma.


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denfant o je lisais le guide vert qui disait quelque chose du genre :

Circulation trs difficile, pentes trs escarpes, vaut le voyage . Je

mattendais un lieu grandiose genre Minas Tirith dans Le Retour du

Roi; jai vu un joli petit village flanc de falaise. Cest tout. Jtais

du !

Minas Tirith dans Le Retour du Roi, Peter Jackson et Rocamadour (Figures 3 et 4)


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Pour le cinma, cest la mme chose. Il faudrait en savoir juste le

minimum pour tre un peu slectif mais pas plus.

Jai eu aussi des mauvaises surprises comme par exemple en voyant Lili

Marleen de Fassbinder. Grand ralisateur, grand film : je mattendais

une belle exprience. Jai trouv le film lourd, mal fait et ma dception

a t la hauteur de mon exigence. Peut-tre que si je navais pas la

critique dithyrambique sur la jaquette du DVD5, ni su qui tait

Fassbinder, je naurais pas autant du.

Et ne croyez pas que je ne range parmi les surprises que les grands

chef-duvre o lon ressort la tte plein dimages et de questions. Cela

peut venir aussi de comdies Hollywoodiennes bien gentillettes comme

par exemple Wonder Boys. Ce film parle dun auteur-professeur qui

narrive pas boucler son deuxime roman et ses pripties avec un de

ses lves dou pour lcriture. Je ne mattendais pas grand-chose,

juste un petit film pour passer une soire agrable aprs une journe de

boulot bien remplie. Et puis, le dbut surprend, on est captiv, amus

et finalement conquis.

A loppos, il y a aussi les films que je qualifierais de sans surprise.

Quand en plus, limage et la ralisation sont passables voire mdiocres,

cest dur ! Une comdie comme Ma sorcire bien aime respecte tous

les rgles du genre : elle est belle, il est beau. Ils tombent amoureux

puis un grain de sable les spare mais ils vont dpasser leurs

diffrences et leurs incomprhensions pour finalement finir leur vieensemble. Combien de fois avez-vous ce type de film ? Plus de cent ?

Moi aussi ! Dans le mme style, il y a mieux encore !Jours de Tonnerre

avec Tom Cruise et Nicole Kidman nest que la transposition dans

lunivers des courses de stock-cars du scnario de Top Gun. Le

5 Lili Marleen nest pas seulement le portrait sensible et complexe dune femme magnifiquement

interprte par Hanna Schygulla, cest aussi un film qui chappe aux analyses simplistes et qui, comme son

auteur, multiplie les paradoxes - Extrait de la jaquette du film dit dans la srie numro 6 du Cinma duMonde.


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mdecin-instructeur tombe amoureuse de son patient-lve mais est

particulirement dure avec lui afin de ne pas afficher ses sentiments. Ils

sengueulent, sexpliquent et finalement finissent dans les bras lun de

lautre. Rajoutez des bruits de moteurs (de voiture ou davion), une

musique romantique et le tour est jou. Pourquoi ce cinma plat ?

Justement parce quil est sans surprises. On connat la fin mais aussi le

droulement de lintrigue mais au moins on ne se fatigue pas les

neurones. Et mme si on sassoupit un peu ou si on est interrompu par

le tlphone, on arrive sans problmes retrouver le fil de laction.

Finalement que sest-il pass pendant ce genre de film ? Deux heures !

Ces films sont faits pour passer le temps un peu comme une patience

ou un Sudoku.

* *

*

Il y a des ralisateurs ou des acteurs qui ont une grosse production et

senttent rester dans le mme style. Ils essayent peut-tre de suivre

une de mes devises Shadok prfres : Plus on rate, plus on a unechance que cela russisse une fois . Cest la loi des grands nombres

que semble affectionner tout particulirement Steven Spielberg ou

Woody Allen (dsol pour les inconditionnels !) : en faisant un film par

an, et comme ce sont de bons ralisateurs on arrive bien toutes les trois

ou quatre fois faire un bon film. Mais, pour un Rencontres du

troisime type ou La liste de Schindler, il y cinq ou six Munich ou La

guerre des Mondes. Je prfre nettement Tarkovski qui na ralis que

sept films (malheureusement il na pas eu trop le choix !) dont pas un

seul ne peut tre qualifi de mineur. Dans un autre genre, Sergio Leone

lui aussi na fait que sept films et mis part Le colosse de Rhodes, les

six autres sont dune grande qualit.

Je pense, que dans le cinma comme dans beaucoup dautres arts et

techniques, il y a deux types de protagonistes : ceux qui ont un rel

apport et peuvent mme pour certains dclencher une rupture et les


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autres qui vont se contenter de reproduire ou de faire des variations sur

les thmes des premiers. Evidemment, seule la premire espce est

vraiment intressante mais le message quils dlivrent est limit mme

si son apport peut tre immense. Une fois quils ont dlivr leur

message, le reste nest que du rchauff. Les premiers films

dEisenstein taient intressants. Ils montraient lutilisation dune

nouvelle technique : le montage intellectuel. Ses derniers films (Ivan le

terrible et Alexandre Nevski) napportent plus grand-chose et ne

comportent pas vraiment dintrt. Il ny a vraiment que Kubrick qui a

russi exceller dans beaucoup de genres diffrents. Jen reparlerai par

la suite.

* *

*

Je terminerai cette introduction sur quelques rflexions sur lindustrie

du cinma face notamment au dveloppement du Home Cinma. Aprs

la deuxime guerre mondiale, le cinma amricain se sentant menac

par lmergence de la tlvision a chang son format dimage enpassant du 1,336 (ou 4/3 qui tait le format adopt par la tlvision)

au 1,85 aux Etats-Unis et au 1,66 en Europe voire au 2,35. Depuis, les

tlvisions se sont mis au 16/9me afin de coller au mieux lensemble

de ces formats larges et sont apparus les grands crans et les vido

projecteurs. Du ct des supports, on est pass des mauvaises

cassettes VHS au DVD et au DivX. Avec un quipement Dolby Digital

5.1, DVD et vido projecteur, on pourrait se croire au cinma. Plus

besoin de quitter son canap. Pour peu que lon tlcharge quelques

films rcents, il nest mme plus besoin dattendre leur sortie en DVD ni

daller en salle. Retournez un peu dans les salles : vous verrez la

diffrence. Le contraste, le piqu de limage, la lumire, la couleur. Vous

ne verrez jamais a sur votre cran la maison. Aujourdhui lADSL

6Il sagit du rapport entre la largeur et la hauteur de limage. Voir la figure 29 de la deuxime partie.


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permet de transmettre facilement des donnes mais, la vitesse ntant

pas encore suffisante, les internautes sont obligs de compresser leur

musique en MP3, leur films en DivX, leur photo en jpeg. Le progrs

technique a amen une rgression de la qualit. Il faudra attendre le

dveloppement de la fibre optique, la miniaturisation des mmoires

flash pour enfin retrouver la qualit des anciennes technologies. Cest

vrai quil est commode dcouter de la musique sur son baladeur MP3.

Mais cest un baladeur ! Pas un lecteur de CD brancher sur son

amplificateur. Nous sommes en train de nous habituer nous contenter

dune moindre qualit parce que cest commode, cela vite de se

dplacer et surtout, cela ne cote rien. Un film, un CD et bientt un

livre ne seront plus considrs comme des marchandises mais comme

un d. Si lindustrie du cinma veut sen sortir, elle doit montrer comme

aprs-guerre que cela vaut le coup daller voir un film dans un cinma.

Une autre voie minquite tout particulirement : la publicit.

Aujourdhui acheter un journal va devenir un acte de plus en plus

exceptionnel. Dans le mtro parisien, on ne voit pratiquement que desgens lire 20 Minutes ou Mtro. Moi, je sais pourquoi jachte encore Le

Monde. Jy retrouve autre chose que des dpches AFP rcrites. Mais,

si Le Monde vient aussi de lancer un gratuit, cest quil considre quil

touche un autre lectorat complmentaire de ses lecteurs. Ou peut-tre

cherchent-ils compenser les futures pertes de lecteurs en gnrant

des revenus complmentaires. Quen adviendra-t-il pour le cinma ?

Aura-t-on droit du cinma deux vitesses : un cinma dit dauteur qui

sera rserv une lite intellectuelle de plus en plus restreinte et un

cinma de divertissement de plus en plus strotyp qui sera

entirement financ par la publicit ? Voyez Casino Royale (celui de

2006, le mauvais !) et vous verrez le futur du cinma. Cest un

mouvement qui a commenc avec Jurassic Parkqui montrait lcran

les goodies disponibles la vente.


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Quand je parle de cinma dauteur, je ne veux pas parler des films

projets dans les salles dart et dessai du Quartier Latin, je veux parler

des films encore apprcis par un grand nombre comme ceux

dAlmodovar, von Trier ou encore Woody Allen. Et alors, vous le direz ?

Si cela correspond aux gots du public. Panem et cirenses7, voil ce

quil faut donner au peuple ! Javoue prfrer les sovitiques qui ont

cherch dmocratiser le cinma dans les annes vingt en mettant sur

pied des projections itinrantes dans les campagnes. Je pense que tout

le monde droit de slever et que rabaisser ceux qui ne sont pas

considrs comme faisant partie de llite intellectuelle est peut tre la

faon la plus scurisante pour une lite de maintenir son pouvoir mais

nest pas la meilleure faon de faire progresser une socit. Lorsque je

parle de progrs, je veux bien dire progrs de mode de vie et pas

uniquement lecteur DVD pour tout le monde.

* *

*

Je ne suis pas un expert de la technique cinmatographique, cestpourquoi je naborderai pas un grand nombre de sujets comme la mise

en scne, les techniques de la lumire Ce livre comporte deux parties.

La premire traite de lhistoire, sa construction, ses rgles et prsente

quelques thmes abords dans le cinma. La seconde se consacre au

plan, cest--dire limage, sa couleur, sa lumire et finalement son

langage mais aussi la faon denchaner les plans et de crer un autre

langage grce au montage.

Toutes ces parties sont abordes sous langle de lexpression

cinmatographique, cest--dire lanalyse dune histoire et la manire de

la mettre en forme.

Comme vous avez pu le noter au long de cette introduction, tous les

titres de films ou de livres sont en italique.

7Traduction : Du pain et des jeux


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Lhistoire

homme la camra de Vertov dont jai dj parl dans

lintroduction est un film qui ne comporte pas dhistoire. Cest un

pur jeu de limage. Mais, ce genre de film est rare. Mme des films

comme Le Mpris, o certains peuvent juger quil ne se passe pas

grand-chose, comportent quand mme une histoire. Dans ce cas, il

sagit de montrer comment Camille (Brigitte Bardot) glisse subitement

de lamour au mpris pour Paul (Michel Piccoli). Je ne saurais pas dire

ce quil y a de plus important pour moi dans un film : lhistoire ou

limage mais, comme il faut bien commencer, je commencerai pas

lhistoire.

Est-ce que lon peut faire un grand film avec un petit sujet ou un

sujet lger ? Jai tendance considrer la comdie comme un art

mineur par rapport au drame ou la tragdie. Pickpocket est un

exemple type de ce que peut faire un ralisateur avec un sujet anodin.

La vie dun pickpocket nest pas spcialement intressante. Les raisons

qui ont pouss Michel exercer cette profession sont mme traites en

mineur. Pourtant, Robert Bresson transforme cette histoire en un ballet

moderne o les mains agiles du pickpocket remplacent les entrechats et

les pirouettes.

L


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Pickpocket, Robert Bresson (Figure 5)

Faut-il donc avoir un jugement scientifique sur le scnario dun film et

faire un peu comme les juges qui notent un saut en natation ? Chaque

sujet est not en fonction de sa note maximale possible. Je ne suis pas

sr quil faille appliquer une mthode aussi prcise la critique

cinmatographique. Cela serait ramener un film ou toute une uvredart des donnes objectives. Un simple programme dordinateur

serait alors capable de juger la qualit dun film. Rappelez-vous Le

cercle des potes disparus lorsque le professeur lit la classification dun

pome : on le place sur un plan deux axes. Le premier axe reprsente

la perfection et le deuxime limportance ou la profondeur du sujet :


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Un systme de notation des films (Figure 6)

Je ne vous propose pas comme Robin Williams darracher cette page

mais vous pouvez oublier cette mthode de classification. Sinon, il

serait possible de savoir lavance quel type de film faire pour avoir du

succs. Or, il y a peu de chefs duvre cinmatographiques, beaucoup

de films moyens et pas mal de mauvais. Quand je veux dire mauvais, je

ne parle quen terme de succs commercial. Mme les plus grands

ralisateurs nont pas russi trouver la recette magique. Tout comme

la beaut, lart nest pas objectif et mme si la technique et lhistoire

sont de qualit, il peut manquer llment indescriptible qui transforme

de la boue en chef duvre.

Cest vrai quil y a par moments de bonnes surprises, un film sans

prtention peut se rvler bien fait. Un film comme Le diable shabille

en Prada en est une bonne illustration. A-t-il atteint le maximum de son

sujet ? Oui, probablement ! Et alors ? Est-ce que cela en fait un meilleur

film ? Non, probablement pas ! Je ne mettrai pas quatre toiles un

film juste parce quil a atteint le maximum et jai tendance prfrer

les films nots quatre toiles ! Ce qui compte pour finir sur le podium ce

Bonfilms

Mauvaisfilms

Filmsmoyens

+

+

Bonfilms

Mauvaisfilms

Filmsmoyens

Bonfilms

Mauvaisfilms

Filmsmoyens

+

+

Sujet

Technique


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nest pas darriver au maximum de son potentiel mais dtre le meilleur.

La note ne reflte pas une performance par rapport un standard

universel mais une notation par rapport mon standard, combinaison

de lhistoire, les qualits esthtiques, la notion de divertissement, le

nombre de fois o jai rigol ! The host est original pour un film de

monstre. Une famille sassocie pour combattre le monstre qui a enlev

leur petite sur. Mme si je lui reconnais des qualits, cela reste un

film de monstre, genre que je napprcie pas vraiment. Je ne lai donc

not que deux toiles.

En revanche, jai tendance tre plus exigeant lorsque le sujet choisi

par le film est plus fort ou plus profond. Jai des dceptions comme Le

prisonnier dAlcatraz. Vu le sujet, un prisonnier brute paisse revient

lhumanit en soccupant dun oiseau, je mattendais beaucoup mieux.

Au lieu de passer du temps sur le long cheminement de la violence

lhumanit, le film se concentre sur lopposition entre le prisonnier et le

directeur de la prison alors que cest selon moi un sujet secondaire. Les

mcanismes psychologiques du dtenu sont compltement occults.Blood Diamondma aussi du. Ce film parle du trafic des diamants de

guerre en Afrique et des enfants soldats. Le sujet est grave et na t

que peu trait auparavant. Pourtant, je ne me suis pas du tout senti

concern par le traitement de lhistoire. Do ma grande dception.

Enfin, il y a les films qui dmarrent trs fort et pour lesquels on se dit

que lon va avoir droit une merveille puis patatras tout scroule.

Mar Adentro fait partie de cette catgorie. Japprcie beaucoup les films

dAmenabar comme Les autres ou Tesis mais la rflexion du ralisateur

sur leuthanasie sombre vite dans le pathos.

Je reviendrai par la suite un peu plus en dtails sur les diffrents

thmes abords par le cinma.

* *

*


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Au-del du sujet, il y a aussi la manire de le traiter. Jobserve une

tendance complexifier lintrigue ; les scnaristes mlent le prsent et

le pass, diffrents personnages On a limpression que plus les sujets

sont lgers ou simplistes, plus les auteurs rendent le droulement de

laction compliqu afin de compenser ce manque. Il faut que le

spectateur en ait pour son argent et ait limpression de ne pas avoir t

passif. A dfaut de films intellectuels qui force de faire trop rflchir

font fuir le public, on sollicite un peu les neurones du spectateur et,

comme par miracle, tout se dnoue peu avant la fin du film. Javais

compar dans une de mes critiques ce phnomne au dveloppement

des jeux vidos o pour passer ltape suivante on doit appuyer sur le

quatrime bouton gauche dun tableau de commande tout en levant la

jambe droite. a na aucune logique ou plutt seulement celle de

sassurer que les joueurs les plus aguerris ne parviendront pas la fin

du jeu en moins dune demi-journe. Vu le prix du jeu, cela est

impratif. Avec des places de cinma qui frlent les dix euros, il faut

que le spectateur se dise : Le scnario tait bien mme si ctait unfilm daction assez basique . On a moins honte dtre all voir le

dernier Mission Impossible.

Il y a diffrentes faons de rendre un scnario simple plus complexe.

Par exemple, on peut passer dun personnage lautre et surtout

comble de la malice y intgrer des personnages secondaires histoire de

perdre un peu plus le spectateur. Un film comme Syriana mlange par

exemple quatre personnages mais force de passer un peu trop

rapidement de lun lautre, on a tendance se perdre.

Pourtant, utilis bon escient ce procd peut rendre un film trs

vivant. On sattache certains personnages plutt qu dautres et

lorsque lon quitte un scne comportant le personnage prfr, on na

quune seule envie : quil revienne vite.

Cela permet aussi un film de respirer en passant dune scne daction

des scnes plus lentes. Des films comme La guerre des Etoiles ou la


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trilogie du Seigneur des Anneaux8 ont su trs bien utiliser ce procd.

Mais, il ne faut pas alors chercher perdre le spectateur mais plutt

laider sy retrouver. Soderbergh trouve un astuce intressante dans

Traffic: chacune des trois actions est filme avec un filtre de couleur

diffrent9. On sait immdiatement dans quelle partie du film on est en

fonction du code couleur. Mais, en fait, il na rien invent. Ce procd a

t utilis par D.W. Griffith en 1916 dans Intolrance. En sus daider le

spectateur, cet effet renforce lesthtisme dun film.

Dautres ralisateurs sen sortent trs bien sans avoir recours cette

astuce : Babel est trs russi car le ralisateur a russi captiver son

audience avec trois actions parallles. Le plus simple est de faire

comprendre tout de suite au spectateur que lon a chang dunivers en

dmarrant le plan sur le personnage principal du nouvel univers ou sur

un plan de paysage le caractrisant immdiatement.

Je ne compte pas les films Hollywoodiens qui se plantent compltement

en faisant le choix de la complexit par rapport la linarit. Mais,

malheureusement, il y a des films qui traitent de sujets plus profonds etqui pour des raisons obscures (pour moi !) font aussi le choix de la non-

linarit. Je pense par exemple Shoah. Afin peut-tre de ne pas lasser

le spectateur par la dure10 excessive de son film, Claude Lanzmann

saute dun tmoignage un autre puis y revient sans une logique

prdfinie. Ou bien alors je nai pas du tout compris sa logique. Cest

vrai que pour un film comme celui-ci qui aborde plusieurs thmes en

partant de tmoignages de personnes diffrentes, il y a deux choix

possible : la linarit travers les tmoignages ou la linarit travers

les thmes. Lanzmann a choisi une troisime voie : le mlange des

thmes et des tmoignages. Ce film qui est jug comme un grand film

8Ce qui est aussi le cas dans le livre de Tolkien.

9

Cf. Figures 48, 49 et 50 de la deuxime partie.109 heures et 15 minutes !


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grce sa matire et son sujet est pour moi compltement rat.

Jaurais envie de le remonter compltement ma faon !

Deuxime mthode pour nous perdre : passer dune poque une

autre. Je veux donc parler des flash-back et des flash-forward. Cest un

procd assez ancien et je comprends que les ralisateurs aient envie

de ne plus utiliser le procd ultra vieillot de lcran qui se trouble pour

montrer que lon remonte dans le pass. Il y a tout de mme des

limites ne pas dpasser. Dans London, il y a une scne o lon voit le

hros entrer dans lappartement de son ancienne petite amie puis au

plan suivant, on se retrouve lintrieur de lappartement mais dans

le pass. Finalement, on comprend au bout de quelques minutes. Quel

est le but de cet enchanement part de me faire ragir et de lui

consacrer quelques lignes ? Perdre le spectateur, ltonner ! Quil se

dise en sortant de la salle : Jai jamais vu un film aussi tordu de ma

vie. Ctait gnial ! . Ce nest quun artifice pour masquer la pauvret

du reste du film11. Certains ralisateurs se sont fait une spcialit des

flash-back comme par exemple Sergio Leone. On ne comprend qu lafin de Il tait une fois dans lOuestpourquoi lhomme lharmonica veut

tuer Frank. Le film aurait pu commencer par la pendaison du frre de

lhomme lHarmonica puis continuer sur sa longue traque de Frank.

Cest vrai pourtant quil aurait perdu alors de son intensit. En fait,

jaime bien la faon dont Sergio Leone nous distille par petites gouttes

le pass afin de nous faire comprendre le prsent.

Et la linarit dans tout a ? Je ne pense pas quelle soit primordiale

mais pour moi elle doit tre la rgle. La non linarit est un art difficile

matriser si lon veut faire un grand film. Elle est aujourdhui trop

souvent lapanage des pop-corn movies. A history of violence est une

bonne illustration de la force de la linarit. Jai mme lu des critiques

lui reprochant sa trop forte linarit. Pour ceux qui ne lon pas vu, je

11

En fait, jai plutt aim London et jen reparlerai par la suite. Mais, il se trouve que ctait la meilleureillustration de la non linarit temporelle.


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vous rappelle lhistoire : un tenancier de caf sauve un de ses employs

lors du braquage de son caf en faisant preuve dune dextrit

dconcertante dans le maniement des armes. On se rend compte au fur

et mesure que le hros tait en fait un ancien membre de la mafia

poursuivi par ses complices. Ce film ma plu cause de sa simplicit.

* *

*

Aprs avoir dtermin le dcoupage de lintrigue se pose une autre

question : faut-il ou non tout montrer ? Cest le sempiternel dbat entre

lrotisme et la pornographie. Mon parti pris est pour lrotisme ! Avant

lmergence des effets spciaux, suggrer tait une obligation afin de

ne pas tomber dans les effets cartons pte. Limpratif budgtaire et

technique des Dents de la meront cre un suspense, une tension que

naurait pas du tout apport des effets spciaux. On attend prs dune

heure avant de voir un bout de la bte. Regardez la diffrence entre le

premier opus de la srie Alien et le dernier12 : les dcors obscurs, la

musique, le fait de ne jamais voir le monstre en font un superbe film desuspense alors quAlien Rsurrection nest quun bon film de science-

fiction.

Mel Gibson a fait la mme chose avec lhistoire du Christ : la scne

sanglante de la flagellation dans La passion du Christ na rien voir

avec celle de Ben Hur! Cest un dluge de sang qui ressemble plutt

du voyeurisme o lon sent toute la jouissance du ralisateur.

12Le numro 4 ralis par Jean-Pierre Jeunet.


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La passion du Christ, Mel Gibson (Figure 7)

Pour les films de guerre, Il faut sauver le soldat Ryan a marqu un

tournant dans ce que jappellerais lhyperralisme. Le no-ralisme

italien avait marqu lutilisation des dcors naturels, lhyperralisme

lutilisation outrance de lhmoglobine et du bruit dexplosions et de

balles. Le dveloppement du Dolby Digital 5.1 a beaucoup aid dans

cette volution : on sy croirait. La seule vertu de ce genre, cest quau

cas o on laurait oubli, la guerre nest pas propre et ne se fait pas

cigare au bec ou avec son chien ct de soi13.

Le jour le plus long, Ken Annakin (Figure 8)

13Je fais rfrence auJour le plus long.


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Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg (Figure 9)

Les films Hollywoodiens post deuxime guerre mondiale nous ont fait

croire que la guerre stait arrte sur les plages de Normandie et

surtout quelle tait une petite balade de sant. Lhyperralisme en nous

montrant tout ne laisse plus de place notre imaginaire. On rend le

spectateur de plus en plus passif. Il ny a quune scne de Mmoires de

nos pres qui chappe la rgle : lorsque le ralisateur ne montre pas

le corps mutil dun soldat amricain qui a t tortur par les japonais.

Vu le reste du film qui est assez sanglant, on se dit que ce que lon ne

voit pas doit tre terrible. En fait, il na pas pu la montrer car le tmoin

de la scne na jamais voulu la raconter !

Je naime pas lorsquun ralisateur en rajoute trop comme le fait par

exemple Martin Scorsese dans Les infiltrs, les jets dhmoglobine

lorsquun personnage reoit une balle dans la tte ! Je me rappellerai

toujours une image vue il y a longtemps sur Canal + : un financier

amricain mis en cause dans un scandale faisait une confrence de

presse pour se justifier puis la fin, sort un revolver et se tire une balle


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dans la bouche. Ctait pour de vrai ! Limage nest pas repasse dans

les journaux tlviss du soir. Et mme sil ny a pas eu de jets de sang,

jaurai toujours cette image en tte. Voir quatre personnes se faire tuer

dans les cinq premires minutes de Slevin me choque aussi mme si je

sais que cest uniquement un film. Je pense que cest absolument

gratuit. Ce nest pas ce que je veux rechercher au cinma. Je ne dis pas

que je ne regarde pas de films violents. Par moments, la violence

permet de servir lhistoire. Je prfre nettement la violence gratuite des

excutions sommaires montre dans La liste de Schindler que les

pitreries dun Roberto Begnigni dans La vie est belle qui en pargnant

son fils la duret du climat des camps dlivre selon moi un message

erron sur la vie dans les camps. Pour continuer dans le domaine de la

Shoah, jopposerai deux films : Shoah et Nuit et Brouillard. Shoah est

trs long et a pris le parti de ne rien montrer, on voit seulement les

tmoins parlant Claude Lanzmann.

Shoah, Claude Lanzmann (Figure 10)

Nuit et Brouillardnous montre partir dun peu plus de trente minutes

dimages darchives ce que pouvait tre la vie et la mort dans les

camps. Pour moi, ces deux films sont trs complmentaires et


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apportent chacun une pierre ldifice. Comme pour le choix de la

linarit de lintrigue, je pense que ce qui compte surtout cest de savoir

si le choix de tout, peu ou ne rien montrer est appropri.

Nuit et Brouillard, Alain Resnais (Figure 11)

Pour finir, un clin dil un superbe film, Kill Bill vol. 1. L, le

ralisateur a choisi de tout montrer mais, surtout, il a choisi de forcer le

trait outrance. Quentin Tarantino a russi tirer un effet comique de

lhyper violence.

Kill Bill, Quentin Tarantino (Figure 12)


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* *

*

Jai parl propos de Shoah de la dure dun film. Cest un aspect

primordial dun film. Aujourdhui un film est coinc entre des impratifs

de dfinition : un long mtrage doit faire obligatoirement une heure14 et

dexploitation : ds quun film dpasse les deux heures, un exploitant

ne peut plus le passer quune seule fois en soire. Pendant longtemps,

les cent minutes ont reprsent la dure standard dun film. Cela avait

le mrite dtre un chiffre rond et ctait suffisamment court pour que

lon ne sembte pas. Aujourdhui, le film surtout dans sa version

amricaine semble glisser vers une dure idale de deux heures. En

de, on a peur de ne pas en avoir pour son argent. Cest un peu

comme les dissertations au lyce, on aura tendance noter un peu

mieux la copie paisse mais creuse que sa version synthtique mais au

contenu tout aussi faible.

Peter Jackson a cru en sortant de la trilogie du Seigneur des Anneaux

que trois heures tait la dure standard dun film et la appliqu KingKong. Le rsultat dans ce film : beaucoup de scnes connexes,

notamment celle se passant dans le canyon, qui ne servent qu

montrer que le ralisateur matrise les effets spciaux. On a mme

limpression quayant dcroch un norme budget, Jackson a tout fait

pour le dpenser et garder son droit futur des budgets dont lunit est

la centaine de millions de dollars. Pourtant, King Kong est loin davoir

autant de matire traiter que Le Seigneur des anneaux.

A loppos, on est bien content lorsque le ralisateur faute de budget

boucle son film en moins de quatre-vingt dix minutes. Dans Supernova,

film de science-fiction bas de gamme, on sent vraiment que vu le cot

des effets spciaux, la production a d limiter sa dure. Heureusement

141600 mtres de pellicule 35 mm soit 58 minutes et 29 secondes selon la dfinition du CNC.


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dailleurs, car au bout dune heure et vingt, ce film devient

pitoyablement lassant.

Le pire, cest quand le ralisateur meuble pour boucler sa dure : il peut

aller dans des plans pseudo-esthtisants qui napportent rien au film.

Dans Un long dimanche de fianailles, Jean-Pierre Jeunet fait un long

plan sur un march : cest beau, a a brl du budget mais cela

napporte rien au film ( part le fait que jen parle trois ans aprs vu ce

film).

Un long dimanche de fianailles, Jean-Pierre Jeunet (Figure 13)

A loppos, dans Andre Rublev, Tarkovski dbute son film par une

scne dun paysan tentant de dcoller avec une montgolfire : a na

rien voir avec le reste de film ? Oui et non ! Oui, car on ne revoit plus

ce personnage de tout le reste du film. Non, car il faut voir au-del des

images la symbolique de cette scne. Andre Rublevest un film sur

lhumanisme ou plutt lhumanit face linhumanit : Rublev, moine et

peintre dicnes russe, est confront la guerre, le mensonge et en

perd la foi et sa motivation crer. Il retrouvera sa foi en lhomme

grce un jeune fondeur de cloche. La scne de la montgolfire est l

pour planter le dcor : elle symbolise la volont de saffranchir des a

priori afin de slever ou mme la rupture dAndre Rublev avec la


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communaut suivie de sa rintgration symbolise par la chute de la

montgolfire. Un peu tir par les cheveux, vous me direz !

Andre Rublev, Andre Tarkovski (Figure 14)

Comme toujours avec Tarkovksi et je suppose quil y a dautres

interprtations possibles. Il faut savoir que dans le scnario original il

devait y avoir une scne de bataille entre les Russes et les Tatars

montrant linhumanit du monde russe de lpoque. L o tout loppose

avec Jeunet et bien dautres qui ont tendance meubler leur film, cest

que lon sent que chez Tarkovski tout est pens, pes et est utile la

comprhension de lensemble du film et la diffusion du message de

lauteur et non pas uniquement pour rajouter deux ou trois minutes

pour faire joli. Je reviendrai par la suite sur mon got prononc pour

lesthtisme mais, uniquement lorsquil est en accord avec le reste.

Je me souviens davoir t marqu par mon premier visionnage dun

film de Bresson : cela ma fait penser aux haku japonais, ces petits

pomes trs concis dlivrant un message en quelques lignes sans

aucune fioriture. Il est souvent beaucoup plus difficile de faire sentir

une motion, rvler un message dans un si petit espace. Bresson y

russit dans Pickpocket mais ny parvient pas aussi bien dans

Mouchette. Pourquoi ? Mouchette est plus orient sur les motions et je


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pense que dans ce cas-l, la dure est souvent ncessaire pour la

comprhension et ladhsion du public. Dans Voyage Tokyo dOzu, la

dure est ncessaire pour bien se reprsenter les tensions intrieures

des personnages sous couvert des rapports polis entre les parents et

leurs enfants. Cest un exercice bien plus difficile dy russir en peu de

temps comme le fait Bergman dans Sonate dautomne15.

Il y a pourtant dautres films qui ne valent que par leur longueur : dans

Le patient anglais, la longueur est ncessaire pour rentrer dans la

psychologie des personnages. Je devrais dailleurs plutt parler de

dure que de longueur qui a une connotation ngative. Suivant la

complexit des personnages ou de laction, il est ncessaire de mettre

en face une dure. De mme, il est important de laisser des moments

de rflexion pour le spectateur en sachant alterner des scnes

contenu riche avec des scnes plus directes. Ces inter scnes ne

sont plus alors des gadgets mais plutt une aide la comprhension.

Ceci est dautant plus vrai quun film est ouvert. Dans Le patient anglais

encore, il y a une inter scne o le soldat indien fait dcouvrir linfirmire les fresques dune glise. Cette histoire est en marge de

lhistoire entre le patient anglais et sa matresse mais son paralllisme

lenrichit.

15Ce film dure 1 heure 35 minutes.


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Le patient anglais, Anthony Minghella (Figure 15)

A linverse, Trois couleurs Rouge aurait mrit une bonne demi-heure

de plus afin de pouvoir profiter de sa richesse. On en sert la tte pleine

de questions et de rflexions ce qui est pour moi un gage de qualit

mais force de laisser le film trop ouvert, on peut en arriver frustrer

son audience.

* *

*

La dure, la faon de prsenter lintrigue sont fondateurs pour un film

mais en reprenant sous forme de clin dil Lincroyable destin de Harold

Crick, se pose la question suivante : Comdie ou Tragdie ? . La

diffrence peut aussi tre trs minime. Regardez le thtre de

Shakespeare : finalement peu de choses sparent la tragdie dune

comdie. Dans une tragdie, on sait ce qui va arriver, les personnages

sont marqus par le destin et toutes leur gesticulations ne changeront

rien lissue. A loppos dans ses comdies, tout semble mal se passer

et comme par miracle, soit un vnement inattendu (voir par exemple

Le Soir des Rois de Shakespeare), tout sarrange au dernier moment. Le

problme, cest que souvent, la faon dont cela sarrange est souvent

peu crdible. Un des meilleurs exemples se trouve dans la double fin du


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Dernier des hommes de Murnau. La premire fin est tragique et

correspond au ton de tout le film qui est une longue descente aux

enfers dun portier dhtel. La deuxime est un rajout est compltement

artificielle : le portier devenu homme-pipi hrite par miracle dune

somme colossale et finit le film par un festin dans le mme htel qui la

si mal considr. Cette fin nest pas du tout dans le ton du reste du

film. En fait, il faudrait croiser le ton du film et sa fin afin de le

caractriser :

Le genre des films (Figure 16)

La plupart du temps, les histoires se situent souvent dans le crneau

Comique-Heureuse et Tragique-Tragique. Les films ton tragique qui

finissent bien ou du mieux possible sont plthores surtout pour des

raisons conomiques et culturelles (le fameux happy end

affectionn par Hollywood). En revanche, il est plus rare davoir des

films ton comique qui finissent mal. Cest un peu le cas dEffroyables

jardins. : les deux apprentis rsistants qui se sont fait prendre par les

allemands sont sauvs du peloton dexcution par le gardien du poste

daiguillage quils font sauter et qui se rend aux allemands. Le gardien

allemand qui tente de les distraire pendant leur captivit en faisant le

clown est lui aussi excut suite son refus de tirer sur les captifs.

La fin nest peut-tre pas si importante que cela : ce qui compte ce

nest pas o est-ce que lon arrive mais plutt comment on y arrive. On

ne devrait pas regarder la fin dun film. Essayer de faire lexprience : la

dernire scne de La traverse de Paris napporte rien au film part

peut-tre un peu de baume au cur. Pour ceux qui nont jamais vu ce


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film, jen rappelle lhistoire : Martin (Bourvil) assure pendant la

deuxime guerre mondiale le transport dans Paris de denres du

march noir. Il rencontre Grangil (Jean Gabin) avec qui il doit sassocier

bien malgr lui pour faire un transport dans Paris la nuit.

Ce film est assez tonnant. A deux moments on se demande si on ne va

pas glisser vers le tragique : vers le milieu du film lorsque Jean Gabin

avoue quil ne fait la traverse que par jeu et peu avant la fin lorsque

Bourvil quitte la Kommandantur en camion : il y a un fondu en noir, on

sattend au claquement des balles du peloton dexcution et finalement

on retrouve nos deux hros sur le quai dune gare. Quel dommage ! Je

trouve que le principal intrt du film rside dans son traitement la

limite du comique et du tragique. Aprs navoir pas choisi pendant tout

le film, Claude Autant-Lara le choisit sur la fin en utilisant un effet archi-

cul : les personnages qui se retrouvent quelques annes aprs le

droulement de laction. Jaurais prfr une fin plus conforme

lensemble du film, cest--dire un dnouement entre la tragdie et la

comdie. L, je sens que je me contredis un peu. Dans la plupart descas, la fin ne mintresse pas spcialement mais me fait ragir si je sens

quelle est peu conforme au reste du film. Je privilgie toujours le

voyage sur sa destination. Si on ne pense qu la destination, on a

tendance occulter le voyage, cest--dire le prsent. A force de

poursuivre un rve hypothtique, on arrive la fin sans navoir rien fait

ni profiter de son voyage. Dans Stalker, deux personnages en qute

didentit font un voyage travers la Zone , rgion prcdemment

occupe par des extra-terrestres o se trouverait la Chambre des

dsirs qui permettrait dexaucer tous les vux de ceux qui

latteignent. Ils y arrivent effectivement la fin mais finalement

renoncent leurs projets. Le film finit alors un peu en queue de

poisson. Mais, on comprend que ce qui a compt, cest le lent

cheminement des deux hros travers leur moi.


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Ce qui mirrite tout particulirement, ce sont les films qui sont tellement

conformes leur genre quils en deviennent strotyps. Ce le cas dun

trs grand nombre de comdies Hollywoodiennes : le ton est lger, a

commence bien, mme trop bien et finalement pour un petit

malentendu la machine se grippe et les hros souvent un homme et

une femme amoureux lun de lautre se fchent. Heureusement,

comme par miracle, les hros dpassent leurs diffrents et leurs

diffrences et tout sarrange. Ce qui va diffrencier une comdie dune

autre, cest quelques gags, le thme o lenvironnement du film : une

sorcire (Ma sorcire bien aime), la communaut grecque (Mariage

la grecque), le football dans la communaut indienne (Joue la comme

Beckam) La trame est malheureusement toujours la mme. Ces films

sont faits pour passer un bon moment et sont par moment ncessaires

pour se divertir et se changer les ides. Cela me rappelle les sries

japonaises des annes quatre-vingt comme San Ku Ka: je me souviens

lpoque que mes petites cousines de dix ans trouvaient chacun des

pisodes supers et pourtant, ils taient tous construit sur le mmescnario : les soldats de Golem XIII enlvent ou agressent des

humains, les deux chevaliers de San Ku Ka vont les librer en tuant le

mchant. Cest la mme chose avec les comdies et vous ne en rendez

pas toujours compte vous aussi ! Il y a des moments o un ralisateur

russit exceller dans ce genre grce une ide originale et de bons

acteurs, je pense Prte-moi ta main o Charlotte Gainsbourg sublime

le sujet du clibataire endurci qui paye quelquun pour quelle se fasse

passer pour sa femme.

Dun autre ct, il y aussi des films qui respectent totalement les

canons de la tragdie classique : unit de temps, de lieu et daction et

fin tragique o tout le monde meurt. Pourtant, mme si lon connat

tout lavance, jai tendance les prfrer aux films qui respectent la

lettre les canons de la comdie. Pourquoi ? Je pense que la tragdie, en

exacerbant les sentiments des personnages, permet de rvler leurs


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ressorts psychologiques. Une tragdie est souvent plus axe sur le

caractre des personnages que sur lhistoire. La femme d ct en est

une excellente illustration, cest lamour-passion la manire de Racine

qui consume les deux amants. Comme le dit Madame Jouve la fin du

film cest : Ni avec toi, ni sans toi .

Contrairement ce film, il y a en dautres pour lesquels rien nest

dcid au dbut mme si on se doute quil va se passer quelque chose.

Dans Le petit Lieutenant, pendant tout le film malgr le ton surjou et

dtach des acteurs, on sent la tension monter mais on ne sait pas sur

qui va tomber le couperet ; partir du moment o Jalil Lespert se fait

tirer dessus, on sait que cela va mal finir.

Finalement peut-tre quaussi il est plus facile de faire pleurer que de

faire rire. Cest vrai quil faut tre en condition pour rire lapparition du

dindon gant dans Un ticket pour lespace ou aux plaisanteries deux

sous de Brice de Nice.

Un ticket pour lespace, Eric Lartigau (Figure 17)

Un sujet comme celui trait dans La chambre du fils, le deuil dun pre

la mort de son fils, est propice faire pleurer mais tout comme il ne

suffit pas dune tarte la crme dans le figure pour faire rire, il ne suffit

pas dune situation tragique accompagne de lents violons pour crer

lmotion. Il y a des moments o cela rate. La tte de Maman qui parle

dune femme qui retrouve grce sa fille son premier amour interdit et

saperoit quelle va mourir dun cancer sombre tellement dans le


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pathos dans sa deuxime partie que je ne me suis plus du tout senti

concern ni intress.

Il peut pourtant arriver quune fin tragique sauve un film un peu rat au

dmarrage, je pense Senso qui nest quune banale histoire damour

entre lofficier autrichien reprsentant les forces occupantes et la noble

rebelle vnitienne. Est-ce que le film va glisser dans un Romo et

Juliette moderne ? Ou encore bien finir ? Non, l il ne faut pas rver

cest Visconti et non pas Capra. Au moment o on commence

sennuyer un peu, le film glisse enfin vers le drame et pas forcment du

ct o lon se serait attendu : lofficier autrichien nest quun vulgaire

gigolo qui veut extorquer de largent la Comtesse.

Il existe une troisime catgorie de fin, souvent bonne pour certains et

mauvaise pour dautres mais pas forcment trs morale. Tant que les

bons finissent bien et que les mchants sont punis, cest moral. En fait,

la morale nest quune question de rfrentiel : elle change dans

lespace et dans le temps. Il y a trente ans, il tait moral dexcuter un

criminel en France, aujourdhui ce nest plus le cas. Mais, cest encoremoral de le faire aux Etats-Unis. A ct de la morale Nietzschenne du

fort, les amricains ont cre la morale du bon qui est dailleurs dans le

cas des amricains lie leur puissance. Le hros bon peut tout se

permettre pour arriver ses fins puisquil est bon. Dans Lillusionniste,

Edward Norton pousse le prince au suicide pour un crime quil na pas

commis. Mais, comme le prince est mauvais et a commis vraiment un

autre crime, celui-ci impuni, il est moral quil meure. Lhomme en

devient Dieu en se substituant sa punition. Pousser quelquun au

suicide nest pas moral sauf si cest un criminel. Un crime nest donc pas

un crime sil est juste. Mais, qui peut dterminer ce qui est juste ?

En fait, il faudrait distinguer lamoralit qui est labsence de morale de

limmoralit qui est la transgression de la morale pratique par le plus

grand nombre. La fin de Lillusionniste est amorale mais non pas


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immorale. Et encore, je ne suis pas sr quelle ne soit pas ni lune ni

lautre

Heureusement, lambigut nest pas toujours de mise et lon peut se

retrouver avec une vraie fin amorale et immorale. Dans Chinatown,

cest le mchant (John Huston) qui gagne.

Une autre manire de finir un film est de ne pas vraiment le terminer ou

de laisser le spectateur deviner la fin. On ne sait pas ce que dit Bill

Murray Scarlett Johansson la fin de Lost in translation, ce nest pas

trs important mais cela donne une touche doptimisme une fin qui

nest probablement pas conforme ce que peut sattendre un public

amricain. En fait, je crois que jadore les films trs ouverts. Attention,

ceci na rien voir avec les films intrigue croise ! Un film ouvert doit

laisser une libre interprtation au spectateur en fonction de son histoire,

sa sensibilit, son exprience. Une intrigue croise est plus construite

comme une nigme que le spectateur doit rsoudre mais, dune seule

manire possible. Dans un film ouvert, il y a de multiples interprtations

possibles. Le spectateur devient alors acteur. La diffrence entre cesdeux genres de films est la mme quentre faire des mots croiss, cest-

-dire exercer son sens dductif et faire un Scrabble o lon exerce sa

crativit. Les films de Tarkovski sont construits autour de quelques

thmes mais laissent une forte marge de manuvre celui que

jappellerai le spectacteur . Un ralisateur peur aller encore plus loin

et laisser la trame du film pratiquement disposition du spectacteur

pour construire lui-mme son film. Mon premier visionnage dun film

ralis par Kieslowski, La double vie de Vronique, ma laiss cette

impression. Je ne lai pas encore revu mais je suis sr quau deuxime

visionnage, mon impression et mon interprtation seront trs

diffrentes de la premire. Peut-on aller plus loin ? Oui, toujours !

Regardez le cycle europen de Lars von Trier : Epidemic,Anatomie dun

crime, Europa. Ceux qui trouvent que Dogville est trop sotrique nont

pas vu jusqu quel point on peut aller. A vrai dire, cest Epidemicque


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jai le mieux compris. Et pourtant, parat-il, cest le plus compliqu. Le

risque cest de faire compliqu pour faire compliqu. La frontire entre

faire travailler ses neurones et les torturer pour rien est tnue.

* *

*

De nombreux films sont construits en deux parties : la premire sert

fixer le cadre, mettre le spectateur en condition. Cest une tape

ncessaire la comprhension de la seconde partie. Elle peut sembler

quelque fois un peu longue mais sa longueur vite que lautre soit en

contrepoint. Les tensions, non-dits de la deuxime partie de Voyage

Tokyo dOzu, ne sont comprhensibles que par la lente mise en place de

laction, au dvoilement progressif du caractre des principaux acteurs.

Ceci est dautant plus crucial pour un spectateur non japonais pour qui

les sourires et la politesse force mme au sein dune famille peut

paratre peu crdible.

Dans dautres cas, la deuxime partie sauve le dbut dun film un peu

poussive. Dans Senso, on se demande vraiment ce que Visconti va fairede cette histoire damour un peu trop classique. Le rsultat apparat

tout dun coup et redonne un second souffle au film et surtout un grand

intrt.

* *

*

Enfin, un clin dil sur un effet utilis de temps en temps dans le

cinma et qui permet de rythmer un film : le fil rouge. Il sagit dun

personnage secondaire qui na mme souvent rien voir avec le reste

des personnages mais que lon attend avec impatience au dtour dune

scne. Il permet de couper laction et de casser lunit de temps. Dans

Lge de glace, le petit cureuil qui joue avec sa noisette est le premier

et le dernier personnage que lon voit. Son apparition est toujours

assortie dun gag.


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Takeshi Kitano dans Zaitochi nous montre plusieurs fois un apprenti

Samoura traversant lcran grand renfort de cris. Il est pitoyable, na

rien voir avec laction mais humanise le film.

Zaitochi, Takeshi Kitano (Figure 20)

Ce procd nest pas rcent, on le retrouve aussi dans Boudu sauv des

eaux de Renoir, o les scnes du trompettiste servent dinterludes

entre deux actions.

* *

*

Dans le cinma il y a des rgles : pour la mise en scne comme par

exemple la rgle des cent quatre-vingt degrs16, rgles faites pour tre

violes comme celle qui dicte quun acteur ne doit pas regarder la

camra en face, cest--dire quil ne doit pas sadresser au spectateur ;

Godard et Truffaut ont utilis ce procd.

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Dans une succession de champ contre-champ, langle de la camra ne doit pas changer de plus de centquatre-vingt degrs au risque de faire perdre lillusion du dialogue entre les deux acteurs.


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La femme d ct, Franois Truffaut (Figure 21)

Mais il y a aussi des rgles sur la construction du scnario, lesprit du

film, je veux parler du genre cinmatographique. Je trouve que cest

malheureusement souvent un carcan qui, utilis sous prtexte dtre

conforme aux repres du spectateur, nuit en fait la crativit.

Commenons par un des genres les plus codifis : le film catastrophe.Cela dbute toujours de la mme manire, les protagonistes sont

introduits au fur et mesure, on ne voit pas les rapports quils ont entre

eux mais, leurs petites histoires, leurs problmes existentiels nous les

rendent attachants. Premire mission russie ! Puis, vient le lieu de la

catastrophe : un bateau, un avion, un gratte-cielRajoutez cela dans

certains cas un mchant qui par cupidit met le profit devant la scurit

des autres et tout le dcor sera plant. Arrive ensuite la catastrophe,

renforce grce aux avances technologiques par de coteux effets

spciaux. Vous allez retrouver les hros introduits au dbut du film.

Fichez vous des autres, ils vont tous mourir ! Ils sont l comme le dcor

et ne servent qu rajouter un peu dhmoglobine et surtout faire

mesurer par le spectateur lampleur de la catastrophe par le nombre de

morts. Une partie des hros va mourir, cest normal, le ralisateur

utilise notre empathie naturelle pour tre sr que lon sera captiv par


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laction. Gnralement, ce sont les personnages secondaires du groupe

de hros qui meurent les premiers. Puis, vient linstant suprme : le

sacrifice ! Un des principaux hros se sacrifie pour que les autres

puissent vivre. On sent derrire toute la morale chrtienne bien

pensante de nos amis amricains. Enfin, aprs tant de morts, de

doutes, finalement un petit groupe sen sort. Et la vie reprend son droit.

Oublis les centaines ou milliers de morts, oublis le pre, mari, frre

perdu. Tout le monde se congratule et si au passage une histoire

damour a pu natre entre deux survivants, cest le jackpot ! Je pense

que cest le genre le plus pitoyable. Posidon, le remake de Laventure

du Posidon, est la meilleure illustration de lutilisation la lettre des

rgles du film catastrophe. Tout y est prvisible, le scnariste na pas

fait un seul effort doriginalit. Heureusement ce film na pas eu le

succs escompt et son manque de rentabilit va, je lespre, inciter les

studios amricains ne plus produire ce genre.

Le genre catastrophe est tellement codifi quil a conduit crer des

parodies ou des satires. La srie des Y a-t-il un pilote dans lavion ?, enreprend toutes les rgles et les ridiculise. Plus rcemment, Des serpents

dans lavion, force tellement le trait quil en devient trs drle.

Je pense que celui qui a le mieux russi renouveler le genre sans

tomber dans le ridicule, cest Oliver Stone avec World Trade Center. Je

sais, ce film na pas eu vraiment beaucoup de succs. Peut-tre est-ce

parce quil na pas respect les rgles du genre film catastrophe : pas

de scnes grands renforts deffets spciaux o lon verraient les

avions sencastrer dans les tours, pratiquement pas de morts visibles

lcran. Ce film sintresse juste au destin individuel de deux policiers

coincs dans les dcombres des tours. On voit juste un moment

donn lombre dun avion sur un building (cf. figure 22). En vitant de

refilmer et remontrer les images que lon a tellement vues, Oliver Stone

arrive nous faire mesurer dautant mieux cette grande catastrophe,

somme de prs de trois mille catastrophes individuelles.


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World Trade Center, Oliver Stone (Figure 22)

Un autre genre de film ou plutt une manire de raconter une intrigue

est de le faire sous la forme du destin crois de plusieurs personnages.

Ces personnages pouvant se trouver ou non pendant et la fin du film.

Le grand spcialiste du genre, au risque den devenir lassant, est bien

videmment Claude Lelouch. Par exemple, Les uns et les autres est

compltement construit lenvers. Lelouch finit son film par un concert

caritatif qui rassemble un chef dorchestre allemand, une chanteuse

amricaine, un danseur russe, une prsentatrice franaise et un avocat

franais. Tous ou leurs parents ont subi des fortunes diverses pendant

la guerre ayant appartenu diffrents camps : le jeune chef dorchestre

ambitieux qui serre la main dHitler, la fille du jazzman amricain qui

participe la libration de la France, le fils du russe tomb au front, la

fille dune femme tondue la Libration, le fils dun juif mort dans les

chambres gaz. Lelouch raconte ainsi la deuxime guerre mondiale.

Inarittu est aussi un adepte du genre dans ses trois premiers films

(Amours chiennes, Vingt et un grammes et Babel) et montre sa matrise

de ce style. Cest toutefois un genre dont il ne faut pas abuser en

essayant de le mettre toutes les sauces, il en devient sinon artificiel et

napporte que complexit un film.


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Les films de guerre sont encore un genre avec lequel jai un peu de mal,

jen ai dj parl. On est pass en quelques annes de lhrosme

lhyperralisme. La plupart des films amricains sur la deuxime guerre

mondiale sont des grosses superproductions qui font appel moult

acteurs connus.

Puis, deux films sur le Vietnam ont renouvel le genre : je veux parler

dApocalypse nowet de Full Metal Jacket. Jai surtout aim Full Metal

Jacket qui a beaucoup apport au genre. Cela a t le gnie de

Kubrick ; il a touch de nombreux genres, souvent une seule fois, et a

russi en faire des modles. La comdie avec Docteur Folamour, la

science-fiction avec 2001 lOdysse de lespace, le film dpouvante

avec Shining, linclassable Orange Mcanique, le pplum avec

Spartacus, la grande fresque avec Barry Lyndon. Finalement, il ny a

quavec le genre film damour quil ait moins russi, Eyes wide shut. Par

la suite, un film a impos lhyperralisme, cest--dire la dictature du

Dolby Digital 5.1, des balles qui fusent dans tous les sens, des effets

spciaux et de lhmoglobine : Il faut sauver le soldat Ryan. Les scnesdu dbut du film montrant le dbarquement en Normandie des troupes

amricaines est probablement trs conforme ce qui sest pass. Quel

est lintrt de le montrer ? Je ne sais pas trop. Peut-tre pour donner

un vernis historique la petite histoire du soldat Ryan. Trs

probablement pour faire parler du film et attirer des spectateurs.

Clint Eastwood a aussi abus de lhyperralisme dans ses deux films :

Mmoires de nos pres et Lettres dIwo Jima. Mais dans le cas de ce

dernier, il se transforme progressivement en film anti-guerre.

Je change compltement dunivers en passant sur les huis clos. Lunit

de lieu permet de crer une tension de par la proximit entre les

personnages. A lunit de lieu sajoute souvent lunit de temps et

daction. On est alors dans le pur modle de la tragdie. Pourtant, le

huis clos na rien voir avec le thtre film. Deux choses sy

rajoutent : les mouvements de la camra au sein du plan et les


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changements de plans. Au thtre, mme si la mise en scne guide le

spectateur, son il est libre derrer sur la scne. Je me souviens lorsque

jai vu La vie Parisienne oui, je sais cest un opra bouffe et non du

thtre mais cet exemple est utile ma dmonstration que je ne

mtais pas toujours attach regarder laction principale mais par

moments, je mamusais regarder la foule de dtails qui remplissaient,

toutes ces actions secondaires qui accompagnent et mettent en valeur

laction principale. Le fait dtre assis trs prs de la scne a d maider.

Je pense que quelquun qui aurait t assis nettement plus loin, en

ayant une vision plus large que la mienne, naurait pas eu la mme

analyse ou intrt la mise en scne. Si au thtre cest lil du

spectateur dont le champ de vision est prdtermin par son placement

qui se construit partir des lments de mise en scne son propre

spectacle ; au cinma, le point de vue de la camra et le montage

imposent au spectateur une construction de la scne. Nanmoins, avec

le dveloppement aprs-guerre des formats larges (1,85 et 2,35), on a

redonn au spectateur un peu plus de pouvoir de recration de sa visiondun film. Etant souvent impossible de voir toute limage, le spectateur

peut son gr soit regarder laction principale quon lui montre soit

sgarer sur les dtails alentours.

En restreignant apparemment une partie de la libert du spectateur, on

pourrait croire que lon augmente sa passivit. Bien au contraire ! La

composition dun plan et ses transitions ont cre un nouveau langage

qui redonne la libert dinterprtation au spectateur. Je reviendrai un

peu plus loin sur la notion de montage intellectuel dEisenstein.

Eisenstein est probablement le cinaste qui a pouss le plus lutilisation

de ce nouveau langage.

Quand on pense huis clos, souvent un cinphile franais vous citera

Garde vue qui, il est vrai, est trs bien servi par le duo Serrault-

Ventura. Pour ma part jai tendance prfrer Douze hommes en

colre, cest simple, linaire. Le sujet : douze jurs sont enferms dans


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une petite salle de dlibration pendant une journe de forte chaleur

pour dcider du sort dun homme dont tout accuse de crime. Ce huis

clos et cette chaleur provoquent immdiatement la tension entre les

personnages manipuls par Henry Fonda.

12 hommes en colre, Sidney Lumet (Figure 23)

Le huis clos est un genre qui permet des intrigues bien diffrentes

suivant le lieu de laction : dans un taxi par exemple pour Collateral,

sous les dcombres de building dans World Trade Center ou mme

encore dans une salle de bain pour London.

Un autre genre de film ou plutt une technique utilise dans le cinma

est la voix-off. Martin Scorsese en a us et abus dans ses films. Dans

Casino, je me suis demand tout au long du film quand est-ce quil allait

vraiment dmarrer. La voix-off est un moyen pour introduire un sujet,

un personnage au dbut dun film. Lorsquil est utilis dans lintgralit

du film, il y a un risque de non fusion de images et de la parole. Cest

intressant lorsque cela permet de comprendre ce que pense le

personnage qui parle. Lorsque cela ne devient que la narration de ce qui

se passe devant les yeux du spectateur, cela peut tre pour donner du

rythme laction comme par exemple dans Les Affranchis. Mais, aprs

avoir montr ce que le spectateur doit regarder, on lui dit ce quil doit

comprendre. Cest comme ces films muets qui sont bourrs dintertitres,


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force de vouloir tre srs que le spectateur comprenne ce qui se

passe et en tuant donc sa crativit, on tue aussi son intrt. Les

meilleures uvres sont selon moi celles pour lesquelles qui se laissent

achever par celui qui les contemple. Elles deviennent ainsi vivantes

puisque chacun va la terminer sa faon. La perfection technique ne

suffit pas faire une grande uvre, il faut aussi quelle ait une me. Si

josais la comparaison avec la musique, je dirais que la musique de

Bach ou de Mozart est tellement parfaite quelle en devient ennuyeuse.

Ce que lon admire dans cette musique cest la perfection. Elle semble

vous dire : Regardez comme je suis parfaite. Il ny a rien changer

en moi . Et lmotion dans tout aElle ne pse pas bien lourd. Je

prfre un Puccini qui na pas forcment un mode dexpression aussi

limpide ou parfait mais qui provoque des motions beaucoup plus fortes

et o la libert laisse lauditeur est plus grande. Il y en a certains

que la perfection fait vibrer, ce nest pas mon cas.

Revenons au cinma. Forrest Gump est lexemple qui invalide

partiellement ce que jai dit auparavant. Evidemment, la narrationrestreint nettement le champ de crativit du spectateur, il nen reste

pas moins un film qui tonne par sa fracheur et qui est surtout une

forte remise en cause du matrialisme et de lidal bourgeois amricain.

En fermant par la narration une partie des portes, il en ouvre dautres

et permet ainsi de se focaliser plus le message principal de son film.

Quest-ce qui fait la diffrence entre Casino, Lord of Waret Fight Club,

tous trois des films daction recourant la voix-off. Le premier ne fait

rflchir rien du tout, le second essaye timidement de dnoncer le

trafic darmes mais reste encore trs superficiel. Le troisime aborde

avec brio le nihilisme, le culte du chaos. Quand on enferme le

spectateur en ne le focalisant sur rien, on narrive pas grand-chose.

En restant dans le domaine de la voix, je voudrais un petit tour sur un

style que je dteste, et que jappelle le style surjou. Lillustration

ultime tant donne par Jean-Pierre Laud jouant Antoine Doisnel. Ce


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genre de cinma semble dire : je ne suis que du cinma, je ne

reprsente pas la vie donc je nai pas besoin de jouer dans le ton de la

vie, je joue dans le ton dun colier qui rcite un pome. Jai tendance

me focaliser sur ce genre de dtail si on peut appeler cela un dtail

qui mnerve et alors je ne profite plus du tout du reste du film. Bresson

utilise aussi cet effet mais comme il fait partie dun tout, le cinma

minimaliste, il sonne justement nettement moins faux. Jai retrouv

avec Jalil Lespert ce genre un peu oubli notamment dans Ressources

Humaines qui raconte lhistoire dun jeune diplm qui fait son stage de

fin dtudes dans lusine o travaille son pre et saperoit que

lentreprise profite de la mise en place des trente-cinq heures pour faire

un plan social et licencier son pre. Evidemment, le jeune stagiaire va

se rebeller et lancer une croisade contre la direction. Je pense que ce

choix a t fait afin de donner un aspect documentaire au film. Ctait

peut-tre la meilleure manire qua trouv le ralisateur pour faire

passer son message. En ne sattachant pas aux personnages, on

sattache plus au rquisitoire contre les trente-cinq heures et lesressources inhumaines.

En allant plus loin, on arrive au film de propagande. Elle est surtout le

fait des extrmes. Jai toujours prfr la propagande dextrme gauche

car elle ne vhicule pas des ides de haine mais des ides gnreuses

et malheureusement aussi trs fumeuses. Les pionniers du cinma en

Union Sovitique ont excell dans ce genre mme sils nont pas eu trop

le choix. La jeune Union Sovitique a vite compris le pouvoir du cinma

et hormis le fait quelle voulait devenir le cinma de rfrence face

Hollywood, elle a voulu utiliser le cinma des fins dducation des

masses. Cest Lnine qui disait que De tous les arts, le cinma est le

plus important . Rien de mieux que les images lorsque le taux

danalphabtisme est lev. Comme le cinma tait muet, il fallait crer


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un nouveau langage fond sur le montage17. Les autorits sovitiques

ont mis en place tout un plan permettant de faire du cinma itinrant

dans les campagnes afin de toucher le plus grand nombre. Lorsque lon

pense cinma de propagande sovitique, on pense dabord au

Cuirass Potemkine et la fameuse scne des escaliers dOdessa.

Le cuirass Potemkine, Sergue Eisenstein (Figure 24)

Pourtant ce nest pas mon prfr. Je prfre nettement Octobre parce

cest l quEisenstein est all le plus loin dans lart du montage

intellectuel. La premire scne de destruction de la statue du tsar est

un modle de lutilisation du montage comme langage. Dautres films

comme La mre de Poudovkine ou La grve dEisenstein sont moins

aboutis au niveau technique mais leur fracheur leur donne une

puissance et un impact beaucoup plus fort sur les masses que

lintellectualisme dOctobre. Mais, contrairement ce quaurait souhait

les autorits russes de lpoque, le public russe continuait de prfrer le

17Notamment grce leffet Koulechov dont je parlerai dans la deuxime partie.


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cinma daventures Hollywoodien, certainement moins artistique et

cratif mais laissant plus de place au rve et lvasion.

A un degr moindre on trouve les films engags. Ils sont gnralement

plus subtils. Linconvnient de ce genre de film cest quils sont souvent

une date limite de visionnage. Dautant plus quils sont trop relis

lactualit. Dans Une vrit qui drange, Al Gore utilise toute son aura

pour dnoncer les causes et consquences du rchauffement climatique

mais il en profite aussi pour rgler ses comptes avec George Bush. Que

restera-t-il de ce film dans vingt ans ? Gore a t le premier homme

politique dnoncer avec tant dnergie le risque de rchauffement,

peut-tre et encore. Quil a t battu de peu et sur des dcomptes de

votes un peu vaseux : certainement pas ! En fait tout dpend de la

dure entre les faits et le film. Cest comme la diffrence entre le

journalisme et lhistoire. Plus le temps entre les faits et le film qui les

relate est court, plus on peut se permettre de parler de faits anodins.

Lhistoire ne slectionnera que les plus important qui ne sont dailleurs

pas forcment ceux qui paraissaient les moins anodins lpoque.Ce genre de film peut driver vers le documentaire comme par exemple

Bowling for Columbine. Comme on a tendance croire plus facilement

les images que les crits, les risques de manipulations sont assez forts.

Prenez Farhenheit 9/11 : Michael Moore a profit de son aura pour

dmolir George Bush. Je me souviens dun passage du film o il

montrait Bush ragir visiblement btement lannonce des attentats du

World Trade Center que lui a faite au creux de loreille un de ses

assistants. Moore critique le fait quil na eu lair du ragir. Vous auriez

fait quoi sa place : sauter en lair en criant au meurtre ou essayer

dencaisser le coup, dtre calme pour viter de ragir btement

chaud cette horrible nouvelle. Il le montre encore aprs un discours

sur le terrorisme disant : Bon maintenant passons aux choses

srieuses, rien ne vaut une bonne partie de golf . Cest facile ! Mais en

fait que prfrez-vous : un prsident soi-disant bte, nul et dangereux


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en politique internationale mais qui sait donner confiance ses

concitoyens en se comportant comme eux ou un prsident soi-disant

bte, plutt bon en politique internationale mais qui ne donne vraiment

pas confiance ses concitoyens (vous voyez de qui je veux parler !).

Pour lamricain moyen seule la politique intrieure et le maintien de

son mode de vie compte. Mais, je pense que cest le cas de la plupart

dentre nous. Si lon continue sur le prsident plutt bon en politique

internationale, jai encore un bon exemple du pouvoir de manipulation

des images darchives ; le documentaire Dans la peau de Jacques

Chiracfait du prsident finalement quelquun de sympathique, un gentil

voyou. Prenez les mmes images, enlevez la voix de Didier Gustin

imitant Chirac et mettez Michael Moore ou Jean-Marie Le Pen en voix-

off, vous verrez que leffet sera trs diffrent.

Jai parl tout lheure du style documentaire dans des films de fiction,

Cest fait pour renforcer le ct raliste du film. On retrouve encore Jalil

Lespert dans Le petit Lieutenantou bien Ben Gazzara dans Meurtre dun

bookmaker chinois. Au dbut du film, la camra suit les allers et venuesdu patron de bote de nuit jou par Gazzara. Cest film camra sur

lpaule, on a limpression de suivre la vie de quelquun dimportant.

Meurtre dun bookmaker chinois, John Cassavetes (Figure 25)


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Pourtant, par la suite, le poisson se rvle ntre quun petit qui va se

faire manger par plus gros que lui. La faon de filmer le dmarrage du

film permet de renforcer lidentification au personnage.

On retrouve auss

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expression cinematographique