Evangile selon saint Thomas (commentée)

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Introduction

Lvangile selon Thomas est un des 52 manuscrits, crits en langue copte et dcouverts en 1945 prs de Nag Hammadi en Haute Egypte. Il reprsente un recueil de 114 logia, des paroles que Jsus aurait dites. Ce tmoignage nous rvle aujourdhui une dimension nouvelle dans lenseignement de lhomme qui, voici vingt sicles, fut lorigine de quelques perturbations dans la sphre religieuse judaque. Certains de ses disciples le proclamrent en effet comme le Messie tant attendu. Il fut mme reconnu comme fils de Dieu, quelle que puisse tre la signification accorde alors cet pithte. Lhistoire de la gense du christianisme, suite la prdication du dnomm Jsus, appel le nazaraios, la signification accorde sa crucifixion et surtout la croyance en sa rsurrection, se situe toujours et malgr une littrature impressionnante, dans une nbuleuse historique. Lhistoriographe de lpoque fait peine allusion sa prsence. Le tmoin le plus prsent dans le Nouveau Testament, le juif Paul, na port quasiment aucune attention au contenu de son enseignement. La plus importante source dinformations son sujet nous est propose par les vangiles canoniques. Mais ceux-ci ne reprsentent quun choix slectif, dcoulant dune interprtation approprie du tmoignage de Jsus. Le choix de ces vangiles ne fut officialis que vers la fin du IV sicle. Tout au long de leurs rdactions successives et de leurs transcriptions ils ont, en outre, indniablement subi linfluence des ides pauliniennes. Par des crits de pres de lglise nous savions dj que certains des disciples de Jsus tmoignaient dune perception diffrente du contenu de son enseignement. La dcouverte de Nag Hammadi nous confirme aujourdhui lexistence, au dbut de lre chrtienne, dune diversit insouponne dans linterprtation de lenseignement de Jsus. Une approche sereine de son avnement nous apprend que sa prdication ne fut pas perue par les autorits religieuses juives comme concordante avec leur croyance biblique. Elle fut mme considre tel point perturbante, quil fut dcid par le Sanhdrin de mettre un terme radical et dfinitif la libert dexpression, que Jsus stait accord lui-mme. Il fut donc limin par une crucifixion, une sentence qui lpoque ne reprsentait pas un vnement exceptionnel. Toutefois, lorsque nous consultons les vangiles, nous constatons que son tmoignage y est prsent comme une continuation vidente de la bible hbraque. Jsus y est en effet reconnu comme le Messie, dont la venue est prophtise dans les crits vtrotestamentaires. Ce qui fut dissonance devint donc consonance La particularit dans le tmoignage de son disciple Thomas, est que, dune part, il nous propose un grand nombre de paroles de Jsus, prsentes galement dans les vangiles canoniques, mais que, dautre part, il nous confronte un Jsus qui prend clairement ses distances par rapport la croyance judaque et ses rituels. Le nouveau dont il tmoigne est foncirement diffrent de lancien. Il est le vin nouveau, qui ne peut se garder dans de vieilles outres, le vtement neuf qui ne ncessite aucune retouche laide dun tissu usag, la connaissance nouvelle qui na que faire dune circoncision juive Dans la prise de conscience dun lien intrieur et donc spirituel, lunissant ltre absolu - lien quil prcise dans limage de la relation unissant un fils son pre - il a trouv la dlivrance vritable. Ce lien il le reconnat comme le propre de chaque tre humain. Le but de son tmoignage aurait donc t dveiller la conscience de chacun de ses frres et surs cette ralit spirituelle intrieure. Le problme, auquel nous sommes confronts aujourdhui et qui est gratuitement ignor par lglise parce que trop perturbant, concerne linterprtation de lenseignement de Jsus. Le fait que son tmoignage eut lieu il y a vingt sicles ne facilite nullement sa juste comprhension aujourdhui. Le foss culturel qui

nous spare du monde juif de jadis ressemble en effet davantage un gouffre En plus, les croyances religieuses nappartiennent plus aujourdhui au domaine du Divin mais celui dune connaissance humaine combien prcaire et culturellement dpendante. Il en dcoule que notre approche ne peut tre que foncirement diffrente de celle de ses auditeurs dans la Palestine dantan. Dans la mesure toutefois o le contenu de son enseignement tmoigne, comme celui de Bouddha ou de Krishna dans la Bhagavad Gita et de bien dautres, dune conscience religieuse universelle, le temps ne pourrait constituer un obstacle la recherche dune comprhension nouvelle.

La conscience religieuse universelle

La conscience religieuse universelle nous offre aujourdhui une opportunit pour aborder lenseignement de Jsus, vieux de deux mille ans, dans un esprit de libert spirituelle. Cette conscience nous permet en effet de transcender les restrictions, que se sont imposes les croyances elles-mmes ainsi qu leurs adeptes. Le mot religion trouve son origine dans le verbe latin religare, qui signifie relier. Il sagit donc dun lien qui unit. Ds lors le mot religion pourrait tre dfini comme : le lien unissant toutes les personnes partageant la mme croyance en un Dieu unique ou en des divinits multiples. Une approche par le biais de la conscience religieuse universelle nous amne dfinir le mot religion comme : le lien individuel unissant chaque tre humain ltre absolu. Le monde dans lequel nous vivons est appel relatif, parce que tout y est continuellement changeant, voluant dans une interdpendance permanente, tributaire de valeurs telles que le temps, lespace, lnergie et la matire. La conscience religieuse entend qu lorigine de ce monde il y a une cause, un tre, non dpendant de ces valeurs relatives. Cette cause, symbolise dans le mot Dieu, a donc un caractre absolu. Ceci implique que lesprit humain, dans sa dpendance de limitations relatives, ne peut percevoir labsolu, que lhomme ne pourra donc jamais connatre Dieu. Ainsi dans la Bible hbraque Jaweh, le Dieu des juifs, est appel lInconnaissable. Mais pour lhomme linconnu reprsente toujours une source dangoisse. Ds lors, et depuis sa prsence sur terre, il a tent de saisir labsolu, de sen octroyer une connaissance. Pour ce faire il fit appel son imagination. Labsolu fut projet dans une image De cette conception image de Dieu lhomme attribua lorigine une inspiration ou une rvlation divine directe. Cette image engendra des esprances, des commandements et des interdits, des rituels aussi. Ainsi naquirent des croyances Le tragique, inhrent aux croyances, est toutefois que, dans sa tentative dune approche du divin, dans loctroi soi dune connaissance de Dieu, lhomme cra la sparation et rendit ltre absolu quasiment inaccessible aux vivants de ce monde Lvangile selon Thomas est appel gnostique. Le mot gnosis est grec et signifie connaissance. Dfinir la conception actuelle de la gnose nest pas chose simple !

Le caractre gnostique de la plupart des manuscrits dcouverts Nag Hammadi est en outre foncirement diffrent de celui de cet vangile. Nous proposons donc la dfinition suivante : la gnose nest pas limpossible connaissance du Divin, mais une connaissance engendr par une exprience personnelle du lien qui nous unit ltre absolu. Cette exprience est la porte de chaque tre humain. Comme toute connaissance est tributaire de la conscience individuelle, il sen suit que la gnose est une connaissance volutive en fonction de lvolution de cette conscience. Elle ne pourra donc jamais tre enseigne autrui. La gnose est le fruit dune exprience personnelle, libre de toute emprise culturelle. De cette qualit tmoigne lenseignement de Krishna dans la Bhagavad Gita, du Bouddha, du Tao, ainsi que celui de Jsus dans cet vangile. La gnose, ou lexprience propre la conscience religieuse, implique la reconnaissance de lhomme en tant quexpression matrielle et temporelle de ltre intemporel, dans lequel rside la source de toutes ses facults vitales. La facult de penser, dprouver des sentiments, de percevoir sensoriellement et dagir librement nous parvient en effet chaque instant de cela qui, comme une source, est continuellement donateur. La prise de conscience dun lien, nous unissant cela, ne ncessite toutefois pas une connaissance de la source ellemme La reconnaissance pour un prsent nest pas tributaire dune connaissance du donateur Sil est exact que ltre absolu ne peut faire lobjet dune connaissance humaine, il est tout aussi vident que lexpression de ltre ou sa manifestation relative peut tre connue par lhomme. Cette connaissance de la cration, du monde phnomnal, est appele science. Tout savoir exact, dans quelque domaine que ce soit, ne pourrait tre en dsaccord avec un autre savoir exact ! Une valuation correcte des lois naturelles ne pourrait donc tre en contradiction avec une juste apprciation religieuse. Il importe toutefois dtre toujours conscient des limitations propres tout savoir humain Lexpression de ltre non manifest dans une cration manifeste a sa loi La physique nuclaire nous apprend en effet qu chaque instant se manifestent des vibrations, des ondes nergtiques, dont lorigine se situe dans un vide, appel vacuum physique. Ces vibrations sont cratrices de matire. Ainsi apparaissent dabord des particules lmentaires, qui sharmonisent et forment des atomes. Ceux-ci sharmonisent leur tour pour crer des molcules. Se combinant entre elles, celles-ci se manifestent par des structures de plus en plus complexes. Ainsi naissent nos cellules La science nous apprend donc quen provenance dun vide la vie se manifeste de faon continue par une expression harmonieuse dnergie et de matire, de synthse et de dissolution. La loi unique lorigine de cette manifestation crative sappelle harmonie. Un vide est sans valeur, car absence de toute chose. Un vide qui contient la totalit du potentiel de la cration est une merveille, qui dpasse tout entendement humain ! Pourtant, ce vide l chaque tre est uni, car chaque atome de son corps y trouve sa source. Ceci implique que chaque atome ou chaque cellule de notre corps est continuellement et spontanment lcoute dune loi dharmonie. Dans la prise de conscience dune intgration individuelle dans cette loi absolue, qui constitue la cause mme de notre existence, rside la finalit de notre vie : lexemple de la nature tout entire, transformer en harmonie les qualits qui, par une crativit harmonieuse, sont mises notre disposition. Lexpression de lharmonie dans nos penses est appele intelligence, la base de toute connaissance. Lharmonie dans nos sentiments, par laquelle sexprime la bont, est appele amour. Tout savoir na de valeur que lorsquil sert. Lamour na de valeur que lorsquil se donne. Lharmonie des deux est ncessaire pour raliser une action juste. Dans un repos, le silence du vide lintrieur de soi,

chaque tre peut recevoir une inspiration lui permettant dexprimer harmonieusement intelligence et amour. Cest cette inspiration qui lui rvle son unit spirituelle dans ltre absolu. La ralit de notre vie ne correspond hlas plus cette situation idale, car lhomme ddaign la source de son potentiel. Dans lhistoire du livre de la Gense, Adam - lhomme - tromp par son savoir prtentieux - le serpent - a usurp du fruit de larbre de la connaissance - lautorit propre au Crateur - quil sest appropri. Le juste fruit de toute connaissance est autorit. Labus dune connaissance mne au pouvoir Lhomme sest donc empar de lautorit du Crateur pour en faire son propre pouvoir. Par ce geste il a rompu son intgration dans la loi dharmonie. Cette histoire symbolise ce qui fut et est toujours sa faute originelle, qui est pch dorgueil : ce qui tait un et devait rester uni, lhomme a spar : il a fait le deux. Pour les perturbations, qui sont la consquence de son acte, lhomme seul est responsable... Sa tche maintenant consiste donc rtablir en sa conscience son unit originelle. Le dualisme, dans lequel nous percevons toute manifestation relative, trouve sa cause dans une perturbation de la conscience individuelle. Ainsi nous discernons le bien et le mal, lharmonie et la disharmonie, la lumire et lobscurit Pourtant seule la lumire a une source, lobscurit nen a pas. Obscurit est absence de lumire, comme disharmonie est absence dharmonie, comme ignorance est absence de connaissance Absence est manque Pour notre manque de perception, dexprience, de conscience, nous sommes nous-mmes responsables! Lutter contre un manque, du bien, de lharmonie, na pas de sens Celui ou celle qui fait paratre la lumire dissipe spontanment les tnbres Dans une prise de conscience du lien qui nous unit ltre absolu, la source de la lumire intrieure, dans la reconnaissance de Sa loi comme la cause premire de toutes nos facults humaines, rside galement la prise de conscience de notre responsabilit dans lvolution de la vie sur terre. Ce qui est reli est uni, est un Lide fondamentale dans lvangile selon Thomas est unit. Parce que la nature du lien qui nous unit ltre absolu est dun ordre spirituel - ce lien ne peut se rvler que par lexprience dune inspiration que chaque tre peut recevoir - le tmoignage en est des plus dlicat. Pour tmoigner de sa conscience dunit, Jsus fit donc appel des images. Limage nest toutefois quun moyen par lequel une ralit peut se rvler. Jamais le moyen ne peut tre confondu avec son but. Jamais limage ne peut tre confondue avec la ralit quelle tente de dvoiler ou dapprocher La relation intime, unissant jadis un fils son pre, image par laquelle Jsus tenta de visualiser le lien intrieur lunissant ltre absolu, ne fut toutefois pas perue comme une image mais comme une ralit. Il se prsentait donc comme un fils de Dieu, ainsi limage fut comprise Cette confusion fut lorigine de sa crucifixion. Pour chaque auditeur de ses paroles dans cet vangile le dfi sera donc de dvoiler la connaissance cache dans limage et daccder une juste interprtation de la notion dunit.

Un brin dhistoire

La dcouverte en dcembre 1945 prs de Nag Hammadi en gypte fut, comme bien dautres dcouvertes importantes, le fruit du hasard. la recherche dune terre fertilisante, quelques frres paysans dcouvrirent une jarre ancienne contenant un nombre de manuscrits, crits en langue copte et datant du IV sicle. Rpartis en

treize enveloppes de cuire, appels codices, 52 manuscrits, tmoins jusqualors silencieux dune approche gnostique de lenseignement de Jsus, se sont ainsi manifests notre connaissance. Cette dcouverte prit pourtant de nombreuses annes avant de nous rvler son contenu. Bien que ds 1947 Jean Doresse, un gyptologue franais, ait pu prendre connaissance de quelques manuscrits rcuprs par les autorits gyptiennes, il fallut attendre jusquen 1977 avant quune premire publication complte de ce qui est appele la Bibliothque de Nag Hammadi vit le jour aux tats-Unis. Un sort particulier fut toutefois rserv un fragment non ngligeable dun codex, rcupr par Albert Eid, un antiquaire belge rsidant au Caire. Aprs une vaine tentative de vente de ses manuscrits aux tats-Unis, ceux-ci furent confis au coffre-fort dune banque belge. Lorsque le professeur nerlandais Gilles Quispel eut connaissance de la prsence en Belgique dun fragment de codex, il incita linstitut Jung de Zurich se procurer ces manuscrits. Par lintermdiaire dune tierce personne et grce au support non ngligeable de quelques francs suisses, le professeur parvint, dans les tnbres dune brasserie bruxelloise, rcuprer les manuscrits coptes et les transfrer lui-mme en Suisse. Quelques annes plus tard il se rendit au muse copte du Caire la recherche de la partie manquante de son codex. Son tonnement fut total lorsquil dcouvrit le fragment initial de son manuscrit : celles-ci sont les paroles caches qua dites jsus le vivant et a crit elles didyme judas thomas. Il sagissait du dbut de lvangile selon Thomas. Alors que la datation des textes coptes fut relativement aise tablir - leur origine se situerait vers la moiti du quatrime sicle - il nen fut pas de mme pour lestimation de lapparition originel de cet vangile. Les auteurs du Synopse des quatre vangiles de lcole biblique de Jrusalem une autorit non discutable au sein de lglise catholique - dclarent dans lintroduction du Tome I : Il semble quil (lvangile) nous permette datteindre une forme de la tradition vanglique antrieure la rdaction des vangiles canoniques. Son tmoignage serait alors trs important pour reconstituer lhistoire de la transmission des paroles du Christ. Le professeur Helmut Koester de la Harvard University situe lorigine de cet vangile vers les annes 50. Dans cette datation relativement prcoce il est suivi e.a. par les professeurs Ron Cameron, S.L.Davis et C.W. Hedrick. Fait, surprenant par ailleurs, qui confirmerait lanciennet de ce tmoignage, est une citation de Paul dans son premier ptre aux Corinthiens (1Cor 2. 9), o il reprend presque littralement le logion 17 de cet vangile. Paul, qui de faon gnrale se refuse rfrer aux paroles de Jsus, laisse donc prcder sa citation par les mots : mais, comme il est crit, nous annonons. Rappelons que cet ptre est situ au dbut des annes 50 et que cette parole de Jsus ne figure pas dans les vangiles canoniques. Il nest, par ailleurs, pas tabli que ces vangiles avaient atteint leur rdaction finale cent ans plus tard Il sied en effet de constater labsence de toute citation dun texte vanglique, laquelle est associ explicitement le nom dun vangliste, avant la seconde moiti du II sicle. la question de savoir si lvangile selon Thomas reprsente le tmoignage le plus ancien et donc le plus authentique des paroles de Jsus, il est bien douteux que la science puisse un jour nous apporter une rponse nette et dfinitive. La dcouverte des rouleaux de la Mer Morte a confirm combien la relation entre croyance et science peut tre crispe, voir hostile, lorsquil sagit de la dcouverte de nouveaux tmoignages. Les croyances sont en effet fondes sur une approche motionnelle de la relation entre le naturel et le surnaturel. Elles ne

peuvent donc se laisser perturber par la dmarche rationnelle propre la science Il sen suit que toute rencontre entre croyance et science sera toujours des plus dlicate. Reste une approche personnelle et donc subjective des paroles de Jsus. Une telle dmarche sera toujours tributaire des limitations propres ltat de conscience individuel. Elle pourrait par exemple engendrer la rflexion suivante : quen Jsus lui-mme est personnifi le tmoignage quune juste connaissance religieuse ne peut jamais donner lieu un exercice de pouvoir. La question se pose donc comment associer le tmoignage de Jsus lexercice de pouvoir, dont lglise a fait preuve durant vingt sicles? Lglise, vu son ardent dsir daffirmation de soi et dexpansion, na-t-elle pas davantage suivi Paul que Jsus? Les chrtiens gnostiques ne seraient-ils pas plus proches du Jsus vivant que ne le fut jamais ou ne voulut ltre Paul...? Il est probable que, par la dcouverte de Nag Hammadi, la science pourra nous clairer sur limportance du vcu gnostique au dbut de lre chrtienne. Jamais pourtant elle ne sera en mesure de nous proposer une rponse la question de savoir quelle pourrait bien tre la teneur exacte du tmoignage de Jsus

Commentaire

Dans la prsentation de cet vangile nous avons fait suivre chaque parole ou logion dun commentaire. Le but de celui-ci nest pas de proclamer une tantime vrit religieuse, mais de crer une ouverture desprit permettant tous ceux ou celles qui le dsirent daccder plus aisment au contenu non conventionnel de lenseignement de Jsus. Toutefois, comme toute interprtation est dpendante de la conscience individuelle, il sen suit que jamais une interprtation ne pourra tre propose, voir impose, comme une vrit. Dans un contexte religieux la vrit ne peut quappartenir au prtentieux savoir humain, au venin du serpent biblique Cest ce venin l qui empoisonne toute tentative de dialogue entre croyances. Une libert desprit est la condition premire pour toute connaissance humaine. Cette libert nous offre lopportunit de considrer Jsus comme un homme qui, comme le Bouddha et bien dautres encore, a un jour rendu tmoignage de sa conscience religieuse. Son avnement donna lieu la gense dune croyance nouvelle. Nous imaginons bien quune remise en question de linterprtation de lenseignement, qui fut la base de la croyance chrtienne, peut toucher la susceptibilit de bien de croyants. Pour cette sensibilit nous avons de la comprhension et du respect. Mais voil, il ny a pas de libert sans responsabilit, et toute connaissance na de valeur que lorsquelle sert. La mise au service dune connaissance, mme ressentie comme perturbante, ne pourrait altrer ni la libert, ni la responsabilit dautrui ! Une connaissance libre de la ralit religieuse ne repose pas sur une tradition culturelle, mais dans la libert dune conscience religieuse universelle. Dans la recherche de rponses des questions existentielles chaque tre se retrouve face soi-mme dans une nudit solitaire. ce point les convictions dautres ne lui sont plus daucune utilit... Le dfi que pose ce tmoignage chaque lectrice ou lecteur, croyant ou non croyant, sera donc de relativiser ses propres ides ou convictions, afin de crer une condition dcoute sereine, sans parti pris, et de sengager dans une voie de recherche dune connaissance, dont a tmoign un homme voici deux mille ans. La question existentielle, qui nous concerne tous dans cette

vie, nest pas de savoir qui ou quoi pourrait bien tre Dieu, mais plutt : qui suis-je, tre humain sur cette terre, quel est le sens de ma vie individuelle, quelle en est la finalit ? Une dernire remarque concernant le commentaire prsent. Tout au long des 114 logia de cet vangile les mmes thmes se ritrent. Lessentiel du message se rsume en quelques ides radicales, qui souvent donnent lieu des images diversifies. Il est par consquent difficile dviter de se rpter Nous avons pourtant consciemment opt pour une certaine rptition, suite lide quun tel tmoignage peut reprsenter une source de rflexion spirituelle, alors mme que le lecteur se limite une ou quelques paroles.

Traduire est trahir

est un dicton qui savre hlas trop souvent exact. La transmission dune connaissance religieuse a toujours et dans chaque culture donn lieu une dformation voir une dtrioration du message original. Ce sort fut galement celui du tmoignage de Jsus. Comment ses paroles ont-elles t perues par ses disciples ? Comment ont-elles ensuite t transmises par des vanglistes ? Quelles manipulations interprtatives ces crits ont-ils subies tout au long des leurs rdactions successives et de leurs transcriptions ? Mme au niveau de la traduction du texte grec en une langue moderne, la transcription recle trop souvent des manipulations interprtatives. Cet vangile nchappe hlas pas cette ralit Loriginal dont nous disposons est un texte copte et est donc dj une traduction. La fiabilit de cette traduction pourra toujours tre mise en doute Il va de soi que la transcription du copte en une langue moderne est un travail de spcialiste, mais elle ne pose pas de problmes insurmontables. En consultant de multiples traductions nous avons pourtant eu la nette impression que trop souvent le traducteur tmoigne dun souci excessif daccessibilit au contenu du discours. Traduire et interprter sont en effet deux exercices distincts qui, semble-t-il, se confondent trs aisment Lors de la transcription de cet vangile un souci de respect du texte original a donc toujours t prsent. Seulement voil, vingt sicles de culture et dvolution sparent la parole exprime de sa transcription en une langue moderne. Il sen suit que toute tentative de reproduire cette parole dans sa puret originelle, sans quelle soit colore par quelques touches personnelles, sera toujours voue lchec. Un contenu spirituel na pas la rigueur dune science exacte ! Ainsi, la traduction de certains mots nous a pos des problmes quasiment insurmontables. Cest la raison pour laquelle nous avons omis de traduire le mot monachos, la fois grec et copte, mot clef dans cet vangile. La racine en est monos, qui signifie seul. Cette racine se retrouve dans le mot moine, qui rfre une personne qui a renonc au monde, dans le but de rechercher ce qui est appel Dieu. La qualit du monachos ne concerne toutefois pas un comportement extrieur mais un tat de conscience intrieur. Il sagit en effet de lhomme, qui a accompli un cheminement intrieur et a accd la conscience dune intgration du moi individuel dans ltre absolu. Un cheminement intrieur suppose un dtachement des valeurs extrieures. Le but de

cette dmarche nest pas une recherche de Dieu mais la recherche du soi vritable. Dans cette dmarche solitaire lultime dtachement consistera donc relativiser limportance du moi, dans sa position dominante au sein de sa propre vie, et prendre conscience de sa tche vritable. Cette tche rside dans une transformation harmonieuse dune inspiration, manant dune ralit suprieure prsente au plus profond de chaque tre. Dans cette exprience libratrice le monachos a dcouvert la ralit initiale et finale de son tre. Aussi bien un, solitaire, dtach que libr sont des qualits qui concernent le monachos. Dautres traductions ncessitent quelques prcisions. Cest le cas du mot psych. Nous le reconnaissons aujourdhui comme la racine de psychologie. Une traduction par me semble donc vidente. Mais sagit-il de lme dans le sens qui lui est accord dans tat dme ou est-ce lme immortelle dans un corps mortel ? Et lorsquil nous incombe de traduire correctement pneuma, qui signifie aussi bien souffle quesprit, nous ne sommes pas sortis de lauberge ! En plus ces mots sont associs une ralit physiologique pour laquelle sont utiliss aussi bien les mots soma que sarks. Soma rfre au corps comme le support physiologique de lhomme, tandis que sarks fait plutt allusion au corps anim par le psychique, tel que Paul en exprima le sens dans lexpression : lhomme de chair et de sang. (1Cor 15. 50) Lhomme est une entit psychosomatique, une combinaison de psych et soma. Cette entit est reprsente par le mot sarks. Le psych pourrait tre dfini comme une sorte de rservoir intrieur, contenant aussi bien des donnes rationnelles qumotionnelles, accumules suite linteraction continue entre lhomme et son environnement. Cette interaction se situe aussi bien au niveau du conscient que du subconscient. Il sen suit que le psych constitue le moi intrieur de lhomme, qui dtermine finalement le contenu de son ego. Dfinir le contenu de pneuma, dans son sens desprit ou spiritus, nest pas non plus chose aise Comme lanimal dispose dune inspiration, appele instinct, lhomme dispose galement dune telle inspiration. Son origine se situe dans une ralit suprieure qui, dans un contexte religieux, est prcise comme laction de lEsprit Saint. Sur un plan personnel, lesprit de lhomme reprsente ce qui lui reste de cette inspiration, aprs que celle-ci a transit par son psychisme. Par cette interfrence lesprit de lhomme est surtout imprgn dun savoir et de dsirs personnels. Ceci a pour consquence que chaque homme considre lesprit comme une partie intgrante de son moi personnel. La qualit de la cohrence entre ces diffrentes fonctions lintrieur de lhomme dtermine finalement la qualit de son tat de conscience. Plus nos structures physiologiques sont en harmonie, plus sera perceptible laction du pneuma et mieux sera la perception des qualits mises notre disposition : celle de penser, dprouver des sentiments, de percevoir sensoriellement et dagir librement. Par ces prcisions, discutables il est vrai, nous esprons viter quelques malentendus concernant une traduction dlicate. Nous avons donc traduit soma par corps, sarks par chair, psych par moi intrieur et pneuma par esprit. Dans la tradition vanglique un autre et dlicat problme de traduction se pose. Il sagit de la juste apprciation du contenu du mot grec basileia. Tenant compte de lexpectative juive ce mot fut traduit par royaume. La signification premire en est pourtant royaut, ce qui rfre donc la dignit royale. Par extension basileia peut galement signifier royaume. La diffrence entre les deux significations est pourtant substantielle. Un royaume rfre un territoire sur lequel rgne un roi, sur lequel il a tabli son pouvoir. Toute personne appartenant son royaume se trouve dans lobligation de respecter ses lois, comme elle peut galement jouir des avantages qui en dcoulent. La notion de royaut, par contre, met en exergue la qualit de lautorit royale.

La confusion entre autorit et pouvoir est depuis bien longtemps instaure dans notre socit humaine. Tout homme, qui met une connaissance au service dautrui, exerce une autorit. Celui qui, par contre, utilise son savoir, non pas pour servir autrui mais pour se servir soi-mme, fait exercice de pouvoir. Lexercice dune autorit est librateur, tandis que celui de pouvoir restreint la libert dautrui La diffrence peut sexprimer en un mot : orgueil. Quiconque participe une autorit, est investi dune responsabilit : celle de servir. La conception de basileia en tant que royaut nous mne la conclusion suivante : quil appartient la responsabilit de chaque tre humain de prendre conscience de son intgration, ici et maintenant, dans une autorit absolue et dexprimer les qualits dont il est investi dans un engagement de serviabilit. Il est noter que jadis un Messie tait un roi, investi non pas de pouvoir mais dune norme responsabilit : celle de prparer lavnement du royaume divin sur terre. Dans cet vangile le mot roi ne rfre donc pas un pouvoir mais une autorit et la responsabilit qui en dcoule. La proccupation de ne pas imposer une interprtation nous a port maintenir, dans la transcription de cet vangile, le mot royaume. chaque lecteur ou lectrice de juger de lopportunit den adapter le sens. La transcription prsente est le fruit dune analyse comparative et critique de diffrentes traductions. Ce qui nous fut de la plus grande utilit est la traduction mot mot, partir de loriginal copte, prsente dans ldition de 1979 de lvangile selon Thomas de la collection Mtanoia. chaque fois que nous avions limpression dtre face une erreur de transcription ou de quelque souillure du texte suppos original, nous avons clairement indiqu la correction propose. Un grand nombre de logia ont laiss des traces dans les vangiles canoniques. chaque fois les parallles canoniques ont t indiqus. Ainsi chaque lecteur ou lectrice pourra juger de loriginalit de lun ou lautre texte. Une dernire remarque encore. Loriginal copte est un texte continu, sans espaces entre les mots ni les phrases, sans majuscules, sans ponctuations. Afin de prserver quelque peu le caractre original, nous avons dans cette transcription omis toute ponctuation ou utilisation de majuscules et nous nous sommes limits sparer les mots entre eux.

Lvangile selon Thomas

celles-ci sont les paroles caches que jsus le vivant a dites et qua crites didyme judas thomas

Lenvoi de cet vangile nous en rvle lauteur : Didyme Judas Thomas. Didyme

signifie jumeaux en grec. Judas tait un prnom fort commun lpoque. Thomas signifie galement jumeaux, mais en aramen cette fois. Ce double dnominatif rfre probablement au lien spirituel unissant Jsus son disciple. Chaque disciple sera pareil son matre est une parole de Jsus dans lvangile de Luc. (Lc 6. 40) Thomas nous est surtout connu par lvangile de Jean. Le dnominatif Didyme lui est accord dans Jn 11. 16 et 21. 2. Dans Jn 14. 22 il est tout simplement appel Judas. Le nom Judas Thomas revient galement dans diverses variantes de lvangile de Jean. Le sens de paroles caches peut prter discussion. Comme la connaissance, dont tmoigne Jsus, est dun ordre spirituel et donc difficilement communicable, il fait souvent appel un langage imag : sa connaissance est cache dans limage. chaque auditeur ou auditrice den dvoiler le contenu. Voil le sens probable de paroles caches. Au dbut de lre chrtienne circulait toutefois un grand nombre dcrits, qui ne refltaient pas ce qui aujourdhui est considre comme la doctrine vritable. Ces crits sont appels apocryphes, en provenance du mot grec apocruphos, utilis ici et signifiant secret ou cach. Une traduction par paroles secrtes nous semble toutefois moins indique. On pourrait en effet en dduire que le message de Jsus est sotrique et quil ne sadresse qu des personnes inities. Son enseignement est par contre universel et destin chacun de nous. Jsus est appel le vivant. Dans cet vangile le sens de vie et de mort est diffrent de leur sens biologique. La prise de conscience dun lien unissant linfrieur - le biologique - au suprieur - le spirituel - donne cette vie une dimension absolue. Celui ou celle, qui a accd cet tat de conscience, est devenu vivant. Cest la qualit dont tmoigne Jsus.

1 et il a dit celui qui dcouvrira linterprtation de ces paroles ne gotera pas la mort

Jn 8. 51-52 : En vrit je vous dis : si quelquun garde ma parole jamais il ne gotera la mort.

Une juste apprciation de la connaissance cache dans les paroles de Jsus donne donc accs la vie vritable. La qualit de toute interprtation est directement dpendante de la conscience individuelle. Cest la raison pour laquelle une interprtation ne pourra jamais tre impose autrui comme une vrit. Ceci implique galement quune interprtation sera toujours personnelle et voluant en fonction de lvolution de la conscience individuelle. Laccs au contenu de son enseignement ncessitera donc temps et patience Lexpression ne gotera pas la mort semble trange, mais est galement prsente dans les vangiles canoniques. Notez en passant la subtile diffrence entre

dcouvrir et garder la parole Celui ou celle qui dcouvrira le contenu vritable des paroles caches, qui recevra donc sa connaissance, vivra. La mort est absence de vie, comme lobscurit est absence de lumire, comme lignorance est absence de connaissance. Dans le milieu gnostique la connaissance appele gnose est associe directement la notion de vie. Accder la gnose est la condition premire pour avoir accs la vie vritable. La mort physique, toujours prsente comme laboutissement de la vie biologique, ne gnera toutefois pas celui ou celle qui a retrouv son port dattache absolu

2 a dit jsus celui qui cherche quil ne cesse de chercher jusqu ce quil trouve et quand il aura trouv il sera boulevers et sil est boulevers il sera merveill et il sera roi sur le tout Mt 7. 7-8 - Lc 11. 9-10

Quiconque dsire accder la connaissance de sa parole, se trouve donc dans lobligation de sengager dans la voie dune recherche personnelle. Ceci constitue un dfi, qui remet en question des ides ou des convictions reues, dans lequel est relativise limportance du moi la lumire dune connaissance nouvelle. Cette dmarche mne une exprience drangeante, car elle concerne la pierre dangle de nos certitudes religieuses. Qui souvre au nouveau se pose, comme Jsus, en conflit par rapport lancien. Sen suit un bouleversement vident Mais celui ou celle qui, en toute sincrit avec soi-mme, parvient rsoudre cette situation conflictuelle, accdera finalement un tat dmerveillement, qui rside dans la prise de conscience de sa participation responsable dans la royaut du Pre. cette royaut sont associes les notions dautorit et de responsabilit et non pas celles de rgne et de pouvoir. Pour cette raison nous considrons la traduction : et il rgnera sur le tout comme inopportune, vu lassociation qui y est faite avec la notion de pouvoir. (voir les logia 81 et 110)

3 a dit jsus sils vous disent ceux qui vous attirent

voici le royaume est dans le ciel alors les oiseaux du ciel vous devanceront sils vous disent il est dans la mer alors les poissons vous devanceront mais le royaume est lintrieur de vous et il est lextrieur de vous quand vous aurez reconnu vous-mmes alors vous serez reconnus et vous saurez que vous tes les enfants du pre le vivant si en revanche vous ne vous reconnaissez pas alors vous tes dans une pauvret et vous tes la pauvret

Lc 17. 21 : on ne dira pas : voici il est ici ou voil il est l, car le royaume de Dieu est au-dedans de vous. (en grec : entos mn estin)

Voici que commence la confrontation avec la connaissance nouvelle. Se rendre dpendant dun savoir dautrui nest pas le bon cheminement ! La voie est celle de la connaissance de soi Il ne sagit toutefois pas de savoir qui suis-je ? dans le sens de : quelle est ma personnalit, en quoi je me distingue des autres ? La question est plutt : qui suis-je, tre humain sur cette terre, quelle est ma tche, quelle est ma finalit ? Quel est le sens de la merveille biologique appele homme ? Lavnement du royaume est un vieux rve du peuple dIsral. Pour le juif Paul ce rve tait si intense et sa ralisation si proche, quil conseilla aux hommes de Corinthe une abstention sexuelle Ceci leur serait srement bnfique le jour tout proche du jugement dernier (1Cor 7. 29) Moyennant une adaptation progressive et nonobstant la parole de Jsus rapporte par Luc, ce rve de lavnement du royaume fait aujourdhui toujours partie dune expectative, reporte il est vrai vers lau-del. De toute vidence linfluence de Paul fut plus dterminante que celle de Jsus En dvoilant que la ralit reprsente par le royaume est aussi bien lintrieur qu lextrieur de soi, Jsus prcise quil sagit bien dune ralit inhrente cette vie terrestre. En effet, comme la nature toute entire, chaque cellule de notre corps est lcoute dune loi absolue. La prise de conscience de cette unit implique la reconnaissance dune source de vie lintrieur de soi. Quiconque la reconnatra, sera reconnu La reconnaissance dune source intrieure engendre donc une reconnaissance par la source elle-mme. Par elle nous serons reconnus et recevrons la lumire dans laquelle seront dissipes les tnbres de notre ignorance. Si nous ne la reconnaissons pas, nous demeurons dans une pauvret. Cest ltat dans lequel Jsus a retrouv les siens, ltat qui est

toujours le ntre (voir logion 28) Afin de prciser le caractre intime du lien qui le relie sa source de vie intrieure et absolue, Jsus utilise limage du lien unissant un fils son pre. (voir logion 15) Mais ce lien nest pas une exclusivit qui ne reviendrait qu lui ! Unis dans une mme union spirituelle, nous sommes tous et toutes enfants du pre le vivant. Notons galement que, dans cet vangile, le ciel nappartient pas au domaine du divin mais que, comme la mer, il fait partie de la cration relative. Il nempche que, comme toute image relative, le ciel peut aussi tre utilis dans un sens symbolique afin de prciser le suprieur.

4 a dit jsus dans ses jours lhomme g nhsitera pas interroger un petit enfant de sept jours au sujet du lieu de la vie et il vivra car beaucoup de premiers se feront derniers et ils seront un

concernant premiers et derniers : Mt 10. 30 - Mc 10. 31 - Lc 13. 30

De cette parole de Jsus nont survcu dans les vangiles canoniques que les premiers et les derniers , dans le dsordre il est vrai Cest une rencontre insolite qui nous est prsente dans ce logion. Lhomme g a vcu une vie entire, lenfant sept jours seulement. Il va de soi que le chiffre sept, symbolisant le parfait, nest pas choisi par hasard Le petit enfant vit insouciamment, inconscient encore de son moi, toujours uni dans la paix et lharmonie de sa source de vie. Et pourtant il est le catalyseur, qui touche tel point la conscience de lhomme g, que celui-ci ralise soudainement le lien qui, comme lenfant, lunit lui aussi sa source de vie. Lui aussi fut un jour un enfant de sept jours, tout pur encore, libr de toute contrainte exigeante de son moi dominant. Aujourdhui il a vcu sa vie, termin son combat avec soi-mme et les autres et il ralise que le crpuscule est proche Une rflexion rtrospective simpose lui. Sa vie stait droule au sein dune communaut croyante. Comme les autres il avait respect les rgles religieuses qui lui avaient t inculques. Il ne pouvait pourtant se souvenir daucune influence divine concrte durant sa vie. Au sein de sa communaut cette vie ntait pas non plus devenue vraiment meilleure. Limportance du moi individuel avait en fait toujours pris le pas sur la prsence du grand protecteur den haut. Bien sr quil

avait pris conscience que toutes les facults dont il disposait provenaient de Dieu, mais comme les autres, il stait toujours accord lui-mme les mrites de ses acquits Et de ces acquits il devrait bientt se sparer tait-ce bien en accord avec la volont divine de stre appropri des biens dont il devrait bientt se sparer? tait-ce bien l le plan que Dieu avait eu avec lui ? En considrant son moi comme son matre, ne stait-il pas tromp de matre, ne stait-il pas isol de son vritable Seigneur, qui lui avait tout donn ? Peut-tre taient-ce de telles penses qui troublaient la conscience de lhomme g Vint le moment de la rencontre Comme illumin par une inspiration soudaine il ralisa que lui, le premier, car n le premier, tait uni lenfant, le petit dernier, dans une mme union avec une mme source de vie. Car le lieu de la vie, l o lenfant demeurait toujours, celui de lunit, reprsentait pour lui aussi lunique tat de conscience dans lequel il pouvait raliser sa vritable tche de serviteur

5 a dit jsus connais ce qui est devant ton visage et ce qui test cach se dvoilera car il ny a rien de cach qui napparatra

Mc 4. 22 - Mt 10. 26 - Lc 8. 17 et 12. 2

Ce logion nous invite porter une attention particulire ce qui est devant notre visage. Il sagit donc dune la connaissance de laspect extrieur du royaume : la nature et ses lois, le domaine de la science. Par la voie scientifique aussi nous pouvons prendre conscience de la richesse prsente dans le vide absolu, source de toute vie relative. Lhomme moderne sest donn les moyens pour pntrer les lois de la nature, pour sonder la physiologie et le psychisme de lhomme, pour valuer le subtil quilibre naturel. Par des moyens audiovisuels nous avons aujourdhui le privilge dapprcier le merveilleux naturel. Quil sagisse du monde minral, vgtal ou animal, chaque fois nous sommes en merveillement devant un processus de vie, guid par une loi, qui ne peut tre dorigine humaine. Et pourtant, malgr que lhomme lui-mme soit lexpression suprme de cette loi, lui et lui seul est capable den perturber lvolution, aussi bien lintrieur de lui-mme qu lextrieur La vie ne peut pourtant lui rvler sa plnitude qu la condition quelle soit intgre dans cette loi universelle dharmonie. De ce logion peut galement tre dduit ce message particulier : que toute connaissance scientifique exacte ne pourrait sopposer une juste apprciation religieuse

6 ses disciples linterrogrent et lui dirent veux-tu que nous jenions et de quelle manire prierons-nous et donnerons-nous laumne et quobserverons-nous en matire de nourriture a dit jsus ne dites pas de mensonges et ce que vous rcusez ne le faites pas car devant la face du ciel se dvoilent toutes choses il ny a rien en effet de cach qui napparatra et rien de recouvert qui ne sera dvoil

La croyance juive est le substrat religieux des disciples. Elle leur impose nombre de rgles et de rites. La pratique de ceux-ci est la condition premire pour esprer accder un jour au royaume divin. La voie que Jsus nous propose est celle dune recherche personnelle et intrieure. Cette voie ne requiert ni rites, ni commandements. Celle ou celui, qui a pris conscience de la source et de sa loi, nest plus concern par des prescriptions humaines. Linspiration en provenance de la source est un guide unique et infaillible. Mais mme lhomme qui sengage dans cette voie reste toujours tributaire de ses faiblesses et de ses manquements. Son guide principal sera ds lors une sincrit dans ses paroles comme dans ses actes. Celui qui accomplit des actions justes ici bas, agit en harmonie avec le monde crateur, celui den haut. Qui choit dans lerreur en subit la loi. Toutes choses - le bien comme le mal - se dvoileront - lui seront imputes - devant la face du ciel - ce qui veut dire : ici et maintenant. Cest cette loi qui en Orient est appele la loi de karma. (voir le logion 58) Des actes rituels, en tant que gestes symboliques, ne sont pas forcment dnus de tout sens, dans la mesure o ils peuvent servir vivifier un juste tat desprit dans notre conscience. Les rites juifs taient toutefois perus comme un moyen contraignant, permettant de se certifier un accs au royaume venir. Cette conception nest pas celle de Jsus ! Mais, et ceci est quand mme remarquable, la prire ne retient pas non plus son attention

7

a dit jsus heureux est le lion que lhomme mangera et le lion sera homme et mprisable est lhomme que le lion mangera et le lion sera homme

manant de la bouche de Jsus cette parole nous semble effarante maintes reprises elle fut utilise pour attester du caractre extravagant de cet vangile. Nous convenons que linterprtation nen est pas vidente. Certains traducteurs, et non des moindres, se sont mme permis de modifier la succession des mots et donc de changer le sens de la phrase, afin de parvenir une interprtation plausible leurs yeux. Le royaume nest pas une ralit imaginaire qui ne serait accessible que dans lau-del, mais la finalit mme de cette vie terrestre. Par rapport au vcu de cette vie alors et maintenant - vingt sicles dvolution nont apparemment pas chang grand-chose - Jsus tmoigne pourtant dune lucidit tonnante. Ce logion nous prsente une double confrontation entre lhomme et le lion. Bien que lissue en soit diffrente, la conclusion est la mme : et le lion sera homme. Le lion, en tant que souverain dans le monde animal, peut tre considr comme le symbole dun pouvoir dominateur dans ce monde infrieur, dans lequel lhomme vit biologiquement mais est toujours mort face aux valeurs suprieures. La finalit de la vie nest pas de demeurer dans les tnbres de la pauvret, mais davoir pleinement accs aux facults qui nous sont dlgues. Afin de se raliser soimme lhomme doit diriger son attention vers la source qui dlgue, vers le suprieur lintrieur de lui-mme. Sil demeure spar de cette source il reste dpendant du monde infrieur, l o le lion dicte sa loi. La loi du lion est celle du plus fort, qui continuellement incite lhomme une confrontation avec les autres, le pousse saffirmer soi-mme selon des rgles conues par lui-mme. Il nous arrive des fois dentendre cette rflexion : dans la vie il y a deux sortes dhommes, les vainqueurs et les vaincus. Les vainqueurs sont ceux, qui dans leur lutte avec le lion ont triomph. Ils ont ralis leurs objectifs et demeurent dans lillusion de possder un pouvoir. Mais en ralit leur pouvoir est totalement dpendant des lois du lion, qui sappellent dollar, euro ou tout simplement ivresse de pouvoir. En consquence : heureux est le lion Car celui qui possde un pouvoir est aussi devenu son esclave. Par lentremise de lhomme le lion rgnera : et le lion deviendra homme. Le puissant ne peut rgner que par la grce du lion. Cest la raison pour laquelle lhomme dtenteur de pouvoir est le plus cruel parmi les animaux Les vaincus sont ceux qui, dans leur lutte avec le lion, se sont inclins. Un sort bien moins enviable leur est rserv, car impuissants ils doivent subir la loi du lion. Une dpendance totale en est la consquence. Conclusion : mprisable est lhomme, car du pouvoir du lion il est devenu la pture. Comme lanimal dans la jungle ou la savane, son sort au quotidien ne sera plus de vivre mais de survivre. En lui aussi le rflexe animal prvaudra : et le lion deviendra homme

Quelle leon est-elle dduire de cette mtaphore ? Bien que le territoire de lhomme soit galement celui du lion, sa tche est leve au-dessus de toute confrontation avec le lion. Celui ou celle qui accepte le dfi du pouvoir sera toujours perdant ! Car le pouvoir fait partie du monde infrieur. Sa tentation na quun nom : orgueil. Sabstenir de toute implication dans les objectifs du lion est donc le message vident. Quiconque cherche saffirmer selon des lois dun ordre infrieur et devenir puissant, ignore la source mme de son potentiel et sengage dans une confrontation avec le lion. Quil triomphe ou quil sincline, toujours linfrieur - le lion - prendra possession de lhomme. Lambition est un stimulant naturel, qui nous aide dvelopper et exprimer nos qualits et qui se concrtise dans dune confrontation avec les autres. Ceci est le propre dune priode limite de la vie. Toutefois, un veil simpose Car lorsque nous avons pris conscience que toutes les facults dont nous disposons ne nous appartiennent pas, mais sont mises notre disposition par une source absolue, rien ne nous permet plus de rclamer pour nous-mmes une quelconque position de pouvoir (voir logia 81 et 101) Seule une reconnaissance simpose. Notre tche sera ds lors dexprimer harmonieusement ce que nous recevons selon une loi qui ne nous appartient pas. Cette loi ne dcoule pas du monde infrieur mais dune ralit suprieure. Linterprtation que nous accordons cette parole de Jsus corrobore le principe dahimsa dont a tmoign Gandhi et plus tard Martin Luther King. Lutilisation de la violence, aussi bien par le plus fort que par le plus faible, comme une expression de puissance ou dimpuissance, nest jamais le bon choix !

8 et il a dit lhomme est semblable un pcheur avis qui avait jet son filet la mer il le retira de la mer rempli de petits poissons parmi eux le pcheur avis trouva un gros poisson excellent il jeta tous les petits poissons dans la mer sans peine il choisit le gros poisson celui qui a des oreilles pour entendre quil entende

Mt 13. 47-50 : Encore le royaume des cieux est semblable un filet jet la mer et qui rassemble toute sorte de choses. Une fois plein, layant remont sur le rivage et stant assis, ils ont recueilli les bonnes choses dans des paniers et ils ont jet les mauvaises. Ainsi en sera-t-il la fin du monde. Les anges viendront et spareront les mauvais des justes et les jetteront dans la fournaise du feu. L il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Comparer Thomas Matthieu est plus rvlateur que cent commentaires ! Il est probable que la prsence de pcheurs parmi les disciples ne soit pas trangre limage choisie. Mieux que quiconque ils pouvaient apprcier la valeur du gros poisson excellent. Lhomme est un pcheur avis, qui se donne la peine dexaminer attentivement sa prise. Ainsi il dcouvre le gros poisson. Le message est vident : faites usage de votre intelligence, discernez le prcieux, ne vous souciez pas de valeurs mineures De ces valeurs-l nous sommes pourtant bien pourvus dans cette vie ! Nombreuses sont en effet les thories et idologies de pseudo scientifiques ou de voyants illumins. Dvelopper une ouverture desprit est important. Mais tout aussi important est lapport dun sens critique, afin dtablir, suite une exprience de vie, une juste chelle de valeurs. Ce qui est prissable ne peut avoir quune valeur prissable La valeur unique et donc exceptionnelle, qui fait lobjet de notre recherche, nappartient pas au monde de lavoir mais celui de ltre. Une valeur existentielle a une porte absolue, car issue de la source mme de ltre. Parmi les nombreux poissons, que reprsente la dcouverte de Nag Hammadi, cet vangile pourrait lui aussi tre considr comme un gros poisson excellent

9 a dit jsus voici que sortit le semeur il remplit sa main et jeta quelques graines en fait tombrent sur le chemin des oiseaux vinrent et les picorrent dautres tombrent sur la rocaille et ne prirent racine dans la terre et ne firent slever dpis vers le ciel et dautres tombrent sur les pines elles touffrent la semence et le vers la mangea et dautres tombrent sur la bonne terre et elle donna un fruit excellent vers le ciel il vint soixante par mesure et cent vingt par mesure

Mt 13. 1-9 - Mc 4. 1-9 - Lc 8. 4-8

Ce logion tmoigne dune qualit exceptionnelle dans la parole de Jsus : celle de saisir la fois et la voie et la finalit de la vie dans une image simple, comprhensible pour tous. Dans les trois vangiles synoptiques il sagit de la premire de ses paraboles. Celle ou celui qui en a saisi la signification profonde, a galement peru lessentiel de son enseignement. La simplicit de limage ne garantit toutefois pas une comprhension unanime En effet, dans les vangiles synoptiques cette parabole est suivie dune interprtation, que Jsus aurait donne, quant aux graines qui ne sont pas tombes sur la bonne terre. Cette interprtation ne fait toutefois pas lunanimit parmi les trois vanglistes Raison pour laquelle les auteurs du Synopse des quatre vangiles de lcole biblique de Jrusalem concluent un ajout non pas de Jsus mais de la communaut ecclsiastique primitive. En plus il sagit l de ce qui, dans le logion prcdent, nous est prsent comme de petits poissons : des graines qui nont pas ralis leur finalit Autre question, qui depuis des sicles a fait lobjet de maintes discussions, concerne lorigine des nombreux fruits : sont-ils produits par la semence ou par la bonne terre ? la lumire de cet vangile cette discussion aussi savre strile Comme ce nest ni le spermatozode masculin, ni lovule fminin qui est lorigine de la vie biologique, mais lunit nouvelle issue de leur union, de la mme manire ce nest ni la semence, ni la bonne terre qui produit les fruits, mais lunit nouvelle engendre par leur union ! La question essentielle qui nous concerne tous est celle-ci : comment lhomme peut-il raliser la finalit de sa vie, qui est de produire de nombreux fruits dont il peut lui-mme bnficier ? Avant dtre semence la graine fut elle-mme le fruit issu dune plante porte par la bonne terre. Pour raliser sa finalit la graine doit retourner lendroit o fut son propre commencement. (voir logion 18) Aussi longtemps que la graine reste graine elle ne pourra raliser sa finalit, qui est de servir comme semence. Quand, dans lunion avec la bonne terre, elle se libre de son enveloppe extrieur et cesse dtre graine, alors elle servira lvolution de la vie en produisant de nombreux fruits. Voil sa finalit. Comme la nature nous en donne lexemple, le nouveau ne peut se manifester dans lhomme que par un dmantlement de lancien Le dtachement de lancien est la condition premire pour que, dans lunion avec lendroit o est le commencement, le lieu de la vie o demeure toujours lenfant de sept jours, puisse spanouir la vie nouvelle. Aucune raison de regretter lancien Dans une prise de conscience de lancien, de lorgueil qui est ntre, des ides prtentieuses dont nous nous sommes pars, dune prtendue connaissance du divin, rside ici et maintenant la condition pour une naissance nouvelle Comme le nirvana pour le Bouddha, lintgration dans la royaut du Pre est pour Jsus une ralit raliser dans cette vie. Dans cette conception des paroles de Jsus, de limportance quil donne la notion dunit, est valorise la parole rapporte par Jean : afin que tous soient un, comme vous Pre en moi et moi en vous afin quils soient parfaits dans le un

10 a dit jsus jai jet le feu sur le monde et voici que je le prserve jusqu ce quil enflamme

Lc 12. 49-50

Voici une parole de Jsus qui pourrait bien tre prophtique... Sans doute stait-il rendu compte de la difficult quprouvaient ses disciples accder une connaissance - symbolise ici par le feu qui jadis tait galement source de lumire - trop nouvelle et trop perturbante pour eux. Une incomprhension tait bien souvent le sort rserv ses paroles. Lembrasement de la flamme, la prise de conscience quil esprait vivifier en eux, a du lui sembler bien illusoire Son enseignement serait donc mis en veilleuse jusquau jour o lhumanit puisse en ranimer la flamme et en assumer la responsabilit. La nouvelle apparition de cet vangile dans la seconde moiti du vingtime sicle ne serait donc pas le fait du hasard... Depuis quelques dcennies en effet nous observons, dans une partie minoritaire il est vrai de lhumanit, des multiples indices qui rvlent une aspiration une spiritualit nouvelle. Dans cette perspective cet vangile pourrait bien faire office de catalyseur dans un veil spirituel de la conscience universelle

11 a dit jsus ce ciel passera et celui au-dessus passera et ceux qui sont morts ne vivent pas et les vivants ne mourront pas les jours o vous mangiez ce qui est mort vous en faisiez du vivant quand vous serez dans la lumire que ferez-vous (*) le jour o vous tiez un vous avez fait le deux mais tant deux que ferez-vous (*)

Mt 24, 34-36 - Mc 13, 30-32 - Lc 21,32-33

(*) Une touche interprtative consisterait terminer la premire ligne marque par (*) par ! et la seconde par ? Le processus biochimique, par lequel dans notre corps la matire morte se transforme en matire vivante, appartient une loi absolue, qui conditionne la vie biologique. Passer, en conscience, de la mort la vie constitue une naissance spirituelle, qui ne peut soprer que par une intgration de la lumire du suprieur dans linfrieur. Cest la voie par laquelle dans chaque tre peut se raliser le retour lunit originelle. Lhistoire biblique du pch originel symbolise la sparation, la dgradation du un vers le deux. Dans cette sparation rside notre mort spirituelle. Limage du semeur prcise notre tche : raliser en nous-mmes le retour lunit originelle. Notons que, comme au logion 3, le ciel rfre une ralit concrte et non pas lendroit o demeure le divin. Le ciel englobe cette vie terrestre, dans laquelle biologiquement nous sommes vivants mais spirituellement toujours morts Sengager dans une voie de prise de conscience spirituelle signifie : reconnatre le lien qui nous unit ltre absolu et apprcier sa juste valeur notre responsabilit qui en dcoule. Celui ou celle qui porte son regard vers cette source intrieure et reoit sa lumire, peut se librer de lillusion de la valeur prtentieuse accorde au moi et accder la vie. Un ciel nouveau englobera sa vie. Car non plus la lueur dune loi dualiste mais la lumire de lunit illuminera la voie dun vcu nouveau. Mais cette exprience sera elle aussi limite dans le temps. Car dans lunit du biologique et du spirituel le biologique sera toujours temporel Celle ou celui qui demeure dans lobscurit de la sparation, subit la loi de linfrieur. Qui reoit la lumire, reoit la vie et ne gotera pas la mort

12 ont dit les disciples jsus nous savons que tu nous quitteras qui sera notre guide jsus leur dit vu lendroit o vous tes vous irez vers jacques le juste ce qui ressort du ciel et de la terre lui revient

La traduction de la dernire ligne pose quelques problmes. Littralement il est en effet crit : celui que le ciel et la terre ont t cause de lui. Une traduction littrale na donc pas de sens. Soit nous avons faire ici une

erreur de transcription, soit il sagit dune expression spcifique propre la culture juive qui ne peut tre traduite littralement. Vraisemblablement les disciples ont appris de Jsus que sa prsence parmi eux serait de courte dure. (*) En plus il est dduire de ses paroles, quau moment o il leur donne cette rponse, il a renonc lillusion de pouvoir les lever un niveau de conscience digne de lui. La voie de recherche, qui aurait du tre la leur - comme la ntre dailleurs - na toujours pas abouti, car toujours ils tmoignent du besoin dun guide Jacques est plus que probablement le frre de Jsus (voir Mt 13. 55 et Mc 6. 3), qui aprs la disparition de Jsus prit sur lui la responsabilit de la communaut primitive. Lui aussi sera dailleurs limin par les autorits juives. Il est appel le juste. Il lui est donc accord une connaissance des droits et devoirs ncessaires au maintien de lharmonie dans le monde infrieur car ciel et terre passeront. Quelle que soit la valeur de son savoir, jamais pourtant il ne pourra apporter la lumire dont tmoignent les paroles de Jsus. (voir logion 38)

(*) Dans la tradition chrtienne il est reconnu que la dure de la vie publique de Jsus aurait t de trois ans. Une estimation base sur la prsence dans lvangile de Jean de trois Pques. Cette reprsentation des faits serait, selon lcole biblique de Jrusalem, introduite dans la troisime rdaction de cet vangile. La deuxime rdaction aurait prsent la dure de sa vie publique en six semaines. Le temps coul entre chaque semaine reste toutefois une inconnue. Quoi quil en soit la dure de son tmoignage - cette dure ne pourrait par ailleurs en altrer la valeur - aurait t bien plus courte quimagine aujourdhui. En outre il est peu probable que les autorits juives eussent tolr un tmoignage aussi drangeant durant trois annes

13 a dit jsus ses disciples comparez moi dites moi qui je ressemble simon pierre lui dit tu ressembles un ange juste matthieu lui dit tu ressembles un philosophe sage thomas lui dit matre ma bouche nacceptera daucune faon que je dise qui tu ressembles a dit jsus je ne suis pas ton matre car tu as bu et tu tes enivr la source jaillissante

que moi-mme jai mesure et il le prit se retira et lui dit trois mots lorsque thomas revint vers ses compagnons ils linterrogrent que ta dit jsus thomas leur dit si je vous disais une des paroles quil ma dites vous prendriez des pierres et les jetteriez contre moi et un feu sortirait des pierres et elles vous brleraient

Mt 16. 13-20 - Mc 8. 27-30 - Lc 9. 18-21

Le logion prcdant situait le niveau des disciples. Ce sont toujours des soucis bien humains qui font lobjet de leurs proccupations. Et parmi eux, celui dtre le plus mritant parmi les disciples. Cest galement lobjet de la discussion dont tmoignent Mc 9. 33-34 et Lc 9. 46. La question de Jsus ressemble un test. Seul Thomas na pas de mots pour exprimer une comparaison. Pour ce dire il sadresse Jsus comme un matre. Sen suit une rprimande de Jsus. Comment expliquer cette raction ? Il est probable que Jsus reconnat ici son disciple comme son gal. La tche premire de tous ceux ou celles, qui se sont reconnus comme enfants du Pre le vivant, est de servir comme sert Jsus. Un serviteur nest pas un matre ! Quels pourraient bien tre les trois mots qua dits Jsus Thomas ? Peut-tre tait-ce : je suis toi ou tu es moi Quoi quil en soit, Thomas tait bien conscient que la reconnaissance quil reut ne serait pas accepte de bon cur par ses confrres. Elle susciterait une jalousie qui engendrerait une raction ngative, voir agressive, dont ils seraient, selon la loi de karma, eux-mmes les victimes.

14 leur dit jsus si vous jenez vous engendrerez une faute et si vous priez vous serez condamns et si vous donnez laumne vous ferez du mal vos esprits et si vous allez vers quelque pays que ce soit

et que vous parcourez des rgions si vous tes accueillis mangez ce qui vous est prsent soignez ceux qui sont malades car ce qui rentrera dans votre bouche ne vous souillera pas mais ce qui sortira de votre bouche cela vous souillera

Mt 10. 11-14 et 15. 11 - Mc 6.10-11 et 7. 15 - Lc 10. 5-11

Au logion 6 les disciples nont pas reu de rponse concrte leurs questions. Jsus les esquiva en disant : soyez sincres avec vous-mmes dans vos paroles comme dans vos actes. Il est probable quils aient insist afin dobtenir plus de clart. Cette fois plus question desquives ! Les rites propres la croyance juive ne sont pas compatibles avec sa conscience religieuse. Car quiconque a le dsir de se rendre rceptif linspiration du Pre, na que faire de gestes rituels trompeurs ! Dans Mt 9. 14, Mc 2. 18 et Lc 5. 33 galement Jsus se voit adress le reproche que ses disciples ne respectent pas le jene. (voir le logion 104) Plus remarquable toutefois est la phrase : si vous priez vous serez condamns Une fois de plus nous sommes confronts au nouveau dans son enseignement. Nous prions Dieu. Mais que signifie Dieu ? Que reprsente le Dieu des juifs, le Dieu de notre imagination et quelle est la ralit cache dans limage dun pre ? Voil des questions perturbantes pour chaque croyant ! Dans cet vangile la notion juive du Divin ne correspond pas la ralit pour laquelle Jsus recours limage de lunion entre un pre et son fils (voir le logion 15) Communiquer avec une ralit imagine appartient au monde de limagination et est donc trompeur. La communication quun juif croit avoir avec son Dieu au moyen de la prire nest quimaginaire La ralit, que Jsus nous prsente par lentremise de limage dun pre, est une ralit absolue qui transcende donc les limites de ltat de conscience humain. Toute tentative de communication dans la limite de cette conscience ne peut tre quillusoire. (voir le logion 53) Enfin Jsus nous rappelle notre devoir le plus lmentaire : servir. Celui ou celle qui demeure dans un juste tat desprit na besoin ni de soccuper de rites, ni de sinquiter dune alimentation non approprie. Il importe certes dtre attentif une alimentation harmonieuse, afin de maintenir un juste quilibre biologique. Mais quiconque observe les rgles dune nutrition saine, tout en proclamant des fausses vrits, se souillera davantage que ne pourrait le faire une nourriture malpropre

15

a dit jsus lorsque vous verrez celui qui na pas t engendr de la femme prosternez vous sur votre visage et glorifiez-le celui-l est votre pre

Il va de soi que le verbe voir ne rfre pas une exprience sensorielle mais symbolise une vision intrieure, une prise de conscience. Ce nest pas la glorification dune ralit imaginaire doit tre lobjet de notre proccupation mais bien la juste apprciation de la ralit que Jsus nous propose par lentremise de limage dun pre. Cette ralit transcende le monde relatif, car : qui na pas t engendr de la femme Elle est donc absolue et ne peut par consquent tre connue par lhomme La prise de conscience dun lien qui nous unit une ralit absolue ne peut tre confondue avec une connaissance de ltre absolu en soi... Lexprience de cette union intrieure reprsente pour Jsus une richesse illimite. Cette richesse il dsire la partager avec ses frres et surs. Mais leur tat de conscience ne permet pas une communication directe. Pour tmoigner de son exprience il est oblig de recourir des images, pour lesquelles leur conscience est rceptive. Il visualise donc son union intrieure dans limage du lien intime, qui unit le fils son pre. Dans la culture juive le statut du pre tait nettement diffrent de ce quil reprsente aujourdhui chez nous. Le pre tait non seulement le possesseur du bien familial, il tait non seulement le procrateur biologique de ses enfants, il reprsentait surtout lautorit qui dicte la loi, qui inspire et guide ses enfants. Sans son pre le fils tait dsempar Cette image fait office de lien entre une ralit intrieure dun ordre absolu et la conscience de ceux que Jsus tente dinstruire. Hlas, comme ce fut le cas pour lhistoire dAdam et ve au paradis terrestre, limage du pre ne fut pas perue dans son sens symbolique mais reconnue comme une ralit. Lorsque Jsus parlait de son pre en termes absolus, il ne pouvait sagir que de Jaweh, le Dieu des juifs. Ainsi fut-il compris Pourtant, au chapitre 6 de lvangile de Jean, Jsus prcise clairement la distinction : Vos pres ont mang la manne dans le dsert et ils sont morts non pas Mose vous a donn le pain du ciel mais mon Pre vous donne le pain vritable je suis le pain de la vie si quelquun mange de ce pain il vivra pour toujours Dans Ex 16. 15b Mose dit : Ceci est le pain que Jaweh vous a donn manger Non pas Mose mais Jaweh a donn la manne dans le dsert ! La distinction entre Jaweh et le Pre est donc vidente. Il ne sagit ni du mme pain ni du mme boulanger Mais cette distinction est pour le moins drangeante pour les rdacteurs vangliques. Pour la dissiper un des rdacteurs de Jean a donc eu une inspiration canonique en accordant la manne non pas Jaweh mais Mose... Lidentification du Pre en tant que Jaweh tait prserve ! La diffrence essentielle entre Jaweh et le Pre est que Jaweh est un Dieu totalement spar des hommes, tandis que limage du pre symbolise une ralit intrieure laquelle tous nous sommes unis spirituellement.

La confrontation entre la vision nouvelle et les ides anciennes engendre invitablement un conflit intrieur. chacun et chacune de relever ce dfi en toute sincrit avec soi-mme. Remarquons quand mme qu la fin du logion Jsus ne dit pas : celui-l est mon pre, mais bien : celui-l est votre pre Dans son union spirituelle avec le Pre il nest donc pas le fils unique ! Ce qui, pour tout enfant du Pre, constitue sa glorification, rside dans une humble reconnaissance de cette grande richesse, dans laquelle lui-mme il participe. La prise de conscience dune participation dans la royaut du Pre implique la reconnaissance la fois dune autorit absolue et dune responsabilit personnelle au service de cette autorit. En cela rside le sens de loffrande vritable : le serviteur lve le fruit de son service vers le Pre donateur. Cet tat desprit se doit dtre permanent et ne ncessite aucun acte rituel

16 a dit jsus sans doute les hommes pensent-ils que je suis venu jeter la paix sur le monde et ils ne savent pas que je suis venu jeter des divisions sur la terre le feu lpe la guerre car cinq ils seront dans une maison trois seront contre deux et deux contre trois le pre contre le fils et le fils contre le pre et monachos ils se tiendront debout

Mt 10. 34-36 - Lc 12. 51-53

Ce logion confirme la rflexion faite au logion prcdent. Linvitation de Jsus pour accder une vision nouvelle mne invitablement un conflit intrieur, qui ne peut trouver une solution que dans une dmarche personnelle et sincre. Le thme du conflit intrieur est prsent dans toutes les traditions religieuses. Il fait lobjet du dcor de la Bhagavad Gita. Dans sa connaissance de dharma Arjuna, larcher aux valeurs morales leves, ne peut trouver une solution valable son conflit intrieur. Krishna, qui personnifie le divin dans lhomme, lui enseigne la voie par laquelle le divin peut se rvler dans chaque tre. Dans lislam nous connaissons la notion de jihad, qui nous est prsent aujourdhui comme une lutte contre les incroyants, mais qui dans sa conception originelle rfrerait un combat intrieur. Cest galement le cas pour les gestes rituels des moines bouddhistes, qui nous sont prsents aujourdhui comme des moines

combattants. Ces rites furent introduits au VI sicle par Bodhidharma et symbolisent un combat intrieur, que chaque disciple doit mener avec soi-mme. Les facults exceptionnelles dont tmoignait Jsus furent perues par ses disciples la lumire de lhistoire biblique. Pour certains il tait un prophte, pour dautres peut-tre mme le Messie. La raison de son avnement aurait t de rtablir lordre, de redonner paix et confiance au peuple juif et de prparer la venue du royaume de Dieu. Cette conception de sa personne est un malentendu Son enseignement est drangeant ! La mission quil sest assign nest pas de concilier mais de confronter. Quiconque reoit sa parole se retrouve en opposition aux directives de la croyance existante et donc soi-mme, des valeurs personnelles et par l mme des liens relationnels. Mais ceux qui renoncent aux valeurs trompeuses, qui se librent de leurs attaches relatives, dans ce dtachement retrouvent une libert intrieure. Un isolement en est toutefois le prix. La racine du mot monachos est monos, qui signifie seul. Dans cette racine nous reconnaissons le mot moine. Les notions de dtachement, libert et solitude sont toutes prsentes dans le mot monachos. Une traduction exacte en est donc plus que problmatique... Il reprsente pourtant une notion essentielle dans le cheminement que nous propose Jsus. Cette notion ne concerne pas un comportement extrieur mais un tat desprit intrieur. Elle est la condition pour accder lexprience du lien qui nous unit ltre absolu, la source de vie lintrieur de soi, et pour servir comme sert la graine.

17 a dit jsus je vous donnerai ce que lil na pas vu et ce que loreille na pas entendu et ce que la main na pas touch et qui nest pas mont au cur de lhomme

Mt 13. 14-15 - Lc 10. 23-24 1 Cor 2. 9 : mais, comme il est crit, nous annonons ce que lil na pas vu, ce que loreille na pas entendu, ce qui nest pas mont au cur de lhomme, tout ce que Dieu a prpar pour ceux qui laiment.

Paul apporte ici la preuve quil avait une connaissance des paroles de Jsus. Seule la phrase : ce que la main na pas touch - parole probablement trop sensuelle son got - manque dans sa citation. Vu le rle qua jou Paul avant sa conversion en tant que pharisien pur et dur, responsable en plus de la lapidation de Stphane, il est peu concevable quil neut pas eu pour le moins partiellement connaissance du discours trop perturbant et donc inacceptable de Jsus. Cest la

raison probable qui la men ignorer, dans la prdication de son vangile, celui de Jsus. En outre il a explicitement admis vouloir mconnatre le Jsus de chair et de sang (2 Cor 5.16) et ne reconnatre que le Christ crucifi et ressuscit. Il fait donc prcder sa citation du logion 17 par les mots : comme il est crit Mais des rfrences aux crits vtrotestamentaires - comme Isae 64. 3-4 - sont fort peu convaincantes. Ce qui peut tre reu nappartient ni au domaine du sensoriel ni celui de lmotionnel. Il sagit dune exprience dun ordre diffrent laquelle la conscience de lhomme peut avoir accs. Lexprience dune intgration du suprieur dans linfrieur, nest pourtant pas un vnement spectaculaire, mais une volution progressive dans la conscience individuelle. Cette prise de conscience est le fruit que le monachos reoit tout au long de sa dmarche libratrice.

18 on dit les disciples jsus dis-nous comment sera notre fin a dit jsus avez-vous donc dvoil le commencement pour que vous vous proccupiez de la fin car l o est le commencement l sera la fin heureux celui qui se tiendra dans le commencement il connatra la fin et ne gotera pas la mort

Mt 16. 28 - Mc 9. 1 - Lc 9. 27

La question des disciples reflte une inquitude certaine, qui est galement celle de bon nombre de vivants : quen sera-t-il aprs la mort ? La rponse de Jsus nest pourtant pas rvlatrice. Non pas une ralit post mortem devrait tre lobjet de notre proccupation, mais bien celle que nous vivons aujourdhui ! Comment pouvons-nous raliser ici et maintenant la finalit de notre vie ? Pour le semeur la finalit sappelle moisson. L o il a sem, o sest ralise lunit de la semence et de la bonne terre, l sera aussi la moisson Au-del du symbolisme ce lieu a une valeur absolue et est donc intemporel. Dbut et fin sont un, comme dans la joie sont un le semeur et le moissonneur (Jn 4. 35-36) La voie de la graine est aussi celle de lhomme. Dans lunit avec la bonne terre, l o fut son commencement, la graine doit cesser dtre graine, doit lcher son petit moi, pour devenir semence : servante anonyme

Celle ou celui qui de sa vie a reconnu le substrat absolu, la source intemporelle au plus profond de soi, a galement reconnu sa vritable finalit. Ainsi peut se raliser le retour du fils prodigue dans la maison paternelle, sa rintgration dans lautorit du pre. Dans cette prise de conscience tout souci concernant un devenir ternel est drisoire

19 a dit jsus heureux celui qui tait dj avant quil ne ft si vous tes mes disciples et entendez mes paroles ces pierres vous serviront pour vous il y a en effet cinq arbres dans le paradis qui ne bougent ni lt ni lhiver et leurs feuilles ne tombent pas celui qui les connatra ne gotera pas la mort

Ce logion confirme dune faon insolite la ralit absolue la base de tout tre relatif. Comme ce fut le cas du lion au logion 7, nous sommes une nouvelle fois confronts une image droutante. Sagit-il bien dune parole de Jsus o seraitce une image fantaisiste provenant du milieu gnostique, responsable de la transmission de cet vangile? Quoi quil en soit nous pouvons toujours tenter de dvoiler le sens de cette mtaphore particulire. Dans ce monde relatif tout est continuellement tributaire de la loi des changements . Aujourdhui rien nest plus tout fait pareil hier. De la loi absolue, qui guide lvolution naturelle, qui conditionne lharmonie dans la nature, qui fut un jour symbolise dans larbre de la connaissance du bien et du mal, de cette loi aucun Adam ne peut soctroyer lautorit. Car comme celle de la graine, la finalit de lhomme est tout simplement de servir Limage de la graine nous ramne au commencement. Lentit biologique, appele homme, fait partie dun concept de vie absolu et donc intemporel, dont il nest quune expression temporelle. Temporellement nous disposons dun corps, dune individualit propre, dune conscience de notre moi. Cette conscience nous permet dvaluer notre moi sa juste valeur, den reconnatre la source absolue et de vivre en consquence le lien qui nous unit cette source. Lunit, dans laquelle nous sommes unis la vie, transcende tout phnomne relatif par lequel elle sexprime larbre chaque feuille accomplit sa tache au service de la vie. La mort de la feuille nentame nullement la vie de larbre, mais en sert lvolution Une goutte deau svapore de locan et devient goutte

de pluie. Elle accomplit sa tche dans lharmonie naturelle et retourne finalement vers locan. Elle fut ocan, devint goutte et est nouveau ocan Lhomme est pourtant tellement plus quune feuille, plus quune goutte de pluie Ses capacits sont tellement plus riches, sa tche tellement plus leve. Tout est mis sa disposition pour vivre la vie en sa plnitude : la motte de terre, une pierre aussi. La motte de terre ne peut devenir fertile que si la goutte de pluie participe lharmonie. Quet t aujourdhui la vie sur terre, si chaque homme et demeur dans cette loi et et apprci sa finalit sa juste valeur? Une ralit paradisiaque sans doute... Lexprience de nos cinq sens, qui nous relient au monde phnomnal - serait-ce l le symbolisme des cinq arbres ? - est tributaire de ltat de la conscience individuelle. De cette conscience la source est leve au-dessus de tout phnomne de changement ou de prcarit Certains pourraient discerner rincarnation. Lide davoir une ide qui en soi nest pas quelquutilit sur la voie de dans ce logion une allusion au phnomne de la demeur jadis dans un autre corps sur cette terre, rejeter doffice, peut-elle toutefois tre de la connaissance de soi ?

20 ont dit les disciples jsus dis-nous quoi est comparable le royaume des cieux il leur dit il est comparable une graine de moutarde la plus petite de toutes les semences mais quand elle tombe sur la terre travaille elle produit une grande tige et elle est un abri pour les oiseaux du ciel

Mt 13. 31-32 - Mc 4. 30-32 - Lc 13. 18-19

Lexpression le royaume des cieux semble tre une expression traditionnelle juive, prsente galement dans les vangiles canoniques. Le discours de Jsus est comme une symphonie, dans laquelle diffrents thmes se rappellent rgulirement notre attention. Lattente de la venue du royaume fait partie intgrante de la croyance juive. Mais les disciples se trouvent confronts une conception diffrente de cette ralit Pour eux, comme pour nous, lacceptation de cette conception nouvelle nest pas vidente ! Un dtail non ngligeable pourtant : la graine doit tomber sur la terre travaille La conscience de lhomme est comme un terroir dont le potentiel est peine commensurable. Ltat dans lequel elle se prsentait alors - et aujourdhui

toujours - ne correspond hlas plus sa puret originelle. Un savoir prtentieux et des visions hallucinatoires lont profondment perturbe. Ce qui fut harmonieux et aurait du le rester, est devenu disharmonieux. De cette pollution lhomme seul est responsable ! Il sen suit que lui seul - ce qui veut dire chacun pour soi peut y remdier. lui revient maintenant la tche de manier la charrue La dernire ligne de ce logion illustre de faon image notre responsabilit dans cette vie : comme tout ce qui crot et fleurit dans la nature, nous avons nous aussi servir Sa loi dharmonie. Lunit de linfrieur et du suprieur ne peut sexprimer que par une intgration de valeurs suprieures dans la ralit infrieure.

21 a dit mariam jsus qui ressemblent tes disciples il a dit ils ressemblent de jeunes enfants qui se sont installs dans un champ qui ne leur appartient pas quand les matres du champ viendront ils diront laissez-nous notre champ eux ils se dshabillent devant eux et leur rendent leur champ je dis donc ceci si le matre de maison sait que le voleur arrive il veillera avant quil ne vienne et il ne permettra pas quil pntre dans la maison de son royaume et quil y prenne ses affaires mais vous veillez face au monde ceinturez vos reins dune grande force afin que les pillards ne dcouvrent le chemin vers vous car lacquit que vous attendez ils le dcouvrirons que dans votre centre soit un homme averti lorsque le fruit est mr il est venu rapidement sa faucille la main il la cueilli

celui qui a des oreilles pour entendre quil entende

Mt 11. 16 et 24. 43-44 - Lc 7. 31-32 et 12. 39-40 - Mc 4. 29

Ce logion est compos de deux parties distinctes. Jsus commence par rpondre Mariam, ensuite il sadresse plusieurs personnes - mais vous, veillezprobablement ses disciples. Mariam nous est mieux connue sous le nom de Marie Madeleine. Aussi bien de lvangile de Philippe que de celui de Marie Madeleine elle-mme - deux vangiles faisant galement partie de la dcouverte de Nag Hammadi - nous pouvons dduire quun lien particulier unissait Mariam Jsus. Philippe la prsente mme comme sa compagne de vie. Sa question indique bien quelle ne se considre pas comme une disciple. Pour les disciples la rponse de Jsus nest pas bien flatteuse Ils utilisent le champ - leur entit biologique - pour en jouir comme des gamins, inconscients du fait que ce champ ne leur appartient pas. Quand les propritaires viennent rclamer leur bien, ils doivent non seulement le leur laisser mais, en plus, se dfaire de ce dont ils se sont pars. Il est clair que pour Jsus les disciples ne se sont toujours pas rendus compte de leur tche vritable. Leur dmarche intrieure na toujours pas commenc Notre entit biologique, ce corps physique et psychique qui est le ntre, nous est offert non pas comme un prsent mais comme un prt. Un prsent nous appartient, un prt doit tre rendu Tout nous sera repris : la vie biologique comme tout ce dont nous nous sommes pars dans cette vie. Quel est le sens vritable de ce prt, quelle en est la finalit? La seconde partie du logion met en scne le propritaire dune maison, qui a un souci vident de prserver son bien contre toute effraction. Aux disciples, qui nont pas se soucier de biens matriels et qui nont donc pas de maison protger, Jsus dit : veillez face au monde. Car ce monde est le territoire du lion, o toujours subsiste la tentation de se laisser entraner dans une confrontation avec les autres. Ceux qui dsirent assumer une participation au royaume doivent maintenir une prudence alerte face aux valeurs phmres du monde infrieur. La dmarche, qui mne lexprience du lien qui nous unit ltre absolu, est un processus volutif dans la conscience individuelle. La route est longue et son cheminement ne peut se raliser que pas pas. (voir le logion 97) Chaque conception nouvelle franchit une limite et permet le dveloppement dune vision nouvelle. Elle est comme un fruit cueillir. Tel que le pcheur avis nous devons maintenir une intelligence alerte, afin de distinguer les fruits qui ont une valeur absolue de ceux qui ne reprsentent quune valeur phmre. Les pillards symbolisent en somme nos propres dsirs gocentriques, qui sont toujours sous lemprise du pouvoir du lion.

22

jsus vit des petits qui ttaient il dit ses disciples ces petits qui ttent sont semblables ceux qui entrent dans le royaume ils lui dirent alors tant petits entrerons-nous dans le royaume jsus leur dit quand vous aurez fait le deux un et que vous aurez fait lintrieur comme lextrieur et lextrieur comme lintrieur et le suprieur comme linfrieur en sorte que vous fassiez le mle et la femelle en un seul pour que le mle ne se fasse mle ni la femelle se fasse femelle quand vous aurez fait un il la place des yeux (*) et une main la place de mains (*)

et un pied la place de pieds (*) et une image la place dimages (*) alors vous entrerez dans le royaume

Mt 19. 13-14 - Mc 13. 15 - Lc 18. 15-17 2 Clm. 12. 2-6 : En effet, le Seigneur lui-mme interrog pour savoir quand viendrait le royaume dit : lorsque les deux seront un et lextrieur comme lintrieur, et le mle avec la femelle, ni mle ni femelle lorsque vous ferez cela, dit-il, viendra le royaume de mon Pre.

Afin de ne pas rompre une harmonie vidente, les lignes indiques par (*) ont t transcrites dans lesprit du logion. En fait il est crit : quand vous aurez fait des yeux la place dun il et une main la place dune main et un pied la place dun pied et une image la place dune image

Veuillez excuser cette incartade directe dans le texte Chez les disciples la confusion est totale : comment pourraient-ils redevenir petits ? Le symbolisme dans limage des enfants qui ttent leur chappe Ils conoivent limage comme une ralit et celle-ci est totalement trangre leur attente juive. Limage de lunit, dans laquelle sont unis lenfant de sept jours et sa source de vie, reprsente une ralit quils ne peuvent encore concevoir. Le ncessaire retour la puret originelle, celle qui tait au commencement, est une conception pour laquelle leur conscience nest toujours pas rceptive. Le sera-telle un jour? La vision nouvelle du royaume, en tant quune vie consciemment vcue dans son unit originelle, est au cur mme du discours de Jsus. Dans limage de lunit de la semence et la bonne terre cette ralit trouve un symbolisme parfait. Il est toutefois ncessaire de frapper plus dun coup sur un mme clou avant que celui-ci soit fix ! La correction textuelle, que nous nous sommes permis dapporter, nous semble justifie. Jsus sefforce en effet, presque dsesprment, de prciser la notion dunit : lintrieur et lextrieur, linfrieur et le suprieur, le masculin et le fminin En plus, nous lisons dans Mt 6. 22 et Lc 11. 34-36 cette parole de Jsus : si donc ton il est simple (unique), ton corps sera illumin. La signification du mot grec haplous est simple ou un. Sa traduction par lucide ou clair est errone ! Ainsi nous pouvons faire le constat que certains traducteurs vangliques modernes et le transcripteur copte sont unis dans une mme incomprhension Porter son regard vers la lumire intrieure ne ncessite pas deux yeuxVers lextrieur nous voyons avec deux yeux et discernons une impressionnante variation de couleurs. Qui discerne des couleurs, sans connatre la lumire, ne voit que des couleurs. Qui connat la lumire, connat toutes les couleurs! Les images quobservent nos yeux lors dune projection cinmatographique ne reprsentent quune ralit virtuelle. Dans lobscurit dune salle de projection elles nous paraissent pourtant relles La ralit telle quelle se manifeste dans ce monde - lextrieur qui est aussi linfrieur - sexprime par une harmonie dnergie et de matire. Pour lhomme lexprience en est dualiste. Tout y est polaire, chaque qualit y trouve son contraire ou son complment : chaud et froid, lumire et obscurit, joie et peine, masculin et fminin, yin et yang. La valeur unique, sous-jacente cette ralit, est dun ordre absolu et sappelle harmonie. Cest elle qui dirige le tout, du nuclaire au cosmique. De cette valeur absolue la loi de karma, qui en fustige toute perturbation, est le gardien. Celui ou celle, qui lve sa conscience au niveau de lunit dans lordre originel, transcende le phnomne de dualisme. Limage de lunit du mle et de la femelle, du masculin et du fminin, a donn lieu quelques lucubrations sexuelles, nous rappelant un tat hermaphrodite ou androgyne soi-disant originel Elles furent conues afin de troubler la srnit de cet vangile. Une interprtation peut pourtant savrer tellement plus simple ! Limage de lunit de la graine et la bonne terre est accessible chaque homme, ayant une connaissance de la vie champtre. Limage de lunit du masculin et du fminin peut aujourdhui se traduire dans limage plus subtile de lunit du spermatozode mle et de lovule fminin lorigine de toute vie humaine. Ni la semence mle, ni lovule femelle nest lorigine de la vie. Cest leur unit qui spontanment engendre la vie Linterprtation de limage, la juste comprhension de la notion dunit la base de toute manifestation de la vie, nest pourtant que le point de dpart dun

cheminement, qui peut mener une exprience relle. La conception de ltat de conscience dunit ne pourrait en effet se limiter un processus crbral, dans lequel le dualisme ne serait transcend que mentalement

23 a dit jsus je vous choisirai un entre mille et deux entre dix mille et unifis ils se tiendront debout

Mt 22. 14

Dans ce logion la logique mathmatique nest pas lhonneur ! Mais lanalyse mentale, tout en tant un moyen prcieux, connat elle aussi ses limites Car la ralit pour laquelle Jsus tente dveiller notre conscience transcende le domaine aussi bien de la rflexion mentale que celui du vcu motionnel. Lexprience est nouvelle, les lois qui la rgissent galement ! Au-del du savoir mental seule une sincrit critique personnelle prvaudra comme guide vritable. Le nouveau ne serait pas nouveau si lexprience nen tait pas diffrente, voire droutante Le choix, dont il est question, ne se fait pas suite quelque privilge fortuit, mais il est la consquence dune reconnaissance. (voir le logion 3) Dans un logion prcdant Jsus reconnut en Thomas le disciple, dont la conscience stait unifie la sienne. Raison pour laquelle il le choisit. Se considrer comme lu est une attitude quelque peu vaniteuse, appele aussi whisful thinking Cette illusion contamina un peuple entier, toucha galement un certain Paul et dans son sillage lglise qui sest appele catholique. Toujours elle se considre en effet comme lpouse lue par lpoux appel Christ. Ni Paul, ni lglise ne pourraient tre suspects dune modestie excessive

24 ont dit ses disciples enseigne nous le lieu o tu es car il est ncessaire que nous le cherchions leur dit jsus

celui qui a des oreilles quil entende il y a de la lumire lintrieur dun tre lumineux et il illumine le monde entier sil nillumine pas il est une tnbre

Jn 1. 38-39

Les disciples ne connaissaient-t-ils donc pas le lieu o demeurait Jsus ? Il nous arrive parfois de souhaiter connatre la circonstance dans laquelle une parole fut dite. Probablement nous nous trouvons ici dans la situation du chapitre 14 de lvangile de Jean. Jsus y rfre son lien avec le Pre, la maison du Pre o nombreux sont ceux qui peuvent trouver refuge. Thomas y tmoigne du souci de connatre la voie