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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 274–278 Article original Étude de la prévalence de la fibromyalgie dans la population franc ¸aise Fibromyalgia syndrome in the general population of France: A prevalence study Bernard Bannwarth a,, Francis Blotman b , Katell Roué-Le Lay c , Jean-Paul Caubère c , Etienne André d,1 , Charles Taïeb c a Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pellegrin, CHU de Bordeaux, 33076 Bordeaux cedex France b Service de rhumatologie, hôpital universitaire Lapeyronie, Montpellier, France c Laboratoires Pierre-Fabre, Boulogne-Billancourt, France d Grenoble, France Accepté le 3 juin 2008 Disponible sur Internet le 4 d´ ecembre 2008 Résumé Objectif. – Le but de notre étude a été d’estimer la prévalence de la fibromyalgie dans la population générale en France. Méthodes. – L’étude a été réalisée à l’aide d’une enquête téléphonique effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population franc ¸aise de 1014 sujets âgés de plus de 15 ans et sélectionnés par la méthode des quotas. Nous avons utilisé la version franc ¸aise validée du questionnaire London fibromyalgia epidemiology study screening questionnaire (LFESSQ). Le dépistage était considéré comme positif si un sujet répondait : soit seulement aux quatre critères de douleur (LFESSQ-4), soit à la fois aux quatre critères de douleurs et aux deux critères de fatigue (LFESSQ-6). Pour estimer la valeur prédictive positive du LFESSQ-4 et du LFESSQ-6, ce questionnaire a été soumis à un échantillon de patients rhumatologiques vus en ambulatoire (n = 178). Ceux-ci ont été ensuite examinés par un rhumatologue afin de confirmer ou d’exclure le diagnostic de fibromyalgie, selon les critères de l’ACR 1990. La prévalence de la fibromyalgie dans la population générale a été estimée en applicant la valeur prédictive positive du LFESSQ-4 et du LFESSQ-6 aux des sujets dépistés comme positifs par l’enquête téléphonique. Résultats. – Dans l’échantillon de l’enquête, 9,8 et 5,0 % des sujets répondaient respectivement aux critères LFESSQ-4 et LFESSQ-6. Parmi les patients de rhumatologie, 41,7 % répondaient au LFESSQ-4 et 34,8 % au LFESSQ-6. Il y avait 10,6 % des patients de rhumatologie ayant un diagnostic confirmé de fibromyalgie. Dans la population générale franc ¸aise, la prévalence de la fibromyalgie a été estimée à 2,2 % (IC95 % : 1,3–3,1) en utilisant le dépistage par le LFESSQ-4 et à 1,4 % (IC95 % : 0,7–2,1) en utilisant le dépistage par le LFESSQ-6. Conclusion. – Nos résultats suggèrent que la fibromyalgie constitue une cause importante de syndrome douloureux diffus en France. En effet, une prévalence de 1,4 % correspond à environ 680 000 patients fibromyalgiques. © 2008 Société Franc ¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Fibromyalgie ; Prévalence ; Dépistage ; Douleurs chronique diffuses ; Fatigue Keywords: Fibromyalgia; Prevalence; Screening; Fatigue Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine. (doi: 10.1016/j.jbspin.2008.06.002) Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Bannwarth). 1 Médecin de santé publique. 1. Introduction La fibromyalgie est actuellement définie, conformément aux critères de classification proposés par l’American College of Rheumatology (ACR), comme un syndrome douloureux diffus évoluant depuis au moins trois mois et par la présence, à l’examen, d’une douleur à la pression d’au moins 11 parmi les 18 points spécifiques [1]. Si l’association de ces deux critères permet de distinguer la fibromyalgie des autres syndromes 1169-8330/$ – see front matter © 2008 Société Franc ¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.06.013

Étude de la prévalence de la fibromyalgie dans la population française

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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 274–278

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Fibromyalgia syndrome in the general population of France:A prevalence study

Bernard Bannwarth a,∗, Francis Blotman b, Katell Roué-Le Lay c,Jean-Paul Caubère c, Etienne André d,1, Charles Taïeb c

a Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pellegrin, CHU de Bordeaux, 33076 Bordeaux cedex Franceb Service de rhumatologie, hôpital universitaire Lapeyronie, Montpellier, France

c Laboratoires Pierre-Fabre, Boulogne-Billancourt, Franced Grenoble, France

Accepté le 3 juin 2008Disponible sur Internet le 4 decembre 2008

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bjectif. – Le but de notre étude a été d’estimer la prévalence de la fibromyalgie dans la population générale en France.éthodes. – L’étude a été réalisée à l’aide d’une enquête téléphonique effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population francaise

e 1014 sujets âgés de plus de 15 ans et sélectionnés par la méthode des quotas. Nous avons utilisé la version francaise validée du questionnaireondon fibromyalgia epidemiology study screening questionnaire (LFESSQ). Le dépistage était considéré comme positif si un sujet répondait : soiteulement aux quatre critères de douleur (LFESSQ-4), soit à la fois aux quatre critères de douleurs et aux deux critères de fatigue (LFESSQ-6). Pourstimer la valeur prédictive positive du LFESSQ-4 et du LFESSQ-6, ce questionnaire a été soumis à un échantillon de patients rhumatologiquesus en ambulatoire (n = 178). Ceux-ci ont été ensuite examinés par un rhumatologue afin de confirmer ou d’exclure le diagnostic de fibromyalgie,elon les critères de l’ACR 1990. La prévalence de la fibromyalgie dans la population générale a été estimée en applicant la valeur prédictiveositive du LFESSQ-4 et du LFESSQ-6 aux des sujets dépistés comme positifs par l’enquête téléphonique.ésultats. – Dans l’échantillon de l’enquête, 9,8 et 5,0 % des sujets répondaient respectivement aux critères LFESSQ-4 et LFESSQ-6. Parmi

es patients de rhumatologie, 41,7 % répondaient au LFESSQ-4 et 34,8 % au LFESSQ-6. Il y avait 10,6 % des patients de rhumatologie ayantn diagnostic confirmé de fibromyalgie. Dans la population générale francaise, la prévalence de la fibromyalgie a été estimée à 2,2 % (IC95 % :,3–3,1) en utilisant le dépistage par le LFESSQ-4 et à 1,4 % (IC95 % : 0,7–2,1) en utilisant le dépistage par le LFESSQ-6.

onclusion. – Nos résultats suggèrent que la fibromyalgie constitue une cause importante de syndrome douloureux diffus en France. En effet, unerévalence de 1,4 % correspond à environ 680 000 patients fibromyalgiques.

2008 Société Francaise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Fibromyalgie ; Prévalence ; Dépistage ; Douleurs chronique diffuses ; Fatigue

eywords: Fibromyalgia; Prevalence; Screening; Fatigue

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais saéférence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine.doi: 10.1016/j.jbspin.2008.06.002)∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (B. Bannwarth).1 Médecin de santé publique.

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. Introduction

La fibromyalgie est actuellement définie, conformémentux critères de classification proposés par l’American Collegef Rheumatology (ACR), comme un syndrome douloureux

iffus évoluant depuis au moins trois mois et par la présence, à’examen, d’une douleur à la pression d’au moins 11 parmi les8 points spécifiques [1]. Si l’association de ces deux critèresermet de distinguer la fibromyalgie des autres syndromes

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ouloureux musculosquelettiques chroniques avec une sensibi-ité de 88,4 % et une spécificité de 81,1 %, d’autres symptômes

sont fréquemment associés tels l’asthénie, les troubles duommeil et/ou un sommeil non réparateur, une raideur matinale,es paresthésies et des troubles psychologiques [1]. Ainsi,’asthénie constitue un des symptômes les plus courants et leslus pénibles chez ces patients [2].

La fibromyalgie est considérée comme une affection fré-uente en pratique clinique et comme une cause importante deorbidité dans le monde. La prévalence de la fibromyalgie a été

stimée, à partir des études cliniques menées dans divers pays,ntre 0,5 et 5 % de la population générale [3]. Cette large four-hette dans les estimations de prévalence pourrait refléter lesifférences de méthodologie utilisée selon les études mais aussies différences réelles de fréquence de la fibromyalgie selon lesays [4,5]. À notre connaissance, aucune étude de prévalencee la fibromyalgie n’a été réalisée dans la population généralerancaise.

L’objectif principal de notre étude a été d’évaluer la préva-ence de la fibromyalgie en France. Elle a aussi cherché à décrirees caractéristiques sociodémographiques des patients atteints debromyalgie.

. Méthodes

.1. Étude de dépistage dans la population générale

Le dépistage a utilisé le London fibromyalgia epidemiologytudy screening questinnaire (LFESSQ) qui a été développé pare département d’épidémiologie et de biostatistiques, divisione rhumatologie, de l’université de London dans l’Ontarioe l’Ouest (Canada) [5]. Ce questionnaire comporte quatretems ayant trait à la douleur et deux items portant sur la

atigue (Tableau 1). La version originale du LFESSQ a étéraduite en francais avec la permission des auteurs et validéeelon une méthodologie standardisée ayant comporté uneraduction inverse, un contrôle de qualité, une retraduction et

ableau 1uestionnaire LFESSQ [5].

ritères de douleuru cours des trois derniers mois :Avez-vous eu des douleurs dans les muscles, les os ou les articulations,ayant duré au moins une semaine ?Avez-vous eu des douleurs dans les épaules, les bras ou les mains ? Dequel côté ? À droite, à gauche ou des deux côtés ?Avez-vous eu des douleurs dans les jambes ou les pieds ? De quelcôté ? À droite, à gauche ou des deux côtés ?Avez-vous eu des douleurs dans le cou, le thorax ou le dos ?

our satisfaire au critère douleur, il faut une réponse « oui » aux quatrequestions et il faut une réponse positive, soit pour le côté droit et pourle côté gauche, soit pour « des deux côtés ».

ritères de fatigueAu cours des trois derniers mois, avez-vous été souvent las ou fatigué ?La fatigue ou la lassitude limitent-t-elles significativement vosactivités ?

our satisfaire au critère fatigue, il faut une réponse « oui » aux deuxquestions.

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ne préévaluation [6]. La version francaise a été testée chez0 patients volontaires atteints de fibromyalgie pour évaluera compréhension, sa clarté et son équivalence culturelle etinguistique par rapport à la version originale. Les patients ontté invités à répondre deux fois au questionnaire, à dix jours’intervalle. Cette durée a été choisie car la maladie était peuusceptible de modification pendant ce délai et que les patientsvaient peu de chance de se souvenir de leur réponse au premieruestionnaire. Il existait une bonne corrélation entre les scoreses deux questionnaires successifs (fiabilité du test–retest).

Les interviews ont été réalisées par téléphone en sep-embre 2006, par des professionnels de l’institut Ipsos et selones modalités standardisées. Le système computed assisted tele-hone interview (CATI) a été utilisé afin d’obtenir un échantillontatistiquement représentatif de la population générale âgéee plus de 15 ans. Les personnes ont été sélectionnées par laéthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille)

vec une stratification selon la zone géographique et la ville. Lesersonnes éligibles ont été contactées et interrogées à l’aide dea version francaise du questionnaire LFESSQ. Il leur a aussité posé des questions sur leurs caractéristiques sociodémogra-hiques, notamment sexe, âge, statut marital, niveau d’étude,rofession et domicile (zone géographique, taille de la ville).n accord avec White et al. [5], un dépistage positif a été définielon deux modalités :

les sujets remplissant uniquement les conditions du question-naire « douleur » (LFESSQ-4) ;ceux satisfaisant à l’ensemble des critères (douleur et fatigue)du questionnaire (LFESSQ-6).

.2. Patients ambulatoires

Au cours d’une période de 30 jours, 178 patients consécu-ifs, ayant donné leur consentement et mentalement aptes, quionsultaient (quel que soit le motif de la consultation) deux rhu-atologues travaillant dans des services hospitalo-universitaires

Pellegrin et Lapeyronie), ont répondu à la version francaise duFESSQ. Les caractéristiques sociodémographiques précitéesnt aussi été recueillies. Les patients ont été examinés immé-iatement après avoir rempli le questionnaire pour confirmer ouxclure le diagnostic de fibromyalgie. Pour que le diagnostic debromyalgie soit retenu, les patients positifs pour le LFESSQ-4,u pour le LFESSQ-6 devaient répondre aux critères de l’ACR1], c’est-à-dire :

souffrir des douleurs diffuses depuis au moins trois mois, cesdouleurs devant toucher les deux hémicorps, se situer à lafois au-dessus et au-dessous de la taille et toucher à la fois lesquelette axial et périphérique ;avoir une douleur à la pression digitale d’au moins 11 des18 points de la fibromyalgie. En accord avec les critères del’ACR, les formes primitives et les formes secondaires ou

concomitantes de fibromyalgie n’ont pas été distinguées.

La valeur prédictive positive (VPP) du LFESSQ-4 et duFESSQ-6 a été calculée comme le nombre de cas confirmés

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e fibromyalgie divisé par le nombre de patients dépistés posi-ifs soit par le LFESSQ-4, soit par le LFESSQ-6, respectivement7].

.3. Estimation de la prévalence de la fibromyalgie dans laopulation générale

Les estimations de la prévalence de la fibromyalgie dans laopulation générale ont été basées sur l’hypothèse que la VPPu LFESSQ-4 et du LFESSQ-6 dans cette population était simi-aire à celle calculée dans l’échantillon de patients ambulatoiresonsultant en rhumatologie. Ainsi, la valeur de la prévalence dea fibromyalgie était le pourcentage des sujets de la populationui ont été dépistés par le LFESSQ-4 ou le LFESSQ-6, multipliéar la VPP correspondante.

.4. Analyse statistique

Les analyses statistiques, effectuées à l’aide du logiciel SASoftware version 8.2, ont comparé deux variables avec un niveaue signification statistique de 5 %. Le test du Chi2 a été utiliséour les comparaisons des variables qualitatives et l’analyse deariance Anova a été utilisée pour la comparaison des variablesuantitatives.

. Résultats

Dans l’échantillon représentatif de la population géné-ale (n = 1014), les sujets étaient âgés de 15 à 91 ansmoyenne ± déviation standard : 44,9 ± 18,2) et il y avait 52,1 %e femmes. Au total, le dépistage a été positif chez 9,8 %vec le LFESSQ-4 et chez 5,0 % avec le LFESSQ-6. Chezes sujets dépistés positifs, on trouvait respectivement 61 et4 % de femmes et l’âge était respectivement de 52,3 ± 17,7 ansextrêmes : 16–85) et de 55,2 ± 17,1 ans (extrêmes : 23–85).

Par rapport au groupe précédent, les patients de rhumatolo-ie (n = 178) étaient significativement plus âgés (53,8 ± 12,7 ;xtrêmes : 18–80 ; p < 0,05) et la proportion de femmestait significativement plus élevée (84,8 % ; p < 0,05). Parmies patients de rhumatologie, 47 % étaient dépistés posi-ifs avec le LFESSQ-4 et 34,8 % avec le LFESSQ-6.ne grande majorité des patients dépistés positifs étaientes femmes (87 et 94 %, respectivement). Ils étaient âgése 54,0 ± 13,2 ans et de 53,7 ± 13,7 ans, respectivementextrêmes : 22–80).

Le diagnostic de fibromyalgie a été confirmé, selon lesritères de l’ACR, chez 10,6 % des patients ambulatoires dehumatologie. Ainsi, la VPP était de 22,6 % pour le LFESSQ-

et de 27,4 % pour le LFESSQ-6. En conséquence, la valeure la prévalence de la fibromyalgie dans la population généraleété estimée à 2,2 % (IC95 % : 1,3–3,1) en utilisant le critère

e sélection LFESSQ-4 et à 1,4 % (IC95 % : 0,7–2,1) en utili-ant le critère LFESSQ-6. Avec ces deux systèmes de critères,

a prévalence de la fibromyalgie a été estimée respectivement à,6 (IC95 % : 1,3–4,0) et 2 % (IC95 % : 0,8–3,2) chez la femmet à 1,8 (IC95 % : 0,6–3,0) et 0,7 % (IC95 % : 0,6–0,8) chez’homme.

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ar tranches d’âge. Les estimations ont été basées sur les critères de dépistageFESSQ-4 et LFESSQ-6.

Quel que soit le critère de sélection retenu, (douleur ou dou-eur et fatigue), la fibromyalgie est rare avant l’âge de 25 ans. Lesrévalences les plus élevées ont été observées dans les tranches’âge 45–54 ans et 75–84 ans (Fig. 1). Si l’on se fonde sur leritère LFESSQ-6, la prévalence dans ces tranches d’âge est de,9 et 1,4 % chez les femmes et de 2,5 et 3,9 % chez les hommes.n plus du sexe et de l’âge, un faible niveau d’éducation apparutgalement comme étant un facteur de risque de fibromyal-ie. À l’inverse, la prévalence de la fibromyalgie semblaitndépendante des aux autres critères sociodémographiquesecueillis.

. Discussion

Il s’agit ici de la première étude visant à estimer la prévalencee la fibromyalgie en France. La méthodologie a comporté unenquête téléphonique. Si l’enquête téléphonique est sujette à uniais dans l’exhaustivité puisqu’elle exclut les personnes n’ayantas de ligne téléphonique fixe et celles n’étant pas présentes àeur domicile aux heures des appels, elle représente une alterna-ive valable aux études coûteuses réalisées en face-à-face dans leomaine des études transversales effectuées dans la populationénérale [8].

Pour notre étude, nous avons utilisé le LFESSQ dont on aémontré qu’il s’agit d’un instrument utile au dépistage de labromyalgie au sein d’une population générale d’adultes neivant pas en institution [5]. D’après ses inventeurs, cet outil ane sensibilité de 100 % (IC95 % : 90,3–100) pour le LFESSQ-4t de 93,5 % (IC95 % : 83,8–100) pour le LFESSQ-6 [5]. Delus, ce questionnaire est capable de faire la différence entrebromyalgie et polyarthrite rhumatoïde, avec une spécificitée 53,3 % (IC95 % : 35,4–71,2) pour le LFESSQ-4 et de 80 %IC95 % : 65,7–94,3) pour le LFESSQ-6, tandis qu’aucun sujetémoin n’était positif pour le LFESSQ-4 ou le LFESSQ-6spécificité 100 % ; IC95 % : 90–100) [5]. Ces deux méthodese sélection ont ainsi démontré une forte VPP, en l’occurrence6,8 % (IC95 % : 53,0–60,6) pour le LFESSQ-4 et 70,6 %

IC95 % : 55,3–85,9) pour le LFESSQ-6 dans une populationdulte vivant à London dans l’Ontario [5]. L’application desêmes VPP à la population générale francaise aboutirait à

stimer la prévalence de la fibromyalgie à 5,6 et 3,5 %, respec-

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ivement. Une telle approche est néanmoins discutable car il’a pas été établi que la VPP du LFESSQ dans la populationrancaise soit identique à celle observée au Canada par White etl. [5]. Idéalement, les sujets dépistés positifs dans notre étudeuraient dû être examinés par un médecin afin de confirmeru d’exclure une fibromyalgie. Néanmoins, une telle méthodeurait induit d’autres biais dans la mesure où il est probableue certaines personnes n’auraient pas souhaité venir à uneonsultation rhumatologique et/ou auraient eu des difficultés à’y rendre. Nous avons donc déterminé la VPP du LFESSQ entilisant un échantillon de patients consultant en rhumatologie.out en reconnaissant que cette approche est critiquable, elle a

’avantage d’éviter une surestimation de la prévalence réelle dea fibromyalgie dans la population générale.

En acceptant les limites méthodologiques de notre étude, larévalence globale de la fibromyalgie est d’environ 1,4 à 2,2 %ans la population francaise âgée de plus de 15 ans et est corré-ée avant tout au sexe et à l’âge. Des études antérieures réaliséesans d’autres pays ont fourni des estimations similaires [9]. Larévalence globale de la fibromyalgie a été estimée à 2 % dans laopulation adulte, aux États-Unis [4]. En utilisant les critères de’ACR, Carmona et al. [10] et Salaffi et al. [11] ont rapporté desrévalences comparables, respectivement en Espagne (2,4 % ;C95 % : 1,5–3,2) et en Italie (2,22 % ; IC95 % : 1,36–3,19). À’inverse, la prévalence de la fibromyalgie atteindrait seulement,75 et 0,66 % (IC95 % : 0,28–1,29), dans des populations fin-andaises et danoises, respectivement [12,13]. Ces différenceseuvent être dues à des différences dans les procédés de dépis-age et/ou les critères diagnostiques utilisés. Ainsi, les critèrese classification [12] ou la définition des points douloureux [13]tilisés dans les études finlandaises et danoises différaient deeux proposés par l’ACR [1]. Nous ne savons pas si des facteursthniques, culturels et/ou environnementaux peuvent jouer unôle dans les différences de prévalence de la fibromyalgie entrees pays.

Le ratio femme/homme inférieur à 3 observé dans notre étudest en accord avec les données antérieures. En Finlande, la fibro-yalgie a été estimée deux fois plus fréquente chez la femme

0,98 %) que chez l’homme (0,48 %) [12]. Dans une étude cana-ienne, le ratio femme/homme était d’environ 3 [14]. Toutefois,es données ne concordent pas avec la pratique clinique. Aueste, le ratio femme/homme a été largement supérieur dans’autres études. Aux États-Unis, la prévalence de la fibromy-lgie chez l’adulte a été estimée sept fois supérieure chez laemme (3,4 %) par rapport à l’homme (0,5 %) [4]. De même, enspagne la prévalence de la fibromyalgie a été évaluée à 4,2 %hez la femme et 0,2 % chez l’homme [10]. Nos résultats pour-aient s’expliquer par le fait que la VPP (LFESSQ) s’est révéléelus élevée chez les femmes que chez les hommes [5]. De plus, labromyalgie apparaît influencée par l’âge. Il existe un consen-us sur le fait que la fibromyalgie est très rare chez les sujetseunes de moins de 25 ou 30 ans [4,10,12,14]. Dans la populationes États-Unis, la prévalence de la fibromyalgie augmente avec

’âge jusqu’à 70–79 ans dans les deux sexes [4]. Dans d’autrestudes, le pic de prévalence se situe à l’âge moyen de la vie,vec une diminution progressive au-delà [10,12,14]. Dans notretude, nous avons également constaté un pic de prévalence dans

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a tranche d’âge 45–54 ans. Mais nous avons observé un secondic dans la tranche d’âge 75–84 ans, ce qui est plus en conformeux données de la population américaine. Néanmoins, on ne peutas exclure que le faible nombre de sujets âgés (≥ 75 ans) inclusans notre étude (n = 80) ait aboutit à une estimation erronée pourette tranche d’âge. De plus, la prévalence de la fibromyalgie au être surestimée dans cette population car les douleurs dif-uses liées à l’arthrose sont fréquentes chez les sujets âgés [15].e faible niveau d’étude, à l’inverse d’autres caractéristiquesociodémographiques, dont le statut marital, était associé avecne augmentation de la prévalence de la fibromyalgie dans notretude. D’après des travaux antérieurs, le faible niveau d’étude,e divorce et la détresse psychologique étaient des facteurs deisque significatifs de fibromyalgie [4,12]. Il est par ailleursdmis que des antécédents ou un état dépressif, de même que’anxiété sont fréquents chez les patients atteints de fibromyalgie1,4]. Malheureusement, notre étude n’a pas permis d’analyseres aspects.

. Conclusion

Dans la mesure où une prévalence de 1,4 % se traduirait parn chiffre de 680 000 patients, la fibromyalgie apparaît commetant une cause importante de douleurs diffuses chroniques enrance et donc une charge pour la société, tant d’un point de vueanitaire qu’économique.

onflits d’intérêts

Cette étude a été réalisée avec le financement de Pierre Fabreédicaments.

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