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ETUDE COMPARATIVE DES INSTRUCTIONS OFFICIELLES DE 1920, 1925 ET 1966 RELATIVES A L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS Cette étude se propose de comparer les Instructions Officielles, relatives à l'enseignement du français en sixième et en cinquième, dont les premières différences sont: - l'année de parution; - les types de classes auxquels elles s'adressent. Les Instructions Officielles retenues sont ,les sui- vantes: - Instructions relatives aux Ecoles Primaires Supé- rieures parues en 1920 ; - Instructions relatives à l'enseignement secondaire des Lycées et Collèges parues en 1925 ; - Instructions de 1966, relatives aux Lycées, C.E.S. et C.E.G., encore en vigueur. JI nous a paru intéressant de replacer les Instructions Officielles de 1920 et de 1925 dans leur contexte histo- rique. 12 POURQUOI S'IMPOSAIT LA NECESSITE DE NOUVELLES INSTRUCTIONS? Les écoles primaires supérieures L'istruction primaire supérieure a été créée par la loi de 1833. André Honnorat, ministre de l'Instruction pu- blique et des Beaux-Arts en 1920 s'est attaché à réorga M niser les écoles primaires supérieures : « La guerre a confirmé la vérité de ce principe sur lequel repose l'oeuvre de la IW République, à savoir que la puissance d'une nation dépend avant tout et surtout du degré de dévelop- pement de l'instruction populaire. C'est pour favoriser ce développement que le gouvernement a saisi récemment le Parlement d'un projet de loi prolongeant jusqu'à qua- torze ans J'obligation scolaire. C'est pour la favoriser éga- Iement que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre haute sanction un décret qui réorganise à la fois le régime des écoles normales et celui des écoles primaires supérieures. » L'enseignement secondaire des lycées et collèges L'unité de l'enseignement secondaire est la principale préoccupation de A. de Monzie : « L'unité de l'ensei- gnement secondaire, altérée par la réforme de 1902, a été rétablie par l'arrété du 23 décembre 1923. Elle l'a été toutefois d'une façon excessive et insuffisante, exces- sive puisqu'elle n'autorisait, pendant les quatre premières années, qu'un seul type d'enseignement, le type gréco- latin, insuffisante puisqu'elle admettait, à partir de la troisième, une section d'enseignement moderne, section hybride, composée d'élèves mal préparés à recevoir la culture secondaire... Sous peine de devenir un enseigne- ment de classe... l'enseignement secondaire ne devait, ni à l'origine, ni à aucune période du cours d'études, se trouver fermé aux enfants bien doués de l'enseignement primaire qu'aurait écarté de lui l'obligation des études latines et grecques. C'est pour parer à ce danger qu'a été rétablie la section moderne» (1.0. - 1925). Les élèves des lycées et collèges avaient donc Je choix entre deux sections: section A à base de langues anciennes et secR tion B ou moderne c, les sections A et B, mêlées pour toutes les matières communes, ne diffèrent plus l'une de J'autre que par l'option langues anciennes et l'option langues vivantes» (1.0. - 1925). Les Instructions de 1925 reconnaissent ces deux sections d'égale valeur: Cc Ce qui confère à un enseignement son caractère classique et sa valeur éducative, c'est la qualité de la culture qu'il donne à l'esprit... Les esprits formés par cette nouvelle classique, s'ils ne sont pas identiques, peuvent être éqUivalents à ceux qui ont reçu la culture gréco-latine. ) Pourquoi vouloir rétablir l'unité de l'enseignement se- condaire? « Cette dispersion de l'enseignement S8con- ?aire,. ce glissement vers des buts étrangers à son objet, Il étaIt naturel qu' ... on réagit contre eux... La génération

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ETUDE COMPARATIVEDES INSTRUCTIONSOFFICIELLES DE 1920,1925 ET 1966RELATIVES A L'ENSEIGNEMENTDU FRANÇAIS

Cette étude se propose de comparer les InstructionsOfficielles, relatives à l'enseignement du français ensixième et en cinquième, dont les premières différencessont:

- l'année de parution;

- les types de classes auxquels elles s'adressent.

Les Instructions Officielles retenues sont ,les sui­vantes:

- Instructions relatives aux Ecoles Primaires Supé­rieures parues en 1920 ;

- Instructions relatives à l'enseignement secondairedes Lycées et Collèges parues en 1925 ;

- Instructions de 1966, relatives aux Lycées, C.E.S.et C.E.G., encore en vigueur.

JI nous a paru intéressant de replacer les InstructionsOfficielles de 1920 et de 1925 dans leur contexte histo­rique.

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POURQUOI S'IMPOSAIT LA NECESSITE DE NOUVELLESINSTRUCTIONS?

Les écoles primaires supérieures

L'istruction primaire supérieure a été créée par laloi de 1833. André Honnorat, ministre de l'Instruction pu­blique et des Beaux-Arts en 1920 s'est attaché à réorgaM

niser les écoles primaires supérieures : « La guerre aconfirmé la vérité de ce principe sur lequel repose l'œuvrede la IW République, à savoir que la puissance d'unenation dépend avant tout et surtout du degré de dévelop­pement de l'instruction populaire. C'est pour favoriser cedéveloppement que le gouvernement a saisi récemmentle Parlement d'un projet de loi prolongeant jusqu'à qua­torze ans J'obligation scolaire. C'est pour la favoriser éga­Iement que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votrehaute sanction un décret qui réorganise à la fois lerégime des écoles normales et celui des écoles primairessupérieures. »

L'enseignement secondaire des lycées et collèges

L'unité de l'enseignement secondaire est la principalepréoccupation de A. de Monzie : « L'unité de l'ensei­gnement secondaire, altérée par la réforme de 1902, aété rétablie par l'arrété du 23 décembre 1923. Elle l'aété toutefois d'une façon excessive et insuffisante, exces­sive puisqu'elle n'autorisait, pendant les quatre premièresannées, qu'un seul type d'enseignement, le type gréco­latin, insuffisante puisqu'elle admettait, à partir de latroisième, une section d'enseignement moderne, sectionhybride, composée d'élèves mal préparés à recevoir laculture secondaire... Sous peine de devenir un enseigne­ment de classe... l'enseignement secondaire ne devait,ni à l'origine, ni à aucune période du cours d'études, setrouver fermé aux enfants bien doués de l'enseignementprimaire qu'aurait écarté de lui l'obligation des étudeslatines et grecques. C'est pour parer à ce danger qu'aété rétablie la section moderne» (1.0. - 1925). Les élèvesdes lycées et collèges avaient donc Je choix entre deuxsections: section A à base de langues anciennes et secRtion B ou moderne c, les sections A et B, mêlées pourtoutes les matières communes, ne diffèrent plus l'une deJ'autre que par l'option langues anciennes et l'optionlangues vivantes» (1.0. - 1925). Les Instructions de 1925reconnaissent ces deux sections d'égale valeur: Cc Ce quiconfère à un enseignement son caractère classique etsa valeur éducative, c'est la qualité de la culture qu'ildonne à l'esprit... Les esprits formés par cette nouvellecult~re classique, s'ils ne sont pas identiques, peuvent êtreéqUivalents à ceux qui ont reçu la culture gréco-latine. )

Pourquoi vouloir rétablir l'unité de l'enseignement se­condaire? « Cette dispersion de l'enseignement S8con­?aire,. ce glissement vers des buts étrangers à son objet,Il étaIt naturel qu'... on réagit contre eux... La génération

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qui se forme dans nos lycées et collèges sera appeléede très bonne heure à remplir les places que la générationdécimée par la guerre laissera vides... If faut qu'on luidonne... une très solide éducation générale... C'est pourrépondre à cette nécessité pressante de l'heure qu'a étéconçue la réforme de 1923, complétée en 1925. Unité,généralité, coordination, telles sont ses trois caractéris­tiques. »

PrésentationAfin de faciliter la comparaison, les Instructions Offi-

cielles traitant d'une même partie de l'enseignement duFrançais sont reportées sur trois colonnes. Pour écrireces extraits de textes officiels, il n'a pas été fait usagede guillemets. Dans le commentaire des Instructions, cha~

que fois qu'il fait référence aux Instructions Officielles,le passage choisi est écrIt entre guillemets.

Dictée : Le nom spécifique que donne chacune des dif­férentes 1.0. à cette partie du programme figure entête des extraits reportés ici.

1.0. 1920 1.0. 1925 1.0. 1966

Orthographe Orthographe Dictées

Des exercices d'orthographe conti- Les exercices d'orthographe et, Les textes donnés en dictées de-nueront à servir de complément aux plus particulièrement, la dictée sont vront toujours être intéressants parétudes grammaticales, tant que les expressément prescrits p<lr les pro- eux-mêmes et d'Une forme irrépro-élèves n'auront pas acquis une impec- grammes de 6° et de 5°. La pratique chable.cable correction. de la dictée est donc rétablie jusqu'à Toute dictée doit être préparée,

Cette correction est la règle de la 5". II faut qu'au sortir de cette classe l'orthographe d'usage de certains motstout exercice écrit. la faute d'orthographe ne soit plus, aura été étudiée au tableau noir et

dans les devoirs de nos élèves, qu'une les règles d'accord appliquées dans leexception. Une place est faite à l'en- texte auront été rappelées et révisées.seignement de la ponctuation.

Le programme précise : étude etLes textes des dictées devront tou~ contrôle de la ponctuation.

jours être intéressants par eux-mêmeset d'une forme irréprochable.

Dans les Instructions de 1920 et de 1925, l'objectifprincipal est l'acquisition d'une orthographe parfaite. LesInstructions de 1920 sont même plus exigeantes puis­qu'elles demandent « une correction parfaite » alors quecelles de 1925 acceptent ces fautes en tant qu' « excep­tion }). De telles exigences ne se retrouvent pas dansles Instructions de 1966, ce qui est sans doute une preuvede réalisme.

Les Instructions de 1925 et de 1966 précisent queles exercices d'orthographe seront surtout des dictéeset s'intéressent à la qualité de ces dictées qui serontchoisies « dans les meilleurs prosateurs )). Les Instruc­tions de 1966 autorisent les textes en vers. Elle demandentaussi que les dictées soient préparées, ce qui est sansdoute, encore une fois, une preuve de réalisme et lereflet d'une Idée différente sur l'objectif de la dictée quin'est plus seulement moyen de contrôle mais une occa~

sion d'appliquer des règles revues récemment. Les Ins­tructions de 1920 ne précisent pas quel est le type desexercices d'orthographe dont « le nombre, la difficultévarieront suivant les années ».

Les Instructions de 1920 et de 1925 Insistent sur lanécessité d'une bonne orthographe; « cette correctionn'est pas seulement exigible dans les devoirs spéciauxd'orthographe, mais est la règle de tout exercice écrit»(1.0. de 1920). Dans les Instructions de 1966, relatives àla correction des devoirs de rédaction, il est précisé que« le professeur... s'est montré, dans ses appréciations etsa notation, sévère pour... les fautes d'orthographe ». Ilest regrettable qu'un enfant peu doué en orthographesoit, pour cette raison, pénalisé en expression écrite.

Les programmes de 1925 et ceux de 1966 accordentune place à j'étude de la ponctuation, il n'en est pasquestion dans ceux de 1920.

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1.0. 1920

Grammaire

L'étude de la grammaire ne doitpas être continuée dans 'les mêmesconditions et sous les mêmes formestraditionneltes qu'à l'école primaIre.Dès la première année d'E.P.S., lemaître fera plus largement appel à laréflexion pour intéresser l'enfant aumaniement des différents éléments dulangage parlé et écrit, aux variationsde forme de ces éléments et aux rai­sons qui expliquent et motivent cesvariations. Il ne saurait être questionde faire des cours de grammaire.L'explication grammaticale de certainsmorce,aux montrera aux élèves toutesles ressources qu'offre la langue pourexprimer les diverses nuances de lapensée.

Le Conseil supérieur a effacé duprogramme le mot analyse pour oienmarquer ,la volonté de proscrire lesexercices écrits. L'analyse orale, utilemoyen de contrôler la précision desconnaissances grammaticales demeureautorisée, à la condition que l'on secontente de la terminologie la plussimple.

Ainsi comprise, l'étude de la gram­maire apportera la plus utile contribu­tion à celle de la littérature et devien­dra un auxiliaire précieux pour l'ap­prentissage de la composition.

1.0. 1925

Analyse

A la dictée, le programme desclasses de sixième et de cinquièmeassocie l'analyse, analyse des phrasesen propositions et, à mesure que l'é­lève en sera capable, reconnaissancede la nature et de la fonction de cespropositions; reconnaissance, à ['in­térieur de la proposition, de la natureet de la fonction des mots qui lacomposent. La tradition en est établiedepuis longtemps; Je profit que ]'en­fant en retire non seulement pour laconnaissance et la pratique correctede la langue, mais pour ra formation deson inteJJigence, n'est pas contestable.

En ce qui concerne la nomencla­ture grammaticale, il est demandé àtous Jes professeurs de la maison char­gés de l'enseignement du Françaisd'employer le même mot.

A l'étude de la proposition, vien­nent s'ajouter :

- en sixième : étude des diffé­rentes espèces de mots, étudedu nom;

- en cinquième : étude du pro­nom, de l'adjectif et de l'ad­verbe.

1.0. 1966

Exercices grammaticaux

Ces exercices seront tantôt écrits,tantôt oraux, l'exercice oral sera sou­vent, à titre de contrôle ou de correc­tion, la suite de l'exercice écrit ouinversement.

Ils devront être rattachés aux dic~

tées à l'explication de textes et auxexercices de rédaction.

Dans toute leçon de grammaire Ilfaut partir d'exemples, formuler larègle, aboutir à de nouveaux exemples.

L'étude du fait grammatical nesera jamais isolée de la notion dusens général de la phrase et de laperception de sa qualité expressive.

On se conformera à la nomen­clature grammaticale établie par laCommission ministérielle de 1949.

L'étude grammaticale doit donneraccès à l'enfant à une possession plusconsciente de cette langue qu'il parlespontanément et développer ainsi enlui l'aptitude à l'analyse et au raison­nement.

Les objectifs et les méthodes d'enseignement de lagrammaire varient suivant les Instructions.

Les Instructions de 1920 refusent l'analyse pourl'analyse, souhaitent un changement 'profond des métho­des d'enseignement de la grammaire qui doit être unegrammaire implicite. La grammaire est une réflexion surla langue, elle doit permettre une meilleure appréhensionde la littérature : «Ce (l'explication grammaticale decertains morceaux) sera aussi le moyen de s'élever au­dessus du rudiment et de montrer aux élèves toutes lesressources qu'offre la langue pour exprimer les diversesnuances de la pensée; ils acquerront ainsi quelques

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notions sur la différence de style des écrivains... Ainsicomprise, l'étude de la grammaire apportera la plusutHe contribution à celle de la littérature.» « II (J'ensei­gnement grammatical) doit s'efforcer de faire de mieuxen mieux comprendre les rapports intimes qui existententre les formes diverses de ce mécanisme (de la langue)et l'expression des idées et des sentiments.» L'analysegrammaticale ne se fera qu'oralement et elle est un«utile moyen... d'habituer les élèves à comprendre lafonction des mots ". Il apparait donc que la nature desmots a peu d'importance, ce qui confirme ce qui a étéécrit au début. La méthode que, préconisent ces Instruc·

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tians est «la méthode inductive... aller du fait à la loi,de l'exemple à la règle, du bon usage adopté par ~es

grands écrivains aux préceptes édictés par les grammai­riens l>; il faut faire appel à la réflexion, il faut <, inté­resser l'enfant au maniement des différents éJéments dulangage parlé et écrit, aux variations de forme de ceséléments et aux raisons qui expliquent et motivent cesvariations », L'objet d'étude de la grammaire n'est pasforcément fixe (étude d'un texte), le caractère mobile dela langue est pris en considération.

Les Instructions de 1925 groupent les Instructionsrelatives à l'enseignement de la grammaire sous larubrique «AnaJyse l> et, en effet, l'objectif essentiel decet enseignement parait être la capacité d'analyser etcette analyse porte sur la ({ nature et la fonction» alorsque les Instructions de 1920 s'intéressaient à fa recon­naissance de la fonction. Afin que cette capacité d'ana­lyser se développe dans les meilleures conditions, uneprogression des connaissances à acquérir est établie :« on remarquera avec quelle précision est délimitée latâche propre à chacune des classes )'. Quant au proces­sus d'acquisition, il est analytique : «reconnaissance dela nature et de la fonction de ces propositions;reconnaissance, à .j'intérieur de la proposition, de la natureet de la fonction des mots qui la composent". Cetteméthode, dont il n'est pas question dans les Instructionsde 1966, est, néanmoins, celle qui est souvent, actuefle­ment, utilisée par les enseignants. En ce qui concerneJ'objectif que se fixe cet enseignement, il est très ambi­tieux et doit être admis comme une vérité n'ayant nulbesoin d'être démontrée : « La tradition en est établiedepuis longtemps : Je profit que J'enfant en retire (del'analyse) non seulement pour la connaissance et la pr,a­tique correcte de sa langue, mais pour la formation deson intelligence n'est pas contestable : Il n'est donc pasutile d'y insister. l>

Par formation de l'inteJJJgence, faut-il entendre que- bien parler signifie bien penser?

- la réflexion que demande l'analyse, pouvant êtrecomparée à celle mise en œuvre en mathémati­ques, est un entraînement des facultés intellec­tuelles?

Il faut noter que l'analyse étant surtout associée àla dictée et à l'explication de textes, c'est l'aspect sta­tique de la langue qui est étudié.

Les Instructions de 1966 ont pour objectifs, commecelles de 1920, une meilleure compréhension de laphrase: ({ l'étude du fait grammatical ne sera jamaisIsolée de la notion du sens général de la phrase et de laperception de sa qualité expressive»; mais aussi, et làelles rejoignent les Instructions de 1925, Il une posses­sion plus. consqiI;lNe...de c~tte langue qu'il (l'enfant.) parle

spontanément et développer en lui l'aptitude à l'analyseet au raisonnement ».

La méthode conseillée ressemble à celle que préco­nisaient les Instructions de 1920 : 1< dans toute façon degrammaire, il faut partir d'exemples, dégager et formulerla règle, aboutir à de nouveaux exemples » ; c'est doncla méthode inductive qui est utilisée mais elle est miseen œuvre dans le cadre d'une « leçon de grammaire .~

alors que les Instructions de 1920 affirmaient qu' <1 il nesaurait être question de faire des cours de grammaire ».

Les Instructions de 1966 conseillent, comme cellesde 1920, les exercices oraux mais là Ils seront un 1< moyende contrôle ou de correcHon, la suite de l'exercice écrit ».

Rappelons que les Instructions de 1920 voulaient« proscrire les exercices écrits ». Les Instructions de1966 se rapprochent davantage de celles de 1925 puisque:

- les exercices grammaticaux seront, encore unefois, (1 rattachés aux dictées, à l'explication des textes,aux exercices de rédaction ».

- Je programme reflète le désir d'une progressiondes acquisitions : en sixième «Forme et emploi des motsvariables : noms, pronoms, articles, adjectifs et verbes.Notions sur les mots invariables. Fonction des mots etdes groupes de mots dans la proposition Indépendante.Etude sommaire des propositions dans la phrase»; encinquième : «Les propositions indépendantes et le verbedans les propositions indépendantes. Etude sommairedes propositions subordonnées. Etude détaillée du nom;les mots qui l'accompagnent, ses compléments, sessubstituts : les pronoms ». L'étude de la gramma:re estdonc morcelée et s'attache aussi bien à la nature qu'à lafonction des mots alors que les Instructions de 1920s'attachaient surtout à la fonction dans le but de mieuxcomprendre la phrase.

La nomenclature grammaticale

- les Instructions de 1920 demandent «que l'onse contente de la terminologie la plus simple et qu'onbannisse tout verbalisme scofastique»;

- les Instructions de 1925 permettent l( certainesadditions à la nDmenclature officielle » lorsque <1 Ja dis­tinction est légitime, mais à la condition que pour désignerle même fait tous les professeurs de la maison chargésde l'enseignement du français veuillent bien employerle même mot»;

- les Instructions de 1966 se réfèrent à la nomen~

clature de 1949.

Cette position face à la nomenclature officielle estun bon reflet des objectifs généraux poursuivis.

- Instructions de 1920 : réfléchir sur la langue et lamanipuler.

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- Instructions de 1925 : savoir analyser d'où unesurcharge de la nomenclature officielle.

- Instructions de 1966 : savoir analyser et savoirapprécier une tournure précise.

Pour les Instructions de 1966 et surtout pour cellesde 1925, la grammaire doit permettre de mieux s'expri~

mer; ce qui reste encore à démontrer. Les Instructionsde 1920 soulignent que c'est à l'école élémentaire quel'étude de la grammaire se fait en vue de l'acquisition

d'une orthographe correcte»; mais à l'école primairesupérieure, le but change, il faut « intéresser l'enfant aumaniement des différents éléments du langage parlé etécrit, aux variations de forme de ces éléments et auxraisons qui expliquent et motivent ces variations li.

Donc, aussi bien en ce qui concerne la nomenclatureque les méthodes et les objectifs, les Instructions de 1920paraissent bien en avance sur celles de 1925 et de 1966.

En sixième et en cinquième, on fe­ra faire des exercices écrits d'observa­tion et de description généralementpréparés par des exercices collectifsoraux. La préparation faite en classesous la direction du professeur pourraêtre peu à peu réduite. On insisterasur la nécessité de distinguer et d'en­chaîner les parties de la plus simpleobservation ou du plus simple récit.

Correction : le professeur doit semontrer sévère pour l'écriture, la pré­sentation, les fautes d'orthographe, laponctuation et classer les copies. Enclasse, il rend compte de diversesfautes. Il use largement du tableaunoir pour y inscrire les formes recti­fiées. Puis il passe à la partie positivede la correction, il doit obtenir la par­ticipation active de toute la classe. Lesélèves, sollicités par ses questions,soumettrent leurs idées, le professeurleur fait trouver les développementspossibles.

Extrait du programme

Exercices collectifs oraux et exer­cices écrits de description et de nar~

ration. Dans tous les exercices de laclasse, le professeur devra exiger queles élèves s'expriment en phrasescorrectes.

Sujets possibles en 1NI année« descriptions, récits et lettres li. Les« définitions li inscrites à l'ancienprogramme ont été écartées commetrop abstraites. Les élèves doiventtrouver dans leur mHieu, dans leurexpérience ou dans leurs livres leséléments de leur travail. Une alliancedoit être conclue entre l'enseignementlittéraire et l'enseignement scientifique(description des phénomènes naturelset des êtres vivants avec des détailsprécis, réellement observés, pris surle vif, au besoin dessinés avant d'êtredécrits). L'horizon des élèves doit dé­passer les murs de ['école, il s'étendà la nature entière. Quel que soit lesujet, il exigera une préparation (lec­tures, excursions ou observations).

Il sera fait un devoir par quin­zaine. Une heure par quinzaine suffiradonc pour rendre compte de cesdevoirs (correction collective). Alter­nant avec la classe de correction, ilest prévu une classe employée à desexercices collectifs de composition etde rédaction. Le professeur choisiraun autre sujet que celui qu'il donne àtraiter à la maison et il passera uneheure à chercher avec ses élèvesles faits et les idées que ce sujetcomporte, à les mettre en ordre et àrédiger un des développements (unplan modèle est Insuffisant),

«Il faut leur révéler les joies quedonne l'art d'écrire.»

1

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Composition française Les exercices de style Rédactionset de composition

Il est encore trop t6t pour parlerde compositions françaises en sixièmeet en cinquième.

Le programme de sixième prévoitde « brefs exercices d'observation etde description 1) qui auront été autantque possible « préparés en classe".S'il s'agit de « récits très simples »

on ne les attendra pas de leur inven­tion mais on les 'leur lira en classeet on leur demandera ensuite dereproduire ces récits par écrit à leurfaçon.

La même pratique conviendra bienencore à la cinquième, au moins audébut de l'année, mais on pourralaisser aux élèves un peu plus d'ini­tiative.

Cependant nos élèves ne doiventpas être moins exercés à parler qu'àécrire. De là des exercices oraux...dont les sujets seront, en sixième eten cinquième, du même genre etaussi simples que ceux des devoirs.Les élèves doivent être exercés àparler, ,à s'exprimer en phrases complè­tes et correctes.

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Ce qui surprend d'abord, c'est la diversité de laterminologie pour désigner ce~':.; partie du programme.Les Instructions de 1920 parlent de «composition fran­çaise », celles de 1925 réservent ce terme pour desclasses ultérieures et parlent d'« exercices de style etde composition»; celles de 1966 parlent de «rédac~

tions », le terme de «composition française» n'apparais~

sant qu'à partir de la troisièma

Il n'y a pas seulement différence de termes, lecontenu qu'ils recouvrent est, aussi, différent.

D'après les Instructions de 1920, les élèves aurontà fournir un important travail personnel. Le professeurne les aidera pas dans la recherche des ,idées, il leurfournira néanmoins les moyens d'approfondir le sujet(conseils de lecture, excursions) : (, il (le professeur) doit,non pas les préparer avec eux, mais leur montrercomment ils auront eux-mêmes à le préparer..., il doitse garder de faire à leur place l'effort salutaire, l'effortfécond li. \1 faut noter que ces Instructions s'adressentaux différentes classes des écoles primaires supérieures,alors que les Instructions de 1925 et de 1966 sont par­ticulières à chaque classe. Les Instructions de 1920veulent que l'école s'ouvre à la vie, insistent sur la néces­sité d'un support concret (lien entre enseignement litté­raire et enseignement scientifique) : (' L'enfant doitapprendre qu'il n'est pas d'art véritable sans cette -intimecommunion avec la réalité. 1) La composition françaiseest élevée au rang de l'art, «il faut leur révéler les joiesque donne l'art d'écrire Il. If faut rendre compte d'expé­riences, d'observations non oralement mais en ayantsoin "d'écarter le mot banal mais incolore qui se pré­sentait de lui-même sous la plume », ce qui empêchetoute spontanéité.

Les Instructions de 1925 sont moins exigeantes,elles semblent reposer sur une idée différente des capa­cités de l'élève de sixième et de cinquième, les «exer­cices d'observation et de description Il sont brefs etpréparés en classe; les «récits très simples» ne sonten fait qu'un compte rendu. On ne tient pas compte del'imagination des enfants et on la renie même : «on neles (Jes récits) attendra pas de leur invention 1>. Dansces Instructions, est soulignée la nécessité de savoirs'exprimer oralement mais l'oral apparaît comme de l'écritparlé «les élèves doivent être exercés à parler enphrases complètes et correctes ».

Les Instructions de 1966, comme celles de 1925, pré­conisent une préparation des «exercices d'observationet de description ll, cette préparation se fait par desexercices collectifs oraux lors desquels il faut que <. lesélèves s'expriment en phrases correctes ». Il faut noterque les Instructions de 1966 reprennent celles de 1925en parlant d' « exercices d'observation et de description ».

Mais comment se déroule cette préparation orale? 11 faut

que les élèves aient une expérience commune ou sinon«l'observation et la description II ne peut porter que surdes banalités. Comme les Instructions de 1920, celles de1966 s'attachent beaucoup à la forme (cc nécessité dedistinguer et d'enchaîner les parties de la plus simpleobservation II 1.0. 1968). La correction occupe unegrande place dans les Instructions de 1966, il est indiquéce dont le professeur doit tenir compte pour noter (l'écri­ture, présentation, orthographe, ponctuation, style...,) et lafaçon dont la correction doit se dérouler. Une partie del'heure est consacrée à la correction des fautes indivi­duelles les plus importantes, à laquelle fait suite <. lapartie positive de la correction» (recherche en commundes idées, des développements possibles). Les Instruc­tions de 1925 ne parlent pas de la correction, celles de1920 précisent simplement que celle-ci doit être collective.

Dans ces Instructions particulières -à l'expressionécrite, apparaissent différents types de pédagogie et dif­férentes conceptions de l'enfant :

- Pour les Instructions de 1920, la pédagogie estune pédagogie de la créativité, de -l'intérêt. L'enfant estdoué d'imagination, il est capable d'entreprendre un tra­vail personnel relativement important. La personnalité del'enfant doit être respectée : « Cette méthode (préparationcollective de la rédaction) dont l'emploi est déjà contes­table à l'école élémentaire, où elle risque de tuer lapersonnalité naissante de l'enfant, serait intolérable àl'école primaire supérieure, où ce meurtre serait fatal. »

- Pour les Instructions de 1925, la pédagogie estune pédagogie de soutien. L'enfant a peu d'imagination.

- Les Instructions de 1966 se rapprochent assez decelles de 1925 mais estiment que (, la préparation faite enclasse sous la direction du professeur pourra être peu àpeu réduite li. Il faut donc donner progressivement del'autonomie à l'enfant.

Les Instructions concernant "explication de textes etla lecture suivie sont groupées dans une même rubriquedans les textes officiels de 1920. La distinction sera réta­blie dans le commentaire.

Lectures expliquées :

D'après les Instructions de 1920, le but de cet exer­cice est de faire apprécier un texte par les enfants, deleur faire" sentir le caractère et la beauté du morceau ».

Il n'est pas précisé de quelle façon sera conduite laleçon, il n'est pas fait mention d'une préparation de ceslectures expliquées, préparation qui occupe une grandeplace dans les Instructions de 1925 et de 1986.

D'après les Instructions de 1925, «l'explication destextes l> a un double but: connaissance de la littératurefrançaise, étude de la langue (<< étudier la langue telle

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Il

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1.0. 1920

Lecture

Des exercices de deux sortes sontcompr.is sous cette rubrique : les uns,portant sur de courts morceaux etinsistant sur le détail, ont pour butd'habituer l'élève à se rendre uncompte exact de ce qu'il lit. Lesautres, ayant pour objet des œuvresentières, visent surtout à lui donnerle goût de la lecture. Une heure parsemaine sera consacrée à chacun deces deux exercices.

Dans la lecture expliquée, ons'attachera à dégager d'un dévelop­pement l'idée essentielle, à reconnaî­tre le sens précis des mots et à enapprécier la propriété, à sentir lecaractère et la beauté du morceau.

Les lectures plus amples serontcommencées en classe et continuéesà l'étude ou dans la famille. Le tempsréservé à cet exercice a été réduitcar on estime qu'une place plusgrande doit être faite, dans nos écolesprimaires supérieures, au travail per­sonnel de l'élève. En classe, le com­mentaire sera succinct. Le maîtredevra d'ailleurs contrôler, salt enposant des questions, soit en exigeantdes analyses, ·le travail accompli horsde la classe.

1.0. 1925

L'explication des textes

L'étude de la littérature n'estexplicitement mentionnée que par leprogramme des trois classes supé~

rieures.

Si, dès la sixième, l'explicationdes textes doit contribuer à former legoût de nos enfants et à ne pas leslaisser ignorants des plus grandsnoms de notre littérature, ce sont desrésultats d'un caractère plus pratiqueque nous attendons d'abord de cetexercice; avec le souci toujours pré­sent de l'éducation morale, l'étude dela langue (vocabulaire et grammaire)demeurera l'objet principal des effortsdu professeur dirigeant une lectureexpliquée.

La vraie fin de la lecture expli­quée devrait être la lecture expressive.

La lecture courante et l'explicationpréparéePour l'étude même des textes, Je

programme prévoit deux procédés : la«lecture courante» et «l'explication»proprement dite. L'explication exigede l'élève un travail attentif de prépa­ration, la lecture courante est pour luiun exercice improvisé. Le professeursaura décider de l'opportunité de l'unou l'autre de ces exercices.

1.0. 1966

Explications

Les explications proprement dites,préparées et approfondies, sont l'élé­ment essentiel de l'enseignement duFrançais et doivent garder une partprépondérante dans les heures consa­crées à cet enseignement. Les texteschoisis doivent être courts.

On guidera le travail personnel depréparation demandé aux élèves parquelques questions (recherche du sensexact des mots, remarques sur lacomposition et l'expression, interpré­tation générale). Une bonne explica­tion est celle qui donne un sentimentjuste et profond de ce qui fait lavaleur propre d'un écrivain. Le pro­fesseur présentera d'abord le textepar une lecture bien faite. Puis ilconduira l'explication; suivant l'en­traînement de ses élèves, il leur don­nera plus ou moins largement laparole. L'explication doit toujours êtreterminée par une lecture expressive.

Lectures suivies et dirigées

Ces lectures ont pour objetd'aboutir à la connaissance, sinond'œuvres entières, du moins d'ensem­bles importants et significatifs. Ellessont un des moyens dont le profes­seur dispose pour donner à ses élèvesdes notions suivies d'histoire de la

qu'elle est et telle qu'elle a été, c'est une néceSSité àlaquelle on ne saurait satisfaire que par l'observation desfaits, c'est-à-dire, sUrtout dans nos classes, par l'étudedes textes »). Les Instructions de 1925 rejoignent cellesde 1966 Sur ,la nécessité d'« une lecture expressive ».Cette « explication des textes» peut se faire soit en tantqu' « exercice improvisé» (<< lecture courante »), soit aprèsUne préparation. Les Instructions insistent sur le fait quecelle-ci doit être écrite. On peut s'interroger sur l'utilitéet la valeur d'une telfe préparation car son caractèreastreignant peut avoir sur les élèves des effets non dési­rés. Il faut noter cependant que l'on demande au maîtrede rechercher « les questions qu'il y a le plus d'intérêt

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à leur (aux élèves) poser»; mais cet intérêt est maldéfini : s'agit-il de ce qui intéresse l'enfant ou de l'inté­rêt qu'II aurait à connaître certains faits? En ce quiconcerne la « lecture couran.te », son domaine est maldéfini. Il semble qu'elle porte sur le même genre de textesque « l'explication préparée », mais son but semblerejoindre celui que se proposent les Instructions de 1920et de 1966 lorsqu'elles envisagent l'étude d'œuvres entiè­res ou d'ensembles importants.

Les Instructions de 1966 donnent un rôle très impor­tant aux «explications préparées et approfondies ».

Comme les Instructions de 1925, elles ont pour objectifde faire connaître aux élèves la littérature mais en insls-

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\.0. 1920

Lecture (suile)

Pour ces lectures, on s'est appH­qué surtout à graduer la difficulté età éviter les répétitions. Ce qui doitêtre évité, c'est la répétition d'unemême lecture à des dates trop rap­prochées.

Les conseils des professeurs de­vront donc s'astreindre à faire leurchoix de telle manière que les texteslus en seconde soient plus difficilesque les textes lus en première, lestextes lus en trolsième plus difficilesque les textes lus en seconde. Cetterègle est la seule qui s'impose à eux:les listes inscrites au programme leurfournissent un exemple mais n'enchaî­nent pas leur tiberté.

\.0. 1925

Lecture couranteet explication préparée (suite)

La préparation sera d'ailleurs tou­jours guidée par un questionnaire quele professeur aura lui-même dressé,il est le seul à pouvoir discerner lesquestions qu'il yale plus d'intérêt àleur poser. Sans faire de la prépara­tion par écrit une obligation constante,on se souviendra que le travail d'élè­ves très jeunes, s'il reste purementmental, risque de n'avoir pas beau­coup de consistance. S'I le travaH estécrit, il est nécessaire qu'il soitcontrôlé.

La lecture courante souffre d'au­tres règles : le professeur se propo­sera moins ici de vérifier ou d'aug­menter les connaissances des élèvesque d'exercer l'intelligence de l'élèveà saisir un ensemble, à dégager lesentiment dominant, à en tirer uneconclusion morale.

Les professeurs d ev r 0 n t seconcerter à la fin de chaque annéede manière que les élèves de cin­quième fussent assurés de n'expliquerque des textes qu'ils n'auraient pasvus en sixième.

\.0. 1966

Lectur.s suivies et dirigées (suite)

littérature française. Elles visent àdévelopper chez l'enfant une visionplus large, le sentiment des ensem­bles, l'aptitude à dégager l'idée essen~

tielle d'un passage étendu.

Lectures supplémentaires (particulière~

ment pour la section moderne)

Des lectures d'auteurs anciensou étrangers traduits en français oud'auteurs du Moyen Age transposésen langue moderne sont prévues parles programmes. La méthode suiviesera celle 'indiquée pour les lecturessuivies et dirigées. On ne perdrajamais de vue le but commun à tousces exercices, qui est d'inspirer auxélèves le goût de lire.

tant sur la recherche de «ce qui fait la valeur propred'Un écrivain". lei encore, le travail de préparation estimportant, il n'est pas précisé s'il doit être écrit. Laméthode pour mener J'explication est largement décrite,elle accorde une grande place au professeur qui est leguide, les élèves n'ont que rarement l'occasion d'inter­venir.

Lectures suivies

Pour les Instructions de 1920, ces lectures portentsur <1 des œuvres entières », celles de 1966 sont moinsexigeantes, elles recommandent ('étude «sinon d'œuvresentières, du moins d'ensembles Importants et significa­tifs ». fi n'en est pas fait mention dans les Instructionsde 1925 à moins que ce soit la «lecture courante» quien tienne lieu.

Cette étude d'« œuvres entières» sera faite à lamaison, d'après les Instructions de 1920, et contrôlée parle professeur; la pédagogie est une pédagogie de l'effort,l'enfant est supposé capable d'un travail personnel impor­tant. Cette nécessité de travail personnel apparait net­tement. L'objectif de ces lectures est de donner à l'enfant«le goût de la lecture» et de développer chez lui lacapacité d'analyser une œuvre (capacité mise en œuvrelors du contrôle fait par le professeur).

Les Instructions de 1966 se fixent un objectif plusimportant : comme précédemment, il faut développer lescapacités d'analyse, l'esprit de synthèse, il faut donneraux enfants «le goOt de lire» mais, en plus, il faut don­ner aux élèves «ces notions suivies d'histoIre de la lit­térature française par les textes et non par des coursproprement dits ». Si l'on considère les objectifs, qui sont

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1.0. 1920

Récitation

Les leçons à apprendre par cœurseront toujours choisies parmi lespassages ainsi expliqués.

1.0. 1925

Récitation

Comme le professeur ne choisirajamais les textes qui lui paraîtrontpropres à être appris par cœur queparmi ceux qui auront été antérieure­ment expliqués. l'élève n'aura jamaisrien à réciter qu'il ne comprenneparfaitement : nulle difficulté parconséquent pour lui à réciter d'unemanière intelligente et intéressante.

1.0. 1966

Leçons de textes

La leçon de texte peut et doitêtre un des exercices les plus fécondsde l'enseignement littéraire.

Deux écueils sont à éviter : laroutine morne et la déclamation pré­tentieuse. Le bon professeur de lettressait mettre la diction scolaire dans leclimat de ferveur et de discrétion quilui donne tout son prix.

Il est recommandé de donner aumoins une leçon de texte par semaine,de ne faire apprendre que des textesqui aient été expliqués en classe, defaire apprendre surtout des textes envers, de les sanctionner par la note(une leçon bien sue et mal dite nemérite pas une bonne note). de faireen dehors des compositions de réci­tation, des révisions fréquentes pour,affermir les acquisitions de la mé­moire.

les révélateurs de l'image que l'on se fait de l'enfant, lesInstructions relatives d'une part à l'enseignement de lalittérature et d'autre part à la rédaction, il semble que lesenfants auxquels elles s'adressent soient très différents.

Les Instructions de 1920 et de 1925 ins'Istent sur lanécessité d'étudier des textes différents dans les diversesclasses, il n'en est pas question dans les Instructions de1966, peut-être le respect du programme est-il pluscontraignant?

Les Instructions de 1966 accordent beaucoup d'impor­tance à la lecture, ce qui s'explique par le but qu'elleslui fixent : elle doit développer le goût littéraire et per­mettre une connaissance de l'histoire de la littérature. LesInstructions de 1925 sont moins exigeantes, elles deman­dent à -l'explication de textes de «contribuer à formerle goût de nos enfants et à ne pas les laisser ignorantsdes grands noms de notre littérature ». Quant aux Instruc­tions de 1920, l'objectif fixé est relativement peu impor­tant : ~< habituer l'élève à se rendre un compte exact dece qu'il lit Il et «lui donner le goût de la lecture ». Lesecond objectif peut paraître orgueilleux mais il ne fautpas oublier qu'en 1920, les distractions étaient nettementmoins variées qu'à présent.

20

Les Instructions de 192D sont très succinctes, ellesprécisent seulement que les récitations seront choisiesparmi les lectures expliquées. Le seul caractère de larécitation souligné est le fait que c'est une leçon « àapprendre par cœur ». Le programme accorde deuxheures par semaine à la « lecture et récitation II ; d'autrepart les Instructions précisent qu' « un temps égal (uneheure par semaine) sera consacré à chacun des deuxexercices » (lecture expliquée et lecture dirigée). Aussibien dans les Instructions que dans la réalité de l'horaire,la récitation occupe peu de place.

Les Instructions de 1925 valorisent un autre des carac~

tères de la récitation ~< la vraie fin de la lecture expliquéedevrait être la lecture expressive... On devrait exiger lesmêmes mérites de la récitation ". Comme précédemment,les textes à apprendre ~( par cœur II sont choisis parmiJes lectures expliquées afin de permettre à l'enfant de« réciter d'une manière intelligente et intéressante l>. Iln'est pas, ici non plus, précisé si les textes choisis sonten prose ou en vers.

Les Instructions de 1966 sont plus précises et plusexigeantes. Une mauvaise diction sera pénalisée lors dela notation. Le rôle donné à la récitation est important :

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1.0. 1920 1.0. 1925 1.0. 1966

GrammaIre Exercices de style Rédactions

L'analyse or~!e, utile moyen de Nos élèves ne doivent pas être On fera faire des exercices écritscontrôler la précision des connaissan- moins exercés à parler qu'à écrire : d'observation et de description géné-ces grammaticales, demeure autorisée. qui ne sait combien l'aisance de l'ex- ralernent préparés par des exercices

Dès la première année d'Ecole pression leur fait défaut quand ils collectifs oraux.

Primaire Supérieure, le maître fera plus parlent? De là, ces exercices oraux

largement appel à la réflexion pour dont le programme demande que Exercices grammaticaux

intéresser l'enfant au maniement des soient entremêlés les devoirs écrits Ces exercices seront tantôt écrits,

différents éléments du langage parlé et dont les sujets seront, en sixième et tantôt oraux, l'exercice oral sera sou-

et écrit. en cinquième, du même genre et aussi vent, à titre de contrôle ou de correc-simples que ceux des devoirs... Ici tion, la suite de l'exercice écrit.encore les élèves doivent être exercés

Explication de textesà parler, à s'exprimer, dit le program-me « en phrases complètes et cor- Suivant l'entraTnement de ses élè-rectes ». ves, le professeur leur donnera plus

ou moins largement la parole.

Note extraite du programme

Dans tous les exercices de laclasse, le professeur devra exiger queles élèves s'expriment en phrases cor-rectes.

c'est « un des exercices les plus féconds de l'enseigne­ment littéraire l>; elle doit permettre d' « affermir lesacquisitions de la mémoire ». Cela laisserait supposerqU'apprendre par cœur les passages de différentes œuvresest le moyen d'acquérir une culture littéraire, l'aspectpoétique est passé sous silence. Les textes seront choi­sis parmi « les textes donnés en dictée, surtout les textesen vers l> et, comme précédemment dans « les textesexpliqués en classe » afin, sans doute, de favoriser ladiction. Les Instructions de 1966 souhaitent que Je profes­seur choisisse surtout des « textes en vers l>, ce qui nefigurait pas dans les autres textes officiels.

Statut de /'oral : quand fait-on appel à l'oral?

Il est très net que toutes les circonstances où l'oraltient une place ont un point commun : elles ne sont pasnaturelles, l'enfant va parler comme s'il écrivait:

- il fait des exercices de grammaire comparablesà ceux qu'il ferait par écrit;

_ le martre est là pour surveiller la forme plus quepour s'intéresser au fond.

Les Instructions de 1925 sont les seules à recon­naître la nécessité, pour les enfants, d'être « exercés à

parler l> mais les moyens qu'elles proposent pour arriverà cette fin ne semblent pas adaptés. L'enfant parlera àpropos de sujets comparables à ceux qu'il a traités parécrit, dans ces conditions l'oral ne peut être qu'un écritparlé. L'enfant ne doit pas parler mais apprendre à parler.On oublie que l'oral est spontané par rapport à l'écritqui est réfléchi.

Les Instructions de 1966 ne font appel à l'oral quelors des explications de textes mais ce « plus ou moinslargement l>. Les autres Instructions ne disent pas quellepart prennent les élèves dans les explications de textesmais dans la mesure Où le but de ces explications estde mettre en évidence la richesse de la littérature, ilsemble que le rôle principal soit tenu par le professeur.

Seules les Instructions de 1920 mettent en relief lecaractère mobile de la langue, outil qui se prête au« maniement l>.

Statut de la norme

Les Instructions de 1920, de 1925 et de 1966 serejoignent sur le statut fait à la norme; la langue, oraleou écrite, doit être Correcte.

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1.0. 1920 1.0. 1925 1.0. 1966

L'explication grammaticale de cer- Les élèves doivent être exercés Dans tous les exercices de la

tains morceaux sera aussi le moyen de à parler en phrases complètes et cor- classe, le professeur devra exiger ques'élever au~dessu$ du rudiment et de l'actes. les élèves s'expriment en phrases cor~

montrer aux élèves toutes les ressour- rectes.ces qu'offre la I,angue pour exprimerles diverses nuances de la pensée.'" écarter le mot banal mais incolorequi se présentait de lui-même sous laplume.

L'enfant doit apprendre à s'exprimer correctement,en utilisant toutes les subtilités de la langue et en luttantcontre sa spontanéité.

La nécessité d'une langue correcte apparaît moinsnettement dans les Instructions de 1920, l'accent estsurtout mis sur [a richesse et les possibilités de [a langueécrite tout en ayant soin de « s'élever au-dessus du rudi­ment ».

On trouve dans les programmes de 1925 et de 1966 lamême expression ~( phrases correctes» ce qui témoignede ce souci de norme.

L'importance donnée à l'orthographe, particulière­ment dans les Instructions de 1920 et de 1925, (<< tous lesefforts doivent être faits pour que... la faute d'orthographene soit plus.,. qu'une exception ») rejoint le désir de faireacquérir à l'enfant la langue écrite et bien écrite qui estla seule mentionnée et valorisée dans ces Instructions.

Afin de se faire une opinion plus objective des Instruc­tions de 1920, de 1925 et de 1966, il parait intéressant derechercher quelle est la matière à laquelle on accordela plus grande importance (du point de vue des objectifsen particulier).

Instructions de 1920

La composition française est l'occasion, pour J'élève,de fournir un travail personnel, d'affermir sa personnalité,de découvrir la joie d'écrire et de se rendre comptequ'écrire est un art. On ne lui fait pas découvrir cela parl'intermédiaire de la littérature, mais au travers de sapropre expérience lors de la recherche et de « la trou­vaille d'une expression pittoresque ou d'un tout élégant ».Tous les textes officiels étudiés ici s'accordent pourparler d'art à propos de la langue écrite. Mais les Ins­tructions de 1920 parlent de la langue écrite de l'enfant,alors que les Instructions de 1925 et de 1966 pensent àcelle des grands écrivains.

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Tout est mis au service de la rédaction. La gram­maire est considérée comme «' une utile contribution àl'étude de la littérature » et « un auxiliaire précieux pourl'apprentissage de la composition ». L'étude de la litté­rature semble, elle aussi, être au service de l'expressionécrite puisqu'un de ses objectifs est de « reconnaître lesens précis des mots et en apprécier la propriété ».

Instructions de 1925

Toutes les matières semblent avoir une égale impor­tance. Il parait néanmoins que c'est de l'analyse gram­maticale qu'on espère tirer les plus grands profits: ({ con~

naissance et pratique de la langue, formation de l'intel­ligence », Cette absence de primauté d'une matière par­ticulière est liée aux objectifs que fixent les Instructionsde 1925 à l'enseignement secondaire: « sa tâche est,sans les (les élèves) préparer à rien, de les rendre aptesà tout l).

Instructions de 1966

« Les explications (de textes) proprement dites, prépa~

rées et approfondies, sont l'élément essentiel de l'ensei·gnement du français. ») La place occupée par cette ma­tière est grande car le but qui lui est fixé est grand: elledoit former la culture générale de l'enfant. Dans ce mêmebut, les Instructions valorisent la récitation (<< la leçon detexte peut et doit être un des exercices les plus fécondsde l'enseignement littéraire »).

Les Instructions de 1966 oublient le développement dela personnalité de l'enfant, elles ne volent en l'élève qu'unimmense vide à remplir de connaissance.

Une fois de plus, tes Instructions de 1920 semblentbien en avance sur les Instructions de 1925 et de 1966.Elles s'intéressent à l'enfant, elles veulent qu'II apprenneà fournir «( un travail personnel ») aussi bien en lecturequ'en composition française, elles veillent au dévelop~pernent de ( sa personnalité naissante No,

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11 faut noter cependant que les Instructions de 1920concernent indifféremment les trois niveaux de l'E.P.S.et que, en général, cette dernière est une préparation à lavie active «( L'école primaire supérieure tend à produiredes contremaîtres, des chefs d'atelier, des commis dediverses administrations ) (1.0. 1920). Les passages extraitsdes Instructions de 1925 et de 1966 ne concernent queles élèves de sixième et de cinquième, enfants destinésà un enseignement plus long.

Le contenu de ces différentes Instructions Officiellesa de quoi surprendre. Il est étrange de constater que lesInstructions que la majorité des enseignants appliquentne sont pas les plus récentes mais

1) celles de 1920 sur- la méthode d'enseignement de la grammaire

(appel au langage parlé et à la réflexion, ma­niement de la langue) ;

- la composition française (appel à la créativitéde l'enfan\).

2) celles de 1925 sur- la progression analytique préconisée pour l'en­

seignement de la grammaire;- la nécessité, pour les enfants, d'être /1 exercés

à parler ".

Doit-on en déduire

- qu'il y a recul dans les Instructions de 1966;- que deux ou trois générations d'enseignants

sont nécessaires avant que des Instructionssoient réellement appliquées?

Claudine de BIASi,institutriCe en C.E.S.

sur classe à programme allégé.