Esoterismes Soufi, Musulman et Indien, par Robert Linssen

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    Esofrismes soufi, musulman et indien

    Une mise au point s'impose concernant la signification que nousdonnons au terme d'sotrisme. Nous ne voulons pas dsigner parl des mystres cachs, impntrables qui seraient le privilge exclu-

    sif de quelques sectes hermtiques, initiatiques ou occultes. Ce futcertes presque toujours le cas dans le pass. Mais depuis lors, les

    temps ont chang.

    Le moment est peuttre venu de dvoiler la totalit du monde

    des vrits essentielles qui, ds la plus haute antiquit furent tenuessecrtes.

    Les raisons taient surtout de nature psychologique. En fait, lesenseignemennts sotriques, tant gyptiens que chrtiens, qu'extr-mes orientaux taient mls des sciences occultes dont il tait

    videmment souhaitable que des personnes de moralit douteusene soient informes.

    Le secret tait aussi gard en raison des perscutions dont lesmembres de nombreux ordres sotriques ont t de tous temps

    menacs.

    Lorsque nous parlons ici dun sotrisme Soufi ou musulman,

    ou chrtien ou indien nous dsignons des enseignements spirituelsse dgageant de l'emprise des symboles, des formes, des lettres,des querelles mtaphysiques ou thologiques.

    Nous dsirons voquer par l le climat d'une exprience int-

    rieure inaccessible aux dmarches de la logique, de la penseanalytique.

    Au niveau de la Ralit suprme, la plupart des sotrismes serejoignent.

    Les modes d'expression, la technique du langage, les symboles,les formes varient mais le fond essentiel dune spiritualit vivante

    est identique.

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    Les sectes sotriques du monde musulman sont nombreuses.Leur niveau spirituel est trs ingal. Parmi les plus connues il con-vient de citer le Soufisme. Mais le Soufisme luimme englobe diver-

    ses tendances trs ingales. Mentionnons les adeptes de la foi Baha,disciples de BahaUllah, le mouvement Soufi fond par l'artiste indienInayat Khan, le mouvement Soufi beaucoup plus initiatique et so-trique dirig par le Vnrable Iranshar que nous avons longuementconnu Degersheim, en Suisse, les sectes Soufi beaucoup plus her-

    mtiques encore attaches aux enseignements de Muhyiddin Ibn'Arabi, de Abd al Karim ibn Ibrahim al Jli, du Cheik Ahmad alAkrwi(18691934), du Matre Aa Aziz, etc.

    Contrairement ce que beaucoup d'auteurs ont affirm, les Drunes ne sont pas mahomtans. Nous consacrerons une tude partconcernant l'sotrisme Druze s'inspirant surtout du matre gyptien

    Herms Trismgiste, du sage grec Plotin et de Pythagore.

    Du point de vue historique la pense musulmane exotriques'inspire principalement du Coran dont les textes essentiels ont trvls Mahomet au cours de ses mditations, extases et exp-

    riences mystiques.

    La date prcise de la naissance de Mahomet est mal connue.Il serait n aux environs de l'an 570. Une lgende raconte qu'alors

    qu'il tait encore enfant Mahomet fut terrass par deux hommesvtus de blanc. Ceuxci lui ouvrirent le ventre et lui purifirent lecur. Ceci est la version exotrique de l'incident.

    Il est vident que lsotrisme donne une signification tout autre

    et bien prcise cette lgende.

    Mahomet aurait t initi par deux ermites profondment engagsdans la voie de l'Eveil intrieur. L'ouverture du ventre symbolisel'Eveil de ce que les Matres japonais et indiens dsignent par le Hara . Le Hara est considr comme le centre psychosoma-

    tique situ dans l'abdomen. Il serait en relation avec la sagesseinstinctive du corps humain d'une part, et la conscience cosmique

    de l'Eveil spirituel d'autre part.

    La purification du our symbolise le dpassement de l'gosmepar la dcouverte de l'illusion de la conscience de soi.

    Il est noter quun symbolisme identique prside l'ordination

    des chamans en Sibrie.

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    Une autre lgende musulmane rapporte que vers l'ge de 12 ans,

    Mahomet accompagna son oncle Abou Thabib en Syrie. Au coursdu voyage, le moine juif de l'ermitage o les voyageurs s'taientarrts observa que l'ombre d'un arbre restait suspendue au dessusde la tte du jeune garon, malgr le mouvement du soleil. Le moineinterprta cet vnement comme un signe annonant Mahomet un

    destin exceptionnel.

    C'est vers 610, au cours de retraites solitaires qu'il faisait aux

    environs de La Mecque, dans les Gorges du Mont Hira, que Maho-met eut les expriences spirituelles fondamentales qui orientrent

    son existence messianique.

    La tradition musulmane rapporte que l'ange Gabriel lui appartet lui donna l'ordre de prcher. Ces prdications n'eurent pas beau-

    coup de succs dans les dbuts.

    Ce n'est qu'une douzaine d'annes plus tard, en juillet 622 que

    Mahomet parvint recuellir une audience plus attentive. A partirde ce moment, ces prdications lurent beaucoup plus coutes.

    Mahomet dcda Mdine, le 8 juin 632, onzime anne de l'remusulmane ou hgire.

    Parmi les grands reprsentants de l'sotrisme Soufi ou musul-

    man, il convient de citer Muhyiddin Ibn Arabi qui vcut au XIIImesicle et AbdalKarim IbnIbrahim al Jl, qui naquit en 1366 Jldans la rgion de Bagdad.

    Nous ne commenterons pour l'instant que l'ouvrage fondamentalde AbdalKarim IbnIbrahimal Jl : qui s 'appelle 1' Homme Uni-versel (en arabe : Alinsamalkamil). Nous n'en examinerons quequelques fragments essentiels et les similitudes existant par rapport l'sotrisme indien de l'Advata Vdanta.

    Ceci apparat surtout dans les mises en garde constantes con-

    cernant l'action dformante de la pense et la ncessit du silencemental parfait comme condition sine qua non de la vraie connais-

    sance spirituelle.

    Nous lisons ce qui suit dans lHomme Universel, commentairesde Titus Burckhardt (voir bibliographie) :

    La vraie connaissance mystique est souveraine lgard de la raison et peut se servir de cette dernire pour retracer comme

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    par une projection inverse, les ralits qu'elle atteint d'une ma

    nire directe et au del de tout contour mental .

    L'organe de la connaissance mystique n'est pas le cerveau mais le cur o la connaissance et l'tre concident .

    En dehors de ce centre, inaccessible la pense, toute percep tion apparat distincte de la nature de son objet. C'est dans le cur seulement que l'homme est ce qu'il connat et qu'il connat ce qu'il est .

    Cependant, l, o la Conaissance rejoint son propre tre et o l'Etre se connat luimme dans son immuable actualit, on

    ne saurait plus parler de l'homme.

    Dans la mesure o l'esprit plonge dans cet tat, il s'identifie

    non pas l'homme individuel mais l'homme universel (alinsn alkamil) qui constitue l'unit interne de toutes les cratures. L'homme universel est le tout... il est le prototype ternel, illimit et divin de tous les tres .

    L'homme universel n'est pas vraiment distinct de Dieu, il est comme la face de Dieu dans les cratures. Par l'union avec Lui, l'esprit s'unit Dieu. Or, Dieu est tout et en mme temps au dessus

    de tout. Il est la fois immanent et transcendant. De mme, l'es prit dans cet tat d'union, s'unit aux cratures dans leur essence,

    par une intuition directe. En mme temps, il est comme un dia mant qui n'est pntr par rien, parce qu'il participe la ralit divine qui se suffit Ellemme .

    La connaissance unitive peut se traduire sur le plan de la conscience distinctive, soit que son clair transperce soudaine-

    ment le voile de cette dernire, soit que son actualit toujours prsente rende transparente les choses qui s'offrent l'exprience

    humaine .

    Nous retrouvons dans ces textes le climat essentiel des sot

    rismes brahmaniques et bouddhiques.

    Ceuxci ralisent une synthse de l'immanence et de la trans-

    cendance.

    Le point de vue exprimental offre galement des similitudesavec les enseignements de la Voie Abrupte du Ch'an, du Zen et du

    Sentier Direct de l'Advaa vdanta.

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    Il est fait allusion un clair transperant soudainement le

    voile de la conscience distinctive . Le Satori du Zen ou l'Eveil int-rieur du Ch'an chinois voquent le caractre soudain, nonprfigurde l'Eveil intrieur. Plus prs de nous, Krishnamurti insiste sur laspontanit, la gratuit, la lucidit nonmentale de l'tat dans lequelcesse toute dualit d'observateur et d'observ, d'exprimentateur

    et d'exprience.

    Un passage trs rare par son dpassement de tout anthropo-morphisme rejoint entirement le climat le plus dpouill de l'AvataVdanta, comme du Ch'an et du Zen. Nous le reproduisons ici

    dessein :

    L, o la Connaissance rejoint son propre tre et o l'Etre se connat luimme dans son immuable actualit, on ne saurait plus

    parler de l'homme .

    L'exigence du dpassement des conditionnements anthropomor

    phiques constitue le signe distinctif des enseignements de l'sotrisme Advata Vdanta, du bouddhisme sotrique et de Krishnamurti.

    L'une des notions et des facults naturelles enseignes dans'sotrisme indien s'exprime frquemment par des termes tels que omnipntration de la lumire ou encore le dpouillement de

    l'opacit apparente de la matire .Le commentaire de l'sotrisme Soufi dclare que la participa

    tion la ralit divine rend transparentes les choses qui s'offrent l'exprience humaine .

    L'sotrisme indien de la Vue Juste, dans le Vdanta et dans leBouddhisme nous rvle l'existence d'une essence commune formantla ralit essentielle des tres et des choses. Nous finissons paraccorder cette Ralit la place de priorit qu'elle doit naturelle-ment occuper. Nous rigeons en Elle notre seule demeure. Elle servle finalement comme tant notre seul corps, le Dharma Kaya,

    le Corps de Bouddha pour les Bouddhistes, le Corps christique dansl'sotrisme chrtien. Dans cette optique, peine notre regard mat-riel se posetil sur des tres ou des choses, la disponibilit parfaiteque nous ralisons l'gard de notre essence divine nous rvleinstantanment la mme prsence divine au plus profond des treset des choses que nous ctoyons.

    Pour cette raison, Titus Berckhardt dclare dans ses admirablescommentaires sur l'sotrisme Soufi et musulman : On pourra dire

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    que le Soufi connat toutes choses alors qu'il en ignore beaucoup,et l'on pourra dire qu'il ignore les choses de ce monde, bien qu'illes connaisse toutes dans leur essence .

    Lorsque les Eveills disent qu'ils connaissent les tres et les cho-ses dans leur essence, ils n'attribuent jamais un tel pouvoir leur go ni ce qu'il en resterait. Ils savent fort bien qu'ils ne sontrien en tant que moi . Ils savent qu'ils ne sont que des instruments

    dont la transparence et l'effacement intrieurs permettent la Con-science cosmique et l'Amour de s'exprimer en eux et par eux.L'intelligence, l'amour et les qualits que nous manifestons, ne sontrellement prsentes en nous que dans la mesure o nous sommespsychologiquement morts nousmmes.

    Ainsi que l'exprime Titus Burckhardt : La qualit de l'omni science nappartiendra jamais l'homme luimme, quel que soit le degr de sa transparence spirituelle l'gard de la Lumiredivine .

    * *

    L'sotrisme musulman et Soufi de l'homme universel postule

    deux conditions pralables l'Eveil intrieur.

    1) D'abord une Vue juste qui n'est pas une connaissance

    intellectuelle mais une comprhension intuitive, supramentale de lanature vritable des tres et des choses. Cet aspect de connaissance

    pure doit tre complt par l'Etre.

    2) Par l'Etre, lsotrisme Soufi dsigne l'tat rel de l'me,

    l'authenticit de sa totale disponibilit l'essence divine. A cettequalit particulire du psychisme veill, l'sotrisme Soufi donnele nom de beaut intrieure .

    La beau t intrieure comporte la simplicit, l'ampleur, l'har

    monie, l'quilibre. Elle est dj le signe de l'attouchement divin .

    Concernant la simplicit, il convient de rappeler ici la parolechrtienne : Nul entrera au Royaume des Cieux s'il n'est redevenu simple comme un petit enfant .

    Tel est le climat intrieur qu'en d'autres termes, le penseur

    indien Krishnamurti dsigne par l'innocence suprme, l'tat spon-tan, supramental dans lequel les calculs, les peurs, les angoissesde la pense ne font plus obstacle la spontanit de la prsencedivine.

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    LE CONCEPT DE L'HOMME UNIVERSELDANS L'ESOTERISME SOUFI ET MUSULMAN

    L'homme universel est dfini, non seulement par l'Unit des pro-

    fondeurs. Il est aussi cette multitude de sujets connaissants qui s'in-tgre dans l'unit d'une essence unique de toutes les consciences,de toutes les intelligences.

    Sous le rapport de son unit interne, l'Univers manifest estconsidr comme UN SEUL ETRE. Telle est la signification sotriquedu verset 36 du Coran qui claire. Nous avons compt toute chosedans un prototype vident .

    Si l'sotrisme musulman dsigne ce seul tre comme l'HommeUniversel, ce n'est pas en raison d'une concession faite aux conceptsanthropomorphiquesi de l'Univers. Mais les Matres de l'sotrismemusulman et Soufi estiment que l'tre humain, est sur cette terre,l'image la plus adquate de l'Homme universel.

    L'homme universel se rapprocherait du concept indien d'Ishvaraou Seigneur de l'Univers. Il serait un aspect immdiat et concret dela ralit divine.

    Cet aspect tendrait s'estomper dans la mesure o nous allonsplus en profondeur dans l'Unit divine, au mme titre que dans

    l'sotrisme indien, Ishvara, le Seigneur de l'Univers, intervient titre second et driv devant le Brahman.

    LE ROLE DES MEDIATEURS

    L'sotrisme musulman et Soufi diffre de l'sotrisme indiende la Voie Abrupte concernant le rle des mdiateurs indispensables.

    Pour tous les musulmans et pour certains Soufis, Mahomet est

    considr comme le mdiateur universel indispensable. Ce point devue se rapproche par contre de celui du Christianisme. Dans cedernier, le Christ ou la Vierge sont considrs comme mdiateursindispensables au mme titre que Mahomet chez les musulmans.

    L'sotrisme de l'Avata Vdanta des PrajaPatis est trs loignde ce climat. Il proclame que chaque tre humain est le Templevivant de la prsence divine qu'il porte dans le sanctuaire du coeur

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    et que chacun doit se rendre disponible aux richesses de cette pr-

    sence divine, en luimme et par luimme, sans aucun recours des mdiateurs.

    Notons cependant, que la tradition indienne exotrique fait tatde l'indispensabilit du mdiateur, lorsque le chla (disciple)est prt, le guru se prsente sur sa route .

    Parmi les notions fondamentales mises en vidence dans l'so

    trisme musulman et Soufi il convient de citer celle de l'Unit divine.Cette notion se retrouve d'ailleurs dans l'sotrisme et l'exotrismede toutes les religions.

    L'sotrisme Soufi tablit tout un ventail de nuances dans cetteUnit.

    Il y a, d'une part, ce qu'il dsigne par l'Unit suprme (al

    ahadiyah).

    Cette unit n'est pas un aspect du divin. Elle est plutt l'ab-sence de tout aspect, de toute qualit, de toute proprit telles que

    nous les concevons.

    A ct de cette Unit suprme , l'sotrisme Soufi distingue

    ce qu'il dsigne par le terme d'unicit . C'est l'aspect premier dudivin form par la synthse et la totalit du monde manifest, envi-sag dans son unit essentielle et dans ses distinctions.

    Ceci pourrait se comparer aux distinctions de la pense indienne.D'une part, celleci enseigne l'existence du Nirguna Brahman, d-

    pouill de toute qualit, de tout attribut, transcendant l'ensembledes tres et des choses. D'autre part, existe la Saguna Brahman, le

    divin manifest dans ses qualits ou attributs.A l'unit suprme du divin d'une part, et l'unicit correspon-

    dent ce que l'sotrisme Soufi dsigne par les deux dimensions duDivin.

    A l'unit suprme correspond la transcendance, car l'unit su-prme se soustrait toute prise directe. Seule, une succession dengations permettrait son approche. De cette unit divine, nous nepouvons seulement dire ce qu'Elle n'est pas. Telle est d'ailleurs la

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    technique d'approche des matres de l'sotrisme de l'Avata indien

    et du bouddhisme. Dans l'sotrisme Soufi l'unit suprme du divi

    est complte par un autre aspect : l'unicit. A l'unicit correspon-dent les caractres d'immanence. Il est dit que les qualits mme des choses sont relies aux qualits divines de la Prsence suprme

    qui est en elles .

    Les mystiques Soufi voquent ce double aspect de la transcen-dance et de l'immanence divine dans le processus exprimental del'Eveil intrieur.

    Ils dclarent ce sujet que :

    Celui qui savoure une qualit dans sa ralit immdiate, atteint par l, d'une certaine manire la source ontologique infinie de toutes les qualits : l'Etre. Il voit l'aspect limit et individuel des choses comme une corce vaine et illusoire, incomparable ce que ces mmes choses impliquent, en profondeur, de qualitatif et d'illimit. C'est ainsi que la contemplation des qualits qui sont immanentes au Cosmos, rejoint la transcendance divine .

    L'exprience de l'immanence divine au coeur des tres et deschoses ne peut tre ralise que par ceux qui ont ralis de faonvivante, la prsence de l'immanence divine dans le sanctuaire deleur propre cur.

    L'exprience de l'immanence divine est diffrente de celle dela transcendance divine.

    Les expriences de l'immanence divine peuvent encore laisser

    subsister l'individualit de ceux qui les ralisent quoiqu'au termede telles expriences, les rsistances habituelles de l'go subissent

    d'importantes transformations.

    Au cours de l'exprience de la transcendance divine la con-

    science goste familire et les agitations mentales sont totalementlimines.

    Les matres de l'Eveil dans l'sotrisme des PrajaPatis (AdvataVdanta), les matres de la Voie Abrupte du Ch'an et du Zen, ainsique Krishnamurti considrent qu'il est inopportun de parler d'ex-

    prience ds l'instant o l'on voque la transcendance divine.

    A ce niveau, la dualit du spectateur et du spectacle, de l'ob-servateur et des phnomnes observs, de l'exprimentateur et de

    l'exprience se trouve abolie.

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    Le Matre Titus Bruckhardt, de l'sotrisme Soufi dclare quel'exprience de l'Unit Suprme (alahadiyah) implique l'annihila-tion de l'go.

    DE L'ESSENCE DIVINE ET DES QUALITES DIVINES

    L'sotrisme Soufi est profondment influenc par la thologiemusulmane dans ses considrations sur l'essence divine et les qua-lits divines.

    Ainsi que nous l'avons fait remarquer prcdemment, ceci cor-

    respond dans une certaine mesure aux distinctions du Nirguna Brahman et du Saguna Brahman dans l'sotrisme indien.

    Dans l'sotrisme Soufi, l'essence divine (aldht) est le divin

    dgag de tout aspect. Il n'est ni sujet, ni objet d'aucune connais-sance.

    Les qualits divines (aft) sont par contre, les aspectsou qualits par lesquelles le divin se rvle de faon relative.

    L'sotrisme Soufi enseigne que l'essence divine est nanmoinsconnaissable. Mais cette connaissance n'est en aucun cas de la

    nature relative et dualiste qui nous est familire. Elle est essentiel-lement nonmentale et dgag de toute objectivation conceptuellede l'go.

    Jamais, cette Connaissance n'est ralise par l'go.

    Le texte de l'sotrisme Soufi dclare que Dieu se connat Luimme, par Luimme, en Luimme, sans aucune distinction interne .

    L'essence divine n'est jamais un objet de mditation. Elle est

    l'Eternel et Unique SUJET.

    Un texte Soufi de l'Homme Universel dclare que l'Essencedivine n'est connue que par une identification (tahqqdhti) a bo -lissant toute distinction, toute dualit.

    Le Matre de l'sotrisme Soufi Titus Burckhardt dclare cepropos que Toute connaissance diffrencie suppose une certaine dualit du sujet connaissant et des choses connues. Il en rsulte que l'on ne pourra jamais embrasser l'autre compltement : la connaissance sotrique essentielle, par contre, est immdiate .

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    Elle est mme pralable tout acte mental.

    Un texte Soufi dclare symboliquement que : Si le serviteur se dcouvre rellement luimme, il reconnat que l'Essence divine est sa propre essence. Telle est la signification que les Matres de l'sotrisme musulman et Soufi donnent aux paroles de Maho met : Qui se connat luimme connat son Seigneur (Man arafa nafsahu faquaud arafa rabbah) .

    Mais tout l'sotrisme Soufi ne se situe pas ce niveau lev.

    Influenc par la thologie musulmane, une partie importantede l'sotrisme Soufi fait une distinction entre les qualits divines

    et les noms divins.

    A chaque qualit divine correspond un nom divin. Les textes

    de l'sotrisme Soufi enseignent que : C'est par l'irradiation desqualits divines ou des noms divins que le contemplatif passed'un tat spirituel mineur (hl) la ralisation spirituelle fondamen-tale (ahwl) dpassant tous les conditionnements habituels.

    Signalons ici que de nombreux mystiques indiens pratiquent

    des mthodes voquant soit des noms divins, soit des montras (japa)sortes de syllabes sacres dont la rptition dtermine des tatsseconds ainsi qu'une pacification mentale et nerveuse.

    Nous terminerons ce trs bref aperu de l'sotrisme Soufi etmusulman par un texte Abd al Karim al Jl emprunt l'Homme

    Universel.

    Quand Dieu se rvle Son serviteur dans une de ses qua lits, le serviteur plane dans la sphre de cette qualit jusqu' ce qu'il en ait atteint la limite par voie dintgration mais non par

    une connaissance distinctive.

    Finalement, il n'y a l, ni serviteur, ni Seigneur, car s'il n'existe plus de serviteur, le Seigneur cesse d'tre le Seigneur. En ralit il n'y a plus que Dieu seul, l'Unique, l'Un.

    La crature n'a d'tre que par attribution contingente.

    En ralit elle n'est rien.

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    Lorsque les lumires divines apparaissent elles effacent cette

    attribution, En sorte que les cratures n'taient pas ni ne cessaient d'tre.

    Dieu les teignit mais dans leurs essences elles n'ont jamais exist.

    Et dans leur extinction elles subsistent.

    Lorsqu'elles s'anantissent l'Etre revient Dieu.

    Il est alors tel qu'IL tait avant qu'elles ne devinssent.

    Le serviteur devient comme s'il n'avait jamais exist.

    Et Dieu, comme si jamais rien n'avait cess. Cependant, lorsqu'apparaissent les fulgurations divines

    La crature se revt de lumire de Dieu et devient une avec Lui .

    Ceci nous permet d'voquer la parole des Matres de l'AdvataVdanta et de la Voie Abrupte du Zen qui l'on demandait deraconter l'aventure de leur Eveil intrieur. Que leur taitil arriv.

    Et qui rpondent aprs un long silence :

    Mais, il ne m'est rien arriv du tout... je me suis retrouv tel

    que, sans le savoir, j'tais de toute ternit, avant mme que mesparents m'aient conu.

    Le dvoilement de lEssence divine (majl) est un des textes

    les plus profonds de l'sotrisme soufi. Nous n'en citerons que quel-ques versets :

    C'est de la puret du vin que jouit l'Essence divine en toi Toute union hors d'Elle n'est que dispersion

    Elle se dvoile transcendante l'gard de toute description

    Sans analogie et sans qu'il y ait en Elle de relations

    Comme le soleil levant efface la lueur des plantes

    Alors qu'elles subsistent en principe par Lui

    Elle est tnbres sans jour et sans crpuscule.

    Mais en dehors de Sa demeure, la troupe erre dans le dsert.

    Jamais l'intellect n'en vainc la puret pour s'y mler.

    Jamais la pense ne flaire son parfum enivrant.

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    Rien ne rpond la question qu'estElle ?

    Ni nom, ni attribut : lEssence divine est trop sublime pour cela !

    Nous terminerons par lun des sommets de lsotrisme musul-man, le pote persan Ferideddin Attar qui vcut au XIIIe sicle.

    Nous citons ici quelques fragments extraits de son uvre monu-mentale, intitule Le Chant des Oiseaux.

    Dans le chapitre intitul Les oiseaux dans la valle de l uni-

    fication Ferideddin Attard crit ; (p. 166, Emile Dermenghem) :

    Dans la valle de l unification, lhomme naperoit rien dac

    cessible aux sens. Il ny a ni kaba, ni pagode. Apprends la doc trine vritable : lternelle existence de lEtre infini. On ne doit voir personne autre que lui, ne reconnatre comme permanent nul autre que lui. On est en Lui, par Lui, et avec lui.

    Tant que tu vivras individuellement, le bien et le mal exis feront pour toi. Mais lorsque tu seras perdu dans le soleil de

    lEssence divine, tout sera amour...

    Lorsque le voyageur est entr dans cette valle, il disparat

    ainsi que la Terre mme quil foule aux pieds.

    Il sera perdu parce que lEtre Unique Se manifeste : il res fera muet parce que lEtre unique parlera. La partie deviendra le tout. Ltre que jannonce n'existe pas isolment : tout le monde

    est cet tre, existence ou nant : Tout est cet Etre.

    Trente oiseaux seulement y arrivent et trouvent comme le Ph nix, dans l'anantissement, le commencement d'une nouvelle exis

    tence.

    L'ombre se perd dans le soleil, il n'y a plus, ni guide, ni voya geur, le chemin cesse d'exister.

    Lorsque l'Ocan de l'immensit vient agiter ses vagues,

    comment les figures qui sont traces sa surface pourraientelles subsister ? Ces figures ne sont autres que le monde prsent et le monde futur. Celui dont le cur s'est perdu dans cet ocan d'amour y est perdu pour toujours et y demeure en repos.

    Dans cette mer paisible, il n'y a pas d'autre chose que la flicit divine ...

    Robert LINSSEN.

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