Esclave Magique Guaita

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  • 5/25/2018 Esclave Magique Guaita

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    (SECTION 12)

    Le Pendu (douze)

    Sacrifice volontaire - Interfrences de plans.

    (L'Esclavage Magique)

    !

    CHAPITRE V

    L'ESCLAVAGE MAGIQUE

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    TOURNONS un feuillet du Livre des Arcanes. C'est une dconcertante et bizarrenigme que nous propose sa douzime clef. La lgende, au bas de l'emblme,nave et brutale, ne nous apprendra rien : LE PENDU.

    Mais quel trange pendu!

    Sur un tertre s'lve le gibet improvis, en forme de Thau hbraque. Il se rduit une traverse horizontale, que maintiennent hauteur voulue deux supportsverticaux, fichs en terre. Ce sont de jeunes troncs d'arbre, encore munis de leurcorce et grossirement branchs : six rameaux, abattus d'un coup de hache leur naissance, forment autant de nuds artificiels sur chaque support. En tout, celafait douze nuds, le nombre du feuillet.

    A la poutre transversale, un homme, la tte en bas, et suspendu par le piedgauche. La jambe droite replie forme la croix avec l'autre jambe. Deux sacsd'argent pendent de chaque ct, sous l'aisselle; il s'en chappe des cus. Les brasdu patient semblent lis derrire son dos, en sorte que les coudes dessinent, avec le

    chef renvers, un triangle la pointe en bas, triangle que la croix des jambessurmonte... Au premier coup d'il, s'impose, l'hiroglyphe bien connu desalchimistes1. Il s'encadre ainsi dans le carr que forme le gibet avec la ligne du sol :

    La douzime clef du Tarot nous initie aux gloires et aux misres de l'Esclavagemagique.

    C'est qu'il y a, en magie, deux sortes d'esclavages, le bon et le mauvais, celui del'Esprit et celui de la Matire: l'esclavage du devoir, de l'altruisme et dudvouement; l'esclavage des passions, de l'gosme et de la routine.

    L'adepte de la haute science est ce supplici symbolique. Retenu entre ciel etterre par les exigences de la mission qu'il s'est choisie, il reste exil du. Ciel causedu corps prissable qui le soumet l'attraction physique; et ses pieds ne foulerontplus, les avenues de l'Illusion terrestre, dont les doux mirages lui sont interditsdsormais: car la discipline qu'il pratique a dessill ses yeux. Il ne peut plusde bonne foi s'enivrer aux caresses de la charmeuse Maa, si

    blouissante dans l'clat de sa parure mensongre, et si dsirable aux:hommes dans l'imposture de sa souriante beaut!

    C'est l'adepte parfait que nous peignons lu, l'tre surhumain qui,

    parvenu au sommet du triangle de sapience, n'a plus rien recevoirde la terre, mais peut avoir encore beaucoup lui donner: ce que

    figurent les pices d'argent, tombant en pluie sur le sol. Ses bras, lis

    pour le mal, sont encore libres pour la bienfaisance et l'amour.

    Si rare est le mage vritable, surtout notre poque d'initis

    spculatifs ou incomplets et de mdiums douteux, que celte

    interprtation marque plutt un idal poursuivre, qu'une ralit fr-

    1 Nous pourrions, ce propos, dire quelque chose du Grand-uvre; mais le chapitre vii du prsent tome,Magie des transmutations, nous a paru mieux qualifi pour des notes de ce genre. La Clef de la Magie noire sefermera sur quelques donnes trs prcises (L'Alchimie proprement dite)

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    quente inscrire au livre d'or des filsde la Science et de la Volont.L'esclave de la matire pullule, en revanche.

    Pour ce qui le touche, les dtails du pentacle XII se commentent

    d'eux-mmes, Si nos Lecteurs sont curieux nanmoins d'un

    dchiffrement analytique, nous laisserons cette fois leur ingniosit

    satisfaire cet exercice, en appliquant la loi bien connue de l'analogie

    des contraires. Et puis, le chapitre entier va paraphraser copieusement

    l'interprtation dsastreuse, bien plutt que le sens faste et glorieux de

    l'emblme.

    Deux remarques semblent pourtant essentielles mettre en valeur.

    On sait que le Thau ", dernire lettre de l'alphabet sacr, signale toute priodeconsomme, toute opration accomplie, et aussi chaque tour successivementrvolu d'une spirale sans fin. Le Thau s'inscrit ici dans la forme de la potence qui

    signifie la mort et la rgnration, mystiques; il marque la clture du cycleduodnaire, premier que de reparatre pour symboliser, dix lames plus loin, larvolution intgrale des XXII hiroglyphes claviculaires du Tarot. Notez que cettefigure du Thau se retrouve, invariablement, au chiffre de clture de tous les cyclesmineurs: elle s'esquisse dans la forme, du chariot, l'arcane septnaire; dans lesupport de la Roue de Fortune, larcane dnaire. Cela est caractristique.

    Notez enfin qu' l'examen de la carte qui nous occupe, si nous compltons lecarr, en supposant droite (et non sinueuse) la ligne du sol qui ferme le thau par labase, nous obtiendrons le symbole des quatre lments, encadrant la figurehumaine, circonscrite dans la gele de l'existence lmentaire.

    Sans revenir sur ce que nous avons notifi au Seuil du Mystre2, il semble proposde souligner, en consquence, que l'arcane XII concerne exclusivement l'hommedescendu dans la dchance de la chair.

    En effet, lorsqu'on songe aux destines de l'homme universel avant sa chute, oumme au sort de l'homme individuel dans les libres espaces de la vie thre,l'incarnation terrestre apparat la mise en captivit prludant au plus dur esclavage.

    Du haut du Ciel profond, vers le monde agit S'abaissent les regards desmes ternelles: Elles sentent monter de la terre vers elles L'ivresse de la vie etde la volupt;

    Les effluves d'en bas leur desschent les ailes,

    Et, tombant de l'ther et du cercle lact,

    Elles boivent, avec l'oubli du Ciel quitt,

    Le poison du dsir, dans des coupes mortelles3...

    La flamme vivante, descendue en voltigeant vers un mirage embaum de fleursmerveilleuses, a roul, brusquement captive, dans la boue: sa lumire parat s'y

    2 Pages 137 et suiv. de la 5e dition.3 Louis Mnard, Rveries d'un paen mystique, Paris. 3e dition, page 30.

    Qui donc a dit que le verbe potique rpugnait la renonciation de l'austre Doctrine? Il parait impossible d'enmieux formuler l'enseignement sur ce point, en moins de mots, et plus sobrement expressifs.

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    teindre et sa conscience s'y noyer: c'est un engloutissement morne. Les fleurssductrices masquaient la glu fangeuse

    Et voici! Un ange est mort au Ciel, un enfant natra sur la terre.

    trange mystre, en vrit, que celui qui prside la descente des mes aucloaque de l'existence matrielle, o elles doivent subir linfamante incarnation.trange mystre, et lugubre. L'Amour en tient les clefs4.

    n'envisager l'Amour qu'au point de vue du Dsir qui le manifeste, est-il rien deplus insondable que l'essence de cet obscur attract, dont le magntisme se faitgalement sentir sur les deux rives de la Vie? C'est la force d'Inah; terrible etdouce; elle gouverne le flux torrentiel des gnrations...

    L'Inah de Mose quivaut lAphrodite d'Homre, lalma Venus5de Lucrce.

    Evocatricc des mes sur le rivage de l'illusion physique, la Charmeuse couvred'une parure mensongre les tristes ralits de la chair et du sang. Sur tous les plans

    de l'existence, son rle est de sduire.

    Sa fantasmagorie fait scintiller l'illusion d'un paradis au fond du gouffre de l'enferphysique, et les mes se laissent prendre son pige d'incarnation, comme, unefois incarnes, elles se laisseront prendre son pige d'union sexuelle. Vnus a be-soin d'exercer paralllement cette double et complmentaire fonction sductrice,afin de garantir, par les Ilots successifs de la gnration, la perptuit du transitoireobjectif. Que la desse veuille capter les mes ou accoupler les corps, ses moyensne varient gure: Je Dsir est sa voix solliciteuse, et son divin pige, c'est la Volupt.

    Car il faut bien formuler enfin ce que notre Public a dj pressenti, peut-tre;

    c'est qu' l'appel de Vnus, un trouble sensuel trs intense, une irrsistible soif, dejouir envahit 3es mes au dclin de leur vie armale. Exceptons celles de qui lanature, entirement spiritualise, noffre plus de prise au flux rtrograde desgnrations. Toutes les autres, quand lheure a sonn d'une nouvelle preuve, selaissent charrier au torrent: le monde physique o il aboutit leur apparat un den delascive batitude; bientt la passion succde au dsir et le centre animique estenvahi. L'incurable amour dont ces mes brlent alors pour la matire marquel'agonie de leur existence suprieure. Des qu'elles ont consenti leur dchance, lecourant les entrane et les roule en ses remous: leur mentalit se trouble, leur cons-cience s'affole, leur substance s'paissit. Ravies par l'attraction fluidique de laplante prdestine, un vertige indescriptible leur voile l'horreur d'une dgradation

    imminente, et lorsqu'enfin la matire les engloutit, elles perdent connaissance dansl'ivresse, des volupts.

    Il s'en faut d'ailleurs qu'en tous les cas l'incorporation suive immdiatement lachute. Les Psychs demeurent parfois un temps trs prolong en instanced'incarnation; elles errent alors, dans une demi-inconscience, aux rgions infrieuresde l'Astral plantaire. Elles peuvent influencer les mdiums, possder les faibles, etmme, en des cas heureusement assez rares, s'incarner par surprise, comme nousl'avons dit. Ordinairement, tout tourdies et dpayses, le serpent fluidique d'Ashiah(qui s'enroule autour du globe) les emporte en cercle; jusqu' ce que les exigencesphysiologiques tant satisfaites, elles trouveront s'incorporer, selon des lois

    inconnues d'appropriation et d sympathie slective. Ces lois gouvernent les

    4 Cf. Au Seuil du Mystre, pages 143-144.5 Notez que Venus est rponse de Vulcain, principe du feu terrestre.

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    rapports entre ces mes errantes et les couples humains qui leur livreront l'accs dumonde matriel.

    La mme ardeur que les mes prouvent descendre dans la chair, ellesl'inspirent aux terrestres gniteurs dsigns pour leur en ouvrir la porte.

    On ne peut expliquer la slection naturelle par le hasard, car un mot n'expliquepas un fait. S'il y a choix, il y a discernement; toute nergie suppose une volont.Mais est-ce la ntre? Non, c'est une volont trangre6; l'amour n'est pas une action,c'est une passion, Les Puissances cosmiques nous l'envoient pour nous employer leur uvre cratrice, en faisant descendre des mes dans la naissance. L'Amour,c'est un enfant qui veut natre; les anciens l'appelaient de son vrai nom, le Dsir (Ers,Cupido), parce qu'en effet c'est le Dsir qui appelle les germes l'existence. II y aautour de nous des mes qui veulent s'incarner: pour cela, elles se changent endsirs et sollicitent les vivants de leur donner un corps. L'Art grec les reprsente pardes enfants ails: ce sont les dsirs qui voltigent autour des amants,

    La Beaut est mre du Dsir, d'aprs la mythologie. Qu'est-ce que la beaut?C'est une harmonie de lignes, une pondration de formes qui annonce l'aptitude lclosion des germes et au perfectionnement de la race. L'ampleur des hanches, lafermet de la gorge sont des garanties pour l'enfant qui natra. Les mes errantesnous poussent vers nos complmentaires; elles choisissent pour entrer dans la vie lesconditions organiques dont elles ont besoin, et elles nous imposent leur choix sansnous consulter. Ce choix est rarement d'accord avec nos convenances sociales; cen'est pas leur faute, elles ne connaissent que les convenances physiologiques7.

    Peut-tre ne faut-il pas interprter trop la lettre-la prose dlicieuse et potiquede Louis Mnard8, plus prcis tantt, quand il chantait. Nous n'avons pu nousdfendre de transcrire ces lignes pour la satisfaction de nos Lecteurs; car elles sontsuggestives et rvlatrices qui sait lire et comprendre.

    La prexistence de l'me, sa dfaillance et son naufrage au gouffre de la matiretaient bien connus, dans l'Antiquit, des adeptes de toute cole, L'Art augustes'empara de ces notions. Pour traduire en une langue accessible aux profanes ladoctrine universellement reue dans les temples, les rhapsodes-initis latransposrent en emblmes: leur verve prodigua toutes les parures de la posie etdu rythme, aux cent fables, gracieuses ou terribles, dont les scribes du sanctuaire,ces matres gardiens du Symbole, avaient formul le thme initial. Ainsi partout setrouvrent brodes, sur un canevas thosophique invariable, les multiples images dtant d'clatantes Mythologies.

    Dans la lgende dnale, que Mose inscrivit en fronton son difice duBershith, il ne semble point tmraire de voir le prototype de toutes cellesanalogues, et relatives au mme arcane. La dchance d'Adam-Eve est unetradition mystique, vraisemblablement emprunte aux gyptiens qui la tenaientdes Hindous. Peut-tre Mose en recueillit-il mme la notion originaire dans la cryptemadianite, o Jthro conservait pieusement le trsor doctrinal des premiers ges.Elle remonterait ainsi jusqu' la synthse scientifique issue du gnie de la race noire,et se rattacherait par elle la symbolique antdiluvienne des Atlantes, au cycle

    6 trangre l'homme individuel qui la subit, Cf Chap. iv, pages 372 et suiv.7 Rveries d'un paen mystique, p. 80-81.8 Les mes qui se changent en dsirs et choisissent les conditions organiques dont elles ont besoin ; la Beaut

    rduite . une promesse de fcondit, etc., constituent des -peu-prs d'expression; mais les thories n'en sem-blent pas moins belles et profondes.

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    primitif de la race cuivre9.

    Quoi qu'il en soit, cette fable a des correspondances dans tous les symbolismes.La dsobissance de Pandore, celle de Proserpine, sont en stricte analogie avec ladsobissance d'Eve. Ici, c'est un fruit dont il ne faut pas goter, l c'est une botequ'il est dfendu d'ouvrir, ou encore une fleur dont il faut respecter la tige. Mais la

    curiosit fminine l'emporte, et la pomme est mange, et la bote est ouverte, et lenarcisse cueilli. La prvarication d'Eve exile du paradis terrestre le premier couplehumain; celle de Pandore fait pleuvoir sur le monde des maux qu'il n'aurait du jamaisconnatre; celle de Proserpine aboutit son enlvement par Pluton, qui l'entraneaux gouffres infernaux.

    La fable de Psych recle un sens identique, sous un symbolisme qui diffre peu,et l'analogie s'impose.

    Que d'autres mythes on pourrait invoquer, expressifs de la mme doctrine, quoiqued'une similitude entre eux moins rigoureuse, quand la forme?

    Partout, c'est le rcit d'une catastrophe humiliante, joint la promesse d'unerhabilitation de l'tre dchu ou dpossde. L'sotrisme des anciens mystres,toujours immuable dans son dogme, comportait invariablement pour supportsymbolique une fable de ce genre10.

    C'tait, Eleusis, l'enlvement de Persephon (ou Proserpine) et les infructueusesprgrinations de Dmler, (ou Crs), parcourant le monde la recherche de safille.

    Persephon, vivante image de l'me humaine, dsobit sa mre (la Naturecleste). Sduite par les conseils du perfide Ers, elle cueille et porte ses lvres le

    narcisse toile, emblme du dsir. A peine en a-t-elle respire le parfum, qu'une

    9 Cf. Fabre d'Olivet Histoire philos, du genre humain, tome I, pages 326-327; et Saint-Yves, Mission des Juifs, 414et suiv.

    10 Partout c'est un Dieu tu, dchir, dmembr les gants; c'est une desse qui le cherche; qui, en le cher-chant, parcourt le monde; qui, en le parcourant, donne les murs, les lois, fonde les cits, donne la nourriture,donne les arts, le culte, les rtes: c'est un Dieu, tu, dmembr pur les gants, qui, aprs bien des combats et desdouleurs, ressuscite et demeure enfin triomphant et victorieux. C'est, en Phrygie, Cyble dsole de l'infidlit d'Atys, qui parcourt le monde en furieuse, et le force se mutilerde dsespoir de l'infidlit qu'il lui a faite.

    En gypte, c'est Isis, dsole de la mort d'Osiris, que Typhon a tu, en trahison, en lui faisant essayer soncercueil; que les gans ont dchir en pices; qui parcourt le monde pour en rassembler les membres, qui lesrassemble tous, hors le membre viril dont elle consacre une image; et en parcourant le monde, elle lui donne leslois, les arts, le culte, la nourriture; et Osiris, aprs bien des peines et des combats, est vainqueur de Typhon et des

    gans, et ressuscite pour le bonheur du monde. En Phnicie, c'est Vnus dsole de la mort d'Adonis, que le cruel Murs a tu, dguis en sanglier ;'qui parcourtle monde pour retrouver son corps; inuis Adonis terrasse enfin l'immonde animal, ressuscite glorieux et consoleVnus. En Assyrie, c'est Salambo et Blus, a qui il arrive les mmes aventures. En Perse, c'est Mythras et Mythra. Chez les Scandinaves, c'est Freya et Balder, qui il arrive les mmes accidens. A Samothrace, Troiea en Grce, Rome, cest Cres, dsole, de l'enlvement de sa fille, qui parcourt leinonde, qui ne peut se consoler que lorsqu'elle a vu le gouffre par soit PIuton la enleve. C'est Bacchus tu,dchir, dmembr par les gans, dont Pallas a trouv le cur encore palpitant, dont Crs rassemble lesmembres, qui ressuscite, parcourt toutes 1rs nations, remplit le monde de ses exploits, demeure vainqueur etprend sa place parmi les dieux. (Q. Aucler, la Thrcie, p. 34-36.)On conoit assez que le dieu dmembr par les gants (forces brutal as de lu Nature physique), c'est le Principeontologique de l'homme, qui se dsintgre par sous-multiplication, travers le temps et l'espace. La desse quilui vient en aide, et qui prpare son apothose en rassemblant ses membres pars, c'est l'Humanit cleste et

    providentielle, descendue au secours de l'humanit souffrante et terrestre, lui envoyant des Messies, luienseignant l'intgration sociale pendant l'existence et la rintgration mystique aprs la mort. Enfin, larsurrection du dieu, son apothose, c'est le retour des sous-multiples l'Unit, de la matire diffrencie h lusubstance premire, du temps l'ternit, de l'espace l'Infini: c'est l'homme-synthse rendu la gloire de sesdestines divines.

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    dfaillance la saisit: le sol tressaille, s'entrouvre et livre passage au char de Pluton,attel de sinistres chevaux la crinire de tnbres. Le dieu des expiationss'empare de Persephon, la ravit sur son char d'bne, et tout s'effondre dans lanuit, labme s'est referm11. Voil bien l'attraction du feu terrestre, qui, trouvant prisesur toute me alourdie par la concupiscence, l'entrane au fond du gouffre desgnrations, dans le royaume de la vie physique et de lpreuve.

    Proserpine pouse Pluton (le principe de l'attraction igne), et devient reine dumonde infrieur.

    Sur ces entrefaites, Jupiter, attendri par les prires et les larmes de Crs (laNature cleste), dcide que Proserpine lui sera rendue, si pourtant elle a su s'abstenirde toute nourriture, au sjour des enfers. La malheureuse n'a rien pris, si ce n'est troisgrains de grenade: c'en est assez pour qu'elle appartienne au dieu noir!... Mais Zeusmitig la rigueur de la sentence primitive. Persephon partagera son existence entreDmter et Adone: elle vivra six mois au Tartare, prs de son poux, et six mois auCiel, prs de sa mre.

    Le sens occulte de l'ingnieuse allgorie transparatra mieux au prochainchapitre, la Mort et sus Arcanes. Qu'il suffise d'observer que la nourriture est icil'emblme d'une assimilation des choses terrestres la pure substance de l'me. Silme s'est entirement matrialise durant son preuve corporelle, les enfers laretiendront pour jamais captive, la sortie du corps; si elle a su se prserver de toutemacule, elle sera pour jamais rendue la vie du Ciel, Mais au cas plus ordinaire ol'me ne s'est assimil, comme Proserpine, qu'une plus ou moins faible portion del'aliment dfendu, la Terre aura sans doute acquis des droits sur elle, sans que sanature cleste ait abdiqu pour si peu. Ses destins se partageront ds lors, commenous le pourrons, voir, entre le Ciel et la terre, dans la succession de ses existencesalternes: jusqu'au jour de son puration totale et de son retour l'essence.

    Le mystre de l'incarnation des mes a inspir Saint-Yves, qui lui doit une de sesplus belles pages, de celles o le noble pote se souvient qu'il est un grand initi. Lesaustres leons de la science y sont transposes en matire d'art, avec une matriseet un tact exquis; et ce nous est scrupule et presque remords d'avoir d mutiler cetteprose lyrique, afin d'en tirer de profitables extraits.

    L'me descendue dans la prison du corps nous, conte l'odysse de sa chuteindividuelle. La voici sur la terre.

    ...Ainsi cette me est ne au monde des effigies et des preuves; et elle en crie.

    Son lment tait le fluide cleste, la lumire intrieure de l'Univers, l'therspiritueux, le dedans et l'endroit de la substance cosmogonique.

    La voil l'envers, au dehors, en pleine nuit.

    Elle ne voit plus son corps cleste: il s'clipse.

    Elle en a perdu la science la conscience, la vie relle. Son intelligence seferme, sa clairvoyance directe ne voit plus, son entendement n'entend plus, sa sen-sibilit psychurgique est partout accable.

    11 Lire dans les Grimas Initis (pages 422 et suivantes); lit scne de l'enlvement de Persephon, trs habilementremise au point par M, Edouard Schur, selon l'esprit des Eleusines.

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    Entre elle et l'Univers s'interpose un obstacle terrible: quelque chose d'obscur etde limitant, de courbe, d'obtus, d'acre et de chaud, trange compos qui bruit etfourmille, voile savamment et artistement tiss, repli sur lui-mme et sur elle, donttoutes les contextures animes, images de l'Univers, en communion prcise avec lui,figures des facults de l'me, en conjonction substantielle et spcifique avec elle,s'enlacent et l'enlacent dans les mandres tortueux, des organes et des viscres:

    c'est le corps.

    Si Se corps crie, c'est que rame souffre.

    Elle veut fuir, mais elle retombe sous une irradiation qui lui rappelle la lumirevivante, lnah, la Substance cleste: c'est un baiser maternel.

    Parfois il lui semble qu'elle est morte. Elle se rap pelle comme dans un songel'immensit de celle lumire secrte o elle se baignait nue dans des tourbillonsresplendissants; les croupes, les vallons thrs d'un astre aim, sans atmosphrelmentaire, sans attraction physique, monde des essences, des armes et desparfums de la Vie, d'o elle entendait monter et descendre les harmonies et lesmlodies intrieures des temps et des espaces; d'o elle s'lanait, frmissante, lavoix intime des bien-aims et des bien-aimes, pour contempler Shainani, l'ther, lamer azure du Ciel, les les, les Hottes sidrales, les mouvements de leurs Gnies-animateurs et de leurs Puissances animatrices.

    Comme un reflet d'toile sur une eau qui frissonne, un souvenir tombe ettremble encore en elle de la grande ralit.

    Elle exhale encore la cleste ambroisie des Mystres ternels du Saint-Esprit, etles effluves de Vautre monde ne s'vaporent que lentement de sa balsamiqueessence que la mre boit, respire et baise, avec une ivresse trange pour les

    profanes.

    Ne t'envoie pas, doux reflet de l'astre des mages! Immortelle, souviens-toi!

    Elle croit les voir encore, les blanches, les divines, hommes et femmes, desseset dieux, diaphanes, lumineuses formes, types de la Beaut, calices de la Vrit, semouvant, planant, s'enlaant dans les ondes magiques du cleste Amour, dans lescommunions blouissantes de la Sapience.

    Ne sont-ce point encore les thories sacres, les pomes vivants du Verbeocculte, les hymnes des Penses cratrices, les symphonies des sentiments anima-

    teurs, les enseignements hirarchiques des cercles psychurgiques, le trouble saintdes grands Mystres, rayons du Dieu dont la lumire est l'ombre, le sillon lumineux,le vol armal des Gnies, des Envoys, des Intelligences parfaites, des Espritsimmortels, des Ames victorieuses et glorifies.

    O vertige! n'est-ce point encore le quadruple cercle infrieur des mesmontant et descendant, l'ocan fluidique, tincelant, sur lequel passe la brise del'Amour, dans le fond duquel crient la Naissance et la Mort?

    N'est-ce point encore,..? Mais qu'allais-je dire?

    Que s'est-il donc pass? Chante, fille des Dieux coutez!

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    Un grand trouble, un vertige, un enivrement subit, une lourdeur trange, unmagntisme lointain, une attraction douce et terrible, une incantation des astres, unmot d'ordre, un cri de sphre en sphre, des adieux dchirants la vie suprieure,aux bien-aims, une prire, une crmonie solennelle aux rites funbres, unedernire treinte, un dernier baiser, un serment de se souvenir et de revenir, unGnie aux pieds ails qui prend l'Immortelle et l'entrane vers les gouffres, l'immensit

    d'en haut qui se ferme, celle d'en bas qui s'ouvre avec fracas, l'ocan tumultueuxdes gnrations, abmes d'mes gagnant ou quittant la cime ou le fond del'atmosphre d'un autre astre, bataille lectrique des passions et des instincts de laterre.., puis... quoi donc?

    C'est l'orbe de la terre, c'est l'ocan mtallique d roula ni ses flux, enroulant sesreflux.

    On traverse des tourbillons d'mes qui montent,s'abaissent ....

    Ce sont dans l'atmosphre, les nues, les grands courants polaires, les soufflesde l'orient, les rafales de l'occident, les fleuves ariens secouant l'cume des nua-ges, enroulant leurs serpents lectriques; c'est l'ocan infrieur de l'air, avec sesquatre rgions, celle des ailles, des grands migrateurs, des alouettes.

    Dans cette dernire, commence le rgne del substance plastique sur la terre,avec ses quatre nmes: minral, vgtal, animal, hominal, et ses sept tourbillons dePuissances gnratrices et de gnrations.

    Aprs les cirques et les amphithtres vertigineux des montagnes blanches,aprs la ferie blouissante des glaciers et. des abmes, voici venir l'infini les mollesondulations des collines vertes, l'coulement cumeux des torrents, le serpentement

    caill des rivires et des fleuves mtalliques, le balancement des forts sonnantes,l'immensit circulaire des campagnes herbeuses, o courent en se jouant desfrissons.

    C'est la terre, l'une des mille citadelles du royaume de l'homme, fils immortel etmortel de Dieu-les-dieux...

    Voici les cercles de pierres de mtropoles, des cits, des villes et des villages,avec le bourdonnement des voix d'airain, qui, du haut des dmes et des clochers,scande et annonce, au-dessus du fracas des grandes eaux populaires, la Naissanceet la Mort.

    L'Immortelle s'arrte brusquement; Rattachant avec force la clart des astres,elle mesure l'espace parcouru, la distance qui la spare des cieux.

    O suis-je? Ciel, terre, tout a disparu; mais une attraction invinciblem'enchane tout entire.

    Ame immortelle, voici ta mre

    Au nom de Dieu, au nom de la Nature, au nom Yod et de Hvah, voici ta patrievivante ici-bas.

    Sois unie elle par toutes les Puissances magiques rie la Vie!

    Adieu!

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    Elle se rappelle encore ses entretiens avec l'me maternelle, leur indivisible etmutuelle pntration, leurs communions mystrieuses, pleines de souvenirsd'esprances surterrestres, douleurs et joies, frissons, extases, musiques muettes; Jelong enroulement des neuf cercles slniques, l'incantation des pignses, puis,une souffrance cruciante, terrible, une vapeur sulfureuse, un effluve ferrugineuxmontant brusquement des gouffres igns de la terre, tourbillonnant, l'arrachant

    rame maternelle, la clouant un vide pneumatique, un antre pulmonaire,mouvant,... un cri dans cet antre, dans cette effigie creuse, et le Souvenirventre dans ses profondeurs avec les lunettes clestes.

    II ne revivra que par la Science12!...

    Ainsi, la naissance physique est la vritable mort des mes, et la mort physiqueleur vritable renaissance,

    L'initiation; ce rveil de l'me en somnambulisme, ici-bas, ce Remember de la

    grande ralit ultra-terrestre, l'initiation tait considre par les anciens adeptes

    comme figurative de la mort, et procurant un avant-got de l'existence armale,intrimaire aux incarnations.

    L'me (nous dit Stobbe), prouve la mort les mmes passions qu'elle ressentdans l'initiation, et les mots mmes rpondent aux mots, comme les chosesrpondent aux choses. Mourir ou tre initi, s'exprime par des termes semblables: cen'est d'abord qu'erreurs et incertitudes, que courses laborieuses, que marchespnibles travers les tnbres paisses de la nuit. Arriv aux confins de la mort, oude l'Initiation, tout se prsente sous un aspect terrible; ce n'est qu'horreur,tremblement, crainte, frayeur; mais ds que ces objets effrayants sont passs, unelumire miraculeuse et divine frappe les yeux, etc.13

    Apule s'exprime en ternies analogues14.

    Un initi du vieux monde, quand on l'interrogeait sur son ge, rpondait volontiers:je suis mort en telle anne (celle de sa naissance corporelle); telle date (cellede son initiation), je renaquis en esprit. Et il comptait son ge, non point d'aprsson grade, comme nos francs-maons ont coutume de le faire, niais chuter deson admission aux mystres des dieux. Alors, comme de nos jours, il n'tait pointrare d'entendre un homme fait, un vieillard mme, annoncer qu'il avait trois ans.Cette nigmatique rponse, qui veut dire notre poque: Voyez en moi un

    simple apprenti, signifiait alors: il y a trois ans que je suis initi.

    Mais revenons aux arcanes de la Naissance.,

    L'incorporation matrielle de la Psych ne compromet aucunement les rapportsqui la faisaient participer l'harmonie des mondes invisibles; mais cet accidentastreint l'Immortelle une communion indirecte avec l'Univers physique, dont elledevait ignorer les servitudes.

    Les mes humaines appartiennent par essence la rgion animique du grandTout cet organisme colossal dont l'univers matriel n'est que le corps visible. Enprenant corps elles-mmes, les aines tombent dans le domaine propre de la Naturenature, et sous le joug plus troit du Destin qui la gouverne.

    12 Le Testament Lyrique, Alexandre Saint-Yves, Paris, 1877, in-8 (pages 5 10, passim).13 Stobbie, cit par Richard, Recherches sur les initiations anciennes et modernes, Amsterdam. 1779, in-8, pages 42-

    43.14 Cf. L'Ane d'or, in fine

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    Dsormais, l'Univers possde intgralement l'tre humain: des rapportsd'anatomie et de physiologie occulte rattachent et homologuent l'individu dans sonensemble au total Cosmos, et chaque dtail de la constitution humaine au dtailcorrespondant de l'organisme universel.

    On voit sur quelles bases, la fois mystiques et rationnelles, les anciens

    thosophes difiaient leur systme d'analogies, quand ils qualifiaient l'homme terresde Microcosme (ou de petit monde), rigoureusement assimilable en son toutcomme en ses parties, au grand monde ou Macrocosme.

    Cette possession de l'individu humain par la Nature dchue s'affirme l'instantmme de la conception, et se confirme chaque nouveau stade, dans l'volutionet le dveloppement du ftus.

    On peut dire que ce rudiment corporel, progressivement labor sur le patronfluidique du corps astral, est le terrain o se rgle un compromis entre-les Puissancesdu Ciel et de la terre. Tandis que les virtualits latentes de l'espce et de l'individus'efforcent de produire une enveloppe aussi approprie que possible 1tre quiprend corps, il semble que le Gnie de l'univers physique, contrlant cette auto-gense, veille en matriser de toutes parts, ou du moins en rpartir la libreexpansion. Ainsi, au fur et mesure de la croissance, il rattache par d'invisibles lienschaque cellule, chaque fibre, chaque organe naissants, aux diverses rgions del'Univers qui leur sont analogues et correspondantes; il distribue harmonieusement endeux utiles les influences des astres, des clments et des orbes magntiques de laplante, et rgle, par rapport au ftus, la juridiction naturelle des Puissancesoccultes qui prsident l'activit formatrice, sous les divers modes applicables auplan matriel.

    La connaissance de ces rapports, et la mise en uvre raisonne des lois dont ilstmoignent, constituent la science et l'art que les anciens auteurs englobaient sousl'appellation de Magie naturelle. Cette magie serait, les entendre, celle quipermet l'homme d'accomplir des uvres, en apparence miraculeuses, parl'emploi des seules forces de la Nature, et sans recourir l'vocation des Esprits nimme ctoyer la limite du Surnaturel .

    Incorrecte dfinition, qui s'taie d'une conception trs fautive de l'Univers, de sonprincipe de ses lois et de salin. Un tel langage serait, sur les lvres d'un adepte, lamarque certaine d'une initiation foncirement errone, si les dures exigences destemps de perscution et de fanatisme ne justifiaient assez les meilleurs thosophes,devoir adopt la terminologie reue des scolastiques alors pontifiants.

    Nos Lecteurs savent dj que le Surnaturel n'est point, puisque la Volont del'homme et la Providence mme, ces facteurs de miracles, constituent l'me etl'intelligence de la Nature spirituelle, comme le Destin constitue la loi de la Naturecorporelle.

    La totale Nature, c'est la grande Isis des sanctuaires gyptiens. Sa glorieuseimage se profile travers les trois mondes: sa tte rayonne au Ciel intelligible; sondivin cur bat au Ciel des mes, ses flancs augustes engendrent au Ciel thrl'esquisse des apparences; le monde lmentaire lui fait un pidestal. Et lesphilosophes qui bornent ta Nature l'ordre des choses sensibles, ne voient mme

    pas les talons de la Grande Desse, mais seulement l'ombre qu'ils projettent.

    Hors de la Nature miroir manifestt de la Divinit, l'esprit ne conoit que l'Absolu,

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    c'est--dire Dieu dans son impntrable essence.

    Tous les tres finis, jusqu'aux anges des plus sublimes hirarchies, vivent et semeuvent dans le sein profond de la Nature. Ainsi, quels que puissent tre lesauxiliaires spirituels que le magicien voque son aide, si surprenantsqu'apparaissent les miracles qu'il opre grce leur concours, sa thurgie n'a rien

    desurnaturel.Le cadre tout arbitraire d'une Magie naturelle et licite,, en contraste avec la

    Magie illicite et dmoniaque, rsulte de cette fausse conception du Surnaturalisme,dont plusieurs sont encore frus. En somme, la Magie naturelle des anciens auteursn'est que la science positive (ou prtendue telle), applique la justification decertains phnomnes dconcertants et paradoxaux.

    L'instruction n'tait point jadis aussi gnreusement prodigue qu'aujourd'hui. Lesexpriences dont la curiosit de nos enfants s'gaie sous le nom de Physiqueamusante (depuis les applications lmentaires de chimie ou d'lectricit,

    jusqu'aux tours de gobelets, qui, en dfinitive, appartiennent la science del'optique, puisqu'ils reposent sur une illusion des yeux), toutes ces exprienceseussent pass pour prodiges de Salan, au gr des badauds du moyen ge,(tmoin le bon rabbin Tchiel et la lgende de son clou merveilleux et de salampe enchante). Or, tout n'tait pas rose alors, dans le personnage, d'ailleursconsidrable, du sorcier. Lorsque des physiciens s'avisaient de publier quelquerecette surprenante, peu curieux de rcolter sur un bcher la menue monnaied'une rputation de nigromans, ils prenaient soin de cataloguer leur dcouvertesous la rubrique (le magie naturelle, ou de physique occulte.

    C'est sous ce dernier litre que l'abb de Valleinont remplit six cents pages de saprose, pour disculper de diabolisme les praticiens de la fameuse baguettedivinatoire, encore conteste de nos jours; savoir, une fourche de coudrier,influenable, dans la main des sensitifs, par certaines manations, telles quelaura tics sources et des minires. L'exprimentateur saisit les branches bifurquesde la baguette et la maintient horizontale: l'autre bout flchit point nomm, etse tourne vivement dans la direction de la masse liquide ou de la veinemtallique dcouvrir. Il y a l sans doute un phnomne d'attraction objective;mais il s'y mle vraisemblablement un phnomne tout subjectif depsychomtrie, puisque la baguette n'est sensible qu'en de certaines mains; etque Jacques Aymar, pour ne citer qu'un cas clbre et d'ailleurs exceptionnel, apu, muni de sa baguette, suivre la piste un meurtrier, sur terre et sur mer, depuisLyon jusqu' Beaucairepuis de Beaucaire jusqu'en vue de Gnes (1692).

    On expliquera difficilement pareil fait par l'action directe des corpuscules delaura sur la fourche de coudrier.

    Aussi, bien que la baguette divinatoire ait t souvent lue pour type desapplications de la Magie naturelle (comme l'entendaient les vieux auteurs), nous estavis qu'on pourrait mieux choisir.

    L'influence du monde extrieur sur les sens, action mal dfinie, dont lespuissants effets sont banaux ce point, qu'on n'y porte plus attention, sembleraitun meilleur exemple. L'harmonie captivante des formes, l'enchantement des

    parfums, des sonorits, des jeux de lumire et de couleurs, cette permanente feriede la grande Maa (l'Illusion physique), voil bien des merveilles d'une magie nonseulement naturelle, mais spontane.

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    Nulle science humaine n'a su dmasquer les prestiges de 3a charmeuse; nullePuissance ne l'a dtrne encore, la Reine des fantastiques apparences!

    Lorsqu'aux premiers soleils de printemps, toute chose cre tressaille et s'gaiesous la caresse du ciel bleu les organismes les plus blass prennent leur part dugrand jubil d'Eros et de Cyble. La Nature, prodigue de sductions, exhale toute sa

    posie latente avec ses nergies caches; elle nous assige par tous nos sens. Nivieillard, ni valtudinaire, ni mme hypocondriaque ne s'en dfend: c'est irrsistible.Le corps sent travailler en lui les ferments ractionns de la vie et du dsir; unalanguis sment indfinissable l'envahit, fait de bien-tre et d'oppression, de vertigelatent et de volupt diffuse; le cur est plein, l'allgresse dborde. Toute l'animalitvibre l'unisson de l'homme; la nature vgtale y rpond de son mieux enparticipant au concert. Une puissante monte de sve fait clater les bourgeons etles feuilles clore. Sous l'impulsion de l'rthisme universel, tres et choses fraternisent,fusionnent en quelque sorte, et l'on sent positivement cette heure-l quel lienocculte et profond les rattache et les assimile, confondus en la vivante unit ! C'estl le ct lucide de cette singulire extase, d'ailleurs si fconde pour tous en illusion

    et pour plusieurs en dboires.Les liens mystiques et physiologiques la fois, qui rattachent l'homme au grand

    Tout vivant comme lui, s'imposent alors; ils sont intuitivement perus, L'accord dessphres clestes se fait pressentir, comme dans le Songe de Scipion. Alors servle la savante orchestration d'influences qui nous enveloppe, tres et choses,dans les mailles sonores du Destin; tandis que, dcoupe sur ce fond harmonique,l'universelle incantation des volonts fait participer ce qui est libre dans l'homme auconcert providentiel des mondes. Nulle part, en effet, du haut en bas de l'chelle,l'homognit de la Nature ne se peut dmentir: son essence est une, si son modevarie. Elle contient toute chose, et rien de manifeste ne se conoit en dehors d'elle.

    Ainsi, des libres sommets de l'apothose aux abmes de la dchance et de laservitude, tout vibre et donne sa note, spontane et contrainte, consciente ou non.Ainsi les dissonances de l'enfer contribuent elles-mmes la symphonie du TotalCosmos.

    Pareille extase, bienfaisante l'homme dgrad, par le tmoignage descorrespondances glorieuses ont elles trahit l'inalinable empire, n'en prsente pasmoins, au point de vue des communions infrieures qu'elle dnonce videntes,l'indubitable symptme de la possession de l'homme par la Nature nature.

    Voil 1esclavage magique dans son expression naturelle et spontane. Cetesclavage se traduit, au jour le jour, par les exigences du corps et toutes lessuggestions de la matire: la faim, la soif, le sommeil, les apptits brutaux, etc.

    Il ne se rvle que trop, au jeu des sympathies et des antipathies, dont noussommes volontiers les marionnettes. Le raisonnement compte pour bien peu dansnos dterminations coutumires: tantt c'est un mouvement du cur qui nousemporte en son irrsistible et draisonnable lan, ou quelque rpugnance qui nousbarre le sentier, brusque effluve jailli des profondeurs mystrieuses de l'Instinct,Dociles ces obscures et soudaines impulsions, nous modifions notre itinraire moralvers la droite ou la gauche, et n'en restons pas moins convaincus d'avoir librementopt pour ou contre. Si frquente est la confusion entre notre volont propre et cellede notre Inconscient, qui est un autre Moi, ou qui plutt en renferme deux ?

    Napparat-elle pas doublement esclave, la crature qui, contrainte d'agir, croit safranche initiative?

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    Sans doute, et nous l'avons dit, la libert est dvolue l'homme, ici-bas, pour untiers environ de ses actes, tandis que, pour les deux autres, il obit ' desdterminations trangres. Mais cette relative libert ne lui appartient qu'enpuissance, charge pour lui de la faire passer en actes, par l'exercice et le constanteffort du vouloir; alors seulement l'homme jouit du tiers d'initiative qui lui est concd.Mais s'il nglige de conqurir son domaine lgitime le Destin l'envahit et s'en empare.

    Supposons, par contre, un homme ayant pris possession de son hritage, et comme le Barnais, deux, fois matre chez lui.

    Et par droit de conqute et par droit de naissance.

    Que cet homme voque en son intrieur l'action providentielle, et dfre auxinspirations qu'il en recevra: non seulement, grce pareille alliance, il aura largiau double le champ de son activit, et par l restreint un tiers le nef de l'adverseDestin; mais il pourra, jusque sur le territoire ennemi, lu der une part des embchesfatidiques, sinon les affronter de face et les rduire de haute lutte. Voil dans quelsens on peut motiver cet adage d'assez paradoxale allure et qui n'en est pas moins

    juste La vritable libert consiste invariablement faire son devoir; la relleservitude consiste s'en affranchir, II est d'ailleurs dans l'essence de l'Inspirationprovidentielle de se proposer l'assentiment, et c'est de choix dlibr qu'on yaccde; au contraire, le joug du Destin s'infligeant l'tre qui lui a donn prise,s'appesantit brutalement sur lui.

    Ainsi, sans se soustraire entirement aux entraves de la Nature nature, qu'il neparviendrait rompre qu'avec les liens de l'existence physique, l'homme peutnanmoins distendre ces entraves, et les rduire au minimum d'empchement.

    C'est la premire uvre, et la plus difficile, de l'adeptat.

    Entre toutes les sujtions qui composent ici-bas le servage de l'homme le tributsexuel mrite une mention part.

    Le despotisme dont il tmoigne est d'autant plus significatif de notredchance, qu' tout prendre, ce n'est point chose matriellement impossible qued'y contrevenir. La faim, la soif, le besoin de sommeil ont cela de brutalementinluctable, qu'on encourt la mort leur refuser satisfaction priodique; toute larsistance qu'on y peut faire, c'est de rduire ail moins, le plus des concessionsforces. Il est donc loisible au sage de restreindre l'exigence de ces tyrans et dergler l'impt quotidien qu'ils, prlvent: nullement, d'en abolir en soi la norme

    assujettissante; tandis qu'avec une bonne mthode d'entranement et beaucoupde volont, le sage se rendra matre de l'instinct sexuel.

    Cet instinct repose pourtant, comme les autres besoins somatiques, sur unefonction spciale de l'organisme. C'est assez dire que lui dnier jamais toutesatisfaction serait une imprudence grave; bien plus, un outrage la Nature: et nousavons mentionn les multiples prils d'une continence absolue. Mais l'homme peutse soustraire au joug sexuel, en ce sens qu'au lieu d'obir la chair, il luicommandera, et lui imposera mme silence durant une priode indfinimentextensible.

    Il est bien puissant alors, ayant ralis en lui la condition du grand uvresotrique. Il a triomphe la fois d'une exigence physiologique de son organisme,et djou l'embche de la Vertu dmiurgique qui lie l'esprit la matire. Dansl'occulte sduction qu'il a vaincue, gt l'essence mme de Maa, la grande Illusion,

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    dont la permanence fait toute la ralit de l'univers physique.

    Telle se dvoile la vritable raison, ou du moins la principale, qui lgitime cesprescriptions de continence, si frquentes toutes les pages des Rituels, magiquesou sacerdotaux. Le prtre ou l'popte, avant de franchir la frontire des mondes audel,, doivent avoir matris la chair, non point que l'innocence soit agrable au

    Seigneur ni que le Trs-Haut se courrouce d'un acte congruent l'ordre actueldes choses et l'conomie de la Cration; le prtre ou l'initi le doivent pour desmotifs trs prcis, oserons-nous dire, de positivisme transcendental. C'est en passantdans la lettre morte, que ces prceptes ont revtu le caractre de sentimentalismepitiste qu'on leur connat aujourd'hui.

    Il en fut de mme pour 1abstinence de certains aliments, prescrite dans lapriode de prparation quelques uvres mystiques.

    Nous avons insist plusieurs fois dans nos ouvrages sur la vertu magntique dusang, et subsidiairement de la chair qui s'en trouve imprgne. Le sang attire lesLarves et les gnies nfastes, avides d'acqurir, par cela mme qu'ils s'en abreuvent,la force de se manifester un instant sur le plan objectif. C'est pourquoi les juifs,obissant au prcepte de Mose, ont en abomination toute viande qui n'est pasrigoureusement exsangue. Quant la dfense solennelle de goter la chair desanimaux immondes, desquels le Pentateuque fournit la minutieuse nomenclature,cette proposition semble justifiable la lumire d'un autre arcane, bien connu deshirophantes de la gentilit.

    Les Thologiens (dit Porphyre) ont observ avec une grande attentionl'abstinence de la viande. L'Egyptien nous en a dcouvert la raison, quel'exprience lui a voit apprise. Lorsque l'me dun animal est spare de son corpspar violence, elle ne s'en loigne pas, et elle tient prs de lui. Il en est de mme desmes des hommes qu'une mort violente a fait prir; elle reste prs du corps: c'estune raison qui doit empcher de se donner la mort. Lors mme qu'on les animaux,leurs mes se plaisent auprs des corps qu'on les a forces de quitter; rien ne peutles en loigner; elles y sont retenues par sympathie; on en a vu plusieurs quisoupiroient prs de leurs corps. Les mes de ceux dont les corps ne sont pas enterre, restent prs de leurs cadavres: c'est de celles-l que les Magiciens abusentpour leurs oprations, en les forant de leur obir, lorsqu'ils sont les matres du corps,ou mme d'une partie. Les Thologiens qui sont instruits de ces mystres... ont avecraison dfendu l'usage des viandes, afin que nous ne soyons pas tourmentes pardes mes trangres, qui cherchent se runir leurs corps, et que nous netrouvions point d'obstacles de la part des mauvais genres en voulant nousapprocher de Dieu.

    Une exprience frquente leur a appris, que dans je corps il y a une vertusecrte qui y attire l'me qui la autrefois habit. C'est pourquoi ceux qui veulent re-cevoir les mes des animaux qui savent l'avenir, en mangent les principales parties,comme le cur des corbeaux, des taupes, des perviers. L'me de ces btes entrechez eux en mme tems qu'ils font usage de ces nourritures, et leur fait rendre desoracles comme des Divinits15.

    Cette citation de Porphyre semble piquante et instructive bien que l'absolutismedes termes o elle s'nonce confine la navet. Les thosophes d'Alexandrie

    outrepassaient frquemment la Vrit, par le fait d'une intransigeance fort endsaccord avec leur clectisme; intransigeance qui s'affichait d'ailleurs bien plus

    15Porphyre, de l'Abstinence, traduction Burigny, 1767, pages 153-155

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    dans l'expression que dans la doctrine. Au reste, il n'est pas douteux que cetteproposition assez suspecte, des animaux qui savent l'avenir et dont la chair faitrendre des oracles , ne ft presque universellement reue dans la traditionexotrique des sanctuaires. L'Aruspicine, l'Ornithomancie et les autres pratiquesaugurales des nations furent-elles jamais autre chose que des arts occultesdgnrs, en passant des mages de la Science secrte aux prtres du culte ex-

    trieur?

    Quant au surplus des opinions de Porphyre, la Haute Magie a toujours enseign: 1 que le sang attire Larves et Lmures, qui s'en abreuvent et lui empruntent lavirtualit passagre de se rendre visibles; 2 qu'un lien secret rattache les mes r-cemment dsincarnes a leur dpouille matrielle,, en sorte qu'on puisse attraire oumme voquer ces mes, par des oprations magiques clbres sur les cadavres;

    3 qu' se nourrir habituellement de la chair d'un animal, on risque de s'approprierdans une certaine mesure, les passions et les instincts dominants qui faisaient le fondde son naturel. Ainsi, celui-l contracterait une tendance l'hypocrisie, la cruaut, la luxure, qui consomme son ordinaire la viande d'animaux russ, ou froces, on

    lascifs par temprament.Tel est sans doute le secret mobile qui dtermina Mose interdire la chair d'un

    certain nombre de cratures vivantes, frappes dans leur forme extrieure desstigmates du mauvais principe. Car il est trs remarquable que le Lgislateur deshbreux, fonde nettement, sur la thorie des signatures naturelles, sa distinctiondogmatique entre les espces pures et impures.

    Consultez sur ce point la doctrine sotrique des nations paennes, dont l'ruditQuantius Aucler s'est fait, la fin du sicle dernier, le scrupuleux, organe, et vousy verrez peu de diffrence.

    La justification des prceptes de continence et d'abstinence, inscrits aux rituelssacerdotaux ou magiques ncessiterait, pour tre complte, des dveloppements tenir tout un volume. Les exigences de notre cadre nous astreignent denombreuses rticences: nous posons surtout les principes: pour l'application, leLecteur pourra consulter les ouvrages spciaux, qui ne manquent pas.

    La lettre morte, s'emparant du rgime rationnel des abstinences, l'a enlis sousun arbitraire amoncellement de rglementations puriles et de prohibitionsexcessives. De l provient le clibat ecclsiastique, dont le principe, essentiellementd'exception, comme ailleurs nous l'avons dit, ne devait se voir gnralis aucunlitre. De la dcoule lobligation des jenes et des abstinences, priodique pour les

    fidles, permanente l'usage d'un grand nombre de religieux et de moniales(Chartreux et Trappistes, Bernardines, Clarisses et Carmlites etc. D'quivalentesaustrits se pratiquent partout, chez les Derviches mahomtans et les Fakirs del'Inde; car, dans toutes religions comme toutes poques, le culte extrieur acorrompu l'esprit de la Science secrte, l'gard des abstinences et de leur usagenormal, fond sur les exigences passagres des uvres mystiques. Le sacerdoce atoujours universalis ce rgime d'exception, en faisant un pieux mrite de ce quin'tait qu'une condition pour russir, et en promulguant la doctrine sentimentale etfoncirement errone, nous allions mettre scandaleuse, des sacrificesmritoires et des mortifications agrables Dieu

    Chacun sait quelle importance Pythagore, ce grand gnie de lEsotrisme, attribuait au choix des aliments; les Vers dors de Lysis en tmoignent et lecommentateur Hirocls nous en dtaille les motifs. Le principal avait trait

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    l'laboration du corps spirituel ou char subtil de l'me , dont la gense,compromise par une alimentation dfectueuse, peut tre favorise par un rgimeconvenable.

    Sans nous attarder la confusion que nous signale chez les Pythagoriens mmes,entre le corps astral prissable et la forme glorieuse qu'ils nommaient le char subtil,

    observons que la facult plastique, leur matrice l'un comme l'autre, ne peut,dans la condition terrestre, faire clore la forme immacule, qu' mesure que laforme astrale s'limine. C'est ce double labeur, inversement proportionnel, que lesage excute pendant sa vie terrestre, en vue d'une dlivrance immdiate et du re-tour l'essence, ds que celle vie aura cess. Il obtient ce rsultat, dit Hirocls, parl'puration progressive et parallle de l'me et du corps lumineux. L'me se sublimeen acqurant la science, et le corps lumineux en se purgeant des souillures con-tractes dans son union avec le corps matriel. La premire condition de cettepurification consiste en un rgime appropri, qui proscrit tous aliments impurs.

    Mose, qui donne une classification si minutieuse des animaux mondes et

    immondes, ne semble avoir tendu cette nomenclature aux exemplaires desrgnes vgtal et minral.

    Pythagore avait coup sr combl cette lacune, en faveur de ses initis; mais iln'en reste exotriquement que certains prceptes, formuls en sentencesnigmatiques. Exemples: Fabis abstine Herham molochinam fere, ne tamenedas . Le premier de ces prceptes, qui interdit l'usage des fves, prouve que cettenomenclature, demeure occulte, tait base, comme celle du Pentateuque, sur lathorie des hiroglyphes naturels. C'est que (nous dit ucler, tardif interprte d'uneantique tradition pythagoricienne), les fves font lire sur leurs fleurs les portesmmes de l'Enfer ,

    Les produits dangereux des trois rgnes portent inscrit dans leur forme extrieurel'aveu de leur malice latente. Quel naturaliste assez sourd au langage muet deschoses le contestera? La physionomie rvlatrice des vertus bonnes ou mauvaises,est une ralit sur chaque chelon de la vie ascendante. Du bas en haut la noirceurdes mes transparait sur les visages. Tout Can porte un signe au front.

    L'aspect du poulpe et du scorpion, de la hyne et du crocodile dnonce leurnature; voquant la crainte et la nause tout ensemble, ces monstres dgagentune avertissante horreur. Il n'y a point s'y mprendre. D'autres btes meurtriresn'inspirent que l'effroi, chez qui le stigmate de la violence n'exclut pas une allurenoble, parfois une relle beaut; tels les grands flins, lion, tigre ou panthre; tels

    oiseaux, de proie, aigle, pervier, grand-duc et condor. Ils portent l'estampille dela frocit, plus que de l'ignominie; mais tout, dans leur figure et dans leur geste,tout dit l'observateur: garde-toi! Les exemplaires dangereux du rgne vgtaln'ont pas un aspect plus trompeur, pour qui sait observer et voir. Elances, oubien courtes et trapues, les Solanes vnneuses ne savent point mentir: l'avertis-sement est dans leur port, dans leur feuillage, sombre ou blme. Voyez laBelladone, la Mandragore et le Datura: fleurs livides, pommes pineuses ou baiesfades. Observez la Jusquiame aux feuilles velues et denteles, l'odeur vireuse etrpulsive: quelle menace loquente sur les lvres de ses corolles ! LesOmbellifres toxiques n'ont pas un air plus engageant. Les Cigus panouissentun feuillage agressif; des macules de pourpre ensanglantent leur tige; la Cigu

    vireuse rpandent, quand on les brise, un suc jauntre comme du pus. Toutes cesplantes se dclent malfaisantes par la ftidit de leur haleine. DesEuphorbaces, sinistres la vue, gicle la moindre gratignure un lait corrosif.

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    Issues de deux familles trs distantes, la Sabine et la Rue trahissent diversement,par leur physionomie antipathique et le relent qu'elles dgagent, leur emploidantiques avorteuses. Les roides dentelures de l'Aconit, d'un vert presque noiret livide par en dessous, - encadrent bien la fleur lgante et triste, d'un bleuvnneux d'azotate de cuivre. La Digitale pourpre est aussi singulirementlugubre, en dpit de ses charmes: sa feuille gaufre, sombre et poilue n'im-

    pressionne pas moins que le tigridement interne de ses corolles. Le Colchiqued'automne montre niveau du sol sa leur violace, sans tige ni feuillage: c'est la veilleuse des deuils prochains. L'Arum obscne tale sous bois son phallusmalade, d'un lilas macul. La Renoncule sclrate rampe terre et se cache demi sous l'herbe et la mousse, comme un serpent. D'autres vgtaux mortelsaffectent une allure moins cynique, une physionomie plus compose; mais lestudier en dtail, ils portent tous des stigmates de rprobation.

    Il n'est pas jusqu'au rgne minral, moins expressif en faveur de l'homme, parcequ'il s'loigne davantage de lui, o le dchiffreur de signatures spontanes nepuisse dcouvrir les caractres bnfiques ou malfiques, et lire sur les corces les

    proprits des essences. La cassure des minraux les formes cristallines et leursmodes de groupement, les couleurs, la saveur, l'odeur mme sont autant d'indices.Demandez au minralogiste, si des chantillons de laboratoire savent refuser soninstinct l'aveu tacite de leurs proprits, avant mme qu'il en ait fait l'preuve!

    Nagure encore, la toxicologie participait sciences occultes, moins peut-tre cause du fari nefas, que parce que les seuls intuitifs s'y rendaient experts, guids parla lecture des hiroglyphes naturels, autant et plus que par l'exprience proprementdite. Les livres sur le discernement des poisons taient rares alors, et souventmystificateurs. Pour acqurir cette doctrine maudite, il fallait aller de l'avant et payerde sa personne. Mais la toxicologie, telle que nous l'entendons aujourd'hui, n'tait

    qu'une section de la science des venins, comme elle tait enseigne dans lescryptes de l'antique Esotrisme, Tous les initis du vieux monde, Mose etPythagore en particulier, pensaient que la gnose des poisons ne se limite pas ceux qui dtruisent la sant physique. Comme il y a des substances nuisibles oumalsaines pour le corps, il y aurait selon leur dire, parses dans les trois rgnes, dessubstances non moins funestes pour l'me et pour l'esprit. Thorie singulire, mais quine rpugne en rien la logique de leur doctrine: car, en consquence de la chute,les trois mondes se pntrent par intersections de plans, et trop souvent seconfondent. En vertu de cette thorie, ces thocrates prohibaient l'usage decertaines viandes tenues pour trs saines de nos jours, et mme de substancesvgtales, qui, telles que les fves, comptent parmi nos lgumes les plus apprcis.

    Les docteurs contemporains classent bien certains produits sous la rubrique depoisons de l'intelligence ou de la volont; mais en tant qu'ils peuvent, ou lser lesorganes matriels par quoi ces facults se manifestent, ou provoquer des troublesphysiologiques immdiatement apprciables. ce n'tait pas le point de vue desanciens sages, pour qui le corps astral, ce lien rgulateur des vies, cet intermdiaireentre l'homme-essence et l'homme matriel, constituait une ralit perptuellement la merci de leur subtile analyse. Ils classaient les produits de la Nature, soitmdicamenteux ou simplement alimentaires, d'aprs l'action non pas apparente etmanifeste, mais interne et profonde, que ces produits exeraient sur le mdiateurplastique.

    Ainsi, guids priori par l'indication des signatures spontanes dont la langueleur tait familire, et s'tayant posteriori du contrle que leur offrait l'tude ducorps astral appareil de prcision susceptible de s'affiner ou de ptir, selon le

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    rgime auquel est soumis le corps matriel, les Adeptes avaient pu tablir unenomenclature des tres et des choses sous la double rubrique de pur et d'impur,c'est--dire de faste ou de nfaste la triple sant physique, morale et intellectuellede l'homme.

    C'est en modifiant le corps astral, que le plus grand nombre des substances

    assimiles au corps physique ragissent durablement sur lui; exceptons celles dontl'action est mcanique, donc immdiate, non point physiologique et partantmdiate.

    Le corps astral est sujet s'appesantir ou se subtiliser, premier point qui requiertsurveillance. Il est sujet ensuite s'amalgamer des Larves et des mes animales, quinpaississent pas seulement sa substance, mais en quelque sorte la dnaturent. Leslecteurs du prochain chapitre sentiront l'importance capitale de cette possiblealtration du prisprit.

    Enfin nous avons dtermin, dans une note ci-dessus, comment l'acquisition dsici-bas du corps de gloire (ou char subtil de l'me) se trouve subordonne larsorption progressive et lente du Prisprit dans le corps visible: voil le grand uvred'immortalit, dont l'homme est la fois la matire, l'uf philosophai et l'athanor,tandis que sa Volont fait l'office du feu secret.

    Cette mystique et sublime chrysope de l'enveloppe lumineuse requiert, pouratteindre sa perfection, fin rgime d'une exceptionnelle svrit; car la for meastrale subit les contre-coups d'une alimentation dfectueuse. Sa substance alorss'paissit: trouille de mlanges trangers et lourde d'acquisition lmurienne, elles'acoquine bien l'organisme matriel, en s'homologuant avec lui: mais elle ne sau-rait plus, telle une liqueur subtile, imprgner et organisme jusqu' saturation; nile quintessencier ensuite, en lui faisant liminer mesure ses grossires molcules.

    Ainsi s'expliquent les variables degrs d'abstinence prescrits l'initi, selon l'uvre quoi il se consacre, et tel se justifie le rgime scrupuleux impos par les anciensSages au postulant du suprme ralisable sur la terre: celui de l'auto-cration quiaboutit l'apothose posthume.

    S'il fallait numrer et rpartir normalement les produits de la Nature, selonqu'assimils au corps de l'homme, ils exercent sur son me, son esprit, sa volont ouses instincts une influence rpercussive, peine un trait spcial y suffirait-il.

    Le Lecteur trouvera, dissmins au tome prcdent, des notions intressantes et

    gnralement peu connues, sur les proprits occultes de quelques productions desrgnes infrieurs; nous n'y reviendrons pas ici. Nous avons tout lieu de croire que cesrenseignements ont t apprcis pour curieux, et instructifs; car on y a largementpuis: nous avons eu le plaisir de relire notre prose sous la signature de tels de nosconfrres, qui nous ont fait l'honneur d'emprunts textuels ; il n'y manquait que desguillemets et l'indication d'origine du texte qu'ils avaient transcrit...

    Pour peu - qu'on veuille rflchir ces secrtes proprits dessimples sur lesfacults suprieures de l'homme, on conviendra que ce sont autant de symptmesdnonciateurs de l'esclavage hominal en ce bas monde, puisque ces vertusimpliquent une sujtion au moins indirecte de l'intelligence, du vouloir de la

    sensibilit, au despotisme de la matire.

    L'esclavage magique, tel que l'homme est coutumier de le souffrir ici-bas seconoit quadruple et peut se formuler: lmentaire, hyperphysique, hominal, enfin

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    spirituel.

    I L'esclavage lmentaire, sur quoi nous avons insist, s'affirme laconsquence fatale de l'incarnation. L'me humaine, engloutie dans la matiresubit toutes les exigences de l'organisme charnel et toutes les sductions del'illusoire Maa: celle-ci dploie les prestiges de sa magie fantasmagorique, pour

    appesantir davantage sur la crature dchue le joug de la Nature nature,II L'esclavage hyperphysique apparat la rsultante du Karma terrestre; son

    instrument principal est l'habitude. On sait comment les images astrales qui peuplentle nimbe individuel et constituent par leur enchanement les archives des penses,des volitions, des actes de chacun, ragissent sur celui qui leur a donn naissance,et l'inclinent persvrer dans sa voie. L'initiative est enchane d'autant, et c'estainsi que, limitant l'essor du libre-arbitre, le pass d'un tre commande son avenirdans une trs notable mesure.

    III L'esclavage hominal rsulte de l'alinationde l'Ascendant individuel, au profit d'un autre individu, ou d'une collectivithumaine. Notre Public sait ce que nous entendons par ces termes. L'alination peuttre partielle et passagre, ou totale et dfinitive. C'est le magntisme (soit qu'onl'exerce en mode instinctif ou conscient ouvertement ou par des procdsclandestins) qui se rvle l'instrument principal de cet ordre d'esclavage.

    IV L'esclavage spirituel, enfin, consiste dans la sujtion d'un homme unePuissance invisible, qui le domine, l'obsde ou le possde, comme on n'en voit quetrop d'exemples. La mdianit est la forme la pins ordinaire qu'affecte ce genre deservitude.

    Nous dirons quelque chose de ces modes divers que revt l'esclavage magique.

    La rpartition que nous en avons propose peut servir de III d'Ariane dans lelabyrinthe d'influences qui se croisent et s'enchevtrent sur le sentier de l'initiativehumaine, et qui tantt entravent celle-ci et tantt la dnaturent. Toutefois pareilleclassification ne rime rien d'exclusif, comme on va le voir par deux exemples.

    Les magiciens, pour seconder leurs manuvres, magntiques, mettent souvent contribution les secrets de la Magie naturelle: ils savent d'autant mieux appesantirsur autrui les entraves de l'illusoire Maa, qu'eux-mmes ont mieux russi s'ysoustraire. La servitude qu'ils infligent leur prochain rentre ainsi dans la premire etla troisime catgorie tout ensemble. D'autre part, il est souvent difficile de

    marquer la frontire entre les phnomnes dpendant de la seconde et de laquatrime rubrique. Le jeu des passions humaines, en effet, aboutit gnrer dansle nimbe individuel de vritables Puissances invisibles; l'homme peut mme voquer,par sympathie et sans le savoir, des Esprits qui dsormais s'attacheront son destin.De leur ct, les Etres spirituels, parvenus s'emparer dun homme, n'ont gardeparfois de lui rendre sa dpendance manifeste et de paratre ses regards: ilsn'influenceront leur esclavage incarn que par d'anonymes suggestions, ou enfaisant surgir, au miroir de son translucide des images astrales qu'il, puisse prendrepour les reflets de sa propre pense.

    Des deux premires formes qu'affecte le servage magique nous avons

    suffisamment discouru. Les pages prcdentes ont dcrit les entraves dont le Destinde la Nature matrielle nous charge et nous empche, ds le ventre de nos mres.Quelques chapitres plus haut, les Mystres de la Solitude avaient donn entendre

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    combien l'atmosphre individuelle de chacun, toute hante des vivants reflets deses concepts, de ses passions et de ses rves, ragit sur l'intelligence, sur l'me etl'imagination qui ont donn l'tre ces fantmes: si bien que, pour borner l'initiativede tout homme ici-bas, son futur psychologique se dcalque le plus possible sur temodle de son pass.

    On peut dire que la troisime forme (esclavage hominal) implique virtuellementles trois autres. C'est que l'homme, plac sur la frontire des mondes physique etspirituel, participe l'un par son corps, l'autre par son me; tous deux, son corpsastral sert de mdiateur plastique , pour faciliter les transitions. Ainsi l'homme, actifsur tous les plans, peut se servir tour tour, et mme la fois, des divers instrumentsqu'il y rencontre. Rien n'apparat donc variable et complexe comme la dominationqu'il est capable d'acqurir sur son prochain, et dont les pratiques du magntismenous offrent le type le plus ordinaire et le plus frappant.

    D'abord, et c'est la magie psychique dans toute sa puret, rame peut agirdirectement sur l'me, au mpris des distances; elle peut la dominer, la contraindre

    et mme la frapper de paralysie, pour se substituer elle.On sait que les mes humaines, encore qu'originellement gales, puisqu'elles sont

    d'identique essence, ont subi, en fait, un dveloppement plus ou moins pouss; nous'en avons fait connatre ailleurs la loi rgulatrice. Elles se sont accrues ou amoindries,fortifies ou dbilites, selon que le Vouloir, instrument de leur laboration, les asublimes dans le royaume de l'intelligence, ou ravales dans le domaine del'instinct. Cette alternative, qui pose la condition de la perfectibilit des mes, ou deleur dclin, dnonce en mme temps la raison de leur ingalit prsente.

    Ces diffrences animiques favorisent le phnomne de la substitution depersonnalit, un mode suprieur de magntisme qui n'est connu et pratiqu, enoccident, que d'une lite d'exprimentateurs psychologues, et gnralementconfondu avec la suggestion pure et simple.

    Quelle diffrence, pourtant!

    Suggrerfc'est faire natre, par un moyen ou par un autre, dans le cerveau d'un

    sujet (veill ou endormi), une pense d'origine trangre, pense potentielle, ounon; soit d'un acte, soit d'une srie d'actes accomplir. N'est-ce point la dfinitionla plus large de ce phnomne, tel que le conoivent et se l'expliquent, ou du moinscherchent l'expliquer, les savants officiels? Nous reviendrons sur cette manire devoir, en vue de la contrler et de l'claircir, au flambeau de l'Occultisme.

    Se substituer un sujet, c'est exproprier l'organisme d'autrui, au triple point de vuede la volont, de l'intelligence et du sentiment, pour y installer son propre vouloir,son propre penser, son propre sentir, aux lieu et place des mmes facults qu'ondpossda. Celles-ci semblent ds lors frappes de lthargie, sinon en elles-mmesdu moins dans leurs fonctions corporelles, c'est--dire dans le rapport qui les liait l'organisme. C'est un tranger que cet organisme obira, pendant toute la durede cet tat extraordinaire. Disons mieux: le corps du sujet ne sera pas seulementsoumis l'exprimentateur, mais c'est l'exprimentateur lui-mme qui agira, dans cecorps et par ce corps expropri.

    Il agira mme distance, pourvu qu'ayant tabli au pralable le contactsympathique, une invisible chane de communication rattache sa personne celledu sujet, qu'il se propose d'envahir. Absent, il possdera le sujet par le seul acte de

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    sa volont lointaine, et sans une parole et sans un geste, il le fera parler et semouvoir.

    Pareille puissance, rare en occident et presque ignore des savants europens,n'en est pas moins cultive et connue des orientaux, nommment aux Indes, otant de pandits et mme de fanatiques procdent l'entranement du fakir, par

    des exercices quotidiens peine croyables: ils pratiquent ainsi ledveloppement, l'ducation, l'essor ubiquitaire de la volont; c'est quelquefoisau dtriment de l'intelligence, et par l de la libert vritable, toujoursproportionnelle la spiritualisation du vouloir humain.

    Le prodige de la substitution psychique n'a point chapp Jules Verne, cetingnieux conteur doubl d'un rudit, dont l'uvre restera comme les Mille et uneNuits de la Science exacte. Il a crayonn dans Matthias Sandorf l'esquisse duphnomne en question, et ses lecteurs n'ont pas oubli l'audacieux enlvement du

    tratre Carpena, que le Dr Antkirtt, simple visiteur du bagne de Ceuta, possde,animeret meut distance: il le fait choir, point nomm, du haut d'une falaise dans

    la mer, o une embarcation le recueille. Pour tous les fonctionnaires du prside, lebandit s'est noy; les courants ont emport son cadavre au large... L'escamotagepasse pour un accident, et tout est dit.

    Une varit beaucoup moins rare du. Magntisme humain, consiste dans lasuggestion proprement dite.

    Nos Lecteurs savent dj que toute pense humaine survit comme uneintelligence active, comme une crature engendre de l'esprit, pendant unepriode plus ou moins longue, et proportionnelle l'intensit de l'action crbralequi l'a gnre . Ce sont ls propres paroles de Koot-Hoomi : nous les prciserons

    encore, en ajoutant que ces tres potentiels se perptuent, vivaces et persistants,en raison directe du verbe volitif, conscient ou obscur, qui a prsid leur mission.En effet, le Concept, dynamis par le vouloir du penseur,se vivifie en se combinantavec un Elmental de grade variable, mais toujours en affinit avec l'essence duconcept.

    Si la volition gnratrice est consciente, il est loisible l'metteur, non seulementde dgrossir, de corriger et d'affiner en quelque sorte l'Etre spirituel qui s'engendreainsi, mais encore de le modaliser sa guise, en le douant de propritsparticulires, ou de virtualits qui se dvelopperont ultrieurement, soit d'unemanire soudaine, soit d'une faon lente et progressive.

    On se gardera de confondre ces crations prmdites et voulues du Verbehumain, avec les Larves et les Lmures proprement dits, qui se gnrentabondamment, comme on sait, au hasard aveugle des passions surexcites ousatisfaites. Nous avons t assez explicite, l'gard de ces distinctions.

    Quoi qu'il en soit des Puissances trs diverses dont l'homme peuple son sillageastral et grossit son Karma terrestre, elles ont cela de commun, qu'elles sonttransmissibles d'un individu l'autre, et l se fonde le principe, communmentignor, de toute suggestion...

    Nous avons vu comment Lmures, Images astrales et Concepts vitaliss, ragissent

    sur leur auteur, soit qu'ils hantent son nimbe occulte (mode indirect), soit qu'ilss'assimilent sa substance psychique (mode immdiat). Ces entits peuvent demme, condition que le vouloir humain s'y emploie, passer dans l'atmosphre

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    astrale d'un autre individu; et, qui plus est envahir son tre intime et porterl'antagonisme en lui. Obsession externe ou possession intrieure. La suggestion n'estrien autre que l'acte de faire pntrer, soit dans le nimbe, soit dans la substancepsychique d'une autre personne, quelqu'une de ces entits de hirarchie plus oumoins haute, qui, rsultant du fonctionnement instinctif, ou passionnel, ou mental del'exprimentateur, ont t dynamises par sa volont, consciente ou non. Les

    contrastes qui diffrencient de tels tres parasitaires expliquent d'ailleurs la diversitdes suggestions, soit en nature, soit en puissance, soit en dure.

    Le phnomne auto-suggestif ne se distingue du phnomne de la suggestiontransmise, que par lintra-gense des Penses vivantes, par opposition leur extra-gense et leur transfert d'un individu un autre.

    Nous invoquerons la gravit de ces notions, et la dangereuse porte de leursconsquences pratiques, pour excuse de nous maintenir, ici du moins, dans l'ariditdes dfinitions abstraites.

    Les thoriciens de l'hypnotisme s'abusent trangement sur la cause et lesconditions latentes du phnomne suggestif, dont ils ont, la faveur d'une sipatiente et minutieuse analyse, dtermin le mcanisme apparent.

    Sur le rle secondaire du sommeil provoqu, relativement au fait capital de lasuggestion, les auteurs avertis et comptents en ces matires tombent aujourd'huid'accord.

    Le phnomne de l'hypnose offre, ses diffrents degrs, une foule departicularits physiologiques d'un haut intrt; il peut sans doute, au point de vuethrapeutique, mriter les honneurs du premier plan; enfui il est hors de contesteque, chez la plupart des sujets Je sommeil favorise le dveloppement de la

    suggestion. Aux divers stades de l'hypnose, le sujet semble prsenter au faonnagesuggestif une glaise plus mallable ptrir. Cela dit, il n'en est pas moins certain quela suggestion russit merveille sur des sujets parfaitement veills; du reste, encroire les savants modernes qui rejettent l'hypothse du fluide, le sommeil artificiel nes'obtient lui-mme que par l'effet d'une suggestion, exprime ou tacite... Lephnomne suggestif n'implique donc pas ncessairement comme condition celuide l'hypnose,

    tout instant de la vie courante, les pratiques suggestives s'exercent dans lesrelations d'homme il homme, presque toujours l'insu de celui qui met lasuggestion, aussi bien qu' l'insu de celui qui la subit.

    S'il suffisait, pour imprimer une suggestion dans l'esprit d'un autre individu,d'mettre un conseil son adresse ou mme de lui intimer un ordre, tous les avisseraient reus en bonne part, d'o qu'ils vinssent; tous les ordres seraient obis. Nousvoyons chaque jour qu'il en est autrement.

    Mais les hommes, nous objectera-t-on, se rvlent plus ou moins dominables;les idiosyncrasies morales diffrent entre elles par une rceptivit plus oumoins grande l'influence suggestive, comme les tempraments physiquesse distinguent par leur variable susceptibilit l'action physiologique desmdicaments.

    Il est facile de rpondre, qu'en vrit, s'il en tait ainsi, Pierre, trs accessible ettrs mallable l'influence suggestive de Paul, obirait de mme aux

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    suggestions toutes pareilles qui lui viennent de Jean, et ne diffrent ni parl'ide mise, ni par l'expression qui la traduit. Pierre, en effet, trs sensible (outrs rfractaire) l'action du sirop de Chloral, ingr a dose constante, nesubira-t-il pas cette action galement intense (ou nglige), que la drogueprovienne detelle ou telle pharmacie ?

    Sans doute, rpliquera notre adversaire; et il en serait de mme encorepour des granules, par exemple: parce que le Chloral sont des substances fixes etnettement dfinies. Mais prenons, s'il vous plat, la teinture d'Aconit, sujette denombreuses variations qualitatives selon le climat o la plante a pouss, la date etles conditions de la rcolte, le point de siccit des feuilles lors de leur macrationdans l'alcool, la qualit mme de l'alcool employ, etc. Telle suggestion, dites-vous,efficace sur Pierre la voix de Paul, a totalement chou sur lui la voix de Jean:elle ne diffrait pourtant ni par l'ide ni par l'expression. De mme cette teinture nediffre, d'une officine l'autre, ni par la plante qui en fournit la base, ni par levhicule appropri; quant la faon, -le Codex en rgle minutieusement les dtails.L'action n'en sera pas moins variable sur le mme organisme, selon que la drogue

    aura t prpare en des conditions favorables ou mdiocres, et par unpharmacien soigneux ou ngligent. Cela est si vrai, que les praticiens ont presquedlaiss celle prparation peu fidle. Ils lui prfrent l'emploi du principe actif, del'alcalode, de l'Aconitine enfin, administre d'invariables degrs de trituration,comme des doses prcises...

    Il est bien certain qu'analogie n'est pas similitude, comme dit Molire, et quenotre comparaison, reprise sous ce nouvel aspect, semble donner gain de causeau contradicteur que nous avons introduit. A vrai dire, nous ne sommes pas loin denous entendre...

    Les suggestions varient de qualit, quoique identiques en apparence, quant lapense et l'expression c'est--dire quant au fond et la forme. En dpit de cettedouble parit, le fait est qu'elles se rvlent efficaces ou sans vertu sur le mmesujet, suivant la source d'o elles manent.

    De ces prmisses, il faut ncessairement conclure que dans la suggestion,formule ou tacite, il y a autre chose qu'une simple ide, exprime ou signifie. Il y aune force.

    Derrire l'ide transmise, palpite une Energie vivante qui, insparable de cetteide, l'anime et l'vertue. C'est le Damon, l'tre potentiel dont nous parlions tout l'heure. Il obsdera ou possdera la personne, dans l'atmosphre ou dans le centre

    psychique de laquelle il sera transfr. Le fluide magntique sera l'instrument,l'intermde, le vhicule de ce transport.

    Pour qu'une suggestion russisse, il est ncessaire:

    1 Que la pense qui en fait la base soit vitalise, autant dire double d'une mevivante, de hirarchie plus ou moins haute, de volont plus ou moins intense^ denature plus ou moins phmre ou consistante, et qui agira diversement, selonson grade originel et ses destines, conformes aux intentions de son crateuradamique.

    2 II faut que la volont du suggreur surpasse en nergie, en dcision, enautorit celle du patient; ou du moins, qu'elle s'exerce plus active que la sienne, 'l'heure o le phnomne s'accomplit. Exceptionnellement supposer que le sujet

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    consentant se maintienne en tat de rceptivit passive, une suggestion peut luivenir d'un homme dont le vouloir serait infrieur au sien,

    3 II importe que le rapport fluidique soit tabli d'avance entre l'agent et lepatient, L'influx magntique (manifeste ou non par des passes, ou par toute autrepratique mesmrienne) constitue le vhicule habituel de la pense vitalise, le canal

    dont elle a besoin pour que s'effectue son transfert, de celui qui met la suggestion celui qui la reoit.

    Le sommeil, qu'en principe il n'est pas indispensable de provoquer chez un sujetpour le rendre accessible la suggestion, n'en favorise pas moins cephnomne, dans la plupart des cas.

    On peut voir dans l'hypnose, ses divers degrs, le rsultat d'une sorte d'ivresseastrale; le somnambule cuve, en dormant, la lumire magntique qu'il a digre enexcs. Car il ne suffit pas, pour endormir un sujet, de projeter une certaine quantitde fluide vers lui, avec l'intention de le frapper de sommeil: il faut encore que lemdiateur plastique de cet individu assimile ce fluide et le digre. Et comme il estloisible la volont de l'homme d'influer sur son propre corps astral, afin de le rendrerceptif, ou de le maintenir impntrable et rebelle aux influences du dehors, il enrsulte que, les premires fois surtout, un magntiseur ne peut endormir un sujet quede son consentement, moins que le praticien n'abuse d'un prestige inn ou d'unesupriorit volitive qui s'impose. Il se peut qu'il recoure aussi de certaines pratiquesoccultes qu'il vaut mieux taire, des adjuvants connus et trop exploits en Gotie...

    On rencontre souvent d'ailleurs des sujets absolument rfractaires l'hypnose.Ce n'est pas qu'ils s'obstinent dans une volont d'inhibition; mais, sans effort de leurpart et tout naturellement, leur prisprit demeure impermable aux influx extrieurs.

    D'autres hommes, l'inverse, possdent un prisprit constamment accessible de tels influx; en sorte que ces somnambules prdestins deviennent la proie dupremier magntiseur de rencontre qui voudra les endormir. Ce sont d'ailleurs dedbiles natures, qui se laissent investir et dominer tour tour par les premiers venus,au hasard de la vie coutumire. Esclaves ns, ils tissent de leurs mains les mailles deleurs entraves de simples penses, mises sans effort volitif, leur deviennent sugges-tions, car ils sont sujets vitaliser eux-mmes' les concepts qui leur sont transmis. Parbonheur, le verbe incontinent et diffusible de ces somnambules tant de virtualitfaible, les suggestions gnres de la sorte ont peu d'avenir. Puis elles pullulent,contradictoires autant qu'adynamiques, et se neutralisent ou s'abolissentmutuellement.

    Toute suggestion aboutit donc la possession ou l'obsession d'unindividu par une entit parasitaire. Mais ces entits, nous esprons qu'on l'a biensaisi, profondment dissemblables quant leur puissance et quant leur dure,diffrent galement quant au mode de la tyrannie qu'elles exercent, infinitsimaleou complte, priodique ou continue, phmre ou perdurable.

    Un hypnotiseur suggre son sujet qu'en ouvrant le lendemain le tiroir de sonsecrtaire, il verra une msange s'en envoler. Si l'annonce se ralise si le sujet voit oucroit voir ce qu'on lui a prdit, c'est que l'exprimentateur a su dynamiser leconcept, et l'a transmis au sujet sous forme d'une image astrale vitalise. Cette

    image astrale, dfaut de quoi la suggestion chouerait, possde au plus basdegr une consistance ontologique; cette image constitue un tre potentiel, latentdu reste el insaisissable, jusqu' l'heure prfixe o il se manifestera, en passant de

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    puissance en acte. Mais l se bornent ses destins. L'entit occulte va donc mourirdans l'instant mme de sa manifestation, le rle tant rempli que lui assignait l'actede volont conscient qui avait prsid sa naissance. Voil un exemple depossession, tout pisodique et transitaire, par le fait d'un tre infinimentinstable et phmre.

    D'autre part, bien des cas de folie, de monomanie, d'idiotisme, sontdes exemples de possession par le fait d'un damon puissant et durable.

    Les lsions qu'on relve l'autopsie des malheureux alins n'invalident

    en rien notre thorie, car les savants contemporains se mprennent,

    selon nous, qui voient en ces lsions la cause du mal : elles n'en sont

    souvent que le rsultat. Il ne messied point de noter au passage, que le

    terme reu d'alination mentale semble contenir tymologiquement un

    aveu tacite bien conforme la thse hermtique, en ce qu'ilsanctionne la dpossession de l'organisme humain au bnfice d'un

    tranger, alienus.

    Quelquefois le despote tranger, le formidable agent possesseur quialine son profit un corps humain, dont il expulse, paralyse ou

    tourmente l'me lgitime, peut tre engendr d'une suggestion ou

    d'une opration magique, d'un envotement moral.

    Parfois aussi, dans certains cas dcrits sous la rubrique de

    ddoublement de la personnalit , l'intrus n'est autre qu'une me

    humaine en instance d'incarnation: elle s'est introduite par surprise en

    un corps passagrement dsert du lgitime possesseur. C'est durant

    une phase d'hypnose ou de lthargie, que s'est consomm ce viol

    mystrieux; soitencore la faveur d'un vanouissement conscutif quelquemotion foudroyante, quelque branlement du systme nerveux: toutescirconstances o l'me du sujet s'abmatrialise en astral. Fiez-vous auxcommentaires des hommes de l'art: si quelque lacune compromettaitl'enchanement de leurs dductions, ils auraient bientt fait de la combler avec desmots drivs du grec. Quant aux clichs qui satisferont le public, vous les entendezd'ici: Ce pauvre X! Curieux d'expriences bizarres, ne s'tait-il pas mis entre lesmains de ces charlatans de magntiseurs? Sa raison n'a pas rsist de tellespratiques. Ou encore: Quand le malheureux a su la mort soudaine de sonunique enfant, il est tomb en syncope; son rveil, il tait fou ! Ou bien enfin : Vous savez l'accident, arriv Z...? Il a fait une chute dans son escalier, et sifcheuse, qu'on l'a relev sans connaissance. Il n'a pas succomb sur le coup, maisla secousse nerveuse a t terrible: une lsion du cerveau est craindre. On parled'internement dans une maison spciale... En ralit, la catastrophe qu'ondsigne pour la cause du mal n'en a t que l'occasion. Deux mes se disputent unseul corps, voila le fait. C'est dsormais un antagonisme continuel ou parintermittences, entre l'ancien propritaire et le nouvel occupant.Ce fait anormal constitue un dsordre dans la na ture. Souventes fois, il dpend

    d'une tnbreuse alliance: quand les mes qui se pressent, tourdies et affoles, auxportes de la vie terrestre, se sont laisses circonvenir par les missaires des cerclesmauvais constitus dans l'Invisible paralllement aux aropages de magiciens noirsqui fonctionnent ici-bas. Les Elmentaires et les mauvais Damones avidesd'objectivit, font usage aussi pour eux-mmes de l'incorporation par surprise. Lesmatres Kabbalistes dsignent sous le terme assez quivoque d'embryonnat desmes, la calamiteuse anomalie qui en rsulte. Les cas de possession radicale etdfinitive, heureusement assez rares, ne sont point le fait, indistinctement, de tous les

  • 5/25/2018 Esclave Magique Guaita

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    bandits du plan astral. On sait que les Lmures parasitaires de certaine provenancedemeurent dans le nimbe titre obsessif, ou s'amalgament avec la substance del'me, qu'ils alourdissent et dnaturent la longue)mais sans entrer en lutte ouverte

    avec la personnalit lgitime C'est ce que nous avons dj fait entendre, et sur quoinous reviendrons propos des arcanes de la mort (chapitre vi).

    En combien de sortes l'homme peut-il devenir indirectement l'esclave de sonsemblable? Elles se multiplient tel point, que nous nen pousserons pas plus avantla nomenclature.

    La servitude o les Esprits peuvent rduire la nature humaine est parfois de leurpart un fait spontan; d'autres fois, la tyrannie spirituelle ne s'exerce qu' l'instigationd'un magicien. On n'a pas oubli qu'en effet il est permis l'homme, actif sur tousles plans de la nature, de mettre en uvre tous les ressorts qui la font agir.

    Mais sur le point de clore ce discours par quelques remarques, touchantl'esclavage magique en son mode spirituel, nous rappellerons pour mmoire la

    souverainet que dploient les tres collectifs, que nous avons qualifis d'Egrgores.Ces invisibles Dominations du Ciel humain possdent et meuvent les cohortes deleurs terrestres esclaves, sans que ceux-ci souponnent le plus souvent que leur librearbitre est enchan. C'est le servage inconscient et machinal la subordination de lapartie au tout, du membre isol la volont qui gouverne lensemble du corps.Nous en avons assez dt, au chapitre in, sur la gnration, l'essence et le rle de cesgrands Collectifs humains (Cf. la Roue du Devenir),

    Prsentement renseign sur la nature du fluide astral et les Puissances motrices deses flux et re flux, le Lecteur, coup sr, n'aura garde de confondre les courantscosmiques spontans, avec les courants artificiels qui fonctionnent au circuit deschanes sympathiques. Les uns comme les autres sont saturs de Lmures etd'Images flottantes; mais ces tres se succdent sans ordre, dans le premier cas, augr de leurs volonts obscures, ou suivant les combinaisons multiples, rsultant dessympathies et des antipathies mutuelles; tandis que, dans l'autre cas, vertues, aucours des chanes d'influx, par le vouloir de l'Egregore recteur, ces tres se groupentvivants reflets de sa pense, et se rpartissent harmonieusement en vue d'uneaction. Commune, ils deviennent des messagers, des artisans ou des soldats. D'unepart, le rgne du dsordre et de l'antagonisme, c'est l'anarchie spectrale; de l'autre,la distribution des nergies synthtises, c'est la hirarchie dynamique utilisant

    jusqu'aux corces de l'existence, jusqu'aux bauches de l'ide.

    Voil ce dont le magiste doit tenir compte,