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IUFM Gaëlle CALLEWAERTAcadémie de Bourgogne N°dossier: 0402776A Site d'Auxerre
ENSEIGNERLES LANGUES ÉTRANGÈRESDÈS L'ÉCOLE MATERNELLE
Concours de recrutement : Directrice de mémoire:Professeur des écoles Mme Sylvie GERMAIN
Année 2006
SOMMAIREINTRODUCTION ............................................................................. 3
PREMIERE PARTIE ......................................................................... 5
I.L’enseignement des langues vivantes à l’école primaire .......... 5
1.Les dispositifs institutionnels ................................................................. 5
A.Bref historique : alternance entre sensibilisation et apprentissage .......... 5
B.Depuis 2002 : un apprentissage obligatoire ........................................ 6
2.Etats des lieux ........................................................................................ 7
A.Les langues vivantes en Europe ........................................................ 7
B.Le niveau des Français .................................................................... 7
C.Les attentes et craintes des familles .................................................. 8
II.Introduire les langues étrangères dès l’école maternelle :
pourquoi ? ................................................................................ 10
1.Un âge propice… .................................................................................. 10
A.Capacités de discrimination et de reproduction des schémas
phonologiques. ................................................................................ 10
B.Capacités d’imitation et de prise de parole ........................................ 11
2.Une meilleure maîtrise de la langue ..................................................... 12
DEUXIEME PARTIE ....................................................................... 14
I.Le cycle des approfondissements ........................................... 14
1.Présentation des séances ..................................................................... 14
2.Analyse des séances ............................................................................. 17
II.Le cycle des apprentissages fondamentaux .......................... 21
1.Présentation des séances ..................................................................... 21
1
2.Analyse des séances ............................................................................. 23
III.Le cycle des apprentissages premiers ................................. 26
1.Présentation des séances ..................................................................... 26
2.Analyse des séances ............................................................................. 28
TROISIEME PARTIE ...................................................................... 30
I.Les caractéristiques des activités ........................................... 30
1.Des activités de communication ........................................................... 30
2.Des activités sensori-motrices .............................................................. 30
3.Des activités ludiques ........................................................................... 31
II.Le rôle de l’enseignant ......................................................... 33
1.Une maîtrise de la langue étudiée ........................................................ 33
2.Un « bain de langue » .......................................................................... 33
3.Des conditions de travail favorables ..................................................... 34
4.Une valorisation de la prise de parole .................................................. 35
III.L’école maternelle ............................................................... 35
1.L’importance du jeu .............................................................................. 35
2.Des activités régulières ........................................................................ 36
CONCLUSION ............................................................................... 37
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................... 39
ANNEXES ..................................................................................... 40
2
INTRODUCTION
Depuis 2002, les langues vivantes étrangères représentent une discipline à part
entière: elles ont trouvé leur place dans les emplois du temps de l'école élémentaire, au
même titre que les autres domaines d'apprentissages.
Les nouveaux programmes exposent clairement les compétences (principalement
communicationnelles) que les élèves doivent acquérir au cycle des approfondissements.
Cependant, en ce qui concerne la méthode à utiliser par les enseignants, les réponses ne
sont pas aussi explicites.
Avant ma formation, je m'interrogeais déjà sur la qualité de l'enseignement que
j'avais moi-même reçu: durant ma scolarité, j'avais un bon niveau à l'écrit. Cependant,
lors d'un séjour à l'étranger, j'ai eu de nombreuses difficultés à la fois pour comprendre
et m'exprimer dans la langue.
Je me suis alors demandé quel enseignement permettrait à des élèves de savoir
communiquer dans une langue étrangère.
J'étais convaincue qu'il était inutile, voire pernicieux de proposer cet
enseignement dès l'école maternelle, d'autres apprentissages comme la maîtrise de la
langue française étant prioritaires. Je pensais alors qu'il fallait envisager un changement
dans la manière d'enseigner au collège.
L'expérience vécue au sein d'une classe de CM1 durant mon stage de pratique
accompagnée m'a permis de faire évoluer mon questionnement: quelles sont les raisons
qui poussent à généraliser l'enseignement des langues vivantes étrangères dès la grande
section de la maternelle? Quel type d'enseignement faudrait-il proposer?
Ces questions m'ont progressivement amenée à formuler la problématique
suivante: pourquoi et comment enseigner les langues vivantes étrangères dès
l'école maternelle?
Je parle « d'apprentissage » et non de « sensibilisation »: je pense en effet que
l'acquisition d'une langue ne peut s'effectuer que sur le long terme. Ainsi, l'apprentissage
s'étendrait de l'école maternelle jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire.
De la même manière, je n'évoque pas le « bilinguisme », qui non seulement n'est
pas l'objectif à atteindre, et dont l'apprentissage s'effectue dans le milieu naturel de
l'enfant, comme pour la langue maternelle.
Par ailleurs, je n'emploie pas le terme « précoce »: celui-ci signifie « qui apparaît
avant l'âge normal ». Or, la question est justement de savoir quel est l'âge « normal » de
l'apprentissage d'une seconde langue.
3
Il apparaît évident qu'à l'issue de ma réflexion, je serai dans l'impossibilité de
répondre définitivement à la problématique. Pour cela, il serait nécessaire d'effectuer des
recherches sur plusieurs années. Cependant, je souhaite exposer tout au long de ce
mémoire quelques pistes de réflexion.
Dans une première partie, après un rappel des dispositifs institutionnels, je tente
d'exposer les raisons pour lesquelles l'enseignement des langues vivantes étrangères doit
être introduit dès l'école maternelle. Dans une deuxième partie, je présente mes
différentes expériences professionnelles vécues au cours de ma formation, dont l'analyse
m'a permis d'identifier progressivement les caractéristiques des conditions de cet
apprentissage qui sont présentées dans une troisième partie.
4
PREMIERE PARTIE
I. L’enseignement des langues vivantes à l’école primaire
1. Les dispositifs institutionnels
A. Bref historique : alternance entre sensibilisation et apprentissage
La première expérience d’enseignement des langues vivantes à l’école primaire a
lieu en 1954 à Arles.1 Au cours des années suivantes, les expériences se poursuivent
dans quelques départements. Les événements de Mai 1968 suscitent un engouement
pour l’apprentissage précoce des langues lié à une volonté d’ouverture sur le monde,
mais de nombreuses écoles abandonnent par la suite les expériences.
C’est en 1989, dans le cadre de la construction européenne, que l’enseignement
des langues vivantes à l’école primaire est relancé au Cours Moyen (dispositif EILE :
Enseignement d’Initiation aux Langues Etrangères) : les textes de 1989 et 1990
évoquent une initiation qui doit servir le véritable apprentissage au collège, tandis qu’en
1991, un texte précise qu’il s’agit d’un « véritable apprentissage de la langue qui ne
saurait se limiter à une simple sensibilisation à la langue étrangère. »2
En 1995, le ministre de l’Education Nationale parle d’initiation aux langues
vivantes dès le CE1 en utilisant des techniques audiovisuelles ( CE1, CE2, CM1 Sans
frontières) et « à titre expérimental et sur la base du volontariat des maîtres. »3 L’objectif
est de proposer une première sensibilisation en CE1, en prévision d’un véritable
apprentissage au cycle des approfondissements, non systématique en CE2 et CM1.
En 1998, Claude Allègre annonce la généralisation d’un véritable apprentissage
des langues vivantes à l’école primaire, dans toutes les classes de CM2 dès la rentrée de
1998 et de CM1 en 1999.
En 2000, J.Lang annonce un plan qui vise la généralisation progressive de
l’enseignement d’une langue étrangère dont l’apprentissage sera effectif dès la grande
section de maternelle d’ici 2005 : « Tous les CM2 bénéficieront de cet enseignement à la
rentrée 2001 et cette obligation descendra jusqu’à la grande section de maternelle en
2005 ( au CP en 2004). »4
1 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 20022 F.BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 20043 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 20024 C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002
5
B. Depuis 2002 : un apprentissage obligatoire
Les nouveaux programmes rendent l’apprentissage des langues obligatoire au
cycle des approfondissements et visent la généralisation au cycle des apprentissages
fondamentaux (de la grande section de l’école maternelle jusqu’à la fin du CE1) autour
de trois objectifs d’apprentissage :
- « développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage
des langues vivantes (curiosité, écoute, mémorisation, confiance en soi dans
l’utilisation d’une autre langue) et faciliter ainsi la maîtrise du langage,
- familiariser son oreille à des réalités phonologiques et accentuelles d’une langue
nouvelle,
- lui faire acquérir les premières connaissances dans cette langue. »5
Au cycle des approfondissements, l’enseignement « vise l’acquisition de
compétences assurées permettant l’usage efficace d’une langue autre que la langue
française dans un nombre limité de situations de communication adaptées à un jeune
enfant. Il contribue à construire des connaissances linguistiques précises (formules
usuelles de communication, lexique, syntaxe et morphosyntaxe), ainsi que des
connaissances sur les modes de vie et la culture du ou des pays où cette langue est
parlée. »6
L’accent est mis sur les activités de communication avec un entraînement régulier
et méthodique autour des compétences suivantes : « écouter et comprendre »,
« s’exprimer à l’oral », « lire et comprendre », « s’exprimer à l’écrit ». L’apprentissage
concerne enfin le renforcement de la maîtrise du langage, la découverte de faits culturels
favorisant une ouverture sur le monde (dimension internationale).
Contrairement à ce qui avait été annoncé, l’apprentissage d’une langue étrangère
dès la grande section de maternelle est par la suite « reculé » : conformément à la loi
d’orientation et de programme pour l’avenir de l’Ecole, le ministère de l’éducation
nationale , de l’enseignement supérieur et de la recherche a lancé en 2005 un plan de
rénovation de l’enseignement des langues étrangères. Celui-ci vise l’amélioration de
l’efficacité de cet enseignement et le renforcement des capacités des élèves, notamment
à l’oral.
Cette volonté se traduit notamment par l’adoption du cadre européen commun de
référence pour les langues (CECRL) publié en 2001 par le Conseil de l’Europe : « la
France est le premier pays à inscrire dans les textes réglementaires cette référence
européenne qui définit six niveaux de compétences en langues : de A1 (première
découverte) à C2 (utilisateur expérimenté s’exprimant couramment sur des sujets
5 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , CNDP, 20046 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , CNDP, 2004
6
complexes). » A la fin du cycle des approfondissements, les élèves doivent avoir atteint
le niveau A1.
A la rentrée 2005, tous les élèves de CE2 doivent étudier une langue étrangère, et
à compter de la rentrée 2007, l’apprentissage d’une langue vivante débutera en CE1.
2. Etats des lieux
A. Les langues vivantes en Europe
« Tous les pays sauf l’Irlande imposent qu’une langue étrangère au moins soit
enseignée à tous les enfants. »7 En Irlande, l’anglais et l’irlandais y sont enseignés, mais
ne sont pas considérés comme des langues étrangères.
Dans la majorité des pays européens, l’enseignement de la première langue
étrangère comme matière obligatoire débute entre l’âge de 8 et 11 ans (ce qui
correspond environ à la fin de la scolarité en primaire et le début du secondaire). Seuls
cinq pays s’en écartent : le Luxembourg, la Norvège, l’Autriche, où l’enseignement
obligatoire commence à l’âge de 6 ans, l’Italie (7 ans) et la Belgique (12 ans).
B. Le niveau des Français
Beaucoup d’enfants ont des difficultés à entrer dans le système linguistique. Les
dernières évaluations internationales montrent que le niveau des jeunes Français en
anglais a régressé entre 1996 et 2002.8
« Une étude conduite en 2002 dans sept pays européens révèle les disparités des
compétences des élèves de 15-16 ans en anglais : en 1996 (trois pays participants), les
élèves français avaient un niveau nettement inférieur aux élèves suédois, mais
quasiment équivalent à celui des élèves espagnols. En 2002, leurs performances sont
nettement inférieures à celles des six autres pays participants, quel que soit le domaine
de compétences évalué. Et leurs compétences sont moins bonnes en 2002 qu’en 1996,
quel que soit le domaine. »9
En ce qui concerne l’enseignement primaire, une évaluation-bilan des acquis des
élèves de CM2 effectuée au mois de juin 2004 révèle les résultats suivants :
- en fin d’école primaire, 51.2% des élèves maîtrisent de façon satisfaisante la
compréhension de l’oral, dont 23% de manière très satisfaisante.
- 23.2% maîtrisent de manière très satisfaisante la compréhension de l’écrit et 10%
en production d’écrit.
7 L’enseignement des langues étrangères en milieu scolaire en Europe, Eurydice, 20018 Le monde de l’éducation, n°333, 02/20059 Ministère de la jeunesse de l'éducation et de la recherche, Note Evaluation 04.01 Mars, DEP
7
- A l’opposé, 2.8% d’élèves ont une maîtrise très réduite des compétences en
compréhension de l’oral, 15% en compréhension de l’écrit, 70.4% en production
écrite.
Cette différence s’explique par l’inégale importance accordée aux différentes
compétences dans les programmes, donnant la priorité à l’oral.
Il est important de noter que ces évaluations précisent que « les élèves qui ont
commencé l’anglais en CE1 ou CE2 réussissent nettement mieux que ceux qui n’ont
qu’un an d’enseignement en élémentaire. » « Plus l’apprentissage de l’anglais à l’école
est précoce et plus les élèves appartiennent aux meilleurs groupes de l’échelle de
compréhension de l’oral en anglais. On retrouve les mêmes constats pour la
compréhension de l’écrit et la production écrite. »
« Quant aux effectifs des élèves qui ont commencé un apprentissage de l’anglais à l’école
maternelle (3.7%) et au CP (5.5%), ils sont trop faibles pour en tirer des conclusions. »10
C. Les attentes et craintes des familles
L’apprentissage d’une langue étrangère répond aussi à une demande sociale liée à
la dimension européenne et internationale. Les familles veulent que leurs enfants
s’adaptent au monde actuel.
Néanmoins en ce qui concerne un enseignement des langues dès le plus jeune
âge, les familles craignent un retard dans d’autres disciplines telles que la maîtrise de la
langue française : certaines considèrent qu’il peut être dommageable de commencer
l’apprentissage d’une seconde langue avant que la première ne soit stabilisée, d’autres se
demandent si cet enseignement n’est pas une surcharge inutile pour des enfants si
jeunes.
Suite à ce constat récurrent à travers diverses lectures, j’ai souhaité connaître
précisément l'opinion des familles à ce sujet par le biais d’un questionnaire destiné aux
parents d'élèves de mes deux stages responsabilité (annexe 1).
J’ai donc transmis ce questionnaire en 29 exemplaires dans une classe de Moyenne et
Grande section de maternelle et en 21 exemplaires dans une classe de CP. Afin de ne pas
influencer les réponses des familles, j’ai préféré parfois la formulation de questions
ouvertes.
Après exploitation des données, voici les principales informations qui en
ressortent :
A la question concernant l’importance ou non de connaître une langue étrangère,
toutes les familles répondent favorablement. L’argument le plus souvent évoqué
10 Ministère de la jeunesse de l'éducation nationale, Note Evaluation 05.06 Septembre, DEP
8
est celui de l’intégration professionnelle. Les familles mettent également en avant
le caractère indispensable de la maîtrise d’au moins une langue étrangère_ et plus
particulièrement l’anglais_ à l’heure de la mondialisation et de l’Europe. Enfin
l’aspect culturel (culture personnelle, ouverture aux autres personnes, aux autres
cultures, voyages) est aussi régulièrement cité.
Concernant l’intérêt de proposer un enseignement d’une langue étrangère dès le
CE2, les raisons sont variées ; une majorité considère cet enseignement comme
une préparation au collège où l’apprentissage n’en sera que plus facile. Certains
parents expliquent que plus l’enfant est jeune, plus il dispose de facilités pour
apprendre et mémoriser. Pour d’autres, la notion de temps est importante :
donner du temps à l’enfant pour apprendre une nouvelle langue permet une
acquisition plus naturelle et non plus une traduction systématique. Enfin quelques
parents évoquent la curiosité des enfants de cet âge, la possibilité d’apprendre de
manière ludique, la facilité pour les jeunes enfants de s’exprimer oralement, et de
prononcer un accent différent du leur.
Sur l’échantillon interrogé, environ la moitié des parents estime qu’il serait
judicieux de proposer un enseignement des langues étrangères dès la
maternelle : là encore, la capacité du jeune enfant à acquérir et enregistrer des
connaissances est l’argument le plus fréquent. Certains insistent sur l’aspect
ludique de l’apprentissage à cette période. Environ un quart ne se prononce pas
sur la question. Enfin, parmi ceux qui réfutent l’apprentissage dès la maternelle,
certains considèrent que le programme de CP est suffisamment « chargé » ou
encore que la priorité est de maîtriser la langue française, et donc que
l’apprentissage d’une nouvelle langue pourrait engendrer des confusions dans les
autres processus d’apprentissage.
Voici quelques opinions ou questions exprimées par certains parents :
- « L’enseignement même des langues vivantes est à revoir. A nombre d’années
égales, nous maîtrisons moins bien les langues que nos voisins européens. Peut-
être faudrait-il développer la pratique orale de la langue et l’accentuer, et très
certainement débuter l’apprentissage le plus tôt possible. »
- « La France est en retard par rapport à l’Allemagne et aux pays nordiques. »
- « A l’école maternelle, l’enfant apprend du vocabulaire. Pourquoi ne pas lui
apprendre le mot en français et sa traduction en anglais : un enseignement
comme dans les écoles bretonnes où on apprend le dialecte de la région. »
- « Quelle qualification pour l’enseignant chargé de cet enseignement ? ».
9
Finalement, la majeure partie des familles s’accorde pour dire que la maîtrise d’au
moins une langue étrangère est aujourd’hui indispensable, et considère pour la plupart
qu’elle doit être enseignée à l’école primaire.
Cependant, proposer cet enseignement dès l’école maternelle ne va pas de soi, et
peut être considéré comme un frein à d’autres apprentissages. A ce sujet, C. Hagège
pense que « les craintes souvent exprimées des familles quant à la prétendue surcharge
des disciplines et aux menaces qu’elle ferait peser sur l’équilibre intellectuel et social des
enfants sont dépourvues de fondement. »11
II.Introduire les langues étrangères dès l’école maternelle :
pourquoi ?
1. Un âge propice…
A. Capacités de discrimination et de reproduction des schémas
phonologiques.
L’âge de l’enfant est une variable essentielle à prendre en compte.
Tout d’abord, il apparaît évident que la « durée d’exposition » exerce une
influence sur la maîtrise de la langue étrangère : plus tôt l’enfant est exposé à une
nouvelle langue, plus il aura de temps pour se l’approprier.
Par ailleurs, les capacités d’assimilation du jeune enfant sont immenses. Dès sa
naissance, il possède de puissants « mécanismes acquisitionnels ». Mais faute d’être
sollicités, ceux-ci régressent progressivement. Dès l’âge de 7 mois, on assiste à une
spécialisation de l'oreille à la langue maternelle. Cette régression perdure jusqu’à l’âge de
10-11 ans où la peur de l’erreur apparaît. Cette période (7 mois – 11 ans) correspond à
la « période critique ».
Certes des études montrent que l’adulte et l’adolescent ont de plus grandes
facilités pour se concentrer, développer un raisonnement et une analyse (« leur
expérience linguistique plus riche leur permet de comprendre rapidement certaines règles
de fonctionnement de la langue étrangère »), mais « il semble reconnu que certains
aspects langagiers, tels que ceux touchant à la phonologie, sont mieux et plus facilement
acquis par de jeunes enfants. »12
A l’âge de 3-4 ans, les capacités de reproduction orale et de discrimination
auditive des enfants sont effectivement maximales, et diminuent dès l’âge de 10 ans
(début de la puberté). A l’inverse, un adulte ou un adolescent qui est resté pendant
plusieurs années en contact avec un seul type de sons (ceux de sa langue maternelle),
éprouve beaucoup plus de difficultés à reproduire les sons d’une autre langue.
11 C.HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 199612 F BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, Hachette éducation, 2004
10
Lise Kern, directrice d’une école maternelle rurale à deux classes, explique que la
« réceptivité des jeunes enfants, leur écoute, leur discrimination auditive fine leur
permettent d’ancrer les fondements d’une langue étrangère. »13
Selon C.Hagège : « Au delà de 10 ou 11 ans, la fossilisation des aptitudes non stimulées
n’est guère réversible. En effet, vers cet âge, l’oreille, jusque-là organe normal
d’audition, devient nationale. » Cela signifie que « au lieu de traiter de la même façon la
totalité des sons perçus en leur ouvrant un itinéraire jusqu’à l’enregistrement cérébral,
l’oreille fonctionne en fait comme un filtre, n’ouvrant passage qu’à ceux que la langue
maternelle connaît. […] Le même phénomène existe chez tous les unilingues du monde à
partir de 11 ans et il est une des causes principales de « l’accent étranger ».»14
Ainsi, dès la petite section, un travail sur le rythme, l’intonation, la mélodie, la hauteur
peut se mettre en place: former l’oreille aux réalités sonores du langage, tel serait
l’objectif de l’école maternelle.
B. Capacités d’imitation et de prise de parole
Les capacités d’imitation entre 4 et 8 ans sont au maximum : C. Hagège parle de
« pulsion d’imitation qui joue un rôle considérable dans l’apprentissages des langues,
comme celui de toute vie sociale. »
Lise Kern a observé que les élèves sensibilisés dès la moyenne section de
maternelle à l’anglais, osent facilement prendre la parole lors de l’apprentissage
systématique en classe de 6°, possèdent un meilleur accent, acceptent de comprendre
globalement une phrase sans avoir recours à l’identification de chaque mot et cherchent
à comprendre sans passer par la traduction.
Elle a également remarqué l’apparition de certains blocages à l’oral dès le CE1, qui
n’apparaissent pas chez un enfant de 4 ans.
La curiosité et la spontanéité sont des caractéristiques du jeune enfant : elles sont
sources de motivation et lui donnent donc l'envie d'apprendre.
Le phénomène d’inhibition semble en effet moins présent chez le jeune enfant, et
ce dans tous les domaines d’apprentissage. Plus l’enfant grandit, plus il devient attentif
et sensible à l’image que le milieu lui renvoie.
C. Hagège explique à ce propos : « Au delà de la période critique, on risque de se heurter
à ce que certains ont appelé la butée pubertaire. Il s’agit d’un seuil au-delà duquel les
adolescents, durant quelques années cruciales, deviennent de moins en moins avides
d’apprendre et sont de plus en plus préoccupés par leur état de transition vers l’âge
adulte et par les signes qu’en portent leur corps et leur esprit. A la puissante motivation
[…] succède une inquiète curiosité, qu’alimentent bien d’autres aspects de l’existence.
Dès lors, le goût enfantin par les manipulations verbales se trouve fortement réduit. La
13 Education enfantine, n°4, 04/199714 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, p.34, Odile Jacob, 1996.
11
faute, au lieu d’être sereinement assumée comme profitable par la correction qu’elle
appelle, est obstinément redoutée comme disqualifiante par le ridicule qu’elle
produirait. »15
De plus, la prononciation de sons différents de sa propre langue oblige l’enfant à
articuler et adopter des mouvements de bouche inhabituels, associés parfois à une
apparence ridicule. Concernant la prononciation des sons d’une langue étrangère, et donc
la difficulté à se distancier de sa propre langue, ce même auteur précise que « les
habitudes articulatoires acquises dès l’enfance dans la langue première sont des gestes
sociaux. Elles appartiennent à la culture d’une communauté tout comme les autres
gestes. L’acquisition des gestes culturels, parfaitement aisée et naturelle chez l’enfant,
devient de plus en plus difficile à partir de 6 ou 7 ans, les situations étant évidemment
fort variables selon les sujets. Dans les premières années de la vie, l’avidité d’apprendre
et la docilité à reproduire ne sont pas, ou sont à peine, inhibées par les pressions
sociales. L’enfant de moins de 6 ans ne redoute pas les railleries qui disqualifient le son
exotique en s’en prenant aux mimiques nécessaires à sa production. Peu lui importe que
les gestes de sa langue, des ses lèvres, de son nez et de ses dents se heurtent au rejet
du groupe, habitué par la culture dominante du lieu à d’autres mouvements du visage,
dans lesquels il reconnaît son identité. »
2. Une meilleure maîtrise de la langue
« Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre
langue. »(Goethe)
A l’école maternelle, l’accent est mis sur le langage oral (« le langage au cœur des
apprentissages »), dans le but de maîtriser la langue française.
Ceci qui suscite quelques interrogations sur l’existence de risques éventuels que
l’enseignement d’une langue étrangère peut engendrer sur ces apprentissages.
Certains auteurs non seulement réfutent cette notion de danger, mais défendent
de surcroît l’idée selon laquelle l’enseignement d’une langue étrangère pourrait améliorer
la maîtrise de la langue française.
Christiane Luc, par exemple, considère que l’apprentissage d’une langue à l’école est
bénéfique pour l’apprentissage de sa langue maternelle, car c’est un moyen de
redécouvrir sa propre langue et de la consolider : « L’analyse du fonctionnement de la
langue étrangère va être un moyen de redécouvrir la langue maternelle et ses
particularités. »16
Line Audin, responsable d’un groupe de recherche de l’INRP, pense même qu’il faut
insister sur l’observation réfléchie de la langue étrangère afin de la comparer avec sa
langue maternelle et de trouver des ressemblances : le but étant de donner à l’enfant
15 C. HAGEGE, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 199616 C.LUC, Les langues vivantes à l’école élémentaire, Actes ce colloque, INRP, Paris, 1991
12
des outils, des repères pour qu’il puisse entrer véritablement dans le nouveau système
de la langue étrangère.17
De manière générale, l’introduction des langues vivantes à l’école présente un
intérêt sur le plan de la réussite scolaire, et ce pour un grand nombre d’élèves. Tout au
long de l’enseignement, ils développent des stratégies d’ apprentissage qu’ils peuvent
transférer à d’autres champs disciplinaires.18
Maîtriser, même manipuler une ou plusieurs langues étrangères permet à l’enfant
de développer une conscience métalinguistique, c’est-à-dire être capable de réfléchir sur
le fonctionnement de la langue. C’est la prise de conscience des fonctionnements
différents des langues, qui amène l’enfant à développer des stratégies d’analyse
comparative.
17 Le monde de l’éducation, n°333, 02/200518 Education enfantine, n° 4, 04/1997
13
DEUXIEME PARTIE
Tout au long de cette deuxième partie, je présente les séances d’apprentissage
d’anglais que j’ai pu mettre en place au cours de mes différents stages. Mes diverses
expériences professionnelles sont exposées dans un ordre chronologique qui suit le
déroulement de ma formation, afin de montrer la progression de ma réflexion.
L’analyse que j’effectue par la suite, en me centrant plus spécifiquement sur les réactions
des élèves et les difficultés auxquelles j’ai été confrontée, me permet progressivement
d’identifier les caractéristiques des conditions d’apprentissages d’une langue étrangère,
que j’énoncerai dans la troisième partie.
I. Le cycle des approfondissements
1. Présentation des séances
Le contexte :
Au cours de mon stage tutelle, j’ai élaboré et mis en place deux séances en
anglais avec une classe de CM1 (20 élèves).
Cette classe avait commencé à apprendre l'anglais depuis une année.
Ce sont ces deux séances qui m’ont amenée à m’interroger sur l’enseignement
des langues étrangères à l’école de manière générale : comme je l’ai expliqué en
introduction, je pensais que les langues étrangères n’avaient pas réellement leur place à
l’école, d’autres apprentissages étant à mon sens plus prioritaires.
Auparavant, j’avais observé une séance sur le lexique du matériel de la classe,
que les élèves commençaient à bien assimiler.
Les objectifs visés :
L’objectif général est d’amener les élèves à parler de leur environnement, et plus
précisément de désigner les objets de la classe.
Pour la première séance, l’objectif est principalement lexical et vise
l’apprentissage du vocabulaire des couleurs : red, green, yellow, blue, pink, white, black,
orange, purple. Parallèlement, l’apprentissage linguistique visé est l’utilisation de
l’expression : « What colour is this ? It’s… » dans une situation de communication.
Pour la deuxième séance, au-delà de l’objectif de réinvestissement du vocabulaire
étudié lors des séances précédentes, l’intérêt est d’amener les élèves à associer l’adjectif
de couleur aux différents objets de la classe : dans ce cas, l’apprentissage est
essentiellement syntaxique, puisqu’il s’agit de placer correctement l’adjectif épithète dans
le groupe de mots.
14
Il est intéressant alors de permettre aux élèves de réfléchir sur le fonctionnement de la
langue et de le comparer avec celui de la langue française.
Les supports utilisés :
Afin de rendre ces séances attractives, j’ai fait le choix de varier les supports.
J’ai utilisé des flashcards : ces représentations illustrées permettent d’introduire le
vocabulaire nouveau, mais elles peuvent également être utilisées au cours d’activités de
réinvestissement. Le fait de présenter aux élèves des images tout en parlant une langue
étrangère les aide à inférer le sens de ce que l’enseignant est en train de dire ; pour cela,
il est indispensable que ces illustrations soient très explicites et ne présentent aucune
ambiguïté, au risque alors d’entraîner des confusions chez les élèves.
Comme support visuel, j’ai également fabriqué des cartes de couleurs (format A5)
qui présentent le même intérêt que les flashcards.
Enfin, j’ai utilisé une cassette audio avec une chanson enregistrée (« What color is
this ?) : les élèves, de manière générale, prennent plaisir à chanter, et ceci est valable à
tout âge. J’ai donc fait le choix de leur proposer une chanson particulièrement rythmée,
simple et assez répétitive afin qu’ils puissent s’approprier et mémoriser le vocabulaire et
les expressions linguistiques.
Le déroulement de la première séance :
Phase 1 : découverte du lexique des couleurs
J’affiche les cartes de couleurs au tableau, et pose la question suivante : « Do you know
what colour this is ? » ; je fais répéter quelques enfants individuellement puis
collectivement.
Phase 2 : appropriation de l’expression linguistique: « What colour is this ? »
Apprentissage de la chanson :
What color is this ?
It’s red.
What color is this?
It’s green.
What color is this?
It’s red and green and black and white and
purple.
What color is this ?
It’s pink.
What color is this?
It’s blue.
What color is this?
It’s pink and blue and black and white and
purple.
15
Phase 3 : utilisation de l’expression « What colour is this? » et du lexique des
couleurs
Je distribue une carte de couleur à chaque enfant : un enfant se lève et pose la question
en montrant sa carte ; un deuxième enfant répond et pose la question à un troisième,
etc…
Phase 4 : trace écrite
Je demande aux élèves coller la feuille de la chanson, puis de colorier les pots de
peinture de la bonne couleur (annexe 2).
Le déroulement de la deuxième séance:
Phase1: « recycling »
Rappel des connaissances lexicales et syntaxiques:
•couleurs et « what colour is this? ».
Je pose la question en montrant la carte de couleur. Un élève répond. Je fais répéter
quelques enfants. L'enfant qui a répondu vient au tableau, choisit une carte et pose la
question à son tour, etc...
•matériel scolaire: pencil, pencil-case, desk, pen, chair, table, schoolbag, book.... Je
pose la question « What's this? » en montrant l'image. Un enfant répond, puis je
procède à des répétitions individuelles.
Phase 2: « learning and speaking»
Il s'agit maintenant d'apprendre à associer une couleur à un objet, en utilisant les objets
de la classe.
Par exemple: je montre un stylo vert et demande: « What's this? ». Je m'attends à ce
que les enfants répondent « It's a pen. ». Alors, je demande: « Yes, and what color is
this? ». Ils répondent: « It's green. »; je dis: « So, what's this? » et je leur formule la
bonne structure syntaxique: « It's a green pen. ».
Je procède de la même manière avec différents objets. Ensuite, les élèves doivent
répondre à la question. Je fais répéter quelques enfants individuellement, puis par
groupes, et collectivement.
Remarque: dans le cas où les élèves proposeraient des structures identiques à la langue
française, il serait intéressant de les écrire au tableau, afin de comparer les deux
fonctionnements et visualiser la différence.
Phase 3: Bingo game (annexe 3)
Préalablement, je fabrique des cartes de jeu comportant chacune 9 objets scolaires de
couleurs différentes.
16
Je distribue une carte de jeu à chaque élève. Après avoir expliqué la règle du Bingo,
j'annonce un objet (exemple: a yellow schoolbag): l'élève qui repère cet objet sur sa
carte, met une croix dans l'emplacement prévu à cet effet.
Le gagnant est celui qui obtient une carte complète.
Pour terminer, l'élève gagnant peut venir devant la classe, et énoncer (avec l'aide de ses
pairs) tous les objets dessinés sur sa carte.
Phase 4: « writing » la trace écrite (à coller dans le cahier) (annexe 4)
C'est un exercice de réinvestissement.
En utilisant leurs traces écrites précédentes (couleurs et matériel), les élèves doivent
dessiner l'objet désigné par le groupe de mots. Inversement, ils doivent écrire le groupe
de mots que représente l'objet.
2. Analyse des séances
Les réactions des élèves:
De manière générale, les élèves manifestaient un réel plaisir d’apprendre tout au
long de ces deux séances (participation active, attention maintenue un long moment), et
plus particulièrement ceux qui sont en difficulté dans d’autres domaines
d’apprentissages.
Cette motivation est probablement liée à la variété des supports, mais aussi
(deuxième séance) au fait que la situation de communication est en lien avec le
quotidien, c’est-à-dire l’utilisation de leur propre matériel scolaire.
Cependant, j'ai pu observer chez quelques élèves des réactions qui pourraient
s’apparenter à un phénomène d’inhibition : par exemple, lorsque l’un d’entre eux prenait
la parole, un certain nombre d’élèves riait, comme si ce n’était pas normal ; d’autres
élèves semblaient gênés lorsqu’ils s’exprimaient (ils tiraient les manches de leur pull,
articulaient à peine : parlaient « dans leur moustache », etc.).
Si je me réfère aux propos de C.Hagège, ce type de comportement peut être
observé à l’adolescence ; pourtant, à l’âge de 9 ans, les enfants de sont pas encore
considérés comme des adolescents. Qu’est-ce que l’inhibition exactement ? Selon la
définition du dictionnaire Hachette, elle correspond à un « blocage des fonctions
intellectuelles ou de certains actes ou conduites, dû le plus souvent à un interdit
affectif ». Ainsi, l’attitude adoptée par ces élèves correspondrait plus à l’expression d’une
timidité ou même d’une peur de l’erreur, qu’à un comportement inhibé.
En ce qui concerne la chanson, j’ai fait le choix de ne pas leur faire écouter
avant : ils l’ont apprise progressivement, en parlé puis en chanté. Ensuite je leur ai fait
écouter une fois, puis ils ont chanté une fois avec la bande sonore.
17
Les enfants étaient très attentifs lors de l’écoute de la chanson et très motivés
parce qu’ils la connaissaient et avaient certainement envie de chanter ; cependant, il
aurait été intéressant de leur proposer cette première écoute avant l’apprentissage, de
façon à ce qu’ils puissent exprimer ce qu’ils avaient reconnu et compris comme
vocabulaire ou expressions. Par ailleurs, les enfants n’ont chanté qu'à une seule reprise
avec la musique, ce qui a été sans doute frustrant pour eux : dans l’ensemble de cette
séance, le temps du chant était celui où les enfants prenaient le plus de plaisir à
participer et ils semblaient être fiers de chanter une chanson en anglais. Peut-être
aurais-je du consacrer plus de temps à cette phase et privilégier le plaisir des élèves ?
Comme je l'avais envisagé, lorsqu’il fallait nommer un objet de la classe en
précisant sa couleur, les élèves avaient tendance à ne prendre en compte que le critère
objet sans en spécifier la couleur. En effet, chaque fois que je posais la première question
(« what's this? »), j'étais obligée de continuer mon questionnement pour les amener
progressivement à la formulation correcte.
Puis, au fur et à mesure des répétitions, les enfants s'appropriaient cette nouvelle
structure syntaxique: ils précisaient systématiquement la couleur de l'objet en plaçant
correctement l'adjectif épithète.
Cette expérience montre à mon avis l'importance de la répétition dans
l'apprentissage d'une langue étrangère, mais aussi le rôle de l’enseignant face à l’erreur :
à chaque fois qu’un élève me proposait une formulation erronée, je ne stigmatisais pas
son erreur, mais l’encourageais à répéter après ma formulation, pour ensuite le féliciter.
Du point de vue des apprentissages linguistiques, la deuxième difficulté observée
concerne l'oubli de l'article indéfini (a/an) lorsque les élèves formulaient par exemple la
phrase (spontanément ou en répétant) « It’s a green pen. » En effet, la discrimination de
cet article n'est pas facile à effectuer.
Ma réaction a été alors de décomposer le groupe de mots (exemple: a / green /
pen). Or, cette décomposition en mots isolés ne correspond pas à la réelle prononciation,
qui devient alors artificielle.
Il me paraît essentiel de favoriser une imprégnation de la langue et ce, en la préservant
de tout caractère artificiel. Il aurait été plus judicieux que je leur demande de prononcer
la phrase progressivement, c'est-à-dire: «a pen » (répétition), «a green pen »
(répétition), « it's a green pen » (répétition). Cet obstacle que j’ai rencontré montre la
nécessité de la maîtrise de la langue étrangère par l’enseignant.
Les difficultés rencontrées:
Les consignes tout au long de la séance étaient trop souvent énoncées en
français, ce qui ne permettait pas une réelle immersion dans la langue. Cependant,
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lorsque dans la première phase je posais directement la question « What color is this ? »,
les élèves ne semblaient pas comprendre la question : seul un élève (qui avait pratiqué
l’anglais dans une autre école l’année précédente) a pu y répondre. Je pensais que la
plupart réussiraient à faire le lien entre « color » et « couleur », mais ce n’était pas si
évident : donc, les consignes doivent être proposées le plus souvent possible dans la
langue, mais il faut être attentif au degré de difficulté des questions posées, de façon à
ne pas mettre les élèves face à un échec dès le début. C’est la raison pour laquelle
l’enseignant doit trouver des moyens sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer afin de
réaliser la tâche demandée.
C’est ainsi que, pour la deuxième séance, dans le souci de proposer un « bain de
langue » à la classe, j'ai fait le choix de présenter le jeu du bingo avec un maximum de
consignes en anglais.
Pour cela, j'ai utilisé la comparaison avec le loto: « Let's play Bingo game. In
English: bingo / in French: loto / Do you know loto? ».
Les élèves ne semblaient pas comprendre ce que je tentais de leur expliquer.
J'avais alors passé beaucoup de temps à leur expliquer les règles du jeu par
l'intermédiaire des gestes et des images: je jouais le rôle du joueur et du meneur de jeu,
pour leur donner un exemple. Cette phase d'explication était trop longue et
apparemment peu efficace.
Dès le début du jeu, je me suis aperçu que certains d'entre eux n'avaient pas
compris ce qu'il fallait faire: après la distribution des cartons, certains élèves
s'empressaient de cocher toutes les cases; d'autres semblaient désemparés et
regardaient autour d'eux sans doute pour prendre quelques indices.… Cette situation qui
aurait due être ludique et une source de plaisir pour tous, ne l’a été que pour les élèves
qui avaient compris la règle du jeu.
Pour faciliter la compréhension de tous, j’aurais peut-être dû donner une première
fois les consignes en français, puisque c’était la première fois qu’il jouaient à ce jeu dans
une langue étrangère ; de plus la présentation des cartons de jeu étant personnelle
(fabrication moi-même), tous n’ont pu établir le lien avec le loto français. Cependant,
pour garder une immersion dans la langue, j’aurais pu, au moment de la démonstration
du jeu, faire venir deux élèves devant le reste de la classe pour simuler une partie de
Bingo game ; les élèves auraient peut-être mieux compris: le modèle aurait eu en effet
plus de lien avec la réalité, c’est-à-dire un meneur de jeu et plusieurs joueurs.
Contrairement à ce que j’avais précisé dans ma fiche de préparation, j’ai le plus
souvent procédé à des répétitions collectives ; celles-ci ne m’ont pas permis de vérifier la
prononciation de chacun, et j’ai pu me rendre compte par la suite que certains enfants
déformaient la prononciation des adjectifs de couleurs (notamment « purple »).
19
De plus, la participation n’est pas toujours collective : en effet des enfants
peuvent rester parfois en retrait, sans que l’enseignant ne s’en aperçoive. C’est pourquoi,
elle ne peut se suffire à elle-même : il est préférable d’y avoir recours à la suite de
quelques répétitions individuelles précédées elles-mêmes de la prononciation claire et
précise de l’enseignant, qui circulera dans la classe pendant les répétitions collectives
pour entendre un maximum d’élèves.
Au moment de la trace écrite de la première séance, les enfants devaient colorier
les pots de peinture de la bonne couleur (étiquettes écrites sur pots) ; or, il était
impossible pour eux de lire ces mots, puisqu’il n’y avait eu aucune visualisation
auparavant : c’est pourquoi beaucoup d’enfants ont fait des erreurs. N’ayant pas anticipé
cette difficulté, je suis passée vers chaque enfant afin d’oraliser les mots et valider leur
réponse : la durée de la validation était par conséquent trop longue, et les élèves
n’étaient plus attentifs.
La trace écrite n’était pas indispensable à la fin de cette séance : j’aurais pu la
proposer lors d’une autre séance, une fois le lexique assimilé et visualisé. D’ailleurs, les
Instructions officielles précisent que même si elle est importante, la trace écrite ne doit
toujours intervenir qu’une fois les énoncés maîtrisés oralement par les élèves.
Cette visualisation aurait pu se faire collectivement au tableau : j’aurais écrit puis
oralisé chaque adjectif, et un enfant serait venu associer la bonne carte de couleur ;
ensuite chaque élève aurait pu effectuer son travail en s’appuyant sur l’écrit au tableau.
20
II.Le cycle des apprentissages fondamentaux
1. Présentation des séances
Le contexte :
Les trois semaines de stage se situaient sur la période qui précède les vacances
de Noël.
J’enseignais dans une classe de CP (21 élèves). Ces enfants n’avaient pour la
plupart jamais pratiqué l’anglais auparavant, mis à part un élève qui avait vécu quelques
années au Maroc où il avait appris l’anglais pendant deux ans à l’école maternelle.
Les objectifs visés :
Avec une collègue professeure des écoles stagiaire, responsable de la classe des
CE1, nous faisons le choix de leur apprendre un chant : « We wish you a Merry
Christmas ».
Notre projet est de réunir nos deux classes à l’issue des trois semaines de stage, afin que
les élèves puissent chanter tous ensemble.
Parallèlement, de mon côté, je fais le choix de travailler sur la numération jusqu’à
cinq (jusqu’à dix si possible) : après une découverte du vocabulaire (one, two, three,
four, five), l’objectif est d’amener les élèves à se l’approprier à l’aide d’une chanson
accompagnée des gestes, pour ensuite le réinvestir dans d’autres situations, notamment
en EPS (Le béret).
Les supports utilisés :
Pour ces séances, j’ai utilisé des étiquettes collectives avec l’écriture des chiffres,
et des cartons de constellations habituellement utilisés en numération pour les
apprentissages mathématiques : ces supports visuels permettent aux élèves de
comprendre ce dont l’enseignant parle ; de plus, le fait d’utiliser des supports familiers
leur permet d’avoir des repères et donc de ne pas se sentir déstabilisés face à cette
langue inconnue.
Là encore, j’ai fait le choix de leur apprendre une chanson (Ten Little Indians) en
utilisant un support audio, dans le but de favoriser la mémorisation du lexique par la
répétition, tout en gardant une sensation de plaisir.
Le déroulement des séances :
Contrairement aux séances mises en place au cycle 3, les séances qui suivent ne
sont pas détaillées de façon précise : l’apprentissage du chant s’est effectué sur le temps
21
réservé à l’éducation musicale ; quant à la numération jusqu’à dix, trois séances ont été
nécessaires.
L’apprentissage du chant
La première séance se déroule en plusieurs étapes :
je leur chante une fois le chant dans son intégralité :
We wish you a merry Christmas,
We wish you a merry Christmas,
We wish you a merry Christmas,
And a happy New Year.
Good tidings we bring,
To you and your kin.
We wish you a merry Christmas
And a happy New Year!
Je leur propose d’exprimer leurs premières impressions (Est-ce que ce
chant leur est familier ? A quoi leur fait-il penser ? Est-ce qu’ils ont déjà
entendu ces paroles ? En quelle langue est-il chanté ? Est-ce que quelqu’un
connaît cette langue ? Est-ce que quelqu’un sait parler anglais ?). Le but
est d’amener progressivement les élèves à faire le lien avec Noël, puis de
parler de l’anglais.
Je leur propose de l’apprendre : commencer par la première phrase.
Les séances qui suivent consistent à apprendre le chant de manière progressive,
c’est-à-dire en découpant le chant en phrases, puis en morceaux de phrases, afin de lier
peu à peu les différentes parties.
L’apprentissage de la numération
La première séance : découverte des nombres en anglais
Elle consiste à leur faire découvrir, dans un premier temps, les nombres jusqu’à
cinq ou dix en fonction de leurs capacités : à l’aide des cartons de constellations et
des étiquettes des chiffres, je leur énonce le « vocabulaire ». Je le fais d’abord en
respectant l’ordre logique de la suite numérique, puis dans le désordre : je fais
répéter quelques enfants individuellement, puis collectivement.
Ensuite j’interroge quelques élèves en montrant une étiquette.
Dans un dernier temps, je distribue à chaque élève une étiquette avec un chiffre
inscrit dessus. Ils sont plusieurs à avoir le même : j’annonce un nombre, ceux qui le
22
possèdent doivent lever rapidement leur étiquette. Enfin, j’échange à plusieurs reprises
les étiquettes, pour répéter le jeu.
Je termine par en leur demandant de compter jusqu’à dix avec leurs doigts.
La deuxième séance : appropriation des nombres
Recycling : je propose à ceux qui le souhaitent de compter jusqu’à dix en anglais
avec leurs doigts.
Je leur fait écouter la chanson « Little Indians » dans son intégralité :
One little, two little, three little Indians,
Four little, five little, six little Indians,
Seven little, eight little, nine little Indians,
Ten little indian boys.
Je leur demande s’ils ont reconnu certains mots.
Je leur propose d’apprendre cette chanson de façon progressive également, même
si celle-ci est plus facile à assimiler : en effet le rythme est relativement simple, et il y a
peu de nouveaux mots à prononcer.
La troisième séance : réinvestissement
L’intérêt visé à travers cet apprentissage est bien la capacité à prononcer et
utiliser les nombres en anglais dans d’autres situations.
C’est la raison pour laquelle, au cours d’une séance en EPS, je leur propose de
jouer au jeu du béret en anglais :après avoir attribué à chacun un numéro, j’annonce un
numéro (tout en montrant la correspondance avec mes doigts, pour les élèves qui
auraient quelques difficultés). Les deux joueurs qui portent ce numéro doivent venir le
plus rapidement possible au centre pour récupérer l’objet ; celui qui réussit à s’en
emparer et le rapporter dans son équipe sans se faire toucher a gagné.
Je leur propose de recommencer plusieurs fois, en changeant les numéros.
2. Analyse des séances
Les réactions des élèves:
En ce qui concerne le chant de Noël, avant même de leur chanter les paroles, je
leur ai chanté la mélodie. Très rapidement, la plupart des élèves ont reconnu qu’il
s’agissait d’un chant de Noël. Cependant ils n’ont pas immédiatement parlé da la langue ;
lorsque j’ai commencé à chanter les paroles, certains semblaient étonnés, d’autres
riaient. A la fin du chant, un élève m’a dit « Je n’ai rien compris à cette chanson ! » :
cette remarque a permis de parler de cette langue qu’ils ne comprenaient pas, sauf un
élève qui a raconté où il l’avait apprise ; nous avons parlé des pays dans lesquels
23
l’anglais est la langue maternelle. La plupart des élèves connaissaient l’existence de
l’anglais, puisque c’est une langue que souvent leurs frères et sœurs aînés apprennent au
cycle trois ou encore au collège.
Il est important de noter que les élèves ont manifesté un grand enthousiasme à
l’idée d’apprendre un chant en anglais : leurs remarques ou expressions non verbales
semblaient signifier que le fait d’apprendre un chant dans une langue étrangère leur
paraissait « insurmontable » parce que très difficile ou inconcevable au CP : ceci était
certainement dû au caractère nouveau de cette discipline.
Cet enthousiasme est apparu tout au long de l’apprentissage de la chanson, mais
également au cours des différentes séances sur la numération. D’ailleurs, il m’était
parfois difficile d’obtenir de leur part une grande concentration.
En dehors des temps consacrés à l’anglais, les élèves me parlaient quelquefois de
la chanson ou bien des nombres : par exemple, au moment de sortir en récréation,
certains enfants fredonnaient la chanson ; lorsqu’ils se mettaient en rang avant d’entrer
dans la salle de classe, certains me racontaient qu’ils l’avaient chanter la veille à la
maison à leurs parents ; pendant les séances de mathématiques, alors qu’il fallait
dénombrer une collection d’objets, au lieu de compter en français, certains comptaient en
anglais, etc. Ces anecdotes témoignent, à mon avis, de la motivation et probablement du
plaisir que les élèves ressentent lors de l’apprentissage d’une langue étrangère, et ce
particulièrement lorsque celui-ci s’effectue par l’intermédiaire de chansons ou encore à
travers des situations ludiques.
Leur réaction n’aurait peut-être pas été la même, si l’apprentissage de la
numération s’était interrompu à la deuxième séance (répéter les nombres, réciter la
comptine numérique en anglais).
Lors de l’apprentissage des chansons, je demande à certains enfants de répéter :
parfois ils n’osent à peine parler, baissent la tête. Cependant, si je compare avec la
classe de CM1, les enfants qui adoptent cette attitude sont moins nombreux, et de
manière générale, ce sont ceux qui prennent rarement la parole en classe dans les autres
champs disciplinaires, et s’expriment avec timidité. Par ailleurs, contrairement aux élèves
de CM1, la langue étrangère, pour ces élèves de CP, est une nouvelle discipline.
Les difficultés rencontrées:
Comme je l’ai évoqué précédemment, à chaque séance d’anglais, quelques élèves
avaient tendance à manifester leur enthousiasme en s’agitant, ou bien en répétant
chaque mot que je disais. Là encore, j’explique ce comportement par l’aspect nouveau de
cet enseignement : en effet, il est probable que l’installation d’une habitude de travail
permettrait d’atténuer leur excitation.
Par ailleurs, je me suis aperçu dès le début que mes séances étaient d’une durée
trop importante : sur la fin des premières séances, les élèves semblaient éprouver des
24
difficultés à maintenir leur attention. Par exemple, pour l’apprentissage de la chanson
_qui était difficile_ les enfants étaient installés au sol, regroupés, et au fur et à mesure,
certains se déplaçaient ou discutaient avec leurs camarades. Dans un premier temps, je
pensais que la modalité de travail (regroupement) perturbait leurs habitudes de travail,
puis suite à des contraintes d’emploi du temps, j’étais obligée de réduire la durée de mes
séances : au lieu d’une demi-heure, j’ai proposé des séances d’environ un quart d’heure.
Le changement était flagrant : je captais leur attention du début jusqu’à la fin. Cette
expérience m’a permis de me rendre compte qu’il était préférable de proposer des temps
d’apprentissages de courte durée, mais plus fréquemment.
L’apprentissage du chant de Noël a posé quelques difficultés : pour prononcer la
première phrase, j’avais décidé de la couper en deux parties : We wish you + a merry
Christmas. Je me suis rendue compte que la prononciation de trois mots associés posait
problème. J’ai donc segmenté en mots isolés : « We » puis « wish » puis « we wish »
puis « you » puis « we wish you » en essayant de le prononcer d’une manière de plus en
plus fluide, d’abord en parlant et ensuite en chantant.
Face à ce problème, je me suis demandé si j’étais trop exigeante quant à la
qualité de prononciation de chacun. Mais à la suite d’une discussion avec mon professeur
d’anglais, j’ai compris qu’il était plus judicieux de faire apprendre aux élèves le chant à
l’envers, c’est-à-dire : « Christmas » puis « merry Christmas » puis « a merry
Christmas ». J’ai suivi ce conseil pour la fin du chant, et il s’est avéré que les élèves
semblaient se l’approprier plus rapidement.
Il apparaît donc essentiel que l’enseignant sache à l’avance la manière dont il va
s’y prendre pour permettre l’apprentissage d’une chanson ou d’une comptine : où faut-il
découper les phrases ? Quelles sont les difficultés aux quelles les élèves risquent d’être
confrontés, en ce qui concerne le rythme, mais aussi la prononciation et l’articulation ?
Ces compétences (de l’enseignant) concernent certes le domaine de l’éducation musicale,
mais il est intéressant d’élargir cette réflexion aux consignes : comment s’y prendre pour
que les élèves comprennent la tâche qui leur est demandée ? Ainsi, lorsque l’enseignant
prépare ses séances d’apprentissage, il me paraît indispensable qu’il anticipe sur les
moyens qui vont faciliter la compréhension de chacun (paroles, gestes, matériel).
25
III.Le cycle des apprentissages premiers
1. Présentation des séances
Le contexte :
J’ai effectué ce stage au sein d’une classe de moyenne et grande section de
maternelle : il y avait 29 élèves (7 élèves de moyenne section et 22 élèves de grande
section).
Aucun de ces enfants n’avaient pratiqué l’anglais auparavant : ni au sein de leurs
familles, ni à l’école.
Pour l’élaboration de mes séances d’apprentissage, je me suis inspirée de
l’observation (sur cassette vidéo) d’un Travail d’Atelier Pédagogique mené par des
professeurs stagiaires au sein d’une classe de grande section, dans le cadre de la
dominante « langue étrangère ». Pour ce travail, la classe avait été divisée en deux
groupes, ce qui permettait à l’enseignante de s’adresser à un groupe d’enfants restreint.
Je me suis alors demandé si je pouvais transférer ce que j’avais observé au sein
d’une classe entière.
Les objectifs visés :
Etant donné que ces trois semaines de stage allaient être la première expérience
en langue étrangère pour les enfants, je me suis fixé des objectifs relativement
modestes.
L’objectif d’apprentissage principal était donc la numération jusqu’à trois.
Les supports utilisés :
J’ai utilisé une marionnette (tortue) : elle constituait un réel repère pour les
enfants. Cette marionnette était en quelque sorte la « mascotte » des séances d’anglais :
« C’est une tortue que j’ai achetée au cours de mon voyage en Angleterre… elle parle
anglais, et m’a appris beaucoup de choses en anglais ! ». A chaque fois que je la prenais
dans mes mains, les enfants savaient que c’était le « temps de l’anglais ».
L’utilisation d’un support tel que la marionnette me semble essentiel en maternelle : au-
delà du repère dans le temps, elle joue un rôle primordial tant sur le plan de l’affectif que
celui de l’imaginaire.
La comptine (« Two little dicky birds »), et plus particulièrement les gestes qui
l’accompagnent, peuvent être également considérés comme un support pédagogique,
puisqu’ils permettent la visualisation des paroles de la comptine, et par conséquent
facilitent la compréhension de la notion visée.
26
Le déroulement des séances :
Comme pour le travail mis en place dans la classe de CP, j’expose ci-après les
séances dans leur globalité.
Suite à mon expérience précédente, je fais le choix de proposer des séances d’une
courte durée, mais quotidiennement ou un jour sur deux.
Chaque séance commence par un court dialogue entre la tortue et moi-même,
puis des salutations aux enfants (Hello ! How are you ? Fine, thank you! And you? Fine,
thank you too! Hello everybody ! Et la marionnette salue individuellement chaque
enfant). De la même façon, chaque séance se termine par des « salutations » avec la
marionnette.
La première séance consiste donc à présenter la tortue aux élèves, et à échanger
(en français) sur l’anglais. Par la suite, je leur explique que la tortue m’a appris une
comptine en anglais, que je souhaite à mon tour leur apprendre. Je leur présente la
comptine. Ensuite, je leur propose de faire les gestes en même temps que moi.
Two little dicky birds, sitting on a wall.
One named Peter, one named Paul.
Fly away Peter, fly away Paul.
Come back Peter, come back Paul.
Les séances suivantes consistent en l’apprentissage des gestes, puis de la
comptine : de même que pour l’apprentissage d’une chanson, il s’agit de découper
l’ensemble en différentes parties, et de procéder à des répétitions individuelles, puis
collectives.
Lorsque la comptine est bien assimilée par les élèves, je leur propose de la mettre
en scène devant le tableau, en remplaçant les oiseaux par deux enfants volontaires, qui
viennent s’installer sur un banc. La comptine de vient alors :
Two little children, sitting on a wall.
One named (nom de l’enfant 1), one named (nom de l’enfant 2).
Fly away (enfant 1), fly away( enfant 2).
Come back (enfant 1), come back (enfant 2).
Je renouvelle cette activité avec des enfants différents, puis je leur propose
d’ajouter un troisième enfant. J’introduis alors le terme « three ».
27
2. Analyse des séances
Les réactions des élèves:
Il apparaît clairement qu’une fois de plus, l’ensemble des enfants manifestent un
réel enthousiasme à l’idée d’apprendre l’anglais pendant trois semaines. Il est probable
que ceci soit lié à un sentiment de fierté : en effet un certain nombre d’entre eux m’ont
expliqué que leurs grands frères et sœurs apprenaient eux aussi l’anglais à l’école et
qu’ils allaient « faire comme eux ».
Comme pour la classe de CP, les enfants exprimaient leur enthousiasme en dehors
du temps scolaire : certains parents, au moment de l’accueil, m’ont fait part de la fierté
de leurs enfants qui racontaient autour d’eux qu’ils apprenaient l’anglais à l’école. Un
matin, le frère d’un des élèves, qui était dans la classe des CP située à côté de l’école
maternelle, est venu me demander : « c’est vrai que C. apprend l’anglais ? ».
Introduire les séances d’anglais avec l’histoire de la marionnette qui habitait en
Angleterre était sans doute un choix judicieux : tout d’abord, cela a permis d’évoquer des
notions telle que celle de « pays dans le monde ». Par ailleurs, le support de la
marionnette a éveillé la curiosité des enfants : un matin, un élève est venu me voir avec
un planisphère afin de le présenter au moment des rituels, et m’a demandé où se
trouvait le pays de la tortue ; il a pu, à son tour, et devant ses pairs, présenter sur la
carte « le pays de la tortue ».
Les élèves s’adressaient à la tortue comme si elle existait réellement. Elle
permettait aux élèves de se sentir à l’aise, en confiance, et le lien affectif qu’ils avaient
établi avec elle les motivait pour apprendre la comptine, ou prendre la parole devant les
autres élèves.
Les difficultés rencontrées:
Les séances étaient parfois difficiles à gérer dû à l’effectif de la classe. En effet il y
avait 29 élèves, et de manière générale, les moments de regroupement devaient occuper
une partie restreinte de la journée : les séances avaient lieu chaque jour en début
d’après-midi, durant dix ou quinze minutes.
Lors des répétitions collectives, je ne rencontrais pas de problème particulier, puisque
tous les élèves se sentaient concernés.
En revanche, lorsque je faisais répéter quelques enfants individuellement, très vite
le reste du groupe détournait son attention : les élèves commençaient à chahuter ou
bouger. Régulièrement, j’étais obligée de cadrer le groupe et demander l’attention de
tous, et ce pour plusieurs raisons :
- le bruit n’est pas une condition de travail acceptable, ni pour les enfants, ni pour
l’enseignant, particulièrement lorsqu’il s’agit d’essayer de reproduire à l’identique
des schémas phonologiques,
28
- apprendre à écouter ses pairs est une réelle compétence du « vivre ensemble »
que les élèves doivent progressivement acquérir. Ce comportement n’est pas
caractéristique uniquement des séances d’anglais : les jeunes enfants de
maternelle restent centrés sur eux-mêmes, c’est ce que l’on appelle
« l’égocentrisme » (caractéristique du développement de l’enfant).
Le rôle de l’enseignant consiste aussi à maintenir des conditions de travail
favorables aux apprentissages, et ceci est à mon avis plus difficile dans une classe de
maternelle.
Face à cette difficulté, j’étais alors persuadée que ce que je proposais n’avait pas
de réel impact sur les élèves, et qu’aucun d’entre eux ne serait capable de dire la
comptine individuellement. Le jour où j’ai demandé à ceux qui le souhaitaient de venir
dire la comptine devant le reste du groupe, je me suis finalement rendu compte que la
plupart des élèves l’avait mémorisée, et de plus la prononçait tout à fait correctement.
Comme pour les stages précédents, je passais beaucoup de temps à essayer de
leur faire comprendre ce dont j’étais en train de parler, et notamment pour donner les
consignes.
Par exemple, au moment où je voulais qu’un enfant vienne réciter la comptine
devant ses pairs, je leur ai dit : « Who wants to come next to me and say « two little
dicky birds? » » . Tous les élèves me regardaient sans rien dire ; l’expression sur leurs
visages laissait supposer qu’ils ne comprenaient pas ce que je disais. J’ai alors répété une
deuxième fois ma question de manière à ce qu’ils l’entendent bien, puis j’ai nommé un
enfant et je lui ai fait signe de venir à côté de moi tout en disant : « Come here, come
next to me. ». Ensuite je lui ai montré mes deux pouces (signe de préparation pour dire
la comptine) en disant : « Are you ready ? Let’s go together !… Two little...etc”.
Finalement, demander à un élève d’être acteur devant ses pairs, c’est-à-dire
s’adresser à lui en ayant recours aux gestes et parfois même au matériel de la classe,
permet aussi de donner des indices de compréhension aux élèves, tout en maintenant
une immersion dans la langue.
29
TROISIEME PARTIE
Les lectures que j’ai effectuées au cours de ma formation, ainsi que l’analyse des
diverses expériences professionnelles présentées en deuxième partie, m’ont permis
d’identifier plus clairement les conditions de l’apprentissage des langues étrangères à
l’école de manière générale, puis de définir les spécificités concernant l’école maternelle.
I. Les caractéristiques des activités
Il est important de varier les activités proposées aux élèves ainsi que les modalités de
travail pour maintenir leur attention et leur curiosité. Les types d’activités évoqués ci-
après sont exploitables du cycle des apprentissages premiers jusqu’au cycle des
approfondissements, en les adaptant aux besoins et compétences des élèves.
1. Des activités de communication
Les instructions officielles insistent sur cet aspect : « un enseignement basé sur la
communication ». La communication suppose une relation entre deux interlocuteurs, et
par conséquent des capacités d’écoute, de compréhension et d’expression orale. Il
apparaît donc essentiel de travailler ces diverses compétences à travers les activités
proposées. Ces éléments font partie des « principes communs » cités dans le programme
d’enseignement des langues étrangères au cycle des approfondissements ; néanmoins, il
me semble qu’ils peuvent s’appliquer dès l’école maternelle.
Les élèves doivent utiliser la langue en contexte, afin que l’activité ait du sens
pour eux. La situation de communication engendre le désir de mieux maîtriser la langue
qui prend un caractère utile. C’est pourquoi il est intéressant de lier les activités de
langue à d’autres domaines d’apprentissages : c’est le cas du jeu du béret avec la classe
de CP ; j’ai fait le choix d’utiliser l’anglais dans un jeu collectif en EPS : pour pouvoir
participer activement au jeu et même gagner, chaque enfant doit connaître les nombres
en anglais.
L’utilisation de supports authentiques (c’est-à-dire non construits dans le but
d’une utilité scolaire) est préconisée, afin de ne pas donner un aspect artificiel à l’activité,
mais également dans l’intérêt d’une ouverture culturelle. Le fait de proposer aux élèves
un chant de Noël authentique et non adapté, leur a permis de se rendre compte que ce
chant dont la mélodie leur était familière n’appartenait pas à la culture française.
2. Des activités sensori-motrices
Dans le souci de favoriser au maximum la participation orale et active des élèves,
faire appel aux sens et également au corps de l’enfant dans les activités apparaît
fondamental.
30
L’enfant (et le jeune enfant en particulier) a besoin de bouger. Aussi à l’école
maternelle, les activités physiques apparaissent fondamentales : « plus l’enfant est
jeune, plus le rôle du corps est primordial ».19 C’est ce que l’on appelle l’approche TPR
(Total Physical Response) qui consiste à mettre en jeu l’activité motrice de l’enfant :
développer dans un premier temps la compréhension à travers les mouvements du corps,
et lorsque les gestes sont bien intégrés, l’enfant peut avoir recours à la parole pour
accompagner les gestes. Au cours de mon expérience dans une classe de maternelle,
l’apprentissage de la comptine passait d’abord par une phase d’appropriation des gestes,
pour ensuite introduire l’énoncé. D’ailleurs lors de la récitation individuelle, je me suis
aperçue que la plupart des enfants avaient besoin de ses gestes pour dire la comptine.
Ainsi, le fait de proposer aux élèves des activités qui reposent sur leurs fonctions
motrices aide à la compréhension des messages, ainsi qu’à l’expression orale.
Il en est de même pour les fonctions sensorielles (toucher, vue, odorat, goût,
ouïe) : c’est l’approche multi-sensorielle. Elle permet une découverte active de la langue,
peut être particulièrement bénéfique pour les enfants en difficulté dans d’autres
disciplines, puisqu’elle fait appel à leurs capacités naturelles. Vivre intérieurement des
sensations facilite la compréhension de la situation. C’est le cas pour tous les « jeux de
Kim ». De plus, l’ensemble de ces activités qu’il est important de varier, afin de multiplier
les expériences, est source de plaisir et de motivation pour l’enfant qui rentre plus
facilement dans les apprentissages.
3. Des activités ludiques
L’objectif n’est pas d’amener les enfants à être bilingues, mais de leur permettre
« d’accéder au plaisir de jouer avec des sonorités différentes, et de parvenir à établir une
communication même succinte dans un autre langage verbal que le français ».20
Aussi il est essentiel que les élèves puissent découvrir cette nouvelle langue avec
plaisir et curiosité : c’est le plaisir qui est source de leur motivation, et par conséquent de
leur participation. Plus l’enfant sera motivé, plus il aura tendance à s’investir dans
l’activité.
Le terme « ludique » renvoie à ce qui est « relatif au jeu ». Il est explicitement
employé dans le programme au cycle des approfondissements, et est indispensable en ce
qui concerne les apprentissages à l’école maternelle.
L’enfant se développe à travers le jeu qui est alors source d’apprentissages
(socialisation, langage). Proposer des activités ludiques permet de capter toute
l’attention de l’élève qui se focalise plus sur le plaisir qu’elle suscite que sur les efforts
qu’elle oblige à fournir. C’est la raison pour laquelle le jeu prend une dimension
importante dans ces apprentissages.
19 Education enfantine, n°4, 04/199720 Education enfantine, n°4, 04/1997
31
Le jeu peut prendre divers aspects : il peut être individuel (bingo game par
exemple), ou collectif (« What’s the time Mr Wolf ? » équivalent de « Minuit dans la
bergerie » ou le jeu du béret).
C’est une activité de communication puisqu’il faut atteindre un but tout en
respectant des règles ; c’est une activité de socialisation qui passe par la collaboration
et/ou la compétition entre les enfants ; c’est une activité qui crée le besoin de maîtriser
la langue pour participer (écouter, parler, comprendre).
Chansons et comptines
La dimension ludique apparaît également dans d’autres activités comme les
comptines et les chansons : souvent accompagnées de gestes et/ou de mouvements, les
comptines et chansons sont alors sources de plaisir pour les enfants et favorisent la
participation de tous, même des plus timides. Sur le plan didactique, ces activités
permettent, grâce à la mélodie et parfois la structure répétitive, une mémorisation du
lexique qui s’enrichit. Elles facilitent également la pratique de la prononciation, de
l’intonation et la reproduction des sons.
Albums
Il en est de même pour les albums. « La littérature de jeunesse est un excellent
moyen d’enseigner les langues étrangères » car « la langue est contextualisée et prend
du sens. » 21La lecture d’une histoire mêle plaisir et imagination, cependant la lecture ne
peut se suffire à elle-même car elle ne permet pas l’acquisition de toutes les
compétences de communication : elle permet d’introduire ou de reconnaître du
vocabulaire (surtout si la structure est répétitive), de développer la compréhension
auditive (lien texte/images), d’entrer dans les apprentissages.
Comme le souligne F. Bablon, l’histoire peut être lue plusieurs fois jusqu’à ce que
les élèves la connaissent par cœur, et puissent à leur tour la raconter aux autres.
De la même manière, une fois que l’histoire est bien intégrée par les enfants, elle
peut être transférée sur un jeu : par exemple, « What’s the time Mr Wolf ? ».
Jeux de Kim
J’ai déjà évoqué l’intérêt que présente ce type de jeux précédemment.
Malheureusement, la durée du stage ne m’a pas permis de mener ma séquence sur la
numération à son terme. Il aurait été intéressant de proposer par la suite un jeu de
toucher (objets dans un sac : par le toucher, dire combien il y a d’objets dans le sac).
Cela aurait permis d’instaurer une véritable situation de communication entre deux
interlocuteurs.
21 F BABLON, Enseigner une langue étrangère à l’école, 2004
32
La marionnette
Elle n’est pas forcément un jeu en soi, mais constitue un support ludique aux situations
d’apprentissages.
Je m’en suis rendu compte lors de mon expérience en maternelle. Elle permet aux
élèves d’entrer facilement dans les apprentissages : c’est un moyen pour l’enseignant de
capter rapidement l’attention de tous ses élèves ; parce qu’il crée avec elle une relation
affective, c’est un moyen pour l’élève de se sentir en confiance, et certainement de parler
plus facilement : oublier un des élèves au moment des salutations aurait été une énorme
erreur de ma part, car les enfants y accordaient une grande importance.
II.Le rôle de l’enseignant
Au delà de sa réflexion sur la progression à proposer aux élèves, le rôle de
l’enseignant comporte différentes caractéristiques :
1. Une maîtrise de la langue étudiée
En ce qui concerne la qualité de la langue étrangère, il est souhaitable que
l’enseignant maîtrise bien la langue : « l’apprentissage risque d’être artificiel et
contraignant pour les élèves au lieu de s’inscrire à la fois dans un cadre ludique et dans
une perspective d’ouverture aux autres cultures. »22 La prononciation de l’enseignant doit
être claire, puisque le jeune enfant reproduit à l’identique ce qu’il entend. Aussi la qualité
sonore des supports proposés en classe est indispensable : d’après J. Manuel, « les
modèles donnés par l’enseignant, cassette, cdrom, vidéo, doivent être parfaits, tant pour
l’accent ou l’intonation, que pour les structures. »
C’est une des difficultés que j’ai rencontrées au cours de mes stages : aussi bien
pour les consignes, que pour les chansons ou comptines, je me suis entraînée lors de
mes préparations afin d’être à l’aise en classe et me concentrer sur les compétences des
élèves.
2. Un « bain de langue »
Pour une meilleure imprégnation de la langue par les élèves, l’enseignant doit
créer les conditions favorables à un « bain de langue ».
Les consignes ont alors une importance capitale : parler uniquement dans la
langue, permet aux enfants de comprendre la langue en contexte et dans sa globalité,
sans passer par la traduction.
D’après les instructions officielles : « Le recours au français durant la séance de
langue doit rester l’exception. Les consignes fonctionnelles, en particulier, seront
données dans la langue en cours d’acquisition. »
Il est vrai que cette immersion « totale » peut être perçue comme un obstacle,
parce que les enfants risquent de se trouver désemparés face cette langue inconnue.
22Education enfantine , n°4, 04/1997
33
Mais il relève de la responsabilité de l’enseignant que de prévoir les moyens favorisant la
compréhension globale des énoncés par tous les élèves.
Aussi, je me suis aperçu à travers mes diverses expériences, que pour faciliter
cette compréhension, l’enseignant peut s’appuyer sur la gestuelle expressive et des
dessins explicatifs.
Voici quelques exemples de supports que l’enseignant peut utiliser :
Les flashcards : leur utilité est particulièrement intéressante lorsqu’il est
impossible pour l’enseignant de montrer des objets réels. Ces représentations
illustrées doivent être explicites afin de ne pas entraîner de confusion chez les
élèves.
Le « dire et faire » : cela consiste pour l’enseignant à mimer tout ce qu’il dit. C’est
un moyen que j’ai fréquemment utilisé. Il est vrai que ça donne l’impression de
« perdre » du temps, mais je pense que c’est important. Sur le même principe,
j’ai pu constater que de faire faire à un ou plusieurs élèves devant ses pairs était
une solution pertinente.
Ces moyens permettent de favoriser une écoute et une observation attentives de
la part de l’élève dans le but de comprendre un énoncé dans sa globalité : il puise des
indices qui lui permettent d’inférer le sens de ce que l’enseignant dit. L’inférence est une
compétence transversale intéressante à développer.
Je pense qu’il est important de préciser que pendant le temps de préparation,
l’enseignant doit essayer d’anticiper sur les difficultés éventuelles auxquelles ses élèves
risquent d’être confrontés. Cette anticipation permet de connaître la manière dont il va
s’y prendre pour faciliter la compréhension des élèves.
3. Des conditions de travail favorables
Le rôle de l’enseignant concernant le climat de la classe me semble primordial :
Tout d’abord, même si ceci est valable pour tous les domaines d’apprentissages,
l’une des conditions essentielles est l’écoute : être capable d’écouter ses pairs fait partie
des compétences de socialisation à acquérir à l’école maternelle. De plus, c’est une
condition de travail qui permet à l’enseignant de focaliser sa propre écoute sur la qualité
de production ou reproduction orale de chaque enfant.
Je précise de « chaque enfant », car l’enseignant doit veiller, au delà de la qualité
de reproduction et du degré de compréhension, à la participation de tous les élèves :
l’aspect ludique des activités, la participation de l’enseignant à ces activités, encouragent
la production orale des élèves.
Il en de même pour le respect de la parole des pairs : particulièrement dans la
cadre de l’apprentissage d’une langue étrangère, je me suis rendu compte que les élèves
étaient plus réservés et osent parfois à peine parler (d’autant plus lorsque les élèves sont
34
âgés). C’est la raison pour laquelle, l’enseignant doit être exigeant quant au respect des
autres.
4. Une valorisation de la prise de parole
La participation des élèves sera d’autant plus importante si l’enseignant valorise
toutes les tentatives d’expression orale. Il est donc important que les élèves entendent
«Good ! » ou encore « Very Good ! ». De même, lorsque les élèves de moyenne et
grande section récitaient la comptine, l’ensemble du groupe applaudissait, ce qui incitait
les autres à participer.
Ceci renvoie à la question du statut de l’erreur. Les erreurs des enfants ne doivent
pas être mises en valeur, stigmatisées. Une telle réaction risquerait en effet d’entraîner
un « blocage » de la prise de parole. Cependant cela ne signifie en aucun cas que l’erreur
doit être ignorée : il apparaît indispensable de revenir sur la correction, par exemple en
reformulant avec la bonne prononciation.
Enfin, l’intérêt de proposer un enseignement dès le plus jeune âge est de
familiariser l’enfant avec des sons différents de sa propre langue : c’est la raison pour
laquelle il est essentiel que l’enseignant s’assure de la qualité de production ou
reproduction orale de chacun de ses élèves.
Après un temps d’écoute du « modèle », qui peut-être la prononciation de
l’enseignant ou un enregistrement audio ou vidéo, il est indispensable d’inviter quelques
élèves à répéter individuellement, puis par petits groupes, puis collectivement.
III.L’école maternelle
Toutes les propositions exposées précédemment sont tout à fait valables pour
l’enseignement des langues étrangères à l’école maternelle.
1. L’importance du jeu
Même si le jeu à encore toute son importance à l’école élémentaire et jusqu’au cycle des
approfondissements, il me semble que c’est là que réside une des spécificités de l’école
maternelle.
Les programmes de l’école maternelle disent : « Les apprentissages de l’école
maternelle sont dits « premiers » parce qu’ils permettent à l’enfant de découvrir que
l’apprentissage est dorénavant un horizon naturel de sa vie. Ils lui permettent d’entrer
dans cette articulation entre jeux et activités par laquelle il deviendra progressivement
un écolier qui aime apprendre. »
35
A l’école maternelle, le jeu n’est pas simplement un support pédagogique (comme au
cycle des approfondissements), mais il est avant tout une nécessité pour le
développement de l’enfant.
2. Des activités régulières
La régularité des activités est essentielle pour fixer les acquisitions dans la
mémoire. J. Manuel souligne que « l’oubli s’installe entre 10 et 15 jours s’il n’y a pas de
rappel », d’où l’importance de la fréquence, durée et régularité des activités de langue
étrangère.
Mes expériences professionnelles m’ont amenée à préférer des séances courtes de
10/15 minutes (en maternelle), mais quotidiennes ou un jour sur deux. Cette fréquence
est préférable à une séance d’une heure par semaine, car l’imprégnation est plus
efficace.
Par ailleurs, quelques expériences d’enseignants montrent que ces séances
doivent être introduites de façon à ce que les élèves comprennent que « le temps de la
séance de langue »23va se produire. Il est possible de l’annoncer par une chanson
rituelle, une comptine, une boîte à marionnettes, un regroupement particulier, etc.
D’ailleurs, l’utilisation de la marionnette avec les moyenne et grande sections de
maternelle a joué un rôle essentiel quant à la structuration du temps. Dès que je prenais
la tortue, les enfants savaient que c’était « l’heure de l’anglais ».
Ainsi, il est préférable que ce temps de langue apparaisse toujours à la même
heure pour que les enfants puissent se repérer dans la journée et se sentir rassurés.
23Ministère de l'éducation nationale, Document d'accompagnement des programmes (anglais cycle 3), CNDP,2002
36
CONCLUSION
Au vu des différentes séances mises en place au sein des trois cycles
d’apprentissages, il apparaît que l’enseignement d’une nouvelle langue est source de
motivation pour les élèves.
Les conditions de cet apprentissage, qui doit correspondre à de réelles situations
de communication, se caractérisent essentiellement par :
l’aspect ludique des situations proposées : bien qu’essentiel tout au long de la
scolarité de l’enfant, le jeu prend un caractère indispensable à l’école maternelle.
Aussi, multiplier les expériences qui reposent sur les fonctions sensorielles est
fondamental. « C’est par le jeu, l’action, la recherche autonome, l’expérience
sensible, que l’enfant selon un cheminement qui lui est propre, y construit ses
acquisitions fondamentales. »24
le bain de la langue : parler uniquement dans la langue étrangère oblige l’enfant à
développer des compétences d’inférences transférables à d’autres domaines
d’apprentissages, et favorise une meilleure imprégnation de la langue. Toujours dans
cette logique d’imprégnation, l’utilisation de supports authentiques est préférable à
celles de documents « artificiels » et construits.
Les arguments développés par les psycholinguistes comme C.Hagège justifient
bien qu’il est essentiel que l’enfant soit exposé très tôt à d’autres langues, afin que son
oreille ne se ferme pas aux sons venus d’ailleurs. Les enseignants doivent donc profiter
de la plasticité des compétences auditives du jeune enfant et introduire les langues
vivantes dès la petite section de la maternelle.
Par ailleurs, la spontanéité, la curiosité ainsi que l’aptitude à communiquer qui
caractérisent le jeune enfant sont autant de critères à prendre en compte pour envisager
l’enseignement des langues étrangères dès la maternelle.
Contrairement aux préjugés que certains adultes, parents et enseignants, peuvent
avoir, l’apprentissage d’une langue étrangère ne constitue pas un obstacle à la maîtrise
de la langue française, objectif prioritaire aujourd’hui. Certains auteurs défendent même
l’idée selon laquelle il permet aux élèves d’améliorer, d’approfondir la connaissance de
leur langue maternelle.
Enfin l’ouverture culturelle que permet la connaissance d’autres langues est un
objectif primordial dans notre contexte actuel.
24Ministère de l'éducation nationale, Qu'apprend-on à l'école maternelle, CNDP, 2004.
37
D’une part, l’ouverture des frontières fait des langues étrangères un outil
indispensable. D’autre part, la peur de ce qui est « étranger », largement présente dans
notre société, nous oblige, en tant qu’enseignant, à permettre aux jeunes citoyens de
s’ouvrir aux autres : cette ouverture peut s’effectuer par l’intermédiaire de
l’apprentissage des langues étrangères. Comprendre et accepter que l’autre ait une
histoire, une langue, des coutumes différentes des siennes fait partie intégrante des
objectifs d’éducation à la citoyenneté.
38
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages:
F.BABLON, Enseigner une langue étrangère à l'école, Hachette éducation, 2004.
C.HAGEGE, L'enfant aux deux langues, Odile Jacob, 1996.
C.LELIEVRE, Les politiques scolaires mises en examen, ESF, Pédagogies essais, 2002.
L'enseignement des langues étrangères en milieu scolaire en Europe, Eurydice, 2001.
Les langues vivantes à l'école élémentaire, Actes de colloques, INRP, Paris, 1991.
Périodiques:
Education enfantine, n°4, 04/1997.
Le monde de l'éducation, n°333, 02/2005
Documents officiels:
Ministère de l'éducation nationale, Qu'apprend-on à l'écola élémentaire?, CNDP, 2004.
Ministère de l'éducation nationale, Qu'apprend-on à l'écola maternelle?, CNDP, 2004.
Ministère de l'éducation nationale, Documents d'accompagnement des programmes (anglais cycle 3), CNDP, 2002.
Ministère de la jeunesse de l'éducation et de la recherche, Note évaluation 04.01 Mars, DEP.
Ministère de l'éducation nationale, Note évaluation 05.06 Septembre, DEP.
39
ANNEXES
40
Annexe 1
Madame, Monsieur,
Dans le cadre de ma formation, j'effectue une recherche sur l'enseignement des
langues vivantes et je souhaite connaître les attentes et/ou craintes des familles
à ce sujet.
Ainsi, je vous serais reconnaissante si vous acceptiez de répondre à ces
questions. J'exploiterai moi-même les données et aucun questionnaire ne sera
diffusé à l'extérieur (il restera évidemment anonyme).
N'hésitez pas à exprimer vos opinions, vos questions, elles m'intéressent
particulièrement!!
QUESTIONNAIRE
Professions:................................................................................................................................
Nombre d'enfants (préciser la classe):...............................................................................
1° Connaissez-vous une (ou plusieurs) langue(s) étrangère(s) ? Si oui, précisez la
(les) langue (s) et votre niveau (ex: je ne parle pas du tout, mais je comprends quelques
mots; je parle assez bien et comprends parfaitement,...)
Oui.............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Non
2° Pensez-vous que la connaissance d'une langue est importante? Pourquoi?
Oui.............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
41
Non............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Ne se prononce pas
3° Vos enfants, apprennent-ils une (ou plusieurs) langue(s) étrangère(s) à l'école?
Si oui, précisez la (les) langue (s) étudiée(s) et la classe à laquelle l'apprentissage
a débuté.
Oui.............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
à l'école
à l'extérieur de l'école (famille,...)
Non
4° L'enseignement d'une langue étrangère est obligatoire dès le CE1: le saviez-
vous?
Oui
Non
5°A votre avis, est-il important que cet enseignement soit obligatoire à l'école
primaire?
Oui
Non
Ne se prononce pas
6° Selon vous quel(s) est (sont) le (les) intérêt(s) de proposer cet enseignement
dès le CE1?
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
42
7° Pensez- vous qu'il serait judicieux de proposer cet enseignement encore plus
tôt, c'est-à-dire dès la maternelle? Pourquoi?
Oui.............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Non............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Ne se prononce pas
8° Pensez-vous qu'un enseignement des langues vivantes dès la maternelle
pourrait être un obstacle à d'autres apprentissages? (Précisez-les) Ex: maîtrise de
la langue française, apprentissages mathématiques,...
Oui.............................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Non
Ne se prononce pas
Si vous vous posez des questions ou avez des inquiétudes ou si vous voulez
exprimer votre opinion, au sujet de l'enseignement des langues à l'école
maternelle, merci de les inscrire ci-dessous:
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
Je vous remercie d'avoir répondu à ce questionnaire,
Gaëlle Callewaert
(professeur des écoles stagiaire)
43
Annexe 2
44
Annexe 3
45
Annexe 4
46
Enseigner les langues étrangères
dès l'école maternelle
Résumé:
Le jeune enfant possède des capacités d'apprentissage immenses sur lesquelles
les enseignants doivent s'appuyer pour enseigner les langues étrangères à l'école
maternelle. Mes diverses expériences professionnelles ont permis d'identifier les
caractéristiques des conditions de cet apprentissage, notamment l'importance de l'aspect
ludique des activités proposées et du « bain de la langue ».
Mots-clés:
Enseignement
Ecole primaire
Ecole maternelle
Langue vivante: discipline
Anglais: langue
47