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L’homopaternité en Italie
2017/N° 6 GENRE EN SÉRIES : CINÉMA, TÉLÉVISION, MÉDIAS 33
L’HOMOPATERNITÉ EN ITALIE, OU QUAND UNE « NOUVELLE PARENTALITÉ » DEVIENT UN CAS
NATIONAL
Enrica BRACCHI et Gloria PAGANINI-RAINAUD
RÉSUMÉ En Italie, Nichi Vendola s’est affirmé ces dernières années comme l’une des personnalités politiques les plus influentes de la gauche et comme un acteur irremplaçable de la cause homosexuelle. Au mois de février 2016, il annonce que son compagnon et lui-même sont devenus pères d’un enfant, né aux États-Unis grâce à une gestation pour autrui. Quelques minutes après cette annonce, le « cas Vendola » occupe le premier plan des médias et réseaux sociaux italiens, lesquels relatent en même temps les discussions autour d’un projet de loi portant sur les unions civiles et qui devrait, entre autres, autoriser l’adoption d’un enfant, y compris par un couple homosexuel. Dans cet article, nous nous proposons de faire émerger, sur la base d’un corpus constitué de textes publiés en ligne après l’annonce de cette naissance, les modalités linguistiques qui connotent et orientent le champ de représentations, au sens sociologique du terme, dans lequel s’affrontent, aussi bien au niveau idéologique que sur le plan culturel et (bio)éthique, des positions opposées, voire inconciliables à l’égard de la filiation.
MOTS-CLÉS : FILIATION – GESTATION POUR AUTRUI – HOMOPATERNITÉ – PATERNITÉ – REPRÉSENTATION SOCIALE
ABSTRACT
In recent years, Nichi Vendola has emerged as one of the most influent politicians of the left party in Italy as well as an irreplaceable player in the homosexual community rights. In February 2016, he announced that his companion and himself became fathers of a child born in the United States thanks to surrogacy. Just a few minutes after this announcement, the « Vendola case » was at the forefront of the Italian media and social networks, which relate at the same time the debates about the draft of an Act on civil unions. This Act allow, inter alia, the adoption of a child, including by same sex couples. On the basis of a body of online texts published after the announcement of the birth, we propose to highlight language procedures that connote the field of representations, in the sociological sense of the term. In this field of representations, both on an ideological, cultural and (bio)ethics level, opposite even irreconcilable positions with regard to the parental affiliation clash.
KEYWORDS : HOMOPATERNITY – PARENTAL AFFILIATION – PATERNITY – SOCIAL REPRESENTATION – SURROGACY
© 2017 Genre en séries : cinéma, télévision, médias
ISSN 2431-6563
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Enrica Bracchi est maîtresse de conférences en Études Italiennes, membre du CRINI (Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité – EA 1162) et membre associée de l’IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé – EA 1166), à l’Université de Nantes. Ses recherches portent sur des questions sociales et sociétales contemporaines, liées notamment aux nouvelles familles et aux nouvelles manières d’avoir et de faire des enfants au XXIe siècle. Son approche comparée (Italie et autres pays européens et non-européens) se fonde sur une réflexion inter/intradisciplinaire langue-culture-droit. À travers l’analyse des termes (juridiques, journalistiques, sociologiques…) employés pour désigner ces nouvelles configurations familiales et parentales et à travers l’étude des discours (politiques, médiatiques, d’associations…) portant sur ces mêmes questions sociales et sociétales, elle essaye de montrer comment le droit et une société évoluent (ou non), se montrent réticents (ou non) face à ces changements dans la constitution des familles « non traditionnelles », en les reconnaissant (ou non). Elle fait partie du groupe de recherche « EnJeu[x] – Enfance et Jeunesse », porté par l’Université d’Angers, et elle est responsable de l’action « Étude des usages langagiers autour de l’expression des filiations et de la parentalité : témoignages sur sites et forums ». Elle est membre du groupe de recherche « Osservatorio sull’euroletto », Università degli Studi Internazionali di Roma – UNINT (évolution de la terminologie de genre dans les textes de l’Union Européenne). Gloria Paganini-Rainaud est maître de conférences en Études Italiennes et membre du CRINI (Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité – EA 1162), à l’Université de Nantes. Ses recherches, centrées autour la notion de représentation sociale et culturelle de l’altérité, se développent principalement dans le domaine de la civilisation de l’Italie contemporaine. Actuellement, elle étudie la représentation de l’altérité dans le cinéma italien contemporain et en particulier les deux figures d’« étrangers de l’intime » représentées par l’enfant adopté et par la badante (aide soignante vivant au domicile de la personne soignée). Depuis 2001, elle dirige le festival annuel de cinéma italien de Nantes et, depuis 2008, elle préside l’association Univerciné (http://univercine-nantes.org), qui regroupe les festivals de cinéma allemand, britannique, russe et italien.
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Au mois de février 2016, l’annonce officielle de la naissance, grâce au
recours à une mère porteuse, de l’enfant d’un couple homosexuel déclenche
en Italie une réaction médiatique de grande ampleur et donne lieu à ce qui
est très rapidement désigné, d’après le nom de famille de l’un des deux
« nouveaux pères », comme il caso Vendola (« le cas Vendola »). Les
circonstances qui ont transformé un événement privé, voire intime, comme
une naissance, en une affaire publique aux implications politiques
immédiates, constituent, à notre avis, une entrée en matière
particulièrement pertinente lorsque l’on souhaite cerner les représentations
qui incarnent et potentiellement perpétuent, dans une aire culturelle et à un
moment historique donnés, les imaginaires liés à la parentalité. En effet,
cette naissance, qui s’est accomplie dans des conditions inhabituelles pour
l’Italie et dans un contexte social déjà sensiblement crispé autour des
questions de filiation (Galeotti, 2009 ; Lingiardi, 2007 ; Paterlini, 2006 ;
Winkler et Strazio, 2014 ; Zajczyk et Ruspini, 2008), a eu pour double effet
de lever massivement les opinions et d’en désinhiber les modalités
d’expression. En introduisant une rupture, de par son caractère relativement
inédit, dans le spectre des manières ordinaires, usuelles ou traditionnelles,
d’appréhender la paternité, la nouvelle de cette naissance a fait émerger des
visions de la parentalité qui restent habituellement à l’état latent ou
implicite. Ainsi a-t-elle créé les conditions qui nous permettent ici de
questionner le caractère d’évidences partagées, ou « d’auto-évidences »
(Saraceno, 2012 : 7), que ces représentations revêtent d’ordinaire, dans la
société italienne contemporaine.
Dans ce but, nous avons rassemblé les textes de différente nature
publiés en ligne pendant les quinze premiers jours qui ont suivi l’annonce de
cette naissance, du 27 février 2016 au 14 mars 20161. Notre corpus se
compose de vingt-sept articles de quotidiens nationaux et locaux repérés à
1 Les textes que nous avons rassemblés sont répertoriés à la fin de cette contribution. Pour ceux qui seront directement analysés dans cet article sera précisée, dans le texte, la position politique du média source.
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travers une recherche via Google2 à l’aide des mots-clés suivants : Eddy
Testa ; nascita (naissance) ; Nichi Vendola ; Tobia Antonio. Il s’agit d’un
ensemble de réactions « à chaud » et « en chaîne » au sujet de cette
naissance, circonscrit à la période indiquée : ce recueil de données ne
prétend nullement être conforme à un traitement statistique ou quantitatif ;
il se prête en revanche à une première analyse à visée exploratoire, dont le
but est d’identifier les principes organisateurs des contenus réunis. Nous
nous proposons donc de faire émerger, sur la base du corpus ainsi constitué,
les modalités linguistiques et terminologiques qui expriment, connotent,
orientent ce champ de représentations sociales dans lequel s’affrontent, aussi
bien au niveau politique et idéologique que sur le plan culturel et
(bio)éthique, des positions opposées, voire inconciliables, à l’égard de la
filiation.
Les représentations sociales (Jodelet, 1989) se situent à l’interface du
psychologique et du social, de l’individuel et du collectif, et assurent, au sein
de l’interaction sociale même, des fonctions spécifiques : elles ont une
fonction d’anticipation du développement des dynamiques sociales, dans la
mesure où elles captent les transformations en cours même avant que celles-
ci puissent faire l’objet d’une connaissance objective ou scientifique ; elles
ont une fonction justificative, puisqu’elles servent à motiver, par exemple
dans des rapports de domination et de discrimination, l’action que l’on
entreprend à l’encontre, ou bien en faveur, de telle ou telle personne ou
instance sociale. Mais elles permettent surtout, selon l’expression
unanimement attribuée à Serge Moscovici, de « domestiquer l’étrange »,
c’est-à-dire d’apprivoiser les effets de la rencontre avec des faits inattendus :
face à un élément inconnu, elles mobilisent les défenses indispensables au
maintien de la cohérence, de l’équilibre social et cognitif préexistants, tout
en favorisant l’intégration de l’élément nouveau dans le système de
références préalable. La notion de représentation sociale s’avère donc
particulièrement pertinente dans l’analyse du contexte qui nous occupe,
puisque la naissance d’un « enfant à deux pères » constitue dans la société
italienne contemporaine un événement à la fois inédit et « étrange »,
2 En ayant recours à Google plutôt qu’à une base de données type PressToday (équivalent d’Europresse pour l’Italie), nous avons adopté une démarche de pré-enquête avant d’envisager un recensement exhaustif ultérieur.
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toujours selon le terme emprunté à Moscovici, dans la mesure où il s’écarte
des conditions ordinaires de la procréation : c’est à ce titre, sans doute qu’il
suscite les effets déstabilisants, troublants même, dont notre corpus rend
compte.
Dans cette contribution, nous allons situer la naissance de cet enfant
dans son contexte, en évoquant d’abord la trajectoire biographique du
« nouveau père » et l’impact de sa prise de position personnelle, au sein de la
société italienne actuelle. Nous allons ensuite décrire l’arrière-plan législatif
et politique au sein duquel cette paternité, non conventionnelle, a assumé un
rôle fortement catalyseur. Enfin, nous nous attacherons, dans une dernière
partie, à faire émerger quelques-unes des composantes les plus significatives
des représentations de la parentalité, telles qu’elles se sont rendues
manifestes et tangibles à l’occasion de cette naissance.
LA NAISSANCE ET SON CONTEXTE
Né en 1958 dans le sud-est de l’Italie (région Pouilles), Nicola
Vendola, comme nombre de ses congénères, doit son prénom au saint
protecteur de sa ville (San Nicola, Bari) : le diminutif Nichi/Niki, qui
deviendra son surnom officiel, lui est attribué par son père, communiste
engagé, en hommage à Nikita Khrouchtchev, considéré comme un acteur
décisif de la déstalinisation soviétique (Remori, 03.08.2010). Suivant
l’exemple paternel, Nichi Vendola s’engage en politique et, dès 1972, adhère
au Parti Communiste Italien (PCI). Ainsi, dans ce double héritage familial –
catholique et communiste : « Je suis né à Bari le 26 août 1958, dans une
famille catholique et communiste » (http://www.nichivendola.it/chi-sono/)3
– s’enracinent les deux composantes indissociables de son identité et de sa
trajectoire, consciemment revendiquées comme telles par Nichi Vendola et
par des millions d’autres Italiens de sa génération. Diplômé de la Faculté des
Lettres de l’Université de Bari, après avoir soutenu une thèse sur le poète,
écrivain et réalisateur Pier Paolo Pasolini, Nichi Vendola entame une
carrière de journaliste. En 1990, il devient membre du Comité Central du
3 La traduction en français de toutes les citations est de nous ; pour la version italienne, nous renvoyons directement au texte source (livre, loi, articles de journal…) référencé à la fin du présent article.
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PCI, puis sera, quelques années plus tard, parmi les fondateurs du Partito
della Rifondazione Comunista, lequel, comme son nom l’indique, avait pour
ambition de conférer de nouvelles fondations au communisme italien, en
l’affranchissant du communisme soviétique. En 1992, Nichi Vendola est élu
au Parlement italien. En 2005, il devient Président du Conseil Régional des
Pouilles : sa carrière et son importance politiques prennent alors un essor
considérable. En assurant ce mandat pendant dix ans, de 2005 à 2015, il
parviendra en effet à hisser une région jusque-là historiquement défavorisée
parmi les plus dynamiques au niveau national, aussi bien sur le plan
économique que culturel. En 2010, il fonde le parti SEL-Sinistra Ecologia e
Libertà (Gauche, écologie et liberté), dont il a assuré la présidence jusqu’à la
fin de l’année 2016. Dès 1978, Nichi Vendola se déclare homosexuel ; dès
lors, il contribue à fonder les principaux organismes nationaux de défense et
promotion de l’égalité entre les individus, quelle que soit leur orientation
sexuelle ou leur identité de genre. Ainsi, par son volontarisme et son esprit
novateur, Nichi Vendola s’affirme comme l’un des hommes politiques les
plus influents de la gauche italienne des dernières décennies et comme un
acteur irremplaçable de la cause homosexuelle dans son pays. C’est sur ces
deux terrains, et bien au-delà, comme nous allons le voir, qu’il sera
questionné, attaqué, parfois injurié, lorsqu’il décidera de rendre officielle sa
paternité.
Au mois de février 2016, Nichi Vendola et son compagnon Eddy
Testa, graphiste designer italo-canadien, annoncent publiquement la
naissance d’un garçon, dont ils se déclarent les heureux parents. L’enfant du
couple, dont la paternité génétique revient à Eddy Testa, est né aux États-
Unis grâce à une gestation pour autrui (GPA), à laquelle ont donné leur
concours une femme canadienne (donneuse d’ovule) et une femme
américaine d’origine indonésienne (mère porteuse). L’enfant a vu le jour en
Californie : selon les lois de cet État, les noms des deux pères auraient pu
figurer sur son acte de naissance ; dans ce cas spécifique, toutefois, ne sera
enregistré que celui d’Eddy Testa, en qualité de parent unique : c’est à cette
seule condition, en effet, que l’acte pourra être immédiatement transcrit en
Italie, pays où la pratique de la GPA est illégale (art. 12, par. 6 ; loi
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40/20044). Pour ce qui est de Nichi Vendola, sa paternité sera donc
officiellement reconnue au Canada, pays de son compagnon, alors qu’en
Italie, son propre pays, il pourrait en tant que « deuxième père » ou « père
social » soit avoir recours au droit privé afin de se voir assigner le statut de
tuteur légal (qui n’instaure pas de lien de filiation), soit démontrer auprès du
Tribunal des mineurs que l’adoption de l’enfant dont son compagnon est le
père légal se ferait dans le total respect de l’intérêt du mineur. L’intervention
d’un juge sera donc indispensable pour la reconnaissance de sa paternité en
Italie (nous reviendrons plus loin sur les aspects juridiques). Le nouveau-né,
qui porte le nom de famille du seul père biologique, est prénommé Tobia ;
un deuxième prénom, Antonio, lui est assigné, ce qui, selon un usage
traditionnel largement répandu, l’inscrit symboliquement dans la lignée des
familles parentales (le père d’Eddy Testa s’appelle Antonio et la mère de
Nichi Vendola, Antonia). Aussi, à sa naissance, Tobia Antonio Testa serait-il
en possession de trois passeports : américain (en raison de sa naissance sur le
sol californien), canadien (comme son père biologique) et italien (comme le
compagnon de celui-ci).
Une venue au monde si singulière, dans le contexte italien, ne peut
que susciter une certaine curiosité et on conçoit aisément que l’événement
ait pu attirer l’attention des médias. Toutefois, ce qui paraît réellement
surprenant, et d’autant plus significatif aux yeux de tout observateur, est
l’ampleur des réactions suscitées par la nouvelle, quelques minutes à peine
après l’annonce de cette naissance (Amadori, 28.02.2016 ; Morosi,
28.02.2016 ; F.Q., 01.03.2016). L’information occupe la une de la presse
nationale et déclenche ensuite, pendant plusieurs jours, une série de
réactions, aussi massives que virulentes, dans tous les médias et réseaux
sociaux. Les commentaires autour de l’événement assument des tons
particulièrement exacerbés, voire outranciers, dont rendent compte aussi les
médias étrangers5.
Le débat soulevé par cette naissance, et surtout par les contextes
procréatif (une femme donneuse d’ovule) et gestatif (une deuxième femme
« mère couveuse ») qui l’ont rendue possible, vire immédiatement à la
4 Legge 19 febbraio 2004, n° 40 – Norme in materia di procreazione medicalmente assistita. 5 À titre d’exemple : « Italien : Empörung über Vaterschaft eines schwulen Politikers », Queer.de, 29.02.2016.
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polémique, d’autant plus explosive qu’au même moment le Parlement
italien peine à faire voter une loi sur les unions civiles, non fondées sur le
mariage, entre personnes de sexe différent ou de même sexe (projet de loi
Cirinnà, sur lequel nous reviendrons). Le point le plus contrasté du projet de
loi est l’article 5, qui devrait autoriser le « parent social » (non biologique
et/ou non légal) à adopter l’enfant, biologique ou adoptif, de son partenaire,
grâce à une stepchild adoption6. S’il était approuvé, cet article permettrait, y
compris à des couples homosexuels, d’obtenir la légalisation, et de ce fait la
reconnaissance officielle, de leur parentalité : ce qu’une partie notable de
l’opinion publique et de la classe politique italiennes, au début de l’année
2016, refuse catégoriquement. Aussi, l’espace public italien est-il déjà
fortement polarisé autour de positions antagonistes et irréductibles face à la
relation entre parentalité et homosexualité lorsque Nichi Vendola annonce
sa copaternità/« copaternité »7, et, sans doute, son désir de la faire (un jour ?)
officiellement reconnaître, y compris dans son propre pays.
L’HOMOPARENTALITÉ FACE AU DROIT ITALIEN
Il convient de rappeler qu’il existe deux typologies de familles
homoparentales (Winkler et Strazio, 2014). Tout d’abord, les familles où le
père ou la mère, à l’origine mariés ou en couple avec une personne de sexe
différent, se sont séparés et par la suite se sont mis en couple avec une
personne du même sexe que le leur. Dans ces familles, le parent
hétérosexuel utilisait souvent l’orientation sexuelle de son ex conjoint pour
obtenir la garde exclusive de leur(s) enfant(s). Depuis 2006, l’orientation
homosexuelle n’étant plus considérée comme « pathologique ou illégale »
(Tribunale ordinario di Napoli, sentenza del 28 giugno 2006), le fait que l’un
des deux parents soit homosexuel ne justifie plus l’attribution de la garde
exclusive à l’autre parent (Tribunale di Bologna, decreto del 7 luglio 2008) :
les aptitudes parentales des personnes homosexuelles ne sont plus mises en
question d’un point de vue légal (Corte di Cassazione, sentenza n° 601
6 Également nommée stepparent adoption, stepadoption, ou avec les néologismes italiens adozione coparentale (« adoption coparentale ») ou adozione del configlio (« adoption du co-enfant »). 7 Ce néologisme indiquerait la paternité et la fonction paternelle du père qui dans le couple (y compris hétérosexuel) n’est ni le père biologique ni le père légal de l’enfant de son/sa conjoint(e). Il existe également les néologismes co-padre (« co-père »), co-madre/« co-mère », co-genitore (« co-parent ») ainsi que configlio (« co-enfant »).
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dell’11 gennaio 2013). La seconde typologie de famille homoparentale est
celle où « le projet procréatif a lieu entièrement au sein du couple de même
sexe » (Winkler et Strazio, 2014 : 105), à l’aide des techniques d’assistance
médicale à la procréation (AMP) : grâce à une fécondation avec donneur de
sperme extérieur au couple parental pour les couples lesbiens8 et au recours
à une mère porteuse (gestatrice et le cas échéant génitrice) pour les couples
gays. En Italie, la loi condamne au paiement d’une amende allant de
200 000 à 400 000 euros toute personne ayant appliqué des techniques de
procréation médicalement assistée à des couples de même sexe (loi n° 40 de
2004, article 12, paragraphe 2). La loi italienne n’interdit cependant pas
formellement aux personnes célibataires et aux couples de même sexe de se
rendre à l’étranger afin de réaliser leur projet procréatif (ibid.), ce qui
alimente un phénomène sociétal en expansion nommé, avec un terme très
controversé, « tourisme procréatif », « exil procréatif » ou encore cross-border
reproductive care (CBRC) (Pennings, 2004 : 2689-2694 ; Zanini, 2011 : 565-
572). Ces interdictions relatives aux techniques procréatives sont source de
trois formes de discrimination : sociale (en fonction des revenus),
géopolitique (entre pays riches et pays pauvres : Anfossi, 29.02.2016) et
juridique (non-reconnaissance du lien de filiation). Qu’en est-il alors de la
reconnaissance juridique du lien de parenté entre l’enfant et ses deux pères
ou ses deux mères, lorsqu’un couple de même sexe rentre en Italie, après
une AMP à l’étranger ? Dans la plupart des cas – et pour l’instant dans le
cas de Tobia Antonio aussi – seul le géniteur (parent biologique) est reconnu
comme parent légal de l’enfant. Parfois, selon la législation du pays où
l’enfant est né, le parent non biologique de même sexe peut adopter l’enfant
de son conjoint. Ce n’était pas le cas en Italie ; toutefois, depuis 2013, des
décisions des instances judiciaires ont commencé par confier la garde
temporaire à un couple gay d’une petite fille (Tribunale di Parma, decreto
8 Les couples gays pourraient, théoriquement, avoir recours à un donneur de sperme extérieur au couple. Toutefois, les législations permettant une fécondation hétérologue, c’est-à-dire une fécondation médicalement assistée avec un donneur ou une donneuse de gamètes masculins ou féminins extérieur(e) au couple parental, imposent généralement que l’enfant à naître ait le patrimoine génétique d’au moins l’un des deux parents, ce qui interdit la fécondation hétérologue avec le recours à deux donneurs. Pour ce qui est de cette pratique en Italie, au mois d’avril 2014, la Cour italienne de Cassation (décision n. 162/2014) a déclaré le caractère illégitime de l’interdiction à une fécondation hétérologue pour un couple hétérosexuel (art. 1 paragraphe 3, loi 40/2004).
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del 3 luglio 2013) et d’un garçon (Tribunale per i minorenni di Palermo,
decreto del 4 dicembre 2013). Même si ces deux premières décisions ne
concernaient que la garde et non l’adoption plénière d’un enfant mineur,
elles ont été décisives dans le processus de reconnaissance du couple
homosexuel comme famille à part entière, apte à accueillir des enfants
(Winkler et Strazio, 2014 : 114). Il faudra attendre une décision de 2014
(Tribunale per i minorenni di Roma, sentenza n. 299 del 30 giugno-30
luglio 2014) pour que soit accueillie la demande d’une mère souhaitant
adopter la fille de sa compagne grâce à la stepchild adoption. À la suite de cette
décision, ainsi que dans les jugements et arrêts d’autres Tribunaux et Cours
d’Appel9, la question de la stepchild adoption a été placée au centre de débats
très animés au Parlement, et ceci avant l’approbation, le 12 mai 2016, du
décret n° 14 du 25 février 2016 – Disciplina delle coppie di fatto e delle unioni civili
(« décret Cirinnà »). Le 20 mai 2016, l’Italie se dote, pour la première fois de
son histoire politique – et après une condamnation de la Cour Européenne
des Droits de l’Homme en juillet 2015 (affaire Oliari et autres c. Italie) –
d’une loi (loi n° 76 du 20 mai 2016) réglementant les unions non fondées sur
le mariage, y compris entre personnes de même sexe. La loi 76/2016 ne
prévoit pas d’étendre l’institution du matrimonio/mariage aux gays et aux
lesbiennes. Ces derniers pourront, en revanche, choisir soit une unione civile
(« union civile »), soit le statut de coppia di fatto (« couple de fait »), contrat qui
peut également être choisi par les couples de sexe différent. Cette différence
de traitement par rapport aux couples hétérosexuels est accentuée par le fait
que, dans sa version finale, la loi n° 76 ne prévoit plus la stepchild adoption
pour les couples de même sexe. Ici encore c’est la jurisprudence qui comble
le vide laissé par la loi dans l’accès à la parentalité pour les couples
homosexuels : le 27 mai 2016, la Cour d’Appel de Turin accorde l’adoption
d’un enfant de la part de la compagne de sa mère. Le 20 juin 2016 c’est la
Cour italienne de Cassation qui se prononce en faveur de la stepchild adoption
dans « des cas particuliers » et dans l’intérêt supérieur de l’enfant mineur
(décision n° 12962).
C’est dans ce contexte que parvient la nouvelle de la paternité de Nichi
9 Cours d’Appel de Milan (décision du 16 octobre 2015), Tribunal des mineurs de Rome (décision du 22 octobre 2015), Tribunal des mineurs de Rome (décision du 23 décembre 2015), Cours d’Appel de Rome (décision du 23 décembre 2015).
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Vendola, laquelle donne lieu aux réactions que nous allons ici analyser.
UNE PATERNITÉ CONTROVERSÉE
Une première analyse de notre corpus (dont nous rappelons le
caractère non représentatif, mais tout aussi probant) fait émerger quelques
pôles d’items significatifs, que nous allons regrouper successivement sur la
base soit de leur fréquence, soit de leur caractère révélateur. Lorsqu’on
parcourt les textes réunis, on constate d’emblée que les réactions qui se sont
manifestées à l’occasion de cet événement sont caractérisées non seulement
par leur étendue, mais aussi par l’hétérogénéité des éléments constitutifs de
l’événement qui se prêtent à la réprobation. C’est le cas, par exemple, des
deux prénoms attribués à l’enfant : alors que Tobia s’inscrit dans la tradition
biblique et alors que Antonio a été attribué dans le respect d’une convention
toujours vivante, ils font l’objet, l’un et l’autre, de commentaires mettant
directement en doute le bien-fondé de leur choix. Tout se passe, à une
première lecture, comme si cette parentalité, à partir de ces aspects
relativement accessoires, devait se placer en marge des usages standards, dits
« normaux », jusqu’à perdre d’emblée la légitimité qu’elle revendique.
Nouveaux pères, nouveaux « barbares » ? Dès que la nouvelle de la paternité de Nichi Vendola est rendue publique,
des élus de droite de Vénétie (région à forte tradition catholique dans
laquelle une demande avait été présentée afin de rendre illégal le recours à
la GPA, y compris lorsqu’elle se réalise à l’étranger) demandent
l’incarcération du leader politique et de son compagnon : le couple, suivant
les termes de cette requête, devrait être arrêté (richiesta d’arresto/demande
d’arrestation ; A.Pe., 02.03.2016) pour commerce d’enfant ; l’annonce
même de cette naissance devrait valoir, aux yeux de la loi, comme
autodenuncia/autodénonciation d’un délit avéré. Sur la paternité des deux
présumés coupables se greffent alors les attributs du hors-la-loi, susceptible
d’être reclus afin de protéger la société du danger qu’il représenterait. « Le
choix de Nichi Vendola et de son compagnon est aberrant » (ibid.), déclare
Flavio Tosi, le maire de centre-droite de Vérone, l’aberration étant définie
par les dictionnaires comme un écart, une déviation par rapport à une
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norme attendue ; si l’adoption du petit Tobia par Nichi Vendola était un
jour validée par les magistrats, affirme une autre élue, de centre-droite
également, ceci ne ferait que légitimer une « pratique barbare » (ibid.) qui
permettrait d’encourager l’achat et la vente d’enfants, en avilissant la femme
(porteuse) et sa dignité de mère.
« Arrestation », « prison », « choix aberrant », « pratique barbare » : au-delà
des principes proclamés, cette paternité semble devoir se construire, sur le
plan des déclarations, en marge non seulement des usages reconnus, mais
aussi des frontières culturelles italiennes.
Marie-Françoise Baslez rappelle que pour les Grecs anciens
« les Barbares sont d’autant plus éloignés de cette norme raisonnable qu’ils
vivent plus loin du monde grec. Ils sont ‘excentriques’ dans tous les sens du
terme ! […] Le Barbare est l’homme des extrêmes, notion morale autant
que géographique » (Baslez, 1984 : 23).
Toutes proportions gardées, cette définition pourrait être pertinemment
transposable à la situation qui nous occupe : n’est-ce pas précisément l’ex-
centricité de ces nouveaux pères qui serait pointée, par exemple, par la mise
en cause publique d’un choix de prénom (« Mais pourquoi l’a-t-il appelé
Tobiaaaa ? » ; Rame, 28.02.2016) ou d’une procréation à l’étranger, c’est-à-
dire en dehors des limites nationales d’application du droit ? Ne se seraient-
ils pas ainsi (consciemment ?) éloignés de cette norme raisonnable, pour
reprendre les termes de Marie-Françoise Baslez, que leurs détracteurs
réaffirment et renforcent au moment même où ils font de ces présumés
transgresseurs des étrangers par rapport à leur propre système social ? Le
corps social réagit et tend visiblement, dans ce premier ensemble de termes,
à expulser l’élément (excentrique, extrême, anormal, encore une fois
« étrange ») qui vient troubler l’équilibre préexistant.
Un deuxième ensemble d’unités terminologiques peut être identifié,
dont le fonctionnement se rapproche de la figure rhétorique de la
synecdoque : comme dans toute forme métonymique, un même procédé
consistant à prendre une partie pour le tout est appliqué dans nombre
d’occurrences linguistiques, qu’il s’agisse des mots employés ou des
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qualificatifs qui leur sont associés. Si deux femmes ont bien contribué à cette
procréation, elles sont désignées non pas dans leur intégralité d’individus,
mais à travers la référence à une partie précise et limitée de leur corps10 :
l’une à travers l’ovule qui lui a été prélevé en vue de la fécondation, l’autre à
travers l’utérus qui a permis à l’embryon de se développer. La focalisation
sur l’appareil reproductif féminin produit la série la plus dense d’énoncés
(« a loué l’utérus d’une californienne » : « Nichi Vendola diventa papà, il
web si divide: Salvini lo attacca, altri si congratulano », tgcom24.mediaset.it,
28.02.2016 ; « donneuse d’utérus » : Bernieri, 18.02.2016) et de syntagmes,
dont utero in affitto/utérus en location est le plus fréquent et représentatif11.
Les deux femmes ayant contribué à cette GPA semblent ainsi réduites à leur
corps (avec relative disparition de toutes les autres dimensions, non
biologiques, de leur existence), voire à un seul de leurs organes, avec comme
conséquence la dissolution de l’intégrité de leur personne, la disparition de
tout ce qui permettrait, à partir de leur point de vue d’individus (ici
présumés libres et consentants), de saisir le sens de leur implication dans
cette procréation. Une forme analogue d’identité tronquée se manifeste aussi
dans des formes linguistiques plus rares que la précédente, forgées à
l’occasion de cette controverse et de ce fait très marquantes. Le terme de
utero-badante (Bernieri, 18.02.2016) par exemple, difficilement transposable
en contexte non italophone, est composé sur le modèle anglais de baby-sitter
et employé pour désigner la mère porteuse de l’enfant : la formation de ce
mot résulte d’une énième dissociation sélective exercée sur la femme,
représentée d’un côté par son utérus (utero-) et, de l’autre, par sa fonction :
en tant qu’utérus, elle accomplirait à l’égard de l’embryon accueilli la même
10 Pour pouvoir « faire » un enfant avec son mari, Nichi Vendola a dû recourir aux corps de deux femmes, même si au cours de ces dernières années, il s’est plusieurs fois prononcé contre la marchandisation du corps des femmes (Redazione, « L’ipse dixit di Nichi Vendola sul corpo delle donne », ilfoglio.it, 02.03.2016.). 11 Dans l’impossibilité de prendre en considération tous les aspects significatifs de notre corpus, nous n’avons pas abordé ici le volet particulièrement nourri d’items portant sur l’aspect économique et « commercial » rattaché à la pratique de la GPA, et mis en exergue par l’expression « utérus en location ». Nichi Vendola et Eddy Testa auraient contribué financièrement à la gestation de Tobia Antonio à hauteur de 130 000 euros ; ils déclarent que des années lumières séparent leur parcours et leur choix de devenir pères de l’expression utero in affitto , et de tout ce qu’elle implique. Le champ sémantique lié à la représentation de la mercantilisation du corps humain dans la gestation pour autrui fera l’objet d’une publication ultérieure, portant notamment sur les textes suivants : Montolli, 26.02.2016 ; Morosi, 28.02.2016 ; Parise, 16.02.2016 ; Sappino, 29.02.2016.
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fonction exercée par l’aide-soignante (badante) vis-à-vis de son assisté. De
même, l’expression donna incubatrice (« Palermo – Crocetta : ‘Non esiste il
diritto ad avere figli’ », Repubblica.it, 01.03.2016), qui indique comme la
précédente la mère porteuse, fait état d’une sur-réduction dans la mesure où
la femme est identifiée à un appareil (incubatrice) et en même temps spoliée de
toute dimension maternelle (non pas madre incubatrice/mère incubateur, mais
donna incubatrice/femme incubateur), ce qui souligne, encore une fois, qu’il
s’agirait d’un simple réceptacle, de nature mécanique, dépourvu de tout
caractère affectif, psychologique, humain.
Nouveaux « monstres » ? Le corps masculin n’échappe pas à ce procédé sélectif et réducteur.
Cependant, si la paternité d’Eddy Testa est effectivement réduite, comme
dans le cas de figure précédent, à sa seule dimension biologique, circonscrite
à sa semence (« la semence du compagnon » : Montolli, 26.02.2016), c’est la
figure du « deuxième père » qui suscite une image quelque peu amputée
(réduction à une partie de son corps), mais surtout la concentration la plus
sensible d’énoncés stigmatisants, voire injurieux. Dal culo non esce niente/Rien
ne sort du cul (« Vendola, Sgarbi su Facebook: ‘Figlio costruito come un
peluche. Dal c… non esce niente’ », 01.03.2016) déclare sur sa page
Facebook Vittorio Sgarbi, critique d’art, homme politique de droite et
personnage assez controversé de la télévision italienne. Il ajoute : due persone
dello stesso sesso non generano/deux personnes de même sexe n’engendrent pas
(ibid.). La résonance médiatique qu’une déclaration ainsi formulée escompte
obtenir (et que de fait elle obtiendra) peut être ici considérée comme
révélatrice du degré de connivence culturelle qu’elle présuppose : en effet, si
une formule quelque peu caricaturale comme celle-ci peut prouver son
efficacité en provoquant toutes sortes de commentaires et de gloses (qu’elles
soient favorables ou défavorables), c’est bien parce que l’auteur de ces
énoncés et ses destinataires, réels ou potentiels, partagent le même schéma
culturel sous-jacent. L’utilisateur de cette image stéréotypée (le stéréotype
étant ici pris simplement comme une « opinion toute faite, réduisant les
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singularités »12) peut l’employer parce qu’il sait, par anticipation, que le
récepteur est en mesure d’en saisir pleinement l’allusion ; sans quoi,
l’allusion serait caduque et la déclaration inefficace. Son retentissement
prouve qu’au contraire elle a eu l’écho espéré : quel serait alors le schéma
sous-jacent, socialement partagé, ainsi réactivé ? En mettant l’accent, de
manière exagérée et dans une intention ironique, sur un trait jugé
caractéristique du sujet (son équipement génital et son rôle dans l’acte
sexuel) cette déclaration nous rend accessible la représentation du sujet
qu’elle sous-tend : les hommes homosexuels sont à catégoriser en fonction de
leur orientation sexuelle et surtout du rôle, actif ou passif, qu’il assurent dans
l’acte sexuel ; la parentalité est directement et nécessairement liée à la
sexualité ; une orientation sexuelle non hétéronormée exclut
automatiquement les individus de toute forme de parentalité. Ce « nouveau
père » est de cette manière soumis à un processus de représentation qui le
dépossède de son pouvoir générateur car il ne coïncide pas avec une
puissance phallique. On peut se demander dans quelle mesure un tel
énoncé – Dal culo non esce niente – viserait, délibérément ou non, à attiser une
vision dégradante des orientations sexuelles jugées non conformes. Dans
nombre de sociétés anciennes l’homosexualité masculine était véritablement
proscrite non pas en tant que telle, mais en tant que passive : « C’est dans
l’inversion des rôles que réside le crime véritable et répréhensible. Un
homme se livrant au plaisir à la place de la femme se pervertit » (Udiany,
2014 : chapitre 5 « Sodoma et Gomorrhe », en ligne). La résurgence de cette
vision et de ses implications – homosexualité comme inversion, comme
perversion – semble bien confirmée par la publication conjointe, en guise
d’illustration de la déclaration de Vittorio Sgarbi, d’un tableau représentant
un « homme » allaitant un nouveau-né (Redazione, 01.03.2016). Il s’agit en
réalité du portrait de Magdalena Ventura, peint en 1631 par José Ribera et
plus connu sous le titre La Femme à barbe : cette femme des Abruzzes dont le
visage et le corps, après un mariage et plusieurs grossesses, avaient subi un
processus très marqué de virilisation fut appelée à la cour de Naples où elle
fit objet de curiosité en tant que miracle de la nature, merveille,
monstruosité :
12 Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1995.
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« Le monstre est, par essence, une figure du fantastique parce qu’il inaugure l’indécision du réel : […] confusion des sexes, des âges et des fonctions corporelles. Il y a bien là transgression des classifications, transgression de la limite naturelle » (Samper, en ligne).
« Le Gay-monstre est désormais tout proche » (Bernieri, 18.02.2016), nous
annonce-t-on ; la violation des catégories et des normes socialement
reconnues est visiblement associée à la notion d’inversion monstrueuse, dont
on peut ici ajouter une variante linguistique : le père biologique est
ironiquement désigné par le terme babba (féminisation de babbo/papa) et le
deuxième père par celui de mammo (masculinisation de mamma/maman)13.
Une autre intervention de Vittorio Sgarbi, dans le même style, délibérément
vulgaire, qui caractérise ses prises de position – « Les nouveau-nés
s’attachent au sein et pas aux couilles » (F.Q., 01.03.2016 ; Rossi,
29.02.2016 ; Vittorio Sgarbi) – complète et conforte les observations
précédentes, mais pose aussi la question de savoir dans quelle vision de la
maternité, et plus globalement, de la parentalité s’inscrit la perception ainsi
proclamée d’une nouvelle naissance.
Familles contre nature ? « Celui qui vient de naître ne peut pas être le fils de Vendola » (F.Q.,
01.03.2016 ; Rossi, 29.02.2016), écrit encore le même polémiste, en
inaugurant un troisième champ sémantique, caractérisé par la profusion des
modalités de dénégation. De cet ensemble se détache, en tant que
représentative de toutes les autres et nombreuses occurrences, la prise de
position de Ferdinando Camon, écrivain et journaliste de premier plan :
Caso Vendola, un nuovo tipo di orfanità/Cas Vendola, une nouvelle manière de
13 Le terme mammo, formé sur la racine de mamm(a) et apparu en 1987, et il désignait à l’origine, par plaisanterie, un père qui s’occupe de ses enfants et, par extension, un père qui instaure avec ses enfants un rapport de type maternel. Cependant, dans l’usage courant, ce terme cache une nuance réductrice et péjorative, qui ferait du père proche de ses enfants une sorte de « subrogé » de la mère. L’homme-père perdrait ainsi sa physionomie masculine et son rôle ne serait pas reconnu. (Lo Zingarelli. Vocabolario della lingua italiana, Bologna, Zanichelli Editore, 2009 et QUILICI Marco, « Mammo ? No grazie ! ». Disponible sur : http://www.ispitalia.org/doc/mammo.pdf). Plus récemment, le terme mammo a été attribué, par les journalistes, à Thomas Beatie, le premier homme (transsexuel) enceint ; le premier véritable uomo-mamma/homme-maman qui en est aujourd’hui à sa troisième grossesse (« Usa, trans diventerà ‘mammo’ », 2008 ; « Il trans ‘incinto’ diventa ‘mammo’ », 04.07.2008 ; Marino, 2008).
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rendre orphelin un enfant » (Camon, 02.03.2016). Le mot orfanità est tombé
en désuétude, mais sa signification est ici renouvelée par analogie avec le
mot paternità, qu’il imite et écrase, au sens informatique du terme. Vittorio
Sgarbi, quant à lui, compare Tobia Antonio à une peluche, un enfant qui
aurait été « construit sur mesure » (Rossi, 29.02.2016). L’homme politique
de droite Mario Anidolfi se prononce aussi sur sa page Facebook, en
assimilant le petit Tobia Antonio à une « chose » qui aurait été achetée et
dont les pères peuvent désormais disposer à leur gré :
« Bon courage Tobia, petit enfant rendu orphelin de mère car deux riches ‘de gauche’ en ont décidé ainsi sans rien te demander, te considérant comme une chose achetée et donc une chose à eux, de leur propriété à laquelle imposer l’absence de la seule personne dont un enfant si petit a tellement besoin : sa maman » (Morosi, 28.02.2016).
L’orfanità désignant la condition de l’orphelin, la paternité dont il sera
question dans l’article fait l’objet d’une première réfutation, que tout lecteur
saisit, avant même de comprendre le sens précis d’un terme vétuste. Cette
dénégation (orfanità/paternità) est ensuite sensiblement corroborée dans le
corps du texte à travers la prolifération de formes négatives – « il n’y a pas
de père » ; « mère […] pas-vue par personne, même pas par l’enfant. Une
mère qui n’est pas là » ; « Ce n’est pas son enfant » ; « ce n’est pas leur
neveu », etc. (Camon, 02.03.2016) – dont le principal effet, sans doute
consciemment recherché, est bien celui de proscrire cette nouvelle paternité
du champ des parentalités jugées réelles et légitimes. « Ceux d’entre nous
qui ont déjà pu observer les réactions des parents et des autres membres de
la famille autour du berceau d’un nouveau-né ne pourront plus les oublier »,
écrit Ferdinando Camon (ibid.), en alimentant à nouveau l’opposition,
commentée plus haut, entre un « nous » (noi) qui se réaffirme et celui qui, de
ce fait, devient « autre ». En quoi la naissance dont il est question est-elle
non admissible au nombre des parentalités autorisées et attestées comme
telles, du point de vue du noi ici entériné ? La scène maîtresse, fondatrice, on
l’a vu, est celle de la famille autour d’un berceau : « Le petit est allongé dans
le berceau, il sommeille, avec ses petites mains serrées en poing, les
paupières fermées, tellement fines qu’elles semblent transparentes » (Camon,
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02.03.2016). La fragilité (sottili, trasparenti), la petitesse (le manine), la
vulnérabilité du piccolo constituent autant de leviers émotifs : dans son rôle
ancestral de défenseur de membres plus faibles et plus exposés de la famille,
chacun d’entre nous est amené à ressentir de l’attendrissement. Mais de quel
danger l’emphase ici employée vise-t-elle à nous préserver, en même temps
que nous en préservons les petits de notre famille ? L’immense joie éprouvée
à l’occasion d’une naissance, déclare Ferdinando Camon, dépend du fait
que
« dans ce petit naissent à nouveau le père, la mère, le grand-père, la grand-
mère, tous ceux et celles qui voient en lui des ressemblances avec eux-
mêmes. La naissance d’un enfant est la renaissance de ceux et celles qu’il
réincarne. C’est leur immortalité. La victoire de la lignée sur la mort »
(ibid.).
Dans cette optique, la présumée paternité de Nichi Vendola ne peut qu’être
invalidée car ce père autoproclamé ne pourra jamais chercher de
ressemblances physiques (somiglianze) dans son soi-disant fils (ibid.) et celui-ci
ne pourra jamais ressembler à ce père, dont le rôle est, pour cette raison,
déclaré abusif.
Cette position s’enracine dans l’équation établie entre parentalité et
transmission biologique (du patrimoine génétique, biologique,
physionomique même des parents), mais aussi et surtout dans une vision de
l’individu comme chaînon d’une reproduction universelle, gravée dans
l’ordre de la Nature. L’existence individuelle n’a de sens qu’en tant qu’elle
garantit la perpétuation de l’espèce et, en même temps, dans la mesure où
elle crédite, au sein de l’espèce, le prestige et l’influence de son propre
groupe familial, face aux autres : « la naissance d’un enfant est accompagnée
par ces émotions, chez le père, chez la mère, chez leurs pères et mères, chez
toute la famille, et chez tout le clan, c’est-à-dire chez les familles qui
composent leur lignée » (ibid.). La relation familiale s’insère dans un
ordonnancement (quelque peu implacable) agencé autour de la différence
des sexes et de la dualité sexuelle (padri e madri/pères et mères) appliquée à la
parentalité. La thèse renvoie l’image d’un corps social sacralisé par la
Nature et animé d’une puissante volonté normalisatrice, à l’intérieur de
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laquelle l’individu semble difficilement pouvoir s’octroyer des marges de
liberté. Ce double déterminisme – biologique (ressemblance) et social (clan,
lignée) – s’allie de manière complémentaire à une définition de la relation
mère-fils comme union indéfectible et inaltérable, une perfetta
simbiosi/symbiose parfaite (ibid.) qui devancerait la gestation (« la mère est
mère avant d’être mère », ibid.), qui se maintiendrait comme telle tout au
long de l’existence individuelle (un unico corpo/un seul et unique corps, la
nascita e la vita sono una continuazione di questo rapporto/la naissance et la vie sont
la continuation de cette relation, ibid.), et qui resterait à jamais inaccessible à
ceux qui ne font pas matériellement l’expérience de la maternité (un’esperienza
che l’uomo, come maschio, non può capire/une expérience que l’homme, en tant
que mâle, ne peut pas comprendre, ibid.).
La question se pose ici alors de savoir comment des formes de
parentalités différentes de celle fondée sur la transmission biologique (on
pense ici notamment à l’adoption14) pourraient trouver leur légitimité à
l’intérieur d’une représentation de l’individu qui gravite exclusivement
autour du « fil qui unit un enfant à la mère et à la lignée de la mère » (ibid.).
Quoi qu’il en soit, la paternité de Nichi Vendola, comme toutes les autres
parentalités qui s’écartent historiquement des formes perçues comme
naturelles de la reproduction de l’espèce, ne peut être comprise comme une
« inacceptable » anomalie, qui destitue, par définition, les potentiels
aspirants de tout droit parental : « ici il n’y a pas de père » (ibid.).
CONCLUSION
Notre étude est partie de l’hypothèse que le repérage et la
catégorisation des termes et appellations employés pour désigner cette
« nouvelle paternité » controversée, et surtout ses acteurs (les pères, les
mères, l’enfant), pourraient efficacement nous conduire à identifier quelques
composantes de la représentation sociale de la parentalité. D’après les
éléments que nous avons recueillis et qui méritent certainement d’être
14 Dans notre corpus, l’adoption est parfois présentée comme une « arme de dissuasion » face à la pratique de la GPA (Associazioni gay, auguri a Vendola e avanti su legge adozioni, 29.02.2016.) et « qui ne peut faire des enfants […] peut faire des grands gestes comme adopter » (« Palermo – Crocetta: ‘Non esiste il diritto ad avere figli’ », 01.03.2016.).
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approfondis, élargis et complétés15, la représentation de la parentalité, telle
qu’elle se dessine à la lumière du seul cas ici étudié, semble polarisée autour
de trois piliers : 1) la stricte assimilation entre procréation et acte sexuel, ce
dernier étant défini en conformité avec une culture et des pratiques
essentiellement hétérosexuelles ; 2) une gestation basée sur l’identification,
indissoluble et définitive, entre femme et mère, excluant par principe toute
alternative à une maternité strictement biologique, et se prolongeant dans
une prise en charge exclusive du nouveau-né par le corps féminin, exalté
dans ses attributs reproductifs et nourriciers ; 3) une paternité emphatisée
dans son apport initial – génital, génétique et biologique – mais perçue
ensuite comme nécessairement complémentaire et fonctionnelle à la
maternité, dans une vision fortement bipolarisée des sexes et de leurs rôles.
On pourrait pertinemment se demander si ces positionnements sont
représentatifs de la société italienne actuelle : notre corpus et notre analyse
n’autorisent ici aucune généralisation. Toutefois, d’après cette première
étude, des formes de résistance assumées, et revendiquées comme telles, se
manifestent de manière marquante lorsqu’il s’agit d’envisager des
parentalités nouvelles ou en tous cas différentes de celles qui définissent la
famille nucléaire traditionnelle, perçue ou revendiquée comme la seule
configuration possible puisque « naturelle », la seule qui soit apte à légitimer,
y compris au niveau juridique, la procréation et la filiation. La famille
homoparentale, cette « horror family » (Bernieri, 18.02.2016), apparaît donc
comme étant « inconcevable » (Winkler et Strazio, 2014 : 99) par opposition
à la famille « naturelle » (père, mère et un ou plusieurs enfants), qu’elle ne
peut qu’« altérer » (Winkler et Strazio, 2014 : 101). La famille
homoparentale serait, en ce sens, « éversive » et « dangereuse » car elle
porterait atteinte à l’ordre social et aux droits des enfants (ibid.). Par
conséquent, le destin de tout enfant qui serait né grâce à d’autres modalités
de procréation ne peut être imaginé qu’en négatif, au sens photographique
du terme : sa représentation est socialement construite autour de l’absence,
de la défaillance, de la privation des trois fondements qui assurent
15 Il serait notamment utile de prendre en considération les quelques articles exprimant un soutien ou une attitude favorable vis-à-vis de cette forme de paternité. Nous ne les avons pas analysés dans cette contribution car il s’agit, pour la plupart, de textes publiés en réaction aux prises de position virulentes ici étudiées.
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socialement la persistance de la seule et unique « véritable parentalité ».
Dans un champ de représentations ainsi orienté, paternité et maternité font
l’objet d’un processus d’essentialisation visant à mettre le concept de filiation
à l’abri de toute forme de relativisme ou d’historicisme, en faisant
abstraction des innombrables situations humaines dans lesquelles la
parentalité se manifeste à l’époque actuelle, y compris en Italie. De ce point
de vue, notre étude rejoint, dans ses conclusions, le constat de Chiara
Saraceno, sociologue de la famille, qui affirme : « il résulte qu’il est plus
difficile en Italie que dans d’autres pays d’ouvrir la norme légale à une
définition plus ouverte et pluraliste des liens familiaux et de ce qui constitue
une famille » (Saraceno, 2012 : 130).
Les récents progrès dans les domaines scientifiques ainsi que les
mutations sociales en cours ces dernières décennies contribuent au
développement de familles dites « nouvelles » : l’apparition de figures
maternelles ou paternelles inédites favorise une déclinaison de la parentalité
selon des modalités qui peuvent clairement s’écarter de celles que la société
italienne a faites siennes par héritage historique et par convention culturelle.
Ces changements, comme toute évolution sociétale, aspirent à une
reconnaissance officielle et juridique, que ces « nouvelles » familles
parviennent très exceptionnellement à acquérir16. C’est le cas, que nous
avons ici étudié, des familles homoparentales, mais aussi des familles
monoparentales, de celles qui se sont constituées par adoption ou par
recomposition familiale : autant de parentalités qui questionnent et
dépassent les limites du déterminisme biologique. Pourtant, à l’issue de cette
étude, la coïncidence entre parentalité biologique et parentalité sociale est
loin d’être ébranlée : l’impossible paternité de ce « nouveau père » n’est pas
affirmée sur la base de critères affectifs, psychologiques, sociaux, éducatifs,
mais exclusivement en lien avec ce qui est posé comme incapacité
procréative. Notre époque s’efforce de contourner les formes de stérilité,
d’infertilité et de dysfonctionnement qui, en contexte hétérosexuel, peuvent
meurtrir le désir parental ; généralement, ces efforts de tout ordre ─ médical,
16 Fin 2016, la Cour d’Appel de Milan a ordonné la transcription de l’acte de naissance de deux jumeaux nés grâce à une GPA (Décret 28 décembre 2016).
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génétique, psychologique ─ parviennent à satisfaire, selon des modalités
variables, l’aspiration de tout candidat à la parentalité ; cependant, après
avoir étudié le caso Vendola, nous pouvons encore une fois nous associer à
Chiara Saraceno pour affirmer que « la filiation de la part d’un couple
homosexuel, précisément parce qu’elle enfreint le tabou de l’hétérosexualité
comme fondement de la famille, semble le passage le plus difficile à
accepter » (Saraceno, 2012 : 109). Au vu des formes d’inertie, de résistance
et de rejet de l’homopaternité ici étudiées, nous nous demandons s’il s’agit
effectivement d’un simple moment de « passage », auquel la société italienne
contemporaine ne saurait se soustraire, ou des symptômes d’une (plus
probable ?) paralysie. Mais là où pointent ces conjectures, s’arrête, du moins
provisoirement, le travail du scientifique.
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« Palermo – Crocetta: ‘Non esiste il diritto ad avere figli’ », Repubblica.it, 01.03.2016.
« Politica. Vendola e il compagno hanno un figlio, è polemica »,
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« Utero in affitto, Grillo e Avvenire contro Vendola: ‘Vite umane low cost, senza dignità’ », Repubblica.it, 01.03.2016.
« Vendola e compagno diventano papà. E il caso si fa politico », rainews, 28.02.2016.
« Vendola papà, anche Avvenire attacca: ‘Triste mercato dell’umano’», IlSecoloXIX.it, 01.03.2016.
« Vendola papà diventa un caso. Salvini accusa: ‘Disgustoso, turpe’. Lui : ‘Volgarità da squadristi della politica’», LaStampa.it, 28.02.2016.
Vittorio Sgarbi, page facebook (https://www.facebook.com/SgarbiVittorio/?ref=page_internal).
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