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Cambodge : À Pailin, ancienne ville minière, une inégalité inattendue a vu le jour : certains anciens Khmers rouges tiennent le haut du pavé, tandis que d’autres survivent misérablement.
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Enfantsdu MékongA I D E À L ’ E N F A N C E D U S U D - E S T A S I A T I Q U E
N°171JANVIER -
FÉVRIER 20122,40 €
MAGAZ INE
www.enfantsdumekong.com
PHILIPPINESLa montagne
qui fume
Les rubis de la misèreLes rubis de la misèreCambodgeCambodge
Grâce à vous… 3
Birmanie Délits de presse ? 4
Cambodge Les rubis de la misère 6
Asie du Sud-Est En bref 10
Philippines Après le typhon, Iligan
panse ses plaies 11
Philippines Une journée sur
la montagne qui fume 12
En direct 14
TémoignageChronique d’un parrainage 15
Notre actionComment nous aider ? 17
Nos délégations Agenda 18
Courrier 19
Chronique d’Asie Le Vietnam…
de clocher en clocher 20
Livres, film 23
Plan large
Points chauds
Éditorial
Regards sur l’Asie
Découvrir
Agir
Rédaction MAGAZINE5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directrice de la publicationChristine Lortholary-Nguyen • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Chercheuse de rubis © J.-M. GautierMaquette Florence Vandermarlière • Fabrication/production CLD - 33, avenue du Maine 75015 Paris • Impression Imprimerie de Champagne, Z.I.Les Franchises 52200 Langres • I.S.S.N. : 0222-6375 • Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n°171 :24 200 exemplaires • Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Présidente Christine Lortholary-Nguyen •Présidents d’honneur Françoise Texier, François Foucart • Directeur général Yves Meaudre • Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros
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> Sommaire n°171
©J.-
M.G
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> Éditorial
Grâce à vous…
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 3
Depuis plusieurs mois, nous attirons votre attention sur le problèmedes bidonvilles qui se développent de manière incontrôlable dans le
Sud-Est asiatique. Lors de notre dernier voyage, nous sommes allés ren-contrer des familles dans l’immense bidonville de Navotas, où s’entassentdes millions de Philippins. Certains ont construit leur habitation le longd’une décharge à ciel ouvert d’où émanent des gaz et des odeurs nauséa-
bondes, qui lui a valu le nom de Smokey Mountain (« montagne fumante »).Les mots n’existent pas pour décrire cet enfer. Certains parents essaient de garder un peu
de dignité en veillant à l’hygiène et à l’alimentation de leurs enfants. D’autres ont baissé lesbras et sont entrés dans une spirale d’alcoolisme et de violence. Devant tant d’enjeux, nousallons développer notre action 2012 aux Philippines et en Birmanie, d’où nous parviennentde nombreuses demandes d’aide. Nous n’oublions pas les autres pays de notre champd’action, où nous cherchons toujours à développer notre aide grâce à vous.
Une fois encore, vous avez largement répondu à notre appel aux dons de Noël. Nous vousen remercions chaleureusement. Nous avons décidé d’ouvrir grâce à vous de nouveauxcentres scolaires dans le nord du Cambodge et aux Philippines. Nous savons que l’éducationest un des éléments essentiels au développement. Une tête bien faite ne suffit pas si lesnotions de bien commun et d’éthique n’existent pas.
L’originalité de nos foyers et centres scolaires est d’accompagner individuellement nosfilleuls, de les aider à acquérir de bonnes compétences professionnelles et à faire des choixde vie. En voyant ce que sont devenues nos anciennes promotions de diplômés, nous savonsque cela est possible. Leur réussite est un encouragement à persévérer dans cette direction.
Je vous souhaite à tous une bonne année 2012 !
Christine Lortholary-NguyenPrésidente d’Enfants du Mékong
Plan large > Birmanie
4 � N°171 � JANVIER-FÉVRIER 2012
DÉLITSDE PRESSE ?
Photo Jean-Matthieu Gautier
MAGAZINE N°171 � JANVIER-FÉVRIER 2012 � 5
Tout à sa lecture de The New Light of Myanmar, le journal officiel du gouvernement birman, ce marchand de journaux de Rangounpourra-t-il bientôt étoffer son étal au-delà de la presse sportive ? C’est ce que fait espérer l’annonce, en décembre dernier, del’abandon de la nécessité d’approbation avant publication pour 54 journaux et magazines consacrés à des sujets de société etd’économie. Dans ce pays étroitement soumis à la censure, les mesures d’assouplissement et les effets d’annonce, parmi lesquelsune nouvelle loi sur la presse, prennent une résonance particulière. On attend désormais la suite – et le sens – de ce feuilleton.
6 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012
Points chauds > Cambodge
La rue principale de la petite villede Pailin ressemble à une rue de
western. En pente douce, plutôt pisterouge que piste noire, elle descendimprobablement dans des accès depoussière ocre que soulève le va-et-vient continu des 4x4, des motos et desToyota Camri en provenance de la Thaï-lande voisine, reconnaissables à leurvolant à droite. Toute cette poussièreindifféremment remuée retombe avecune nonchalance khmère sous le regarddes vendeurs de rue et de passants auxvisages fermés. Dans un soleil étouf-fant de fin d’après-midi , l’arrivée à Pai-lin mériterait un lent travelling auralenti, docilement bercé par unemusique d’Ennio Morricone.
Mais juste avant de parvenir au centrede la ville en provenance de Battam-bang, la route nationale 57 propose unebifurcation à peine visible qui mènedroit à la rivière. Le long de celle-ci,quantité de trous maladroitement creu-sés et que personne n’a pris la peine dereboucher témoignent d’une activitéhumaine atypique. Au milieu de la
Si Pailin est surtout connue
pour ses rubis, les saphirs y sont
également nombreux.
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rivière, Nôn est assise et secoue untamis grand comme elle où surnagentdes agrégats de cailloux marron-gris.Ce qu’elle cherche ? Des rubis.
Une ville de légendeDe nombreuses légendes ont fleuriautour de la naissance de cette ville,dont le nom thaï signifierait « rubis »et qui aurait été construite à l’emplace-ment même où une loutre aurait arrêtédes envahisseurs en leur offrant... desrubis, bien sûr. La réalité actuelle dif-fère finalement peu de ces fantasmestroubles. Pailin continue d’alimenter leslégendes les plus farfelues, mais aussiles plus authentiques. Pailin, c’est leFar West du Cambodge : une ville et une
région coupées du monde, parquées àl’extrême ouest du pays, à toucher lafrontière thaïlandaise, et qui fut bienlongtemps le dernier bastion des toutderniers Khmers rouges.
De 1979 à 1996, la ville fut le refugedu plus gros de la troupe, qui y pros-péra en toute quiétude. En 1996,l’accord passé entre le déjà Premier
Les rubisde la misère
À Pailin, ancienne villeminière, une inégalitéinattendue a vu le jour :
certains anciens Khmers rougestiennent le haut du pavé, tandis que d’autressurvivent misérablement. Texte et photos : J.-M. Gautier
Les emplois administratifs sontréservés aux anciens cadresKhmers rouges. Pour les autres,il n’y a rien.
kok
THAÏLANDE LAOS
CAMBODGE
VIETNAMGolfe
deThaïlande
Mék
ong
©idé
Phnom Penh
100 Km
�Pailin
ministre Hun Sen et les anciens chefsSok Pheap et Y Chhien stipule que laprovince doit cesser toute dissidenceen échange d’une impunité quasi abso-lue. Y Chhien, ancien garde du corps dePol Pot et chef de la division Khmersrouges 415, reste gouverneur de la pro-vince. Il a été à nouveau reconduit dansses fonctions de gouverneur en 2003,puis promu général des Forces arméesroyales du Cambodge en 2010. Depuis
N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 7
entre amis. Ils n’hésitent pas à exhiberleur marchandise, sommaire en cettesaison. « La meilleure période, c’est lasaison des pluies, explique Sopha, lespierres sortent de terre d’elles-mêmes, ona juste à se pencher pour les ramasser ».– « Cela ne vaut que pour cet endroit,corrige un autre, les temps sont devenustrès durs pour les chercheurs de pierres ».La montagne sur laquelle est planté letemple a acquis la réputation d’êtremagique, rien de moins. En réalité, il esttout simplement interdit d’y effectuerdes fouilles. Et c’est pourquoi les pierrestrouvées à ses abords ne ressortent deterre qu’à l’occasion de fortes pluies. Àce moment-là, tout ce que la régioncompte d’orpailleurs accourt.
Nôn et son mari ne sont probable-ment pas de cette fête. Pour eux, il n’y
plus de vingt ans, il règne donc enmaître sur cette région du Cambodge,riche en ressources minières et végé-tales dont il a su tirer profit.
Nôn et son mari aussi sont d’anciensKhmers rouges. Eux aussi tirent partides ressources minières de la région.Mais à une moindre échelle. Contraire-ment aux autres, ils n’étaient que desimples soldats, sans responsabilités.Des Khmers des campagnes, mal ins-
truits et facilement enrôlés dans l’arméede l’Angkar à coups de promesses depaix et d’égalité pour tous.
Dans sa rivière, de l’eau jusqu’auxhanches, Nôn reste concentrée à satâche, puis rit de découvrir un minus-cule bout de pierre rouge, dérisoire, àpeine une tête de clou. Elle en tireratrois dollars, peut-être cinq, au marchéde Pailin, au pied du temple. Là seréunissent tous les matins les« experts », qui la revendront le triple,l’enverront en Thaïlande d’où, chaufféepuis retaillée, elle partira orner unevitrine en Europe ou aux États-Unis.
Épuisement des ressourcesAu pied du temple, l’ambiance est bonenfant, les vendeurs détendus échan-gent des bons mots, des petits conseils
Points chauds > Cambodge
8 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
FFOORRCCEESS AARRMMÉÉEESSLLeess FFoorrcceess aarrmmééeess ppooppuullaaiirreess ddee lliibbéérraa--ttiioonn nnaattiioonnaallee dduu KKaammppuucchheeaa ((FFAAPPLLNNKK)),,ssooiitt llee bbrraass aarrmméé dduu mmoouuvveemmeenntt KKhhmmeerrssrroouuggeess,, oonntt vvuu lleeuurrss rraannggss ppaasssseerr ddee33 000000 hhoommmmeess eenn 11997700 àà pprrèèss ddee 6655 000000eenn 11997755.. CCee qquuii aa mmoottiivvéé ccee ssuubbiitt aaccccrrooiiss--sseemmeenntt ?? LL’’aappppeell llaannccéé ppaarr NNoorrooddoommSSiihhaannoouukk llee 2244 mmaarrss 11997700 àà rrééssiisstteerr aauuccoouupp dd’’ÉÉttaatt dduu ggéénnéérraall pprroo--aamméérriiccaaiinn LLoonnNNooll.. LLeess hhiissttoorriieennss ccoonnssiiddèèrreenntt qquu’’uunnnnoommbbrree nnoonn nnéégglliiggeeaabbllee ddeess KKhhmmeerrssrroouuggeess qquuii ffiirreenntt lleeuurr eennttrrééee ddaannss PPhhnnoommPPeennhh eenn aavvrriill 11997755 ééttaaiieenntt eenn rrééaalliittéé ddeessiimmpplleess ppaayyssaannss ssiihhaannoouukkiisstteess..
Dans les petits recoins du marché
aux pierres, les artisans passent des
heures à confectionner de petits
bijoux fantaisie.
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se commettre avec ces anciens meur-triers. Quant aux emplois administra-tifs, ils sont, à Pailin, réservés à uneautre catégorie de population : lesanciens cadres Khmers rouges.
Des bourreaux toujours puissantsDepuis une dizaine d’années, les gise-ments s’épuisent. Beaucoup de moyensont été développés pour améliorer lesméthodes de forage, creuser plus pro-fondément cette terre qui aura vu cou-ler tant de sang. C’est peine perdue : iln’y aura bientôt plus rien à trouver.Pourtant, les anciens cadres Khmersrouges qui s’étaient enrichis grâce àcette manne ont trouvé la parade : lecommerce avec la Thaïlande est floris-sant. La route – une simple piste il n’ya pas si longtemps – qui relie Pailin àBattambang voit passer chaque jourd’innombrables camions. Au point queles commerçants de Pailin, autrefois
vendeurs de pelles et de pioches, ven-dent désormais des masques anti-pous-sière. Surtout, ces anciens bourreauxpatentés ont massivement investi dansla construction de casinos rutilants,concurrençant en cela la fameuse zonefranche d’Aranyaprathet-Poipet, plus aunord, où les riches habitants de Bang-kok viennent dilapider leurs économies.Beaucoup plus proche par la route queleurs équivalents de Poipet, les casinosde Pailin ont de beaux jours devant eux.
Au moment de quitter Pailin, un peudu goût de cette terre âcre dans lagorge, on ne peut que se demander :que deviendront Nôn et son marilorsque même leurs efforts les plus fousse révèleront vains ? Acceptera-t-on deles faire travailler dans ces casinos ? Carmême pour les tâches les plus dégra-dantes, leurs anciens patrons continue-ront à nier leur existence. Tout commeils continuent à nier la réalité de leurresponsabilité. �
Leurs anciens patrons continueront à nier leur existence. Tout comme ils continuent à nier leur responsabilité.
a définitivement que la rivière. En tantqu’anciens Khmers rouges, ils n’ontdroit à rien d’autre. Les quelquesorpailleurs qui exploitent les gisementsrestants dans la région de Pailinn’acceptent pas de les faire travailler.Et ils ne trouvent pas plus d’emploi enville, où les commerçants refusent de
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 9
Nôn a de plus en plus de difficulté
à trouver des rubis ou des saphirs
dans la rivière.
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Pour ces négociants réunis au
marché aux pierres de Pailin, la
grande époque de l’orpaillage est
bel et bien révolue.
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Leurs anciens patrons continueront à nier leur existence. Tout comme ils continuent à nier leur responsabilité.
10 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
Pour lutter contre la piraterie, la Chine se prépare à mettre en place une forcenavale de protection sur le Mékong. Par Jean-Matthieu Gautier
Le 5 octobre dernier, aux envi-rons de Chiang Saen, préci-
sément au croisement des troisfrontières thaïlandaise, laotienneet birmane – le fameux « Triangled’or », – les cargos battant pavillonchinois Hua Ping et Yu Xing 8 sontattaqués par des pirates. Treizemembres d’équipage, parmi les-quels deux femmes, sont tués.Déjà, en avril 2011, 34 marins detrois bateaux chinois avaient étépris en otages avant d’être relâ-chés, probablement en échanged’une rançon.
Neuf suspects – d’anciens mili-taires thaïlandais – ont été arrê-tés à la suite du drame. Une iden-tité peu surprenante dans ce lieude trafics en tout genre (bois,pierres précieuses, drogue, ciga-rettes...), où gangs et armées pri-vées font la loi. Mais cette fois,les pays concernés par leséchanges maritimes sur le Mékongont décidé de constituer une force
Il est loin, le temps du doi moi et de l’ouverture économiquedu Vietnam. Elle est loin, également, la fameuse croissance
à deux chiffres dont pouvait se targuer le petit tigre de l’Asie duSud-Est. Aujourd’hui, le chiffre à retenir est de 20%. C’est celuide l’inflation enregistrée dans le pays pour 2011. Menacé par
une crise de la dette sans précédent, le gouvernement viet-namien du Premier ministre Nguyen Tan Dung est au pieddu mur et doit impérativement et sans tarder envisagerdes réformes salvatrices. La première d’entre elles consis-
terait à régler le sort des centaines d’entreprises publiquesà la gestion anarchique, dont les gaspillages intempestifs tirent vers le basl’économie du pays tout entier. � J.-M.G.
Contre les pirates du Mékong
Mékong-ExpressCESSEZ-LE-FEU EN PAYS KARENAvec le cessez-le-feu signé le 12janvier entre le gouvernementbirman et les principaux repré-sentants de la rébellion karen –la guérilla la plus ancienne de laplanète –, ce sont près de 60 ansde guerre civile qui sont sur lepoint de s’achever. Un cadre de laKNU (l’Union nationale karen),cité par l’AFP, nuançait cependantl’enthousiasme en rappelant quela paix ne s’imposerait pas en uneseule réunion.
© J.
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Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est
Vietnam : fin du miracleéconomique ?
commune de protection et decontrôle de la navigation.
Pour l’heure, seule la Chine aannoncé la mise à disposition de1 000 hommes et de cinq patrouil-leurs. Le pays est le principal acteurcommercial de la zone. Ses navires,dont certains peuvent atteindre une capacité de stockage de 300tonnes, sont quasiment les seuls àemprunter cette voie maritimeimportante. Ils descendent desports de Jinghong, Ganlanba etGuanlai vers la Thaïlande et le Laos,les cales bourrées de fruits, delégumes et de produits high-tech,avant d’en repartir chargés d’hévéaou de minerais.
Toujours restée en marge de laCommission du Mékong, créée en1995 par la Thaïlande, le Laos, leVietnam et le Cambodge, la Chineentend bien assurer sa mainmise surle fleuve. Et ne cache pas non plusses velléités d’hégémonie sur la ges-tion de ses rives.�
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Regards sur l’Asie > Philippines©
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Après le typhon, Iliganpanse ses plaies
Une petite semaine après la catas-trophe, je me suis rendue à Iligan et
plus particulièrement au village de Digki-laan, où habitent beaucoup de filleuls duprogramme d’Enfants du Mékong. La plu-part des familles ont été touchées par letyphon Sendong, qu’on appelle Washi ici,et les dégâts sont importants, en particu-lier la destruction des maisons.
L’agitation est grande à Digkilaan. Lescamions des ONG, du gouvernement et del’armée ne cessent de monter au villagepour distribuer vêtements, nourriture, bas-sines, jerricanes d’eau. Les familles mar-chent parfois une ou deux heures pour serendre au lieu de la distribution et enrepartent souriantes, les bras chargésd’objets retrouvés. Malheureusement, lesfamilles les plus affectées ne sont pas tou-jours les premières à la distribution. Ellesont tellement à faire à la maison.
Partout, je vois des mamans et des
Dans la nuit du 16 décembre, lesPhilippines ont été durement éprouvéespar le passage du typhon Sendong, qui
a fait près de 1 260 morts et des milliers deréfugiés. Reportage à Iligan, sur l’île de Mindanao.
Par Cécile Daniel, volontaire Bambou aux Philippines
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Manille
PHILIPPINES
enfants laver, brosser, frotter, essayer derécupérer le peu qui leur reste. Jedécouvre des familles souriantes, coura-geuses malgré la grande fatigue qui se litsur tous les visages. Les gens reconstrui-sent, réparent. Je suis touchée par nosfilleuls qui déposent au soleil leurs cahierset livres d’écoles pour les faire sécher. Jesuis émue d’entendre que, depuis cettefameuse nuit du 16 décembre, les enfantspleurent quand il pleut trop fort…
Signes de vie et d’espoirQue s’est-il exactement passé pendant cettenuit ? Washi a ravagé le sud de Negros etle nord de Mindanao, plus particulièrementla région d’Iligan. Ces îles étant habituel-lement épargnées par ce genre de catas-trophes, la population s’est laissé sur-prendre, ce qui explique le nombre impor-tant de morts et de disparus. En pleine nuit,le vent a soufflé, des vagues de plusieurs
mètres sont entrées dans les maisons.Venues des montagnes qui bordent la côteou des rivières en crue, elles ont dévastétout ce qui était sur leur passage, ontembarqué tout ce qu’elles trouvaient…
« Tubig, tubig… ! » (« De l’eau, del’eau…! »). Les gens ont couru pouressayer de gagner les hauteurs, la mon-tagne, le toit de l’école. Un de nos filleulss’est même réfugié en haut d’un cocotieralors que des trombes d’eau inondaientle sol. Il y est resté trois heures, en atten-dant les secours... Certaines familles sesont terrées dans leur maison alors quetout s’effondrait autour d’elles. Au petitmatin, sous une pluie battante et inces-sante, la désolation était partout : desmillions de tonnes de boue avaientemporté les maisons et les ponts, détruitde nombreuses routes et enseveli plus de1 000 personnes sur des kilomètres.
À Iligan, les filleuls des zones touchéessont tous sains et saufs. Mais, dans lesfamilles, les morts et disparus sont nom-breux. Tous ont également subi des dégâtsmatériels. Certains ont tout perdu. Cetyphon meurtrier nous montre une nou-velle fois la vulnérabilité des populationslocales et notre petitesse face aux catas-trophes naturelles. Pourtant, au milieu dulourd bilan de cette tempête, surgissentplusieurs signes de vie et d’espoir : cettesolidarité entre les familles, ces parentscourageux qui savent qu’il faudra du tempspour reconstruire mais qui ont confianceen l’avenir… Et bien sûr nos filleuls, quiont déjà repris le chemin de l’école.�
�Iligan
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Regards sur l’Asie > Philippines
© E
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Une journée sur la montagnequi fumeLa « montagne fumante »n’est pas un volcan. Laboue qui coule de sesflancs ne peut donner la vie, et pourtant ellefait vivre des milliers de personnes. Uneagriculture un peuparticulière, au milieudes ordures de Manille. Par Marie-Agnès Perret, volontaire
Bambou aux Philippines
La camionnette de TNK, une asso-ciation partenaire d’Enfants du
Mékong, se remplit joyeusement. Rien nelaisse présager notre destination, si cen’est les chaussures que nous portons auxpieds. Pour une fois, pas de tongs, nimême de ballerines en plastique. « Deschaussures fermées », m’a-t-on conseilléhier, « si tu as des bottes, c’est encoremieux ». Pas de bottes, mais les tennissuffiront : la Smokey, comme on l’appelleici, n’est pas trop mouillée en ce moment.
Une boue qui n’est pas faitede terreLa camionnette franchit tranquillementle poste de contrôle. L’association estconnue de la police locale. Il faut eneffet montrer patte blanche pour avoirle privilège de pénétrer dans ce drôled’endroit... Trop de médias étrangerspourraient faire désordre.
C’est un peu comme un village decampagne, bâti sur pilotis, avec lechant des coqs et le rire des enfants quicourent dans les rues étroites. Pour cir-culer entre les maisons de planches debois, je me baisse pour éviter de mecogner aux fils électriques qui alimen-tent télévisions et ventilateurs, alorsque l’eau potable n’a pas ses entrées.
Mes pieds foulent un sol recouvert deboue noire. Cette boue n’est pas faitede terre et je commence à comprendretout ce que la gadoue du Pays Basquea de propre. Cette boue ne donne pasenvie de plonger ses mains dedans pourjouer à pétrir une silhouette informe ourepiquer la plante de la voisine. Cetteboue est noire, de ce même noir parti-culier qu’offre toute la crasse de Manillequand elle se colle à la peau des enfantsdes rues. Un noir éteint.
Le centre de TNK est plein à craquer.Parents et nourrissons se sont réunis pourle meeting de ce matin. Dans la cour, desvolontaires organisent des jeux auxquelsles enfants participent gaiement. Des rireséclatent, des gamins volent dans les airs,d’autres se blottissent contre la ate(« grande sœur ») ou le kuya (« grandfrère ») du coin. Quant à moi, je me suislancée dans un grand dialogue de claque-ments de langues et de « pppsssrrrttt », enfaisant exploser mes joues. Bref, aujour-d’hui, je suis à la décharge de Manille.
L’eau regorge de déchetsIl est très étrange dans ce pays de vidersa poubelle. Une fois dehors, elle serafouillée. D’abord par les habitants de larue, puis par les éboueurs, et enfin parles familles de la Smokey. Elles récupère-ront le fer, le plastique, parfois des tongsdépareillées, et même de la nourriture.Certains endroits destinés à entreposerles poubelles sont cadenassés. Ellesseront alors inspectées par les rats, leschats, les hommes. Dans cet ordre.
Un volontaire philippin nous proposede nous emmener faire le tour du village.Des maisons sur pilotis qui dominent unemer étrange et sèche. Une mer noire,comme tout ici. Une mer où l’on recon-naît, de-ci de-là, une tong abandonnée.Un objet facilement identifiable aumilieu des autres restes broyés.
Petite balade sympa au bord de labaie de Manille, sur un rebord en bétonsans protection, alors que l’eau à madroite semble morte, laissant seulementflotter à sa surface des monceaux de
On ne pourra pas changer le monde,mais si au moins on pouvait vous donneramour et reconnaissance…
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 13
20MILLIONSde Philippins vivent dans des bidonvilles
30000 Philippins vivent sur la Smokey Mountain
© E
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détritus. Dieu me garde de jamais tom-ber dans cette eau sans vie. À peine ai-je formulé cette pensée que j’aperçoisdes plongeurs à la recherche du déchetqui leur rapportera quelques pesos.
Derrière nous, deux chiens se cha-maillent. Dans la bataille, l’un d’euxtombe à l’eau, aboyant, horrifié. Il sup-plie l’aide des hommes. Mais qui iraitplonger dans cette pourriture pour unchien ? Un salto avant parfaitementexécuté, et plouf ! La réponse vient d’unado de la Smokey. Le chien n’est pasencore remonté mais il se trouve aumoins en sécurité sur le rebord, près dumur que franchissent des centaines debestioles étranges, du même noir queles ordures, dérangées par tant deremue-ménage. Une chaîne humaine,au sens littéral, s’organise pour remon-ter le canidé. À la troisième tentative,l’opération est couronnée de succès. Cen’était qu’un chien.
Les enfants se baignent au milieu desrebuts de nos maisons. Sur le prolonge-ment du mur en béton, ils courent etsautent en riant dans l’eau, de millemanières différentes. Comme dans LeGrand Bleu, au début, sur les rochers enGrèce… Sauf qu’ici, l’eau regorge desdéchets de plusieurs décennies.
Nous ne les avons pas ignorésEn poursuivant notre promenade cham-pêtre, nous longeons les barbelés quiprotègent ce qui était jadis SmokeyMountain. Quelques années auparavant,les déchets formaient là une montagned’immondices où un feu était allumé enpermanence. Elle a désormais été apla-tie par ordre du gouvernement, mais lenuage de fumée qui en découle n’est quepoussière et odeur âcre.
Ici, les gens ne disent pas bonjour,mais Thank you. Thank you parce quevous êtes venus nous voir. Pour la pre-mière fois, je comprends quelle impor-tance peut avoir notre visite, sans mêmequ’on s’arrête pour discuter. Nous sommeslà, nous ne les avons pas ignorés. Ici, lescorps humains sont abîmés, les visagessurtout. Mais avec les enfants autour, quicourent pieds nus dans les coulées
d’ordures, je ne réalise pas sur le momenttout ce que j’ai vu aujourd’hui.
C’est en rentrant, après ma douche,après avoir enfilé des habits propres etm’être posée au calme dans ma joliemaison des volontaires Bambous que lesimages repassent devant mes yeux etque mon cerveau les décortique. Ste-phany, Marvin, Emily et tous les habi-tants de la Smokey Moutain… Vous quine connaissez pour paysage que votre
montagne d’ordures et pour parfuml’odeur pestilentielle de la baie deManille. Vous dont le ciel ne connaît devolant que les mouches qui s’agglutinentsur votre peau, sans un oiseau qui passeau-dessus de vos têtes. Vous êtes aussivivants que moi, pleins d’un cœur quine demande qu’à être aimé et reconnu.On ne pourra pas changer le monde,mais si au moins on pouvait vous don-ner amour et reconnaissance… �
Agir > En direct
LE MOT DU PARRAINAGE
Jeune actif, mère de famille en congéparental, retraité ou étudiant : ils sont
bénévoles au service parrainage d’Enfantsdu Mékong. Ce service est au cœur de lachaîne de solidarité qui permet à unenfant d’Asie d’être scolarisé. Les char-gées de parrainage qui le constituent sonten lien avec les parrains en France pourla mise en place et le suivi de leur par-rainage, mais aussi avec les responsablesde programme locaux et les volontairesBambous en Asie, pour une gestion opé-rationnelle des programmes et l’accom-pagnement des familles des filleuls.
Ce travail serait impossible sans l’aidediscrète et régulière d’une dizaine debénévoles. Mise sous pli, création defiches filleuls, appels téléphoniques pourgérer les retours de courriers, correctionde l’orthographe et de la syntaxe deslettres de Bambous destinées aux par-rains, traduction, relecture, étude de
bilan financier, rapports… C’est la mis-sion de ces bénévoles qui, fidèlement,donnent de leur temps et de leurs com-pétences pour soulager le travail du ser-vice. Entièrement intégrés à l’équipe, ilsont choisi de soutenir notre action defaçon concrète et quotidienne.
Si vous avez un peu de temps à offrir etdes compétences à partager (qualités derédaction, maîtrise du traitement de texte),Enfants du Mékong a besoin de vous ausein du service parrainage. N’attendez pluset rejoignez notre équipe ! �
Plus d’informations au 01 47 91 00 84ou sur http://enfantsdumekong.com/fr/nous-rejoindre/benevolat
Bénévole au serviceparrainage
FINANCEZ UNE MISSIONDepuis 2003, les missions Bambous d’Enfants du Mékong sont entrées
dans le cadre du contrat de Volontariat de Solidarité Internationale(VSI), offrant ainsi un cadre légal et donc une prise en charge complètedes missions de volontariat. Ils sont aujourd’hui près de 50 volontairesrépartis dans nos sept pays d’action à donner une année de leur vie.Le budget global des missions Bambous ne peut être atteint que
grâce à la générosité de bienfaiteurs. En faisant un don pour lesBambous, vous permettez de financer leurs missions et donnez lesmoyens humains nécessaires au développement de notre action. Le budget des missions VSI d’Enfants du Mékong pour l’année 2012est de 400 000 € (8000 € par mission en moyenne, 50 Bambous)Enfin, au-delà de sa valeur pécuniaire, vous vous engagez aux côtés
du volontaire et pourrez suivre son action grâce aux lettresd’information régulières qu’il vous enverra.COMMENT SOUTENIR UN BAMBOU ?� http://www.enfantsdumekong.com/fr/agir/soutenir-un-bambou � ou adressez votre don par chèque à l’ordre d’Enfants du Mékong et
envoyez-le au 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine. Vous êtesun particulier imposable en France : réduction d’impôts de 75% de votre don,dans la limite de 521 € par an. Au-delà, réduction d’impôts de 66%.
Un mécénat decompétence actif !
VOLONTAIRES BAMBOUS
PARTENARIATS
© J.
-M. G
auti
er Leader européen du conseil eninnovation et ingénierie avan-
cée, Altran accompagne depuis prèsde 30 ans les entreprises dans leurprocessus de création et développe-ment de nouveaux produits et ser-vices. Avec plus de 17 000 collabo-rateurs dans le monde, les offres dugroupe assurent la capitalisation dusavoir au sein de quatre domainesprincipaux : gestion du cycle de viedu produit, ingénierie mécanique,ingénierie systèmes et systèmesembarqués, et systèmesd’information.Altran soutient Enfants du Mékongdepuis février 2010 et privilégieainsi les démarches de solidaritéimpliquant ses salariés. Elle l’aidenotamment à travers un mécénat decompétence avec pour objectifd’optimiser les processus de fonc-tionnement de l’association et lesoutils informatiques qui les accom-pagnent.Au-delà de ce mécénat, Altran per-met le rayonnement d’Enfants duMékong au sein de ses locaux avecun hall d’accueil devenu vitrine del’association grâce à une très belleexposition de photos, des posters,des bulletins de parrainage et desmagazines en libre accès. À l’arrivéede nouveaux collaborateurs, lesséminaires d’intégration sontl’occasion pour les dirigeants derappeler le but de l’association etde proposer de parrainer un enfantou de soutenir l’association. �
Fin 2011, Enfants du Mékong s’estdoté d’un nouveau site internetgrâce à ce beau partenariat. Visitez : www.enfantsdumekong.comMerci Altran !
14 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
A vec toute sa famille, ma filleulekaren va s’installer aux États-
Unis, dans une ville à la frontière cana-dienne où afflue une foule de gensdéchirés comme elle par la guerre. Leurarrivée a été rendue possible grâce à unaccord signé entre les États-Unis et leHaut-Commissariat de l’ONU pour lesréfugiés. Chaque réfugié peut suivregratuitement les cours d’anglais dispen-sés par l’association qui s’occupede leur accueil. Une main-d’œuvre travailleuse et compé-titive a relancé l’économie decette ville abandonnée du nordde l’État de New York.
Nos amis démarrent une nou-velle vie, Peusowa écrit des lettres,donne sa nouvelle adresse : USA !Je peux lui téléphoner ! Portable,internet, communications illimi-tées… Nos lettres ne mettent plusque quatre jours pour nous parve-nir. Elle nous envoie sur CD desphotos de leur nouvelle vie. Ilssont radieux, ces jeunes Karens photogra-phiés devant les chutes du Niagara !Emmitouflés dans une doudoune, ce sontbien eux ! Quelle joie…
Au bout de deux ans, nous décidonsde partir les retrouver… en allant versl’ouest, cette fois ! Rendez-vous pris,toute la famille vient à notre rencontre.Ils descendent d’un gros véhicule quivient de se garer sur le parking de notrehôtel. Ils avancent librement face ànous, dans cette rue qui me paraît unespace infini. Dans le camp boueux deMae La, il fallait mettre le pied biendroit pour traverser le pont de bambouétroit et glissant ! Ici, l’immensité desavenues, l’espace… Ils sourient, et cesont des exclamations de joie !
Un jour, le camp de réfugiés karens s’ouvre pour Peusowa et safamille, direction les États-Unis. Un avenir rendu possible par leparrainage. Suite et fin d’une belle histoire.Par Dominique Cordes, déléguée du Lot-et-Garonne
Chronique d’un parrainage (2/2)> Témoignage
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 15
potable dans le camp de réfugiés, l’eauqui était rationnée…
Un canapé ! Une petite fille touthabillée de rose s’y assoit. On l’a vuenaître au camp, elle aussi ! Dans le séjour,nos photos prises à Mae La sont toutesaffichées : c’est ainsi que les plus petitsont pu nous reconnaître ! Un ordinateur !Une vraie table haute ! Des chaises ! Unfauteuil !... Les enfants jouent, la conver-
sation s’engage. Une premièreconversation libre !
On rit souvent car ils ont desanecdotes à raconter sur leurinstallation. Lorsque je de-mande à la maman si elle a untravail, ses enfants se mettentà rire et me disent : « Notremaman, elle va à l’école ! », etelle comprend ce que nousdisons. Dans un vrai éclat derire, elle répond : « Yes, butvery difficult for me ! »
Nos amis Karens ontdémarré une nouvelle vie. Ils
peuvent circuler librement aux États-Unis et au Canada. Dans deux ans, ilsauront un passeport : ils seront citoyensaméricains. Nous attendons le jour oùnous pourrons les inviter en France.Durant ces moments passés ensemble,ils n’ont cessé de nous répéter : « Very,very, very happy here ! »…
Le parrainage de cette petite fille adonné du bonheur à tant de monde enmême temps ! Le sort d’une familleentière a basculé. C’était un parrainage,et c’est du bonheur à partager pourlongtemps encore. À notre demande,une nouvelle fiche filleul vient de nousêtre envoyée par Enfants du Mékong :nous voilà parrains d’un petit garçonen… Birmanie ! �
Les enfants courent à toute vitessedans notre direction, mais c’est lamaman qui me serre en premier dansses bras… Nous les reconnaissons tous.L’un a grandi, l’autre a grossi, celui-cimarche maintenant ! On les compte : iln’en manque aucun. Chacun a bonnemine et la famille s’est même agrandie.Tous sont au rendez-vous encore unefois et nous entourent déjà.
« Le sort d’une famille entièrea basculé »Ma filleule s’est mariée après son arri-vée avec un Birman réfugié ici. Unepetite fille vient de naître. La mamande Peusowa me met avec un grand sou-rire le bébé dans les bras. Me voilàencore marraine ! Ils habitent une mai-son en dur en forme de petit chaletgris. L’avenue est bordée des mêmeshabitations typiques de cette région.C’est un choc en entrant : évier en inox,frigidaire, cuisinière, micro-ondes…!Mode de vie à l’américaine ! Ils parais-sent très à l’aise et plutôt décontrac-tés. En imaginant l’eau chaude quicoule au robinet, je revois les bidonscabossés qu’ils remplissaient d’eau
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MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 17
> Notre action
Nos vies sont des aventures humaines marquéespar des joies, des souffrances, des opportunités,des imprévus. Aujourd’hui se pose peut-être laquestion de ce que vous allez laisser derrière vous.Grâce à votre générosité, des enfants peuvententrevoir un avenir meilleur, faire des études, deve-nir les cadres de demain, construire leur pays.N’hésitez pas à consulter votre notaire ou à mecontacter pour en parler !
Guillaume d’Aboville : 01 47 91 00 [email protected]
Une donation, qu’est-ce que c’est ?
La donation est un acte notarié permettant dedonner à Enfants du Mékong un bien ou une sommedont vous êtes propriétaire. La donation est immé-diate et irrévocable.
Qui puis-je faire bénéficier de quoi ?
Vous pouvez faire bénéficier une ou plusieurs per-sonnes, physiques ou morales (comme une associa-tion). Tous les biens dont vous êtes propriétairepeuvent faire l’objet d’une donation (mobilier,somme, maison, droits, titres…).
Quels avantages à donner à une association commeEnfants du Mékong ?
Ce geste permet à Enfants du Mékong d’avoir desressources rapidement. Reconnue association debienfaisance, Enfants du Mékong est habilité à rece-voir des donations et des legs exonérés de droitsde succession.
Les réductions d’impôts
sont les mêmes que pour les
dons. Vous pouvez bénéficier
d’une réduction d’impôts sur
le revenu égale à 66% du
montant des sommes don-
nées, dans la limite de 20%
du revenu imposable. Si votre
don excède la limite des 20%
du revenu imposable, l’excé-
dent est reporté successive-
ment sur les années sui-
vantes, dans les mêmes con-
ditions, jusqu’à la cinquième
année.
Comment nous aider ? (3/5)Troisième volet des moyens à votre disposition pour soutenir notre actionauprès des enfants pauvres d’Asie du Sud-Est, voici un moyen simple maisméconnu : la donation. Nous vous en disons davantage…
Vous souhaitez… Notre réponse… permettre à un enfantd’aller à l’école pour 24 €ou 39 € par mois
… soutenir les missions de nos 50 Bambous envoyés sur le terrain (19 € par mois)
… faire un don ponctuel ou récurrent
… donner un bien ou unesomme d’argent de votrevivant
… souscrire un contratd’épargne pour verser un capital au(x) bénéficiaire(s)
… transmettre par testamentune partie ou la totalité de vos biens
Parrainage
ParrainageBambou
Donation
Don I.R. ou I.S.F.
Donation
Assurancevie
Legs
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AVIGNON (84)
Samedi 11 février à 11h30
REPAS DEPARRAINS ET AMISRestaurant Les Etoiles,centre commercial Cap Sud
Venez nombreux à notrerepas de parrains et amisd’Enfants du Mékong !Apéritif, buffet à volonté etcafé. Prix : 20 € (8 € pour les4 à 10 ans).Adressez un chèque à notreordre en indiquant le nombrede repas à notre adresse : 8,clos Julien, route d’Avignon,84450 Saint-Saturnin-lès-Avignon. À cette occasion,vous pourrez acheter unalmanach provençal, ainsique de l’artisanat asiatiquerapporté par des parrains auprofit d’Enfants du Mékong.Contact : Michel et Marie-Françoise RaguisTél. : 04 90 01 37 [email protected]
TOULOUSE (31)
Vendredi 16 mars
REPAS-SPECTACLESalle des fêtes deLafourguette, rue de Gironis
Réservez votre soirée duvendredi 16 mars ! Veneznombreux avec famille etamis pour participer dans la joie à notre traditionnelrepas-spectacle toulousainau bénéfice de l’écoleprimaire de Changva Touk,au Cambodge, organisée
dans la salle des fêtes deLafourguette (grand parkingassuré).Contact : Philippe LandauTél. : 05 61 41 63 02 ou 06 07 30 18 06 [email protected]
CONFLANS-SAINTE-HONORINE (78)
Vendredi 16 mars
DÎNER ENFANTS DU MÉKONGRestaurant Orchidée Villa– 5, cours Chimay
La délégation des Yvelines ale plaisir de vous inviter àson dîner de parrains, amis etfuturs amis de l’association !L’occasion d’échanger surune Asie que vous neconnaissez pas. Venezaccompagné de vos amis.Participation : 15,90 €(boisson comprise). Réponsesouhaitée pour le 1er mars.Chèque à l’ordre d’OrchidéeVilla, à envoyer à Axelle Cuny– 110, rue des Vergers,78955 Carrières-sous-Poissy.Contact : Axelle CunyTél. : 01 39 74 44 18 [email protected]
LA CELLE-SAINT-CLOUD (78)
Mercredi 28 mars à 20h
DÎNER DEPARRAINS ET AMISRestaurant Village deChine – 19, avenue des Puits
Venez nombreux à notrerepas de parrains et amisd’Enfants du Mékong ! Prix :
15 €. Merci de bien vouloirnous confirmer votreprésence par mail ou partéléphone.Contact : Béatrice DemancheTél. : 06 14 10 15 [email protected]
SAINT-GRÉGOIRE (35)
Vendredi 30 mars à 20h30
CONCERTAmphithéâtre du CollègeImmaculée, rue Antoine de Saint-Exupéry, lieu-dit« La Ricoquais »
L’ensemble vocal « La Grisecourtoise » vous proposebénévolement un récital auprofit de notre associationpour la construction de lanouvelle école primaire deKo Pha Tone au Laos. Ce quatuor interprétera des chansons grivoises etcourtoises de la Renaissance.À l’issue de ce concert, nousvous proposerons une ventede Soieries du Mékong et un pot de l’amitié. Veneznombreux en famille et avecvos amis encourager cequatuor. Participation libre.Contact : Marie-Andrée etHenry-Paul RoisnéTél. : 02 99 54 48 [email protected]
GUYANCOURT (78)
Samedi 31 mars à 19h30
CONFÉRENCE ET BUFFETSalle CAP Saint-Jacques,salle de la Bergerie – 67, route de Troux
Avec vos amis, découvrezl’Asie que vous ne connais-sez pas ! Rejoignez-nous lors d’une conférence deFrançois Foucart, ancienchroniqueur à France Inter,suivie d’un buffet asiatiqueet d’un débat. Nous vousattendons nombreux ! Entrée et buffet : 15 €.Inscription par mail àl’adresse ci-dessous.Contact : Régis SadouxTél. : 06 80 04 51 [email protected]
PERPIGNAN (66)
Mardi 3 avril
DÎNER DEPARRAINS ET AMISVenez nombreux avec familleet amis participer à notrepremier dîner de parrains :petit film sur Enfants duMékong, témoignages,échanges, informations,suivis d’un dîner simple et convivial. Davantage de renseignements serontdisponibles fin février surwww.enfantsdumekong.comContact : Anne de LambertTél. : 06 61 13 89 [email protected]
SINGAPOUR
Samedi 14 avril à partir de 19h30
GALA ENFANTS DU MÉKONGSwiss Club
Au programme : dîner,animations et soiréedansante. 100% des
bénéfices seront reversés à l’association pour soutenirl’accès à la nutrition et à la santé des foyers Enfantsdu Mékong dans la provincedu Banteay Meanchey, au Cambodge !Contact : Amélie VilletTél. : (+65) 91 29 70 [email protected]
VALRÉAS (84)
Dimanche 15 avril à 18h
RÉCITAL GOSPELÉglise paroissiale Notre-Dame de Nazareth
Rien de mieux pour acheveren harmonie et en beauté un week-end de printempsque d’écouter ce chœurmixte venu d’Avignon(auquel participe MichelRaguis, délégué d’Enfants du Mekong pour le Vaucluse,avec une trentaine d’autreschoristes). Répertoire de gospel traditionnel a cappella sous la direction de JoëlKelemen. Musique departage, d’énergie et de spiritualité, ce concert offert par Gospel Accord à notre association nouspermettra également de nous retrouver autourd’un verre. Entrée libre.Contact : Tinou DumondTél. : 06 10 15 06 [email protected]
Retrouvez en détaill’agenda des déléguéssur notre site internet :www.enfantsdumekong.com
AGENDA
Agir > Nos délégations
18 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
Patience, précision, grâce… chaque geste estune danse avec le fil de soie. Né de ses entre-croisements complexes, le foulard prend peu àpeu forme… La tisserande est alors garante deson harmonie.
Découvrez les gestes de ce métier d’art, quifont de chaque création une pièce uniquesur le site http://www.lesmainsdesoie.com/ ©
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> Courrier
Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600 Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail : [email protected]
PLEIN LES YEUX ET PLEIN LE CŒUR…
Nous rentrons de deux semaines au Cambodge… Une aven-ture merveilleuse, surtout en raison des moments passés dansles centres d’Enfants du Mékong. Tout d’abord, la rencontreavec Martin à Sisophon : nous aurions passé des heures àl’écouter afin de comprendre toutes les difficultés rencontréesdans ce pays pour donner aux enfants les plus démunis unechance de connaître, un jour, un véritable avenir.
Le lendemain, ma filleule Sreytim m’a tout de suite montré lescartes postales que je lui avais envoyées au cours de l’année.De mon côté, j’avais avec moi tous les dessins qu’elle m’avaitadressés. Quel bonheur de communiquer avec des choses sisimples ! Je lui avais apporté quelques cadeaux en rapport avecson âge (17 ans). Ce sont les tubes de peinture, des feutres, descrayons, du papier à dessin... qui lui ont fait le plus plaisir.
En écrivant ces lignes, je suis encore très émue. Je l’ai été plus particulièrement quand elle nous a raccompagnésau minibus et qu’elle a osé me donner le bras. J’avais une forte envie de la prendre dans mes bras et de l’embrasser,mais je crois que la grande pudeur de ce peuple ne me l’autorisait pas. Je me suis contentée de lui serrer très fortses mains dans les miennes. C’est là que j’ai vraiment pris conscience que je pouvais, par ma modeste contributionmensuelle, offrir à cette jeune fille un grand bonheur, et combien elle aussi me donne beaucoup de son côté : une« leçon de vie ». Cette rencontre restera gravée à jamais dans ma mémoire, dans celle de mon mari et de mes amisavec qui nous avons partagé ces moments d’une réelle sincérité.
J’encourage tous les parrains et marraines à envisager un tel voyage. Le monde occidental nous paraît bien superficielaprès ce séjour, durant lequel nous avons pris conscience que, quel que soit le niveau de richesse des hommes, la chosela plus précieuse est de savoir partager dans l’intelligence du cœur. Les Bambous ont cette pleine conscience de leur mis-sion : les filleuls leur font toute confiance et les considèrent comme des parents. Un grand bravo à tous ! �
Catherine, Val-d’Oise
VIETNAM DU 7 AU 25 JUILLET 2012 - DU 2 AU 14 OCTOBRE 2012 CAMBODGE DU 4 AU 17 OCTOBRE 2012 - DU 8 AU 21 NOVEMBRE 2012THAÏLANDE NOVEMBRE, SELON LA DEMANDE
LAOS NOVEMBRE, SELON LA DEMANDE
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 19
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Découvrir > Chronique d’Asie
Avec ses flèchesparallèles et sa
façade de brique, onjurerait l’église d’une
petite ville du sud de la France. La sor-tie des paroissiens tire le voyageur desa rêverie : cette Notre-Dame-là estcelle de… Saigon. Bâtie à l’initiativede Marie-Jules Dupré, gouverneur del’Indochine, sur un projet de l’archi-tecte Jules Bourad, la cathédrale del’ancienne capitale de la Cochinchineporte haut son style roman mâtiné degothique. Inspirée selon son auteur deNotre-Dame de Paris, elle présente sur-tout de fortes ressemblances avec Saint-Pierre de Mâcon, édifiée quelquesdécennies plus tôt par un élève de Viol-let-le-Duc. Pour sa construction, de1877 à 1880, on employa des briquesde Toulouse et des vitraux réalisés parla maison Lorin de Chartres. Au final,
une cathédrale cent pour cent françaiseen pleine terre d’Asie.
Des églises pour occuper le terrainLe cas n’est pas isolé. Centre de la vieilleville, la cathédrale de Hanoi est devenuedepuis longtemps le rendez-vous de lajeunesse, qui vient chaque jour siroterun thé au citron devant les petits cafésqui bordent la place. Ouverte au culte àNoël 1886, elle fut bâtie en seulementdeux ans et placée sous le patronagede saint Joseph. Comme sa consœur deSaigon, elle doit son architecture néo-gothique à l’époque qui la vit naître.Dans ces premiers temps de l’Indochinefrançaise, le symbole religieux se dou-blait d’une intention politique. En choi-sissant d’importer son architecture, ils’agissait aussi d’affirmer le rayonnementculturel de la France.
Néogothique, locale ou fantaisiste, l’architecture catholique du Vietnam décline une variété fascinante d’églises. Carnetde voyage, de Saigon à Hanoi. Par Geoffroy Caillet
Le Vietnam… de clocher en clocher
20 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
Mais c’est loin des grandes métropolesque l’architecture religieuse du Vietnamexprime son incroyable variété. Àquelques dizaines de kilomètres de Sai-gon s’étend la province de Dong Nai, trèslargement peuplée de catholiques ayantfui le Nord en 1954. Partout, les églisesy poussent comme des champignons.Énormes et meringuées, ces réinterpréta-tions locales de Saint-Pierre de Romedisent autant la générosité des fidèles quela démonstration de force. Pour l’Églisevietnamienne, étroitement surveillée parle gouvernement, la visibilité de ses lieuxde culte est un enjeu crucial. Et leurnombre traduit, aux deux sens du terme,une volonté d’occuper le terrain.
Rococo d’Extrême-OrientVers le nord. Après huit heures de bus,halte sur les Hauts-Plateaux, région deminorités ethniques. Dans toute la
Phnom Penh
Vientiane
Golfe deThaïlande
Bangkok
THAÏLANDE
CAMBODGE
LAOS
VIETNAM
200 Km
Golfedu
Tonkin
Golfe de Thaïlande
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Hanoi
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La Vang
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Pleiku
Saigon
Phat Diem
Cathédrale de Phat Diem
région, le style local domine. Les églisesdes Jaraï et des Banhar doivent leurétrange forme de hutte aux « maisonscommunes » où se rassemblent les vil-lageois. Par un effet d’assimilation,l’identité ethnique a entièrement modelél’art religieux. Les sculptures de saintsempruntent aux habitants leurs traits etleurs habits traditionnels. « Le mystèrede l’incarnation a porté ses fruits ! », sou-ligne avec humour un prêtre de Pleiku.
Escapade par La Vang, à une soixan-taine de kilomètres de Hué. De la basi-lique Notre-Dame, détruite par les bom-bardements américains en 1972, ne sub-siste plus aujourd’hui qu’une majestueusetour carrée. À son origine, l’apparition dela Vierge en 1798, en pleine persécutiondes chrétiens menée par l’empereur CanTrinh, qui a fait du lieu le pèlerinage leplus populaire du Vietnam, surtout depuis
sa consécration à l’Immaculée Concep-tion en 1961. Prévue pour 2011, lareconstruction du sanctuaire, appelée deses vœux par le pape Jean-Paul II en1998, attend pourtant toujours le feuvert des autorités du pays.
Toujours plus haut. Avec ses 63 mètresde long, 18 mètres de large et son clo-cher de 20 mètres, impossible de man-quer la gigantesque église de PhuongChinh, dans la province de Nam Dinh.Bâtie de 1995 à 1998, c’est sans doutele monument le plus composite du pays.Avec ses éléments indochinois, romainet gothique, on parle à son sujet d’unstyle « rococo d’Extrême-Orient »… Lepuriste risque de ne pas y trouver soncompte, mais il faut reconnaître qu’avecses innombrables coupoles, ses colonnesrouges et ses statues colorées, elle res-titue quelque chose des cathédrales occi-dentales et de leurs façades peintes.
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 21
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Pour l’Église vietnamienne, la visibilité de ses lieux de culteest un enjeu crucial.
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22 � N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 MAGAZINE
Phat Diem, miracle de patienceBlotti dans la province voisine, à 120 kilo-mètres de Hanoi et à une trentaine deNinh Binh, le fleuron de l’architecturecatholique vietnamienne fait l’effet d’untrésor perdu. Inspirée des pagodes et desdinh (les maisons communes) du Tonkin,la cathédrale de Phat Diem étonne parsa radieuse bizarrerie. Composé d’uneéglise, de chapelles, d’un portique et d’unmajestueux calvaire, ce vaste ensembleest un cas unique dans l’histoire del’architecture religieuse du pays.
Œuvre de bois et de pierre, elle fut édi-fiée entre 1875 et 1899 par le Père TranLuoc, dit le Père Six (1825-1899), unprêtre vietnamien à la volonté tenace.Dans L’Illustration du 9 novembre 1929,Yvonne Schlutz en raconte fidèlement laconstruction : « Jadis, les constructeursde cathédrales faisaient le pacte avec lediable. Le Père Six ne pactisa qu’avec le
temps. S’il y eut un miracle, ce fut unmiracle de patience. Bien avant que ne fûtposée la première pierre, c’est-à-dire avant1875, on se mit à enfoncer dans le terrainmeuble madrier sur madrier. Et toujoursles pilotis s’enlisaient et l’on continuait defrapper pour qu’il s’enlisât davantage.Alors, vers 30 mètres de profondeur, le
lourd pilotis cessait enfin de descendred’une façon apparente (…). Puis surcette forêt enlisée, on déchargea desmasses de cailloux sur lesquels, sanstrêve, passaient des buffles dont le poidsfaisait pénétrer les pierres dans le limon.Avec les années, buffles et cailloux col-matèrent si fortement le sol que l’on putenfin, de 1878 à 1895, date de la pre-mière messe, ériger cette cathédrale etles cinq chapelles qui l’entourent ensatellites sacrés. »
Tout autour de cette œuvre de titan,une multitude d’humbles églises poséesau milieu des rizières vertes et eau pré-
Cathédrale de Phat Diem, saint Matthieu
Église de Phuong Chinh Église de La Vang
Une humble église dans lacampagne vietnamienne
sentent au visiteur un air familier. Dansle soir qui tombe, les paysans rentrentdes champs en fredonnant des can-tiques. Certains s’arrêtent pour la messe,célébrée les soirs d’orage à la lueur desbougies. Il ne manque que le trait d’unMillet pour faire de ce paysage une cam-pagne française du XIXe siècle. Cettefaculté à rapprocher à la fois l’espaceet le temps, c’est peut-être le secret duVietnam. �
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Découvrir > Livres, film
à lire on a aimé à ne pas manquer
La MangroveClaire LyÉd. Siloë, 210 p., 17 €
De son écriture fine, fluide et précise, Claire Ly nousemmène dans un dialogue touchant et d’une incroyable richesseentre deux Cambodgiennes vivant en France et revenues dans leurpays natal afin de s’en réapproprier le sens. L’une est bouddhiste,l’autre s’est convertie au catholicisme. Confrontées aux réalitéstroubles d’un Cambodge contemporain qui ne tourne jamais le dosau passé, ces deux femmes d’une égale bienveillance parviennentà nous entraîner dans un cheminement intérieur qui laisse toute saplace à l’introspection. La Mangrove, à la croisée des cultures et desreligions est donc surtout la fable d’une rencontre entre l’Orient etl’Occident, dans ses différences, ses incompréhensions, et bien sûrses désirs de rapprochement et d’entente. Un livre à découvrir detoute urgence.
Dictionnaire des Khmers rougesSolomon KaneÉd. Les Indes savantes / Irasec, 546 p., 35 €
La démarche est intéressante dans son approche, titanesquedans la somme de travail qu’elle représente et surtout très utile.Car les innombrables ouvrages consacrés à la sanglante périodedes Khmers rouges se contentaient jusqu’à présent de commenterdes faits. Ce Dictionnaire des Khmers rouges, publié ici dans une nou-velle édition révisée, prend le contre-pied de cette tendance et entendquant à lui offrir au lecteur une approche différente. Avec près de400 entrées, le lecteur retrouvera ainsi une biographie assez exhaus-tive de la plupart des figures, Khmers rouges ou non, parmi les plusemblématiques de l’époque, des entrées issues du vocabulaire khmerrouge typique : « peuple de la base », « Khmers libres »…, ainsi queles grands faits liés à cette époque tragique.
Monsieur le ParesseuxYveline FérayÉd. Philippe Picquier, 372 p., 8 €
D’abord enseignante et journaliste au Cambodge et auVietnam, Yveline Féray est l’auteur d’une œuvre asiatique parti-culièrement riche, notamment des Contes d’une grand-mère vietna-mienne et d’un roman historique sur le Vietnam et la Chine du XVe
siècle, Dix Mille Printemps (1989). Cette réédition de Monsieur leParesseux, d’abord paru chez Robert Laffont en 2000, permet deredécouvrir un roman historique de premier ordre. L’amitié entreLê Huu Trac, le « Paresseux » du titre, authentique médecin duXVIIIe siècle, et le jeune prince héritier atteint d’un mal étrangesert d’intrigue à une passionnante reconstitution du Siècle deslumières vietnamien. Sa traduction et sa publication au Vietnamen 2005 disent assez avec quel talent.
Le Viêt NamHiên Do BenoitÉd. Le Cavalier bleu, collection Idées reçues, 128 p., 9,80 €
Cette collection, qui s’attache à corriger la portée desidées reçues ou à débusquer « la part de vérité cachée derrièreleur formulation dogmatique » a trouvé dans le Vietnam un objetde choix. De la géographie à la religion, de la politique à l’économie,le Vietnam s’affiche résolument comme le pays des nuances infi-nies, qui ne souffre pas les approximations. Ce petit ouvrage par-faitement documenté montre par exemple que c’est moins le com-munisme, pétri de capitalisme depuis les années 80, qui signeaujourd’hui l’identité politique du pays que son tout-puissant Parti.Ou que le paradis touristique vanté par le monde occidental pour-rait vite devenir un enfer sans la prise en compte d’un dévelop-pement harmonieux. Un livre qui fait apparaître la réalité plus forted’avoir été nuancée.
ERRATUM Contrairement à ce qui a été annoncé dans EdM Magazine n°170,l’ouvrage Viêt-Nam, Histoire et Archéologie d’Anne-Valérie Schweyer estpublié aux éditions Olizane (428 p., 26 €).
MAGAZINE N°171 � JANVIER - FÉVRIER 2012 � 23
Duch, le maître des forges de l’enferFilm documentaire de Rithy Panh, 1h43. Au cinéma le 18 janvier.
Passons sur le titre définitivement bancal etemphatique (malheureux mélange de « maître de forges »et des « forges de l’enfer » de la mythologie) pour dire ceque ce nouveau film de Rithy Panh a de saisissant. Ses 103minutes égrènent le témoignage personnel de Duch, filmépar le réalisateur au cours de 300 heures d’un entretienexclusif, avant l’ouverture du procès qui l’a condamné, enjuillet 2010, à 35 ans de réclusion pour crimes de guerre etcrimes contre l’humanité.
Tout au long de son stupéfiant récit, l’ancien directeur dela prison S 21, où périrent au moins 13 000 Khmers « enne-mis du peuple », s’en tient au credo qu’il a assumé tout aulong des audiences : oui, il a cru au bien-fondé et auxbénéfices de la dictature du prolétariat ; non, il n’est pasresponsable, ayant joué un rôle de simple rouage dans lamachine de mort mise en place par le régime de Pol Pot.
Entrecoupé d’images d’archives, le film s’ouvre et se fermesur le quotidien de Duch dans sa cellule : petit café du matinen introduction, exercices de gymnastique pour finir. Le pai-sible vieillard s’anime volontiers au long de l’entretien dontil est le seul locuteur pour raconter, préciser, corriger, tour àtour sérieux et guilleret. « Je suis loyal, je ne trahis pas. C’estpour ça qu’on m’a utilisé », dit-il en brandissant en guise dedéfense ce qui constitua justement son chef d’accusation.Ailleurs, ce converti au christianisme se laisse aller à descitations directes de Ponce Pilate (« Qu’est-ce que la véri-té ? »), qui rappellent le plus célèbre tribunal de l’histoire.
Car ce sont bien des innocents qu’on aurait aiméentendre parler un homme avant tout soucieux d’affirmerqu’il se bornait à diriger le centre de torture, sans interro-ger ni donner la mort. Un souvenir passe. Il dit comment ila failli craquer lorsqu’on amena à S 21 son ancienne insti-tutrice. À tous ceux qui en doutaient, Duch est terriblementhumain. Mais intervenir en sa faveur, c’eût été détraquer lamachine. Il a préféré la laisser se faire violer puis sauvage-ment exécuter. Trop humain, finalement.
Au fond, le pire tient peut-être à ce que jamais sa lucidi-té n’est prise en défaut. Duch est conscient de ce qu’il a fait.Mais s’il n’est pas responsable, pourquoi demander pardon ?C’est donc en vain qu’on traquera un authentique remords.À la fin seulement, un doute étreint le spectateur lorsqu’ilentend le bourreau murmurer : « Si l’on accepte ma deman-de de pardon, alors je me prosternerai pour remercier. Sinon,restons-en là en attendant la fin… »
Depuis, l’histoire a complété le film. Le revirement spec-taculaire de Duch, plaidant non coupable au dernier jour deson procès, a balayé ce doute. Surtout, pour deux millionsde Cambodgiens, cette fin est arrivée trop vite. � G.C.