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EntrEtiEns individuEls En calcul algEbriquE Marie-Hélène HINAULT Françoise CHENEVOTOT Irem de Rennes REPERES - IREM. N° 89 - octobre 2012 a été expérimentée dans le cadre institutionnel de l’aide individualisée en seconde tel qu’il a existé jusqu’en 2009-2010. La pratique d’entre- tiens individuels peut trouver sa place dans les dispositifs d’accompagnement personnalisé en vigueur actuellement au lycée (BO spécial n° 1 du 4 février 2010). Au collège on pourrait envisager d’inclure ce travail dans les pro- grammes personnalisés de réussite éducative (BO n°31 du 1er septembre 2005 1 et n° 31 du 31 août 2006 2 ). Dans les deux cas, il est à Introduction Dans cet article nous présentons une pra- tique d’entretiens cognitifs individuels des- tinés à des élèves ayant des difficultés en cal- cul algébrique, à la période charnière troisième-seconde. Cette étude, effectuée dans le cadre d’un mémoire de master, fait suite au travail de deux groupes de recherche de l’Irem de Rennes (IREM DE RENNES 2005, IREM DE RENNES 2008). Cette pratique d’entretien 57 Résumé : Cet article présente une pratique d’entretiens cognitifs individuels pour des élèves ayant des difficultés en calcul algébrique à la période charnière troisième-seconde. Nous présentons notre méthodologie, et nous montrons, à partir de l’étude du cas d’une élève, comment nous avons pré- paré et mené les entretiens, en nous appuyant sur le profil de l’élève en algèbre. Enfin, nous général- isons et dégageons quelques idées qui nous semblent essentielles pour la conduite de tels entretiens. 2 Extrait de ce BO : Les PPRE concernent des « élèves rencontrant des difficultés importantes ou moyennes dont la nature laisse présager qu’elles sont susceptibles de compromettre, à court ou à moyen terme, leurs apprentissages ». 1 Extrait de ce BO : « A tout moment de la scolarité, une aide spé- cifique est apportée aux élèves qui éprouvent des difficultés dans l’acquisition du socle commun ou qui manifestent des besoins éducatifs particuliers. »

EnEiEn indiidEl En calc l algEb i E...EnEiEn indiidEl En calc l algEb i E Marie-Hélène HINAULT Françoise CHENEVOTOT Irem de Rennes REPERES - IREM. N 89 - octobre 2012 a été expérimentée

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  • EntrEtiEns individuEls

    En calcul algEbriquE

    Marie-Hélène HINAULT

    Françoise CHENEVOTOT

    Irem de Rennes

    REPERES - IREM. N° 89 - octobre 2012

    a été expérimentée dans le cadre institutionnelde l’aide individualisée en seconde tel qu’il aexisté jusqu’en 2009-2010. La pratique d’entre-tiens individuels peut trouver sa place dans lesdispositifs d’accompagnement personnalisé envigueur actuellement au lycée (BO spécial n° 1 du 4 février 2010). Au collège on pourraitenvisager d’inclure ce travail dans les pro-grammes personnalisés de réussite éducative (BO n°31 du 1er septembre 2005 1 et n° 31 du31 août 2006 2). Dans les deux cas, il est à

    Introduction

    Dans cet article nous présentons une pra-tique d’entretiens cognitifs individuels des-tinés à des élèves ayant des difficultés en cal-cul algébrique, à la période charnièretroisième-seconde. Cette étude, effectuée dansle cadre d’un mémoire de master, fait suite autravail de deux groupes de recherche de l’Iremde Rennes (IREM DE RENNES 2005, IREMDE RENNES 2008). Cette pratique d’entretien

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    Résumé : Cet article présente une pratique d’entretiens cognitifs individuels pour des élèves ayantdes difficultés en calcul algébrique à la période charnière troisième-seconde. Nous présentons notreméthodologie, et nous montrons, à partir de l’étude du cas d’une élève, comment nous avons pré-paré et mené les entretiens, en nous appuyant sur le profil de l’élève en algèbre. Enfin, nous général-isons et dégageons quelques idées qui nous semblent essentielles pour la conduite de tels entretiens.

    2 Extrait de ce BO : Les PPRE concernent des « élèves rencontrant

    des difficultés importantes ou moyennes dont la nature laisse

    présager qu’elles sont susceptibles de compromettre, à court ou à

    moyen terme, leurs apprentissages ».

    1 Extrait de ce BO : « A tout moment de la scolarité, une aide spé-

    cifique est apportée aux élèves qui éprouvent des difficultés dans

    l’acquisition du socle commun ou qui manifestent des besoins

    éducatifs particuliers. »

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    craindre que les professeurs de mathématiquesaient à faire preuve d’un certain volontarismepour que l’aide individualisée disciplinaire soitintégrée dans le projet d’établissement.

    Quand on envisage une pratique d’entre-tien deux questions se posent : à quels élèvesdestine-t-on de tels entretiens et pour quoifaire ? La première question pose celle d’uneévaluation des compétences des élèves. Ladeuxième pose le problème des tâches don-nées aux élèves en entretien, des supports et dela médiation exercée par le professeur. Diverstravaux montrent que donner à de très petitsgroupes, voire à une personne seule, les mêmesexercices techniques que ceux habituellementdonnés en classe a généralement peu d’effet.

    Un autre problème posé par une pratiqued’aide individualisée ou d’entretien est le risquede déresponsabilisation de l’élève qui peut secroire pris en charge par le professeur à quiincomberait toute la responsabilité de résoudreses difficultés. Pour réduire ce risque, nousavons choisi de proposer à la classe une démarchequalifiée de « bilan approfondi des sourcesd’erreurs en calcul algébrique » qui impliqueles élèves et comporte trois volets : une éval-uation diagnostique, des entretiens, du travailpersonnel de la part de l’élève.

    Les difficultés auxquelles sont confrontésles élèves peuvent se manifester de deuxmanières : absence de réponse, ou réponseserronées dans les exercices. C’est à ces dernièresque nous nous sommes intéressés.

    Ce travail avec les élèves prend appui surune petite batterie d’exercices ayant une dou-ble fonction d’évaluation diagnostique et desupport pour les entretiens. Pour rendre comptede cette double fonction, nous avons utilisél’expression « exercices de mise en route »pour désigner ces exercices.

    Notre présentation s’appuie principale-ment sur le cas d’une élève que nous appelonsBlandine. Dans une première partie, nous jus-tifions le choix des exercices et montrons com-ment nous avons établi à partir de sa produc-tion un profil cognitif de l’élève en algèbre. Dansune deuxième partie, consacrée aux entretiens,nous présentons le modèle d’entretien que nousavons retenu, la préparation des entretiens avecBlandine et le bilan de ces entretiens. Enfin, dansune troisième partie nous abordons des ques-tions plus générales concernant la mise enœuvre d’une telle pratique.

    1. — Profil de Blandine en algèbre

    Pour nous attaquer efficacement aux erreursproduites par les élèves, il nous a semblé néces-saire de ne pas considérer isolément ces erreurs.Il nous fallait disposer d’outils permettant uneanalyse des productions des élèves porteusede plus d’informations qu’un score global, maissuffisamment synthétique, pour décider quelsélèves nous prendrions en entretien, et pourchacun, quelle stratégie nous pourrions mettreen œuvre. Nous avions aussi besoin d’une grilled’analyse permettant de regarder les erreurs, enles reliant à d’autres erreurs ou procédures,soit du même type, soit de types différents,mais où l’on peut émettre l’hypothèse que l’uneexplique l’autre.

    De plus, nous ne restreignons pas l’activ-ité algébrique des élèves aux seules manipula-tions formelles. Cela nous conduit à examinerle domaine conceptuel que constitue l’algèbreélémentaire, puis à proposer un modèle d’analysemultidimensionnelle de la compétence en algèbreélémentaire.

    1.1. Compétence en algèbre

    Nous référant à la dialectique outil/objet(DOUADY 1986) nous considérons l’algèbre

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    élémentaire à la fois dans sa dimension outil,du point de vue des problèmes, et dans sadimension objet, du point de vue des objetsmanipulés (lettres, symboles, expressions, etc).Nous pointons quelques unes des rupturesépistémologiques, identifiées par la rechercheen didactique, et qui, lorsqu’elles ne sont pasconsommées, sont des sources d’erreurs fréquentespour les élèves de collège et lycée. Ces erreurs,qui ne sont pas la conséquence d’une inatten-tion ou d’un entraînement insuffisant, résis-tent aux explications habituellement données enclasse et perdurent.

    Problèmes et objets de l’algèbre

    Les problèmes relevant de l’algèbre sont trèsdivers. Outre les problèmes dits « arithmé-tiques » qui peuvent aussi être résolus par unemise en équation et les problèmes nécessitantune mise en équation, nous y incluons les prob-lèmes de généralisation et de preuve (par exem-ple prouver que la somme de deux nombres con-sécutifs impairs est un multiple de 4), lesproblèmes de modélisation et les problèmesdes cadres algébrique et fonctionnel (produc-tion d’inégalités, étude de signes, recherched’extremums...).

    La résolution de ces problèmes nécessite lamanipulation d’objets : lettres, symboles, expres-sions, équations, fonctions, etc. Certains de cesobjets sont aussi utilisés en arithmétique, maisleur utilisation en algèbre est en rupture avec cellequi en est faite en arithmétique ; d’autres sontnouveaux. Nous nous intéressons plus partic-ulièrement aux lettres et aux expressions.

    Les lettres

    Les lettres sont utilisées de façons dif-férentes en arithmétique et en algèbre. Elles sontutilisées en arithmétique pour désigner uneunité de mesure ou des objets (statut d’éti-

    quette) : par exemple 12m peut désigner 12mètres ou bien 12 meringues. En algèbre, le sta-tut d’une lettre dépend du contexte : 12m pour-ra désigner 12 fois un nombre m qui peut êtrele nombre de meringues ou une longueur ou autrechose. Le type du problème à résoudre induitdu point de vue expert un statut des lettresutilisées :

    — inconnue pour les problèmes de miseen équation,

    — nombre généralisé pour les problèmes degénéralisation et de preuve,

    — variable pour les problèmes du cadre fonc-tionnel.

    Brigitte Grugeon (GRUGEON 2000) citeKüchemann qui a proposé une classification desprincipaux statuts donnés aux lettres du pointde vue des élèves :

    — lettre-objet (la lettre est considérée commeune étiquette),

    — lettre ignorée et non prise en compte dansles calculs,

    — lettre évaluée (lettre remplacée par unevaleur numérique dans les calculs),

    — inconnue (lettre désignant un nombre incon-nu à déterminer),

    — lettre représentant un nombre généralisé(lettre pouvant prendre plusieurs valeurs),

    — variable (lettre utilisée dans un contexte fonc-tionnel).

    Nous faisons l’hypothèse qu’une concep-tion des lettres, où le statut de lettre-objet ou let-tre-étiquette n’a pas été dépassé, ne permet pasl’articulation de l’algèbre sur le numérique, etpar conséquent compromet l’entrée dans l’algèbre.C’est pourquoi il nous semble important dedétecter quel statut l’élève donne aux lettres, afinde lui permettre d’enrichir ses conceptions dela lettre pour qu’elles ne soient plus un obsta-

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    cle à son entrée dans l’algèbre. Il est aussinécessaire de disposer d’exercices permettantce diagnostic et une remédiation.

    Les expressions algébriques

    Ce sont de nouveaux objets construitsà partir de nombres et de signes opéra-toires. Contrairement à l’arithmétique,l’algèbre ne permet pas une distinctionclaire entre le processus de calcul et son résul-tat. Cette rupture est source de difficultéspour les élèves.

    Sfard (SFARD 1991) a montré qu’unconcept mathématique peut être conçu commeun processus (statut procédural) ou comme unobjet dont on peut décrire la forme ou la struc-ture (statut structural). Ceci s’applique auxexpressions algébriques (SFARD & LIN-CHEVSKI, 1994). Considérons par exemplel’expression 3x + 1. Du point de vue procédu-ral, cette expression est considérée comme leprocessus de calcul consistant à multiplier par3 un nombre donné, puis à ajouter 1 au résul-tat. Du point de vue structural, cette expressionpeut être interprétée comme le résultat d’un calcul, ou l’image de x par la fonction x ⟼ 3x +1, ou l’expression générique d’un nom-bre congru à 1 modulo 3, ou une chaîne desymboles sans signification que l’on peut com-biner à d’autres expression en utilisant desrègles définies.

    De plus, Sfard (SFARD 1991) a montré quedans le développement d’un concept, les concep-tions procédurales précèdent les conceptions struc-turales.

    Nous verrons dans la deuxième partie com-ment le statut procédural des expressions peutêtre un levier pour amener les élèves à dis-tinguer des expressions correspondant à desprocessus différents.

    Concernant le niveau de manipulationformelle des expressions, J-F Nicaud distinguetrois niveaux de traitement :

    — niveau 1 : être capable d’attribuer unevaleur aux variables d’une expression et dela calculer,

    — niveau 2 : être capable de transformer uneexpression en une expression équivalentedans un calcul à un seul pas (développe-ment, factorisation),

    — niveau 3 : être capable d’organiser lesétapes d’un calcul à l’aide d’un raisonnementstratégique ce qui rend significatives les trans-formations réalisées.

    J-F Nicaud indique qu’on effectue un réeltravail d’algèbre lorsqu’une partie significa-tive de l’activité se situe à ce niveau (GRUGEON2000). Ces différents points de vue montrent quele calcul algébrique, même au niveau élémen-taire, est une activité complexe, en rupture avecl’arithmétique, tout en s’appuyant sur elle.

    Ruptures épistémologiques entre l’arithmétique et l’algèbre

    Outre les ruptures que nous avons men-tionnées à propos des lettres et des expressionsalgébriques, nous avons repéré deux autrestypes de rupture : l’un concerne les méthodesde résolution, l’autre le statut des symbolesd’opérations et du signe d’égalité.

    — Méthodes de résolution

    Les méthodes de résolution en algèbre eten arithmétique s’opposent.

    Dans les procédures arithmétiques, on cal-cule successivement des nombres inconnusintermédiaires qui permettent d’arriver au résul-tat. Un exemple classique : calculer le nombretel que, si on ajoute 5 à son triple, on obtient

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    17. La procédure arithmétique est la suivante :le triple du nombre cherché est 17 – 5 c’est-à-dire 12, d’où le nombre cherché est 12 divisépar 3 c’est-à-dire 4. On voit que cette résolu-tion ne nécessite aucune notation et se fait sousforme de discours.

    Dans la résolution algébrique d’un problème,on désigne le(s) nombre(s) inconnu(s) par une(des) lettre(s), on exprime d’autres quantités enfonction de ce(s) nombre(s), en utilisant lesrègles de formation des expressions, puis on tra-duit les données exprimées en langage naturelpar une (des) équation(s), que l’on résout en uti-lisant les règles de transformation des expres-sions et des équations. Enfin, on interprète lerésultat dans le contexte du problème. Il faut doncaccepter de calculer avec de l’inconnu.

    — Statut des symboles d’opérations et du signe « = »

    Ces symboles sont les mêmes qu’en arith-métique mais, en algèbre, ils ont une significationet font l’objet d’un traitement différents. Cer-tains auteurs parlent de fausse continuité.

    En arithmétique, les symboles d’opérationindiquent le plus souvent une action (un calcul)à effectuer : une expression telle que 3 + 5 nereste pas sous cette forme, elle est évaluée. Lesigne « = » a souvent le sens de déclenchementd’un calcul. Par exemple : Blandine utilisel’écriture suivante :

    8 ¥ 3= 24 − 4 = 20 ÷ 4 = 5 + 2 = 7

    où chaque symbole traduit une action, mais oùla transitivité de l’égalité n’est pas respectée,ce qui conduit à rejeter ce type d’écriture.

    En algèbre, une expression non évaluéepeut être le résultat d’un calcul, et certainsélèves ont une réelle difficulté à accepter uneexpression telle que x + 5 comme résultat d’uncalcul. Le statut du signe « = » est celui d’une

    relation d’équivalence. Analyser la compé-tence en algèbre élémentaire nécessite donc deprendre en compte les différentes dimensionsde cette activité et les ruptures qu’impliquel’entrée dans la pensée algébrique.

    Une structure d’analyse de la compétence en algèbre élémentaire

    Parmi les travaux traitant de l’analyse dela compétence en algèbre élémentaire nousavons retenu ceux du groupe « Lingot » 3. Lemodèle élaboré par ce groupe vise à établir desclasses de profils cognitifs voisins en algèbreélémentaire en prenant en compte trois com-posantes :

    — la composante « Usage de l’algèbre » (UA)vise à étudier les aspects de la compétencealgébrique dans sa dimension outil, c’est-à-dire la capacité de l’élève à mobiliserl’algèbre pour traduire algébriquement unesituation (via les équations ou des rela-tions fonctionnelles), à généraliser, prou-ver ou démontrer ;

    — la composante « Traduction algébrique »(TA) vise à étudier la capacité de l’élèveà traduire algébriquement des relations ouà interpréter des expressions algébriques enrelation avec d’autres registres de représen-tation ;

    — la composante « Calcul algébrique » (CA)vise à étudier la maîtrise du calcul algébrique.

    Pour chacune de ces composantes, il estattribué un niveau de compétence (de 1 à 3, ou4). Chaque combinaison des niveaux pour les

    3 Le projet Lingot, commencé en 2002, est un projet interdisciplinaire

    qui se situe dans le domaine de recherche sur les EIAH (Environ-

    nements Informatiques d’Apprentissage Humain). L’objectif est de

    concevoir et de mettre en œuvre des situations d’apprentissage de

    l’algèbre dans le cadre de la scolarité obligatoire incluant l’utili-

    sation d’environnements informatiques (site http ://pepite.univ-

    lemans.fr).

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    Tableau 1 : Caractérisation d’un stéréotype.

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    EN calcul algEbRIquE

    trois composantes correspond à une classe deprofils appelée stéréotype. Par exemple on par-lera du stéréotype (UA2, TA1, CA3). Le tableauci-contre, extrait d’un rapport sur le projet « Lin-got » (CHENEVOTOT-QUENTIN et al 2009)indique comment est défini chaque niveau decompétence pour chaque composante.

    Le stéréotype, en faisant apparaître leniveau de compétence atteint par l’élève pourchacune des composantes, met en évidence lacomposante à travailler prioritairement et les pointsd’appui éventuels pour la conduite d’un ouplusieurs entretiens.

    Cependant, l’analyse fournie par ce mod-èle nous a paru insuffisante pour la préparationde l’entretien, dans la mesure où ne sont pas misen évidence les régularités des manipulationsformelles ni les phénomènes de connaissanceslocales. C’est pourquoi nous avons ajouté ànotre analyse des productions des élèves deuxautres éléments.

    Deux autres éléments d’analyse

    Ces deux éléments qui complètent notreanalyse sont d’une part, une typologie deserreurs de manipulations formelles, et d’autrepart, le repérage des connaissances locales.

    — Typologie des erreurs de manipulation formelle

    Pour compenser la première insuffisance,nous avons utilisé une typologie des erreurs demanipulation formelle introduite par Brigitte Gru-geon (GRUGEON 1995). A chaque type d’erreurest associé un code qui est utilisé dans le coda-ge de la copie de l’élève.

    M1 : la manipulation formelle est correcte.

    M2 : ce niveau n’est pas considéré ici. En effetil correspond à une manipulation correcteautre que la manipulation attendue ; cette

    distinction est inutile dans la perspective desentretiens.

    M3 : la manipulation formelle est incorrecte, maisles rôles respectifs des signes opératoireset de l’exposant 2 sont correctement iden-tifiés dans les réécritures. On distinguetrois types de manipulation formelle incor-recte, le troisième pouvant coexister avecl’un des deux premiers :

    — M31 : manipulation formelle opéra-toire incorrecte avec mémoire : les écrituresalgébriques utilisées dans les calculsindiquent une méconnaissance des paren-thèses, mais conservent la mémoire descalculs et des priorités opératoires, etconduisent à un résultat correct ;

    — M32 : manipulation incorrecte sansmémoire : les écritures algébriques utiliséesdans les calculs ne tiennent pas comptedes parenthèses ni des règles de priorité, negardent pas la mémoire des calculs et con-duisent à un résultat incorrect ;

    — M33 : utilisation de règles fausses iden-tifiées : le rôle des parenthèses semble cor-rectement identifié, mais de nombreusesrègles de transformation incorrectes sontprésentes, par exemple : (x −1)2 = x2 − 1, ou anap = anp

    M4 : manipulation formelle pseudo-opératoi-re ; le rôle de chacun des signes opéra-toires n’est pas correctement identifié oun’est pas stable.— M41 : les calculs semblent s’appuyer sur

    des règles de l’un des types suivants :

    • désassemblage : ab est remplacé par a + b,

    • carré duplication : a2 est remplacé par a+a,

    • glissement : un exposant devient coeffi-

    cient, par exemple an est remplacé par na,

    — M42 : les calculs reposent sur des écri-

    tures en assemblage pour regrouper des

    termes, par exemple :

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    EN calcul algEbRIquE

    • assemblage : a + b est remplacé par ab,

    3 + 5a est remplacé par 8a,

    • regroupement : an + ap est remplacé par an+p .

    M5 : manipulation formelle non opératoire ; lecalcul algébrique ne tient compte ni des blocsde calcul ni des opérations.

    — Connaissances locales

    Au-delà de la typologie des erreurs, nousnous intéressons aux moyens dont nous pouvonsdisposer pour interpréter ces erreurs, et aider lesélèves à construire des connaissances plusproches du savoir expert. Léonard et Sackur pro-posent un modèle d’analyse des connaissancesqui repose sur la notion de connaissance locale.(LEONARD & SACKUR 1990).

    Une connaissance locale est une connais-sance de l’élève qui a deux caractéristiques :

    — c’est une connaissance correcte dans cer-taines limites,

    — l’élève ignore l’existence de ces limites.

    La copie de Blandine nous en fournit unexemple : pour justifier l’identité a2 a3 = a5 ,elle écrit : « quand deux nombres avec une puis-sance se multiplient leurs puissances s’addi-tionnent ». Si on fait abstraction de la confu-sion de vocabulaire, cet énoncé appliqué àdeux puissances d’un même nombre est validemais l’élève ne précise pas le domaine devalidité de cette règle.

    Léonard et Sackur affirment que touteacquisition d’une connaissance nouvelle estlocalement correcte. Ils soulignent que les lim-ites d’une connaissance locale comme sondomaine de validité fournissent à l’élève des pointsd’appui pour sa progression vers des con-naissances moins locales. Ils ajoutent : les con-naissances des élèves ne sont pas locales en rai-son d’une contrainte mathématique, mais pour

    des raisons liées au fonctionnement cognitifde l’apprenant (LEONARD & SACKUR 1990).

    Ce point de vue fournit un angle d’obser-vation complémentaire des productions desélèves et permet d’élaborer des pistes pour laconduite des entretiens.

    1.2. Exercices

    Dans la démarche retenue, les entretiens por-tent sur des exercices que l’élève a cherchéauparavant. Ces exercices dits « de mise route »doivent remplir plusieurs critères que nous précisons.

    Critères de choix des exercices

    Comme nous l’avons dit dans l’introduc-tion, nous avons attribué à ces exercices une dou-ble fonction : évaluation diagnostique et sup-port pour les entretiens. Dans leur fonctiond’évaluation diagnostique ces exercices doiventpermettre

    — d’identifier les élèves qui font beaucoupd’erreurs et/ou des erreurs basiques dans destâches qui mettent en jeu l’algèbre,

    — de repérer les savoir-faire et compétencesde l’élève,

    — de repérer les types d’erreurs commisespar l’élève, mais aussi les régularités etcohérences des procédures.

    Pour cela, l’ensemble des exercices doit cou-vrir la plupart des types de problèmes du champconceptuel de l’algèbre et les trois composantesd’analyse retenues. De plus il est indispensableque chacune de ces composantes apparaisseplusieurs fois dans des contextes différents. Ilest donc impératif que l’ensemble soit donnéaux élèves (en une ou plusieurs fois). De plusces exercices ne doivent pas être trop difficilespour être suffisamment discriminants.

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    Comme support pour les entretiens, cesexercices doivent permettre un dialogue à pro-pos de ce qu’a fait l’élève. Ils doivent per-mettre des changements de cadre et fournir despossibilités de contrôle par l’élève lui-même :exemples, contre-exemples, etc.

    Une autre condition est que la longueurde l’ensemble reste raisonnable et représente unedurée de 50 minutes environ, pour s’intégrer dansla pratique habituelle de la classe.

    Analyse de chaque exercice au travers de la production de Blandine

    Nous avons retenu cinq exercices. Pourchacun des exercices nous présentons letravail de Blandine suivi d’une analyse del’exercice et d’une analyse des réponsesde Blandine.

    Exercice 1 : Cet exercice porte sur un cal-cul d’aire et comporte deux questions :

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    EN calcul algEbRIquE

    — la première est une tâche de productiond’une expression, nécessitant une traduc-tion du registre géométrique dans le registrealgébrique,

    — la deuxième est une tâche de reconnaissanced’expressions algébriques équivalentes.

    Cet exercice met en jeu la formation desexpressions algébriques, l’utilisation des par-enthèses, la manipulation formelle des expres-sions, et les propriétés des opérations, en par-ticulier la distributivité de la multiplication surl’addition. Les lettres sont des variables asso-ciées à des grandeurs. Cet exercice permetaussi de mettre en évidence une éventuelleconfusion entre aire et périmètre ou demi-périmètre.

    Cet exercice présente un intérêt pour l’entre-tien, dans la mesure où il permet un contrôle dansle registre géométrique, ou dans le registrenumérique, par recours à des contre-exemples.De plus, par le biais des processus, les exemplesoffrent un appui pour la généralisation.

    Analyse de la production de Blandine

    Dans la question A, la première expressionproposée est incorrecte, la seconde est cor-recte. La deuxième expression diffère de lapremière par la présence de parenthèses etl’absence de signe opératoire.

    La réponse à la question B est cohérenteavec celle à la question A. De plus, l’expres-sion ab + 3b + a2 + 3a est entourée, ce quiprouve que l’élève reconnaît l’expressiondéveloppée.

    Nous faisons l’hypothèse que, pour cetteélève, les parenthèses remplacent le symboleopératoire, les écritures avec parenthèses etsans parenthèses étant considérées commeidentiques.

    Exercice 2 : Cet exercice comporte troisquestions de traduction, indépendantes les unesdes autres. Il est destiné à mettre en évidencela conception des lettres (page ci-contre).

    La question A est une tâche isolée de tra-duction du registre géométrique dans celui del’algèbre. Elle peut être décomposée en deuxsous-tâches : écrire la relation entre les longueursAB, AM et BM puis la traduire dans le registrealgébrique. La lettre x a le statut de variable asso-ciée à une grandeur.

    La question B comporte deux sous-ques-tions qui sont des tâches isolées de mise enéquation d’un problème : traduction du lan-gage naturel dans le registre de l’algèbre. La réal-isation de chaque tâche nécessite la mise en évi-dence d’un état initial, d’un état final et latraduction d’une relation entre des quantités. Leslettres ont ici le statut d’inconnues.

    La question C est une tâche simple et isoléede traduction de la relation entre deux quantités.Cette question qui semble très élémentaire nousparaît un bon révélateur quant à la conceptiondes lettres.

    En effet, l’énoncé en français et sa tra-duction algébrique ne sont pas sémantique-ment congruents. Cette question s’est avérée unbon support d’entretien, permettant par retourau numérique de faire évoluer l’élève vers uneconception où les lettres ont un statut de nombregénéralisé.

    Analyse de la production de Blandine

    Les réponses sont correctes pour lesquestions A et B. Pour la question C, l’élèvea d’abord écrit l’égalité correcte, puis l’abarrée et remplacée par P = 6E , ce qui noussemble révélateur d’une conception de lettreétiquette.

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    Exercice 3 : Cet exercice comporte quatre tâch-es de reconnaissance de l’identité ou de la non-iden-tité d’expressions algébriques. Il est un bon révéla-teur de l’utilisation de l’algèbre comme outil detransformation d’expressions et de l’articulation entreles cadres numérique et algébrique (possibilité deconclure à partir d’un contre-exemple pour la

    troisième expression). La présence de trois facteursdans deux expressions rend la tâche plus com-plexe et en augmente la difficulté. Mais cette com-plexité présente l’intérêt de mettre en évidencedes conceptions du développement comme « quandon développe on enlève les parenthèses », qu’onpeut considérer comme des connaissances locales.

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    Cet exercice offre une possibilité de retourau numérique, de contre-suggestion pour les élèvesqui concluent à partir d’un exemple. Nous fai-sons l’hypothèse que l’élève doit avoir uneconception où les lettres ont un statut de nom-bre généralisé pour que l’articulationnumérique/algébrique fonctionne.

    Analyse de la production de Blandine: L’algèbreest mobilisée. Les calculs sont explicités etcorrects seulement pour la quatrième expression.

    Pour chacune des autres expressions, une expres-sion réduite erronée est proposée, comme résul-tat d’un calcul qui n’est pas explicité sur lacopie, mais l’est au brouillon. Les réponsessemblent obtenues par des règles de désassem-blage et assemblage.

    Exercice 4 : C’est un problème de preuvequi constitue un bon révélateur de l’utilisationde l’algèbre et du statut des symboles (signe « = » et symboles d’opérations). Il permet aussi

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    de s’assurer que la conversion du langagenaturel vers le numérique est présente et cor-recte, au moins pas à pas.

    Comme support d’entretien, cet exercice per-met de mettre en évidence les conceptions del’élève sur les écritures algébriques, l’utilisa-tion des parenthèses et autres symboles. Il per-met de travailler sur les expressions en tantque processus.

    Analyse de la production de Blandine

    L’élève propose une expression globaleen fonction du nombre choisi, désigné par unelettre. Cette expression comporte une erreurde parenthèses (division par 4). L’élève essaiede simplifier l’expression obtenue puis revientau numérique en adoptant une disposition de cal-cul pas à pas.

    Nous interprétons « je vois que 8 ¥ 3 == 24 − 4 = 20 ÷ 4 = 5 + 2 = 7 » comme le trai-tement séparé de 8 ¥ 3 − 4 ÷ 4 + 2 , lié à uneconception de lettre ignorée. Ce traitement réta-blit implicitement les parenthèses manquantes.De plus l’écriture enchaînée incorrecte nous sem-ble correspondre à une conception des symbolescomme des actions. Nous remarquons aussiune interprétation incorrecte du résultat du cal-cul de 8 ¥ 3 − 4 ÷ 4 + 2 , présentant une doubleconfusion : d’une part, entre x et le résultat, et d’autre part, entre le résultat trouvé pour 8 ¥ 3 − 4 ÷ 4 + 2 et l’expression (x + 8) ¥ 3 −4 ÷ 4 + 2.

    Exercice 5 : L’intérêt de cet exercice est demettre en évidence des règles fausses, assez fréquem-ment utilisées par les élèves, et le type de justifi-cation employé : utilisation de l’algèbre, justifica-tion de type légal, justificationà partir d’un exemple.

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    Comme support d’entretien, il permet de tra-vailler sur l’utilisation de contre-exemples pourdémontrer que deux expressions ne sont pas iden-tiques, l’insuffisance d’un exemple pour justi-fier que deux expressions sont identiques, et pourcertains élèves sur la notion de puissance. Cecinécessite que l’élève ait une conception deslettres comme nombre généralisé.

    Analyse de la production de Blandine

    Les réponses en termes de vrai-faux sontcorrectes. Pour les items 1 et 3, les justificationss’appuient sur la règle de calcul classique, aveccependant une confusion de vocabulaire concer-nant les puissances.

    Pour les items 2, 4 et 6, les justificationss’appuient sur les opérations en jeu dans les expres-sions. Pour l’item 7, la justification est d’ordrelégal. Pour l’item 4, l’élève fournit comme jus-tification une règle erronée « lorsque deuxnombres avec des puissances s’ajoutent leurspuissances se multiplient ». Cette règle sembleobtenue à partir de celle énoncée pour l’item 1,par un échange des opérations addition et mul-tiplication. Nous verrons plus loin comment nousenvisageons de déstabiliser cette règle.

    Bilan : Le tableau suivant montre commentchacune des composantes du stéréotype enalgèbre élémentaire est représentée dans les

    cinq exercices constituant le travail de miseen route retenu.

    L’analyse précédente montre que les cinqexercices choisis, outre qu’ils couvrent les troiscomposantes du stéréotype, ont des potential-ités pour une utilisation en entretien.

    Nous présentons maintenant comment nousavons analysé la production des élèves enprenant comme exemple le cas de Blandine.

    Le cas de Blandine

    L’étude de la production de l’élève com-porte deux volets : l’un, exercice par exercice,déjà présenté, destiné à dégager une stratégieet des pistes pour l’entretien ; l’autre global com-prenant la détermination du stéréotype et latypologie des erreurs de manipulation formelle.

    Détermination du stéréotype et typologie

    des erreurs de manipulation formelle

    Pour chaque exercice nous avons déter-miné le niveau de l’élève pour la (les) com-posante(s) du stéréotype présente(s) dans l’exer-cice, et appliqué la typologie des erreurs demanipulation. Ce qui nous donne le tableau 3.

    Synthèse : Nous attribuons à cette élève le stéréo-

    Tableau 2 : Couverture des composantes du stéréotype par les exercices de mise en route

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    type (UA3, TA3, CA3). On observe que cette élèvemobilise l’algèbre, mais que les erreurs qu’ellecommet la conduisent à des conclusions fauss-es. On peut faire quatre hypothèses :

    — la conception de lettres étiquettes ou lettreignorée, entraîne une manipulation for-melle qui ne peut pas s’appuyer sur le

    numérique ;

    — la méconnaissance du rôle des parenthèsesdans les expressions, et des règles de for-mation et de traitement des expressions,gêne cette élève dans son utilisation del’algèbre ;

    — les expressions ont un statut procédural ;

    Tableau 3 : Détermination du stéréotype de Blandine et typologie des erreurs de manipulation formelle.

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    — cette élève travaille en conformité par appli-cation de règles.

    A partir de cette analyse nous envisageonsune stratégie personnalisée pour cette élève.

    Stratégie envisageable

    Nous dégageons les aspects suivants des com-posantes qui sont à travailler :

    — calcul algébrique : formation des expres-sions, rôle des parenthèses, manipulationsformelles ;

    — usage de l’algèbre : articulation numérique-algébrique, contre-exemples ;

    — traduction algébrique : conception des lettres.

    Nous pouvons nous appuyer sur la conversiondu langage naturel vers le numérique et par-tiellement vers l’algébrique. Un autre pointd’appui est fourni par l’énoncé des règles util-isées (l’une correcte, mais dont le domaine devalidité doit être précisé, l’autre incorrecte).

    Nous prévoyons pour cette élève deux,voire trois, entretiens. Le travail envisagé estle suivant :

    — dans un premier entretien, essayer d’amenerl’élève à une conception des lettres commenombre généralisé au travers des exercices2 (question C) et 5 ;

    — dans un deuxième entretien, travailler surles parenthèses au travers des exercices 1et 4 ;

    — ensuite reprendre les calculs de l’exercice 3.

    D’autres déroulements ont été envisagés,mais nous avons préféré aborder en premier lestatut des lettres, ce qui pouvait permettre uneévolution de ce statut, avant de travailler sur lales parenthèses et les manipulations formelles.

    On aurait aussi pu laisser à l’élève le choix del’exercice par lequel commencer. Nous ver-rons dans la partie suivante comment nousavons rendu opérationnelle cette stratégie.

    2. — Les entretiens avec Blandine

    Ayant analysé la copie de Blandine etdéterminé une stratégie du point de vue del’algèbre, nous posons la question de la médi-ation que peut/doit exercer l’enseignant pour attein-dre ses objectifs.

    2.1 Quelle médiation ?

    Les entretiens que nous avons utilisés sontde type cognitif, c’est-à-dire qu’ils portent surdes connaissances et sur la formation et l’uti-lisation de celles-ci.

    Le modèle d’entretien que nous avonschoisi repose sur les deux idées suivantes :

    — pour apprendre et comprendre l’élève doit pou-voir interagir avec l’objet d’apprentissage,

    — ces interactions sont largement facilitées etamplifiées par la médiation qu’exercel’enseignant.

    Nous avons choisi de faire porter l’entre-tien sur un travail écrit effectué par l’élèveavant l’entretien et analysé par l’enseignant(exercices présentés en partie 1.2).

    Les trois fonctions de l’entretien

    Nous partons de l’idée que l’objet d’appren-tissage enjeu de l’entretien comporte trois com-posantes :

    — les tâches qui sont données à l’élève,

    — les savoirs et techniques auxquels ren-voient ces tâches,

    — ce qu’a fait l’élève et en particulier les

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    erreurs qu’il a commises.

    Nous avons fait l’hypothèse qu’à chacunede ces composantes correspond une forme par-ticulière de la médiation et un rôle particulierde l’enseignant médiateur.

    Une fonction d’explicitation

    Cette fonction qui concerne ce qu’a fait l’élèveest celle que nous privilégions dans notredémarche. Il s’agit d’amener l’élève, par un ques-tionnement adéquat, à mettre en mots ce qu’ila fait, à donner ses raisons de faire comme il afait. Notre hypothèse est que la verbalisation parl’élève de ses procédures (comment il fait) etde sa compréhension (comment il a compris)lui permet une prise de conscience du mécanismequi le conduit à des erreurs ou à des contradictions.

    Ce n’est […] pas le professeur qui pose undiagnostic (d’ailleurs impossible la plupartdu temps), ce n’est pas non plus l’élève qui,par introspection, trouve la source de seserreurs, ce sont l’interrogation conjointe etles échanges qui conduisent à un processusd’explicitation.» (IREM DE RENNES, 2008)

    L’explicitation en entretien rompt avec unschéma habituel d’explications que l’élève peutéventuellement comprendre localement, maisqui peuvent aussi entrer en conflit avec sesreprésentations. Cette fonction de l’entretien,par les informations qu’elle permet d’obtenir surles conceptions et représentations de l’élève, peutpermettre à l’élève de comprendre le mécanismede ses erreurs, et à l’enseignant d’adapter la suitede l’entretien par le choix des tâches annexes,du questionnement et des explications qu’il vapouvoir donner.

    Pour la mise en œuvre de cette fonction,nous avons fait appel aux techniques de l’entre-tien d’explicitation (VERMERSCH, 2003),

    notamment :

    — guider l’élève vers l’évocation du vécude la situation, utiliser un question-nement qui oriente vers le descriptif «comment fait-il ? » ;

    — utiliser des relances en utilisant les mots dusujet.

    Une fonction d’étayage.

    Cette fonction concerne les tâches. Pourl’élève, la préoccupation première c’est la réus-site aux exercices qu’il n’a « pas su faire » ;il est impératif qu’il ne reste pas en échec dansles tâches auxquelles il est soumis. Pourobtenir cette réussite, le professeur peutexercer un étayage au sens de Bruner, enaccompagnant l’élève, en lui proposant uneou plusieurs tâches annexes conduisant à laréussite de la tâche principale, en guidant sonraisonnement, en l’encourageant à pour-suivre dans la voie choisie, en le déchargeantde certains calculs, etc.

    L’aide apportée doit être minimale (justece dont l’élève a besoin) et ne pas dénaturer l’activ-ité. L’intervention de l’enseignant reste centréesur la tâche en cours et sa réalisation. Dans cerôle, l’enseignant évite de faire des commen-taires sur la nature des erreurs et de donner desexplications sur les notions.

    Une fonction d’explication et/ou reformulation.

    Cette fonction concerne les notions etvise ici à institutionnaliser et consolider cequi a été fait auparavant et à préparer l’échan-ge final sur le travail que l’élève pourra faireensuite en autonomie. Dans un entretien, ellen’intervient que lorsque l’élève est « prêt »à la recevoir. Quel contrat avec l’élève ?

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    Proposer à l’élève une recherche conjointede l’origine de ses erreurs présente l’avantagede l’impliquer dans cette recherche et d’éviterl’écueil de la déresponsabilisation. Pour qu’unetelle démarche réussisse, l’engagement del’élève est indispensable. Cela signifie qu’ilaccepte d’expliciter ce qu’il a fait, de répondreaux questions de l’enseignant, de réaliser les tâch-es complémentaires qui vont lui être données.Cet accord de l’élève doit être explicitementdemandé. L’élève peut attendre une correctiondes exercices qu’il a faits. L’enseignant doitl’informer que ça ne va pas être le cas, au moinsau début de l’entretien.

    En entretien, l’enseignant doit pouvoirrésister à une demande de l’élève du style « c’estbon ? » ou « c’est faux ? », par exemple en retour-nant la question à l’élève sous la forme « et vousqu’en pensez-vous ? ». On se rend comptealors que l’élève a des raisons de penser que saréponse est correcte (resp. incorrecte), est capa-ble de les exposer, et que ces raisons révèlentdes conceptions qui peuvent être erronées, oudes connaissances locales appliquées hors de leurdomaine de validité, ou encore un doute quantà la validité des connaissances appliquées.

    L’enseignant s’engage à accompagnerl’élève jusqu’à ce que celui-ci acquière par lui-même la conviction que ce qu’il a fait est math-ématiquement correct. L’enseignant laisse àl’élève toute liberté de choix pour tout ce quin’est pas déterminant pour la tâche : choix devaleurs particulières, ordre des calculs etc.

    2.2 Préparation et conduite des entretiens avec Blandine

    Le but de l’entretien, tel que nous l’annonçonsaux élèves en début d’entretien, est une rechercheconjointe des sources d’erreurs. Durant l’entre-tien lui-même une grande importance doit être

    accordée à l’explicitation. Ce qui ressort decette phase d’explicitation détermine ce qui vaêtre fait ensuite, par exemple :

    — confronter l’élève aux limites de ses connais-sances locales par un jeu de contre-sug-gestions, contre-argumentations, contre-exemples…

    — apporter un étayage pour certaines tâches.

    L’enseignant doit donc prévoir les ques-tionnements, contre-suggestions et tâches àdonner à l’élève en cours d’entretien, pour quel’élève en tire profit. Nous présentons la pré-paration que nous avons faite avant les entre-tiens avec Blandine.

    Préparation des entretiens

    Cette préparation s’appuie sur la produc-tion de l’élève et constitue la mise en œuvre prévuede la stratégie déjà présentée.

    Exercice 2 question C : Dans la phase d’explic-itation, nous envisageons de pointer le fait quel’élève a changé de point de vue, pour l’amen-er à s’exprimer sur ce changement.

    Il est possible de prendre appui sur lenumérique en demandant à l’élève de pro-duire des couples de nombres (nombre d’élèves,nombre de professeurs) satisfaisant à la con-dition énoncée. Les résultats pourront êtreprésentés sous forme de tableau. Pour lagénéralisation de la relation, on dispose d’unpoint d’appui supplémentaire qui consiste à con-sidérer le processus qui permet de passer dunombre de professeurs au nombre d’élèvesou le contraire.

    Exercice 5 : Nous considérons que les items 1et 4 sont à aborder ensemble. Un travail sur l’item7, que nous ne détaillons pas ici, peut aussiêtre envisagé. Item 1 : a3 a2 = a5 : La réponse de l’élève est

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    correcte ; par contre l’énoncé de la règle sur laque-lle elle s’appuie est incorrect. La tâche del’enseignant est ici de faire prendre conscienceà l’élève du domaine de validité de la règleénoncée (produit de deux puissances d’un mêmenombre).

    Pour cela, nous envisageons de deman-der à l’élève de donner d’autres exemplesd’application de la règle qu’elle a énoncée etde voir si elle applique cette règle à 43 ¥ 52 parexemple. On peut aussi faire reformuler larègle et la faire justifier. On peut s’attendre notam-ment à une conception incorrecte des puis-sances ; dans ce cas c’est cela qu’il serasouhaitable de travailler.

    Item 4 : 4a3 + 3a2 = 7a5 : Cette fois, la règle énon-cée est incorrecte et conduit l’élève à propo-ser 4a3 + 3a2 = 7a5 en remplacement de l’éga-lité proposée. Nous pensons qu’il est possibled’utiliser cet énoncé comme levier. Notrehypothèse est que, pour obtenir de l’élève la remiseen cause de cette règle, les contre-exemplesdoivent être fournis par l’élève. Ils peuventnous renseigner sur la manière dont l’élèvecomprend ce qu’elle a énoncé. Nous envis-ageons de demander à l’élève comment elleapplique cette règle de calcul, et de donnerd’autres exemples d’applications numériques plussimples (par exemple 52 + 53, 52 + 32, 34 + 52).

    On peut aussi demander à l’élève de calculerles trois expressions 4a3 + 3a2, 7a6, 7a5, en don-nant à a une valeur numérique autre que 0 et 1,et montrer ainsi la force du contre-exemple.

    Exercice 1 : Le but est d’amener l’élève à distinguer les écritures (a + 3)(a + b) eta + 3 ¥ a + b en tenant compte de la priorité desopérations. Nous disposons de plusieurs leviers :l’explicitation des processus, le supportgéométrique, l’étude de cas particuliers en don-

    nant à a et b des valeurs numériques.

    Exercice 3 : La stratégie pour cet exercice com-porte quatre temps.

    1) Faire expliciter le développement dela quatrième expression qui est correct. Deman-der à l’élève quelle propriété des opérations ellea utilisée, pour renforcer un point d’appui avantd’aborder la première expression.

    2) Demander à l’élève d’expliciter son cal-cul pour la première ou la troisième expression.Pour la première expression, on note sur lacopie une erreur de signe qui ne figure pas surle brouillon. On peut s’attendre à une descrip-tion de la procédure. Il nous semble nécessairede demander à l’élève d’expliciter les signesd’opérations implicites entre – 2 et (x − 3) etentre (x − 3) et (x + 1).

    Interroger l’élève sur sa conception de lalettre : « x c’est quoi pour vous ? ».

    3) Etude d’exemples numériques : deman-der à l’élève de vérifier l’une des égalités,

    − 2(x − 3)(x + 1) = − 4x − 4

    ou

    − 2(x − 3)(x − 1) = − 2x2 + 8 ,

    sur un exemple numérique. Ceci permet devoir comment l’élève interprète, dans le casnumérique, l’absence de signe opératoire. Onpourra le lui demander si elle ne le dit passpontanément. En ce qui concerne les calculsnumériques, on dispose du levier suivant :demander de calculer la même expressionnumérique de plusieurs façons. En particulieril sera intéressant de voir comment l’élève cal-cule le produit de trois nombres, dans un casnumérique.

    On peut aussi demander le calcul de − 2x2 + 4x + 6 pour la même valeur donnée à x. Un autre outil consiste à demander de

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    traduire, par un arbre, les processus de calcul,pour chacune des expressions avec la lettre x,puis de refaire les calculs schématisés par lesarbres, en remplaçant x par une valeur numérique.

    4) Après que l’étude des exemplesnumériques ait permis une compréhension cor-recte de la structure de l’expression, on peut reve-nir au cas général et proposer un regroupementde deux facteurs, en prenant appui sur le numé-rique et sur ce qui a été fait pour la quatrièmeexpression.

    Bilan du premier entretien

    Nous avons proposé à Blandine trois entre-tiens qui se sont déroulés en février-mars surtrois semaines consécutives. Nous présentonsle déroulement du premier entretien puis uneanalyse selon trois points de vue :

    — le choix des stratégies

    — la gestion de la médiation

    — l’évolution des conceptions de l’élève.

    Cet entretien a duré 31 minutes. Nousl’avons découpé en six parties.

    — La première partie introduit l’entretien.

    — La deuxième partie porte sur la question Cde l’exercice 2.

    — La troisième partie porte sur la règle énon-cée par l’élève pour justifier sa réponse àl’item 1 de l’exercice 5 : « quand deuxnombres avec des puissances se multi-plient, les exposants s’additionnent ». Danscette partie de l’entretien, est revu le vocab-ulaire des puissances, et les échanges suiv-ants ont pour but de préciser le domaine devalidité de la règle énoncée.

    — La quatrième partie porte sur la recherchede contre-exemples pour la deuxième règleutilisée par l’élève pour justifier sa réponseà l’item 4 : « lorsque deux nombres avecdes puissances s’ajoutent leurs puissances

    se multiplient ».

    — La cinquième partie porte sur l’interpréta-tion de l’expression 4a3 , lors du passageà l’application numérique.

    — La sixième et dernière partie comprendun bilan et clôt l’entretien.

    Du point de vue du choix des stratégies

    Le choix de travailler d’abord sur la con-

    ception des lettres, à partir de la question C de

    l’exercice 2, s’avère pertinent. La tâche annexe

    de production d’exemples numériques prépare

    la généralisation de la relation et permet à

    l’élève de réussir cette tâche.

    Pour essayer de cerner comment l’élève com-prend les règles qu’elle applique dans l’exer-cice 5, l’enseignante choisit de lui demanderd’illustrer par des exemples numériques lesrègles qu’elle a énoncées. Le premier choix del’élève ( 32 ¥ 518 ) est conforme à notre hypo-thèse, selon laquelle l’élève méconnaît le domai-ne de validité de la règle qu’elle énonce.

    Le traitement qu’effectue l’élève sur les pro-duits 32 ¥ 518 et 32 ¥ 53 montre qu’elle s’attacheseulement aux exposants, et qu’elle utilise uneprocédure d’assemblage pour les nombres 3 et5, et sans doute aussi pour tout produit de la formean bp . La vérification demandée pour 32 ¥ 53 nousfournit un point d’appui pour expliquer à l’élèveles limites de la règle (incomplète) qu’elle a énon-cée. Dans le travail fait autour de la règle de mul-tiplication de deux puissances d’un même nom-bre, l’enseignante aurait pu faire vérifier l’identitéa3a2 = a5 par décomposition de a3 et a2 , ce quiaurait été une occasion de faire fonctionnerl’algèbre.

    Dans le choix de faire travailler l’élèvesur les règles qu’elle utilise dans l’exercice 5,la question des parenthèses n’avait pas été

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    EN calcul algEbRIquE

    envisagée a priori, d’autant plus que 2a2 = (2a)2

    est reconnu comme faux, et la réponse est justifiée par l’indication de ce qui est élevé au carré dans chaque cas. L’exemple choisipar l’élève : (4 ¥ 3)3 + (3 ¥ 3)2 , satisfait lacondition « ajouter deux puissances ». L’ensei-gnante privilégie ici la réussite de la tâche (justifier par un contre-exemple que les iden-tités 4a3 + 3a2 = 7a6 et 4a3 + 3a2 = 7a5 sont faus-ses) mais sous-estime l’obstacle que constituela question des parenthèses. La considérationdes processus, et leur représentation sous formed’arbre, ne semblent pas très efficaces. Nous inter-prétons cette situation par l’hypothèse de l’insuff-isance des points d’appui : manque de famil-iarité de l’élève avec la représentation sousforme d’arbre, défaut d’appui sur le numérique.

    Du point de vue de la gestion des médiations

    Nous examinons comment les trois fonc-tions de l’entretien exposées précédemmentapparaissent ici. La fonction d’explicitationapparaît à plusieurs reprises.

    De la deuxième partie de l’entretien, nousextrayons le passage suivant :

    « Professeur Vous aviez répondu six P égaleE, vous avez barré et vous avez dit P égalesix E. Alors estce que vous pouvez expliquerun petit peu heu votre raisonnement, vosraisons de répondre l’un plutôt que l’autre.

    Elève Ben E c’est les élèves, donc heu poursix élèves il y a un prof. Et heu… ben

    P Donc six élèves égale un professeur

    E(très bas) C’est pas ça

    P Pardon

    E C’est pas c’est pas ça

    P J’ai pas dit ça. Pour l’instant j’ai pas dit ça.Par contre c’qu’j’vais vous demander…c’est… J’vais pas répondre à votre questionen fait, je vais vous en poser une autre. »

    L’explicitation tourne court. Au quatrième

    tour de parole l’intervention de l’enseignanteest inadaptée. L’enseignante n’obtient pasl’énoncé de ce qui a fait changer d’avis l’élève.Pour amener l’élève à la description de cequ’elle a fait, l’enseignante aurait pu poser unequestion du style : « que vous dites-vous dansvotre tête ? » A la fin de l’épisode, l’élève émetun doute sur la validité de sa réponse. L’ensei-gnante aurait pu pointer ce doute et demanderà l’élève sur quoi elle doutait, ce qui aurait puamener une explicitation.

    Dans la troisième partie, l’explicitationmet en évidence le sens que l’élève donne auterme « puissance »,

    « P …Dans cette écriturelà la puissance c’estquoi pour vous ? Ce que vous appelez lapuissance

    E Cellelà

    P Oui

    E Ben c’est le trois et le deux

    P Ouais

    E au carré donc »

    ce qui permet ensuite à l’enseignante de don-ner une explication qui semble adaptée.

    Dans la quatrième partie, l’échange portesur l’égalité (4 ¥ 3)3 + (3 ¥ 3)2 = (7 ¥ 3)6 pro-duite par l’élève. L’élève précise qu’elle a rem-placé a par 3 dans l’expression 4a3 + 3a2, et qu’elle a appliqué la règle de calcul (fausse) qu’ellea énoncée pour l’item 4. Cette description estobtenue bien que le vocabulaire employé parl’enseignante ne soit pas le plus approprié, sil’on se réfère à Vermersch. Nous proposons uneautre formulation utilisable ici : « Voudriez-vousme dire comment vous avez fait ? », que nouspensons plus propice à amener l’élève à ladescription de son action.

    Un autre passage illustre l’intérêt de l’explic-itation :

    « E J’fais directement comme j’aurais fait ?

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    P Oui. On fera la vérification après. Mais faîtesce que … Vous diriez c’est huit exposantquatre. [L’élève a écrit 34 + 54 = 84]

    E Oui

    P Alors maintenant voilà ce qu’on va faire.Donc… Et vous m’expliquez comment vousavez fait là.

    E Heu j’ai additionné les nombres

    P Les nombres c’est à dire

    E Trois et cinq heu »

    Nous avons omis de demander à l’élève com-ment elle avait traité les exposants ce qui auraitmis en évidence qu’elle a appliqué une autre règleque celle qu’elle a énoncée.

    Nous voyons que cette fonction d’explic-itation n’est pas facile à mettre en œuvre maisqu’elle apporte des informations intéressantessur les conceptions de l’élève.

    La fonction d’étayage est présente de façonmajoritaire dans cet entretien. Dans la deuxièmepartie, l’étayage consiste à demander à l’élèvedes exemples numériques puis à proposer de pass-er au cas général « si vous appelez P le nom-bre de professeurs ». Dans la quatrième partie,l’étayage s’appuie sur l’utilisation des arbresreprésentant les processus, mais n’est pas trèsefficace.

    Dans les autres cas, il s’agit d’étayage surdes calculs numériques. L’enseignante encour-age l’élève à poursuivre, la décharge partielle-ment de certains calculs pour lui éviter de per-dre de vue l’objectif de la tâche en cours.

    La fonction d’explication apparaît à troisreprises et concerne le statut des lettres, levocabulaire sur les puissances et la règlede multiplication de deux puissances d’unmême nombre.

    Nous examinons d’autres interactions qui

    n’entrent pas dans le cadre précédent.

    Au début de la deuxième partie de l’entre-tien, l’enseignante est confrontée à la questionsuivante de l’élève « C’est pas ça ? », qui estla manifestation d’un doute. L’enseignanteesquive cette question et propose une tâcheannexe qui va permettre à l’élève de décider dela validité de la réponse qu’elle a donnée. Ceciillustre ce que nous avons dit à propos de la neu-tralité de l’enseignant face aux questions de l’élèvesur la validité de ce qu’il énonce ou écrit.

    Le choix de commencer par la question Cde l’exercice 2, outre son intérêt du point de vuede l’algèbre, nous semble présenter aussi un avan-tage du point de vue de la médiation. En effet,l’étayage a permis la réussite de la tâche etnous faisons l’hypothèse que cette réussite a purendre l’élève plus confiante dans ses capacitéset favoriser la suite de l’entretien.

    Du point de vue de l’évolution des conceptions

    Au début de l’entretien, il semble que le statutdes lettres pour cette élève soit celui de lettre-objet. Cette conception semble évoluer au coursde l’entretien et l’articulation numérique/algèbrecommence à fonctionner quand l’élève remplacea par une valeur numérique dans 4a3 + 3a2 . Lechoix de cet exemple (4 ¥ 3)3 + (3 ¥ 3)2 mon-tre aussi comment l’élève interprète les expres-sions 4a3 et 3a2 dans une tâche complexe où la question des parenthèses n’est pas explicite-ment posée. Du point de vue de l’interprétationdes expressions telles que 4a3 , il ne semble pasy avoir d’évolution, et la question sera à reprendredans un entretien ultérieur. Il est à remarquerque, dans une autre question du même exerci-ce, cette élève distingue les expressions 2a2 et(2a)2 , mais que cette distinction est inopéran-te dans l’action. Notre hypothèse est celle d’uneconnaissance fragile, qui n’est pas disponible.

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    Quant aux deux règles énoncées par l’élèvedans sa production initiale, il est difficile d’éval-uer l’évolution. Il est vraisemblable qu’elle acompris les limites de la règle de multiplicationde deux puissances d’un même nombre, maisa-t-elle renoncé à appliquer l’autre règle ou àinventer des règles ?

    Ce premier entretien montre que l’enseignantdoit avoir des objectifs raisonnables, en lien avecce que l’élève a déjà acquis et peut mobiliserlors de la résolution des exercices. Ici, la ques-tion des parenthèses aurait pu être laissée de côtéau profit d’un travail un peu plus approfondi surles puissances.

    Bilan des deux autres entretiens avec Blandine

    Le deuxième entretien avec Blandine a

    porté essentiellement sur le rôle des paren-

    thèses. La première partie de l’entretien a été

    consacrée à la distinction entre les expressions

    4a3 et (4a)3 ; cette question n’avait pas été cor-

    rectement fermée lors du premier entretien. La

    deuxième partie a pour support l’exercice 1, con-

    formément à la stratégie choisie.

    Le troisième entretien a porté sur ledéveloppement du produit − 2(x − 3)(x + 1) dansl’exercice 3. Cet entretien a plutôt eu un rôlede consolidation. Nous présentons un bilanglobal de ces deux entretiens.

    Du point de vue des stratégies

    Dans le deuxième entretien les stratégies

    a priori sont utilisées. En ce qui concerne la dis-

    tinction des expressions 4a3 et (4a)3 , l’appui sur

    le fait que l’identité 2a2 = (2a)2 est fausse, et le

    travail sur les exemples numériques, semblent

    avoir plus de poids que l’étude des processus.

    L’utilisation des contre-exemples pourprouver qu’une identité est fausse apparaît à deuxreprises dans le deuxième entretien. Cette util-isation aurait pu être renforcée par la tâchesuivante, à faire en travail personnel : donnerun contre-exemple pour chacun des items 2, 3,5, 6 et 7 de l’exercice 5.

    Pour l’exercice 1, l’utilisation de l’exem-ple numérique prenant appui sur la figure ci-dessous conduit l’élève à la réussite de la tâche.

    Dans le troisième entretien, pour l’exerci-

    ce 3, nous avons dû adapter notre stratégie aufait que l’élève avait repris cet exercice en travail personnel et effectué des calculs corrects en développant en premier le produit(x − 3)(x + 1). C’est pourquoi nous avons abandonné la première étape prévue qui portaitsur le développement de l’expression − 2(x − 3) − 2x(x − 3), et fait porter le travailsur une deuxième technique de développementde l’expression − 2(x − 3)(x + 1).

    La stratégie utilisée ici par l’enseignante estde mettre en évidence la structure de l’expres-sion, et ce qu’elle implique pour les calculs àfaire (contraintes et libertés), en s’appuyant

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    EN calcul algEbRIquE

    sur des exemples numériques ayant une struc-ture voisine de l’expression à calculer.

    Le calcul de 3 ¥ 4 ¥ 5 est proposé à l’élèvedans le but de montrer que, pour effectuer unproduit de trois facteurs, plusieurs regroupementssont possibles, et lui faire distinguer l’associa-tivité de la multiplication d’une fausse distrib-utivité. Sur les possibilités de regroupement, onpeut considérer que le but est atteint. Par con-tre sur la confusion entre associativité et faussedistributivité, il ne l’est pas.

    Le calcul de 3 ¥ 4(5 + 2) demandé ensuite,

    nous semble peu pertinent. Il était destiné à

    montrer à l’élève l’application de la distribu-

    tivité de la multiplication sur l’addition, sous

    la forme : 3 ¥ 4(5 + 2) = 3 ¥ 4 ¥ 5 + 3 ¥ 4 ¥ 2

    ou : 3¥ 4(5 + 2) = 12¥ (5 + 2) = 12¥ 5 + 12¥ 2.

    Il n’est pas sûr que l’élève ait fait le lien entre

    3 ¥ 4(5 + 2) et − 2(x − 3)(x + 1) , du point de

    vue de la structure. Demander à l’élève de rem-

    placer x par une valeur numérique s’avère plus

    efficace.

    Du point de vue de la gestion des médiations

    Le début du deuxième entretien, dans safonction d’explicitation, confirme notrehypothèse que le premier n’a pas suffi à désta-biliser une interprétation erronée de l’expres-sion 4a3 lors du remplacement de a par une valeurnumérique.

    Dans le troisième entretien l’explicitationpermet la mise en évidence d’une conceptionde l’élève quant au développement des pro-duits : commencer par les expressions entreparenthèses. Dans les deux entretiens, une par-tie de l’étayage consiste à proposer des tâchesannexes de retour au numérique et à accompagnerles calculs que fait l’élève. D’autres interven-

    tions de l’enseignante relèvent aussi de la fonc-tion d’étayage :

    — fournir à l’élève le vocabulaire adéquat pourformuler son observation : permutation desfacteurs pour justifier l’identité des expres-sions (a + b)(a + 3) et (a + 3)(a + b),

    — suggérer d’utiliser la figure pour interpré-ter l’expression ab + 3b + a2 + 3a commeaire du grand rectangle,

    — demander à l’élève de préciser les opéra-tions implicites dans l’expression − 2(x − 3)(x + 1),

    — pour le calcul de 3 ¥ 4(5 + 2), suggérer decalculer 3¥ 4 puis développer 12 ¥ (5 + 2).

    Dans ces deux entretiens, comme dans le premier, il y a peu d’explications. Elles portent sur

    — la notion de contre-exemple, et la nécessitéd’une démonstration dans le cas général, pourprouver qu’une identité telle que a3 a2 = a5

    est vraie.

    — la technique de développement d’un pro-duit de trois facteurs, et les possibilités deregroupement de deux facteurs pour la pre-mière étape du calcul.

    Du point de vue de l’évolution des conceptions

    Les conceptions de l’élève semblent avoirévolué sur deux points : la question des paren-thèses et l’articulation algébrique/numérique liéeà la conception des lettres.

    Le retour au numérique semble permettreà l’élève de se convaincre de la nécessité desparenthèses. La suite de l’entretien, qui portesur la reconnaissance des expressions égales àl’aire du grand rectangle, confirme ce change-ment de point de vue.

    L’articulation numérique/algèbre devient

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    un point d’appui quand l’élève affirme que cequ’elle a écrit ( 4a3 + 3a2 = 7a6) est faux, ens’appuyant sur l’étude d’un contre-exemple. Enfin,à l’issue du troisième entretien, elle semble accor-der une plus grande attention à la structure del’expression et aux opérations en jeu.

    De ces entretiens, nous dégageons quelqueshypothèses ou principes qui se trouvent confirméspar les entretiens conduits avec d’autres élèves.

    3. — Quelques éléments pour la conduite d’entretiens en algèbre

    3.1. Présentation de la démarche

    La démarche qualifiée de bilan approfon-di des sources d’erreurs en algèbre s’adresse àdes élèves de troisième ou seconde. Elle est présen-tée à toute la classe. Cette démarche comporteplusieurs étapes :

    — exercices donnés à toute la classe, étape qual-ifiée de mise en route, qui peut avoir lieusur une heure de cours,

    — codage et analyse des productions desélèves par le professeur de la classe,

    — entretiens : chaque entretien fait l’objetd’une préparation personnalisée,

    — travail personnel de l’élève.

    La durée prévue pour un entretien est d’env-iron 20 minutes. Nous insistons pour que tousles exercices soient donnés aux élèves (en uneou plusieurs fois) afin que les trois composantesdu stéréotype soient évaluées.

    3.2. Analyse de la production des élèves

    Ce travail doit être effectué sur une pho-tocopie du travail de l’élève, de façon à rendreà l’élève sa copie sans aucune annotation. Cetteanalyse se fait en deux temps. Dans un premier

    temps il s’agit de déterminer le stéréotype dechaque élève et la typologie des erreurs de cal-cul formel, à l’aide de la grille présentée en 1.2.De cette analyse, le professeur peut dégager unpanorama de la classe et choisir à quels élèvesil va proposer un entretien, comme nous l’expli-querons au paragraphe suivant.

    Une fois ce choix effectué (il peut ne pasêtre définitif), dans un deuxième temps,l’enseignant analyse plus finement la produc-tion de chaque élève qui sera vu en entretien.

    Le stéréotype est un outil pour se donnerun objectif raisonnable d’apprentissage, déter-miner la composante à travailler en priorité etrepérer les points d’appui éventuels.

    Dans la production de l’élève il est utile derechercher les régularités :

    — celles qui sont correctes et qui peuventconstituer des points d’appui,

    — celles qui sont incorrectes, et pour les-quelles on peut émettre l’hypothèse d’une source commune à rechercher.

    Nous pensons utile aussi de relever lesincohérences qui peuvent être de bons révéla-teurs de la façon dont l’élève a compris leschoses, et des points de départ intéressantspour l’entretien.

    3.3. Le choix et l’ordre de passage des élèves

    La question se pose de savoir à quels élèvesproposer un entretien. Deux critères peuvent guiderce choix : le profil cognitif de l’élève en algèbreobtenu par l’analyse de sa production et le rap-port de l’élève au domaine scolaire.

    Nous avons fait le choix, dans cetteexpérimentation, de proposer des entretiensà tous les élèves dont le stéréotype compor-

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    tait au moins deux scores très défavorables(code 3), et de faire passer en premier ceuxdont le stéréotype ne comportait que des 3.Pour certains élèves ayant un stéréotype défa-vorable, les résultats ont été peu visibles.Pour les élèves ayant un stéréotype plusfavorable, les résultats sont, au moins locale-ment, un peu plus tangibles. L’élaboration d’out-ils adaptés pour les stéréotypes les plus faiblesest aussi plus difficile en raison de la faiblessedes points d’appui.

    Si on se place dans la perspective d’une util-isation dans une classe, nous faisons l’hypothèseque faire passer en entretien, en premier, des élèvesdont le stéréotype n’est pas trop défavorable peut,d’une part, permettre de « rôder » les outils, etd’autre part, contribuer à installer une dynamiquefavorable aux entretiens.

    Il convient de s’interroger sur les disposi-tions de l’élève par rapport aux entretiens :

    — est-il prêt au dialogue ?

    — va-t-il adhérer à la démarche dans laquel-le on essaie de l’impliquer ?

    Quant à l’organisation des séances, nousproposons la suivante que nous avons expéri-mentée. Pour la première séance l’enseignantfait venir deux élèves, et mène un entretien avecchacun d’eux successivement. Pendant l’entre-tien avec le premier élève, le second a letemps de relire sa copie et éventuellementfaire un exercice qu’il peut choisir dans le fichi-er de travail auto-dirigé (voir 3.6). Pendantl’entretien avec le deuxième élève, celui quia déjà bénéficié d’un entretien travaille enautonomie. Lors des séances suivantesl’enseignant mène un entretien avec un élèveet consacre le reste du temps au suivi desélèves qui ont déjà bénéficié d’un entretien ettravaillent en autonomie. 3.4. Préparation de l’entretien,

    choix de la stratégie

    Chaque entretien fait l’objet d’une pré-paration qui tient compte de la production del’élève et de la synthèse que constituent lestéréotype et la typologie des erreurs de cal-cul formel. Comme nous l’avons déjà dit,cette préparation doit envisager les ques-tionnements, tâches annexes, contre-sug-gestions à utiliser pour que l’élève tire prof-it de l’entretien.

    Dans ce travail préalable à la déterminationd’une stratégie pour un entretien avec un élève,nous considérons comme indispensable de seposer les questions suivantes :

    — quelle conception des lettres apparaît dansla production de l’élève ?

    — l’articulation algébrique-numérique est-elle présente ?

    — la conversion pas à pas du langage naturelvers le numérique est-elle présente ?

    Il nous est apparu au cours du travail quedes élèves ayant pour seule conception des let-tres celle de lettre-objet, ou lettre-étiquette, nepeuvent s’appuyer sur le numérique. Pour cesélèves, l’articulation algébrique-numériquen’a pas de sens, la notion de contre-exemplenon plus. Nous en avons déduit qu’il est sansdoute plus pertinent de travailler d’abord surla conception des lettres avec ces élèves. Laquestion C de l’exercice 2 constitue un pointde départ adapté, pour enrichir les concep-tions de la lettre par une conception de lettre-nombre généralisé.

    Pour un élève qui n’utilise pas les paren-thèses, ou les utilise incorrectement, nousfaisons l’hypothèse qu’il est plus opportun decommencer par travailler sur les processus etl’écriture des résultats.

    Enfin, pour un élève qui semble confondre

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    aire et périmètre dans l’exercice 1, nous pen-sons qu’un travail sur ces notions est à envis-ager avant d’aborder cet exercice en entretien.En effet nous considérons que cette confusionprive l’élève, en ce qui concerne l’algèbre,d’une possibilité de changement de cadre, et estplus généralement un obstacle dans l’appren-tissage des mathématiques.

    Une autre question se pose : qui choisit l’exer-cice sur lequel l’élève et le professeur vont tra-vailler en premier ? Deux points de vue s’opposentsur cette question.

    1) C’est l’enseignant qui choisit : ceci al’avantage pour l’enseignant d’aller plusdirectement aux questions qui posent prob-lème selon lui, et demande a priori moins depréparation.

    2) L’enseignant laisse l’élève choisir le pre-mier exercice sur lequel ils vont travailler ensem-ble : cette situation présente l’intérêt de collerdavantage aux inquiétudes de l’élève et à sesquestions ; elle demande plus de prépara-tion à l’enseignant qui doit être prêt à démar-rer avec n’importe quel exercice.

    3.5. Conduite de l’entretien

    Le premier entretien avec un élève porte surun des exercices de mise en route. Le pro-fesseur remet à l’élève sa copie sans aucune anno-tation et lui laisse un peu de temps pour larelecture (ceci peut avoir lieu pendant un entre-tien avec un autre élève). Quand un deuxièmeentretien a lieu, il peut porter sur un autre exer-cice de mise en route ou sur un exercice com-plémentaire.

    Il est nécessaire, pour qu’un tel travail soitprofitable, que l’élève soit volontaire. Avant decommencer l’entretien, il est utile de rappelerle but de l’entretien et de demander explicite-

    ment à l’élève son accord pour un tel travail.

    Nous avons insisté sur l’importance del’explicitation. Un moyen pour lancer cetteexplicitation est de demander à l’élève de reliresa réponse, pointer ce qu’il a fait, « Vous avezrépondu… », lui demander comment il a fait :« J’aimerais que vous me disiez comment vousavez fait ? », ou ce qu’il s’est dit dans sa têtequand il a traité cette question.

    Il nous paraît aussi utile de prévoir, à la finde l’entretien, un petit bilan en demandant à l’élèvece qu’il retient de ce qui vient d’être fait. C’estle moyen d’apprécier la portée du travail qui aprécédé et son impact sur les conceptions de l’élève.Nous avons parfois observé dans les entretiensque nous avons analysé un décalage entre ce quel’élève avait retenu de l’entretien et ce quel’enseignant pensait avoir fait. Ce bilan permetà l’enseignant d’attirer l’attention de l’élève surun point dont il n’a pas vu l’importance, d’insti-tutionnaliser ce qui a été fait pendant l’entretienet de proposer à l’élève un travail personnel.

    3.6. Le travail personnel de l’élève après les entretiens.

    Nous l’avons déjà dit la démarche pro-posée aux élèves comporte une part de travailpersonnel. Ce travail est indispensable pourconsolider les apprentissages. Il peut se faire dansla cadre de l’accompagnement personnalisé.

    La forme la plus viable est le fichier de tra-vail que nous avons qualifié d’auto-dirigé,faisant référence à une certaine autonomie del’élève, qui travaille néanmoins sous la direc-tion de son professeur. Nous avons utilisé unfichier existant produit par le groupe qui a tra-vaillé sur l’aide individualisée de 2001 à 2004(IREM DE RENNES 2005). Ce fichier a été enri-chi pour répondre à des besoins repérés aucours des entretiens. Ce fichier est aussi utilis-

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    EN calcul algEbRIquE

    able par d’autres élèves.

    Le fichier comporte deux parties :

    — un classeur directement accessible auxélèves, qui comprend plusieurs exemplairesde chaque fiche dans des chemises en plas-tique, dans lequel les élèves peuvent choisirune fiche qui correspond à une question qu’ilssouhaitent travailler ;

    — un classeur accessible aux élèves sous lecontrôle du professeur, qui contient lescorrections des fiches, et pour certainesfiches, des fiches d’aide ou de correctionpartielle.

    La constitution d’un tel fichier est ample-ment facilitée par la mutualisation. Il peut êtreenvisagé aussi un travail sur ordinateur avec desexerciseurs, ou sur des sites en ligne tels queMathenpoche ou Wims par exemple.

    Conclusion

    Les nombreux entretiens (plus d’unetrentaine) que nous avons menés et l’analyse quenous venons de présenter nous ont convaincuqu’il est possible d’agir sur les difficultés desélèves en calcul algébrique par le biais d’entre-tiens cognitifs individuels. De plus, l’entretienpeut être un moyen de guider l’élève dans le choixd’un travail personnel mieux adapté à sesbesoins. Ce genre d’entretien peut aussi contribuerà une modification du rapport personnel del’élève à l’algèbre : évolution de certaines con-ceptions, meilleure confiance en ses capacitésde raisonnement par la compréhension de lalogique qui a été la sienne, passage d’une ori-entation du travail où il applique des règles àune prise de position personnelle.

    Pour mener à bien de tels entretiens,l’enseignant doit disposer d’outils variés, tantdu point de vue du contenu que de la gestion

    de la médiation. Nous dégageons trois idées prin-cipales pour la conduite de ces entretiens en algèbreélémentaire :

    — s’appuyer sur les différentes composantesde la compétence en algèbre ;

    — s’intéresser en premier à la conception deslettres pour l’enrichir si besoin par uneconception de nombre généralisé ;

    — accorder une importance particulière à lafonction d’explicitation comme moyend’accès aux sources d’erreurs.

    Pour le premier point, les exercices que nousavons utilisés conviennent. On peut aussi envis-ager d’autres outils notamment informatisés.

    Pour le deuxième point, nous avons constatéavec d’autres élèves que Blandine qu’une con-ception des lettres limitée à celle de lettre-éti-quette ou lettre objet n’a pas permis une évolutionsignificative des conceptions de l’élève, en par-ticulier les procédures d’assemblage et désassem-blage ont perduré. Au contraire, lorsque cette con-ception de lettre objet est mise au jour et dépassée,des progrès ont été possibles.

    Quant à la fonction d’explicitation, ellenous semble un moyen privilégié d’accéderaux sources des erreurs des élèves. La situa-tion individuelle de l’entretien est bienadaptée à cette fonction. Nous pensons quepour accéder aux sources des erreurs, lebut premier de l’entretien ne doit pas êtrela déstabilisation de connaissances erronées,mais la mise en évidence des procédures del’élève « comment il fait », du « comment» il est possible d’inférer les principes ouraisons qui guident l’action. Ceci impliqueque l’enseignant porte un intérêt réel à lapensée de l’élève qui est en face de lui, etadopte une posture particulière, qui est nonpas d’apporter du savoir, mais de s’intéress-er au « faire » de l’élève, non pas expliquer

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    mais amener l’élève à dire comment lui-mêmecomprend.

    En ce qui concerne la remédiation, l’expéri-mentation a montré que l’enseignant ne disposepas toujours des outils adaptés aux situationsrencontrées en entretien. Nous pensons que cetravail de recherche est à poursuivre pour l’élab-

    oration et la validation de tels outils, en parti-culier pour faire face aux difficultés des élèvesles plus faibles ; en effet c’est pour ces élèvesque les outils disponibles font le plus défaut. Lecadre qui nous semble adapté pour cette tâcheest celui de groupes de travail de professeursau sein des Irem.

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