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EDITORIAL - p. 1 n DOSSIER En institution, à domicile, dans le quartier : agir pour un mieux-être des personnes âgées - p. 2 - 4 n Age, handicap, dépendance, perte d’autonomie... une question de dignité - p. 4 n CONTROVERSE Délit (des lits) de vieillesse ! - p. 5 n MARQUE-PAGE - p. 6 n horizon pluriel - n°17 - juin 2009 EDITORIAL Qualité de vie et lien social sont devenus deux objectifs inévitables des programmes de promotion de la santé en direction des personnes âgées. Et pourtant, l’inventaire des interventions poursuivant ces objectifs offre un visage pour le moins contrasté : de la stimulation cognitive à la prévention des chutes sans oublier les groupes de parole, visites à domicile ou toutes les actions dites « intergénérationnelles ». Ces interventions permettent-elles d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées ? Renforcent-elles ou préservent-elles le lien social ? Au sens de l’OMS, la qualité de vie se définit comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ainsi que sa relation aux éléments essentiels à son environnement. » Deux aspects de cette définition peuvent guider les interventions de promotion de la santé. Tout d’abord, la qualité de vie reflète le point de vue de la personne, à un moment donné de son parcours de vie : elle est subjective et dynamique. Promouvoir la qualité de vie des personnes âgées nécessite donc d’adapter les interventions aux besoins et aux attentes de la population âgée* qui ne constitue pas, loin s’en faut, une population homogène. En outre, cette définition souligne l’imbrication des dimensions physique, émotionnelle, sociale et environnementale en rappelant leur rôle conjoint dans la construction de la qualité de vie. Or, si les liens sociaux pèsent fortement dans la qualité de vie des personnes âgées, le maintien de la santé physique et le pouvoir de décider seul sont les aspects cités en premier lieu par les aînés quand on les interroge sur ce qu’ils jugent important pour eux. L’isolement, et plus encore la solitude, est certes une réalité que l’avance en âge et son lot de séparations, de pertes et de ruptures amplifient. Il faut veiller toutefois d’une part à ne pas réduire toutes les actions réalisées en direction des personnes âgées à un problème de (re)-socialisation et d’autre part à développer des actions pertinentes pour atteindre celles et ceux qui souffrent le plus de cet isolement : la promotion du lien social peut se réaliser aussi en levant les obstacles physiques (baisse d’audition ou de vision, difficultés dans les déplacements), environnementaux (moyens de transports, éloignement géographique, insécurité) et émotionnels (perte d’estime de soi, perte de confiance en soi, dépression) qui enferment ou limitent les personnes vieillissantes. Avancer en âge et en santé : questions d’accompagnement Horizon pluri Horizon pluriel LE LIEN SOCIAL ET LA QUALITÉ DE VIE DES PERSONNES ÂGÉES Education et promotion de la santé en Bretagne STÉPHANIE PIN LE CORRE SOCIOLOGUE, CHARGÉE DE RECHERCHE À L’INPES numéro 17 Le présent numéro s’articule autour d’expériences, initiatives et questionnements relatifs à la promotion de la santé des personnes âgées, où le regard porté sur la personne, ses ressources, son cadre de vie s’avère déterminant pour la qualité et la pertinence des interventions proposées. * Des données figurent à ce propos dans le dernier numéro d’Evolutions publié par l’INPES (ndlr) : BOURDESSOL H. PIN S. Préférences et attentes des personnes âgées en matière d’information sur la santé et la prévention. Résultats d’une étude qualitative auprès de seniors et de personnes âgées en perte d’autonomie. Evolutions, 05/2009, n°17: 6 p.

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EDITORIAL - p. 1 n DOSSIER En institution, à domicile, dans le quartier : agir

pour un mieux-être des personnes âgées - p. 2 - 4 n Age, handicap, dépendance,

perte d’autonomie... une question de dignité - p. 4 n CONTROVERSE Délit (des

lits) de vieillesse ! - p. 5 n MARQUE-PAGE - p. 6 n

horizon pluriel - n°17 - juin 2009

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Qualité de vie et lien social sont devenus deux objectifs inévitables des programmes de promotion de la santé en direction des personnes âgées. Et pourtant, l’inventaire des interventions poursuivant ces objectifs offre un visage pour le moins contrasté : de la stimulation cognitive à la prévention des chutes sans oublier les groupes de parole, visites à domicile ou toutes les actions dites « intergénérationnelles ». Ces interventions permettent-elles d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées ? Renforcent-elles ou préservent-elles le lien social ? Au sens de l’OMS, la qualité de vie se définit comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ainsi que sa relation aux éléments essentiels à son environnement. » Deux aspects de cette définition peuvent guider les interventions de promotion de la santé. Tout d’abord, la qualité de vie reflète le point de vue de la personne, à un moment donné de son parcours de vie : elle est subjective et dynamique. Promouvoir la qualité de vie des personnes âgées nécessite donc d’adapter les interventions aux besoins et aux attentes de la population âgée* qui ne constitue pas, loin s’en faut, une population homogène. En outre, cette définition souligne l’imbrication des dimensions physique, émotionnelle, sociale et environnementale en rappelant leur rôle conjoint dans la construction de la qualité de vie. Or, si les liens sociaux pèsent fortement dans la qualité de vie des personnes âgées, le maintien de la santé physique et le pouvoir de décider seul sont les aspects cités en premier lieu par les aînés quand on les interroge sur ce qu’ils jugent important pour eux. L’isolement, et plus encore la solitude, est certes une réalité que l’avance en âge et son lot de séparations, de pertes et de ruptures amplifient. Il faut veiller toutefois d’une part à ne pas réduire toutes les actions réalisées en direction des personnes âgées à un problème de (re)-socialisation et d’autre part à développer des actions pertinentes pour atteindre celles et ceux qui souffrent le plus de cet isolement : la promotion du lien social peut se réaliser aussi en levant les obstacles physiques (baisse d’audition ou de vision, difficultés dans les déplacements), environnementaux (moyens de transports, éloignement géographique, insécurité) et émotionnels (perte d’estime de soi, perte de confiance en soi, dépression) qui enferment ou limitent les personnes vieillissantes.

Avancer en âge et en santé : questions d’accompagnement

Horizon plurielHorizon pluriel

LE LIEN SOCIAL ET LA QUALITÉ DE VIE DES PERSONNES ÂGÉES

Education et promotion de la santé en Bretagne

STÉPHANIE PIN LE CORRE SOCIOLOGUE, CHARGÉE DE RECHERCHE À L’INPES

numéro 17

Le présent numéro s’ar ticule autour d’expériences, initiatives et questionnements relatifs à la promotion de la santé des personnes âgées, où le regard por té sur la personne, ses ressources, son cadre de vie s’avère déterminant pour la qualité et la per tinence des interventions proposées.

* Des données figurent à ce propos dans le dernier numéro d’Evolutions publié par l’INPES (ndlr) : BOURDESSOL H. PIN S. Préférences et attentes des personnes âgées en matière d’information sur la santé et la prévention. Résultats d’une étude qualitative auprès de seniors et de personnes âgées en perte d’autonomie. Evolutions, 05/2009, n°17: 6 p.

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DOSSIER

horizon pluriel - n°17 - juin 2009

Entendre et voir correctement, bénéficier d’une « bonne santé bucco-dentaire » sont indéniablement des facteurs de bien-être de la personne âgée, lui permettant de vivre ses activités au quotidien sans appréhen-sion et difficultés particulières.Or il y a beaucoup à faire ! Sur la santé bucco-dentaire, plusieurs enquê-tes* ont mis en avant les déficits importants en matière de prévention, de suivi et de soins auprès des personnes âgées. Ces études ont par ailleurs démontré que beaucoup acceptent cet état, comme une fatalité liée à l’âge.Pourtant, des actions simples de prévention peuvent être mises en place. Fruit d’une collaboration entre des acteurs de la prévention et des respon-sables d’établissement de la Mutualité (EHPAD, MAPA**), un programme de prévention centré sur l’audition, la vue et la santé bucco dentaire a été mis en œuvre : séances de dépistages auprès des résidents et de leurs familles, temps de sensibilisation des professionnels, écriture de protoco-les simplifiés, temps d’animations.... et goûter de rigueur !

Une ligne de conduite : des conseils concrets, faciles à mettre en œuvre ! Un dépistage visuel peut se conclure par des conseils simples d’entre-tien des lunettes. Les temps de sensibilisation des professionnels per-mettent d’apprendre les techniques de nettoyage des appareils auditifs et des prothèses dentaires...Plus concrètement encore et en parallèle à ces actions, une campagne de marquage des prothèses dentaires a permis simplement de ne plus les... perdre.Au bout de quelques mois, on peut repérer de nettes avancées notam-ment dans la prise en compte au quotidien de ces questions par les différents professionnels présents au sein d’un établissement.Restent deux points à améliorer à l’avenir : renforcer la convivialité avec les personnes âgées autour de jeux d’animation et pérenniser ce pro-gramme de prévention en l’inscrivant par exemple tous les deux ans au sein des établissements. n

En institution, à domicile, dans le quartier : agir pour un mieux-être des personnes âgées

Vision, audition, santé bucco-dentaire : agir concrètement au quotidien

Nicolas RIGUIDEL, Mutualité Française Bretagne, Service Prévention (Morbihan)

Les initiatives présentées ci-après, qu’il s’agisse d’actions développées en établissement ou dans l’environnement habituel des personnes – domicile, quartier, commune – ont pour ambition commune la quête du bien-être physique, psychique, social et de la qualité de vie des plus âgés. Cela suppose d’interroger le regard porté sur cette population, sur ses capacités et ses ressources ; d’investir ces ressources dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, programmes ou actions s’intéressant à la condition des aînés ; de prendre en compte les préoccupations et désirs des personnes : besoins d’une vie sociale, d’une vie affective, de relations amoureuses...

Avec une entrée en établissement de plus en plus tardive, le plus souvent occasionnée par la perte d’autonomie, se pose la question des straté-gies pour favoriser le « bien vieillir ». Peut-on à travers des programmes d’éducation pour la santé développer le mieux-être et la qualité de vie des personnes âgées ? Dans deux établissements pour personnes âgées à Saint-Martin des Champs et à Briec de l’Odet, le Codes 29 a mis en place un module éducation nutritionnelle et éducation physique, déclinaison du programme « boire, manger, bouger » initié en Lorraine. Ce programme comporte des stratégies d’actions plurielles : une ana-lyse de l’existant englobant le degré de participation des résidents sur les thématiques abordées, une formation de deux jours des personnels, enfin des ateliers sensoriels autour de l’alimentation, de l’hydratation et des séances de mobilisation corporelle et de relaxation. Ces ateliers sont co-animés par des spécialistes du sujet et des professionnels de l’établissement formés.

Le projet finistérien a permis de fédérer 15 professionnels des deux établissements (agents de service, soignants, personnels de cuisine, animateurs). La formation commune et l’expérimentation des ateliers proposés aux seniors avaient pour objectifs de mobiliser et d’impliquer les professionnels dans la prise en compte de la nutrition et de l’activité physique des personnes âgées.

Parfois perçus comme incapables d’être acteurs de leur bien-être du fait de leurs pathologies, les plus âgés sont souvent exclus de tout élé-ment de choix pour eux-mêmes. L’enjeu d’expérimenter les ateliers avec les professionnels puis de les associer en situation de co-animation est bien de les replacer dans une compréhension des difficultés des seniors et une perception positive de leurs capacités. Cette démarche globale a déclenché un souhait de prendre du temps pour poursuivre les ateliers ou intégrer ce type d’approche dans l’accompagnement des résidents au quotidien. n

Ateliers sensoriels, séances de mobilisation corporelle, relaxation... ou un nouveau regard sur la qualité de vie en institution

Michèle LANDUREN, Florence STELLIO, chargées de projets, CODES 29

* Enquête URCAM : « Les dossiers de l’URCAM Bretagne » N°23, décembre 2004 / Enquête MSA 2001 (MSA Bretagne, Pays de la Loire, Basse Normandie) ** Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes / Maison d’Ac-cueil pour Personnes Agées

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DOSSIER

L’EHPAD* mutualiste de Kerloudan accueille un peu moins de 100 per-sonnes âgées, dont un tiers d’hommes. La moyenne d’âge est de 88 ans. 40% souffrent de désorientation, 50% se déplacent en fauteuil. 60 sala-riés, infirmières, aides-soignants, aides médico-psychologiques et agents hôteliers suppléent aux pertes d’autonomie des résidents.La structure offre 88 chambres, dont 9 aménagées pour les couples.

Comme dans toute institution, la question de la sensualité entre les per-sonnes se pose. L’équipe de direction, suite à la participation à un col-loque franco-québécois et à la projection du film de Jean-Luc Raynaud, « L’art de vieillir »**, a engagé un travail pour mieux accompagner les expressions affectives et sexuelles des personnes accueillies.

Le souci de l’institution aujourd’hui est de respecter l’intimité des per-sonnes, qu’elles soient mariées ou non. Par exemple, chacun reçoit un panneau « ne pas déranger » qu’il appose sur sa poignée de porte, s’il a le désir d’être tranquille.

Comme dans tout lieu de vie, on observe des jeux de séduction. Chacun les respecte. On surveille ce qui se passe chez les personnes désorien-tées, pour s’assurer du consentement des deux. Lorsqu’un des deux ne le vit pas bien, on reste vigilants. « Le plus souvent, les hommes et les femmes concernés vont mieux : les femmes se maquillent, les hommes reprennent goût à la vie. » Chacun existe grâce à l’amour et au regard de l’autre. La force des émotions est telle que lorsque la mort survient, le survivant doit être sérieusement soutenu.« Les familles trouvent superbe que leurs vieux parents retrouvent par l’amour une nouvelle jeunesse. » Toutefois la résistance est plus forte lorsque cet élan se prolonge par une demande en mariage...

Chaque jour les équipes se retrouvent durant 30 à 45 minutes pour aborder les faits de vie. Ce temps d’échanges permet une veille sur la qualité de l’accompagnement des personnes accueillies. n

Intimité, affectivité, sexualité en institution

Interview de Christine BLIN, directricepropos rapportés par Ph. LECORPS

Dans le Finistère, le Conseil général mène une politique active de solidarité en faveur des personnes âgées et les aide à conserver leur autonomie et à vivre le plus longtemps possible dans leur environnement habituel.

Dans le cadre du 3ème schéma « bien vieillir en Finistère », nous avons plus que jamais la volonté d’affirmer leur statut de citoyens à part entière, certes fragilisés, parfois, par la perte d’autonomie, et à ce titre devant bénéficier de droits et de services spécifiques. En l’espèce, la démarche que nous avons adoptée favorise le prolonge-ment de la vie à domicile par la promotion des services de proximité, la création de logements adaptés, le développement des transports et le soutien direct aux services prestataires d’aide à domicile.

Nous encourageons de même l’expérimentation d’actions diverses ayant pour objet de rompre l’isolement et de maintenir le lien social. Il s’agit ici de développer sur un territoire donné tout un ensemble de services, allant de l’aide à domicile à l’établissement d’accueil, en passant par les accueils de jour, l’hébergement temporaire, les familles d’accueil, – le but étant d’apporter des réponses adaptées, en temps voulu, aux personnes âgées et à leur famille.

Par la mobilisation de tous les acteurs, mais aussi par la poursuite du développement des CLIC (centre locaux d’information et de coordina-tion), nous rassemblons toutes les informations pour aider ces per-sonnes dans leur vie quotidienne quel que soit le lieu où elles désirent résider. n

Vieillir dans la dignité constitue un droit fondamental.

Gilbert MONFORTprésident de la commission « solidarités » au Conseil Général du Finistère

* Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ** L’art de vieillir / RAYNAUD J.-L. (réal.). Paris : Les films en Hiver, 2007. Documentaire 58 mn.

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DOSSIER

Cette action est basée sur une observation directe de l’environnement ;les utilisateurs d’un espace sont invités à partager leur perception de celui-ci et à formuler des propositions d’amélioration.Rennes, mai - octobre 2003, les « marches exploratoires » animent six quartiers de la ville. L’âge moyen des participants à l’expertise : 69 ans. Munis d’une même grille d’observation, les marcheurs apportent leur appréciation de différents éléments de l’espace public.Pouvez-vous voir facilement aux alentours ? Devrait-il y avoir une signalisation ou des aménagements supplémentaires ? Existe-t-il des équipements qui limitent votre mobilité ? Pourriez-vous demander de l’aide si vous ne vous sentiez pas en sécurité, si vous vous sentiez mal ?...: les questions portent majoritairement sur des aspects pratiques de l’utilisation de l’espace. A partir de cette dimension purement fonctionnelle, il est question d’établir les conditions d’aménagement favorisant l’autonomie

des personnes et le « bien vivre ensemble ». Autant de facteurs de santé et de qualité de vie des habitants fragilisés dans leur parcours quotidien par leur âge et les difficultés associées.Se mettre à l’écoute de ces personnes : quoi de plus pertinent, quand on vise le confort et le bien-être du plus grand nombre dans la cité ? Voici un exemple d’une politique d’aménagement urbain respectueuse des contraintes et besoins des plus vulnérables, prometteuse d’une meilleure santé pour tous. n

Marches exploratoires* : pour le « bien vivre ensemble » et une meilleure santé pour tous

Magdalena SOURIMANT

Les centres urbains Nord-américains voient grandir une population de personnes âgées autochtones souvent marginalisées ; leur isolement a des répercussions sur leur santé et les empêche d’accéder aux services sociaux et de santé dont ils ont besoin. Le Centre d’amitié autochtone de Portage-la-Prairie a créé le projet Senior’s Medicine Wheel pour tenter d’apporter des solutions.Le programme a d’abord offert aux Aînés un espace où partager de nombreuses préoccupations à propos de leur état de santé. Les Anciens y ont pris connaissance des services à leur disposition et de la façon de faire valoir leurs droits afin d’améliorer leur santé. Rapidement, ils se sont saisis du programme pour agir sur un problème qui était au centre de leurs préoccupations : situations vécues par les jeunes membres de leur collectivité - toxicomanie, violence familiale, perte d’identité cultu-relle, sentiment de désespoir,...Les Aînés ont alors offert aux enfants leur temps et leurs connaissances

L’empowerment des Aînés à Portage-la-Prairie, Manitoba, Québec

Contact : Françoise TYRANTDirection Générale Santé Solidarité, Ville de Rennes

* L’initiative du groupe « Se préparer à vieillir en bonne santé » de la Ville de Rennes, inspirée d’expériences canadiennes

Sonia VERGNIORY

Pour plus d’information : ACSM, SANTE CANADA, Trousse d’outils pour la promotion de la santé mentale. 1999, pp. 20-25. Disponible sur <http://www.cmha.ca/mh_toolkit/french/part_one/part1.htm> (consulté le 10/03/09)

de la langue et des croyances traditionnelles pour « les aider à être fiers de ce qu’ils sont » ; les enfants ont gagné en confiance, respect et estime d’eux-mêmes. Les Aînés ont été reconnus, pour la première fois bien souvent, pour leurs apports à la collectivité ; leurs interactions avec les enfants leur ont procuré le sentiment de prendre une part essentielle à l’amélioration de la santé des plus jeunes... contribuant par là-même à l’amélioration de leur propre santé mentale.Le programme achevé, le travail amorcé est devenu partie intégrante de la vie des gens. Les Aînés et les enfants ont établi des relations durables ; certains jusqu’à devenir grands-parents / petits-enfants. n

De la naissance à la mort, l’âge est un sujet de réflexion et de nombreux débats. Pourtant, nous sommes bien en peine de trouver les termes adéquats pour parler de ceux qui ont vieilli. « Anciens », « séniors », « ainés », « retraités », les mots ne sont jamais anodins. Finalement, l’expression la plus neutre, la plus couramment partagée est celle de « personnes âgées » qui manque quelque peu de relief et de chaleur, mais qui a au moins le mérite de sous-entendre que même âgés, nous restons des personnes. Dans certaines circonstances malheureusement, cela peut ne pas être le cas. Dans le langage courant comme dans l’action gérontologique, nous utilisons des mots que nous associons volontiers aux personnes qui vieillissent : « perte d’autonomie », « dépendance », « handicap »... Un petit détour s’impose pour tenter de clarifier les perceptions qui sous-tendent le vocabulaire usité.Le mot « autonomie » renvoie à la capacité d’arbitrer entre plusieurs possibi-lités et d’opérer un choix en fonction de qui l’on est et de ses liens avec les autres, tandis que celui de « dépendance », au sens retenu par la grille AGGIR (Autonomie, Gérontologie, Groupe Iso-Ressources), renvoie à l’incapacité de réaliser les activités de la vie quotidienne sans l’aide d’autrui. Ainsi, une

personne âgée peut être autonome et en situation de dépendance comme un individu jeune peut être indépendant et privé d’autonomie. Le terme « handicap », tel qu’il est défini dans la Loi du 11 février 2005, est associé à la notion de limitation d’activité, de restriction de participation à la vie en société subie par une personne en raison d’une altération des fonctions vitales, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. Les situations de handicaps n’ont aucune homogénéité. Le handicap n’a pas d’âge même s’il existe beaucoup plus de personnes âgées en situation de handicap que d’adultes ou d’enfants.Situations de handicap, de dépendance et perte d’autonomie sont certes reliés, pas pour autant synonymes, mais ni le handicap, ni la dépendance ne portent atteinte à l’humanité de la personne, donc à sa dignité. Est vulnérable celui qui est en situation de ne pouvoir se défendre. C’est la dépendance à l’autre qui accroît le plus la vulnérabilité en plaçant la per-sonne sous l’emprise d’autrui.

Age, handicap, dépendance, perte d’autonomie... une question de dignité

Pascale CANIS, responsable du CODES 35

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Ces derniers mois nous ont donné l’occasion de voir et revoir sur toutes les chaînes de télévision des reportages sur les maisons de retraite en général et la maltraitance en par-ticulier. On est du coup, en droit de se poser la question de l’utilité de ces reportages.

Il semble qu’ils aient permis à nos politiques d’ajouter un mot à leur vocabulaire : la bien-traitance ! Consigne a été donnée aux chefs d’établisse-ment de former leur personnel (soignant ?) à cette philosophie de bientraitance.

En entendant la dernière intervention télévisée de Valérie LETARD*, je n’ai pu m’empêcher de penser à ce Monsieur âgé de 79 ans, hospitalisé dans un service de médecine, que l’on a « équipé » d’un change sans se poser la question de sa continence... J’entends encore l’aide soignante répondre à sa demande d’aide pour aller jusqu’au WC : « Mais Monsieur, vous avez un change ... !!!».

Cette soignante est-elle maltraitante ? Et si une autre soignante s’était présentée, la réponse aurait-elle été différente ?

Non bien sûr. Les soignants sont tous (ou presque) de bons professionnels, en géné-ral diplômés, qualifiés et bourrés de qualités humaines. Comme vous, comme moi, ils ont simplement un naturel à penser et consi-dérer la vieille personne comme une toute autre qui n’est pas elle, à se protéger de ces représentations qui les mettent en danger, qui leur font horreur. Du coup, cet autre là, qui n’est plus reconnu comme un semblable, il n’existe plus, devient objet de soin, on va s’occuper du corps qu’il a, en oubliant le corps qu’il est.

Comment être bientraitant avec un autre qui n’existe plus pour moi ? Comment être bien traitant quand les soignants sont essentiel-lement formés à l’hygiène, au respect de la pudeur, à la technique, s’intéressant plus au corps et à ses maux qu’à la personne et ses capacités ?

Délit (des lits) de vieillesse !PATRICE GAUDYCONSULTANT ET FORMATEUR EN BIENTRAITANCE, SARL FORMADY

Certains établissements pourtant y arrivent (y arrivaient ?). D’abord et surtout parce que portant de vraies valeurs, une vraie philosophie de PRISE EN SOIN, en ayant réussi à négocier et obtenir des financements à la hauteur de leurs objectifs. Des EHPAD qui voyaient leur GMP** baisser, les troubles du comportement des résidents diminuer voire s’effacer complè-tement, le burn out des équipes disparaître en même temps que les arrêts de maladie inhé-rents à cet épuisement : le rêve. Ce rêve risque for t de virer au cauchemar et ce cauchemar porte le nom de conver-gence (circulaire du 13 février 09 fixant les grandes orientations politiques du médico-social). Nivellement par le bas, tout le monde s’aligne sur une dotation moyenne. Ainsi, les établissements les mieux « dotés » en termes de moyens devraient voir leur dotation soin se rapprocher d’une moyenne, ne profitant pour 2009 que d’une revalorisation de 0,5 %, quand les plus « pauvres » bénéficieront d’un taux de 1,96 %.

C’est ce naturel à penser que l’autre est un autre que moi qui autorise nos politiques aujourd’hui à prendre des mesures qui met-tent en péril la bientraitance dans les établis-sements. n

* Secrétaire d’État chargée de la Solidarité auprès du ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité (depuis le 19 juin 2007)

** niveau moyen de dépendance des pensionnaires d’un établissement

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CONTROVERSE

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La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre / Agence nationale de l’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Saint-Denis : ANESM, 07/2008. (Recommandations de bonnes pratiques professionnelles) : 47 p.Disponible sur <http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/pdf/reco_bientraitance.pdf> (Consulté le 26/05/2009)La recommandation de l’ANESM sur la bientraitance a une vocation de médiation entre des textes de loi porteurs d’un projet de bientraitance envers l’usager d’une part, et d’autre part, les projets institutionnels et les pratiques professionnelles concrètes qui pourront les incarner au quotidien.

Les multiples facettes du vieillissement / Henrard J-C. Questions de santé publique, 2008 ; n°2 : 4 p.Disponible sur <http://www.iresp.net/imgs/publications/081003100209_qspnumero2-vieilliss.pdf> (Consulté le 12/03/2009)Face aux représentations dominantes de la personne vieillissante, souvent réductrices, l’auteur de l’article propose une vision plus complète, en situant le vieillissement dans un ensemble de processus individuels et collectifs qui se déroulent tout au long du parcours de vie.

Vieillir en bonne santé, un challenge pour l’Europe (Version courte du rapport « Healthy Ageing »). Östersund : Swedish National Institute of Public Health (SNIPH), 2007 : 37 p.Disponible sur <http://www.hainaut.be/sante/osh/medias_user/UE_Vieillir_en_bonne_sante.pdf> (Consulté le 12/03/2009)D’ici à 2025 environ, l’on assistera à une augmentation particulièrement rapide du nombre de personnes âgées de 80 ans et plus. La promotion de la bonne santé et de la participation active chez les citoyens âgés sera une stratégie cruciale pour relever ce défi.

Présentation du plan national bien vieillir 2007-2009. Paris : Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, 2007. Disponible sur <http://www.travail-solidarite.gouv.fr/> (Consulté le 12/03/2009)Ce plan a pour ambition de proposer les étapes d’un chemin pour un “vieillissement réussi” tant du point de vue de la santé individuelle que des relations sociales, en valorisant l’organisation et la mise en œuvre d’actions de prévention adaptées.

Propositions d’un corpus d’indicateurs répondant à l’objectif 3 du P.R.S.P. « Améliorer la qualité de vie » : rapport final / Le Grand E. L’Hermitage : E. Le Grand Consultant, 21/04/2006 : 39 p.Disponible sur <http://www.platoss-bretagne.fr/docs/etudes/Rapport_QDV.pdf> (Consulté le 23/04/2009)Les recherches entreprises pour documenter le 3ième objectif du PRSP « améliorer de la qualité de vie » ont porté sur deux perspectives : les moyens d’évaluer la qualité de vie liée à la santé et l’appréhension de cette qualité de vie liée à la santé à partir des conditions de vie.

Mesure de la santé perceptuelle et de la qualité de vie : méthodes et applications / Leplège A. (dir.), Coste J. (dir.). Paris : ESTEM, 2002 : 333 p.L’objectif de cet ouvrage est de présenter les bases méthodologiques indispensables à la compréhension et à la pratique du domaine de la qualité de vie, tout en introduisant les principales problématiques de recherche appliquée contemporaines.

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“ Faire des préconisations pour « Bien Vieillir en Bretagne » pourrait paraître, aux yeux de certains, quelque peu éloigné des compétences et préoccupations du Conseil Régional de Bretagne ... “, c’est ainsi que le Conseil économique et social (CESR) introduit son rapport d’octobre 2007* relevant d’une approche de promotion de la santé à part entière. Les auteurs du rapport précisent que cette « autosaisine » du CESR s’inscrit dans le prolongement d’un travail initié dès la fin des années 90’ par les membres de la commission « qualité de vie, culture et solidarités ». Des nombreuses études et analyses produites par ce groupe - « Vieillir en Bretagne » (1997), « La Bretagne et l’évolution des modes de vie » (2004), « Bien Vieillir en Bretagne » (2007) – situent la Région comme acteur des politiques publiques en direction des personnes âgées. En adoptant un point de vue proche de la promotion de la santé, le CESR nous rappelle que ce n’est pas un mandat particulier qui l’emporte dans l’engagement des institutions auprès d’un public, mais une démarche applicable à l’ensemble des politiques publiques - habitat, transport, santé, « vivre ensemble »,...- qui contribuent à accompagner les trajectoires de vie des personnes à chaque étape de leur existence.

Ce positionnement du Conseil économique et social, affirmé dans « Bien Vieillir en Bretagne », a connu tout récemment un développement au niveau national sous la forme du rapport « Seniors et cité »** (mars 2009)... que nous vous encourageons fortement à découvrir !

* François N. (rapp.), Pivette B. (rapp.). Bien vieillir en Bretagne : Changer de regard et agir pour mieux vivre ensemble le vieillissement à domicile. Rennes : Conseil économique et social de Bretagne, 2007 : 405 p.** Boutrand N. (rapp.). Seniors et cités. Paris : Journaux officiels, 03/2009. (Avis et rapports du Conseil économique, social et environnemental). 260 p.

La Région et les politiques de santé des personnes âgéesUne lecture au prisme de la promotion de la santé

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Horizon Pluriel est une publication du CRES Bretagne4 A rue du Bignon, 35000 Rennes, [email protected]

Directeur de la publication : Jeanine Pommier

Rédacteur en chef : Magdalena Sourimant

Comité de rédaction : Christine Ferron, Philippe Lecorps, Marie Prat,

Nicolas Riguidel, Sonia Vergniory

Conception graphique : Magdalena Sourimant

Illustrations : Eric Appéré

Horizon plurielISSN 1638-7090

SÉLECTION RÉALISÉE PAR LE SERVICE DE DOCUMENTATION DU COMITÉ DÉPARTEMENTAL D’ÉDUCATION POUR LA SANTÉ D’ILLE-ET-VILAINEMARQUE-PAGE