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HAL Id: hal-00882817 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00882817 Submitted on 1 Jan 1992 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d’épicéas de 30 ans E Dambrine, N Carisey, B Pollier, Sébastien Girard, Agnès A. Granier, P Lu, P Biron To cite this version: E Dambrine, N Carisey, B Pollier, Sébastien Girard, Agnès A. Granier, et al.. Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d’épicéas de 30 ans. Annales des sciences forestières, INRA/EDP Sciences, 1992, 49 (5), pp.489-510. hal-00882817

Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d

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HAL Id: hal-00882817https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00882817

Submitted on 1 Jan 1992

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Dynamique des éléments minéraux dans la sèvexylémique d’épicéas de 30 ans

E Dambrine, N Carisey, B Pollier, Sébastien Girard, Agnès A. Granier, P Lu,P Biron

To cite this version:E Dambrine, N Carisey, B Pollier, Sébastien Girard, Agnès A. Granier, et al.. Dynamique des élémentsminéraux dans la sève xylémique d’épicéas de 30 ans. Annales des sciences forestières, INRA/EDPSciences, 1992, 49 (5), pp.489-510. �hal-00882817�

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Article original

Dynamique des éléments minérauxdans la sève xylémique d’épicéas de 30 ans

E Dambrine N Carisey B Pollier S GirardA Granier P Lu P Biron

1 INRA-CRF, laboratoire des sols forestiers;2 INRA-CRF, laboratoire d’écophysiologie, 54280 Champenoux;3 CEREG-ULP, 3 rue de l’Argonne, 67000 Strasbourg, France

(Reçu le 20 mars 1992; accepté le 11 mai 1992)

Résumé — Le flux hydrique circulant dans les troncs d’un perchis d’épicéa des Vosges a été direc-tement mesuré par des sondes de fluxmètre radial au cours d’une saison de végétation. Parallèle-ment, les sèves xylémiques de branches et de troncs ont été extraites sur des échantillons prélevésà intervalle régulier, respectivement par pression sur les parties feuillées et par déplacement parune colonne d’eau. Ces sèves ont été analysées par ICP pour les principaux éléments minéraux(Ca, K, P, Mg, Si, Mn). Les flux d’éléments minéraux calculés par produit des flux hydriques par lesconcentrations ont été comparés au prélèvement en éléments minéraux, préalablement évalué parune étude classique de minéralomasse. La variation saisonnière des concentrations dans la sève dela base du tronc diffère suivant les éléments. Les teneurs en Ca, Mg, K et P sont maximales lors dudébourrement (K) ou en début de croissance des pousses puis se stabilisent durant l’été pour raug-menter en fin de saison. Outre un pic lors de l’allongement des pousses, Si semble s’élever parallè-lement à la progression de la sécheresse édaphique estivale. La variation saisonnière des concen-trations de la sève de branche est moins marquée, mais similaire à celle observée pour les troncs.Les teneurs en éléments minéraux de la sève du haut du tronc et du houppier sont toujours très su-périeures à celles de la base du tronc. Les flux de Ca et Mg dans la sève de la base du tronc sontd’importance comparable à ceux du prélèvement brut du peuplement estimé à partir de l’étude desbiomasses. Ceux de P et K lui sont très supérieurs à la base du tronc. Ces résultats sont interprétéscomme traduisant l’existence d’un pool mobile d’éléments minéraux dans l’arbre, particulièrementimportant dans les parties métaboliquement très actives comme le houppier et les racines.

élément minéral / sève xylémique / épicéa

Summary — Mineral element dynamics in the xylem sap of 30-year old spruce. Xylem sap flux-es and mineral contents in branches and boles of a 30-yr-old spruce stand were monitored duringthe 1990 growing period. On average, four trees were felled fortnightly. Three portions of the bottomof each felled trunk and four branches per tree from the third and fourth whorl were sampled beforesunrise. Sap extractions were carried out immediatly after felling. Bole xylem sap was displaced bythe pressure of a 1-metre high column of water applied to the end of each portion sampled, whereastwig sap was extracted by applying slight air pressure (+1 MPa over potential) in a Schollanderbomb. Xylem sap rise was recorded continuously in four trees with a heating probe device (fig 2).

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Sap water fluxes were multiplied by sap mineral contents in order to calculate the flux of mineral ele-ments rising annually in the xylem tissues. This flux was compared to the mineral content and annualuptake of the stand, previously evaluated by a biomass and mineral content inventory (Le Goaster etal, 1991; Dambrine et al, 1991). Sap element content was found to have a systematically higher con-centration in the crown compared to the bottom of the trunk (fig 3). Seasonal variations in the mineralconcentrations of bole xylem sap depend on the element: Ca, Mg, K and P peak during or after budbreak, then decrease and remain low and steady during summer with a final increase at the end ofthe growing period. Si seems to increase with drought (fig 4). Seasonal variations of branch xylemsap contents show a less pronounced pattern (fig 6). Concentrations of Ca, P and K peak at the be-ginning of shoot or needle growth, after the peak of bole sap concentrations. Mg content does notchange greatly whereas Si increases in parallel with the drought. The ratio between branch and bolesap concentrations (fig 6) is highest for Ca and Mg, which are available to the trees in very limitedamounts. Annual fluxes of Ca and Mg in bole xylem sap were found to be lower than (Ca) or of thesame order of magnitude (Mg) as the gross uptake of the stand, assessed by a biomass and mineralcontent inventory (table IV). This discrepency between the Ca flux in sap and gross Ca uptake couldbe partly due to uncertainties in gross uptake evaluation. Conversely, fluxes of K and P in bole xylemsap are far higher than the gross uptake. Fluxes of all elements in branch xylem sap are higher (Ca,Si) or far higher (Mg, P, K) than the gross uptake. For P and K, fluxes are of the same order of magni-tude as the total content of the stands crown (table V). These results strongly suggest the existenceof a mobile pool of mineral elements, cycling continuously in the tree, and particularly in the crown.This is in agreement with previous investigations showing that root and branch sap concentrationswere higher than those from the bole (table VI).

mineral element / xylem sap / branch / bole / spruce

INTRODUCTION : PRÉLÈVEMENT,TRANSFERT ET CIRCULATIONDES ÉLÉMENTS MINÉRAUXDANS L’ARBRE

Les peuplements forestiers nécessitent

pour la croissance de leurs organes an-

nuels, pluriannuels et perennes des élé-ments minéraux. Ceux-ci leur sont fournis

par 2 processus : le prélèvement brut etles transferts internes.

Le prélèvement brut définit le flux d’élé-ments minéraux entrant dans l’arbre. Il s’ef-fectue pour l’essentiel dans le sol et par l’in-termédiaire des racines. Les mécanismes

d’absorption varient en fonction des es-

pèces et des éléments minéraux. SelonMarchner (1986), l’absorption serait chez

l’épicéa principalement passive pour le Ca,active pour N, P et K et mixte pour Mg.

Les transferts internes représentent lamasse d’éléments qui, après leur utilisa-

tion lors de la croissance d’un organe, ouleur stockage momentané dans un organe,sont réutilisés lors d’une phase de crois-sance ultérieure. La baisse des teneurs encertains éléments minéraux des organes li-gneux ou foliaires lors de leur vieillisse-ment illustre clairement ce phénomène.

Les mécanismes physiologiques s’appa-rentent à la mobilisation des réserves car-bonées stockées dans les organes déjàélaborés vers les organes en croissance.Ils ont surtout été étudiés au niveau des

feuilles, et essentiellement pour N et le P(Dickson, 1989). Pour les autres éléments,seule une approche de la dynamique d’ac-cumulation ou de transfert a pu être envi-

sagée (Fife et Nambiar, 1984; Dieberg etal, 1986); les processus physiologiquesrestent méconnus.

La quantification précise du prélève-ment brut annuel n’est pas simple. En effetla teneur en éléments minéraux des or-

ganes annuels, ligneux ou non, intègre

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l’effet des mécanismes de prélèvement etde transfert. On l’évalue classiquement dela façon suivante :

p = prélèvement; i = immobilisation; r =

restitutions;avec i = la x csi

la = production ligneuse courante annuelle;csi = concentration stabilisée pour l’élé-

ment nutritif j.La concentration stabilisée est celle des

parties âgées de l’organe considéré. Pourle tronc, il s’agit de la concentration du

coeur, laquelle est peu différente chez lesarbres adultes de la concentration

moyenne de l’arbre.

rl = litière; rf = récrétion par le feuillage.Cette mesure du prélèvement annuel

est précise pour des peuplements fermésdont la biomasse de houppier évolue peu,et dans la mesure où elle intègre un cer-tain nombre d’années de données. Cepen-dant, ce calcul ne fournit alors qu’une va-leur moyenne du prélèvement, la valeur

pour une année donnée pouvant différersensiblement. Pour améliorer la précisiondes mesures annuelles, Ranger (1981) aévalué le prélèvement brut annuel à desti-nation du houppier de résineux en effec-tuant le produit de la biomasse foliaire pro-duite par la concentration stabilisée des

aiguilles âgées.L’évaluation dynamique, sur une base

saisonnière par exemple, des transferts in-ternes sur l’ensemble de l’arbre n’a quetrès rarement été tentée (Osonubi et al,1988). À l’échelle annuelle cette valeur sedéduit en soustrayant à la minéralomassedes organes produits au cours de l’année,la valeur du prélèvement. Cette méthodeest relativement lourde et fournit avant tout

un ordre de grandeur. Les résultats mon-trent que les transferts notés «transfertsannuels» contribuent pour une part sou-vent importante et parfois dominante à l’ali-mentation minérale des organes en crois-sance (Ranger et al, 1990).

Quelle que soit leur origine, les élémentscirculent dans l’arbre par 2 grandes voiescorrespondant à des tissus différenciés :- le xylème : à l’exception des cellules pa-renchymateuses vivantes (rayons ligneux)qui ont un rôle de réserves d’amidon, deprotéines et d’acides gras, le xylème estconstitué de cellules mortes.

Dans ce tissu, circule la sève brute, solu-tion aqueuse très diluée (0,1-2 g/l) de selsminéraux et de composés organiques. Lasève xylémique circule verticalement desracines aux parties aériennes sous l’in-

fluence de deux phénomènes : la pousséeradiculaire, active avant le débourement

(Huguet, 1973) et la transpiration. Un transithorizontal s’effectue des vaisseaux ou tra-chéides vers les parenchymes foliaires;- le phloème : les éléments constitutifs duphloème sont des tubes criblés, formés decellules vivantes allongées, placées bout àbout. Dans ce tissu circule la sève élabo-rée ou sève phloémique, solution très

concentrée (de l’ordre de 15-20% de ma-tière sèche), et riche en composés organi-ques (sucres, acides aminés, régulateursde croissance, vitamines) (Kramer et Koz-lowski, 1979). Les concentrations en élé-ments minéraux dans le phloème sont trèslargement supérieures à celles dans le xy-lème, surtout en potassium (Pate et Shar-key, 1975). Le calcium est réputé peu mo-bile dans le phloème (Marschner, 1986).La migration de la sève élaborée reposesur l’existence de «pompes métaboliques»assurant le transport actif des différentessubstances (Heller, 1989). Les feuilles,sites de production de photosynthétats, ex-portent ces produits, via la sève phloémi-que, vers les organes de stockage (ra-

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cines, écorce). Il s’agit alors d’un flux des-cendant, traduisant par exemple, les phé-nomènes de transferts au moment de lasénescence des feuilles. Mais les feuillesen croissance peuvent aussi être importa-trices de substances, via le phloème (Zim-mermann et Brown, 1971).

Des transports à courte distance de

composés minéraux et organiques s’effec-tuent non seulement du xylème vers le

phloème, et vice versa, mais égalementdepuis des tissus de stockage (rayons li-

gneux, parenchyme xylémique, phloémi-que) vers l’un ou l’autre des tissus conduc-teurs (Dickson et al, 1985).

Bien que relativement ancienne (Dixonet Atkins, 1915; Benett et al, 1927; Hau-man, 1934; Denayer de Smet, 1967),l’étude de la composition des sèves a étépeu développée, peut être en raison desdifficultés de prélèvement. Cependant,assez récemment, divers auteurs (Clé-ment, 1977; Moreno et Garcia-Martinez,1983; Glavac et al, 1990) ont utilisé cesméthodes pour comprendre la circulationinterne des éléments minéraux dansl’arbre.

La présente étude porte sur la compa-raison entre les résultats de 2 méthodes

indépendantes de mesure du prélèvementet des transferts internes appliquées à unmême peuplement. L’une classique baséesur l’analyse détaillée de la minéralo-masse des différents organes du peuple-

ment (Le Goaster et al, 1991; Dambrine etal, 1991) et l’autre, nouvelle, reposant surla mesure des flux d’éléments minérauxcirculant dans la sève xylémique desarbres. L’étude a pour objet un peuplementdépérissant des Vosges, dont les condi-tions d’alimentation minérale ont été large-ment étudiées par ailleurs (Le Goaster etal, 1990; Dambrine et al, 1992). L’objectifconsistait à évaluer dans quelle mesurel’analyse de sève permettait de visualiserle prélèvement au sol et d’interpréter la ca-rence minérale dont souffrent ces arbres.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Description du dispositif

Le peuplement étudié se situe dans la partie su-périeure du bassin versant l’Aubure (Probst et al,1990), à 1 050 m d’altitude. Il s’agit d’une planta-tion d’épicéas de 30 ans environ, de densité2200 tiges/ha et de 12,6 m de hauteur

moyenne, n’ayant jamais subi d’éclaircie. Le solest un sol brun-ocreux, très désaturé en Mg etCa en dessous de 20 cm de profondeur (tableauI). Ce peuplement présente de très faibles te-neurs foliaires en Mg et Ca qui caractérisent lespeuplements d’épicéa dépérissants sur sol

pauvre (tableau II). Une notation effectuée à par-tir du sol à l’automne 1988 indiquait 20% d’arbres«jaunes», c’est-à-dire présentant des aiguillesjaunes, sur l’ensemble du peuplement (Le Goas-ter, 1989). À l’automne 1989, 64 arbres ont éténotés précisément à partir d’échafaudages. Ils serépartissent de la manière suivante :

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- classe 1 : feuillage vert, 8%;- classe 2 : feuillage jaunâtre en dessous du 7everticille, 47%;- classe 3 : feuillage jaune entre 4e et 7e verti-

cille, 36%;- classe 4 : feuillage jaune au dessus du 4e ver-

ticille, 9%.

Malgré la différence de mode de notation,ceci suggère une accentuation du phénomène.En effet, si l’on considère les classes 3 et 4comme une seule catégorie «arbres jaunes», onobtient près de 40% d’arbres dépérissants.

Enfin, pour les besoins des extractions desève, 69 arbres, choisis au hasard, ont été abat-tus au cours de l’été 1990 et notés au sol. Ils se

répartissent pour 62% dans les classes 3 et 4 etpour 38% dans les classes 1 et 2.

L’évolution de ces notations plaide en faveurd’une réelle accentuation du phénomène depuis1988 et non d’une mauvaise appréciation.

Évaluation des prélèvementset transferts annuels par l’étudedes biomasse et minéralomasse

Les méthodes et résultats détaillés de cette

étude sont présentés dans le Goaster et al

(1991) et Dambrine et al (1991). Pour ce travail,5 arbres «jaunes» (classes 3 et 4) et 5 arbresverts (classe 1 ) ont été abattus, et découpés enséparant, pour les aiguilles, les branches et letronc, la pousse de l’année (1988) et celle del’année précédente (1987) du restant. Prélève-ments et transferts ont été évalués pour chaque

catégorie - sain (vert) et dépérissant («jaune»)- d’arbre. Les calculs à l’hectare ont été faits surla base des notations de 1988. Les années1989 et surtout 1990 ayant été particulièrementsèches, une révision des biomasses et minéra-lomasses produites au cours de cette dernièreannée était nécessaire. Pour cela, nous avonsré-échantillonné et analysé les aiguilles de 60branches et ainsi pu vérifier que la relation entrele diamètre des branches à 10 cm de l’insertionet le poids d’aiguilles de l’année était resté iden-tique. Parallèlement, des carottages effectuésdans 20 arbres nous ont permis de constaterque les largeurs de cerne 1988 et 1990 étaientproches. Enfin, les retombées de litière pendantla période 1988-1991 ont été pesées et analy-sées.

Mesure du flux de sèveet des potentiels de base

Afin d’évaluer la transpiration, des sondeschaudes de fluxmètre radial (Granier, 1985) ontété introduites dans les troncs de 4 arbres et les

mesures instantanées ont été enregistrées encontinu du 15 mai (j 143) au 10 octobre (j 285)par une centrale d’acquisition de données

Campbell 21 X. Les potentiels de base ont étémesurés hebdomadairement avant le lever du

jour sur 3 de ces arbres. Pour limiter les consé-quences d’une longue sécheresse climatique aucours de l’été, des arosages totalisant environ60 mm et utilisant l’eau du ruisseau voisin, acidi-fiée de façon à amener le pH à une valeurproche de celle des pluviolessivats (pH = 4), ontété effectués au cours du mois d’août.

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Récolte de la sève xylémique

Prélèvements

Afin d’étudier la variabilité des teneurs en élé-ments minéraux dans la sève prélevée à diffé-rents niveaux de l’arbre, 4 arbres sensiblementde même diamètre ont été abattus le 18 juillet etleur tronc découpés en 10 tronçons (40-50 cmde long) correspondant aux pousses de 1986,1984, 1982, 1980, jusqu’à 1964 (4e verticille, 6ejusqu’au 22e). Parallèlement, 4 branches des 3eet 4e verticilles ont été prélevées sur 3 de ces 4arbres.

Pour suivre la dynamique saisonnière des te-neurs en éléments minéraux de la sève xylémi-que, 4 arbres choisis au hasard, dont le niveaude défoliation et de jaunissement est noté, ontété abattus à l’aube (4-6 h AM). Cette heure deprélèvement a été choisie de façon à extraire lasève de branches sans appliquer de pressionsélevées. Ce choix est par ailleurs sans influencesur les teneurs de la sève de branche chezPicea abies, les variations journalières deconcentrations étant très faibles (Osonubi et al,1988; Dambrine et Granier, 1989).

Sur chaque arbre, 3 tronçons d’environ 50cm de longueur, correspondant en général à 3verticilles successifs, ont été débités dans letiers inférieur du tronc (entre les 16e et 24e ver-

ticilles, selon le diamètre de l’arbre). Le premiermètre de tronc au-dessus du sol a été systéma-tiquement évité en raison de blessures fré-

quentes occasionnées par les chevreuils. Deplus, 2 branches des 4e et 3e verticilles ont étérécoltées. Les prélèvements ont débuté le 23mai 1990, juste avant le débourrement, et sesont répétés toutes les 1-2 semaines, jusqu’enoctobre. Rameaux et troncs ont été stockésdans des sacs plastiques à l’obscurité.

Extraction

L’extraction est effectuée sur place, immédiate-ment après le prélèvement. La sève de ra-

meaux est extraite à l’aide d’une chambre à

pression de Scholander et al (1965), modifiéepour accueillir des rameaux allongés. Le ra-

meau feuillé est introduit dans la chambre à

pression, son extrémité, dénudée de l’écorce etdu phloème, en sort par un orifice étancheprévu dans le bouchon à cet effet. Une pression

de 10 bars supérieure au potentiel du rameau,est appliquée. Cette pression permet de re-

cueillir une quantité suffisante de sève (1-3 mlpar rameau) et d’éviter les risques de dilution(Osonubi et al, 1988; Girard, 1989). La méthodepar déplacement à l’aide d’une colonne d’eau(Denaeyer de Smet, 1967; Clément, 1977) estutilisée pour l’extraction de la sève de tronc. Les

tronçons sont écorcés sur une largeur de 10-15cm à chaque extrémité, permettant d’appliquerla pression uniquement sur le xylème. Une desextrémités, redécoupée sous l’eau afin d’élimi-ner les zones de scellées, est introduite dans untuyau souple relié à une colonne d’eau déminé-ralisée d’1 m de haut. Des colliers de serrageassurent l’étanchéité. L’autre extrémité est soi-

gneusement lissée à l’aide d’un scalpel. La sèves’écoule rapidement, de l’ordre de 20-100 ml/min. Les 50 premiers ml ne sont pas recueillispour éviter une pollution due aux cellules bles-sées. Environ 100 ml de sève sont recueillis partronçon. L’addition d’eosine, à l’eau de déplace-ment permet de visualiser les pollutions éven-tuelles. Les échantillons sont congelés immédia-tement après extraction.

Analyse de la sève

La sève extraite de tronc est filtrée sous vide surdes filtres en nitrate de cellulose de porosité0,45 μm de diamètre. En raison des faibles

quantités de sève de branche prélevées, celle-ciest filtrée à l’aide d’un filtre, de porosité 2 μmplacé à l’extrémité de l’embout plastique d’unepipette automatique. Des dilutions par 10 sonteffectuées pour le dosage de tous les élémentsde la sève de branche et par 5 pour P, Si, Ca etK dans la sève de tronc; Ca, Mg, K, P, Al, Mn etSi sont dosés par un spectromètre d’émissionICP (Jobin Yvon 38+).

Calcul du flux d’éléments minérauxdans la sève

À la différence des mesures de transpiration,nous ne disposons pas de valeurs de concentra-tions journalières de la sève xylémique. Le fluxd’éléments minéraux a été calculé en sommantsur la période de mesure, les produits desconcentrations en éléments minéraux des sèves

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de tronc et de branche de chaque prélèvementpar la transpiration cumulée pour la période cen-trée autour de chaque date de prélèvement. Afind’évaluer le flux annuel, nous avons estimé latranspiration (TR) de début de printemps et defin d’automne à partir des valeurs de l’ETP, cal-culée en utilisant les données climatiques enre-gistrées sur le site, et du rapport TR/ETP mesu-ré pendant la période la plus proche. Les fluxd’éléments minéraux dans la sève ont été éva-lués pour ces périodes en effectuant le produitde la transpiration correspondante par la teneurmoyenne annuelle de la sève.

Traitement des données

Des analyses de variances, à un facteur, testantl’effet de la date de prélèvement sont effectuéespour l’étude de la dynamique saisonnière. Letest de la ppds (plus petite différence significa-tive) est adopté pour les comparaisons de

moyennes 2 à 2. Les barres d’erreur présentéessur les graphiques représentent l’intervalle deconfiance au risque de 5%.

RÉSULTATS

Évolution du potentiel hydriqueet de la transpiration

La figure 1 présente l’évolution des poten-tiels de base au cours de l’été et du débutde l’automne. Le potentiel a chuté jusqu’àune valeur de -0,55 MPa au cours de lasécheresse persistante de juillet 1988.Cette chute a été interrompue par des ar-rosages artificiels au cours du mois

d’août, puis par des pluies en début d’au-tomne.

La figure 2 montre les quantités cumu-lées d’eau transpirée au cours de la sai-son estivale par le peuplement. La trans-piration se réduit au cours du mois de

juillet, suivant le dessèchement progressifdu sol, ce qui traduit une régulation sto-

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matique précoce. Les arrosages ont per-mis de maintenir une certaine transpira-tion. Cependant, ces arrosages n’ont quepartiellement permis de reconstituer lestock d’eau consommé en juillet. De sorteque la valeur totale annuelle de la transpi-ration est relativement faible (298 mm).La comparaison de la pluviosité de cetteannée 1990 à Aubure avec celle des 25années antérieures mesurée à Orbey(station météorologiquement comparableà celle d’Aubure), montre qu’il s’agit d’uneannée exceptionnellement sèche. Ellecombine en effet à la fois une sécheresse

printanière comme celle de 1976 et unesécheresse estivale identique à celle de1983.

Variabilité des teneurs en élémentsminéraux dans la sève extraiteà différents niveaux de l’arbre

Sève de tronc

La figure 3 présente les courbes d’évolu-tion des teneurs de Ca, Mn, P, K et Sidans la sève prélevée le long du tronc.Pour tous les éléments étudiés excepté Si,les courbes d’évolution des teneurs le longdu tronc sont identiques et caractéristi-

ques. Les concentrations en éléments mi-néraux décroissent du sommet de l’arbre

(verticille 4) à la base du houppier (verti-cilles 12-14) où elles se stabilisent jusqu’àla base du fût. Cette stabilité des concen-

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trations de la sève à la base du tronc s’estmaintenue tout au long de la saison de vé-gétation hormis lors de l’allongement despousses. La comparaison des teneurs enéléments minéraux des 3 tronçons préle-vés à la base du fût de chaque arbre n’ajamais montré de différence significativeexcepté lors de cette période où un gra-dient positif de teneurs pour Ca, Mn et Siest apparu (tableau III). Par ailleurs, la va-riabilité interarbre dans cette portion a tou-jours été faible excepté durant cette pé-riode (fig 4). Dans le tiers supérieur duhouppier, la variabilité interarbre est au

contraire importante et les teneurs sont 3-4 fois plus élevées que les teneurs de labase du tronc.

Cette étude confirme les résultats deGirard (1989) et de Glavac et al (1990). Lastabilité des teneurs pour tous les élé-ments minéraux dans la sève de la base

du fût suggère que les échanges avec lestissus vivants sont d’importance modéréeet homogènes. Elle justifie l’échantillon-

nage et les calculs de flux effectués.

Sève de branche

Une première analyse de variance montrequ’il n’y a pas de différence significativeentre les sèves (toutes branches confon-dues) des 3 arbres échantillonnés pour les

éléments étudiés (P, Mg, Ca, K). L’analysede variance ne montre pas non plus de dif-férence significative entre les sèves desdifférents verticilles.

Les concentrations de la sève debranche sont élevées et très semblables à

celles de la sève de tronc à la hauteur à la-

quelle ont été prélevées les branches (fig3). Ceci confirme la continuité de flux entreces organes et l’absence d’artéfact lié auxdifférentes méthodes d’extraction utilisées.

Dynamique saisonnièredes teneurs en éléments minérauxde la sève xylémique

Évolution des teneurs dans la sèvede tronc

P, Ca, Mn, Mg (fig 4) présentent des dyna-miques saisonnières semblables : les

concentrations relativement élevées en

début de saison s’élèvent brutalement lorsde l’allongement des pousses pour s’abais-ser pendant la phase de croissance des ai-guilles où elles se stabilisent à un niveaugénéralement inférieur à celui du début desaison (la différence est significative saufpour Mg). Les teneurs demeurent alors

quasiment stables (pas de différence signi-ficative entre les teneurs) pendant toute

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cette période, puis se relèvent en fin desaison. Cette poussée des concentrationslors de l’allongement des bourgeons pour-rait traduire, soit le transfert de réservesaccumulées dans les racines à destinationdes organes en croissance, soit une activi-té d’absorption racinaire accrue. Le gra-dient de concentration observé dans letronc à cette même période suggèrequ’une mobilisation des réserves affecte

parallèlement le tronc.Les teneurs les plus élevées en K sont

enregistrées au début de la saison, c’est-à-dire au début du débourrement. Lesconcentrations baissent ensuite régulière-ment pendant les phases d’allongementdes pousses et de croissance des ai-

guilles, puis raugmentent (fig 4).A la différence des autres éléments, les

teneurs en Si sont faibles en début de sai-son de végétation, et augmentent réguliè-rement (fig 4). La stabilisation des concen-trations se réalise au stade phénologiquecorrespond à la fin de la croissance des ai-guilles, fin juillet. Les teneurs baissent bru-talement à la fin août, lors de la réhumidifi-cation du sol.

Évolution des teneursdans les branches (fig 5)

K, Ca et P, dont les teneurs sont élevéesen début de saison, décroissent irréguliè-rement au cours de la saison. Ce pic deconcentration lors de la croissance des

pousses a déjà été noté par Moreno et al(1983), Stark et Spitzner (1985), Stark etal (1985) et Osonubi et al (1988). Leursétudes montrent que tous les éléments mi-néraux suivent ce schéma d’évolution.

Les teneurs en Mg sont globalementstables, avec une variabilité importante,sans que se distingue de tendance.

Celles en Si, minimales en début de

saison, s’élèvent au cours de l’allongementdes pousses pour se stabiliser en juillet et

août. Elles décroissent en automne paral-lèlement aux teneurs en Si de la sève detronc. Cette évolution peut être rapprochéedes observations de Bartoli et Souchier

(1978), qui décrivent une augmentationcontinue des teneurs foliaires en Si aucours de la saison de végétation.

Comparaison entre les teneursdes sèves de tronc et de branche

Les concentrations de la sève dans lesbranches sont systématiquement plus éle-vées que celles de la sève de tronc. Les

rapports de concentration branche/troncévoluent considérablement au cours de lasaison (fig 6) avec des valeurs minimaleslors de l’allongement des bourgeons et enfin de croissance des aiguilles, lorsques’effectue l’accroissement du tronc. Leséléments pour lesquels ces rapports sontles plus élevés sont le Mg et le Ca, dont onsait les faibles teneurs dans les tissus fo-liaires. Le rapport le plus bas s’observepour Si pendant.

Comparaison entre les flux d’élémentsminéraux transportés dans la sèvexylémique durant la saisonde végétation et le prélèvement estimépar l’étude des minéralomasses

Le tableau IV présente les flux d’élémentsminéraux véhiculés dans la sève debranche et de tronc pendant la saison devégétation. Les prélèvements bruts 1988d’éléments minéraux à destination destroncs et des houppiers ainsi que la valeurdes transferts annuels estimée, pour lamême année, par l’étude des biomasses etminéralomasse, sont présentées. Parallè-

lement, une valeur estimation du prélève-ment brut d’éléments minéraux pour 1990est présentée, calculée en ajoutant à la va-leur de l’immobilisation 1988, la valeur

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moyenne annuelle des retombées de li-tière additionnée de la récrétion. La diffé-rence entre ces 2 valeurs de prélèvementexprime l’évolution de l’état de jaunisse-ment et de défoliation du peuplemententre 1988 et 1990 ainsi que l’incertitudede la mesure.

À l’échelle d’une saison de végétation,les flux d’éléments minéraux véhiculésdans la sève de branche sont en moyenneélevés mais d’importance très variable : leflux de K (226 kg) et de P (39 kg) dans lasève sont proches de la quantité totale deces éléments dans le houppier (tableau V)respectivement 206 et 55 kg. Ils dépas-sent très nettement la somme des prélève-ments bruts + transferts internes estimésen 1988. Inversement, les flux de Ca et

Mg sont faibles comparés aux masses de

ces éléments dans le houppier et se rap-prochent du prélèvement brut 1988.

Ces flux dans les branches sont en

moyenne 3 fois plus élevé que ceux mesu-rés dans le tronc. Cette différence pourraitrésulter d’un artéfact si les teneurs dessèves des branches prélevées n’étaient

pas représentatives de l’ensemble du

houppier. Cependant, le tiers supérieur duhouppier est celui par lequel s’effectue lamajeure partie de la transpiration, et

d’autre part, Girard (1989) n’a pas mis enévidence de variation importante des te-neurs de la sève de branche d’épicea enfonction de la hauteur dans le houppier.Ceci suggère donc l’existence d’un poolmobile d’éléments minéraux circulant dansla sève des branches et de la partie supé-rieure des troncs.

Page 16: Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d

La comparaison du flux d’éléments véhi-culé dans la sève de tronc en 1990 avec le

prélèvement brut estimé à partir des me-sures de minéralomasse pour 1988 montre

qu’ils sont du même ordre de grandeur,

avec cependant des différences sensibles(tableau IV).

Les quantités de K et P véhiculées an-nuellement par la sève de tronc sont dumême ordre de grandeur que la minéralo-

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masse totale de P et K contenue dans lestroncs du peuplement. Elles sont très sen-siblement supérieures au prélèvement brut1988. Même en ajoutant à ce dernier lavaleur des transferts internes, il demeureune différence très significative.

Le flux de Ca dans la sève est nette-ment inférieur au prélèvement brut 1988. Il

se rapproche mais demeure néanmoinssupérieur au prélèvement 1990. Ce fluxest proche du flux de Ca restitué annuelle-ment au sol par l’intermédiaire de la litièreet les pluviolessivats.

Le flux de Mg dans la sève est prochedu prélèvement brut 1988, et dépassesensiblement la valeur des restitutions an-nuelles au sol.

Cette différence de comportement entrece groupe (Ca et Mg) et le précédent (P etK) recoupe celle entre des élémentsconnus pour être intensément redistribuésdans la plante par la sève élaborée, et

d’autres dont les fonctions métaboliquessont plus modestes.

DISCUSSION

La présente étude, confirmée par les ré-sultats de Glavac et al (1989) sur hêtre etGirard (1989) sur épicéa montre un gra-dient croissant de concentration dans lasève de tronc de la base du houppier àl’extrémité supérieure du tronc. Les te-

neurs sont les plus élevées dans le houp-pier. Cependant, d’après Glavac et al

(1989), ce gradient, faible en hiver serait leplus marqué au début de la saison de vé-gétation et s’inverserait durant l’été. Nousn’avons pas observé cette inversion esti-vale de gradient. La comparaison des te-neurs en éléments minéraux des 3 tron-

çons successifs prélevés à la base de

chaque arbre n’a par ailleurs pas permisde mettre en évidence de gradient danscette portion excepté lors de l’allongement

des pousses. D’autre part, les teneurs dela sève de branche et de tronc prélevées àmême hauteur dans le houppier sont sem-blables. Enfin, tout au long de saison devégétation, les teneurs dans les branchesse sont maintenues bien supérieures àcelles de la base des troncs. Deux hypo-thèses complémentaires peuvent être pro-posées pour expliquer ces phénomènes :- la transpiration, plus intense au sommetde l’arbre, entraîne une concentration de lasève par perte d’eau;- une régulation permanente des teneursde la sève associée à des mécanismes

physiologiques de redistribution d’autant

plus intenses que l’on se situe près des ex-trémités, dans des organes riches en élé-ments minéraux, dont les besoins métabo-liques sont élevés.

La première hypothèse décrit sans

doute le mécanisme de fond par lequel degrandes quantités d’éléments minérauxs’accumulent par évaporation d’eau auxextrémités des branches. La croissancen’étant pas continue et constante, on

conçoit qu’à certaines périodes, les élé-

ments minéraux ne soient pas incorporésau rythme de leur arrivée, dans les or-

ganes en croissance. C’est en particulierce que suggère le faible rapport des te-neurs dans les branches par rapport autronc lors de la croissance des pousses,quand la demande est très élevée. Cepen-dant ce mécanisme seul ne peut rendrecompte de l’élévation des teneurs dans lapartie supérieure des troncs. De plus, il

n’explique pas les observations de Girard(1989) qui, en comparant les teneurs de lasève extraites par déplacement sur les dif-férents organes d’un peuplement d’épicéade la plaine lorraine, montrait que les te-neurs des sèves de racines sont prochesde celles du houppier et nettement supé-rieures à celles de la base des troncs (ta-bleau VI). Ainsi la transpiration pourrait nejouer qu’un rôle secondaire dans la régula-

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tion des teneurs de la sève, le rôle princi-pal étant tenu par des mécanismes physio-logiques internes.

Au cours de la saison, les concentra-tions minérales de la sève de tronc varient.Elles sont en général élevées en début desaison de végétation, puis diminuent et

restent globalement stables durant l’été.Elles raugmentent ensuite à l’automne.Cette évolution se confirme pour les élé-ments étudiés (Ca, P, Mn, Mg, K), exceptépour Si qui suit une dynamique inverse.

Les variations des teneurs, augmenta-tion ou diminution selon les éléments,s’observent en général lors de passagesd’un stade phénologique à un autre, ce quipeut s’interpréter comme une réponse desdifférents organes de l’arbre à une de-mande plus ou moins intense pour telle outelle phase de la croissance des aiguilleset du cerne. Ainsi l’évolution saisonnière

des concentrations dans le tronc présenceun pic pour tous les éléments lors de l’al-longement des pousses. C’est aussi aucours de cette période que la variabilité in-tertronçons des arbres est la plus élevée.Glavac et al (1990), chez le hêtre, montrequ’à cette période, outre ce pic de concen-tration, s’observe un fort gradient dès la

base du tronc, et l’interprète en terme demobilisation des réserves du tronc. Un tel

gradient est apparu dès la base du troncdans les échantillons que nous avons pré-levés au cours de cette période. Outrecette mobilisation des réserves du tronc,les teneurs particulièrement élevées dès labase du tronc suggèrent une mobilisationdes réserves de la souche et du systèmeracinaire.

L’existence d’un tel mécanisme a parailleurs été démontrée par divers auteurs

(Huguet, 1973). Comme chez le hêtre, le K

Page 19: Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d

suit une dynamique différence avec desteneurs élevées dès avant le débourre-ment.

Le palier de faibles concentrations du-rant la phase de pousse des aiguilles,ainsi que l’absence de gradient dans la

partie du tronc située sous le houppiermontre que cette mobilisation printanièreest de courte durée. La croissance en dia-mètre des troncs, qui s’amorce au coursde cette période pourrait être à l’origine deces faibles teneurs.

Le comportement de Si, dont les te-

neurs augmentent fortement au cours dumois de juillet et du début août, parallèle-ment au développement de la sécheressepuis s’abaissent fortement à la fin août,lorsque les pluies ont reconstitué la ré-

serve en eau du sol, pourrait refléter l’étatde concentration relative des solutions desol. On remarque que cette évolution seretrouve identiquement dans les brancheset le tronc. Le faible rapport de concentra-tion entre branche et tronc suggère quecet élément est peu redistribué dansl’arbre comparativement aux autres. Ainsi,mis à part lors de l’allongement des bour-geons, les fluctuations de teneurs en Si

pourraient refléter la disponibilité de cetélément pour les racines.

La remontée des concentrations au

cours de l’automne, particulièrement nettepour le K, suggère une mise en réserve deces éléments dans le houppier, peut êtrepour la formation des bourgeons.

L’évolution saisonnière des concentra-tions dans le houppier présente des fluc-tuations irrégulières. On peut penserqu’elles résultent de variations complexesde l’activité métabolique. Les rapports par-ticulièrement élevés entre les teneurs enCa et Mg dans la sève de branche par rap-port à celle de tronc suggère que l’arbre,dont l’alimentation pour ces éléments esttrès limite, utilise intensément le réservoird’élément présent dans le houppier.

La comparaison des flux d’éléments mi-néraux dans la sève de tronc, aux prélève-ments brut et transferts estimés à partir del’étude des minéralomasses confirme l’im-

portance des circulations internes d’élé-ments minéraux et permet de séparer leséléments minéraux en 2 groupes distincts.

Les flux estimés par ces 2 méthodessont proches pour Ca et Mg, le flux de Cademeurant cependant inférieur au prélève-ment brut. La différence entre les flux deCa mesurés dans la sève et la valeur du

prélèvement est en partie attribuale à desimprécisions et en particulier à une suresti-mation du prélèvement. C’est en effet ceque suggère la différence entre la bio-masse de houppier produite annuellement,évaluée par Le Goaster (1989), et la chutemoyenne annuelle de litière (tableau IV).Par ailleurs, le prélèvement 1990 est pro-bablement inférieur au prélèvement 1988en raison de nombreux chablis ayant affec-té le peuplement en 1989, à la suited’abondantes chutes de neige. Enfin, le

jaunissement net subi par le peuplementdurant cette période exprime sans douteune réduction du prélèvement. Il est aussi

possible que des transports d’éléments mi-néraux se soient produits au cours de pé-riodes où nous ne les avons pas mesurés,comme en fin d’automne ou au début du

printemps. Une variation des concentra-tions de la sève de tronc au cours de la

journée, ce que nous n’avons pas testé,pourrait être une source d’erreur possible.

Malgré ces imprécisions, ces similitudessuggèrent que le flux annuel de Ca et Mgdans la sève xylémique de la base dutronc illustre pour l’essentiel le prélève-ment brut. Les transferts de ces élémentsde la partie aérienne vers le système raci-naire seraient donc de faible importance.Ceci s’accorde avec les très faibles te-

neurs de la sève phloémique en Ca, dé-crites dans la littérature. Si l’on utilise Ca

comme un index du prélèvement, Mg s’endistingue cependant par des transferts par-

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tie aérienne/partie souterraine, légèrementplus élevées. À l’échelle saisonnière, l’élé-vation de concentration lors de la crois-sance des pousses suggère cependant queles flux dans la sève de tronc ne traduisent

pas directement le prélèvement mais illus-trent plutôt un équilibre complexe entre mo-bilisation des réserves et prélèvement.

Les flux de K et P dans la sève de tronc

dépassent très largement le prélèvementbrut. Il faut donc imaginer, pour ces 2 élé-ments, une importante circulation entre

partie aérienne et partie souterraine et/ouà l’intérieur du tronc. Le potassium est re-connu comme élément très mobile dans la

plante (Mengel et Kirkby, 1978), où il as-sure de nombreuses fonctions physiologi-ques (activation de différents systèmes en-zymatiques, régulateur des transports dephotosynthétats...). Les passages entre lexylème et le phloème sont directs, ce qui setraduit par un rapport concentration de lasève phloèmique sur concentration de lasève xylémique très élevé (Pate et al,1975). Cet élément, le plus abondant cationprésent dans la sève xylémique, diminue lepotentiel osmotique et favorise l’absorptionet la rétention d’eau dans les tissus.

Le phosphore étant à la base du méta-bolisme énergétique, il est plausible qu’ilsoit intensément recyclé dès le niveau dutronc. On sait en effet que le phosphore in-organique circule essentiellement dans lasève xylémique (Marschner, 1986). Cettecirculation intense de P s’accorde avec lestrès forts transferts internes de P dans le

tronc, calculés par Le Goaster (1989).Celui-ci montre en effet que l’accroisse-ment annuel de biomasse ligneuse du

tronc d’épicéas adultes se fait à P cons-tant, c’est-à-dire intégralement par trans-fert de P des cernes âgés vers le cerne encroissance. Un tel parallélisme ne s’ob-serve pas pour K dont le transfert internene participe que pour une part modeste(30%) à l’élaboration du cerne annuel.

Quel que soit l’élément concerné, lesflux élevés dans la sève de houppier parrapport au tronc suggèrent l’existenced’une fraction importante d’éléments miné-raux dont la circulation dans le houppierest liée à des mécanismes physiologiquesde transferts et remobilisation.

Il est possible de comparer la taille de2 flux d’éléments minéraux, l’un, notétransferts internes annuels, traduisant lesredistributions à l’échelle annuelle, d’unepartie des éléments contenus dans un or-gane de l’année n vers les organes del’année n + 1, et l’autre déduit de la diffé-rence entre le flux d’éléments minérauxdans la sève et le prélèvement brut an-nuel, et exprimant la mobilisation momen-tanée d’éléments minéraux à partir decompartiments particuliers dont le taux derenouvellement serait rapide au cours dela saison de végétation. La comparaisonde ces 2 flux montre que ce dernier est

beaucoup plus important. Il apparaît ainsiclairement que les transferts internes, es-timés d’après la variation annuelle relativedes concentrations de différentes classes

d’âge d’organes sont minimes par rapportà la quantité d’éléments minéraux redistri-buée en permanence à l’intérieur del’arbre.

Ces données confirment et étendent lesrésultats de travaux antérieurs menés surl’azote (Titus, 1989), à d’autres élémentsminéraux.

L’analyse comparée du flux d’élémentsminéraux dans la sève de tronc et de ra-

meaux apparaît donc comme un moyenprivilégié d’appréhender la circulation in-

terne des éléments dans la plante. Il est

remarquable que malgré la relative impré-cision de mesures, les valeurs de prélève-ment obtenues par la mesure du flux deCa et Mg dans la sève de tronc et parl’analyse de la minéralomasse soient

proches. Ceci plaide pour une utilisation

du flux de sève xylémique comme indica-

Page 21: Dynamique des éléments minéraux dans la sève xylémique d

teur de l’influence de divers stress sur lefonctionnement minéral de l’arbre.

CONCLUSION

L’étude de la dynamique saisonnière desteneurs en éléments minéraux dans lasève xylémique de l’épicéa aboutit à desconclusions de plusieurs ordres sur lesmodalités et l’importance relative de la cir-culation des différents éléments minérauxdans l’arbre : le flux ascendant dans lasève de tronc est proche du prélèvementau sol à destination des parties aériennespour Ca et Mg. Ce flux est supérieur en cequi concerne P et K, ce qui suggère uneredistribution notable de ces éléments des

parties aériennes, par la voie phloémique,vers les racines.

Les variations des teneurs au cours dela saison, répondent à des besoins physio-logiques particuliers de l’arbre, et peuventêtre mis en relation avec la successiondes divers stades phénologiques. Destransferts importants d’éléments minérauxdes racines et du tronc vers le houppiers’effectuent ainsi pendant la période decroissance des pousses feuillées. Ces

phénomènes mériteraient d’être approfon-dis, car ils déterminent vraisemblablementla croissance des pousses.

En raison de ces redistributions, l’ana-lyse de sève ne peut être simplement etdirectement utilisée pour évaluer la dispo-nibilité des éléments minéraux pour les ra-cines. Il semble cependant que pour cer-tains éléments comme le silicium, une

évolution des concentrations de la sève

puisse illustrer une variation des concen-trations dans le sol.

Les différences de teneurs observéesentre la sève de branche et celle de troncont mis en évidence l’existence d’une frac-tion d’éléments minéraux en circulation in-tense dans le houppier. Les très fortes

concentrations mesurées dans la sève àce niveau ne peuvent s’interpréter quecomme la résultante d’échanges très in-

tenses entre les organes de stockage (cel-lules de l’écorce, aiguilles âgées), le

phloème et le xylème. Il semble que deséléments tels que le calcium, pourtantconsidéré comme peu mobile, participentlargement à ces échanges. L’importancerelative de cette «fraction d’éléments méta-

boliquement actifs» est sans doute à relieraux besoins physiologiques instantanés del’arbre.

Un bilan minéral complet à l’échelle del’arbre nécessiterait désormais le suivi desteneurs en éléments minéraux dans lasève phloémique et les organes de stoc-kage.

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