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ne ressort pas de l’enquête que cet usage soit lié au type de service (autonome ou interentreprises), ni à la durée d’exercice des médecins du travail également répartie entre une et plus de quinze années. L’usage des biomarqueurs concerne trois fois sur quatre des substances organiques. Les CMR, substances non organiques et organo-métalliques comprises, concerneraient dans la même pro- portion moins de 10 % des effectifs. Cette part n’est cependant effectivement chiffrée que par un peu plus d’un médecin du travail sur deux. Plus de 70 % des médecins du travail interrogés n’ont pas d’appréciation sur la répercussion des dispositions réglementaires CMR sur le recours aux biomarqueurs. Sur le plan opérationnel : - de façon générale, les prélèvements sont assurés in situ. Pour 40 % des services, il existerait une relation privilégiée, voire un conventionnement, avec un laboratoire d’analyse. Un médecin du travail sur trois estime cependant que les délais de réponse sont assez longs et plus d’un sur trois affirment n’avoir jamais pu avoir de contact direct avec le laboratoire. - bien que 65 % des services de santé au travail emploient des intervenants autres que les médecins du travail, un seul sur dix seulement dispose d’un référent interne en toxicologie. - si deux médecins du travail sur trois connaissent Biotox, un seul sur deux seulement y a eu recours. Moins d’un médecin du travail sur deux a recours à d’autres ressources, de proximité en général, confrères pour 18 %, manuels et publications courantes (de l’INRS en particulier) pour 17 % ; viennent ensuite les servi- ces universitaires (14 %) et Toxilabo (10 %). Peu de médecins du travail (7 %) utilisent de façon régulière Internet pour leurs recherches. Les réserves les plus citées à l’usage des biomarqueurs, sont : - le coût (pour 74 % des médecins du travail), - la réticence des employeurs (70 %), - l’absence de référent en toxicologie pouvant encadrer cette activité (60 %), - les difficultés dans le prélèvement et l’acheminement des échantillons (51 %) ou de façon générale la difficulté à accéder à un laboratoire compétent (42 %), - enfin des aspects éthiques relatifs en particulier à l’accepta- bilité par les salariés (27 %) et l’interprétation des résultats au niveau individuel (42 %). Parmi les besoins qui remontent, nous retenons, dans l’ordre décroissant : - des formations complémentaires en toxicologie industrielle, - l’accès à un référent de proximité, - et le développement d’outils d’aide à la décision, en matière d’indication du biomarqueur en fonction de l’exposition, d’inter- prétation du résultat, et d’indicateurs biologiques d’expositions de référence. En conclusion, ces résultats témoignent d’un usage peu cou- rant des biomarqueurs pour la surveillance médicale des tra- vailleurs. Les récentes dispositions réglementaires mentionnant l’intégration de l’absorption cutanée dans l’évaluation de l’expo- sition aux substances chimiques ne semblent pas avoir modifié sensiblement la tendance. Cette situation s’expliquerait par la formation insuffisante en toxicologie industrielle d’un grand nombre de médecins du travail que ne comblent pas les ressour- ces bibliographiques disponibles y compris sur le net, la rareté d’un encadrement ou d’un référent de proximité, la difficulté d’accès à des circuits formalisés de prélèvements et d’analyses, et enfin des considérations éthiques liées à l’incertitude scientifique qui caractérise un grand nombre de biomarqueurs. Du bon usage de la biométrologie : les pièges à éviter et les limites à connaître P. HOET Université de toxicologie industrielle et de médecine du travail, Bruxelles, Belgique. A partir d’exemples concrets, présentation de l’importance de la fiabilité des analyses, de la difficulté de l’interprétation des résul- tats (cas de l’exposition à des cancérogènes avec l’absence d’effet seuil, influence de la variabilité biologique), du problème des comparaison à des valeurs de référence (soit du fait de leur absence, soit du fait de leur signification notamment lors de l’exposition à des cancérogènes ou des toxiques pour la repro- duction). Vers une meilleure intégration des aspects éthiques de la surveillance biologique : à propos d’une expérience québécoise C. CAUX (1) , D.J. ROY (2) , L. GUILBERT (3) , C. VIAU (1) (1) Université de Montréal, Canada. (2) Institut de recherches cliniques, Montréal, Canada. (3) Université Laval, Québec, Canada. Nos recherches ont pour objet d’approfondir la réflexion sur les aspects éthiques entourant l’utilisation des bioindicateurs dans le cadre de programmes de surveillance biologique et dans le cadre de recherches en santé au travail. Elles ont été développées suivant le constat que plusieurs de ces aspects sont mal définis ou encore méconnus dans la littérature scientifique sur ce sujet. En effet, plusieurs incertitudes subsistent concernant les définitions qui doivent être données aux principes éthiques tels que l’auto- nomie, la bienfaisance et la non-malfaisance, entre autres, prin- cipes autour desquels s’articulent les utilisations des bioindica- teurs. C’est pourquoi une spécification des principes éthiques s’avérait pertinente afin d’améliorer et de comprendre leur appli- cabilité dans un contexte de santé au travail. En vue de spécifier ces principes, nous avons réalisé des études du contexte d’utili- sation des bioindicateurs. Ce contexte a été inféré par le biais des représentations que se sont construites divers groupes d’intérêts impliqués dans ces utilisations. Premièrement, sept entretiens de groupes homogènes avec les groupes suivants (participants du Québec) : travailleurs, méde- cins, infirmières, chercheurs, employeurs, représentants syndi- caux et employés de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) ont été réalisés. Ces entretiens ont été analysés qualitativement par une technique de comparaison constante. Secondement, les résultats d’entrevues ont été présentés sous 170 EXAMENS COMPLÉMENTAIRES POUR LA BIOMÉTROLOGIE DE L’EXPOSITION AUX PRODUITS CHIMIQUES

Du bon usage de la biométrologie : les pièges à éviter et les limites à connaître

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Page 1: Du bon usage de la biométrologie : les pièges à éviter et les limites à connaître

ne ressort pas de l’enquête que cet usage soit lié au type de service(autonome ou interentreprises), ni à la durée d’exercice desmédecins du travail également répartie entre une et plus de quinzeannées.

L’usage des biomarqueurs concerne trois fois sur quatre dessubstances organiques. Les CMR, substances non organiques etorgano-métalliques comprises, concerneraient dans la même pro-portion moins de 10 % des effectifs. Cette part n’est cependanteffectivement chiffrée que par un peu plus d’un médecin dutravail sur deux. Plus de 70 % des médecins du travail interrogésn’ont pas d’appréciation sur la répercussion des dispositionsréglementaires CMR sur le recours aux biomarqueurs.

Sur le plan opérationnel :− de façon générale, les prélèvements sont assurés in situ.

Pour 40 % des services, il existerait une relation privilégiée, voireun conventionnement, avec un laboratoire d’analyse. Un médecindu travail sur trois estime cependant que les délais de réponsesont assez longs et plus d’un sur trois affirment n’avoir jamais puavoir de contact direct avec le laboratoire.

− bien que 65 % des services de santé au travail emploient desintervenants autres que les médecins du travail, un seul sur dixseulement dispose d’un référent interne en toxicologie.

− si deux médecins du travail sur trois connaissent Biotox, unseul sur deux seulement y a eu recours. Moins d’un médecin dutravail sur deux a recours à d’autres ressources, de proximité engénéral, confrères pour 18 %, manuels et publications courantes(de l’INRS en particulier) pour 17 % ; viennent ensuite les servi-ces universitaires (14 %) et Toxilabo (10 %). Peu de médecins dutravail (7 %) utilisent de façon régulière Internet pour leursrecherches.

Les réserves les plus citées à l’usage des biomarqueurs, sont :− le coût (pour 74 % des médecins du travail),− la réticence des employeurs (70 %),− l’absence de référent en toxicologie pouvant encadrer cette

activité (60 %),− les difficultés dans le prélèvement et l’acheminement des

échantillons (51 %) ou de façon générale la difficulté à accéder àun laboratoire compétent (42 %),

− enfin des aspects éthiques relatifs en particulier à l’accepta-bilité par les salariés (27 %) et l’interprétation des résultats auniveau individuel (42 %).

Parmi les besoins qui remontent, nous retenons, dans l’ordredécroissant :

− des formations complémentaires en toxicologie industrielle,− l’accès à un référent de proximité,− et le développement d’outils d’aide à la décision, en matière

d’indication du biomarqueur en fonction de l’exposition, d’inter-prétation du résultat, et d’indicateurs biologiques d’expositionsde référence.

En conclusion, ces résultats témoignent d’un usage peu cou-rant des biomarqueurs pour la surveillance médicale des tra-vailleurs. Les récentes dispositions réglementaires mentionnantl’intégration de l’absorption cutanée dans l’évaluation de l’expo-sition aux substances chimiques ne semblent pas avoir modifiésensiblement la tendance. Cette situation s’expliquerait par laformation insuffisante en toxicologie industrielle d’un grandnombre de médecins du travail que ne comblent pas les ressour-ces bibliographiques disponibles y compris sur le net, la raretéd’un encadrement ou d’un référent de proximité, la difficulté

d’accès à des circuits formalisés de prélèvements et d’analyses, etenfin des considérations éthiques liées à l’incertitude scientifiquequi caractérise un grand nombre de biomarqueurs.

Du bon usage de la biométrologie :les pièges à éviter et les limites à connaîtreP. HOET

Université de toxicologie industrielle et de médecine du travail,Bruxelles, Belgique.

A partir d’exemples concrets, présentation de l’importance de lafiabilité des analyses, de la difficulté de l’interprétation des résul-tats (cas de l’exposition à des cancérogènes avec l’absence d’effetseuil, influence de la variabilité biologique), du problème descomparaison à des valeurs de référence (soit du fait de leurabsence, soit du fait de leur signification notamment lors del’exposition à des cancérogènes ou des toxiques pour la repro-duction).

Vers une meilleure intégration des aspectséthiques de la surveillance biologique :à propos d’une expérience québécoiseC. CAUX (1), D.J. ROY (2), L. GUILBERT (3), C. VIAU (1)

(1) Université de Montréal, Canada.(2) Institut de recherches cliniques, Montréal, Canada.(3) Université Laval, Québec, Canada.

Nos recherches ont pour objet d’approfondir la réflexion sur lesaspects éthiques entourant l’utilisation des bioindicateurs dans lecadre de programmes de surveillance biologique et dans le cadrede recherches en santé au travail. Elles ont été développéessuivant le constat que plusieurs de ces aspects sont mal définis ouencore méconnus dans la littérature scientifique sur ce sujet. Eneffet, plusieurs incertitudes subsistent concernant les définitionsqui doivent être données aux principes éthiques tels que l’auto-nomie, la bienfaisance et la non-malfaisance, entre autres, prin-cipes autour desquels s’articulent les utilisations des bioindica-teurs. C’est pourquoi une spécification des principes éthiquess’avérait pertinente afin d’améliorer et de comprendre leur appli-cabilité dans un contexte de santé au travail. En vue de spécifierces principes, nous avons réalisé des études du contexte d’utili-sation des bioindicateurs. Ce contexte a été inféré par le biais desreprésentations que se sont construites divers groupes d’intérêtsimpliqués dans ces utilisations.

Premièrement, sept entretiens de groupes homogènes avec lesgroupes suivants (participants du Québec) : travailleurs, méde-cins, infirmières, chercheurs, employeurs, représentants syndi-caux et employés de la Commission de la santé et de la sécurité dutravail (CSST) ont été réalisés. Ces entretiens ont été analysésqualitativement par une technique de comparaison constante.Secondement, les résultats d’entrevues ont été présentés sous

170 EXAMENS COMPLÉMENTAIRES POUR LA BIOMÉTROLOGIE DE L’EXPOSITION AUX PRODUITS CHIMIQUES