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Droit de la concurrence vs droit d’auteur
Paul Van den Bulck
Avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles (associé Ulys)
Chargé de cours à l’Université R. Schuman (Strasbourg)
29 Mars 2007
Plan de l’exposé
I. Introduction
II. Article 82 du TCE : critères de l’abus de position dominante par la détention d’un droit d’auteur
III. Développements récents et questions particulières
IV. Conclusion
I. Introduction
A. Deux logiques apparemment contradictoires
B. Interrogations sous-jacentes à cette coexistence
A. Logiques contradictoires ?
Concurrence
Articles 81 et 82 TCE
Art. 3 (g) TCE
Droit d’auteur
Cas « Phil Collins »
L' objet spécifique des droits d’auteur est “d' assurer la protection des droits moraux et économiques de leurs titulaires”
Concurrence
Objectif : garder les marchés ouverts
Droit d’auteur
Exclusivité
Territorialité
Abus possibles
MAIS : favorise la créativité et l’innovation technologique (donc la concurrence !)
Caractéristiques communes
Droit d’auteur et libre concurrence ont en commun de promouvoir l’innovation et « la satisfaction des consommateurs (jusqu’à un certain point)»
Objectifs pas toujours opposés
B. Interrogations sous-jacentes à cette
coexistence L’exercice d’un droit d’auteur peut-il :
- être constitutif d’un abus de position dominante au sens de l’art. 82 TCE ?
- être limité car = une entente contraire à l’article 81 du TCE ?
exemples : refus d’accorder une licence ; refus de permettre l’accès à une technologie
Si oui :
- dans quelles conditions ?- dans quelle mesure le droit de la concurrence peut-il
limiter l’exercice d’un droit d’auteur ?
III. L’article 82 du TCE
A. Théorie des facilités essentielles:
point de départ et évolution nécessaire
B. Jurisprudence : élaboration des critères
d’application de la théorie des facilités
essentielles et configuration en matière de
droit d’auteur
C. Développements jurisprudentiels récents
A. Théorie des facilités essentielles : point de départ … et évolution nécessaire
But : définir dans quelles situations la détention d’un droit d’auteur est constitutif d’abus de position dominante au sens de l’article 82 TCE
Idée : quand l’accès à une ressource est essentiel pour pouvoir opérer sur un marché, le propriétaire de cette ressource peut être obligé de garantir l’accès à celle-ci (propriété matérielle/propriété intellectuelle).
Question : dans quelle mesure cette théorie interdit-elle au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle d’exercer son droit, au nom de la liberté de concurrence ? Dans quelle mesure peut-il être obligé de concéder une licence ?
Donc : critères pour déterminer si exercice d’un droit d’auteur est constitutif d’abus de position dominante> jurisprudence
1. Introduction
2. Principes
3. Elaboration des critères du test des « circonstances exceptionnelles »
4. Synthèse : évolution de la jurisprudence
B. Jurisprudence : élaboration des critères de la théorie des facilités essentielles
1. Introduction
• Affaires VOLVO et RENAULT
• MAGILL
• BRONNER (hors PI)
• IMS HEALTH
Evolution interopérabilité :
• MICROSOFT
• APPLE
2. Principes > VOLVO et MAGILL
Principe : refus d’accorder une licence ≠ en soi constitutif d’un abus de position dominante (même si c’est le fait d’une entreprise en position dominante)
MAIS : peut être constitutif d’un abus de position dominante, dans des circonstances exceptionnelles.
Circonstances exceptionnelles dépendent d’une série de critères
3. Test des « circonstances exceptionnelles » critères
4 conditions CUMULATIVES:
a. produit protégé par le droit d’auteur doit être indispensable pour concourir sur le marché dérivé
b. refus n’est pas objectivement justifié
c. refus exclut toute concurrence sur un marché dérivé
d. refus empêche l’apparition de nouveaux produits sur le marché, et pour lesquels il y a une demande potentielle des consommateurs
a. Caractère indispensable de la ressource pour concourir sur le marché dérivé
• Caractère indispensable de la « facilité » : pas d’alternative économiquement viable, donc :
- pas interchangeable- ou interchangeable mais à un coût
déraisonnable
Application : cass. Com., 12 juillet 2005
• ≠ entre marché principal et marché dérivé > Oscar BRONNER (service de portage/vente de quotidien)
Caractère indispensable de la ressource : notion de marché dérivé
• Jurisprudence : Oscar Bronner, IMS Health
• IMS Health :
interprétation extensive de la notion : la seule existence d’un marché hypothétique suffit
b. Pas objectivement justifié
• Refus doit être motivé par des données objectives (parent pauvre du test/ « objet spécifique du droit d’auteur » /preuve de l’impossible ?)
• DONC : Abus sanctionne comportements guidés par l’intention de nuire (d’exclure)
c. Exclusion de la concurrence sur un marché dérivé
• Critère impliquant l’existence d’un monopole de fait total, d’un « blocus » sur un marché dérivant du premier
• Exemples : 1. MAGIL (programmes/hebdo)
2. IMS Health (structure/étude)
Exclusion de la concurrence : exemples
1. MAGILL :
- Marché principal : programmes de télévision
- Marché dérivé : publications hebdomadaires
des grilles de programme
Décision : critère rempli : monopole exercé par MAGILL exclut la concurrence sur le marché dérivé
2. IMS Health
- Marché principal : structures protégées par le droit d’auteur (monopole de IMS Health)
- Marché dérivé : vente des études
Décision : critère rempli même dans le cas où un marché est hypothétique
d. Obstacles à l’apparition de produits nouveaux
• Produits : - nouveaux
- il doit exister une demande potentielle des consommateurs
• Critère = Intérêt des consommateurs (vs droits d’auteur)
• > MAGILL
Obstacles à l’apparition de produits nouveaux : application
• IMS Health :
- si produit ≠ nouveau pas d’abus de position dominante
- En l’occurrence : concerne un produit qui existait déjà
4. Synthèse : évolution de la jurisprudence
1. VOLVO : pose le principe : le refus de concéder une licence peut être constitutif d’un abus de position dominante dans des « circonstances exceptionnelles »
2. MAGILL : première application du « test des circonstances exceptionnelles »3 conditions :
- empêche la concurrence sur un marché dérivé
- absence de justification objective- obstacle à l’apparition d’un produit
nouveau
Synthèse : évolution de la jurisprudence
3. BRONNER - ajout d’une condition : caractère indispensable de la
ressource
- précision : caractère indispensable s’apprécie en fonction de la possibilité d’offrir une alternative économiquement viable
4. IMS Health
- synthèse
- reprend les principes de Volvo et Magill, d’une part, et Bronner,
d’autre part
- précise que les conditions sont cumulatives (confirmé par la jurisprudence ultérieure, entre autres l’affaire LADBROKE)
- précise la condition du « marché dérivé » : un marché potentiel ou hypothétique suffit
C. Développements récents et questions particulières
1. Microsoft
2. Virgin Mega c/ Apple
3. Cass. Com, 12 juillet 2005
1. Microsoft (Commission, 24 mars 2004)
a. Problématique : interopérabilité notion d’effets de
réseau
b. Faits :
Marché des systèmes d’exploitation pour serveurs
Sun microsystems reproche à Microsoft de ne pas divulguer l’information permettant l’interopérabilité de ses produits (systèmes d’exploitation serveur) avec les systèmes d’exploitation Windows pour PC
Microsoft
1. Caractère indispensable de l’information sur l’interopérabilité : oui car Microsoft a une position qui lui permet de déterminer seul les standards relatifs à l’interopérabilité
2. Elimination progressive de la concurrence sur marché distinct (PC windows/serveurs) mais aussi même marché (serveurs windows/serveurs)
3. Impact sur l’innovation (// produit nouveau ? Facilités essentielles v. circonstances exceptionnelles)
4. Absence de justification objective
Microsoft
Critère de l’impact sur l’innovation :
• Critère nouveau
• Les consommateurs ne choisissent plus les systèmes d’exploitation des serveurs pour leurs qualités intrinsèques mais parce qu’ils sont ou non compatible
DONC consommateurs choisissent ceux de Microsoft
2. Virgin Mega c/ Apple (Cons. Conc., 9 nov. 2004)
a. Problématique : interopérabilité (dans l’intérêt des consommateurs) c/ droits d’auteur
b. Faits :
- Mise en place par Apple d’un DRM Fair play sur ses
produits et services (ex : site de vente de musique)
- Implique incompatibilité de ses services avec des
baladeurs numériques autre que ceux produits par Apple
- Refus d’Apple de concéder une licence sur son DRM
- Saisine du conseil de la concurrence par Virgin Mega
Virgin mega c/ Apple
b. Décision
- Selon Virgin Mega :
- DRM FairPlay est une facilité essentielle
- l’absence d’interopérabilité empêche le
développement de sites de ventes de
musique en ligne concurrentes
Virgin Mega c/ Apple
- Décision du conseil :
- Rappel : le choix de l’absence d’interopérabilité ≠ en soi constitutif d’abus de position dominante
- Application des critères :
1. Caractère indispensable de la ressource
2. Elimination de la concurrence
3. Raison objective : régulières mises à jour de la technologie de Fairplay (garantie pour majors)
4. Pas de nouveau produit
Virgin Mega c/ Apple
1. Caractère indispensable de la ressource pour développement des plates formes de téléchargement ?
- signifie qu’il n’y a pas de substituts réels ou potentiellement réalistes à cette ressource
- en l’occurrence : existence de possibilités de contournement des DRM
- Conclusion du conseil : ressource pas indispensable car existence de substituts
Question : légalité des contournements ?
Virgin Mega c/ Apple
2. Elimination de la concurrence sur un marché dérivé ?
Décision du conseil : NON
car l’essentiel des usages de musique téléchargée ne consiste pas dans l’écoute sur baladeur numérique, mais sur ordinateur
3. Cass. Com., 12 juillet 2005
a. Problématique : cas du code source d’un logiciel en tant que facilité essentielle
b. Faits - marché de la distribution de la presse au numéro
- société NMPP refuse accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000 à société MLP
- logiciel utile pour le suivi de la distribution de la presse par les marchands de journaux
Cass. Com., 12 juillet 2005
c. Décision
Application du critère du caractère indispensable de la ressource :
La théorie des facilités essentielles ne peut justifier l’accès à un logiciel que :
- si l’accès au logiciel est indispensable à l’exercice de l’activité en cause
- s’il est prouvé qu’il est impossible de concevoir matériellement et financièrement un logiciel équivalent
Cass. Com., 12 juillet 2005
d. Conclusion
- La Cour considère qu’il n’y a pas abus de position dominante
- Encadrement strict de la théorie des facilités essentielles
- produit doit pouvoir être substitué à des conditions économiquement viables
MAIS conditions moins avantageuses n’impliquent pas abus de position dominante
Conclusion Générale
Paul Van den Bulck
Avocat Associé Cabinet Ulys Chargé d'enseignement à l’Université R. Schuman de Strasbourg
Questions&Réponses