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DOSSIER THÉMATIQUE

DOSSIER THÉMATIQUE · 2019. 7. 24. · Pour lui, l’architecture gothique s’impose, contrairement aux idées reçues du siècle précédent, par la rationalité de ses éléments

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  • DOSSIER THÉMATIQUE

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    INTRODUCTION

    Lorsqu’en 1857, l’architecte Eugène Viollet-le-Duc entreprend à la demande de Napoléon III la reconstruction du château de Pierrefonds, les monuments du Moyen Âge en France sortent d’une longue période de déshérence. Méprisés par les chantres d’un art « classique », vandalisés pour des raisons politiques à la Révolution, laissés à l’abandon et promis à la ruine, ils connaissent un regain d’intérêt dans la première moitié du XIXe siècle, lié au courant romantique amoureux du Moyen Âge et à l’émergence d’une conscience patrimoniale en France. Viollet-le-Duc, héritier et acteur majeur de ce changement de regard, consacra au Moyen Âge des ouvrages d’ambition encyclopédique et restaura de très nombreux monuments sous l’égide de la commission des monuments historiques, née dans les années 1830.

    La sensibilité romantique se mêle chez lui à une extrême rigueur analytique et archéologique. Il met son érudition hors norme au service de restaurations de chefs-d’œuvre de l’architecture médiévale, comme la cathédrale Notre-Dame de Paris ou le château de Pierrefonds. Sa démarche, parfois critiquée pour un interventionnisme jugé excessif, permit de sauver de nombreux édifices de la ruine et de porter un regard nouveau sur l’architecture médiévale.

    QU’EST-CE QUE LE « PATRIMOINE » ?

    Le terme patrimoine tire son origine du mot latin patrimonium qui signifie « se souvenir des biens hérités du père (pater) ».

    Au sens propre, le patrimoine concerne, d’une manière générale :

    - « l’ensemble des biens que l’on hérite de ses ascendants ou que l’on constitue pour le transmettre à ses descendants »1.

    - « l’ensemble des biens hérités du père et de la mère ; l’ensemble des biens de famille » (Larousse).

    Au sens figuré, le patrimoine a une acception plus large et concerne « ce qui est transmis à une personne, une collectivité, par les ancêtres, les générations précédentes, et qui est considéré comme un héritage commun ».

    En France, c’est dans les années qui suivirent la Révolution française et les actes de destruction qui l’accompagnèrent qu’émergea la conscience de la nécessité de sauvegarder les œuvres artistiques témoins du passé, au-delà d’un jugement esthétique ou d’ordre politique sur leur contexte de production.

    Annexe chronologique La notion de patrimoine de la Révolution à nos jours.

    1Dictionnaire de l’Académie française (9e édition). Version informatisée.

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    1. LE MOYEN AGE REDÉCOUVERT

    UNE PERIODE MAL AIMÉE…

    Le XVIIIe siècle, siècle des Lumières, fait peu de cas du Moyen Âge. Cette période, qui commence à la fin de l’Antiquité (Ve siècle) et se termine à la Renaissance (vers 1500), a en effet été longtemps dépréciée et considérée comme un temps obscur, dénué d’intérêt. On laisse les édifices médiévaux s’écrouler ou on les reconstruit dans un style néo-classique qui s’accorde mieux que le style gothique à l’esprit rationaliste des Lumières. Pour la plupart, le Moyen Âge est alors synonyme d’irrationnel et de superstition. À la Révolution, les édifices du Moyen Âge sont souvent pillés, détruits. Quelques voix cependant s’élèvent pour dénoncer cet état de fait.

    L’architecte Eugène Viollet-le-Duc1, dans son opuscule Du style gothique au XIXe siècle, rapporte ainsi pour les dénoncer les arguments de ceux qui, comme Quatremère de Quincy, méprisent l’architecture médiévale :

    « M. Quatremère de Quincy2 dans son Dictionnaire historique d’Architecture : « Il serait inutile de chercher ce qu’il faut appeler un système de production dans l’architecture gothique, qui, en fait d’ordonnance, de formes, de détails et d’ornement, ne fit qu’une compilation incohérente de tout ce qui lui avait pu transmettre le goût dégénéré du Bas-Empire. » Et plus loin : «Or voilà ce que nous présente, avec surcroit de désordre et d’insignifiance, l’architecture gothique, héritière de tous les abus, de tous les mélanges opérés dans les âges de la décadence….. Ce qui paraît avoir exigé des architectes gothiques le plus de science, je veux parler des voûtes, ne comporta, comme on le montrera tout à l’heure, qu’une intelligence fort ordinaire. » […] « Le genre de bâtisse (dit-il) auquel on donne le nom de gothique, naquit de tant d’éléments hétérogènes, et prit naissance dans des temps d’une telle confusion, d’une telle ignorance, que l’extrême diversité de formes, inspirées par le seul caprice, empêcha tout vrai système de proportion de s’introduire dans une architecture qui n’exprime réellement à l’esprit, par le mélange d’éléments qui la constituent, que l’idée du désordre. » L’Académie ne juge pas dans ses Considérations le gothique d’une manière aussi sévère ; cependant, si nous l’en croyons, l’architecture du XIIIe siècle est un art qu’il est impossible « de justifier par les lois du goût ; qui ne présente à l’œil aucun système de proportion. Tout y est capricieux et arbitraire dans l’invention comme dans l’emploi des ornements, et la profusion de ces ornements à la façade de ces églises, comparée à leur absence complète à l’intérieur, est un défaut choquant et un contre-sens véritable ».

    1

    Architecte français (1814-1879), connu pour ses écrits théoriques sur l’architecture et ses travaux de restauration d’édifices

    médiévaux, comme la basilique de Vézelay, le château de Pierrefonds ou encore Notre-Dame de Paris.

    2

    Quatremère de Quincy (1755-1849) est un archéologue, critique d’art et homme politique français.

    François Bonneville, Portrait de

    Quatremère de Quincy, 1787

    Nadar, Portrait d’Eugène

    Viollet-le-Duc, 1878

    PISTE PEDAGOGIQUE : Quels sont les principaux arguments de la critique de l’architecture gothique ? Relever les termes indiquant le mépris de l’auteur pour ce dont il parle.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Eugene_viollet_le_duc.jpg

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    … PUIS ADULÉE

    Pourtant, au XIXe siècle, s’il est une époque que les hommes et les artistes redécouvrent et admirent, c’est bien le Moyen Âge. Nombreux sont les architectes, écrivains, artistes qui sont séduits par l’imaginaire et les vestiges de cette période : les chevaliers, les châteaux forts, les cathédrales, l’imaginaire médiéval fascinent et inspirent. De plus, contrairement à l’art grec ou romain de l’Antiquité ou à l’art italien, l’art gothique est considéré comme un art véritablement

    français, davantage adapté à l’esprit de la nation et qui illustre sa grandeur passée.

    En littérature, de nombreux auteurs s’inspirent du Moyen Âge et contribuent à sa nouvelle fortune : parmi eux, Victor Hugo qui publia son roman Notre-Dame de Paris en 1831. Dans le domaine des arts visuels, Gustave Doré, plus connu pour son œuvre d’illustrateur ou le sculpteur Eugène Frémiet participent de ce renouveau.

    Outil d’exploitation n°1

    Visions du Moyen Âge au XIXe siècle

    VISIONS ROMANTIQUES DU MOYEN AGE

    En 1820 est publié le premier des vingt-trois volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’Ancienne France du baron Taylor et de Charles Nodier, qui recensent par région les richesses du patrimoine architectural et naturel français. De nombreux dessinateurs et graveurs apportent leur concours à la publication, qui s’achève en 1878. Après les destructions perpétrées sur les monuments liés à l’Ancien Régime, les auteurs cherchent par cette gigantesque entreprise éditoriale à sauvegarder et promouvoir la mémoire du patrimoine français. À travers les multiples illustrations, on voit émerger une vision romantique du patrimoine médiéval. Les motifs récurrents de la ruine, de la nature tourmentée, le mystère de certaines planches souvent agrémentées de scènes de genre nourrissent l’imaginaire collectif et l’intérêt pour ce patrimoine jusqu’alors délaissé.

    Eugène Viollet-le-Duc, Planche extraite des

    Voyages pittoresques et romantiques dans

    l’ancienne France de Charles Nodier,

    1820-1876, Château de Coucy

    Gustave Doré, Illustration pour Notre-Dame de Paris,

    La cour des miracles, vers 1860

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    Ce regain d’intérêt se manifeste dans tous les domaines : en littérature, avec des romans d’inspiration néo-gothique ; dans les arts plastiques, où les sujets issus de la culture littéraire médiévale fleurissent ; en architecture et dans les arts décoratifs, où l’on assiste à un retour en vogue des formes du Moyen Âge, reprises dans le style dit « troubadour » ou néo-médiéval au début du XIXe siècle. Le Moyen Âge apparaît comme une période propice au rêve, au mystère et à l’irrationnel, comme le règne du cœur, de la foi et de l’héroïsme chevaleresque.

    C’est le cas par exemple dans le célèbre tableau d’Ingres Paolo et Francesca, inspiré de la Divine Comédie de Dante.

    2. VIOLLET-LE-DUC ET LE MOYEN AGE REVISITÉ

    C’est au XIXe siècle, après les destructions massives dues à la Révolution française et à la Terreur, que l’on prend conscience de l’importance de conserver ces monuments témoins de l’histoire et de l’architecture médiévales et de les protéger des agressions des hommes et du temps. Naissent alors les premières institutions en France chargées de protéger des monuments et des œuvres d’art. Des hommes ont pour mission de les recenser et de les restaurer. Parmi eux, Prosper Mérimée ou Eugène Viollet-le-Duc, qui restaura de très nombreux monuments et les sauva de la destruction : parmi les plus célèbres, la basilique de Vézelay, la cité médiévale de Carcassonne, la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle, la cathédrale d’Amiens ou le château de Pierrefonds.

    VIOLLET-LE-DUC ET LA PASSION DE L’ANALYSE

    Loin de se complaire dans une contemplation rêveuse et poétique de la ruine médiévale, Viollet-le-Duc s’attache à l’analyser, à comprendre ses formes, les fonctions de chacun des éléments qui restent offerts à notre regard pour imaginer ce que devait être l’ensemble dans le dessein de l’architecte (ou à la suite des différentes interventions sur le monument). Face à un édifice ou à tout autre objet, sa démarche est rigoureuse. Par le dessin, il dissèque la réalité et analyse les raisons des formes, les structures, tâche de comprendre la logique d’un édifice, d’un corps, d’un artefact ou d’un paysage. « Voir, c’est savoir. Dessiner, c’est bien voir », écrit-il dans son ouvrage didactique Histoire d’un dessinateur, comment on apprend à dessiner. Il y recommande encore ceci :

    « Quand tu vois une chose, un meuble, un outil, une maison, il faut te demander comment cette chose s'est faite, avec quoi et pourquoi, et tâcher par toi-même de le deviner, ou, si tu ne peux le deviner, demander à ceux qui le savent. Quand tu vois une bête, petite ou grosse, un insecte, un oiseau, un mouton, un cheval, il faut te demander comment ces animaux s’y prennent pour marcher, pour se défendre, pour se nourrir, pour voler. Quand tu vois une

    Outils d’exploitation « Visions du Moyen Âge au XIXe siècle »

    Jean-Auguste-Dominique Ingres, Paolo et Francesca, 1819,

    Angers, Musée des Beaux-Arts

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    plante, il faut te demander comment elle sort de terre, comment elle pousse, bien regarder comme s’attachent les feuilles, les fleurs et les fruits. »

    Ainsi, avant de travailler à une restauration, Viollet-le-Duc pratique des relevés, il dessine, décrit le plus précisément possible et étudie rigoureusement le monument et chacun de ses éléments dont il cherche à comprendre la fonction et le pourquoi de la forme. Pour lui, l’architecture gothique s’impose, contrairement aux idées reçues du siècle précédent, par la rationalité de ses éléments et sa fonctionnalité, qu’il cherche à assimiler par l’exercice du dessin. « Dans les constructions du Moyen Âge, tout membre agit », écrit-il dans son Dictionnaire d’architecture.

    LES INVENTIONS DE VIOLLET-LE-DUC

    Si la réinterprétation de l’architecture médiévale par Viollet-le-Duc est rigoureuse et fondée sur l’observation et l’étude, ses restaurations n’en déploient pas moins une extraordinaire invention, tant dans les procédés constructifs que dans l’ameublement et les décors sculptés et peints. L’architecte s’appuie sur ses relevés, mais aussi sur les connaissances qu’il a acquises par l’observation d’autres monuments de la même époque et du même style pour restaurer, sur la feuille et à l’échelle, un monument partiellement détruit dans ses moindres détails. Pour y parvenir, il supplée l’inconnu par des inventions «plausibles», fruits de son imagination et de son intime connaissance des monuments et œuvres du passé.

    Eugène Viollet-le-Duc, Étude du château de Pierrefonds, 1866

    La Stryge, chimère de la cathédrale

    Notre-Dame de Paris inventée par

    Viollet-le-Duc

    http://ndparis.free.fr/notredamedeparis/menus/paris_notredame_gargouilles.html

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    Ainsi, au château de Pierrefonds, Viollet-le-Duc crée sur le modèle de la grande salle du château voisin des sires de Coucy une salle d’apparat somptueusement décorée sur un thème quasi inédit, celui des Preuses (qui fait pendant aux Preux de Coucy). De même, à Notre-Dame de Paris, l’architecte décide de créer de toutes pièces une galerie de chimères sur le modèle d’autres cathédrales comme celle d’Amiens.

    Il déploie dans ces ajouts, qui contribuent à restituer aux yeux des contemporains l’esprit médiéval, un esprit d’invention et une fantaisie qui participent grandement à la popularité des monuments restaurés. La vision du Moyen Âge livrée par l’architecte est donc ambiguë. À la fois rigoureuse et inventive, elle a permis de mieux comprendre l’architecture médiévale, ses formes, son esprit, sa logique, mais a aussi parfois accentué sa force expressive pour l’édification et l’émerveillement du visiteur, s’attirant certaines critiques. D’autres déplorent un interventionnisme qu’ils jugent excessif.

    Voici par exemple ce qu’écrit Anatole France dans son œuvre de 1899 intitulée Pierre Nozière :

    « À ma gauche se dresse la grande figure de pierre du château de Pierrefonds. À vrai dire, le

    château de Pierrefonds n’est aujourd’hui qu’un énorme joujou. […]

    Vraiment il y a trop de pierres neuves à Pierrefonds. Je suis persuadé que la restauration

    entreprise en 1858 par Viollet-le-Duc et terminée sur ses plans, est suffisamment étudiée. Je

    suis persuadé que le donjon, le château et toutes les défenses extérieures ont repris leur

    aspect primitif. Mais enfin les vieilles pierres, les vieux témoins, ne sont plus là, et ce n’est

    plus le château de Louis d’Orléans ; c’est la représentation en relief et de grandeur naturelle

    de ce manoir. Et l’on a détruit des ruines, ce qui est une manière de vandalisme. »

    En Angleterre, John Ruskin remet en question le principe même de restauration dans Les Sept

    lampes de l’architecture (1849), allant jusqu’à écrire que « la restauration signifie la destruction

    la plus complète que puisse souffrir un édifice ».

    Vue de la Salle des Preuses du château de Pierrefonds,

    imaginée par Eugène Viollet-le-Duc

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    3. VIOLLET-LE-DUC A PIERREFONDS

    VERS UNE RESTAURATION TOTALE

    Réalisée par étapes entre 1857 et 1885, la restauration du château de Pierrefonds n’a jamais suivi un programme préalable bien défini.

    Le projet initial est de faire une reconstruction partielle de l’édifice : le donjon doit être restauré pour devenir une résidence princière de Napoléon III, tandis que le reste des ruines doivent être simplement stabilisées. Voici ce que Viollet-le-Duc écrit à l’empereur en 1858 : « Je pense avoir rempli les instructions de sa majesté en ne m'occupant que du donjon et en laissant tout le reste en ruines. Si l'on restaurait le tout, l'ensemble serait assez triste tandis qu'au contraire la réédification du donjon au milieu de ruines pittoresques pourra en faire une habitation fort agréable. »

    Eugène Viollet-le-Duc, Vue cavalière du château de Pierrefonds en cours de restauration, 1858

    Mais ce projet de résidence princière est revu au profit de la création d’un lieu de réception et de visite prestigieux : le projet évolue progressivement de la restauration partielle à la restauration complète de l’ensemble de l’édifice, qui devient un lieu de plaisance prestigieux proche du palais impérial de Compiègne, où Napoléon III organise de nombreuses festivités (les « Séries »).

    Hippolyte Flandrin, Portrait de

    Napoléon III, 1861

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    La première partie restaurée est le donjon. Puis Viollet-le-Duc restaure progressivement les autres parties du château, qui devient lieu d’étude et un manifeste de l’architecture et de l’art français du Moyen Âge.

    Voici ce qu’il écrit dans la Description du château de Pierrefonds, rédigée en 1861 :

    « L’Empereur a reconnu l’importance des ruines de Pierrefonds au point de vue de l’histoire et de l’art. Le donjon et presque toutes les défenses extérieures reprennent leur aspect primitif ; ainsi nous pourrons voir bientôt le plus beau spécimen de l’architecture féodale du XV

    e siècle en France renaître par la volonté auguste du souverain. Nous n’avons que trop de ruines dans notre pays, et les ruines ne donnent guère l’idée de ce qu’étaient ces habitations des grands seigneurs les plus éclairés du Moyen Âge, amis des arts et des lettres, possesseurs de richesses immenses. Le château de Pierrefonds, rétabli en totalité, fera connaître cet art à la fois civil et militaire, qui, de Charles V à Louis XI, était supérieur à tout ce que l’on faisait alors en Europe. C’est dans l’art féodal du XVe siècle en France, développé sous l’inspiration des Valois, que l’on trouve en germe toutes les splendeurs de la Renaissance, bien plus que dans l’imitation des arts italiens. »

    Le souhait de l’architecte est de rétablir, par la reconstruction du château, un témoignage de l’histoire et de l’architecture française au début du XVe siècle. En effet, représentatif de la dernière phase de la fortification avant la diffusion de l’artillerie, le château de Pierrefonds est pour Eugène Viollet-le-Duc l’aboutissement de l’art de l’architecture militaire du Moyen Âge. Pour l’architecte, il est également exemplaire d’une période de transition entre la période féodale et la Renaissance.

    Le projet a ainsi évolué dans un sens pédagogique de la résidence impériale occasionnelle vers un musée de l’architecture du Moyen Âge.

    Le programme de restauration, voire de réinvention, va se poursuivre après la mort de Viollet-le-Duc en 1879, jusqu’en 1884.

    Photographies montrant le château avant et après restauration

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    LA MODERNITE DU PROJET DU MOYEN AGE AU XIXE SIECLE

    Viollet-le-Duc ne se contente pas de reconstruire des pans de maçonnerie subsistants. Il se livre, fidèle à ses principes, à un véritable travail de restitution et de reconstruction, et fait preuve d’esprit d’innovation en utilisant les ressources de son temps.

    Si l’apparence est médiévale, les procédés constructifs sont ceux du XIXe siècle : pour reconstruire ce chef-d’œuvre de la fin du XIVe siècle, Viollet-le-Duc s’assure la collaboration d’artisans et d’artistes contemporains comme la plomberie d’art Monduit ou le sculpteur Emmanuel Frémiet.

    Viollet-le-Duc généralise l’usage du métal, qui est omniprésent dans le château : il construit pour la première fois à Pierrefonds des charpentes métalliques, consolide la maçonnerie par un système de chaînages*, reconstitue des descentes d’eau en plomb, renforce les planchers au moyen de poutres armées et munit les toitures d’ardoises d’accroches en cuivre. La plomberie Monduit réalise des décorations de toits en plomb, qui font aussi office de paratonnerres. Enfin, l’architecte équipe le château d’un système de chauffage central en intégrant aux anciennes cheminées des calorifères*.

    Soucieux de réaliser une restauration pérenne, la leçon d’architecture livrée par Viollet-le-Duc repose donc sur la mise en œuvre des matériaux les plus performants et économiques possibles, notamment le fer, au service d’une forme ou d’une apparence extérieure médiévale.

    Pour la décoration intérieure, l’architecte utilise la technique du poncif* et la peinture à la détrempe*. Il imagine également un mobilier d’inspiration néo-médiévale. La démarche totale mise en œuvre par Viollet-le-Duc à Pierrefonds et certains aspects formels de son mobilier en font un précurseur de l’Art nouveau.

    Calorifère : appareil produisant de l'air chaud, ancêtre du radiateur.

    Chaînage : élément métallique intégré dans une maçonnerie afin de la consolider.

    Peinture à la détrempe : procédé de peinture dominant avant la peinture à l’huile, où les pigments colorés broyés avec de l'eau sont ensuite mélangés avec un liant comme la colle de peau ou la gomme. Ces peintures sont ensuite appliquées à sec sur les murs

    revêtus d’un enduit.

    Poncif : modèle, dessin ou estampe, en papier ou en carton, destiné à être reproduit sur un autre support. On applique sur un

    support vierge (toile, mur) le poncif, percé de piqûres faites sur le tracé du dessin. Celles-ci sont destinées à laisser passer la

    poudre, craie ou noir de fumée, déposée par la ponce. Ainsi le tracé du dessin est reproduit schématiquement, en pointillé, sur le

    support. Cette technique était très utilisée au Moyen Âge, notamment pour l'exécution des peintures murales et la décoration en

    série des manuscrits.

    Emmanuel Fremiet, Statue équestre de

    Louis d’Orléans

    Exemple de décoration de toit en plomb

    Charpente métallique,

    Tour Charlemagne

    PISTE PEDAGOGIQUE

    Dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVI

    e siècle, article « Restauration »,

    Viollet-le-Duc écrit : « Dans les restaurations, il est une condition dominante qu'il faut toujours avoir présente à l'esprit. C'est de ne substituer à toute partie enlevée que des matériaux meilleurs et des moyens plus énergiques ou plus parfaits. Il faut que l'édifice restauré ait passé pour l'avenir, par suite de l’opération à laquelle on l'a soumise, un bail plus long que celui déjà écoulé».

    Citez trois éléments de la restauration de Pierrefonds qui illustrent cette citation de Viollet-le-Duc.

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    LE PARTI PRIS DE VIOLLET-LE-DUC :

    ENTRE ARCHEOLOGIE, PEDAGOGIE ET INVENTION

    La restauration entreprise est œuvre d’architecture, mais aussi de pédagogie.

    Viollet-le-Duc inaugure par ses écrits la méthode de travail des Monuments historiques fondée sur les études préalables et les dossiers documentaires. Il met aussi à la disposition du grand public de nombreux outils d’étude sur l’histoire de l’architecture et les arts du Moyen Âge.

    Le projet de restauration du château de Pierrefonds est ainsi comme bien d’autres expliqué et décortiqué dans de nombreux articles de ses Dictionnaires (Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle ; Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carolingienne à la Renaissance) et fait même l’objet d’un ouvrage illustré rédigé en 1861, intitulé Description du château de Pierrefonds.

    De la même façon, Viollet-le-Duc s’attache dans sa restauration et dans l’élaboration des décors et les reconstitutions des pièces à instruire le visiteur sur l’histoire passée du monument et son contexte. La frise décorative de l’histoire du chevalier dans la chambre de l’Empereur peut ainsi apparaître comme un petit manuel illustré des codes courtois, tandis que la cour intérieure du château illustre l’évolution de l’architecture française de l’époque gothique à la Renaissance. La galerie couverte de l’aile des Preuses peut rappeler, par exemple, l’architecture du château de Blois.

    Par son architecture, son décor et les publications qui l’accompagnent, le château de Pierrefonds s’impose donc comme une véritable leçon d’architecture, au service de l’exaltation d’un passé national.

    Pour aller plus loin

    Retrouvez les autres ressources pédagogiques en cliquant ici

    Pour en savoir plus, découvrir d’autres sites et d’autres ressources pédagogiques, rendez-vous sur

    http://action-educative.monuments-nationaux.fr

    Pour retrouver de nombreuses informations sur le Château de Pierrefonds et sa restauration par Viollet-le-Duc,

    rendez-vous sur http://classes.bnf.fr/passerelles/batiments/pierrefonds_planche.php

    Eugène Viollet-le-Duc, Description du

    château de Pierrefonds, illustration du

    système défensif des tours.

    Cour intérieure du château de Pierrefonds

    Outil d’exploitation n°2

    Itinéraire d’un chevalier, la frise de la chambre de l’empereur

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    CMN_DossierThema_Pierrefonds_DEF_0315.pdfDossier thématique n°1 Le château de Pierrefonds et Viollet-le-Duc un Moyen Age rêvé

    Titre du dossier thématique: Pierrefonds et Viollet-le-Ducà la recherche du Moyen Age