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DISSIPATION DE LA HOULE SOUS L’ACTION DU CISAILLEMENT INDUIT DE L’ECOULEMENT ATMOSPHERIQUE SWELL DISSIPATION BY INDUCED ATMOSPHERIC SHEAR STRESS M. CATHELAIN*, Y. PERIGNON*, P.E. GUILLERM*, P. FERRANT* * ´ Ecole Centrale de Nantes Laboratoire de recherche en Hydrodynamique, ´ Energ´ etique et Environnement Atmosph´ erique UMR CNRS 6598 [email protected] esum´ e Cet article pr´ esente un r´ esum´ e de l’´ etude de la r´ etroaction du for¸cage par une houle id´ eale sur un ´ ecoulement atmosph´ erique au repos et le calcul du coefficient de dissipation visqueuse de l’´ ecoulement atmosph´ erique induit par cette houle. Plusieurs amplitudes de houle ont ´ et´ e test´ ees, correspondant ` a des ´ ecoulements laminaires et turbulents. Cette erie de simulations a ´ et´ e r´ ealis´ ee en RANS avec un mod` ele de loi de paroi type low- Reynolds. En laminaire, le coefficient de dissipation visqueuse tend vers une expression analytique, le coefficient de Dore, calcul´ e` a partir du travail du cisaillement moyenn´ e sur une longueur d’onde, tandis qu’en r´ egime turbulent, il surestime de 3.8 ` a 8.4% ce coefficient. Un param´ etrage de cette augmentation est exprim´ e en fonction du coefficient de Dore : pour le cas le plus turbulent, l’augmentation atteint moins de 3.5 μ Dore ce qui correspond ` a une distance caract´ eristique d’att´ enuation 1de 20 000 km pour une houle oc´ eanique. Summary The aim of this study is to examine the properties of the viscous air-sea boundary layer driven by an idealized swell in order to characterize the induced atmospheric flow regime and its associated viscous dissipation over swell. A set of numerical experiments was conducted in CFD with a RANS numerical model. Under laminar conditions, work of shear flow is close to the analytical expression by Dore, corresponding to the mean work of the viscous stress normalized by the power of the underlying wave under the assumption of low steepness for the ongoing swell, whereas the transition to the full development of turbulence shows an increase in work of the shear stress. A parametrization of this increase is deduced in term of viscous decay coefficient computed from the average work of the shear over a wavelength. 1

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DISSIPATION DE LA HOULE SOUS L’ACTION DUCISAILLEMENT INDUIT DE L’ECOULEMENT

ATMOSPHERIQUE

SWELL DISSIPATION BY INDUCED ATMOSPHERICSHEAR STRESS

M. CATHELAIN*, Y. PERIGNON*, P.E. GUILLERM*, P. FERRANT*

*Ecole Centrale de Nantes

Laboratoire de recherche en Hydrodynamique, Energetique et Environnement Atmospherique

UMR CNRS 6598

[email protected]

Resume

Cet article presente un resume de l’etude de la retroaction du forcage par une houleideale sur un ecoulement atmospherique au repos et le calcul du coefficient de dissipationvisqueuse de l’ecoulement atmospherique induit par cette houle. Plusieurs amplitudes dehoule ont ete testees, correspondant a des ecoulements laminaires et turbulents. Cetteserie de simulations a ete realisee en RANS avec un modele de loi de paroi type low-Reynolds. En laminaire, le coefficient de dissipation visqueuse tend vers une expressionanalytique, le coefficient de Dore, calcule a partir du travail du cisaillement moyennesur une longueur d’onde, tandis qu’en regime turbulent, il surestime de 3.8 a 8.4% cecoefficient. Un parametrage de cette augmentation est exprime en fonction du coefficientde Dore : pour le cas le plus turbulent, l’augmentation atteint moins de 3.5 µDore ce quicorrespond a une distance caracteristique d’attenuation 1/µ de 20 000 km pour une houleoceanique.

Summary

The aim of this study is to examine the properties of the viscous air-sea boundarylayer driven by an idealized swell in order to characterize the induced atmospheric flowregime and its associated viscous dissipation over swell. A set of numerical experimentswas conducted in CFD with a RANS numerical model. Under laminar conditions, work ofshear flow is close to the analytical expression by Dore, corresponding to the mean work ofthe viscous stress normalized by the power of the underlying wave under the assumptionof low steepness for the ongoing swell, whereas the transition to the full developmentof turbulence shows an increase in work of the shear stress. A parametrization of thisincrease is deduced in term of viscous decay coefficient computed from the average workof the shear over a wavelength.

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I – Introduction

Dans le contexte d’une exploitation croissante des ressources eoliennes en domaineoceanique, la description fine de la ressource et de son interaction avec des etats de merlocaux va constituer une problematique essentielle. Les normes utilisees pour le designd’eoliennes offshore sont jusqu’a present similaires a celles employees pour les eoliennesterrestres. Neanmoins, l’evaluation de la ressource de vent en mer est sujette a deuxfacteurs majeurs qui ne sont pas a prendre en compte sur terre : la stabilite/instabiliteverticale de l’atmosphere due a la forte capacite thermique de l’ocean et les effets dus auxvagues, incluant notamment la rugosite dynamique de la surface oceanique [8].

De nombreuses etudes experimentales ont montre l’influence potentielle de l’etat demer sur le transport de la chaleur dans l’atmosphere et les flux de quantites de mouvementdans la couche limite atmospherique marine [12] [15]. Des campagnes en mer ont montreque la houle (caracterisee par de longues periodes et des vitesses de phase importantes)impacte le flux de quantite de mouvement bien au-dessus de la couche limite de vagues(zone de l’ecoulement directement impactee par la vague, d’extension verticale d’ordre degrandeur O(m)) [12] [13]. Lorsque la houle se propage plus rapidement que le vent, unjet de vent est observe proche de la surface libre et le profil du vent n’est plus logarith-mique. On note aussi une diminution de la contrainte de cisaillement a la surface [14]. Cesmesures en mer fournissent des donnees pouvant etre utilisees dans la parametrisationde grandeurs telles que la traınee de surface. Cependant l’ecoulement au-dessus d’unevague est difficile a mesurer en mer et a reproduire en laboratoire de par la complexitede l’environnement. Differentes simulations numeriques ont ete menees afin d’etudier leseffets des vagues sur le champ de vent observes lors des campagnes d’observation [12][13].Sullivan et al. [19] utilisent des simulations directes (DNS) qui ont pour objectif l’etudede la structure turbulente et des bilans d’energie cinetique au-dessus de vagues idealisees.Par la suite, Sullivan [17] a developpe un modele LES (Large-Eddy Simulation) pourune vague 2D sinusoıdale et a identifie des reponses d’ecoulement pour trois cas : ventoppose a la houle, vent suivant la houle et vent au-dessus d’une houle stationnaire. Unmodele similaire a ete developpe en 2010 [18] pour tenir compte d’un spectre de vagues.Les resultats sont concordants avec les etudes realisees en 2000 et 2008 pour des vaguesmonochromatiques ainsi qu’avec les campagnes CBLAST [17]. Il semblerait cependantque l’influence de la houle sur le vent soit sensible a la composition du spectre de vagues.Jenkins et al. [6] ont conclu que l’impact de la houle n’est pas insignifiant et que celle-cidevrait etre prise en compte dans le developpement de modeles couples atmosphere-ocean.

L’etude presentee ici s’inscrit dans le cadre d’un travail de these dont l’objectif estl’etude de l’influence couplee du vent sur les vagues. La modelisation du couplage dy-namique de systemes atmosphere-ocean necessite une comprehension fondamentale etquantitative du mecanisme d’interaction vent-vague qui demeure complexe malgre lesnombreuses etudes realisees. Le but est, a terme, de developper un modele de simulationdeterministe du couplage ecoulement atmospherique - etat de mer ce qui permettra defournir un outil permettant d’evaluer au mieux les conditions d’environnement (dont laressource, le forcage...). Le travail presente ici constitue une premiere phase de ce pro-jet. Il a pour but d’etudier les effets observes des vagues sur l’ecoulement atmospheriquevia une modelisation numerique et de calculer le coefficient de dissipation visqueuse del’ecoulement atmospherique induit par la houle. Mieux connaıtre les phenomenes de dis-sipation atmospherique liee a la propagation de la houle permettrait une amelioration des

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modeles de prediction de houle ne prenant pas en compte la dissipation. En effet, dansle cas de tempetes classiques, ces modeles surestiment actuellement de 20% les hauteurssignificatives des vagues dans un rayon de plus de 4 000 km du centre de la tempete [2].Une houle idealisee en presence d’un vent constant et en grande profondeur est soumisea un equilibre entre l’energie injectee par le vent et les pertes par dissipation : on ob-serve alors un transfert constant d’energie sur de tres grandes distances. Des observationsde la houle par satellite (mesures SAR par l’IFREMER, Ardhuin et al. [1]) ont montrequ’une importante perte energetique avait lieu, notamment pour les houles cambrees. Lesmodeles de propagation de houle prennent en compte les echanges energetiques tels que :l’apport du vent et d’autres facteurs favorisant la formation des vagues, la contributiondes effets non lineaires et les pertes liees a la dissipation. De nombreux processus restenta etre identifies et leur influence dans la fermeture du bilan d’energie a etre quantifiee, parexemple l’interaction de la houle avec la turbulence oceanique [11] ou avec le couplage del’atmosphere [5].

L’objet du travail presente dans cet article concerne l’etude du processus lie au cou-plage houle-atmosphere. On neglige ici toute interaction entre un ecoulement induit parla houle et un ecoulement atmospherique (on ne prend pas en compte de vent moyen).La retroaction de la contrainte de cisaillement atmospherique induite par la houle estmal quantifiee, notamment lorsque la vitesse orbitale et le deplacement d’une particuledans l’eau amenent l’ecoulement a un seuil de turbulence [2]. La caracterisation de ceregime turbulent et de l’amplitude de la dissipation induite sur la houle reste une ques-tion majeure a traiter. Lorsqu’on neglige la courbure de la surface, on se rapprochedes resultats connus pour une couche limite oscillante sur un fond fixe [4]. La struc-ture detaillee de l’ecoulement proche de la surface d’une vague est neanmoins difficile aobtenir a cause de la complexite de l’environnement et l’ensemble des parametres environ-nementaux n’est pas ou peu connu. En effet, la couche limite atmospherique d’epaisseur

caracteristique δ =√

2ν/ω ≡ O(10−3m) a besoin d’etre etudiee le long d’une longueur

d’onde O(100m) sur une hauteur de deplacement vertical correspondant a une ampli-tude O(1m). Pour etudier la dynamique laminaire a turbulente de cette couche limite,des simulations numeriques ont ete menees avec STAR-CCM+, un logiciel de simulations’appuyant sur une resolution de type CFD (Computational Fluid Dynamics) et traitantdes problemes gouvernes entre autres par les equations de Navier-Stokes. L’evolution ducisaillement est examinee pour une large gamme de conditions de houle et l’augmentationdue a la turbulence des termes de travail parietal et du taux de dissipation associe estquantifiee.

La partie II detaille le cadre general du probleme et rappelle la solution analytiquesous l’hypothese de faible cambrure de la houle [3]. La partie III decrit la configurationdes series de simulations numeriques et le modele implemente pour l’interface air-meren CFD. La partie IV-1 presente les resultats de ces simulations numeriques sous desconditions de houle stationnaire. Dans la partie IV-2, les taux de dissipation associes sontevalues et leur evolution sous la contrainte de cisaillement turbulent est quantifiee. Uneparametrisation du taux de dissipation en fonction du nombre de Reynolds caracteristiqueest proposee. La partie V presente la discussion finale et les conclusions de ce travail.

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II – Solution theorique pour les faibles amplitudes

Lorsqu’on etudie le probleme d’une houle se propageant dans une couche atmospheriquevisqueuse au repos, on peut considerer la couche oceanique comme un forcage fort surla couche atmospherique et l’ecoulement atmospherique comme un forcage faible sur lasurface libre. On propose ici une etude de l’ecoulement atmospherique cisaille afin d’endeduire la retroaction du forcage de grande echelle sur une houle ideale. Pour des raisonsde simplicite, la houle sera consideree unidirectionnelle et monochromatique. Une premierecaracterisation de l’ecoulement peut etre realisee en negligeant la courbure de la surface[2]. On retrouve un nombre de Reynolds caracteristique pour l’ecoulement atmospheriquebase sur la vitesse double et le deplacement double par analogie avec les problemes decouche limite oscillante sur plaque plane :

Re =4uorbaorb

ν. (1)

Pour des vagues de profil lineaire en profondeur infinie, on considere la solution del’equation d’Euler η(~x, t) = a cos(~k~x − ωt) et la vitesse horizontale sous la surface libre

est u−(~x, t) = ωa cos(~k~x − ωt) avec ω = 2π/T la pulsation. uorb et aorb correspondentrespectivement a l’amplitude de la vitesse de surface u− et du deplacement η.

L’ecoulement est suppose etre turbulent au-dessus de Re ≈ 105 [7] et la contraintede cisaillement atmospherique a la surface libre est alors supposee devier de la solutionanalytique laminaire de Dore [3]. La solution laminaire peut s’ecrire comme la somme d’unecoulement potentiel et d’une sous-couche visqueuse permettant de connecter les profilsde vitesses a travers les deux milieux. La couche visqueuse dans l’eau peut etre negligeea cause de l’inertie plus grande de l’eau et de l’ordre de grandeur des grandes longueursd’onde considerees ici. La solution d’Euler pour le profil de la vitesse atmospheriqueverifie la meme solution de l’ecoulement potentiel que dans la couche oceanique, avec unraccordement de la couche oceanique par une couche limite visqueuse tel que :

u+(~x, z, t) = −ωae−k(z−η) cos(~k~x− ωt) + 2ωae−z+

cos(~k~x− ωt− z+) (2)

avec z+ = (z − η)/√

2ν/ω.Un tel profil est lineairement defini en negligeant l’elevation de surface. Le fait d’utiliserici la distance a la surface libre (z − η au lieu de z) fournit une premiere estimation duprofil.Le travail moyen de la contrainte visqueuse Wv sous des conditions laminaires :

Wv =

⟨ρaνu+(z = η)

∂u+∂z|z=η

⟩(3)

normalise par la puissance lineique de la vague donne le coefficient de dissipation vis-queuse :

µ = − Wv

Cgρwga2/2. (4)

On retrouve l’expression analytique de ce coefficient, corrigeant d’un facteur 2 l’equationA8 de Collard et al. [2] et l’equation 5 de Ardhuin et al. [1] :

µDore = − ω2

gCg

ρaρw

√2νω. (5)

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En etudiant numeriquement l’ecoulement atmospherique turbulent, on s’attend a uneasymptote bas Reynolds, sous reserve que la cambrure et le nombre de Reynolds ca-racteristique respectent les hypotheses ci-dessus. Cependant, puisque les conditions dehoule oceanique excedent souvent le seuil turbulent de Reynolds theorique, la caracterisa-tion du coefficient de dissipation pour une large gamme de regimes d’ecoulements reste afaire.

III – Modelisation numerique

III – 1 Geometrie

Un des enjeux de la modelisation numerique de la contrainte de cisaillement at-mospherique au-dessus des vagues est la representation detaillee de l’ecoulement dans levoisinage de la surface libre en mouvement. Dans un referentiel absolu, le deplacement dela surface libre requerrait un processus de remaillage qui serait tres couteux en ressourceset en precision. Dans le cas de la houle et plus particulierement une houle unidirection-nelle et monochromatique, la modelisation de l’ecoulement est plus facile. Si l’ecoulementest resolu dans le referentiel lie au deplacement de la crete de la houle (c’est-a-dire unreferentiel evoluant a la vitesse de phase de la houle monochromatique par rapport aureferentiel absolu), beaucoup de logiciels commerciaux de CFD sont capables de menerde telles simulations numeriques. Ici, l’etude est realisee avec le logiciel STAR-CCM+. Lemouvement du referentiel relatif est en translation lineaire dans la direction ~x a la vitesse~Uref = ~Cφ et la phase de l’elevation de surface libre est reduite, dans ce referentiel, a une

fonction d’espace verifiant ~k~x − ωt = ~k(~xref + ~Cφt) − ωt = ~k~xref . Sous l’hypothese d’unforcage fort de l’ocean sur la couche limite atmospherique et d’une retroaction faible dansl’autre sens, on peut choisir de restreindre le domaine fluide a celui de l’atmosphere, avecune condition limite appropriee en accord avec le forcage oceanique et le mouvement dureferentiel attache a la crete (Fig. 1).

L’elevation de surface libre est periodique dans la direction ~x. Nos simulations numeri-ques sont realisees dans un domaine de longueur λ de l’ordre de 100 m. L’extensiontransversale est choisie egale a λ/16 pour des raisons pratiques. Une etude de sensibiliten’a montre aucune influence de la taille de cette extension transversale et la largeurretenue permet la realisation de plusieurs simulations du meme ecoulement en regimeturbulent, avec une taille raisonnable de maillage pour les plus grandes longueurs d’onde.L’extension verticale moyenne du domaine est imposee a H = λ/4 avec une frontieresuperieure verifiant une fermeture des lignes de courant attendue par la theorie potentiellelineaire :

H(xref ) = H + η(xref )e−kH . (6)

Une condition cinematique de type mur est imposee sur les frontieres inferieure et superieure,verifiant la condition de vitesse orbitale de forcage ~u− = u−~x + w−~z au fond et la solu-tion potentielle ~u+(z = H) en haut. Les frontieres transversales du domaine sont definiescomme des conditions limites de symetrie (soit la derivee normale d’une quantite nulle acette frontiere).

Dans l’air, une condition initiale de repos dans le referentiel absolu est facilementtransposable dans le referentiel relatif avec une vitesse initiale et homogene de −~Urefassociee a la condition de debit massique d’entree au niveau de la frontiere en amont. Unecondition de periodicite est imposee sur les deux frontieres amont et aval. Le maximum

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Figure 1 – (a) Champ de vitesse absolue et lignes de courant de la section centrale dudomaine atmospherique, associes au vecteur vitesse a la crete pour Re = 12 x 105 et T =10 s. (b) Vue detaillee du vecteur vitesse dans le voisinage de la surface libre a la crete

de l’elevation de surface libre est situe au centre du domaine fluide le long de l’axe ~x etnous avons choisi une vague se propageant selon la direction −~x afin de considerer uneentree de masse positive au niveau du cote gauche du domaine ( en x = −λ/2).

III – 2 Solveur

La strategie de modelisation et le choix de la fermeture turbulente sont lies a la naturede l’ecoulement etudie ici. Pour ce cas specifique d’ecoulement cisaille visqueux, une ap-proche Reynolds-Averaged Navier-Stokes (RANS) semble appropriee a la modelisation dela region proche paroi avec des couts raisonnables. De plus, dans le referentiel relatif decritprecedemment, l’ecoulement moyen est suppose atteindre un etat stationnaire ce qui per-met l’utilisation de simulations RANS stationnaires. Pour une modelisation adequate ducisaillement dans la region de proche paroi, un modele de fermeture de type Low-ReynoldsK-Epsilon est retenu parmi d’autres modeles. La region fluide est modelisee comme uncomposant unique de gaz ideal dont la densite et la viscosite cinematique sont choisiestelles que ρa = 1.18 kg.m−3 et νa = 1.57×10−5 m2.s−1. La sous-couche visqueuse a besoind’etre proprement etablie pour nos simulations numeriques et donc un traitement de murde type low-y+ est utilise. Le maillage est forme d’une grille de polyedres dans le domainefluide et d’un raffinement par une couche prismatique dans le voisinage des parois (cf Fig.2). La distance adimensionnelle au mur y+ = yu∗

νa(u∗ etant la vitesse de reference relative

a la contrainte parietale de cisaillement) est utilisee comme un critere a posteriori pourla validation du raffinement du maillage (y+ ≈ 1).

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Figure 2 – Maillage general et maillage de la region proche paroi

IV – Simulation de l’interface air-mer

IV – 1 Domaine homogene

Une serie de simulations est realisee afin d’evaluer les proprietes de l’ecoulement dansun domaine de type infiniment homogene [10]. Les frontieres amont et aval du domainede longueur 1λ sont connectees par une interface periodique. On definit une serie de36 simulations numeriques pour des valeurs de T dans une plage de 10 a 17.5 s et deReynolds dans une plage de 5×104 a 1.2×106 pour une caracterisation du comportementde l’ecoulement.

Pour un nombre de Reynolds donne (Re = 5× 104, 5× 105 et 12× 105 (Tableau 1)),la cambrure de la couche limite inferieure va varier en fonction de la longueur d’onde.Par consequent, l’ensemble des simulations fournira une estimation de la caracterisationde l’ecoulement par le nombre de Reynolds precedemment defini. Les simulations RANSstationnaires ont realise jusqu’a 1000 iterations et la convergence des simulations a eteverifiee a posteriori en considerant les residus. La taille de base des cellules de la grilledestructuree est choisie a 1 m ce qui verifie le test de convergence en maillage. Les pro-prietes de la couche prismatique sont choisies de maniere a verifier y+ < 1 pour des grandsReynolds.

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Comme dans la caracterisation de l’ecoulement oscillant sur plaque plane de Jensenet al. [7], la contrainte parietale de cisaillement le long de la longueur d’onde (ou d’uneperiode oscillante dans [7]) montre une transition laminaire-turbulente de l’ecoulementcisaille. La region proche paroi est supposee etre la partie de l’ecoulement qui montrela plus grande dependance en Reynolds. La contrainte parietale de cisaillement et sontravail associe au-dessus d’une surface libre en mouvement sont en effet des quantitessensibles pour etudier la caracterisation de l’ecoulement. En normalisant le travail de lacontrainte totale de cisaillement par l’amplitude caracteristique de l’expression de Dorepour la contrainte horizontale de cisaillement (a2ω2

√ω) que l’on trace selon la direction

~x relative a la longueur d’onde, on retrouve la scalabilite pour n’importe quel nombre deReynolds (Fig. 3).

Figure 3 – Evolution du travail normalise de la contrainte de cisaillement a la paroien fonction de la position le long d’une longueur d’onde, d’un cas laminaire a un caspleinement turbulent pour 4 periodes de vagues (lignes colorees). La solution laminaireanalytique est tracee en noir.

Alors que les simulations pour Re = 5× 104 et Re = 105 montrent une bonne concor-dance avec l’expression analytique de Dore, la transition vers la turbulence observee a

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Re = 2 × 105 montre une forte difference par rapport a la solution laminaire sur deuxquarts de longueur d’onde [10]. Cela est en effet en accord avec les observations de Jen-sen et al. [7] ainsi que les simulations DNS de Spalart et Baldwin [16] pour lesquels latransition demarre entre Re = 1.6 × 105 et Re = 2.9 × 105 pour la plaque plane oscil-lante. L’initiation de la turbulence apparaıt en aval du maximum de la vitesse orbitalehorizontale et influence le travail de cisaillement jusqu’a l’endroit ou la vitesse orbitalechange de signe. Quand Re augmente, l’initiation du comportement turbulent se decaleen amont. Le passage du regime de transition vers un regime pleinement turbulent sembleetre atteint pour des ecoulements a Re ≈ 106. Ces graphiques adimensionnes montrentaussi l’influence a bas ordre de la cambrure en fonction des proprietes du cisaillement tur-bulent. Pour un Reynolds donne, et pour les differentes cambrures pour chaque longueurd’onde, l’ecart du travail de cisaillement reste negligeable entre les differentes longueursd’onde. L’influence de la longueur du domaine dans de telles conditions periodiques esta posteriori verifiee en comparant a des domaines plus longs. Les resultats en terme detravail de cisaillement montrent une sensibilite vraiment faible par rapport a la longueurdu domaine periodique.

IV – 2 Parametrisation des taux de dissipation pour les regimes turbulents

Le travail de la contrainte parietale de cisaillement est moyenne sur la longueur dudomaine de calcul (1λ) et normalise par l’energie de la vague :

Wv = 〈~u− · ~τv〉 . (7)

On retrouve a partir des precedentes simulations RANS une estimation des coefficientsde dissipation visqueuse. Leur intensite est tracee dans Fig. 4 en fonction des valeurs deReynolds pour les differents cas test presentes plus tot.

Les deux cas laminaires (Re = 5×104 et Re = 105) mettent en avant les commentairesprecedents sur le travail de la contrainte de cisaillement. L’ecart des coefficients de dis-sipation en RANS par rapport aux coefficients de Dore montre une legere surestimationcomprise entre 3.8% et 8.4% pour ces deux cas laminaires [10]. A partir des simulationsde transition turbulente jusqu’aux simulations pleinement turbulentes, les coefficients dedissipation calcules s’ecartent comme on s’y attendait de l’asymptote laminaire a basReynolds. L’augmentation en terme de ratio par rapport au coefficient visqueux de Doreest quantifiee ici. Le graphique des coefficients de dissipation adimensionnes en fonctiondu Reynolds (Fig. 4) met l’accent sur l’accord relativement correct entre les differentesperiodes de vague. Meme si Ardhuin et al [1] ont suppose que le cisaillement turbulentseul pouvait donner une dissipation de houle de l’ordre de 56µDore, les contraintes decisaillement calculees ici montrent une dissipation de seulement 3.5µDore. Une regressionpolynomiale fournit une parametrisation pour les quatre periodes de vagues [10]. Le tauxde dissipation peut etre approxime sous la forme :

µ =

µDore ,Re ≤ 1.5× 105

1.42µDore(

Re1.5×105

)0.41,Re > 1.5× 105.

(8)

En supposant que les hypotheses considerees dans cette etude sont des conditionsoceaniques et atmospheriques valides, il est clair que la dissipation liee a la contrainte decisaillement turbulente n’est pas le seul mecanisme responsable dans les taux de dissipa-tion observes par Ardhuin et al. [1].

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Figure 4 – Evolution du coefficient de dissipation visqueuse adimensionne en fonctiondu nombre de Reynolds compare au coefficient laminaire analytique (marqueurs). Uneinterpolation est realisee pour les 4 cas de periodes de vague (lignes).

La description d’un ecoulement d’air pleinement realiste au-dessus d’une houle, enincluant le couplage entre l’ecoulement turbulent cisaille proche de la paroi et une cir-culation atmospherique ne fait pas partie du cadre de cet article. En effet, meme desconditions de faible vent incluent un mecanisme de couplage entre le cisaillement induitpar la vague et le cisaillement du vent qui requiert une analyse plus detaillee en termede modelisation numerique et une extension theorique de Kudryavtsev et Makin [9]. Ce-pendant, la meme configuration numerique peut etre legerement modifiee pour prendreen compte la sensibilite de quelques-unes de nos hypotheses.

V – Discussion et conclusions

La retroaction de la couche visqueuse atmospherique cisaillee, forcee par une houlelineaire unidirectionnelle et monochromatique, a ete simulee a l’aide d’un modele numeriquede type RANS. Considerant un domaine periodique selon la direction de propagation dela vague, les proprietes de l’ecoulement sous des conditions stationnaires ont ete etudiees.Une serie de simulations numeriques a ete menee pour une fourchette usuelle de periodeset d’amplitudes de houle caracteristiques. On y retrouve la dependance de l’ecoulement at-mospherique au nombre de Reynolds comme pour le probleme de couche limite oscillantesur plaque plane. Tandis que le travail de l’ecoulement cisaille calcule sous des conditionslaminaires montre un ecart faible par rapport a l’expression analytique de Dore, on re-trouve, a partir d’un Reynolds critique (105 < Re < 2 × 105), un etat de transition versun developpement pleinement turbulent de la couche limite visqueuse cisaillee. La serie de

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simulations numeriques permet de quantifier de facon coherente l’augmentation du tra-vail quand la turbulence se developpe au-dessus d’une fraction croissante de la longueurd’onde. Un parametrage de cette augmentation est exprime en fonction du coefficient dedissipation visqueuse calcule a partir du travail du cisaillement moyenne sur une longueurd’onde. Pour le cas le plus turbulent, l’augmentation atteint moins de 3.5µDore ce quicorrespond a une distance caracteristique d’attenuation 1/µ de l’ordre de 20 000 km pourune houle oceanique. Ardhuin et al. [1] ont determine a partir de leurs observations desdissipations de pres de 56µDore. Nos calculs ne montrent pas de telles valeurs de dissipa-tion mais nous avons neglige l’effet du vent moyen ainsi que les effets thermiques et nousavons travaille avec une surface non rugueuse de la mer et des vagues periodiques. Nousn’avons pas non plus analyse le travail de la contrainte de pression. En effet, le moindredephasage par rapport a la theorie potentielle influencerait fortement le travail lie a lacontrainte de pression. Ce travail n’est pas aussi facilement capte que le travail de lacontrainte de cisaillement et notre configuration periodique n’est pas capable de fournirune estimation quantitative correcte de ce mecanisme.

D’autres mecanismes mettant en jeu la dissipation de la houle restent a etre etudies acette date. La prise en compte d’une circulation atmospherique propre et de son influenceexacte sur la houle reste un enjeu pour les outils de simulation numerique. Pour l’instant,la formulation de l’augmentation de la contrainte de cisaillement turbulente proposee icine permettra pas par elle seule d’etablir un terme source propre lie a la dissipation de lahoule pour des modeles de vague operationnels, mais on espere aider a clarifier l’amplitudedes differents mecanismes de dissipation dans le bilan de l’energie de la houle.

L’etape suivante de ce travail de these est la validation de ces resultats sous ICARE,logiciel CFD developpe au LHEEA, resolvant les equations de Navier-Stokes pour unecoulement de fluide reel a surface libre autour de structures en mouvement instationnaire.ICARE utilise une methode couplee en vitesses-pression-elevation de surface libre pourla resolution des equations de Navier-Stokes. Cette methode repose sur une discretisationimplicite au second ordre par differences finies. Les equations tridimensionnelles sontecrites sous forme convective dans un systeme de coordonnees curvilignes evoluant aucours du temps et permettant de tenir compte du caractere instationnaire de l’une desfrontieres du domaine. Le code a ete adapte en aerodynamique et il permet de resoudreactuellement un ecoulement atmospherique stationnaire au-dessus d’une vague sinusoıdaleperiodique qui constitue la frontiere inferieure du domaine d’etude. L’objectif sera a termed’introduire un modele de turbulence LES et un couplage avec un modele HOS, code nonlineaire de propagation d’etats de mer.

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