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Un Peuple - Un But Une Foi MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES Document d’Etude N°24 LA BAISSE DES SUBVENTIONS A L’ENERGIE ET DE L’IMPÔT SUR LE REVENU AU SENEGAL : EFFETS SOCIO-ECONOMIQUES ET BUDGETAIRES A. DIALLO M. N. KANE B. B. MBAYE S. M. SENE @DPEE/DEPE Janvier 2013

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Un Peuple - Un But – Une Foi

MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES

Document d’Etude N°24

LA BAISSE DES SUBVENTIONS A L’ENERGIE ET DE L’IMPÔT SUR LE

REVENU AU SENEGAL : EFFETS SOCIO-ECONOMIQUES

ET BUDGETAIRES

A. DIALLO

M. N. KANE

B. B. MBAYE

S. M. SENE

@DPEE/DEPE – Janvier 2013

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LA BAISSE DES SUBVENTIONS A L’ENERGIE ET DE L’IMPÔT SUR LE

REVENU AU SENEGAL : EFFETS SOCIO-ECONOMIQUES ET BUDGETAIRE

Alassane DIALLO1,

Mamadou Ngalgou KANE², Baïdy Baro MBAYE

1

Serigne Moustapha SENE1

Janvier 2013

Résumé Les appuis de l’Etat à l’énergie qui revêtent la forme de subventions à la production et à la consommation, sont prévus à la baisse par le gouvernement au Sénégal pour des raisons budgétaires. Par ailleurs, la baisse de l’impôt sur les salaires entre en vigueur en 2013 en guise de soutien à la consommation. Dans un pays pauvre tel que le Sénégal, la pratique des subventions et la baisse de l’impôt ont assurément un rôle de stabilisateur social. Néanmoins, les évidences empiriques sur les impacts budgétaires et macroéconomiques et sur la réduction de la pauvreté et des inégalités sont moins nombreuses. Ce document traite de ces questions d’impacts à partir d’un Modèle d’Equilibre Général Calculable en dynamique récursive. Les groupes de ménages sont constitués selon la position géographique et en fonction des capacités des ménages à se procurer des revenus (ability). Les simulations indiquent que le recul de la pauvreté est globalement attendu de cette la baisse de l’impôt sur les salaires surtout pour les ménages autres que ceux de Dakar. En revanche, les effets du retrait des subventions à l’énergie sur la pauvreté, globalement négatifs, seraient plus sévères pour les ménages de Dakar. Quant aux impacts macroéconomiques, les recettes fiscales et le solde budgétaire s’amélioreraient suite à la combinaison de ces mesures. En revanche, ces réformes ne stimuleraient pas la croissance mais alimenteraient l’inflation, stimuleraient les importations et feraient perdre de la compétitivité à l’économie.

Mots clés: Subventions, Impôt sur les salaires, Modèle d’Equilibre Général Calculable, Pauvreté, Déficit

budgétaire

Classification JEL: H2, E27, I32, H62

Abstract The Senegalese Government intends to reduce subsidies to the energy sector for budget sustainability reasons.

Moreover, an income tax reform is introduced in 2013 in order to improve households’ purchasing power. In

poor countries such as Senegal, subsidies and tax reductions act as social stabilizers. However, little empirical

evidence is found with regards to impact of such reforms on budget, macroeconomic aggregates, poverty

reduction and inequalities. This paper intends to fill the blanks using a recursive dynamic computable general

equilibrium model. Households are sorted geographically and according to their income ability. Results show a

positive impact on poverty reduction especially for households located outside of Dakar. On the other hand,

the overall impact of energy subsidies’ removal is negative but sizeable on Dakar. On the macroeconomic

perspective, the Government revenue and budget balance would benefit if those reforms are combined and

imports for consumer goods would increase. But, such policies would not encourage growth and would

account for more inflation and loss of competitiveness.

Key words: Subsidies, Payroll Tax, Computable General Equilibrium, Poverty, Budget Deficit

JEL Classification : H2, E27, I32, H62

1 Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE)

² Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD)

Les auteurs remercient Pr Yazid DISSOU de l’Université d’Ottawa (Canada).

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I. Int roduct ion

La lutte contre la pauvreté au Sénégal s’inscrit en droite ligne des objectifs du millénaire

pour le développement. Dans ce cadre, l’action gouvernementale se traduit notamment par

le choix de différentes politiques à fort contenu social qui peinent tout de même à se

traduire en résultats tangibles : la pauvreté est répandue et les inégalités restent marquées

entre les ménages. La vulnérabilité des ménages est accentuée par la part importante des

importations dans les biens de consommation. Dans certains cas, la production domestique

n’est pas bien positionnée pour la satisfaction de la demande solvable, du fait d’un manque

de compétitivité ou simplement à cause de l’étroitesse du tissu productif. Cela affecte aussi

la résilience de l’économie. Les chocs d’offre à intervalle rapproché constituent des menaces

pour les pays pauvres où l’équilibre social est assez précaire, ce qui pousse leur

gouvernement à adopter des politiques de soutien à la production ou à la consommation.

Dans le cas des produits énergétiques, le profil et les objectifs des subventions ne sont pas

homogènes. Dans les pays riches, les subventions à l’énergie touchent surtout la production,

et s’inscrivent dans une optique de politique industrielle et de préservation de

l’environnement. Dans les pays en développement, elles visent plutôt à soutenir la

consommation par le canal des prix et permettent d’atteindre des objectifs socio-

économiques et politiques. En tant que telles, les subventions augmentent le surplus des

ménages et paraissent socialement équitables dans un contexte de pauvreté et de fortes

disparités des revenus. Ces mesures, au même titre que les transferts publics sous la forme

de services sociaux de base, contribuent à alléger les dépenses des ménages qui enregistrent

une hausse de leur revenu disponible pour l’achat d’autres biens et services. Cet effet-

revenu s’accompagne généralement d’un accroissement du bien-être.

Néanmoins, ces mesures de soutien créent des distorsions sur les marchés et affectent les

incitations. Il se manifeste un price gap qui fait que le bénéfice social ne comble pas a priori

la perte de surplus économique. En outre, les pratiques de subventions et/ou de détaxation

constituent des transferts indirects aux producteurs étrangers.

Au Sénégal, en plus de ces considérations, la refonte du Code Général des Impôts s’est

notamment matérialisée par la baisse de l’impôt sur le revenu (IR) dont devraient surtout

bénéficier les salariés et les entrepreneurs individuels des centres urbains.

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L’ensemble de ces mesures ont assurément un coût budgétaire dans un contexte où les

besoins sont multiples et les ressources publiques plutôt rares. En tout état de cause, le

recentrage des ressources publiques vers plus d’efficacité commande de meilleures

politiques fiscales et des subventions. Sous l’hypothèse d’une croissance soutenue et

durable, telle que déclinée dans les ambitions du gouvernement pour les moyen et long

termes, la redistribution à travers ces mécanismes publics permettrait de réduire à la fois la

pauvreté et les écarts de revenus tout en ne portant pas atteinte à la dynamique productive.

Aussi, dans le contexte à la fois de lutte contre la cherté de la vie au Sénégal et de rareté des

ressources budgétaires, il est opportun de s’interroger sur la pertinence des mesures de

subventions et de défiscalisation des salaires. Ces mesures se justifient si elles n’entrent pas

en contradiction avec les objectifs à moyen terme de la politique économique. L’objectif de

cette étude porte précisément sur les impacts des mesures courantes de soutien à la

consommation dans le cas des produits énergétiques d’une part et de la baisse de l’impôt

sur le revenu des ménages d’autre part. Il s’agit d’étudier les effets dynamiques des

modifications des subventions et de la baisse de la fiscalité sur le bien-être des groupes de

ménages, sur le déficit budgétaire ainsi que sur le bien-être social, à travers différents

scénarii portant aussi bien sur la baisse voire la suppression des subventions aux produits

énergétiques que sur la baisse de l’impôt sur les salaires. La soutenabilité de ces mesures

sera aussi appréhendée à travers leurs impacts sur le déficit budgétaire.

La méthodologie repose sur un Modèle d’Equilibre General Calculable (MEGC) dynamique

récursif lequel s’appuie sur des données fines pour valider les avancées remarquables en

matière de modélisation des comportements microéconomiques et des transactions. Le

MEGC est devenu un outil standard d’évaluation empirique des impacts socio-économiques

et budgétaires des choix publics ainsi que des politiques commerciales.

La suite du document est organisée ainsi qu’il suit. La revue de la littérature documente

l’état de la recherche sur la question. La section 2 établit des faits stylisés sur les politiques

énergétiques, les caractéristiques des ménages surtout en termes de consommation

d’énergie et de revenus. La méthodologie basée sur un MEGC dynamique récursif est

présentée à la quatrième section. Les simulations et l’analyse des résultats en termes de

pauvreté, d’inégalités et de soutenabilité bouclent l’étude.

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II. Revue de la lit térature

Les premières utilisations des MEGC dans l’analyse de la distribution des revenus remontent

aux années 80. Des auteurs tels qu’Adelman et Robinson (1979) pour la Corée mais aussi

Devis, Melo et Robinson (1982) et Gunning (1983) au Kenya ont été parmi les pionniers dans

l’utilisation des MEGC pour l’analyse de la distribution des revenus. Des travaux suivirent

dans le cadre spatial des pays pauvres pour l’analyse des impacts des politiques

d’ajustement structurel sur la distribution de revenus. Plus récemment, l’étude des relations

entre les politiques économiques, les niveaux de pauvreté et la distribution des revenus a

été approfondie2.

L’utilisation des MEGC répond précisément au besoin de combler le vide laissé par les

modèles macroéconomiques keynésiens et par les analyses en équilibre partiel. La réforme

américaine de 1986 a été le déclic qui a montré l’utilité des MEGC dans l’analyse de l’impact

structurel des mesures de politique fiscale. En effet, dès la fin des années 70, on a pris

conscience des limites des modèles macroéconomiques keynésiens dans la formation des

anticipations et des salaires (Lucas et Sargent). Quoique de bons outils de prévision, les

modèles macroéconomiques se sont révélés, dans la plupart du temps, inappropriés pour

apprécier les principaux aspects de la fiscalité. Par ailleurs, les effets de revenu et de salaire

privilégiés par ces modèles de type keynésien sont essentiellement de court terme ; les

élasticités de comportement sont contraintes par des rigidités de court terme.

L’investissement et l’épargne sont peu élastiques à la rémunération du capital et les facteurs

faiblement substituables. En cela, ces modèles n’intègrent pas correctement les

changements de comportement des agents mais mettent l’accent sur les effets revenus alors

que les mesures fiscales, par exemple, visent généralement à modifier les comportements.

Pour pallier les manquements des modèles macro économiques keynésiens, des modèles

d’équilibre partiel ont été développés pour apprécier les effets structurels des réformes

fiscales. Ces analyses se sont développées dans les années quatre vingt dans le cadre de

l’économétrie sur données de panel et des modèles ad hoc dont on teste la sensibilité aux

2 Voir entre autres Janvry, Sadoulet et Fargeix (1991), Bourguignon, de Melo et Suwa (1991), Thorbecke (1991),

Decaluwé et al. (1998), Decaluwé, Dumont et Savard (1999), Cockburn (2001), Agenor, Izquierdo et Fofack (2001), Cogneau et Robillard (2000), Colatei et Round (2000), Bouguignon, Robillard et Robinson (2002), Savard (2005). Pour une revue, voir par exemple Boccanfuso et al. (2003).

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paramètres. Néanmoins, cette approche a été critiquée quant aux restrictions des effets, en

ce sens que les impacts sur le reste de l’économie ne sont pas forcément de second ordre ;

ils sont parfois importants. Par conséquent, seuls des comportements plus sophistiqués

d’optimisation et une différenciation des comportements en fonction de la situation

spécifique des agents permettent de comprendre l’impact structurel des réformes fiscales.

Il parait alors utile de recourir à une approche macro économique du bien-être à travers une

fine modélisation des comportements micro économiques qui sous–tendent la dynamique

économique. On assista à la naissance des MEGC appliqués à la fiscalité et aux subventions.

Néanmoins, ces modèles ont été principalement critiqués pour la faiblesse de leur validation

empirique. Dans la plupart des cas, les paramètres sont obtenus par une procédure de

calibrage et non estimés par des méthodes économétriques. Les MEGC faisant une très large

utilisation des fonctions CES, les paramètres sont souvent des élasticités dont la valeur est

extraite de la littérature empirique ; on se retrouve avec des valeurs différentes voire

contradictoires parmi lesquelles il faut opérer un choix. La technique de validation

communément utilisée est le test de sensibilité des résultats relativement aux principales

élasticités même si cela reste superficiel étant donné qu’il n’est pas possible de mesurer, à

titre de test, la précision avec laquelle les modèles retracent le passé. La modélisation MEGC

n’en est pas moins appropriée pour la simulation des effets à court et à moyen termes3.

Plusieurs applications des MEGC à l’énergie ont lieu autour de questions telles que les effets

des variations des prix énergétiques sur les changements climatiques (Guivarch, Hallegatte

et Crassous, 2009), sur les marchés autres que l’énergie (Gohin et Chantret, 2010), et sur les

inégalités de revenus.

En outre, la simulation des effets de la baisse voire de la suppression des subventions dans

des pays émergents et des pays en développement a retenu l’attention de beaucoup

d’économistes. Ainsi, Oktaviani et al. (2007), à l’aide d’un MEGC dynamique sur la période

2000-2005, se sont intéressés aux combustibles pour le cas de l’Indonésie ; leurs

résultats montrent une baisse de la croissance accompagnée d’une hausse des pauvres.

Manzoor et al. (2009) ont également utilisé un MEGC/MPSGE pour l’économie iranienne

dans l’optique de montrer que la suppression des subventions conduit à une réduction du

3 Pour l’influence des MEGC sur les décisions de politiques publiques, voir Devarajan et Robinson (2002).

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bien-être, quasi similaire entre les villes (13%) et le milieu rural (12%). Abouleinein et al.

(2009) appliquent un MEGC dynamique à l’Egypte pour établir que la suppression des

subventions conduit à moyen terme au recul de la croissance de 1.4% et l’extension des

inégalités. De même, dans le cadre des travaux portant sur ESMAP (2004), un MEGC

dynamique appliqué au Mexique a permis de simuler les effets de la suppression des

subventions à la consommation électrique.

Dans le cas du Sénégal, les réformes du secteur de l’électricité ont été analysées à travers

leurs impacts sur la pauvreté et la distribution des revenus (Boccanfuso et al., 2008). La

méthodologie de l’étude s’articule autour d’un MEGC micro simulation séquentiel qui

considère une fonction d’utilité Cobb-Douglas et la rigidité des offres de facteurs. La hausse

de la production d’électricité à court terme passe, ainsi, par l’accroissement des

consommations intermédiaires. Dans cette étude, les simulations réalisées notamment sur

l’imposition des ménages et des entreprises et sur les droits à l’import montrent que la

hausse des prix résultant de ces mesures affecte chacune des trois mesures de la pauvreté

mais dans de faibles proportions (moins de 1% au niveau national) et moins de 1.5% quel

que soit le critère retenu pour la classification des ménages (milieu de résidence ou niveau

d’éducation). Les changements des inégalités inter groupes dominent les mutations

d’inégalités intra groupes. En cas d’adoption de mécanismes publics de compensation, Dakar

et les autres centres urbains bénéficient davantage de la réduction des inégalités alors qu’en

l’absence de telles mesures, la réduction des inégalités est plus importante en milieu rural.

Les mêmes auteurs (Boccanfuso et al., 2008) ont mené une étude similaire au Mali qui a

abouti au résultat selon lequel la hausse des prix a des effets directs moins nets sur la

pauvreté et les inégalités au regard de la faiblesse de la connexion à l’électricité d’une part,

de la baisse de la consommation suite au relèvement du prix de l’électricité, d’autre part. En

revanche, les effets globaux de la hausse des prix sont négatifs et plus importants. Toujours

dans le cas des ménages maliens, Kpodar (2006), sur la base d’un modèle input-output,

analyse les effets redistributifs d’une hausse des prix des produits pétroliers. Son travail

montre que le renchérissement des carburants affecte surtout les ménages non pauvres

mais le renchérissement du kérosène est plus préjudiciable aux ménages pauvres. L’auteur

trouve aussi qu’en termes de protection du pouvoir d’achat des ménages, la subvention aux

produits pétroliers est un mécanisme inefficace relativement aux subventions ciblées.

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Au Burkina Faso, l’évaluation d’un MEGC calqué sur celui de IFPRI a montré, entre autres

résultats, que le relèvement des premières tranches des factures d’eau et d’électricité

entraine un gain de 1260 Fcfa sur les factures d’eau et d’électricité pour les consommateurs

pauvres qui ne dépassent pas la nouvelle tranche.

Dans le cas des ménages ghanéens, Coady et al. (2006) ont également trouvé une plus

grande vulnérabilité des ménages les plus pauvres en cas de retrait des subventions. Quant à

Andriamihaja et Vecchi (2207), ils ont utilisé un modèle input output pour montrer que les

effets des subventions en réponse à la hausse des prix énergétiques bénéficient davantage

aux ménages malgaches les plus riches.

Globalement, les enseignements de la littérature empirique dans le monde en

développement se déclinent sous la forme d’effets négatifs du retrait des subventions chez

les ménages les plus pauvres alors que les plus riches peuvent accroitre leurs dépenses de

consommation en produits énergétiques, ce qui réduit leur vulnérabilité à ces chocs.

III. Faits stylisés

Depuis le milieu des années 90, le Sénégal, à l’instar de plusieurs pays en développement,

s’est clairement engagé dans des programmes inclusifs de réduction de la pauvreté. Il est

vrai que la gestion macroéconomique saine n’a pas permis de bien prendre en compte les

préoccupations des populations situées à la périphérie des activités les plus productives. Le

tableau suivant résume les récents résultats enregistrés dans la lutte contre la pauvreté.

Tableau 1 : Indicateurs de pauvreté au Sénégal, 2001-2011

Dakar Autres Urbains Rural National

2001/2002

Incidence de pauvreté 38,1 45,2 65,2 55,2

Ecart de pauvreté 10,2 13,4 21,2 17,3

Sévérité de la pauvreté 3,8 5,5 9,2 7,3

2005/2006

Incidence de pauvreté 28,1 41,4 59,0 48,3

Ecart de pauvreté 6,8 11,6 20,2 15,5

Sévérité de la pauvreté 2,4 4,8 9,5 7,0

2010/2011

Incidence de pauvreté 26,2 41,3 57,3 46,7

Ecart de pauvreté 5,8 13,1 18,7 14,6

Sévérité de la pauvreté 2,1 5,9 8,7 6,6

Source : Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal (ESPS II)

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L’incidence de la pauvreté (taux de pauvreté) qui mesure la proportion de la population dont

le niveau de dépenses n’atteint pas le seuil de pauvreté, s’inscrit dans une tendance

baissière même si les progrès réalisés entre 2001 et 2006 ont du mal à être maintenus. La

profondeur de la pauvreté, autrement dit l’écart moyen des pauvres par rapport au seuil de

pauvreté reste également marquée par une timide baisse.

Dans l’ensemble, le pays continue d’enregistrer des progrès dans la réduction de la

pauvreté, toutefois limités par la vulnérabilité des acquis aux chocs. Parmi ces facteurs, les

prix à la consommation figurent sans doute en bonne place. Le niveau élevé des prix à la

consommation réduit le surplus des consommateurs notamment les plus pauvres qui

supportent difficilement une variation marginale positive. Ces considérations ont sans doute

poussé le gouvernement à mettre en place des mécanismes publics d’appui en faveur de la

consommation et de la production d’énergie surtout en période de tension sur les prix.

La nouvelle Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie (LPDSE) pour la

période 2012-2017 mise sur la diversification des sources d’énergie pour éviter la forte

dépendance aux cours mondiaux du pétrole. Dans le cas de l’électricité, la promotion de

l’électrification en milieu rural est prise en compte par l'Agence Sénégalaise d'Electrification

Rurale (ASER) depuis sa création en décembre 1999. Néanmoins, avec l’échec du processus

de sa privatisation4, la Société Nationale d’Electricité (SENELEC) est redevenue entièrement

publique. Ce qui contraint l’Etat à non seulement essayer d’amortir les impacts de la hausse

des cours mondiaux de pétrole mais également à supporter partiellement les autres coûts

liés à l’inefficience productive de la société.

En réalité, le potentiel hydroélectrique et les autres formes d’énergie renouvelables ne sont

pas suffisamment exploités. Les besoins pour les formes modernes d’énergie sont

majoritairement satisfaits par une production à partir d’intrants importés. L’économie n’est

dès lors pas indifférente aux fluctuations des cours du baril du pétrole. S’agissant de

l’électricité proprement dite, le coût de production à partir du fuel est largement tributaire

du cours du baril du pétrole. L’obsolescence des équipements, l’inefficacité dans le transport

4 SENELEC peut acheter de l’électricité à des producteurs privés mais elle dispose du monopole du transport sur

l’ensemble du territoire national et de la distribution dans son périmètre de concession. Le capital de SENELEC a été ouvert à des privés non nationaux en 1998 dans le souci d’améliorer la production mais le processus a échoué en 2001. Toutefois, un nouvel élan d’implication du privé dans le secteur se dessine.

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et la distribution de l’électricité viennent accentuer les difficultés du secteur. La production

d’électricité est restée structurellement en-dessous de la demande. C’est au cours des

derniers mois qu’un surplus a été observé avec la mise en place d’un plan d’urgence de

restauration de la capacité productive. Dans ce cadre, les tensions imputables notamment à

la poussée de la demande dans les pays d’Asie de l’Est ainsi que les tensions sociopolitiques

dans certains pays producteurs d’or noir perturbent les cours et affectent l’économie

nationale.

Face à ces défis, le gouvernement choisit des instruments pour amortir les chocs sur la

production mais aussi sur les ménages. Le coût d’opportunité des subventions est sans

doute considérable, à l’aune des ressources engagées dans les secteurs sociaux tels que la

santé et l’éducation qui souffrent aussi d’un déficit d’offre de services. Les subventions

peuvent évincer d’autres dépenses sociales au moins aussi importantes pour les ménages.

Ainsi, au cours des dernières années, les subventions ont fortement grevé le budget de

l’Etat ; elles représentaient en moyenne près de 7% des recettes fiscales entre 2004 et 2011,

avec des pics atteignant 22% en 2006 et 11% en 2008 et 2011.5 Pour ces années, les

subventions à l’énergie sont plus importantes que les dépenses courantes et en capital

réunies pour la santé. Il est vrai que les tensions sociales notées lors des périodes de graves

perturbations dans la distribution d’électricité poussent le gouvernement à accroitre le

soutien au secteur de l’énergie. En outre, les fluctuations des cours mondiaux des produits

énergétiques faussent les prévisions des finances publiques en début d’année. A titre

d’exemple, pour les neuf premiers mois de l’année 2012, la compensation tarifaire accordée

par le gouvernement au secteur a déjà dépassé 100 milliards pour une inscription budgétaire

initiale de 40 milliards.

Par ailleurs, la structure des prix dans le secteur de l’énergie n’est pas uniforme mais le

secteur de l’énergie reste parmi les mieux réglementés. Le cadre législatif et réglementaire

répartit clairement les rôles, en termes de définition des politiques, de régulation du secteur,

de tarification, etc. La Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (CRSE), autorité

indépendante, est chargée de la régulation des activités de production, de transport, de

distribution et de vente d’énergie électrique. Pour ce qui est de la formation du prix, il

5 Les données portent sur les dépenses exécutées.

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revient à cette commission de fixer un prix plafond sur lequel SENELEC doit s’ajuster. Ainsi,

l’écart négatif entre le revenu calculé avec les tarifs en vigueur et le revenu maximum

autorisé de SENELEC induit un ajustement tarifaire ou une compensation budgétaire de la

part de l’Etat.

Les clients de SENELEC sont facturés sur la base de leur consommation mesurée en kilo watt

heures mais il existe une discrimination sur les prix. S’agissant des ménages, on distingue

trois tranches de prix unitaires en fonction précisément du niveau de la consommation ; la

première tranche dite sociale concerne les ménages à faible niveau de consommation ; il

s’agit en général des ménages les plus pauvres. Le biais dans ce système de tarification est

que les ménages comportant beaucoup d’individus sont facturés dans la tranche supérieure

de consommation sans pour autant qu’ils soient riches alors que des ménages riches avec

peu d’individus et consommant moins bénéficient du tarif social.

Concernant les prix du gaz butane et d’autres produits pétroliers, les fluctuations sont

étroitement liées à l’évolution des cours mondiaux. Ainsi, le Comité National des

Hydrocarbures (CNH) fixe les prix sur la base principalement des prix des importations de

brut et des frais annexes. Le prix de vente final est décomposé de manière à faire ressortir la

marge des producteurs ainsi que des distributeurs.

On peut mesurer le price gap des produits énergétiques subventionnés, notamment

l’électricité et le gaz. Pour ces produits, le procédé consiste à calculer la différence entre le

prix qui serait observé sur un marché concurrentiel et le prix en vigueur du fait des

subventions. On obtient une subvention unitaire implicite. Toutefois, la difficulté réside dans

l’estimation du prix concurrentiel. Etant entendu que les produits en question sont en

général fabriqués localement à partir d’importations de produits bruts, le prix de référence

peut être appréhendé à partir de la somme des cours mondiaux (frais inclus) et des coûts de

transformation. A cet égard, il est établi que l’Etat supporte jusqu’à 40% des prix réels, pour

le cas du gaz butane.

En tout état de cause, les conditions tarifaires marquées par le niveau élevé des prix des

produits énergétiques ainsi que les fluctuations qui caractérisent l’évolution de certains

d’entre eux ont des effets potentiellement différents d’un groupe de ménages à l’autre. Il en

est de même en ce qui concerne les réformes macroéconomiques touchant directement les

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ménages, telle que la révision de l’impôt sur le revenu. En fait, la référence à une variation

qualitative ou quantitative d’un indicateur global suite à une réforme quelconque cache les

disparités entre les groupes de ménages : un indicateur globalement satisfaisant peut

masquer une détérioration du bien-être des groupes vulnérables. L’appréciation de la

pertinence des réformes nécessite par conséquent l’analyse de leurs effets redistributifs.

Pour se faire, le cadre macro-micro permet d’appréhender les impacts microéconomiques

des politiques macroéconomiques.

Les ménages sont classés en groupes pour tenir compte de l’hétérogénéité. Cette

classification des ménages en entités plus ou moins homogènes facilite la compréhension

des impacts des politiques économiques. A cet effet, les méthodes usuelles dans la

littérature s’articulent autour du lieu de résidence, du niveau de qualification ou de revenu

des travailleurs pour lequel des déciles ou quintiles de ménages sont très souvent

considérés. Par exemple, au Sénégal, Boccanfuso et Savard (2005) ont développé un MEGC

multi-ménages intégrés pour analyser l’impact de la construction d’une autoroute à péage

entre Dakar et Thiès, sur la pauvreté et les inégalités. Des groupes de ménages tels que ceux

vivant à Dakar et les ruraux vivant dans l’axe autoroutier ont été distingués. De façon ad hoc,

la décomposition des ménages suit la problématique de l’étude.

La démarche adoptée dans le cadre de cette étude consiste à combiner les variables « lieu

de résidence » et «ability». Dans une optique de continuum de ménages, nous préférons le

concept d’ability, autrement dit la capacité ou l’aptitude du ménage à gagner des revenus.

Cette capacité dépend de plusieurs facteurs spécifiques au ménage et éventuellement de

facteurs exogènes. Dans la base de données utilisée pour l’étude, on peut entre autres

distinguer trois groupes de ménages selon le milieu de résidence : Dakar, Autres villes et

Milieu rural. Partant de cette classification, notre démarche consiste, dans chaque groupe de

ménages, à distinguer deux sous-groupes : les ménages dotés d’une capacité élevée à gagner

des revenus (Dakar 1, Autres villes 1 et Ruraux 1) et les autres ménages (Dakar2, Autres

villes2 et Ruraux2). Au total, six groupes de ménages sont constitués.

Les variables spécifiques aux ménages sont le niveau d’éducation, le patrimoine, le sexe du

chef de ménage, la présence ou non d’un handicap physique et la taille du ménage. La

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méthode d’estimation est de type logit ordonné. Les résultats montrent que les aptitudes

diffèrent selon la résidence mais les ruraux restent moins aptes à gagner des revenus.

Tableau 2 : Aptitudes selon le milieu de résidence

Groupes Forte capacité Faible capacité

Dakar 81.8% 18.2%

Autres villes 56.8% 43.2%

Ruraux 31.8% 68.2%

Source : Calculs des auteurs à partir de l’ESPS I

On note qu’en milieu urbain, surtout à Dakar, la majorité des ménages disposent d’une forte

capacité alors qu’en milieu rural, plus de deux-tiers des ménages sont faiblement pourvu de

capacités à gagner des revenus. La répartition du revenu selon l’ability et le lieu de résidence

devrait refléter ces différences.

Tableau 3 : Revenu moyen par groupe

Groupes en FCFA

Dakar 1 3 995 318

Dakar 2 1 169 694

Autres villes1 3 158 781

Autres villes2 1 054 737

Ruraux 1 2 827 970

Ruraux2 940 793

Source : Calculs des auteurs à partir de l’ESPS I

Comme l’indique le tableau 3, il existe un écart de revenu entre les groupes quoiqu’il soit

moins important entre les ménages de type 2 des différents lieux de résidence. Aussi bien

dans les villes qu’en milieu rural, les ménages les plus aptes à gagner des revenus ont des

niveaux de revenus plus appréciables que les autres ménages.

Par ailleurs, on s’intéresse à la nature des revenus des ménages. Il s’agit de conforter l’idée

selon laquelle les ménages les moins aptes à gagner des revenus le sont précisément parce

qu’ils disposent d’une faible part du capital de l’économie et reçoivent peu des transferts

ainsi que des salaires. Selon les aptitudes, les sources de revenus des ménages présentent

les caractéristiques décrites dans le tableau suivant.

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Tableau 4 : Répartition des revenus entre les groupes de ménages

Dakar1 Dakar2 Autres villes 1

Autres villes 2

Ruraux 1 Ruraux 2 Total

Revenus du Travail 29,1% 8,9% 24,3% 8,4% 21,8% 7,6% 100%

Revenus du Capital 30,7% 8,9% 24,0% 8,0% 21,2% 7,1% 100%

Transferts 19,0% 3,8% 36,7% 13,4% 20,5% 6,6% 100%

Revenu total 30,3% 8,9% 24,1% 8,0% 21,5% 7,2% 100%

Source : Calculs des auteurs

Il est aussi utile d’apprécier le degré d’homogénéité, à travers par exemple les inégalités de

revenus à propos desquelles les statistiques sont consignées dans le tableau suivant.

Tableau 5 : Inégalités intra groupes

Dakar 1 Dakar 2 Autres

villes1 Autres villes2

Ruraux 1 Ruraux2

Coefficient de Gini 0,34 0,35 0,35 0,36 0,29 0,30

Source : Calculs des auteurs

Les disparités les moins importantes sont donc enregistrées chez les ménages ruraux,

notamment pour ceux qui présentent les aptitudes les plus élevés.

S’agissant des produits énergétiques, la consommation finale d’énergie conventionnelle

(produits pétroliers, charbon minéral et électricité) représente plus de 65% de la

consommation finale totale. Les produits pétroliers constituent la plus grande part des

consommations d’énergie conventionnelle (81%) contre 12% pour l’électricité6. Cela

s’explique en partie par le taux d’électrification nationale qui n’est que de 54% mais que les

autorités ambitionnent de porter à 70% en 2017, dont 95% en milieu urbain et 50% en

milieu rural.

Pris globalement, l’énergie est un poste important des budgets de consommation des

ménages urbains, allant de 5% dans les autres villes à 6.6% à Dakar ; par contre, il n’est que

de 1.5% en zone rurale (statistiques de 2005). S’agissant spécifiquement de l’électricité et du

gaz butane, les deux produits qui attirent l’essentiel des subventions allouées au secteur,

leur part budgétaire est d’à peine 1% en milieu rural alors qu’il avoisine 5% pour l’ensemble

des centres urbains. En termes de répartition des dépenses en d’énergie, on peut remarquer

6 Données du Système d’Information Energétique au Sénégal.

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que les ménages des centres urbains, notamment ceux dotés de capacités plus importantes,

sont les plus grands consommateurs sauf pour le pétrole.

Tableau 6 : Répartition de la Consommation d’énergie

Dakar1 Dakar2 Autres villes 1

Autres villes 2

Ruraux 1 Ruraux 2 Total

Electricité 49,8% 8,9% 30,7% 5,2% 5,1% 0,4% 100%

Eau 40,6% 10,9% 24,9% 7,5% 12,1% 4,0% 100%

Gaz 39,9% 14,9% 25,4% 6,6% 11,7% 1,6% 100%

Source : Calculs des auteurs

Le tableau ci-dessus met en lumière la dualité de consommation quel que soit le groupe de

ménages considéré. Les ménages présentant les plus faibles aptitudes à gagner des revenus

consomment moins d’énergie, qu’il s’agisse de l’eau, du gaz ou de l’électricité.

Enfin, l’imposition des salaires affecte le bien-être des ménages selon précisément la part

des salaires et des revenus du capital dans le revenu total. Par ailleurs, le caractère

redistributif de l’impôt sur le revenu n’a pas été jusque-là bien pris en compte dans les

réformes fiscales qui se focalisaient plutôt sur les aspects économiques liés à la résorption

des déséquilibres et à la compétitivité. Il existe plusieurs barèmes d’impôts sur les salaires

selon le statut matrimonial (droit progressif) et la nature des revenus notamment les

salaires, les revenus fonciers et les revenus de capitaux mobiliers (droit proportionnel).

IV. Méthodologie de simulat ion des im pacts

Les MEGC permettent, entre autres, d’analyser à l’échelle microéconomique les impacts de

politiques macroéconomiques ou de chocs touchant l’économie d’un pays. Ils se sont avérés

très tôt utiles dans l’analyse de la pauvreté et de la distribution des revenus. Plusieurs

auteurs ont introduit des indicateurs de pauvreté dans ce type de modélisation dans le but

d’établir de manière fine la diversité des effets de choix de politiques économiques ou de

chocs exogènes sur les différents agents. Dans ce sillage, ce document analyse l’impact des

mesures de politiques budgétaires sur l’activité économique et la réduction de la pauvreté.

L’économie du Sénégal est notre champ d’application. Le modèle utilisé concerne donc une

petite économie ouverte. Les prix mondiaux des importations et des exportations sont

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supposés exogènes (price taker) et l’offre d’exportation est parfaitement élastique. Les

firmes sont supposées opérer en environnement concurrentiel7 et ont accès à une

technologie de production à rendements d’échelle constants.

Plusieurs types d’impôts et taxes sont considérés : taxes à la production, taxes à la

consommation des biens (finales et intermédiaires) domestiques et importés quel que soit

l’agent (ménages, entreprises et Etat), impôts sur les revenus des ménages et des

entreprises et taxes à l’exportation. Eu égard aux fuites plus ou moins importantes, les taux

de taxation et d’imposition utilisés dans le modèle à partir de la MCS initiale diffèrent des

taux officiels.

Les subventions à l’énergie modifient les prix et les quantités à l’équilibre. Les changements

de comportements des agents s’ensuivent. A court terme, les chocs modifient les prix relatifs

et affectent les décisions d’offre et de demande et, à moyen terme, les choix dynamiques

des agents sont affectés. De même, la refonte du code général des impôts au Sénégal devrait

déboucher très prochainement sur la simplification des taux et la baisse de l’impôt sur le

revenu entre autres mesures. En définitive, un modèle dynamique est parfaitement adapté à

l’analyse des impacts économiques et sociaux des politiques fiscales, en particulier les

modifications des subventions énergétiques et de l’impôt sur le revenu des ménages.

Le modèle comporte quatre agents (État, ménages, firmes et reste du monde), deux facteurs

de production (travail et capital) et vingt et huit branches. Les blocs retenus sont au nombre

de cinq : la production, les revenus et l’épargne, la demande, les prix et les échanges avec

l’extérieur ; l’équilibre est réalisé sur les marchés des facteurs et sur les marchés des

produits.

Pour une branche j à une période t la fonction de production est de type Léontief

entre la valeur ajoutée en volume et les consommations intermédiaires en volume

.

7 L’hypothèse de concurrence pure et parfaite peut être contestée car des barrières à l’entrée font que

plusieurs secteurs sont en concurrence monopolistique. Néanmoins, l’environnement concurrentiel représente un cadre de référence pour une bonne représentation des comportements des entreprises.

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est la production en volume, le volume de la valeur ajoutée et celui des

consommations intermédiaires. et désignent respectivement la part de la valeur

ajoutée et des consommations intermédiaires dans la production.

La valeur ajoutée est déterminée par une fonction Cobb–Douglas entre le travail (L) et le

capital (K) ; cette forme fonctionnelle permet donc de prendre en compte la substitution

entre les facteurs primaires. En macroéconomie, l’utilisation d’une fonction Cobb-Douglas

est très appropriée car on considère que les parts des facteurs sont structurelles.

La part du capital dans la valeur ajoutée est et celle du travail

L’offre de capital physique est spécifique à chaque secteur Le rendement sectoriel du capital

est noté rj. L’offre de travail est endogène, mais elle croit seulement au rythme de croissance

de la population. Le travail est parfaitement mobile entre les secteurs, au taux de salaire w.

La consommation intermédiaire composite, découle d’une fonction Leontief des

consommations intermédiaires en différents produits i.

Pour chaque secteur j, et désignent respectivement le paramètre d’échelle dans la

valeur ajoutée et dans la génération de la consommation intermédiaire composite.

Les conditions de premier ordre du programme de minimisation des coûts donnent

notamment les niveaux optimaux de demande de travail , de capital , le volume

de consommations intermédiaires en bien i , la production à l’équilibre et les prix.

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est le prix de la valeur ajoutée et celui des consommations intermédiaires j.

est l’épargne des entreprises assujetties à un taux de taxation sur le revenu et

est la part des profits destinée à l’entreprise.

L’investissement par destination est défini de telle sorte que le ratio de l’investissement sur

le stock de capital augmente en fonction du ratio rendement du capital sur coût d’usage du

capital (Bourguignon et al. 1989, Jung et Thorbecke, 2003).

Le coût d’usage du capital est calculé comme suit8.

est le taux d’inflation et le prix de l’investissement.

L’équation d’accumulation du capital sectoriel est donnée par :

est le taux de dépréciation du capital pour la branche j et représente le volume

d’investissement de la branche j à la période t.

Par ailleurs, la production des firmes en bien i (XTSit) peut être vendue sur le marché

intérieur (XDSit) et sur le marché d’exportation (EXit). La substitution est imparfaite et la

différenciation est opérée au moyen d’une fonction à élasticité de transformation constante

(CET).

Le même type de fonction lie les exportations vers l’Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine9 (EXUEMOA) et les autres exportations (EXROW). La solution du programme des

firmes se traduit par les équations suivantes :

8 Voir Fall et Thiaw (2009) pour l’économie sénégalaise.

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L’hypothèse d’Armington (1969) est postulée. Les produits sont différenciés selon l’origine :

les importations et les biens produits localement sont considérés comme des substituts

imparfaits. Il s’ensuit que les agents domestiques consomment un produit composite des

importations et des biens domestiques. L’élasticité d’Armington, c'est-à-dire l’élasticité de

substitution dans la fonction CES, rend compte du degré de substitution entre les produits

nationaux et les produits importés. Ces derniers sont, eux-mêmes, composites, fonction CES

des importations venant de l’UEMOA (MUEMOA) et des autres importations (MROW).

S’agissant de la demande totale, elle est composée de la consommation des ménages (C), de

la demande d’investissement (INV), des dépenses du gouvernement (G) et de la demande en

consommations intermédiaires (V). Chacune de ces composantes est un composite

d’importations et de produits locaux. Le type de liaison retenu, dans chacun des cas, est celui

d’une fonction à élasticité de substitution constante (CES). Le bien composite demandé est

en fait une fonction CES des importations et de la production domestique vendue sur le

marché intérieur.

Les revenus des ménages sont issus des rémunérations du travail et du capital, d’une part,

des transferts exogènes provenant de l’extérieur et du gouvernement, d’autre part. Le

9 L’UEMOA qui regroupe 8 pays dont le Sénégal n’a pas une union douanière entièrement fonctionnelle mais

l’hypothèse de libre circulation des biens est communément formulée dans les études empiriques sur la zone.

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ménage utilise ses revenus pour procéder à des dépenses de consommation de manière à

maximiser son utilité qui est supposé de type Stone Geary, sous-jacente à la fonction LES

(Linear Expenditure System ou Système Linéaire de Dépenses).

Les préférences des ménages sont par conséquent représentées par une fonction d’utilité

LES ; l’offre de travail est exogène. Le programme de maximisation de l’utilité du ménage h

se présente comme suit:

Les restrictions suivantes sont naturellement imposées et

est la propension marginale à consommer le bien i.

est la consommation minimale (en volume) du bien i par le ménage h. Elle est estimée

à partir de l’élasticité-revenu et du paramètre de Frisch.

Le paramètre de Frisch (Frisch, 1959) correspond à l’opposé du rapport entre les dépenses

de consommation totales du ménage (son revenu disponible) et le super-numéraire (c'est-à-

dire la différence entre le revenu disponible du ménage et les dépenses consacrées aux

produits incompressibles ou de subsistance). Une valeur élevée renvoie à une forte utilité

marginale du revenu du ménage ; ce paramètre diminue évidemment si le pays se

développe.

La résolution du programme du ménage h conduit, après quelques manipulations, à la

fonction de demande suivante:

Six catégories de ménages sont retenues grâce au croisement de deux critères : le lieu de

résidence (Dakar, autres centres urbains et rural), et le capital humain. Par conséquent, pour

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chaque lieu de résidence, deux catégories de ménages sont établis selon que le capital

humain est élevé ou moyen-faible.

S’agissant des recettes de l’Etat, ils comprennent les taxes liées au commerce extérieur, les

taxes à la production, l’impôt sur les bénéfices, les taxes directes et indirectes sur les

ménages et les transferts nets reçus du reste du monde. Le gouvernement cherche à

préserver le bien-être social suite à un choc réel négatif. Il choisit d’accorder davantage de

subventions et/ou de modifier les prélèvements subis sur les ménages et les entreprises.

Les dépenses du gouvernement sont composées des subventions-transferts aux ménages et

des autres dépenses courantes.

L’épargne du gouvernement est donnée par :

Quant au reste du monde, son épargne se formule comme suit :

L’épargne totale s’écrit donc :

L’équilibre est réalisé sur le marché des biens et sur le marché des facteurs. Les transferts

nets de l’extérieur vers les ménages et les prix mondiaux sont supposés exogènes.

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Les MEGC ont été abondamment utilisés dans l’analyse des impacts sociaux des mesures de

politique économique. Il est possible de distinguer deux approches courantes dans la

littérature : les MEGC à agents représentatifs et les MEGC de type micro simulé.

Dans le cas d’agents représentatifs, les impacts sociaux des politiques sont approximés en

supposant que chaque catégorie de ménages identifiée dans le modèle est un agrégat de

ménages hétérogènes dont on peut précisément saisir l’hétérogénéité connaissant la forme

fonctionnelle de distribution des revenus intra-catégories. Sous l’hypothèse d’une

distribution inchangée avant et après choc, on calcule les indicateurs de pauvreté usuels et

de bien-être.

Dans un MEGC micro simulé, on peut distinguer l’approche « top–down » qui consiste,

d’abord, à construire un MEGC standard permettant de simuler l’impact des chocs

macroéconomiques sur les prix des facteurs de production et sur les prix des biens et

services avant d’utiliser les informations des enquêtes ménages pour estimer les nouveaux

vecteurs de revenus et de consommation avant et après chocs. Par la suite, les indicateurs

de pauvreté sont recalculés dans une modélisation microéconomique plus ou moins

sophistiquée (Robillard et al., 2001). Un inconvénient de taille de cette méthode est qu’elle

ne permet pas de prendre en compte les effets de rétroactions sur les résultats du MEGC.

Une deuxième variante, devenue courante dans l’analyse de la pauvreté et des inégalités, et

utilisés notamment par Cockburn (2001, pour le Nepal) et Boccanfuso et al. (2003, pour le

Sénégal), prend en compte directement les changements de distribution intra-groupes. La

méthode consiste à introduire l’ensemble des ménages d’une enquête nationale dans le

MEGC, ce qui revient à construire un MEGC avec un nombre de catégories de ménages égal

au nombre de ménages de l’enquête. Les comportements microéconomiques des agents

sont alors pris en compte dans le cadre macroéconomique et les effets d’interdépendance et

de rétroaction intégrés dans la résolution du MEGC. Les outils d’analyse de la pauvreté

interviennent après les simulations qui permettent d’obtenir des vecteurs de revenus, de

dépenses et de prix. Toutefois, cette approche requiert d’importantes bases de données qui

font défaut dans les pays en développement.

La démarche adoptée dans le cadre de ce travail consiste à calculer les revenus après

simulations dans un modèle à agents représentatifs et à utiliser les données d’enquête

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auprès des ménages pour calculer les indices usuels de pauvreté avant et après simulations.

Les ménages d’un groupe donné peuvent être affectés de manière différente par les

politiques macroéconomiques non seulement selon leur niveau de revenu, mais aussi en

fonction de leur dotation factorielle, de leur patrimoine ou de leurs caractéristiques

démographiques. L’analyse de la pauvreté est effectuée sur la base des vecteurs de revenus,

de dépenses et de prix.

L’approche s’inspire précisément des travaux de Cockburn (2001), Robillard et Robinson

(2001), Fofana et Cockburn (2003). Les différentes étapes, ci–dessous décrites, seront

distinguées :

- Catégorisation des ménages selon le milieu de résidence et l’ability;

- Harmonisation des catégories de ménages de l’ESPS et celles du MEGC ;

- Calcul des vecteurs de revenus et de dépenses des ménages à partir des données de

l’ESPS ;

- Rééquilibrage des données de la MCS après introduction des données de l’enquête

ménage.

L’analyse de la pauvreté se fera à travers les indices usuels de Foster, Greer et Thorbecke –

FGT pour la suite- (1984) qui permettent d’appréhender l’incidence, la sévérité et la

profondeur de la pauvreté. Concernant la distribution du revenu, les indices de Gini et de

Gini – Atkinson serviront à mesurer les inégalités aussi bien entre les groupes qu’au sein des

différents groupes.

Enfin, les simulations porteront notamment sur :

- Une baisse des subventions aux produits énergétiques et, à terme leur suppression; et

- Une baisse du taux d’imposition des revenus.

L’analyse des résultats des différentes simulations permettra de faire des suggestions de

mesures budgétaires pour aboutir à la réduction de la pauvreté et des inégalités.

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V. Résultats et im plicat ions des simulat ions

La méthodologie décrite ci-dessus nous permet maintenant de procéder à l’analyse des

différents effets des scénarii de politiques budgétaires sur les agrégats macroéconomiques

et sur la pauvreté. Les données ainsi que le mode de calibrage des paramètres sont d’abord

exposées avant la présentation, l’analyse et l’interprétation des différentes simulations.

V.1 Description des données et calibrage

Pour les besoins de cette étude, une matrice de comptabilité sociale (MCS) a été

élaborée pour l’année 201010. Elle fournit une photographie de l’économie en 2010 et

reproduit les flux de biens et services et de revenu entre les agents économiques. Les

regroupements opérés conduisent à retenir vingt huit branches d’activités. Les données sur

les ménages proviennent de l’Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal (ESPS I, 2005) qui a

couvert 13568 ménages de Dakar, des autres villes et des zones rurales.

Les valeurs des élasticités ainsi que celles des autres paramètres ont des effets

potentiellement importants sur les résultats des simulations. Le choix dans le cadre de cette

étude se fait de telle sorte qu’à l’origine, le modèle réplique la MCS initiale. Dans ce cadre,

en dehors des paramètres issus de la MCS, nous avons eu recours à différentes sources

empiriques pour le calibrage des élasticités. L’élasticité de transformation de la fonction CET

selon la destination du produit (ventes locales ou exportations) est calibrée de manière à

refléter la possibilité pour les producteurs locaux d’accroitre leurs ventes à l’étranger en cas

de tassement des ventes domestiques. Le taux de dépréciation du capital est fixé à 4% et

l’élasticité d’Armington de substitution imparfaite entre les produits selon leur origine est

comprise entre 0.25 et 1.8. Les valeurs ont été tirées de la base de données GTAP Africa Data

Base 6.

Par ailleurs, le calibrage du paramètre de Frisch affecte les valeurs assignées aux quantités

de subsistance. La littérature empirique propose différentes valeurs pour le calibrage du

paramètre de Frisch dans les pays en développement. A titre d’illustration, ces valeurs vont,

respectivement pour les ménages urbains et les ménages ruraux, de -2.5 et -3.5 (Dissou,

10

Cf. KANE M. N et H. SY (2013)

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24

2001) à -3.34 et -5.85 (Hertel, Mc Dougall et Dimaranum, 1997)11. Par conséquent, une

analyse de sensibilité a été menée pour le choix du paramètre de Frisch. Quant à l’élasticité-

revenu de la demande, elle est estimée pour chaque produit à partir des séries temporelles

de l’ANSD.

V.2 Description des simulations

On procède à une première simulation selon le schéma de baisse graduelle des subventions

publiques au secteur de l’énergie, toutes choses restant égales par ailleurs. Le même

exercice est conduit en ce qui concerne une baisse de 28.9 milliards FCFA de l’impôt sur le

revenu des personnes physiques, qu’on a traduit en pourcentage de baisse.

Tableau 7: Nature des simulations

Simulations Définitions

Sim1 Hausse du prix de l’énergie durant quatre années consécutives avec respectivement : 3.13%, 5.63%, 11.89% et 13.15%

Sim2 Baisse de 28.9 milliards d’impôts sur les salaires pour l’année de référence

Les inégalités dans la distribution des revenus sont appréhendées à travers les indices de

Gini et de Gini – Atkinson.

Avant le choc, la consommation minimale par équivalent-adulte est calculée pour chacun

des 28 produits considérés, ce qui permet d’estimer le seuil pour que le ménage ne soit pas

pauvre. En pratique, pour la plupart des produits alimentaires, la consommation minimale

par équivalent-adulte est connue. Pour les autres produits, la méthode d’estimation a

consisté à calculer la moyenne des consommations pour les ménages situés près de la

« frontière de pauvreté » autrement dit les ménages qui s’approchent le plus du seuil de

pauvreté, à plus ou moins 5%. Après le choc, les consommations minimales requises ne

doivent pas changer, ce qui permet d’estimer le seuil correspondant avec le nouveau

système de prix.

11

Voir aussi la base de données Global Trade Analysis Project (GTAP).

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25

Les résultats des simulations à l’échelle des agrégats sont d’abord présentés avant l’analyse

des effets sur la pauvreté et sur les inégalités.

V.3 Impacts macroéconomiques, sectoriels et budgétaires

On cherche à ce niveau à appréhender l’impact des mesures prévues sur quelques agrégats.

La comparaison se fait par rapport à la situation de « business as usual » c'est-à-dire par

rapport à la tendance des variables considérées en l’absence de chocs.

V.3.1 Impacts d’une baisse de fiscalité sur les salaires

Les simulations montrent une sensibilité de la plupart des variables d’intérêt aux chocs. La

baisse de la fiscalité sur les salaires serait favorable à la production dans les industries

alimentaires notamment les corps gras, les grains, les céréales et le sucre, et les boissons de

même qu’aux secteurs de l’électricité, de l’eau et du gaz. La hausse de la valeur ajoutée dans

ces secteurs devrait augmenter légèrement la demande de travail, surtout pour les céréales

et la production d’énergie (tableau 14 en annexe).

La hausse du revenu disponible des ménages entrainerait un regain de consommation pour

la plupart des biens et services. Les simulations montrent une hausse des importations de

produits dont les plus concernés sont les produits alimentaires (produits agricoles, produits

de la viande et des poissons, céréales) et l’habillement ainsi que certains services (tableau 15

en annexe). Globalement, la mesure de défiscalisation des salaires entrainerait une hausse

des importations de 2,4% par rapport à la situation tendancielle.

Tableau 8: Impacts sur les agrégats

Importations biens de cons.

Inflation Croissance

Variation 2.42% 0.11% 0.00%

Source : Calculs des auteurs

Il ressort donc des simulations que la politique de réduction de l’impôt sur les salaires est

inflationniste tout en stimulant la demande en biens d’importations chez les ménages pris

globalement. A moins terme, elle conduit à une légère dégradation du solde budgétaire de

0 ,01 point de pourcentage du PIB. La mesure n’est, également, pas pro-croissance.

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26

V.3.2 Impacts du retrait des subventions à l’énergie

Les effets macroéconomiques et sectoriels attendus du retrait progressif des subventions à

l’énergie ne sont pas négligeables. En l’état actuel, c'est-à-dire avant la mise en place des

sources complémentaires d’énergie notamment les centrales à charbon et bien que la

hausse des prix de l’énergie n’est pas envisagée par les autorités, l’exercice de simulation

n’en est pas moins intéressant en ce qu’il permet de savoir les possibles conséquences

macroéconomiques et budgétaires qu’aurait le retrait des subventions si aucune mesure

compensatrice n’est prise par les pouvoirs publics. Le tableau suivant résume quelques

variations attendues à moyen terme.

Tableau 9: Impacts sur les agrégats

Années Recettes (en %)

Solde budgétaire (en point de

pourcentage

du PIB)

Inflation (en %)

TCER (en %)

T+1 0.14 0.07 0.06 0.07

T+2 0.11 0.13 0.04 0.05

T+3 0.26 0.26 0.11 0.12

T+4 0.05 0.29 0.02 0.02

Source : Calculs des auteurs

Le retrait progressif des subventions à l’énergie devrait se traduire par une augmentation

des recettes de l’Etat à moyen terme et une amélioration du solde budgétaire. Cette

politique serait néanmoins inflationniste du fait de la hausse des coûts de production suite

au relèvement du prix de l’énergie. La perte de compétitivité de l’économie s’ensuivrait.

V.3.3 Combinaison des deux mesures

Une baisse progressive des subventions au secteur de l’énergie combinée à la réduction de

l’impôt sur les salaires entrainerait une hausse généralisée des prix à la faveur de

l’augmentation des coûts de production et de la progression des dépenses de consommation

des ménages. Par ailleurs, une amélioration du solde budgétaire est attendue à moyen

terme alors que les effets sur la croissance seraient quasiment nuls.

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27

Tableau 10 : Impacts de la combinaison des deux mesures sur les agrégats

Années Inflation (en %)

Croissance (en %)

Solde budgétaire (en point de pourcentage

du PIB)

t+1 0.06 0.0 0.06

t+2 0.04 0.0 0.11

t+3 0.11 0.0 0.25

t+4 0.02 0.0 0.27

V.4 Impacts des simulations sur la pauvreté et les inégalités

Deux hypothèses sont considérées pour mesurer l’impact des mesures de politique fiscale

ou de subventions sur la pauvreté des ménages. D’abord, nous supposons que la variation

du revenu moyen est constante au sein des ménages d’un même groupe. Ensuite, il est fait

l’hypothèse que, dans chaque strate, la variation de la dépense moyenne est égale à celle du

revenu moyen.

Il est ainsi possible d’estimer les vecteurs de dépenses des ménages après chaque

simulation. Nous estimons, par ailleurs, la valeur du seuil de pauvreté correspondant à

chaque simulation à partir des variations des prix des produits qui composent le panier de

consommation de base des ménages. Par suite, sur la base des nouveaux vecteurs de

dépenses et des nouvelles lignes de pauvreté les variations des indices de Foster, Greer et

Thorbecke (1984, FGT pour la suite), Pα sont calculées. Ces derniers sont définis de la

manière suivante :

est le revenu du ménage ; , le seuil de pauvreté ; , le nombre de ménages ; , les

ménages ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté, et , l’indice de pauvreté.

Si α=0, l’incidence de la pauvreté mesure la proportion des ménages vivant en dessous du

seuil de pauvreté.

Si α=1, la profondeur de la pauvreté mesure l’écart du revenu des pauvres par rapport au

seuil.

Si α=2, la sévérité de la pauvreté mesure la somme du carré des déficits de pauvreté par

rapport au seuil.

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Les résultats des estimations de ces indices sont analysés dans ce qui suit, pour les six

groupes de ménages et après les différentes simulations. Les calculs sont effectués sur la

base des dépenses par équivalent- adulte. Le seuil de pauvreté à l’état initial est donné par

l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) sur la base des résultats de

l’enquête de suivi de la pauvreté ESPS I (2005).

V.4.1 Analyse des résultats du scénario de base

A l’origine, la pauvreté est plus marquée en milieu rural (55% en moyenne), surtout parmi

les ménages qui ont moins de capacités à se procurer des revenus (73,4%). La proportion de

pauvres est également plus importante au niveau des autres centres urbains (40,2%) qu’à

Dakar (25,4%). De même, les ménages qui ont un capital humain (ability) plus bas sont plus

touchés par le phénomène. Au total, l’incidence de la pauvreté est ressortie à 44,3%. La

profondeur et la sévérité de la pauvreté évoluent dans le même sens que l’incidence de la

pauvreté.

Tableau 11 : Indices FGT à l’origine

Dakar 1 Dakar 2 Autvilles1 Autvilles2 Ruraux1 Ruraux2 Ensemble

P0 21,9% 48,4% 28,9% 63,0% 31,2% 73,4% 44,3%

P1 4,7% 17,9% 6,3% 23,6% 7,0% 29,1% 14,3%

P2 1,5% 8,3% 2,1% 11,6% 2,3% 15,2% 6,6% Source : Calculs des auteurs

En revanche, les inégalités sont plus profondes au niveau des ménages urbains que pour les

ménages ruraux. Les coefficients de Gini et de Gini – Atkinson sont, en effet, plus élevés dans

les autres centres urbains et à Dakar qu’en milieu rural. Selon l’ability, les distributions de

revenus sont plus inégalitaires au sein des ménages qui ont moins de capacité à se procurer

des revenus dans chaque localisation géographique considérée (Dakar, Autres villes, Rural).

Les inégalités inter groupes sont également non négligeables, les coefficients de Gini et de

Gini – Atkinson se situant respectivement à 0,29 et à 0,34.

Tableau 12 : Indices de Gini et de Gini – Atkinson

Dakar 1 Dakar 2 Autvilles1 Autvilles2 Ruraux1 Ruraux2

Gini 0,34 0,35 0,35 0,36 0,29 0,30

Atkinson - Gini 0,37 0,39 0,38 0,40 0,31 0,34

Source : Calculs des auteurs

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29

Au bout de cinq ans, l’évolution de l’économie (scénario de référence) conduirait à une

baisse substantielle du niveau de la pauvreté, l’indice global de pauvreté diminuant de 8,9

points de pourcentage pour se situer à 35,4%. Les plus fortes baisses de l’incidence de la

pauvreté seraient notées au niveau des ménages ayant plus de capacités à se procurer des

revenus, notamment dans les autres centres urbains (-31,5%) et à Dakar (-31%). La

profondeur et la sévérité de la pauvreté évolueraient dans le même sens. En moyenne, elles

ressortiraient en baisse de 26,5% et de 28,7% sur l’ensemble de la population. S’agissant des

inégalités intergroupes, une baisse de 25,2% serait notée.

Tableau 13 : Indices FGT (scénario de base)

Dakar 1 Dakar 2 Autvilles1 Autvilles2 Ruraux1 Ruraux2 Ensemble

P0 15,1% 44,2% 19,8% 54,2% 22,0% 63,7% 35,4%

Variation -31,0% -8,7% -31,5% -14,0% -29,4% -13,2% -20,1%

P1 2,8% 13,9% 3,8% 18,6% 4,3% 23,7% 10,5%

Variation -40,5% -22,2% -39,7% -21,2% -38,6% -18,7% -26,5%

P2 0,8% 6,0% 1,0% 8,7% 1,3% 11,8% 4,7%

Variation -46,0% -27,6% -52,4% -25,0% -42,7% -21,9% -28,7%

Source : Calculs des auteurs

V.4.2 Simulation d’une baisse de l’impôt sur le revenu

Relativement au scénario de base, la baisse du taux d’imposition sur le revenu entraine un

repli de 0,5% de l’incidence de la pauvreté au bout de cinq ans. Ce recul de la pauvreté serait

ressenti en milieu rural (-0,9%) et dans les autres centres urbains (-0,4%), la proportion des

ménages pauvres restant inchangée à Dakar. En effet, l’évolution du seuil de pauvreté à

Dakar serait de nature à annihiler les gains issus de la mesure.

En outre, les ménages qui ont plus grandes capacités à se procurer des revenus tireraient

plus profits d’une baisse du taux de l’IR aussi bien dans les autres centres urbains qu’en

milieu rural avec des baisses respectives de l’incidence de la pauvreté de 0,5% et de 1,5%.

Sur l’ensemble de la population, la profondeur de la pauvreté baisserait de 0,1% alors que la

sévérité de la pauvreté s’accentuerait en moyenne de 0,6% du fait des ménages des autres

centres urbains.

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Tableau 14 : Indices FGT après simulation 1 - baisse du taux de l’impôt sur le revenu

Dakar 1 Dakar 2 Autvilles1 Autvilles2 Ruraux1 Ruraux2 Ensemble

P0 15,1% 44,2% 19,7% 54,1% 21,6% 63,4% 35,2%

Variation 0,0% 0,0% -0,5% -0,2% -1,5% -0,5% -0,5%

P1 2,8% 13,8% 3,9% 18,6% 4,2% 23,5% 10,7%

Variation -0,8% -0,4% 2,6% 0,0% -1,5% -0,6% -0,1%

P2 0,8% 6,0% 1,1% 8,8% 1,3% 11,7% 4,8%

Variation -0,9% -0,5% 10,0% 1,1% -1,8% -0,8% 0,6%

Source : Calculs des auteurs

V.4.3 Simulation d’une baisse des subventions à l’énergie

Une baisse progressive des subventions à l’énergie, étalée sur quatre années, conduirait à

une légère augmentation de l’incidence de la pauvreté à moyen terme. En effet, cinq ans

après, la proportion de pauvre augmenterait de 0,4%. Cette légère aggravation de la

pauvreté serait davantage ressentie à Dakar (0,7%) qu’en milieu rural (0,5%) et dans les

autres centres urbains (0,3%), en liaison avec la hausse des prix des produits énergétiques

notamment de l’électricité. Par ailleurs, à Dakar la plus forte progression de la pauvreté

serait constatée au niveau des ménages qui ont moins de capacités à se procurer des

revenus alors que dans les autres centres urbains et en milieu rural la tendance inverse

serait observée. La profondeur et la sévérité de la pauvreté seraient également plus

marquées après une baisse progressive des subventions au secteur énergétique même si les

ampleurs respectives des dégradations resteraient faibles tournant autour de 1% et de 2,3%

en moyenne pour l’ensemble des ménages.

Tableau 15 : Indices FGT après simulation 2 - Baisse progressive des subventions au secteur de l’énergie

Dakar 1 Dakar 2 Autvilles1 Autvilles2 Ruraux1 Ruraux2 Ensemble

P0 15,2% 44,7% 19,9% 54,3% 22,1% 64,0% 35,5%

Variation 0,5% 1,2% 0,5% 0,2% 0,6% 0,5% 0,4%

P1 2,9% 14,0% 3,9% 18,8% 4,3% 23,8% 10,8%

Variation 1,7% 0,9% 2,6% 1,1% 1,2% 0,5% 1,0%

P2 0,8% 6,0% 1,2% 8,8% 1,3% 11,9% 4,9%

Variation 2,0% 1,1% 20,0% 1,1% 1,4% 0,6% 2,3%

Source : calcul des auteurs

Au total, les variations des mesures de pauvreté resteraient faibles au bout de cinq ans,

après chacune des deux simulations. Toutefois, concernant la baisse du taux de l’IR, les

effets positifs sont moins ressentis à Dakar que dans les autres localités alors qu’en ce qui

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concerne la baisse des subventions à l’énergie les effets sont globalement négatifs,

notamment à Dakar et dans le monde rural.

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Conclusion

Au Sénégal où la précarité des conditions de vie concerne de très nombreux ménages, la

lutte contre la pauvreté et la protection sociale sont inscrites au cœur des politiques

publiques. Il est vrai que les résultats enregistrés dans la réduction de la pauvreté sont

timides quoique beaucoup d’initiatives soient en cours pour soutenir les ménages surtout les

plus pauvres. Dans ce cadre et en guise de soutien à la consommation des ménages, l’entrée

en vigueur du nouveau code général des impôts en 2013 se traduira entre autres par la

baisse de l’impôt sur les revenus des ménages. En revanche, pour des raisons liées à

l’orthodoxie budgétaire, la suppression des subventions à l’énergie pourrait être inscrite

dans l’agenda économique du gouvernement.

En tout état de cause, ces deux importantes mesures budgétaires auront des effets sur les

comportements économiques et modifieraient différents aspects de la pauvreté et de la

répartition. Ce document s’est donc intéressé à la simulation des effets dynamiques des

modifications des subventions sur les produits énergétiques et des mesures de baisse de

l’impôt sur des variables macroéconomiques mais aussi sur le bien-être des ménages.

Les ménages ont été distingués en fonction de la localisation géographique et de l’aptitude à

gagner des revenus. Sous ces angles, d’importantes disparités existent entre les milieux

urbains et les zones rurales. Les faits stylisés ont aussi mis en lumière les fortes disparités qui

existent entre les ménages urbains et ruraux en termes de disponibilité et de consommation

d’énergie ainsi qu’en termes de part des salaires dans le revenu.

Les résultats des simulations indiquent que le retrait des subventions conduit à une

amélioration du solde budgétaire, mais il alimente l’inflation sans stimuler la croissance.

Egalement, cette mesure est source de pertes de compétitivité. En cas de baisse de l’IR, une

hausse des importations est attendue de même qu’une légère dégradation du solde

budgétaire. En outre, l’inflation s’accroit légèrement alors que la croissance stagne.

S’agissant des ménages, les deux mesures budgétaires majeures prévues ne devraient pas

entrainer de modifications majeures sur les inégalités. En revanche, toutes choses restant

égales par ailleurs, le recul du taux de pauvreté est attendu de la baisse de l’IR, surtout en

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milieu rural et dans les centres urbains autres que Dakar. En outre, les effets du retrait des

subventions à l’énergie sur la pauvreté sont globalement négatifs.

A la lumière de ces résultats, et face à la récurrence des chocs réels négatifs, on peut

légitimement préconiser un meilleur ciblage des actions du gouvernement pour accroitre

leur efficacité en termes de lutte contre la pauvreté. En restreignant la marge de manœuvre

de l’Etat en faveur des secteurs sociaux et en soutien à l’activité productive, les subventions

à l’énergie dans leur forme actuelle sont loin d’être optimales. A l’opposé, la réduction de

l’impôt sur les salaires est une politique pro pauvre qui gagnerait à être accompagnée par

d’autres types de mesures en faveur des ménages non salariés.

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Annexes

Tableau 12 : Répartition des revenus par groupe de ménages

En abscisse, les ménages et, en ordonnée, le revenu par tête

Dakar1 Dakar2

Autres villes1 Autrevilles2

Ruraux1 Ruraux2

-

500 000

1 000 000

1 500 000

2 000 000

2 500 000

3 000 000

3 500 000

4 000 000

4 500 000

5 000 000

0 500 1000 -

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1 400 000

1 600 000

- 50 100 150 200 250 300

-

1 000 000

2 000 000

3 000 000

4 000 000

5 000 000

6 000 000

7 000 000

8 000 000

- 1 000 2 000 3 000 4 000

-

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1 400 000

1 600 000

1 800 000

2 000 000

- 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500

-

500 000

1 000 000

1 500 000

2 000 000

2 500 000

3 000 000

3 500 000

- 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 1 600

-

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1 400 000

1 600 000

- 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500

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Tableau 14: Variations attendues de la baisse de l’impôt sur les salaires

(en pourcentage par rapport au scénario de base)

Secteurs Valeur ajoutée

Céréales 0,013

Boissons 0,008

Sylviculture Foresterie 0,006

Grains 0,006

Electricité Eau Gaz 0,006

Corps gras alimentaires 0,006

Sucre 0,006

Agriculture vivrière 0,005

Coton Textile 0,004

Elevage Chasse 0,004

Services 0,004

Agriculture industrielle 0,003

Viande Poissons 0,002

Tabac -0.004

Pétrole -0.01

Produits Importations

Viande Poissons 0,049

Sylviculture Foresterie 0,043

Agriculture vivrière 0,042

Elevage Chasse 0,040

Services 0,039

Céréales 0,038

Coton Textile 0,036

Agriculture industrielle 0,035

Corps gras alimentaires 0,035

Boissons 0,032

Pêche 0,030

Grains 0,027

Tabac 0,026

Sucre 0,024

Cuir 0,021

Produits chimiques 0,021

Produits divers 0,017

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Tableau 15: Variations attendues du retrait des subventions à l’énergie

(en pourcentage par rapport au scénario de base)

Secteurs

Valeur ajoutée

T+1 T+2 T+3 T+4

Electricité Eau Gaz -0,67 -0,52 -1,23 -0,24

Pétrole -0,04 -0,03 -0,08 -0,02

Céréales -0,04 -0,03 -0,07 -0,01

Sylviculture Foresterie -0,02 -0,02 -0,04 -0,01

Corps gras alimentaires -0,02 -0,02 -0,04 -0,01

Agriculture vivrière -0,02 -0,01 -0,03 -0,01

Sucre -0,01 -0,01 -0,02 0,00

Grains -0,01 -0,01 -0,02 0,00

Elevage Chasse -0,01 -0,01 -0,02 0,00

Agriculture industrielle -0,01 -0,01 -0,02 0,00

Viande Poissons -0,01 -0,01 -0,02 0,00

Pêche 0,00 0,00 -0,01 0,00

Boissons 0,00 0,00 -0,01 0,00

Secteurs

Offre d’emplois

T+1 T+2 T+3 T+4

Electricité Eau Gaz -3,37 -2,63 -6,17 -1,23

Pétrole -0,13 -0,10 -0,25 -0,05

Céréales -0,11 -0,09 -0,22 -0,04

Sylviculture Foresterie -0,08 -0,06 -0,15 -0,03

Corps gras alimentaires -0,06 -0,05 -0,12 -0,02

Agriculture vivrière -0,06 -0,04 -0,11 -0,02

Viande Poissons -0,04 -0,03 -0,08 -0,02

Agriculture industrielle -0,04 -0,03 -0,07 -0,01

Elevage Chasse -0,04 -0,03 -0,07 -0,01

Grains -0,03 -0,03 -0,07 -0,01

Sucre -0,02 -0,02 -0,05 -0,01

Pêche -0,01 -0,01 -0,03 -0,01

Boissons -0,01 -0,01 -0,03 -0,01

Services 0,00 0,00 -0,01 0,00