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DEVELOPPER LES COMPETENCES
DE LANGAGE EN MATERNELLE
Animation pédagogique
Mercredi 04 février 2009
Ecole Romäus VILLINGEN
Déroulement:
Que nous disent les instructions officielles de 2008?
Comprendre les processus d’apprentissage du langage
Les modalités de l’apprendre à parler dans la perspective de l’apprendre à lire
Rôle des adultes dans l’accès à la maîtrise du langage
Repérer les évolutions dans le langage de l’enfant
PROGRAMME 2008 DE L’ECOLE MATERNELLE :
S’APPROPRIER LE LANGAGE
Le langage oral, pivot des apprentissages de l’école maternelle.
L’enfant s’exprime et se fait comprendre par le langage dans des échanges avec l’enseignant et avec ses camarades, dans l’ensemble des activités et dans des séances d’apprentissage spécifiques,
L’élève acquiert quotidiennement de nouveaux mots et s’approprie progressivement la syntaxe de la langue française
Échanger, s’exprimer
Les enfants apprennent d’abord à échanger par l’intermédiaire de l’adulte
écoutent et répondent aux sollicitations, nomment des objets et des actions
participent à des échanges à l’intérieur d’un groupe redisent des comptines et interprètent des chants
mémorisés apprennent à communiquer sur des réalités de moins
en moins immédiates désigner correctement les protagonistes marquer les liens entre les faits, exprimer les relations temporelles situer les objets ou les scènes et décrire les
déplacements
Une attention particulière est portée à la compréhension
Apprendre à distinguer : une question, une promesse, un ordre, un
refus, une explication, un récit. la fonction particulière des consignes
Comprendre : un camarade, un interlocuteur adulte, des récits.
Progresser vers la maîtrise de la langue française
En manipulant la langue, en écoutant des textes lus, les enfants s’approprient les règles qui régissent la structure de la phrase.
À la fin de l’école maternelle, ils utilisent de manière adaptée les principales
classes de mots (articles, noms, verbes, adjectifs, adverbes, prépositions)
produisent des phrases complexes composent progressivement des unités plus
larges que la phrase (un énoncé, de très courts récits, des explications).
L’acquisition du vocabulaire exige des séquences spécifiques des activités régulières
de classification, de mémorisation de mots, de réutilisation du vocabulaire acquis, d’interprétation de termes inconnus à partir de leur contexte.
Introduction hebdomadaire de mots nouveaux pour enrichir le vocabulaire en relation avec les activités et les lectures
Les enfants apprennent ainsi le vocabulaire (noms, verbes, adjectifs, adverbes, prépositions) pour comprendre ce qu’ils entendent d’échanger en situation scolaire, avec efficacité, et d’exprimer leur
pensée.
Rôle de l’enseignant
Accorder une attention particulière à chaque enfant,
fournir les mots exacts encourager les tentatives, reformuler les essais pour faire entendre
des modèles corrects. offrir un langage oral précis et construit
À la fin de l’école maternelle l’enfant est capable de :
- comprendre un message et agir ou répondre de façon pertinente ; - nommer avec exactitude un objet, une personne ou une action ressortissant à la vie quotidienne ; - formuler, en se faisant comprendre, une description ou une question ; - raconter, en se faisant comprendre, un épisode vécu inconnu de son interlocuteur, ou une histoire inventée ; - prendre l’initiative de poser des questions ou d’exprimer son point de vue.
L’apprentissage du langage oral à l’école maternelle :
rôle, modalités et enjeux des interactions langagières
entre adulte et enfant
Emmanuelle CANUT (Université de Nancy)
ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française)
AsFoReL (Association de Formation et de Recherche sur le Langage)
Association de Formation et de Recherche sur le Langage (AsFoReL) Confronter pratiques sur le terrain et réflexion théorique
Recherches sur les processus d’apprentissage du langage
Adéquation des pratiques en fonction des objectifs
AsFoReLAssociation Loi 1901 - Organisme de formation Publication annuelle d’une revue : l’ALOE (l’Acquisition du Langage
Oral et Ecrit).6, square Henri Sellier - 92290 Châtenay Malabry. Permanence tél. : 01 46 61 96 50 – Courriel : [email protected] – Site
internet : http://site.rnaf.net/RFL
Processus d’apprentissage du langage
3 questionnements : 1- Que signifie : apprentissage du langage ?
Que signifie : « maîtrise de la langue » (avant l’accès à l’écrit) ?
2- Quel est le rôle des adultes dans l'accès à la maîtrise des fonctionnements langagiers ?
3- Quelles situations et quels supports favorisent des interactions langagières efficaces pour l'apprentissage du langage ?
INTRODUCTIONQue signifie apprentissage du langage ? Fondements d’une linguistique de l’acquisition
La nature du langage et son fonctionnement dans la société
Les rapports entre langage et pensée
Le rôle de la syntaxe
La fonction langage
Le langage : une fonction biologique et sociale.
L’enfant naît dans un monde déjà « parlé et parlant » (Merleau-Ponty, 1945).
Son langage s’actualise dans une langue, celle parlée par son entourage.
Son langage ne se réalise pas dans le «standard» des grammaires.
Rapports langage et pensée
Le développement du langage et celui de la développement du langage et celui de la pensée sont indissociables et interdépendantspensée sont indissociables et interdépendants « Sans le soutien du langage [la pensée] est incapable de
se développer » (H. Wallon, 1945). « Ce n'est pas l'activité mentale qui organise l'expression, « Ce n'est pas l'activité mentale qui organise l'expression,
mais au contraire c'est l'expression qui organise l'activité mais au contraire c'est l'expression qui organise l'activité mentale, qui la modèle et détermine son orientation » mentale, qui la modèle et détermine son orientation » (Bakhtine, 1929/1977).(Bakhtine, 1929/1977).
L’actualisation de la fonction langage : mène à l’abstraction La fonction langage = capacité initiale de penser-parler La mise en fonctionnement du langage = l’apprentissage,
dépendant des relations avec l’entourage
Primauté du fonctionnement syntaxique
Le fonctionnement syntaxique permet l'organisation du discours et contribue à l'évolution du langage de l'enfant. Expression des relations logiques Évocation d’événements passés ou futurs, plus haut degré de «
décontextualisation » (Guillaume 1927, Jakobson 1922, Bruner 1983)
Maîtrise de la syntaxe : explication des différences entre les enfants (Lentin 1971)
Savoir parler ne signifie pas seulement accumuler du vocabulaire ou maîtriser des marques morphologiques
Le sémantique indissociable du syntaxique : les verbalisations ne sont pas désincarnées du contexte qui leur donne sens.
Structuration du langage de l’enfant
Evolution générale : de l’extension à la complexification des énoncés Augmentation du nombre de mots :
lo => vélo => veux vélo => pas là vélo Association de « phrases » simples :
i(l) prend le panier (et) il va se p(r)omener Elaboration de constructions complexes :
j(e) peux pas pa(r)ce que elle est cassée Difficultés à dégager un ordre précis dans
l’acquisition des constructions Pas de progression régulière et hiérarchisée De fortes variations individuelles
1ère PARTIEApprendre à parler pour accéder à l’écrit
Quel est le répertoire linguistique nécessaire avant l’apprentissage de la lecture-écriture ?«La pédagogie du langage vise à accompagner l'enfant dans ses premiers apprentissages, à l'aider à franchir le complexe passage d'un usage du langage en situation (lié à l'expérience immédiate) à un langage d'évocation des événements passés, futurs ou imaginaires, à lui permettre de se donner enfin tous les moyens nécessaires à une bonne entrée dans l'écrit. » (Programme d’enseignement de l’école primaire, IO 14/02/02, p. 19)
Corrélation simple entre maîtrise du langage et réussite en lecture-écriture
Comparaison entre 2 enfants de CP
Enoncés avec une phrase
simple
Enoncés avec plusieurs
phrases simples
Enoncés avec des
complexités
V.
6 ans 10 mois
40 % 6,6 % 53,4 %
J.
6 ans 7 mois
69,4 % 2 % 28,6 %
Exemple de deux enfants de cours préparatoire : structuration syntaxique des énoncés
V 4 - Lucie caresse son chien euh en lui disant euh tu t'es pas trop ennuyé mon toutou ?A 3 - Oui, c'est bien. Quand tu as fini tu tournes la page.V 5 - Lucie voit le pain au chocolat que son papa a acheté pour le goûter
J 15 - il descendA 17 - Il descend de son lit pour aller jouer à Zorro. D'accord. (pause) Ensuite, qu'est-ce que fait maman ?J 16 - attache la capeA 18 - Alors, la maman de Christophe attache la cape de Zorro. D'accord ? J 17 – oui
Constat au cours préparatoire : V. apprend à lire et à écrire sans difficulté, J. est en échec…
Pour une définition du « savoir parler »
L’enfant « sait parler » lorsqu’il maîtrise un fonctionnement syntaxique lui permettant d’énoncer explicitement au moyen du seul langage verbal une pensée ou un enchaînement de pensées en ou hors situation. (Lentin 1978/1998)
L’enfant « sait parler » lorsqu’il sait utiliser des variantes « ordinaires » de communication
(dépendantes de la situation) Je demande à M. (3 ans 5 mois) de se moucher. M. montre sa poche vide et se dirige vers la boîte de mouchoirs
dans la classe en criant « mouchoi(r) mouchoi(r ) » des verbalisations complètes et syntaxiquement
structurées Je demande à J. (3 ans 1 mois) un mouchoir. J. répond : « z’ai tout pris dans le paquet pour me moucher pa(rce)
que z’ai le nez qui coule » Dans l’objectif de l’accès à l’écrit : maîtrise d’un ensemble de
variantes, des plus contextualisées aux plus «décontextualisées», des moins structurées aux plus «écrivables».
Représenter la diversité du fonctionnement langagier : ensembles de variantes énonciatives (Lentin 1998)
A- Catherine sa voisine des pommes elle lui en a donné plein C- La voisine de Catherine lui a donné un panier plein de pommes /
Catherine a une voisine qui lui a donné un panier plein de pommes B- Catherine compte au sein de son voisinage une fort obligeante
personne dont elle a reçu présent un panier empli de pommes
A- Variantes fonctionnant à l’oral
B- Variantes fonctionnant à l’écrit
C- Variantes pouvant fonctionner à l’oral et à l’écrit
Caractéristiques du langage de l’enfant avant son apprentissage de l’écrit (ce dont il faut s’assurer)
Des « phrases » explicites (niveau lexical) : mots pleins (plutôt que des mots vides comme « ça, là… ») ;
Des « phrases » syntaxiquement construites : « phrases » simples à plusieurs éléments, « phrases » simples juxtaposées ou coordonnées ; « phrases » complexes qui permettent l’expression de relations logiques et temporelles ;
Des « phrases » complètes en elles-mêmes, qui n’attendent pas d’être complétées par l’interlocuteur ;
Des « phrases » organisées en discours, avec des relations de cohésion assurées par les temps des verbes, par les reprises des noms par des pronoms, ou par l’emploi des déterminants (article indéfini, défini, possessif, démonstratif : un/le/son/ce…).
Rôle des adultes dans l’accès à la maîtrise du langage
L’apprentissage prend appui sur les éléments linguistiques proposés par l’adulte pour l’élaboration de «schèmes sémantico-syntaxiques-créateurs » Schèmes : représentations mentales de raisonnements
verbalisés en situation par l’adulte que l’enfant peut exploiter de façon autonome dans d’autres circonstances
Effet catalyseur: uniquement si les offres de l’adulte comportent des fonctionnements langagiers « adaptés » c’est-à-dire proches des capacités de l’enfant (l’adulte
s’appuie sur ce que l’enfant maîtrise déjà = niveau actuel, mais en les excédant légèrement = niveau potentiel (cf Vygotski : « zone proximale de développement » et Bruner : « étayage »)
Le langage adressé à l’enfant : l’adaptation et l’individualisation
prémisses d’un apprentissage linguistique
Conséquences : L’apprentissage du langage est individuel Il ne s’agit pas d’une simple « imprégnation »,
d’un simple « bain de langage » Il ne s’agit pas d’un apprentissage par
reproduction, répétition de modèles de structures déjà entendues
c’est un travail inconscient d’hypothèses sur le fonctionnement du langage des adultes (cf Wallon : « imitation créatrice »)
Modalités d’interactions favorables au développement : reprises et reformulations
Efficacité des reprises et reformulations de l’adulte : si elles correspondent aux hypothèses de l’enfant à ce moment-là Reformulations d’énoncés peu élaborés (syntaxe et
lexique) en réponse aux tentatives de l’enfant Exemple 1 : Guillaume (2 ans 6 mois) et son
institutrice (MB)G - lélon lali lali lélonMB - Ton blouson est parti. Oh ! Il est pas là ton blouson !G - pas là lélonMB - Il faut chercher ton blouson, Guillaume.
[…]
Modalités de reprises et de reformulations
Reprises et reformulations de « phrases approximatives » permettant l’allongement des énoncés
Exemple 2 : Pierrette, 3 ans 6 mois, joue à l’eau avec une bouteilleP 2 - a pas mouilleA 2 - Tu ne te mouilles pas, c’est bien !P 3 - a mouille pasA 3 - La bouteille est pleine.P 4 - a bouteilleA 4 - La bouteille est pleine.P 5 - a bouteille a p(l)eine
Reformulations de tentatives sur des constructions complexes Exemple 3 : Yacine, 5 ans 8 mois
Y 29 - je l'attrape ma(gné)tophone je l'attrape i(l) va tomber A 30 - Tu vas l'attraper si il tombe ?
Y 30 - ouais
Evolution des « essais » vers des productions autonomes de constructions complexes
L’appropriation d’un élément ne se fait pas dans des reprises immédiates mais par un long cheminement
Exemple 4 : verbalisations de « pour que » chez Yan entre 4 et 6 ans (29 narrations)
Yan : 5 ans 7 joursA8- il lui dit merci pourquoi ?Y8- pour qu’i(l) fait un bisou il dit merci Bob(…)A39- et une cuillère pour mélangerY38- mélanger pour qu’on mangeA40- pour mélangerY39- pour mélanger qu’on mange
Yan : 5 ans 21 joursA10- (…) il n’arrive pas à fermer son pantalon parce qu’il a grandiY11- (…) faut pas grandir ! (par)ce que faut être petit pour faut pas être grandir
Evolution des « essais » vers des productions autonomes de constructions complexes
Exemple de Yan (suite)
Yan : 5 ans 11 mois 8 jours
A30- en deux files écartées
Y30- et deux files écartées et Vincent met sa voiture bien pour pas qu’il arrive un accident
A33- pour pas qu’il y ait d’accident
Y33- pour pas qu’il y ait d’acci/ d’accident
Yan : 6 ans 2 mois 9 jours
A5- et oui pa(r)ce que tu vois il y a une petite framboise qui est dessinée sur le tube
Y5- (…) Anaïs appuie un tout p(e)tit peu pour que ça sort
Exemple 5 : tentatives de Marie sur des constructions relatives que/qui
Essais dans des reprises immédiates : Corpus 11 (4 ans, 2 mois)
A10- Oui, ils attendent le car. Ils attendent le car qui va les emmener au grand magasin.M11- il attend le car que i(l) va ramener au grand magasin
Corpus 16 (4 ans 6 mois)A8- Oui, y a des gouttes d’eau qui viennent sur le visage de Julien et il aime bien çaM10- il aime bien ça (…) et ,, il est/ i(l)/ i(l)/ il aime bien marcher sous les gouttes qu’i(l) (ou qui ?) pleut/ qu’i(l) (ou qui ?) pleut
Tentatives dans des reprises différées : Corpus 17 (4 ans 8 mois)
A29- Oui, il mange/M29- sa/ la tartine qu’i(l)/ qu’a réparée (= préparée) maman
Exemple 5 (suite) : tentatives de Marie sur des constructions relatives que/qui
Occurrences attestées en reprise immédiate Corpus 23 (5 ans et 5 mois)
A44- Non, il sort du camion un canapé qui est très lourd.M46- il sort du camion un canapé qui est très lourd
Première autonomie des verbalisations Corpus 24 (5 ans 5 mois)
A17- (…) sur le trottoir d’en face elle rencontre un petit copain qui lui fait/M17- qui court !A18- Oui, qui va à la boulang(e)rie en lui faisant un signe de la main. (…)A60- Oui oui. La maman avait donné un porte-monnaie à Anissa avec de l’argent dedans pour qu’elle achète du pain.M63- oui après elle voit un p(e)tit garçon qui lui fait coucou à elle
Exemple 6 : tentatives de Shanon sur la construction du discours indirect (dire que/dire de) entre 5 et 6 ans
Tentatives dans des reprises différées Insertion de discours direct dans la forme du discours indirect (à
partir corpus 5).Sh6 – je veux que les/ Christophe i(l) dit que/ que viens on
va mangerA10 – il lui dit d’aller manger
Occurrences attestées en reprise immédiateA10 – elle dit que Pilou a disparuSh11 – i(l) dit que ,, Pilou a disparu
Première autonomie des verbalisations Alternance conjointe d’essais et de reprises (corpus 20 à 24)
Sh8 - i(l) dit à maman que, , euh ma / mes piles i(ls) sont i(ls) marchent pas du tout A8 -Oui, il dit que les piles ne marchent pas. Sh9 - i(l) dit à maman que les piles i(ls) (=elles) marchent
pas
Mouvements d’évolution dans la dynamique interactionnelle : des essais aux formes linguistiques
stabilisées et maîtrisées (Canut 2006)
ADULTEreprises et
reformulations
REPRISES de l’enfant
Immédiates Différées
Incomplètes Complètes
Essais
AutonomieMaîtrise des
constructions
Modalités d’interaction peu efficaces pour le développement du langage
Non reprise d’occurrences et non reformulation des essais = stagnation linguistique Exemple de Nicole (5 ans 8 mois)
N2- i(l) regarde sa chaussette qu(i) est sur la têteA3- Sa chaussette, oui, il a mis une chaussette sur sa tête, hein.
15 jours plus tard :N3- eh ben la petite fille e(lle) / e(lle) / e(lle) va refaire tomber le petit ber/ le petit gars qui passaitA3- Elle va le pousser
Aucune occurrence dans les enregistrements suivants : l’enfant n’a pas été entraînée à aller au-delà de son niveau actuel, elle ne peut pas faire l’expérience d’autres fonctionnements, elle s’arrête.
Modalités d’interaction peu efficaces pour une verbalisation maximale
Les ordres invitent plus à l’action: « viens ici », « montre-moi comment tu fais (réponse : comme ça) »
Les questions : engendrent des réponses minimales « oui » ou « non » ou la production de syntagmes isolés. A : c’est quand que tu es née ? - E : ce matin ». A : qu’est-ce qu’on voit ? - E : qu’on voit ? A : comment ils s’appellent tes amis qu(i) ont des
chiens ? - E : euh Milou Les phrases interrompues avec ton suspensif
A : toi tu es mon cousin et moi je suis quoi ? je suis ta cou/ - E : pine
Des situations de dialogues moins favorables à la production de verbalisations maximales
L’enfant en action (motricité ou jeu ou dessin…). L’évocation du vécu de l’enfant non partagé par
l’adulte. La description d’images représentant des objets et des
personnages non impliqués dans des actions. L’invention d’une histoire à partir d’images nouvelles,
inconnues. En revanche, la narration d’histoires
connues de l’enfant peut être un support efficace de verbalisation élaborée (Cf Bruner, Chiland, Diatkine, Dombey, Giasson et Boisclair, Lentin, Wells,…)
En résumé…
Pas de progression identique à tous les enfants. Nécessité d’une évaluation formative. L’apprentissage du langage est individuel,
dépendant des modalités d’interaction proposées par l’adulte.
Ces affirmations (étayées par les recherches) ont des implications didactiques et pédagogiques…
Repérer une évolution dans le langage de l’enfant, évaluer l’impact de son intervention en classe
Le langage : un objet d’étude complexe. Il n’y a pas de recettes…
Dans les dialogues « spontanés » (sans objectif explicite sur le fonctionnement syntaxique), cadre familial ou scolaire : Recherche intuitive d’ajustements qui fonctionnent
(sans connaître exactement le contenu linguistique des formulations)
ou Faible adaptation au langage de l’enfant (ajustement
normatif ponctuel peu pertinent, qui ne s’inscrit pas dans la durée, qui n’engendre pas d’évolution)
Vers des pratiques moins intuitives
« Comme en milieu familial, il importe que l'adulte verbalise abondamment la situation en cours, sollicite l'échange avec chaque enfant et interagisse avec lui chaque fois qu'il tente de produire un énoncé (reprise de l'énoncé, restructuration de celui-ci dans le langage oral de l'adulte) »(Bulletin Officiel du Ministère de l’Education Nationale, Horaires et programme d’enseignement de l’école primaire, Hors-série n° 1, 14 février 2002, L’école maternelle « Le langage au cœur des apprentissages », p. 19-20).
« Conscientiser » sa démarche
On ne peut pas questionner l’enfant sur son langage. On ne peut pas procéder à des exercices de langage
hors d’une situation en train de se vivre. L’observation se fait en situation MAIS impossible
de se préparer à l’avance : les apports se font dans l’immédiat.
Notre oreille n’est pas formée à capter la forme grammaticale des énoncés (en revanche elle est sensible aux « fautes » liées à la norme : j’ai peindu, j’ai mal la tête (?)…).
En conséquence : repérer les tâtonnements de l’enfant sur les fonctionnements syntaxiques implique une écoute particulière (fatigante)
Eléments à observer: catégories syntaxiques de base (liste des « introducteurs de complexité » Lentin dès 1971)
Complétives dans la dépendance du verbe
Infinitives V + Vinf ; A + Vinf ; De + Vinf
Que V + que - Il veut/sait que - Il faut que
Discours indirect Dire + de + inf ; Dire que
Interrogatives indirectes V + si/ce que/qui/quand/ comment/ pourquoi/où…
Demander si/ce que
Je ne sais pas, si/ce que/qui/ quand/où…
Je comprends ce que…
Propositions adjectivales
Relatives qui/ que/ où
NB : pas "dont, lequel"
Je veux la boîte où il y a des billes
Quantitative (adj ou adv) Aussi/plus/moins grand que ; Meilleur/mieux/pareil que
Circonstancielles Causalité - parce que ; puisque ; comme
but pour + inf - pour que
temporalité Quand ; gérondif ; pendant que,après que, dès que…
Condition, hypothèse Si
comparative comme + v
Divers Corrélation Tellement… que
Opposition Alors que, tandis que
Extraction Constructions clivées Il y a/ c'est… qui/que C'est pas moi qui l'ai cassé
Des interactions langagières individualisées en classe : Est-ce possible ? Où, quand, comment procéder ?
Les interactions duelles existent dans la classe Situations de la vie courante (habillage,
rangement, jeux, etc.) Situations d’apprentissage (graphisme,
mathématiques, etc...) Difficultés :
Exploiter ces moments individuels d’un point de vue plus qualitatif que quantitatif
Evaluer dans le temps l’impact de ses verbalisations pour le développement du langage de l’enfant
Comment faire dans sa classe ?
S’astreindre le plus souvent possible à : Être explicite (pas de gestes, pas de recours
à la situation immédiate). Proposer des assertions plutôt que des
questions. Reformuler : s’appuyer sur ce que dit l’enfant
pour lui proposer des formulations légèrement plus compliquées.
Habituer l’enfant à formuler des « phrases » complètes.
Mais pour éviter l’approximation, un seul moyen : l’enregistrement
Comment évaluer ? Etablir des grilles d’évaluation simplifiée
pour aider au repérage et visualiser une évolution
Au cours du dialogue, l’enfant a produit : Date Exemples
- des phrases simples courtes et complètes
Ex : « (je) veux pas », « c’est (un) canard », « il est dans sa maison », etc.
- des phrases simples qui sont juxtaposées
Ex : « (je) vois ça c’est la voiture », « y a plus de shampoing, il est parti dans l’eau »
- des phrases simples qui sont reliées par un coordonnant (et, puis, après, mais…)
Ex : « il voit des gâteaux mais y a pas de feutres », « elle a pas voulu sa viande et elle jette l’assiette »
- des phrases qui comportent une complexité :
=> dans une phrase incomplète
Ex : -« pour prendre la salade », « un canapé qui est trop lourd », « parce que elle a du chagrin », « en miaulant »
=> dans une phrase complète
Ex : « elle enlève le slip pour se laver », « ils sont contents quand ça roule »
=> avec des problèmes de construction ou des essais
Ex : « mélanger pour qu’on mange »
- des phrases qui comportent plusieurs complexités :
=> dans une phrase (en partie) incomplète
Ex : « pa(r)ce que tu vois il y a une petite framboise qui est dessinée sur le tube
=> dans une phrase complète
Ex : « quand (e)lle a fini de rincer les dents e(lle) boit un peu d’eau », « Lucie lance loin pour que Pablo aille chercher le jouet »
=> avec des problèmes de construction ou des essais
Ex : « (par)ce que faut être petit pour faut pas être grandir »
L’enfant reprend les constructions proposées par l’adulte
L’adulte reformule dans des constructions complètes ce que l’enfant dit
La co-narration avec le livre illustré : une activité favorable à une verbalisation maximale
Apports cognitif et langagier du livre Vécu commun, appui sur le texte, expérience
du fonctionnement de l’écrit
Procédure : Choix d’un livre sélectionné spécifiquement
par l’adulte pour un enfant Lecture intégrale et continue à côté de
l’enfant Récit de l’enfant en interaction avec l’adulte
Quels livres choisir dans l’objectif de l’apprentissage ?
Des histoires proches du vécu de l’enfant Des livres dont les textes sont accessibles à
l’enfant Mais difficulté de trouver des textes pouvant
être lus intégralement Critères de sélection dégagés des recherches
sur les difficultés de compréhension des enfants (cf travaux du Centre de Recherche sur L’Acquisition du Langage Oral et Ecrit, Université Sorbonne nouvelle Paris 3)
Conception de livres adaptés (Les histoires à parler, L. Lentin et al., réédition AsFoReL 2006)
Comment savoir si le texte d’un livre est adapté et utilisable pour un « entraînement langagier » ?
Un test simple : écrire le texte et le lire à haute voix
Exemple : C’est moi la p’tite puce euh je m’promène euh. Oh, une
tache noire ! hop-là, je saute au-dessus de la tache noire ! - Je ne sais pas ce que j’ai, il y a quelque chose qui me gratte, ici ! - Oh, ça grimpe, maintenant. Heureusement, il y a des marches ! Oh, là… un précipice ! Je saute encore ! Super, un toboggan géant ! C’est génial ! - ça me gratte encore… ça m’énerve ! - Oh, une grotte ! Tiens je vais la visiter. Il fait tout noir… Au secours ! Je veux sortir ! - ça me gratte dans la gorge, maintenant ! Ah… c’est toi qui m’embêtes depuis le début ! Retourne jouer avec tes copines !
Ce texte n’est pas une « vraie » narration avec des liens de cohérence et de cohésion (problème notamment dans les relations énonciatives : qui parle à qui ?)
En guise de conclusion…
Centrer sa pédagogie sur l’apprentissage du langage n’est pas simple et nécessite une véritable réflexion: sur soi-même (que fait-on exactement
quand on parle aux enfants ?) et sur l’organisation de sa classe.
Pour une réflexion liée à la relation théorie/pratique et aux aspects pédagogiques de la mise en oeuvre d’interactions langagières adaptées voir : Canut, E. (sous la direction de), 2006, Apprentissage du langage oral et accès à l’écrit. Travailler avec un chercheur dans l’école. Amiens : CRDP / Scéren.
A méditer….
« Celui qui ne parle pas sa langue
de manière à pouvoir exprimer ses idées,
qui n ’écrit pas de manière à être lu sans dégoût;
celui là est nécessairement
dans une dépendance individuelle,
dans une dépendance
qui rend nul ou dangereux pour lui
l’exercice des droits du citoyen ;
et réduit à une chimère humiliante pour lui-même l’égalité reconnue par la loi… »
Condorcet,1792,
Procès verbaux du Comité de l’Assemblée législative et de le convention nationale, L’Harmattan, 9 volumes.1998