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Démarches d'investigation en Sciences* et en Mathématiques : aspects didactiques, historiques, épistémologiques Jean-Yves Cariou Université des Antilles, CRREF Université de Genève, LDES Agrégé de Sciences naturelles Maître de conférences en Sciences de l’éducation

Démarches d'investigation en Sciences* et en …calamar.univ-ag.fr/uag/irem/uploads/images/journeesIREM/CONFCARIO… · Primaire : « Si le grand côté du rectangle participe à

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Démarches d'investigation

en Sciences* et en Mathématiques :

aspects didactiques, historiques, épistémologiques

Jean-Yves Cariou

Université des Antilles, CRREF

Université de Genève, LDES

Agrégé de Sciences naturelles

Maître de conférences en Sciences de l’éducation

Mes domaines de recherche :

Les démarches dans l’enseignement des sciences

Les démarches dans l’histoire des sciences

Le sujet de ma thèse :

Former l’esprit scientifique

en privilégiant l’initiative des élèves,

dans une démarche s’appuyant

sur l’épistémologie et l’histoire des sciences

(2009, direction André Giordan et Jack Guichard)

Les premiers textes scientifiques et philosophiques

sont apparus dans une région ultrapériphérique et multiculturelleLes premiers textes scientifiques sont apparus

dans une région ultrapériphérique et multiculturelle…

…du monde grec

Milet

1. Côte ionienne

v. -600

Olympe

Milet : Thalès (624-548) → ÉCOLE IONIENNE

Samos

Samos puis Crotone : Pythagore (580-500) → ÉCOLE PYTHAGORICIENNE

2. « Grande

Grèce »

v. -550

Crotone

3. Athènes

Les premiers fondateurs d’écoles scientifiques

sont aujourd’hui connus comme mathématiciens

Ce qui les caractérise en Maths : des théorèmes

Ce qui les caractérise en Sciences : des spéculations

Pythagore paraît avoir été le premier à

recourir délibérément à des expériences.

Pythagore nous fournit aussi une trace ancienne de mise à

l’épreuve, d’investigation

...ce qui ne put se faire qu’en suivant une

voie expérimentale.

Une source fiable rapporte qu’il découvrit

que les intervalles musicaux et les

nombres étaient « en interrelation de

quantité à quantité », et « il entreprit de

rechercher dans quelles conditions

apparaissent des intervalles concordants ou

discordants »...

Les spéculations culminent avec Platon puis Aristote

Le monde selon Platon est mathématique : des triangles et des polyèdres

4 d’entre eux constituent les 4 éléments

et sont eux-mêmes constitués de triangles

Il existe 5 solides « parfaits » (réguliers, symétriques, convexes) :

Tétra- (4) Hexa- (6) Octa- (8) Dodéca- (12) Icosaèdre (20)

Le monde selon Platon est mathématique : des triangles et des polyèdres

Aristote : c’est pas du tout ça !...

Spéculation admise quelque 2000 ans...

Avant eux, Socrate nous fournit des exemples

significatifs de démarches

En Sciences (narré par Aristophane) : l’origine de la pluie

En Maths (narré par Platon) : le doublement de l’aire d’un carré

2ème esprit scientifique : esprit de déduction et de contrôle.

Les Nuées, Aristophane, -423 :SOCRATE – Il n’existe même pas, Zeus.

1er esprit scientifique : imagination d’explications possibles (ici, naturelles).

S – Les Nuées, bien sûr !

TOURNEBOULE – Qu’est-ce que tu dis ? Alors, qui c’est qui pleut ? Explique-moiun peu ça !

T – Par Apollon ! Moi qui croyais que c’était Zeus qui pissait dans une passoire !Mais qui c’est qui tonne ?

Et je vais t’en donner une preuve magistrale. As-tu déjà vu Zeus faire pleuvoir,sans nuées ? C’est pourtant ce qu’il devrait faire : pleuvoir par ciel bleu, en leurabsence.

Socrate en Sciences (narré par Aristophane) : l’origine de la pluie, de la foudre...

Ô oracle

d’Apollon,

comment faire

cesser la peste

dans note cité ?

Apollon dit :

double mon

autel !

Le doublement de l’aire d’un carré

Une histoire sûrement connue de Socrate :

Socrate en Maths, avec un élève :

Comment doubler l’aire d’un carré ?

Carré

2xSS ?

(Ménon, Platon)

S

Conception de l’élève : doubler la longueur du côté

Socrate lui fait admettre que ce n’est pas valable

SOCRATE (à Ménon)– Examine donc ce que, en partant de cet embarras, il va bel etbien découvrir en cherchant avec moi, moi qui ne fais que l’interroger pour qu’ilexprime ses opinions.

SOCRATE – (...) N’a-ton pas ici une ligne qui va d’un coin à un autre coin ?

LE JEUNE GARCON – Oui.

SOCRATE – (...) C’est justement la ligne à laquelle les savants donnent le nom de « diagonale ». En sorte que ce serait à partir d’elle que, d’après ce que tu dis, on obtiendrait l’espace double ?

LE JEUNE GARCON – Oui, parfaitement, Socrate.

Socrate nous donne aussi le premier exemple

d’un biais pédagogique :

« - Dis-moi donc, mon garçon, l’expérience que voici ne montre-t-elle pas que desbulles sortent de cette plante aquatique ?

Transposons en biologie, de nos jours :

- C’est vrai, par Zeus.

- Et celle-ci, placée dans les ténèbres, se comporte-t-elle de même ?

- Nullement.

- Ces bulles sont justement emplies de cette substance à laquelle les savantsdonnent le nom d’“oxygène”. En sorte que ce serait sous l’effet de la lumière que,d’après ce que tu dis, jeune élève, serait produit l’oxygène.

- Oui, parfaitement, professeur. »

Exemple de « cryptodomatisme »

S

Tentatives par diverses divisions de la surface jaune en 4 parts égales :

?

Répartir ce qu’il faut ajouter (jaune) sur les 4 côtés du carré initial (rouge)

Aide possible : Gâteau aux 3

chocolats...

Presque !

S’achève par une démonstration

Comment diviser autrement en 4 parts égales ?

Après réfutation des conjectures : côté x2, côté x1,5, côté x1,4...

Approche possible en classe, sans calculs ni équations (mais papier + ciseaux) :

2xS

(pas carré)

APPUI POSSIBLE SUR L’HISTOIRE DES SCIENCES

DÉMARCHES D’INVESTIGATION en MATHÉMATIQUES

Galilée, Discours concernant deux sciences nouvelles, 1638 :

18

« (...) pour évaluer la grandeur des villes, on estime en savoir assez

lorsqu’on connaît la longueur de leur enceinte »

Propositions (conjectures) : c’est comme...

Un rectangle de 10 km sur 7 : aire 70 km2

Un rectangle de 9 km sur 8 : aire 72 km2

Un carré de 8,5 km sur 8,5 : aire 72,25 km2

Paris a un périmètre (sans les bois) de 34 km.

Quelle est son aire ?

Donnée : aire réelle de Paris sans les bois : 87 km2

19

(Estimation du diamètre : 10,4 km)

Aire réelle : 87 km2

20

Conjecture : l’aire d’un disque est supérieure

à celle d’un carré de même périmètre

Regard sur le plan :

presque un disque

Test de la conjecture sur cet exemple et sur d’autres

1

2

Du périmètre au volume :

1

2

- Cela change-t-il la contenance

d’un cylindre de le constituer

selon 1 ou selon 2 ?

- Comment le savoir ?

- Comment l’expliquer ?

Y aura-t-il une différence de contenance ? Comment le savoir ?

22

Galilée 1638 : Discours concernant deux sciences nouvelles

Problème : « como possa essere que... »

Comment est-il possible que...

... qu’avec une même pièce de toile plus longue d’un côté que de l’autre, suivant la

manière de faire un sac pour contenir des graines, la contenance ne sera pas la même ?23

Comment expliquer cette différence de volume ?

Primaire : « Si le grand côté du rectangle participe à la surface, c’est mieux »

Secondaire : ex. France programme de 5ème :

« Une démarche expérimentale permet de vérifier la formule de l’aire du disque. »

Mieux : établissement possible de la formule de l’aire d’un disque, à partir de celle

du périmètre (2pr) et de « Comment faire ? ».

A = pr/2 = 2pr.r/2 = pr2

24

2pr

MAUPASSANT :

Une vente (1884)

Du volume à la mesure du volume :

L’expérience de Césaire-Isidore et Prosper-Napoléon

Extrait n°1 : le marchandage.

Les nommés Brument (Césaire-Isidore) et Cornu (Prosper-Napoléon)

comparaissaient devant la cour d'assises de la Seine-Inférieure sous l'inculpation

de tentative d'assassinat.

"Mon président, j'étions bu. (…) Il me dit : "Il me faut mille francs pour jeudi." Là-

dessus, je deviens froid, vous comprenez. Et il me propose à brûle-tout-le-foin :

"J'te vends ma femme."

J'étais bu, et j'suis veuf. Vous comprenez, ça me remue. Je ne la connaissais point,

sa femme ; mais une femme, c'est une femme, n'est-ce pas ? Je lui demande :

"Combien ça que tu me la vends ?" (…) Quand on est bu, on n'est pas clair, et il me

répond : "Je te la vends au mètre cube."

Moi, ça n' m'étonne pas, vu que j'étais autant bu que lui, et que le mètre cube ça

me connaît dans mon métier. Ça fait mille litres, ça m'allait. Seulement, le prix

restait à débattre. Tout dépend de la qualité. Je lui dis : "Combien ça, le mètre

cube ?" Il me répond : "Deux mille francs." Je fais un saut comme un lapin, et puis

je réfléchis qu'une femme ça ne doit pas mesurer plus de trois cents litres.

J'dis tout de même : "C'est trop cher." (…) "Si elle était neuve, j' dis pas ; mais a t'a

servi, pas vrai, donc c'est du r'tour. J' t'en donne quinze cents francs l'mètre

cube, pas un sou de plus. Ça va-t-il ?" Il répond : "Ça va. Tope là !" J'tope et nous

v'là partis, bras dessus, bras dessous. Faut bien qu'on s'entr'aide dans la vie. Mais

eune peur me vint : "Comment qu' tu vas la litrer ?"

Comment, en effet, nos infâmes lascars peuvent-ils s’y prendre pour

déterminer le volume de l’infortunée Mme Brument ?...

Laissez les élèves proposer des moyens, en discuter… La difficulté vient du

fait que Mme Brument n’a pas une forme géométrique simple : ni cubique, ni

sphérique…

Préciser aux élèves que la solution des deux acolytes n’a pas été obtenue

par le calcul, mais par l’expérience.

Si les élèves savent qu’un kilo d’eau occupe un litre, ils peuvent proposer de

peser Mme Brument : étant faite essentiellement d’eau, comme chacun, un

kilo de Mme Brument doit correspondre à un litre.

Ou encore de passer par un “moule” (on fait prendre un plâtre autour de son

corps, on la fait sortir de cette gangue sans la briser puis on la remplit de

liquide).

Qu’ils avancent ou non un moyen proche de celui de Césaire-Isidore, fournir

successivement aux élèves, en les laissant y réfléchir à chaque fois, les

extraits suivants :

Extrait n°2 : déposition de la victime, Mme Brument.

J'écossais d'z'haricots. V'là qu'ils entrent. Je m'dis "qué qu'ils ont ? Ils

sont pas naturels, ils sont malicieux". “J'avais quasiment une

méfiance..." Le v'là qui s'en va quérir l'grand baril défoncé qu'est sous la

gouttière du coin ; et pi qu'il le renverse, et pi qu'il l'apporte dans ma

cuisine, et pi qu'il le plante droit au milieu, et pi qu'il me dit : "Va quérir

d'l'iau jusqu'à tant qu'il sera plein." Quand l’baril fut empli rasibus, j'dis :

"V'là, c'est fait."

Extrait n°3 : suite de la déposition de la victime, Mme Brument.

Et v'là qu'ils me prennent, Brument par la tête et Cornu par les pieds,

comme on prendrait, comme qui dirait un drap de lessive. Mé, v'là que

j'gueule. Et Brument m' dit : "Tais-té, misère." Et qu'ils me lèvent au-

dessus d'leurs bras, et qu'ils me piquent dans le baril qu'était plein d'iau,

que je n'ai eu une révolution des sangs, une glaçure jusqu'aux boyaux.

Brument dit : "La tête y est point, ça compte. "Cornu dit : "Mets-y la tête."

Et v'là Brument qui m'pousse la tête quasiment pour me néyer, que

l'iau me faufilait dans l'nez. Et v'là qu'il pousse. Et j'disparais. Et pi qu'il

aura eu eune peurance. Il me tire de là et il me dit : "Va vite te sécher,

carcasse."

Extrait n°4 : le stratagème de Césaire-Isidore, révélé par Prosper-

Napoléon.

Alors i m'explique son idée, pas sans peine, vu qu'il était bu. Il me dit :

"J'prends un baril, j'l'emplis d'eau rasibus. Je la mets d'dans. Tout ce qui

sortira d'eau, je l'mesurerons, ça fait l' compte."

Je lui dis : "C'est vu, c'est compris. Mais c't'eau qui sortira, a coulera ;

comment que tu feras pour la reprendre ?"

Un nouveau problème !…

Extrait n°5 : l’opération finale.

…Alors i me traite d'andouille, et il m'explique qu'il n'y aura qu'à remplir le

baril du déficit une fois qu' sa femme en sera partie. Tout ce qu'on remettra

d'eau, ça f'ra la mesure. Je suppose dix seaux : ça donne un mètre cube. Il

n'est pas bête tout de même quand il est bu, c'te rosse-là !

Bref, nous v'là chez lui, et j'contemple la particulière. Pour une belle femme,

c'est pas une belle femme. Tout le monde peut le voir, vu que la v'là. Je me

dis : "J'suis r'fait, n'importe, ça compte ; belle ou laide, ça fait pas moins le

même usage, pas vrai, monsieur le président ? Et pi je constate qu'elle est

maigre comme une gaule. Je me dis : "Y en a pas quatre cents litres."

Je m'y connais, étant dans les liquides.

L'opération, elle vous l'a dite. J' mesurons. Pas quatre seaux. Ah ! ah ! ah !

ah ! Le prévenu se met à rire avec tant de persistance qu'un gendarme est

obligé de lui taper dans le dos. Brument déclare : "Rien de fait, c'est pas

assez." Moi je gueule, il gueule, je surgueule, il tape, je cogne. Ça dure

autant que le jugement dernier, vu que j'étions bu.

Exemple de « problème sans question » (sans énoncé)

Problème implicite : comment passer du nombre de carreaux sur

le côté (n) au nombre de carreaux sur le pourtour ?

Conjectures, tests...

Formule visé : n → 4n-4

20

B- Tu as bien raison, c’est ce qu’il faut faire : on n’a que trop criaillé à leurs oreilles, comme si c’étaient des

entonnoirs à remplir... Maintenant, je les laisse aller seuls de l’avant !

C- Eh, on s’approprie beaucoup mieux une connaissance lorsqu’on l’invente soi-même !

D- S’ils ne se trompent jamais, ils n’apprennent pas si bien. Mettons les questions à leur portée, et laissons-les les

résoudre. Si on les habitue à se laisser conduire, on n’en fera que des machines entre les mains des autres ! La semaine

prochaine, je les perds en forêt au nord du collège : à eux de trouver un moyen d’y revenir...

E- Personnellement, je leur fais suivre un schéma en cinq étapes : un problème à résoudre, ils l’analysent, suggèrent des

hypothèses, en tirent des conséquences, que des observations ou des expériences supplémentaires permettent

d’adopter ou de rejeter. Et chercher à multiplier les hypothèses est un élément important !

F- Cerner un problème, former des hypothèses et les contrôler : voilà les trois opérations capitales de l'intelligence !

G- Il faut qu’ils cherchent comment prouver ou infirmer les hypothèses qu'ils auront pu faire par eux-mêmes. Une

expérience qu'on ne fait pas soi-même avec toute liberté d'initiative n'est, par définition, plus une expérience, mais un

simple dressage sans valeur formatrice !

A- Ah, je suis content de ma séance ! Ils croyaient connaître la solution de mon petit problème, mais ils l’ont découverte

en se trompant, en cherchant : je n’ai fait que les interroger sans rien leur enseigner !

Autour du café, en salle des professeurs...

S’agit-il d’un groupe de professeurs particulièrement révolutionnaires ? Sont-ce les

propos d’enseignants persuadés de la valeur de la « démarche d’investigation » pour

repenser l’enseignement des sciences, comme les y invitent les instructions

officielles les plus récentes ?...

Autour du café, en salle des professeurs...

...Non, il s’agit d’une salle des professeurs au paradis de différents penseurs de

l’enseignement de différentes époques.

...En fait, des échanges au « paradis » !

B- Tu as bien raison, c’est ce qu’il faut faire : on n’a que trop criaillé à leurs oreilles, comme si c’étaient des

entonnoirs à remplir... Maintenant, je les laisse aller seuls de l’avant !

C- Eh, on s’approprie beaucoup mieux une connaissance lorsqu’on l’invente soi-même !

D- S’ils ne se trompent jamais, ils n’apprennent pas si bien. Mettons les questions à leur portée, et laissons-les les

résoudre. Si on les habitue à se laisser conduire, on n’en fera que des machines entre les mains des autres ! La semaine

prochaine, je les perds en forêt au nord du collège : à eux de trouver un moyen d’y revenir...

E- Personnellement, je leur fais suivre un schéma en cinq étapes : un problème à résoudre, ils l’analysent, suggèrent des

hypothèses, en tirent des conséquences, que des observations ou des expériences supplémentaires permettent

d’adopter ou de rejeter. Et chercher à multiplier les hypothèses est un élément important !

F- Cerner un problème, former des hypothèses et les contrôler : voilà les trois opérations capitales de l'intelligence !

G- Il faut qu’ils cherchent comment prouver ou infirmer les hypothèses qu'ils auront pu faire par eux-mêmes. Une

expérience qu'on ne fait pas soi-même avec toute liberté d'initiative n'est, par définition, plus une expérience, mais un

simple dressage sans valeur formatrice !

A- Ah, je suis content de ma séance ! Ils croyaient connaître la solution de mon petit problème, mais ils l’ont découverte

en se trompant, en cherchant : je n’ai fait que les interroger sans rien leur enseigner !

Autour du café, en salle des professeurs...

Socrate/Platon

Vers -400

Montaigne, 1580

Descartes, 1637

Rousseau, 1762

Dewey, 1910

Claparède, 1917

Piaget, 1972

Je défends trois thèses sur l’investigation (Cariou, 2015),

valables pour les Maths (recherche et enseignement) :

- Thèse (1) : L’esprit d’investigation articule

esprit créatif et esprit de contrôle

- Thèse (2) : L’esprit de contrôle est lui-même double

- Thèse (3) : Il y a trois sortes d’investigations à distinguer

Parmi de très nombreux exemples historiques : ceux de Kepler et

Newton, alliant Maths et Physique

- Thèse (1) : L’esprit d’investigation articule

esprit créatif et esprit de contrôle

Kepler et la spéculation 1596 : Le mystère du Monde

« Les erreurs nous montrent le chemin de la vérité ».

« si tout cela ne s’accorde pas, alors sans aucun doute

tout le travail antérieur n’aura été qu’un plaisant

divertissement ».

Il va ensuite comparer son système aux observations de Tycho Brahe :

Robert Hooke, Royal Society 1666Isaac Newton, 1672, 1675, 1680

(de Descartes)

Lettres de Hooke à Newton :

décembre 1679,

janvier 1680

Isaac Newton, 1684, 1687…

1644

« Ces propriétés de la gravitation que j'ai moi-même découvertes en

premier (…), et que récemment M. Newton m'a fait la faveur

d'imprimer et de publier comme ses propres inventions. »

Hooke, 1690.

1679-80

1726 ←1666SYSTÈME DU MONDE

– 1687 –

Hypothèses

« Faits »

1609

Newton : « Je ne fais pas d’hypothèses »

« Je déduis tout à partir des phénomènes » (cf. la pomme)

Les différents éclairages historiques, épistémologiques,

psychologiques et didactiques envisagés permettent d’aboutir

à une vision synthétique :

Le statut des expériences en classe « est encore fort éloigné d’une

éducation de l’esprit d’invention et même d’une formation de

l’esprit de contrôle » (Piaget, 1965).

« L’imagination n’est qu’un élément du jeu. À chaque étape, il lui

faut s’exposer à la critique et à l’expérience » (Fr. Jacob, 1981).

Jean Piaget (psychologue) et François Jacob

(scientifique) résument les vues de nombreux auteurs :

Le jeu des deux esprits scientifiques

Thèse (1) : L’esprit d’investigation articule

esprit créatif et esprit de contrôle

Thèse (2) : L’esprit de contrôle est lui-même double

Une idée peut avoir différents degrés de probabilité :

-la vraisemblance,

- la vraisemblance et l’absence d’élément contradicteur,

- la vraisemblance, l’absence d’élément contradicteur et l’examen minutieux par une

investigation.

Carnéade, dixième scolarque de l’Académie

(v. -214 / v. -129)

« La créativité des élèves, qui traverse [...] tous les cycles, se déploie au cycle 4

à travers une grande diversité de [...] dispositifs ou activités tels que [...] la

résolution de problèmes, [...]... Chaque élève est incité à proposer des

solutions originales ».

Extraits des nouveaux programmes du primaire et du collège (Cycles 2, 3 et 4 (CP à 3e), rentrée

2016), B.O. du 26 novembre 2015

Cycle 3

Sciences et technologie

« La construction des concepts scientifiques s'appuie sur une démarche qui

exige [...] la formulation d'hypothèses et leur mise à l'épreuve par des

expériences, des essais ou des observations »

Extraits des nouveaux programmes du primaire et du collège (Cycles 2, 3 et 4 (CP à 3e), rentrée

2016), B.O. du 26 novembre 2015

Cycle 2 Mathématiques - Compétences travaillées

Chercher

- S'engager dans une démarche de résolution de problèmes en observant, en posant des questions,

en manipulant, en expérimentant, en émettant des hypothèses, si besoin avec l'accompagnement du

professeur après un temps de recherche autonome.

- Tester, essayer plusieurs pistes proposées par soi-même, les autres élèves ou le professeur.

Cycle 3 Mathématiques - Compétences

Chercher

- S'engager dans une démarche, observer, questionner, manipuler, expérimenter, émettre des

hypothèses, en mobilisant des outils ou des procédures mathématiques déjà rencontrées, en

élaborant un raisonnement adapté à une situation nouvelle.

- Tester, essayer plusieurs pistes de résolution.

Cycle 4 Mathématiques - Compétences travaillées

Chercher

- S'engager dans une démarche scientifique, observer, questionner, manipuler, expérimenter (sur

une feuille de papier, avec des objets, à l'aide de logiciels), émettre des hypothèses, chercher des

exemples ou des contre-exemples, simplifier ou particulariser une situation, émettre une

conjecture.

- Tester, essayer plusieurs pistes de résolution.

Extraits des nouveaux programmes du primaire et du collège (Cycles 2, 3 et 4 (CP à 3e), rentrée

2016), B.O. du 26 novembre 2015

Cycle 3 - Sciences et technologie - Compétences travaillées

Pratiquer des démarches scientifiques et technologiques

Proposer, avec l'aide du professeur, une démarche pour résoudre un problème ou répondre à une

question de nature scientifique ou technologique :

- formuler une question ou une problématique scientifique ou technologique simple ;

- proposer une ou des hypothèses pour répondre à une question ou un problème ;

- proposer des expériences simples pour tester une hypothèse »

Cycle 4 - Physique-Chimie - Compétences travaillées

Pratiquer des démarches scientifiques

- Identifier des questions de nature scientifique.

- Proposer une ou des hypothèses pour répondre à une question scientifique. Concevoir une

expérience pour la ou les tester.

Cycle 4 - Sciences de la vie et de la Terre - Compétences travaillées

Pratiquer des démarches scientifiques

- Formuler une question ou un problème scientifique.

- Proposer une ou des hypothèses pour résoudre un problème ou une question. Concevoir des

expériences pour la ou les tester.

- Thèse (3) : Il y a trois sortes d’investigations à distinguer

40

1

2

Du périmètre au volume :

1

2

Cela change-t-il la contenance

d’un cylindre de le constituer

selon 1 ou selon 2 ?

Comment le savoir ?

Comment l’expliquer ?Problème

explicatif

Problème

pragmatique

Question

Dans les veines de vos mains...

Dans quel sens circule le sang ? Simple question

Problème de type « Comment faire ? »

(pragmatique)

Comment savoir

dans quel sens circule le sang ?

→ Propositions d’hypothèses factuelles(H1 vers le coude/ H2 vers les doigts / H3 il y a un va-et-vient)

→ Propositions de moyens possibles(M1... M2... M3...)

Problème de type « Comment expliquer ? »

(explicatif)

Comment expliquer

le flux continu de sang ?

→ Propositions d’hypothèses explicatives(M1... M2... M3...)

Problème de type « Comment faire ? »

(pragmatique)

Comment savoir

dans quel sens circule le sang ?

→ Propositions de moyens(M1... M2... M3...)

INTERROGATIONS ButCe qu’on

recherche :Ce qu’on propose :

Problèmes

explicatifs

Comment s’explique ?

Comment s’effectue ?

Comment ça marche ?

Comprendre

Problèmes

pragmatiques

Comment faire ?

Parvenir à...

Questions

Quel ? Quand ? Quoi ?

Où ? Est-ce que ?

Y a-t-il un lien entre... ?

S’informer

des

explications

des réponses

(informations)

des moyens

des hypothèses

explicatives

des hypothèses

factuelles

des moyens

possibles

DISTINCTIONS DES TYPES D’INTERROGATIONS et DE RECHERCHES

TYPES D’INTERROGATIONS DANS UNE INVESTIGATION (Exemples)

Sciences

de la natureTechnologie Mathématiques

PROBLÈMES

EXPLICATIFS

Comment expliquer

tel phénomène ?

Comment fonctionne...

tel organe ? ...un

volcan ?

Comment fonctionne

tel appareil ?

Comment expliquer que

tel appareil ne

fonctionne pas ?

Comment expliquer ...que les

médiatrices d’un triangle soient

concourantes ? ...que par trois points

non alignés ne passe qu’un

cercle ? ...qu’on ne puisse trouver

trois nombres qui se suivent dont la

somme est égale à 25 ?

(Les solutions à ces problèmes

s’obtiennent par démonstration)

PROBLÈMES

PRAGMATIQUES

Comment savoir... si

telle hypothèse est

valable ?

Comment montrer

si... ?

Comment montrer

que... ?

Comment fabriquer un

objet tel que... ?

Comment améliorer le

fonctionnement de... ?

Comment savoir quel

élément dysfonctionne

?

Comment faire ...pour connaître

l’aire d’un disque ? ...pour

augmenter la taille du puzzle ?

...pour arriver le premier à 20 ?

QUESTIONS

Quel(le) est... la forme

de l’orbite de Mars ?

...le trajet du sang ? ...la

structure de l’ADN ?

...la structure du

globe ?

Quel facteur est en jeu

dans... ?

Quelles dimensions,

particularités... doit

avoir telle pièce ou tel

système pour... ?

Quel impact aurait telle

modification ?

Quel est... le lien entre périmètre et

diamètre d’un disque ? ...le triangle

dont un cercle peut relier les trois

sommets ?

Y a-t-il... une autre solution ?

Catégories de moyens proposables par un élève donné

dans une situation particulière

Types de moyensMoyens

à efficacité non douteuse

Moyens

à efficacité douteuse

(Moyens hypothétiques)

Moyens connus

(restitués)Type 1 Type 3

Moyens imaginés

(ingénieux)Type 2 Type 4

Investigations : des spécificités pour les Mathématiques ?

Extraits des nouveaux programmes du primaire et du collège (Cycles 2, 3 et 4 (CP à 3e), rentrée

2016), B.O. du 26 novembre 2015

Les liens entre ces diverses activités scolaires fondamentales seront mis en évidence

par les professeurs qui souligneront les analogies entre les objets d'étude (par exemple,

résoudre un problème mathématique / mettre en œuvre une démarche

d'investigation en sciences [...] pour mettre en évidence les éléments semblables et les

différences. »

« La démarche d’investigation scientifique présente des analogies entre son application

au domaine des sciences expérimentales et celui des mathématiques.

Une éducation scientifique complète se doit de faire prendre conscience aux élèves à la

fois de la proximité de ces démarches (résolution de problèmes, formulation

respectivement d’hypothèses explicatives et de conjectures) et des particularités de

chacune d’entre elles, notamment en ce qui concerne la validation, par

l’expérimentation d’un côté, par la démonstration de l’autre. »

Programmes des collèges, 2005 : Introduction commune à l’ensemble des disciplines

scientifiques

Dans la didactique des Mathématiques...

« Ces problèmes, choisis de façon à ce que l’élève puisse les accepter doivent le faire

agir, parler, réfléchir, évoluer de son propre mouvement. Entre le moment où l’élève

accepte le problème comme sien et celui où il produit sa réponse, le maître se refuse à

intervenir comme proposeur des connaissances qu’il veut voir apparaître » (1986).

Guy Brousseau développe dans les années 1980 la Théorie des Situations

Didactiques (TSD), dans laquelle les élèves élaborent des stratégies de

résolution de problèmes, dont ils débattent.

Arsac et Mante (2003) :

« [Notre but :] placer les élèves dans la situation la plus typique de l’activité de recherche

mathématique, c’est–à-dire affronter un problème dont l’énoncé les place, toutes

proportions gardées, dans la situation du chercheur en mathématiques. » (1983, Petit

x n°2).

Arsac et Mante (2007) :

Confronté à un problème dont il ne connaît pas la solution, l’élève devra « essayer,

conjecturer, tester, prouver » (p. 12), « passer les conjectures au feu de la critique,

réfuter certaines par des contre-exemples, apporter des preuves convaincantes à l'appui de

celles qui semblent être vraies. » (p. 38).

Il n’est pas grave de se tromper

On peut même proposer des choses

non faisables en classe

Les idées émises subissent un contrôle critique

(débats)

Les idées retenues subissent un contrôle empirique

(confrontation au réel)

Les idées qui franchissent le contrôle critique mais pas le contrôle

empirique étaient tout de même des idées valables

60

Parmi les principes d’une investigation authentique :

Qu’un problème soulevépose véritablement problème

Que le problèmesoit réellement posé aux élèves

Que les élèves puissent proposerdes hypothèses différentes

Que les élèvesen discutent la recevabilité

Que les élèvesconçoivent et proposent des tests

Que les élèvesen discutent la pertinence

61

Parmi les critères d’une investigation authentique :

Qu’un problème soulevépose véritablement problème

Que le problèmesoit réellement posé aux élèves

Que les élèves puissent proposerdes hypothèses différentes

Que les élèvesen discutent la recevabilité

Que les élèvesconçoivent et proposent des tests

Que les élèvesen discutent la pertinence

Appui sur les

propositions

des élèvesImportance des débats en classe

Que les élèvesen discutent la recevabilité

Que les élèvesen discutent la pertinence

Que les élèves puissent proposer

des hypothèses différentes

Que les élèves

conçoivent et proposent des tests

Problème résolu par leurs propres forces intellectuelles62

Parmi les critères :

Problème

formulé

Données problématiques

Hypothèses

proposées

Hypothèses

retenues

Tests

proposés Résultats

obtenus

Interprétations

proposées

Conclusion

élaboréeTests

retenus

Attitude générale Quo Vadis ? favorisant initiative et débat :

63

Qu’en dites-vous ?

À votre avis ?

Qu’en pensez-vous ?

(les autres)

Commentsavoir ?

Qu’en dites-vous ?

Qu’en pensez-vous ?

(les autres)

Interventions du professeur :

Attitude Quo Vadis ? (Où allez-vous ?)

Qu’en pensez-vous ?

(les autres)

Conceptions

Les effets Topaze et Jourdain (Brousseau) ruinent ces objectifs...

Effet Topaze : « Les moutonssss étai-hunt… »

Effet Jourdain : « mais oui c’est ça ! »

Brousseau se moquait ainsi de ceux qui feignaient de voir dans les travaux d’un jeune

élève la découverte d’un groupe de Klein alors qu’il faisait juste des coloriages ou des

manipulations de pots de yaourts.

J’ai proposé en complément l’effet Goofy-Droopy :

Ahem...

Bien !

Réception DROOPYRéception GOOFY

Plutôt : Attitude KEATON (Buster) Vous en

pensez quoi,

les autres ?

UNE DÉMARCHE D’INVESTIGATION

EST UNE DÉMARCHE DANS LAQUELLE LES ÉLÈVES :

(1)sont confrontés à un problème ou une question énigmatique qui défie leur sagacité et

leur perspicacité ;

(2) conçoivent des idées : hypothèses-conjectures, moyens ingénieux, interprétations ;

(3) critiquent ces idées de manière théorique (débats argumentés) ;

(4)proposent un contrôle empirique des idées qui s’y prêtent (tests des hypothèses-

conjectures et des moyens).

Imaginons que nous ayons en classe un futur enquêteur, comme le célèbre

inspecteur Columbo…

Quand on « fait faire »…

Travaille-t-on l’esprit créatif ?

Travaille-t-on l’esprit de contrôle ?

Ne serait-il pas fondé à nous dire, avec son tact habituel :

…Pourrait-il réellement se considérer en investigation si quelqu’un lui disait

quoi faire, comment, où…

Lui mettant sous les yeux des expériences sans qu’il les ait sollicitées, dans les

mains des documents qu’il n’a pas recherchés ?

« On m’dit qu’c’est moi qui mène l’enquête, on m’fait noter des tas d’trucs sur

mon carnet, mais…

…Y’a des p’tits détails qui m’chiffonnent, m’sieur…».

Pour éviter… Le discours :

…Les pratiques :

En espérant avoir suscité chez vous plus d’effet Goofy que Droopy...