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2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition De l’esclavage à la liberté... Numéro spécial BULLETIN D’INFORMATION Projet « La route de l’esclave »

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2004,Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition

De l’esclavage à la liberté...

Numéro spécial

BULLETIN D’INFORMATIONProjet « La route de l’esclave »

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Sommaire

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Bilan de l’Année . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Activités durant l’AnnéeÉvénements de clôture de l’Année� Lancement de l’Année 2004 au Ghana,

à l’Île Maurice, à Cuba et aux Bahamas)� Rappel de la Révolution haïtienne de 1804� Célébration de la Journée internationale du souvenir

de la traite négrière et de son abolition : 23 août� « Devoir de mémoire : le triomphe sur l’esclavage» ;

une exposition itinérante� Le Prix UNESCO-Toussaint Louverture� La stratégie de communication

Ils ont dit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18� Kofi Annan� Koïchiro Matsuura� Boniface Alexandre� Thabo Mbeki� Michael Omolewa« Les enjeux de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage ». Extraits du Colloque international du 4-5 décembre 2004 . . . . . . . . . . . . 19

� Dr Carlo Sterlin, psychiatre� Mme Sylvia Serbin, journaliste� Mme Aisha Bilkhair Khalifa, coordinatrice des stages� M. Howard Dodson, directeur du Schomburg Center

for Research in Black Culture� Dr Shihan de Silva Jayasuriya, coordinateur de TADIA

(The African Diaspora in Asia)� Mme Libia Grueso Castelblanco, spécialiste du processus

d’intégration des communautés noires en Colombie� Prof. Louis Sala-Molins, philosophe,

membre du Comité scientifi que international du projet La route de l’esclave

� Prof. Jean-Michel Deveau, historien, membre du Comité scientifi que international du projet La route de l’esclave

Interviews . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22� Mme Christiane Taubira, députée� M. Howard Dodson, conférencier� Mme Susana Baca, chanteuse

Lutte contre les formes contemporaines d’esclavage . . . . . . . . 26L’intersectorialité à l’œuvre à l’UNESCO . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

� « Briser le silence» par l’éducation(Réseau des Écoles associées)

� Lutte contre le racisme : Coalition des villes contre le racisme

� Sauvegarder les archives du commerce des esclaves� Patrimoine culturel immobilier liés à la traite

négrière : un héritage à sauvegarder et à gérerDix ans du projet La route de l’esclave (1994-2004) . . . . . . . . . . 34

� L’évaluation du projetTourisme de mémoire et tradition orale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

� Le tourisme de mémoire : coopérationavec l’Organisation mondiale du tourisme (OMT)

� Sauver la mémoire orale dans l’océan Indien� Sur la trace des « Esclaves oubliés »� Madagascar et La Réunion : Deux stèles et un jardin,

symboles d’une histoire entremêlée

Directeur de la publication : Katérina Stenou

Programme : Moussa Ali Iye, Chef de Section Marie-José Thiel Edmond Moukala Bernard Jacquot

Secrétariat : M-F. Lengue

Média, audiovisuel : R. Harguinteguy

Rédaction, réalisation : Christian Ndombi

Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel UNESCO – 1, rue Miollis 75732 PARIS Cedex France Tél. : (33.1) 45 68 42 51 Fax : (33.1) 45 68 57 51 E-mail :

http:/www.unesco.org/culture/slave-route/index.htm

CLT-2005/WS/4 cld.20636

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1Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Avant propos

L’Année internationale de commémoration de la lutte contre l’escla- vage et de son abolition a permis à la communauté internationale

de se pencher sur une des pages les plus tragiques de l’histoire de l’huma-nité, tout en prenant la mesure des transformations globales et profondes provoquées par la traite négrière – une forme de mondialisation avant la lettre – et de réfl échir sur les interactions culturelles qu’elle a générées.

La tragédie est là, ineffaçable, imprescriptible. Entre les XVIe et XIXe siècle, des millions d’Africains furent réduits en esclavage et déportés vers les plantations du Nouveau monde. Cette déportation sans précédent dans l’histoire a laissé le continent africain, privé de ses ressources humaines et de ses forces vives, dans un état de précarité et de vulnérabilité qui a longuement pesé sur son destin.

Marquant le bicentenaire de la première République noire, proclamée en 1804 à la suite de l’insurrection de Saint-Domingue (Haïti), l’Année 2004 nous a offert une occasion exceptionnelle de rappeler non seulement cette tragédie mais également les temps forts de la lutte contre l’esclavage qui ont conduit à son abolition : révoltes souvent matées dans le sang, guerres de libération héroïques, mais aussi dans un horizon plus large, avancées philosophiques, juridiques et politiques – trop lentes, à vrai dire, et souvent suivies de reculs – qui ont conduit le monde à stigmatiser un « crime contre l’humanité » reconnu comme tel par la Conférence de Durban en 2001.

A une époque où des propos sur la pureté raciale et culturelle reviennent dangereusement miner notre quotidien et où des prédictions catastrophistes de nouvelles confrontations entre civilisations nous hantent, il semble essentiel de nous remémorer cette période dramatique de la traite négrière et de l’esclavage.

L’étude rétrospective de cette tragédie nous révèle comment, en dépit de la persistance des stéréotypes les plus radicaux et la mise en œuvre de politiques de discrimination les plus brutales, un pas inattendu vers la communication interculturelle a été franchi.

La propension des cultures à l’échange et à l’interaction, au mépris des tabous et des systèmes sociaux mis en place pour perpétuer un ordre établi, est ainsi confi rmée.

L’analyse des conséquences de l’esclavage permet enfi n d’appro-fondir la réfl exion sur la résistance des stéréotypes raciaux comme sur les chances offertes au dialogue interculturel dans nos sociétés modernes, le plus souvent multiculturelles et multi-éthniques.

Le numéro spécial du Bulletin d’information de La route de l’esclave fait le point sur les multiples activités menées à bien durant cette Année internationale et rend compte de la riche diversité culturelle qui constitue l’héritage paradoxal de l’esclavage : la culture, en effet, a pris sa revanche sur l’histoire en faisant fructifi er les apports issus de cette rencontre forcée sans jamais perdre de vue l’horreur.

La traite négrière, l’esclavage et ses abolitions appartiennent à l’histoire. Pour autant, ils n’appartiennent pas au passé. Les enseignements que nous devons tirer de l’une des pages les plus tragiques de l’humanité ont valeur propédeutique. Dans nos sociétés, des mécanismes insidieux peuvent toujours transformer hommes, femmes et enfants en esclaves, en aliénant leur liberté et en niant leur dignité. L’UNESCO n’a pas seulement un devoir de mémoire à accomplir ; elle a également une obligation éthique de vigilance.

Katérina StenouDirectrice de la Division des politiques culturelles

et du dialogue interculturel

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2 � Bulletin d’information – Spécial 2004

� Se souvenir pour comprendre le présent et préparer l’avenir

C’est à l’initiative de l’UNESCO que l’année 2004 fut proclamée par les Nations Unies Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition. Grâce à la réfl exion menée, notamment dans le cadre du projet La route de l’esclave, nous avons pu ainsi convain-cre la communauté internationale de l’impor-tance de consacrer une année entière à cette question et de compléter les deux dates inter-nationales qui lui étaient déjà réservées chaque année, à savoir le 23 août, Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition et le 2 décembre, Journée des Nations Unies pour l’abolition de l’esclavage.

En effet, un énorme trou de mémoire restait à combler, un oubli que la multiplication, ces dernières années, des commémorations de dates d’abolition et la célébration des fi gures d’abolitionnistes rendait encore plus criant. Il fallait trouver le moyen de rendre également hommage aux victimes elles-mêmes (les millions d’hommes et de femmes réduits en esclavage) et d’honorer le combat acharné qu’ils ont mené pour leur dignité et leur liberté. Il fallait rappe-ler au monde la résistance héroïque qu’ils oppo-sèrent à la barbarie de l’esclavage et célébrer la remarquable ingéniosité culturelle dont ils fi rent preuve pour survivre à ce processus de déshuma-nisation et faire évoluer les sociétés esclavagistes.

L’année 2004 fut choisie pour mar-quer une date emblématique de cette résistance : le 200e anniversaire de la Révolution haïtienne. C’est dans la nuit du 22 au 23 août 1791 qu’éclata sur l’île de Saint-Domingue l’insurrection qui allait conduire, sous la direction de Toussaint Louverture, à l’indépendance d’Haïti en 1804. Considérée comme la première victoire d’escla-ves contre leurs oppresseurs dans l’histoire de l’humanité, cette révolution fut aussi la première à mettre réellement en pratique l’universalité des droits de l’homme, qui étaient encore refusés à une grande partie de l’humanité. De ce fait, la révo-lution haïtienne aura un impact considérable sur les mouvements d’émancipation qui aboutiront aux indépendances des peuples de l’Amérique

latine. Résistant à toutes les tentatives d’étouf-fement, elle portera un message d’espoir dans les cœurs et l’esprit de tous ceux qui rêvaient de liberté et de justice à travers le monde. L’Année 2004 fut donc l’occasion de méditer sur la contribution des esclaves à la marche de l’his-toire et aux transformations profondes du monde.

Au lendemain de la clôture de l’Année internationale et à la lumière des premiers ensei-gnements, il est réconfortant de constater que ce choix des Nations Unies n’a pas été sans effet, comme le craignaient certains. Bien au contraire, 2004 offrit une formidable opportunité pour lever de larges pans du voile qui couvre encore la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage. La forte mobilisation dans les différents pays, la diversité des activités réalisées et la vivacité des débats suscités ont montré l’ampleur des atten-tes et des aspirations pour mieux comprendre ce passé tragique qui ne cesse de hanter notre présent et d’hypothéquer notre futur.

Au cours des nombreuses conférences, expositions, projections et spectacles organisés dans ce cadre, une remarque revenait comme un leitmotiv dans les commentaires des participants de toutes origines : On ne savait pas que cette tra-gédie avait eu un tel impact sur les transformations du monde et qu’elle pouvait concerner à ce point notre propre vie ! La pertinence des manifesta-tions proposées et l’écho donné à ces événements par les médias et les leaders d’opinion ont insuf-fl é une nouvelle dynamique aux efforts pour la reconnaissance des contributions des esclaves.

Bien sûr, il serait naïf de croire qu’une seule année de sensibilisation et de mobilisation, aussi fructueuse soit-elle, suffi rait à rompre des siècles de silence organisé. Mais 2004 aura per-mis d’élargir un peu plus la brèche déjà ouverte dans le mur d’indifférence et d’ignorance qui encercle encore cette tragédie, pourtant sans précédent dans l’histoire humaine.

Dans ce numéro spécial du Bulletin d’information de La route de l’esclave, nous avons voulu donner un aperçu de ce qui s’est passé durant cette Année internationale. Loin d’effectuer un bilan exhaustif, nous avons voulu illustrer les différents types d’actions entreprises par l’UNESCO et nos divers partenaires, natio-naux et internationaux.

Éditorial

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3Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Maintenant que l’Année internationale est close, le plus diffi cile commence pour les res-ponsables et les partenaires du projet La route de l’esclave : gérer les espoirs et les attentes soulevés, répondre aux demandes formulées, bref, canaliser la dynamique suscitée par cette commémoration. Cette mission coïncide avec le 10e anniversaire du projet lancé à Ouidah, au Bénin, en 1994. Elle intervient au moment même où nous effec-tuons son évaluation pour étudier le chemin parcouru et lui défi nir de nouvelles orientations.

Le pari est de taille, mais les encoura-gements reçus lors de l’Année internationale et les perspectives de partenariats fructueux nous donnent la volonté et l’énergie de le relever.

Ali Moussa IyeChef de la Section Histoire et Culture

en charge du projet La route de l’esclave

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4 � Bulletin d’information – Spécial 2004

L’Année 2004 : Un bilan marqué par l’émotion

et la réflexion

Compte tenu de la diversité des activités organi-sées dans le monde entier, ce bilan ne peut être exhaustif et la liste des évènements sélectionnés ne peut donner qu’un aperçu de la densité des actions entreprises dans le cadre de cette année de commémoration.

Rappelons – nous que c’est à la demande de la Conférence générale de l’UNESCO (Réso-lution 31 C/28) que l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de sa 57e session en décem-bre 2002 a proclamé 2004 Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition (Résolution A/RES/57/195). A la suite de cette adoption, l’UNESCO a mené une série de consultations auprès des Etats membres et de la société civile, afi n de mobiliser ceux-ci en faveur de la réfl exion et de l’organisation d’acti-vités sur le plan international et, dans la mesure du possible, en coordination avec le Secrétariat de La route de l’esclave. Ainsi, les 20 et 21 janvier 2003, les membres de l’Équipe spéciale sur les activités de l’UNESCO relatives à l’étude de la traite négrière et de ses implications, et les représentants des délé-gations permanentes auprès de l’UNESCO, se sont réunis afi n de défi nir une stratégie conjointe pour la commémoration de l’année internationale.

Lors de ces consultations, un pro-gramme initial de la commémoration a été défi ni sur la base des trois grands axes prioritaires du programme de La route de l’esclave, la recherche scientifi que, la mémoire vivante, les rencontres et le dialogue, et des recommandations recueillies. Et nous nous félicitons de ce que les commissions nationales, les bureaux hors-siège de l’UNESCO, ainsi que les organisations non gouvernementales aient participé à la commémoration de cette année de manière aussi active. L’importance et le nombre de dossiers et commentaires adressés à l’UNESCO, nous permet de souligner les évènements les plus marquants et partager quelques observations.

Le choix du logo de l’Année 2004 a fait l’objet de propositions et le dessin retenu repré-sentant les maillons d’une chaîne qui se brise et donne naissance à une envolée de colombes vers la liberté a été réalisé par Stéphane Rébillon et Elodie Jarret. Il souligne parfaitement l’esprit de la commémoration.

La diversité des initiatives a été frap-pante. Environ 75 États membres ont fait parvenir

des requêtes à l’UNESCO qui a accordé son parrai-nage ou une assistance fi nancière à environ cents activités parmi lesquelles des colloques internatio-naux, des séminaires, des forums et des expositions réunis autour du thème de l’année internationale et organisés par les États membres eux-mêmes ou bien des organisations non-gouvernementales et les bureaux hors-siège de l’UNESCO. La commu-nauté internationale tout entière s’est mobilisée et a abordé la question de la traite négrière au sein de populations d’horizons et origines diverses. On a ainsi pu constater « la libération d’une éner-gie phénoménale que la honte broyait et que l’ignorance émiettait » pour parler avec Christiane Taubira, Député de la Guyane.

Pour la première fois, la commémora-tion du 23 août, Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, a eu lieu au Siège de l’UNESCO et a été marquée par une série d’évènements dédiés à la mémoire des victimes de la traite négrière et de l’esclavage afi n de susciter la réfl exion sur la particularité de cette tragédie enfi n reconnue comme crime contre l’humanité par la Conférence mondiale contre le racisme de Durban en 2001. Le pro-gramme de cette journée comportait trois volets et donnait d’abord la primauté au verbe dont la force et la magie ont permis à des millions de femmes et d’hommes de transcender l’enfer de la déportation et de l’esclavage. Poésie écorchée pour dire la douleur des êtres déshumanisés, slam ou paroles cadencées pour exprimer la rage et les attentes des jeunes générations, chants de résistance répondant aux appels des tambours vaudou. Le souvenir douloureux et en même temps la victoire éclatante de la révolution haï-tienne a ému plus d’un participant, tandis que la magnifi que exposition de tentures royales nous rela-tait la grande déportation des Africains et que le fi lm saisissant, SANKOFA, nous faisait revivre la traite transatlantique tout en mettant le doigt sur le lien existant entre le présent et ce doulou-reux passé.

Force nous est de constater que les divers débats ainsi que les interrogations sur les actions futures dans le cadre de La route de l’esclave ont, dans une égale mesure, évoqué l’esclavage dans sa perspective historique et toutes les autres formes de l’esclavage et de l’asservissement.

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5Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Janvier 1er janvier : Manifestation culturelle : Bicentenaire d’Haïti, Année 2004

(Bureau de l’UNESCO, Port-au-Prince, Haïti)

10 janvier : Lancement offi ciel de l’Année 2004 par M. Koïchiro Matsuura, Directeur général de l’UNESCO (Accra, Ghana) (Bureau de l’UNESCO à Accra)

10 janvier : Lancement simultané de l’Année 2004 par M. Mounir Bouchenaki, Sous-Directeur général pour la culture, La Havane, Cuba. (Bureau de l’UNESCO à la Havane)

23 janvier : Conférence sur « L’infl uence des musiques africaines en dehors d’Afrique » ; Concert du « Free Spirits » avec Jean-Jacques Quesada, organisés par Soho Music (Libourne, France)

Février 17 février : Lancement régional de l’Année 2004 dans l’océan Indien par Koïchiro

Matsuura, Directeur général de l’UNESCO (Port-Louis, Maurice)

17 février : Séminaire international sur le thème « Esclavage, résistance, abolitions, mémoire » (Port-Louis, Maurice), organisé par l’Institut Mahatma Gandhi, le Centre culturel mauricien, le Centre Nelson Mandela

26-27 février : Exposition « Les liens avec la Jamaïque », organisée par le Département Afrique de l’UNESCO (Siège de l’UNESCO, Paris)

Mars 8-12 mars 2004 : Troisième atelier sous-régional sur l’enseignement de la traite négrière dans

l’Océan Indien : « Enseigner notre passé commun, construire ensemble un avenir de paix » (Maputo, Mozambique), (Écoles associées-UNESCO)

15 mars : Hommage à Monsieur Boubacar Joseph Ndiaye, Conservateur de la Maison des esclaves de l’Île de Gorée, en reconnaissance de sa remarquable contribution à la dénonciation de l’esclavage. La médaille « Haïti » lui a été décernée par le Directeur général (Bureau de l’UNESCO, Dakar, Sénégal)

20 mars : Conférence sur « Résistances féminines et abolitions. La femme dans l’océan Indien » (Siège de l’UNESCO, Paris), Association réunionnaise Communication et Culture (ARCC)

21 mars : Célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Lancement de l’exposition virtuelle « Devoir de mémoire, triomphe sur l’esclavage » (Siège de l’UNESCO, Paris)

21 mars : Lancement du projet « Coalition internationale des villes unies contre le racisme », par le Secteur des sciences sociales et humaines de l’UNESCO (Siège de l’UNESCO, Paris)

24-27 mars : Conférence sur l’esclavage, par le Comité national de La route de l’esclave de la République dominicaine (Saint-Domingue, République dominicaine)

Nous n’oublierons pas non plus le grand nombre de publications scientifi ques, de romans, d’essais qui ont jalonné cette Année, ni les arti-cles de presse, les réalisations audio-visuelles et les expositions sur l’esclavage et la commémora-tion de son abolition qui ont sollicité le public dans le monde entier. Un grand nombre de ces expositions, comme celle réalisé par le Centre Schomburg pour la recherche sur la culture noire (The Schomburg Center for Research in Black Culture) sont itinérantes et perpétueront encore longtemps l’image de cette année inter-nationale.

La clôture de l’Année 2004, avec le vibrant concert M. Gilberto Gil, Ministre brési-lien de la culture, et le colloque international, majeur par la qualité des communications et la forte participation de philosophes, sociologues, psychiatres, psychologues, journalistes et linguis-tes venus du monde entier, a valu à l’UNESCO

les félicitations unanimes, car comme le disait Sylvia Serbin, journaliste et auteur de Reines d’Afrique : « C’est remarquable que l’UNESCO ait organisé un tel colloque, car on sent de plus en plus chez les jeunes générations un besoin d’entendre parler de ce passé qui a été nié… ».

Une nouvelle étape est donc amor-cée dans la mise en œuvre du programme de La route de l’esclave, qui constitue une véritable porte ouverte sur l’avenir car, comme le disait Howard Dodson, Directeur du Schomburg Center for Research in Black Culture, « si nous ne comprenons pas l’importance et la gravité de cette période, nous ne pouvons pas comprendre ce que nous sommes aujourd’hui… ».

La commémoration de cette Année inter-nationale a donné lieu à l’organisation d’évène-ments et activités à travers le monde dont vous trouverez, à titre d’exemple, une liste non-exhaus-tive ci-dessous :

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6 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Avril 7 avril : Commémoration de la mort de Toussaint Louverture

— Projection du fi lm de Sarah Maldoror sur Toussaint Louverture (Maison de l’UNESCO, Paris)

6-10 avril : Conférence internationale sur « Culture africaine et afro-américaine » (Santiago de Cuba), Bureau de l’UNESCO à la Havane

23 avril : Conférence de presse sur le nouveau programme de recherche et d’information « Esclaves oubliés », naufrage du bâtiment négrier L’Utile à Tromelin en 1761 (Groupe de recherche en archéologie navale, Maison de l’UNESCO, Paris)

29 avril : Projet « Mémoire de l’esclavage/Mémoire du fl euve ». Conférence sur « Image du Noir dans la littérature occidentale » et concert de Jean-Jacques Quesada, organisés par Soho Music (Ste-Foy, France)

avril-juin : Exposition itinérante « Devoir de mémoire : le triomphe sur l’esclavage », du Schomburg Center (Saint-Domingue, République dominicaine)

Mai 3 mai : Conférence sur « Histoire et commémoration. Lutter contre l’esclavage.

Espoirs et désillusions, xviie-xxe siècle (Paris) », organisée par la ville de Schoelcher en Martinique

16-22 mai : 36e Conférence annuelle de l’Association des historiens des Caraïbes, (La Barbade), ACH de la Barbade

16-19 mai : Forum mondial des droits de l’homme - Atelier sur « Humanisme des droits de l’homme et barbarie de la traite négrière », Secteur des Sciences sociales et humaines (Nantes)

19-21 mai : Création du Centre afro-américain à Esmeralda (Bureau de l’UNESCO, Quito, Équateur)

20 mai : Séminaire sur « L’esclavage dans les Caraïbes et les luttes pour son abolition » (Nassau, Bahamas), Bureau de l’UNESCO à Kingston

21 mai : Lancement régional de l’Année 2004 dans les Caraïbes par M. Koïchiro Matsuura, Directeur général (Nassau, Bahamas), UNESCO-Kingston

24-25 mai : Journées d’études sur le poète Auguste Lacaussade (1815-1897), fi ls d’une affranchie d’avant 1848 (Université de La Réunion)

24-27 mai : Réunion internationale préparatoire au Forum des Jeunes, Séminaire international sur la traite négrière transatlantique (Oslo, Norvège), Écoles associées-UNESCO

25-27 mai : Colloque international « Mémoire orale et esclavage dans les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien », Association Historun et Centre de recherches sur les sociétés de l’océan Indien (CRESOI) (La Réunion)

mai-juin : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Maputo, Mozambique)

mai-juillet : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Nassau, Bahamas)

Juin 1er-17 juin : Projet « The Black Book » - Rencontres-débats avec des écrivains

et cinéastes, organisées par Soho Music (Bordeaux, Bègles, France)

4 juin : Visioconférence sur l’interculturalité, la liberté et l’égalité entre les peuples, entre les élèves d’Aquitaine, de Libreville, de Fort-de-France et de New York, en présence d’Edouard Glissant, organisée par Soho Music

25-28 juin : Rencontre sur « L’enseignement et les luttes pour la liberté dans le Sud des États-Unis » (Université de Pennsylvanie, États-Unis)

29 juin : Concert du Free Spirits Special Septet, organisé par Soho Music (Eysines, France)

Juillet 5-9 juillet : Conférence internationale sur la traite négrière trans- atlantique

et l’esclavage (Accra, Ghana)

22 juillet- Exposition « Victor Schoelcher : ses voyages, ses combats, 10 octobre : ses passions » (Houilles, France)

juillet-septembre : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Brasilia, Brésil)

Août 9-11 août : Séminaire international sur « La traite négrière et l’esclavage :

le devoir de mémoire » (Pointe-Noire, Congo), UNESCO-Brazzaville

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7Bulletin d’information – Spécial 2004 �

23 août : Commémoration de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition ; exposition « Textures » ; débat sur la Révolution haïtienne ; Spectacle de poèmes, chansons, danse (Siège de l’UNESCO, Paris) Rallumage de la fl amme éternelle au Monument du « Neg Mawon » Bureau de l’UNESCO à Port-au-Prince, Haïti Conférences-débats, expositions dans les écoles et établissements d’enseignement supérieur de Kinshasa (République démocratique du Congo), Commission nationale Concert, Randonnée du souvenir, Pèlerinage à la Maison des esclaves de Gorée, Exposition, Film (Bureau de l’UNESCO, Dakar, Sénégal)

23-25 août : Journées de sensibilisation contre l’esclavage et son impact dans la société actuelle, Panama City (Bureau de l’UNESCO, Costa Rica)

28-29 août et Spectacle « Le Chevalier de Saint-George, un Africain les 2, 4, 9, 11 septembre : à la cour » (Château de Versailles, France)

juillet-août : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Dakar, Sénégal)

Septembre

4 septembre : Conférence sur « Luttes et victoires contre l’esclavage » Bureau de l’UNESCO à Kingston, Jamaïque

10 septembre-10 novembre : Exposition « La longue marche », avec programmation de soirées de concerts consacrés aux chants d’esclaves, par Musiques de la Terre (Musées des Baux-de-Provence, France)

16-17 septembre : Lancement du projet « Black Atlantic : Traveling Cultures, Counters-Memories, Networked Identities » (Berlin, Allemagne)

25-26 septembre : Organisation de trois concerts à Taninges (Haute-Savoie), à Annecy (Haute-Savoie) et Miribel (Haute-Savoie) par l’Association du Carillon Rhonalpin, en coopération avec l’Association philosophique Victor Schoelcher (Genève, Suisse)

Octobre

1er-20 octobre : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Genève, Suisse)

18 octobre : Symposium international sur « La route des esclaves dans la région du Rio de la Plata : histoire et conséquences », organisé par le Bureau de l’UNESCO à Montevideo, Uruguay, en étroite collaboration de UNESCO-Brasilia et des chercheurs de la région

1er -25 octobre : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Sainte-Lucie)

19 octobre-19 novembre : Exposition itinérante « Rompre le silence » (Andorre) Commission nationale

21 octobre : Conférence des ethnologues et écrivains cubains (Andorre)

26 octobre-19 novembre : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (Stockholm, Suède)

27-28 octobre : Séminaire international sur l’Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition (Bureau des Nations Unies, Lisbonne, Portugal)

Novembre

1er -19 novembre : La Suède a organisé une série d’événements de clôture de l’Année 2004, à savoir : une exposition, un Séminaire des enseignants, un concert, la projection du fi lm « Sankofa », une discussion publique sur le rapport entre l’esclavage et le racisme actuel en Europe, une messe spéciale à la mémoire des victimes de l’esclavage, un séminaire sur « Le genre et l’esclavage », une soirée spéciale dédiée aux combattants de l’abolition de l’esclavage, une journée de chants et de prières, (Stockholm, Suède)

4 novembre : Conférence sur « La persistance de l’esclavage : une vue sur le trafi c humain (UN-DPI, New York, États-Unis)

4-6 novembre : Séminaire sur « Quel enseignement de la traite négrière, de l’esclavage et des abolitions » (Marly-le-Roi, France), Commission nationale française

8-13 novembre : La ville d’Evry, en partenariat avec l’UNESCO et des associations qui militent contre l’esclavage, a consacré six jours de sensibilisation à la commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition (Evry, France)

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8 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Si l’Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition a été lancée simultanément au Ghana, à Haïti et à Cuba, l’UNESCO a tenu à organiser la clôture de celle-ci au siège de l’Organisation les 3, 4 et 5 décembre 2004 à Paris. Parmi les manifi esta-tions présidées par M. Marcio Barbosa, Direc-teur général adjoint de l’UNESCO et dont

certaines furent animées par Michel Reinette, journaliste de RFO et FR3, fi gurent :

� Inauguration de l’exposition « Devoir de mémoire : le triomphe sur l’esclavage »

� Cérémonie de remise du Prix UNESCO-Toussaint Louverture

� Concert de Gilberto Gil

� Colloque international sur « Les enjeux de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage ».

� Clôture de l’Année internationale

12-16 novembre : Forum international des jeunes (Commission nationale, Trinidad-et-Tobago)

15-19 novembre : Séminaire international sur la conservation et la gestion du patrimoine culturel immobilier africain, organisé par le Centre du patrimoine mondial, le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) et le Centre de recherche de l’école d’architecture de Grenoble (Porto Novo, Bénin)

15 novembre 2004- Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center 31 janvier 2005 : (Yaoundé, Cameroun)

22-24 novembre : Réunion internationale sur le projet des archives du commerce des esclaves, organisée conjointement par le Secteur de la communication de l’UNESCO et les Archives nationales de Cuba (La Havane, Cuba), Bureau de l’UNESCO à La Havane

24 novembre : Symposium 2007 : Vers une stratégie des commémorations, (Mairie de Londres, Royaume-Uni)

25 novembre- Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center 17 décembre : (Helsinki, Finlande)

25 novembre- Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center 15 décembre : (Maison de l’UNESCO, Paris)

25 novembre- Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center 20 février 2005 : (Johannesburg, Afrique du Sud)

Novembre : Publication dans la 24e édition de Nuntium « L’esclavage, les peuples indigènes hier et aujourd’hui » (Le Vatican)

Décembre

1er décembre : Séminaire international sur « L’esclavage d’hier et d’aujourd’hui » (Commission nationale, Helsinki, Finlande)

2-7 décembre : Lancement de la commémoration de la Journée nationale de la lutte contre l’esclavage et de son abolition (Libreville, Gabon), Bureau de l’UNESCO à Libreville

3-5 décembre : Clôture de l’Année internationale au Siège de l’UNESCO (Paris)

9-10 décembre : Adoption de la Coalition européenne des villes contre le racisme par la 4e Conférence européenne des villes pour les droits de l’homme (Nuremberg, Allemagne)

10-24 décembre : Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg Center (New York, États-Unis), Bureau de l’UNESCO à New York

17 décembre : Manifestation en mémoire des esclaves et des engagés (Fort-Dauphin, Madagascar)

23 décembre- Exposition itinérante « Devoir de mémoire », du Schomburg 7 février 2005 : Center (Port-Louis, Maurice)

29 décembre : Lancement du Réseau « Africains des sites de la traite atlantique (RASTA) » (Bureau de l’UNESCO, Dakar, Sénégal)

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9Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Le Prix UNESCO-Toussaint Louverture

a été remis par le Directeur général adjoint, M. Marcio Barbosa, à deux

lauréats : M Abdias do Nascimento, présent dans la Salle I de

l’UNESCO et M. Aimé Césaire qui,

représenté par le Sénateur de la Martinique,

M. Claude Lise, a pu, par visioconférence et en duplex de

son bureau à la Martinique, discuter avec son compagnon de

lutte. Ils ne s’étaient pas revus depuis 15 ans et la

cérémonie du Prix leur a permis de se voir et se parler à des

milliers de kilomètres, moment particulièrement émouvant

pour les deux lauréats et pour le public.

Remise du Prix UNESCO Toussaint Louverture.

Aimé Césaire en visioconférence depuis la Martinique

© UNESCO, Michel Ravassard

Abdias do Nascimento© UNESCO, Michel Ravassard

Gilberto Gil en concert à l’UNESCO© UNESCO, Michel Ravassard

Le concert exceptionnel du Ministre brésilien de la culture, M. Gilberto Gil, dans la Salle I de l’UNESCO, qui a réuni plus de 1 400 personnes, a été une brillante illustration des interactions générées par la traite négrière et l’esclavage dans le domaine de la musique. Le répertoire choisi par le grand artiste brésilien a enchanté la Salle, en particulier la chanson sur l’île de Gorée. Lorsque le Ministre-artiste a entonné l’hymne à la mémoire de Gorée, l’émotion était perceptible chez tous les spectateurs. Le rythme soutenu de la dernière chanson de la soirée a émerveillé chacun. Debout, les spectateurs frappaient des mains, bougeaient et esquissaient des pas de danse, moment inoubliable qu’on aurait voulu plus long. Les commentaires enthousiastes du public, de la presse et des collègues traduisent ce qu’a été ce concert, où la présence de l’artiste péruvienne Susana Baca a également été saluée par Gilberto Gil et le public.

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10 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Le Colloque interna-tional (4-5 décembre) a constitué un événe-ment majeur de la Clô-ture de l’Année 2004. D’une part, par la qua-lité des communica-tions et d’autre part, par la forte participa-tion, avec l’interven-tion d’une vingtaine de philosophes, socio-logues, psychiatres, psychologues, journalistes, linguistes venus d’Europe, d’Afrique, des Améri-ques, des Caraïbes, de l’Asie et du Monde arabe : Joseph Harris (U.S.A), Susana Baca (Pérou), Rex Nettleford (Jamaïque), Scheila Walker (U.S.A.), Christiane Taubira-Delanon (France), Claude Ribbe (France), Antony Holiday (Afrique du Sud), Louis Sala-Molins (France), Jean-Claude William (France), Shihan de Silva Jayasuriya (Royaume-Uni), Aisha Bilkhair Khalifa (Emirats arabes unis), Libia Grueso Castelblanca (Colombie), Jean-Michel Deveau (France), Howard Dodson (U.S.A.), Carlo Sterlin (Canada), Laennec Hurbon (Haïti), Silvia Serbin (France), Ricardo Pereira (Pérou), Viviane Romana (France), Nelly Schmidt (France).

Très instructifs, les débats n’ont pas esquivé les vifs échanges qui montrent que la question de la traite négrière et de l’escla-vage, longtemps niée et occultée, suscite tou-jours des passions. C’est dans ce contexte que Christiane Taubira-Delannon, Députée de la Guyane, participant au Colloque, a pu déclarer : « Je suis très contente qu’on reste passionné sur le sujet… J’aurais été catastrophée si on avait de l’indifférence et de la froideur. L’UNESCO doit bien comprendre que 2004 n’est pas une année de clôture ni une année forcément charnière… Que c’est une poursuite, une étape

puisque l’UNESCO est engagée depuis une dizaine d’années sur ces questions. J’espère qu’elle le restera et de façon plus démonstrative et certainement plus convaincante… Il y a un travail colossal à faire pour la connaissance des sociétés d’avant, pendant et après la traite et l’esclavage, et pour la connaissance de ces nouvelles cultures qui ont émergées de la colonisation… ».

Pour Howard Dodson, Directeur du Schomburg Center for Research in Black Culture, concepteur de l’exposition Devoir de mémoire : le triomphe sur l’esclavage : « Il y a un grand besoin d’étudier ces périodes à l’école et d’en parler dans les médias… Mon sentiment est que si nous ne nous souvenons pas de l’esclavage, nous ne pourrons pas réussir… Si nous ne comprenons pas l’importance et la gravité de cette période, nous ne pouvons pas comprendre ce que nous sommes aujourd’hui… Une chose est certaine, on ne peut pas se confi ner dans la « victimisation ». Ce que j’essaie de faire à travers mes livres et aussi de l’exposition, c’est de montrer que l’esclavage a transformé les Africains en créant d’autres hommes forts… Quand on voit ce que nos ancêtres ont été capables de réaliser dans les pires conditions, on peut imaginer ce qui est possible à l’époque que nous vivons… Donc j’espère que les gens partiront d’ici avec l’envie d’apprendre leur histoire pour se réaliser et réussir ».

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11Bulletin d’information – Spécial 2004 �

LANCEMENT DE L’ANNÉE INTERNATIONALE

C’est le 10 janvier 2004, à Cape Coast, une des plaques tournantes de la traite négrière, aujourd’hui site du Patrimoine mondial, que le Directeur général a procédé, en présence du Président Kuofor, d’Isaac Adumadzie, Ministre régional de la région centrale (Cape Coast), ainsi que des ministres responsables de la culture du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigéria et du Togo, au lancement offi ciel de l’Année international de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition. La cérémonie traditionnelle a été placée sous les auspices de « l’Osabarima » Nana Kwesi Atta II, Président du « Gua Taditional Council ». Vingt autres chefs traditionnels étaient également présents. Simultanément, le Sous-Directeur général pour la culture et le Chef du bureau de l’UNESCO à Haïti ont lancé l’Année à La Havane (Cuba) et à Port-au-Prince (Haïti). Deux autres lancements régionaux ont également eu lieu à Maurice (17 février) et aux Bahamas (21 mai).

Ces événements ont fait l’objet d’une couverture médiatique de la presse nationale et internationale, dont le Bureau de l’information du public a rendu compte et a également publié de nombreux communiqués de presse.

Lors du lancement à l’Île Maurice, en présence du Premier ministre M. Paul Bérenger et des ministres de la culture de Madagascar, du Mozambique, des Seychelles et de la Tanzanie, le Directeur général a affi rmé : «…Qu’il s’agisse de la Tanzanie, de Madagascar, de Maurice, des Comores, des Seychelles, l’histoire retiendra que par des vagues successives, la traite négrière, la colonisation et les migrations ont scellé ici et pour toujours le sort des cultures et des peuples divers venus d’Afrique, d’Europe et d’Asie », a dit Koïchiro Matsuura dans son discours.

Cette cérémonie s’est terminée par la visite de l’exposition « Esclavage : résistance et abolitions dans le Nouveau monde et l’océan Indien ».

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12 � Bulletin d’information – Spécial 2004

LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE DE 1804

L’Année 2004 marque le bicentenaire de la proclamation de l’indépendance d’Haïti par l’ancien esclave Jean-Jacques Dessalines le 1er janvier 1804.

La Révolution haïtienne est l’aboutissement d’une série d’insurrections qui débutent dès l’été 1789 à la Martinique et continuent à la Guadeloupe durant plusieurs années. Les colons de Martinique n’hésitent pas à appeler les forces anglaises à leur rescousse pour les maintenir. La Guadeloupe et la Guyane connaissent une brève période abolitionniste de 1794 à 1802, avant le rétablissement de l’esclavage par la force. Dans la plus grande des colonies, Saint-Domingue, en août 1791, débute la grande insurrection des esclaves qui se développera durant plusieurs années.

Dès 1796, Toussaint Louverture, premier Noir général de division, est le chef incontesté des Haïtiens libérés. Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage dans les colonies françaises en 1802 et envoie à Saint-Domingue une expédition de plusieurs dizaines de milliers de soldats dirigés par le général Leclerc. Elle y connaît une défaite totale et humiliante.

Arrêté le 7 juin 1802, Toussaint Louverture est déporté en France au fort de Joux en France où il y décède le 7 avril 1803.

A partir de 1804, Haïti qui vit son destin de nation indépendante inspire des craintes aux nations esclavagistes qui mettront longtemps à la reconnaître.

Ce premier soulèvement victorieux d’un peuple d’esclaves noirs est à la fois le symbole du combat et de la résistance constante des esclaves contre l’oppression et le facteur historique décisif à l’origine de l’abolition de l’esclavage et de l’affranchissement des peuples des Caraïbes et d’Amérique latine.

Cette Révolution haïtienne a des retombés importantes dans les luttes d’aujourd’hui contre le racisme, la domination, l’intolérance.

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13Bulletin d’information – Spécial 2004 �

23 AOÛT, JOURNÉE INTERNATIONALE DU SOUVENIR DE LA TRAITE NÉGRIÈRE ET DE SON ABOLITION

Le 23 août a été choisi par la 29e session de la Conférence générale de l’UNESCO comme la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. C’est en effet dans la nuit du 22 au 23 août 1791 qu’éclatera sur l’île de Saint-Domingue l’insurrection qui allait conduire, sous la direction de Toussaint Louverture, à la première victoire décisive d’esclaves contre leurs oppresseurs dans l’histoire de l’humanité. La commémoration du 23 août de cette Année 2004 a été marquée par diverses manifestations organisées dans différentes régions du monde. Au Siège de l’UNESCO, l’exposition « Textures », prêtée par la Ville de Schoelcher en Martinique, composée de 32 tableaux réalisés par les artisans de la Ville d’Abomey (République du Bénin) et représentant l’histoire de la traite transatlantique, a été ouverte au public du 9 au 23 août. Des animations co-organisées avec des collègues des Secteurs des sciences sociales et humaines, de l’éducation ainsi qu’avec des organisations non gouvernementales telles que l’Association réunionnaise communication et culture (ARCC), Le Comité Marche du 23 mai 1998, le Centre d’information, formation, recherche et développement (CIFORDOM)…, ont illustré avec éclat la diversité des expressions artistiques issues de la rencontre forcée de populations. Des artistes comme D’de Kabal, Solal Valentin ont, par le Slam (paroles en rythme) et des poèmes, exprimé la colère des nouvelles générations, dit la douleur des êtres anéantis. L’un des temps forts du spectacle a été sans aucun doute le concert « Chansons et percussions haïtiennes », du groupe Adjabel, qui a chanté l’espoir des rencontres entre les cultures et les promesses des sociétés multiethniques. La projection du fi lm Sankofa , de Haïlé Gerima, sur la traite négrière a clos la Journée du 23 août 2004.

Au Panama, le Sous-Directeur général pour la culture, M. Mounir Bouchenaki, a participé aux Journées de sensibilisation contre l’esclavage et son impact dans la société actuelle, et rappelé aux populations de l’Amérique centrale les enjeux du projet La route de l’esclave et ceux de l’Année 2004. La mise en lumière de la situation de marginalité vécue par des personnes d’ascendance africaine et/ou de leurs communautés a été un des objectifs principaux de cette rencontre.

A Haïti, c’est le Président de la Conférence générale, Son Exc. Monsieur l’Ambassadeur Michael Omolewa qui, sur invitation du Ministre de la culture, a représenté l’UNESCO le 23 août à Port-au-Prince, à l’occasion du rallumage de la fl amme éternelle au Monument du « Neg Mawon » (marron disparu), œuvre de l’artiste et architecte haïtien Albert Mangonès, symbole de la liberté et de l’indépendance à travers tous les pays des Caraïbes.

La Commission nationale de la République démocratique du Congo pour l’UNESCO a consacré deux semaines, du 20 août au 2 septembre 2004, à la commémoration de la Journée du souvenir, en organisant une exposition et des conférences-débats dans les écoles et établissements d’enseignement supérieur de Kinshasa.

Le Bureau de l’UNESCO à Dakar, la Mairie de Gorée et le Comité d’organisation de la commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition spécialement crée, ont été particulièrement actifs dans la commémoration du 23 août. D’abord par la diversité des activités (concert, musique, randonnée du souvenir, pèlerinage à la Maison des esclaves, vernissage d’exposition, projection de fi lm) mais aussi par la mobilisation de la population et les partenariats.

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14 � Bulletin d’information – Spécial 2004

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L’EXPOSITION ITINÉRANTE « DEVOIR DE MÉMOIRE : LE TRIOMPHE SUR L’ESCLAVAGE »

Elle a été conçue en trois versions (français/anglais ; anglais/espagnol et anglais/portugais) par le Centre Schomburg pour la recherche sur la culture noire et la Bibliothèque nationale de New York, en étroite coopération avec le projet La route de l’esclave de l’UNESCO, afi n de répondre à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de proclamer 2004 Année Internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition. Cette exposition présente les pratiques culturelles, politiques, économiques et sociales des esclaves africains, acquises pendant la période déshumanisante de l’esclavage.

Elle est unique en ce sens qu’elle met moins l’accent sur la « victimisation » des esclaves que sur les moyens inédits qu’ils mirent en œuvre pour réorganiser leur destinée et leur place dans l’Histoire. De ces rencontres forcées sont nées de nouvelles expressions culturelles, religieuses, linguistiques et sociales, dont il reste aujourd’hui de nombreux éléments dans les cultures des pays concernés. En outre, l’Exposition constitue à la fois une preuve de l’énorme impact économique de la traite négrière sur le développement de l’Europe et des Amériques et met en exergue les conséquences désastreuses de ce trafi c sur la vie économique, politique et sociale de l’Afrique. Itinérante, cette exposition a déjà été accueillie par certains pays et continuera de circuler en Afrique, en Europe, dans les Caraïbes, dans les Amériques et dans l’océan Indien, au-delà de 2004 :

Avril-juin: Saint-Domingue (République dominicaine)

Mai-juillet : Nassau (Bahamas)

Mai-juin : Maputo (Mozambique)

Juillet-septembre : Brasilia (Brésil)

Juillet-août : Dakar (Sénégal)

1er-20 octobre : Genève (Suisse)

1er-25 octobre : Sainte-Lucie

26 octobre-19 novembre : Stockholm (Suède)

25 novembre-15 décembre : Paris (France)

10-24 décembre 2004 : New York (États-Unis)

23 décembre-7 février 2005 : Port-Louis (Maurice)

15 novembre-31 janvier 2005 : Yaoundé (Cameroun)

25 novembre-17 décembre : Helsinki (Finlande)

25 novembre-20 février 2005 : Johannesburg (Afrique du Sud)

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15Bulletin d’information – Spécial 2004 �

PRIX UNESCO-TOUSSAINT LOUVERTURE

Le Prix UNESCO Toussaint Louverture a été proposé au Directeur général de l’UNESCO en février 2003 par M. Wesner Emmanuel, Ambassadeur, Délégué permanent d’Haïti auprès de l’UNESCO. Soutenue ensuite par ses collègues les Ambassadeurs Délégués permanents des Philippines et de la République du Congo auprès de l’UNESCO : M. Hektor K. Vollarroel, au nom du Groupe des 77 et M. Antoine Ndinga Oba, Président du Groupe africain de l’UNESCO. Cette initiative a fait l’objet de la Résolution 32 C/35 portant Proclamation de 2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition.

Ce Prix porte le nom d’un ancien esclave affranchi, premier Noir Général de division, héros de l’Indépendance d’Haïti, symbole de la lutte contre l’esclavage et la discrimination raciale. La Révolution haïtienne de 1804 a une portée universelle parce que première insurrection d’esclaves réussie, qui a ouvert la porte à l’émancipation des esclaves dans les Amériques et aux mouvements de libération en Afrique.

Destiné à récompenser une activité exceptionnelle qui — en conformité avec l’esprit et l’action de Toussaint Louverture — aura contribué à lutter durablement contre le racisme dans les domaines politique, littéraire et artistique, ce Prix n’a été décerné qu’une seule fois en 2004, lors de la soirée de Clôture de l’Année de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition. Il est constitué d’un diplôme et d’une médaille frappée pour cette occasion par La Monnaie de Paris, à l’effi gie de Toussaint Louverture.

Le 3 décembre 2004, ce Prix a été remis, dans l’Auditorium de l’UNESCO à Paris par le Directeur général adjoint, M. Marcio Barbosa, au nom du Directeur général, à deux lauréats :

M. ABDIAS DO NASCIMENTO : Homme de théâtre, dramaturge, peintre et militant, premier Afro-brésilien élu à la Chambre des Députés, devenu Sénateur, avec comme mission spécifi que de défendre les droits de l’homme et les droits civils de la population afro-brésilienne, M. do Nascimento s’est dit très ému de recevoir le Prix Toussaint Louverture : « Je ne peux que recevoir ce prix au nom de tous les descendants nègres qui sont nombreux en Amérique latine ». Il a également salué la résistance des populations indigènes et des Afro-descendants des Amériques face à toutes les opérations génocidaires de la période de la colonisation.

M. AIMÉ CÉSAIRE : (en visioconférence depuis la martinique)Écrivain, poète, père de la notion de « négritude », en reconnaissance de son engagement et de son œuvre en faveur de la lutte contre la domination, le racisme et l’intolérance : « Nous ne pouvons pas oublier notre dette envers Haïti pour notre libération. Nous devons très largement notre libération à un peuple qui s’est battu pour la libération de toute l’Amérique du Sud… Je suis content qu’en pensant à moi, vous ayez songé à évoquer la mémoire de Toussaint, car son nom est lié à une conception universelle et anti-raciste des droits de l’homme et du citoyen », a t-il déclaré.

Ce Prix a été reçu, en son nom, par M. Claude Lise, Sénateur, Président du Conseil général de la Martinique.

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16 � Bulletin d’information – Spécial 2004

STRATÉGIE DE COMMUNICATION

L’un des points forts de 2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, a été la mise en place, dès 2003, d’une stratégie de communication, qui a permis de donner une bonne visibilité à l’ensemble et de préparer la communauté internationale à cet événement. Suite au processus de consultation auprès des États membres, des ONG et de la communauté scientifi que, une liste de l’ensemble des activités prévues au Siège par les différents secteurs a également été dressée et envoyée à l’ensemble des bureaux hors-Siège.

Afi n de conférer une identité visuelle à la commémoration, un appel a été lancé auprès de plusieurs partenaires, pour la création d’un logo. La version retenue, créée par un groupe de jeunes (Stéphane Rébillon et Elodie Jarret), représente les maillons d’une chaîne qui se brise pour donner naissance à des colombes qui s’envolent.

Parmi les documents de communication produits à l’occasion de cette Année, fi gure un clip vidéo de 4 minutes sur l’esclavage, ses conséquences et les abolitions. Produit par l’UNESCO et réalisé par John Lawton (versions française, anglaise, espagnole et portugaise), il a été envoyé à tous les bureaux hors-Siège de l’UNESCO, sous formats VHS et Betacam, pour reproduction et diffusion auprès des États membres. Ce clip-vidéo ainsi que le fi lm de 10 minutes de Sarah Maldoror sur Toussaint Louverture ont été projetés et diffusés lors des événements importants qui ont jalonné l’Année 2004.

Le poster de l’Année a également été produit en plusieurs langues et largement diffusé. Conçu comme un instrument didactique, il présente, sur un fond illustré d’images fortes, un concentré historique de la traite négrière, de l’esclavage et des processus d’abolition. Les Écoles associées ont publié un poster-calendrier mentionnant les événements jalonnant l’Année de commémoration. Ce calendrier a été envoyé aux 7 500 écoles associées, disséminées à travers 172 pays.

Un livre pour enfants illustré, à colorier : « La vie de Toussaint Louverture », en trois versions : français/créole ; anglais/espagnol ; anglais/créole a été largement distribué.

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17Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Enfi n, une brochure comprenant le message du Directeur général, le programme de la commé-moration, un rappel de l’histoire de l’esclavage et des abolitions, intitulée « Luttes contre l’esclavage/Struggles against Slavery », richement illustrée par les archives iconographiques du projet La route de l’esclave, a été publiée en français, anglais, espagnol et portugais et largement diffusée.

Dans le cadre de cette stratégie de communication, plusieurs supports ont été simulta-nément utilisés, dont celui du site Internet sur l’Année 2004, qui offre plusieurs avanta-ges pour atteindre des publics pluriels ; il est l’outil de communication permettant, d’une part, d’assurer une large diffusion des informations relatives à cette année de commé-moration et, d’autre part, d’intégrer tous les autres supports tel que : les publications, le logo de l’Année, les affi ches et l’exposition virtuelle. En tant qu’outil de communication de masse, ce site avait pour mission de mettre à la disposition de la population mondiale des informations relatives au projet La route de l’esclave et aux activités commémorant l’abolition de l’escla-vage. Sa vocation était d’informer, au jour le jour, les inter-nautes sur les activités et événements organisés à travers le monde.

Pendant près de dix mois, le site WEB sur l’Année 2004 a été parmi les dix plus visités du Secteur de la culture, sur plus de 200 sites opérationnels. On a pu ainsi comptabiliser près de 8 000 visiteurs par mois. Le dialogue avec les internautes, à travers leurs questions et nos réponses, a révélé que l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage reste un sujet qui soulève encore des passions et mérite d’être mieux connu.

Les activités organisées au Siège de l’UNESCO et dans les États membres, avec la collaboration des bureaux hors-Siège de l’Organisation, ont fait l’objet d’une ample couverture médiatique de la presse nationale et internationale : Le Soleil de Dakar (Sénégal) ; Cameroon Tribune (Cameroun) ; Le Mauricien (Maurice) ; Le Monde, Cité Black, Amina,

Libération, Le Figaro (France) ; El País (Espagne), O Globo, Jornal do Rio (Brésil), etc.

Les radios (RFI, AFRICA N°1, Média Tropical, RFO, etc.) et la télévision (FR3, journaux télévisés, etc.) ainsi que les pages Web des réseaux Internet, dont celle de l’Organisation (www.unesco.org), ont refl été les journées de clôture.

Le Bureau d’information du public de l’UNESCO a très largement contribué à faire de la commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition un événement spécial de l’Année 2004 : publication de communiqués de presse et soutien logistique aux activités de clôture de l’Année. Un numéro spécial du Nouveau Courrier de l’UNESCO sur le dialogue entre les civilisations a en outre consacré une dizaine de pages à la traite négrière.

Couverture de la brochure réalisée pour 2004© UNESCO/La route de l’esclave

Photo de couverture© Betty Press/Panos Pictures, Londres

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18 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Ils ont dit

« Le monde a connu, avec la traite négrière et l’esclavage, l’une des pages les plus tragiques de son histoire. Cette entre-prise de déshumanisation, contraire aux fondements mêmes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, unani-mement condamnée par la communauté internationale, en particulier lors de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’into-lérance qui y est associée, qui l’a qualifiée de « crime contre l’humanité », appelle la réflexion de tous et la vigilance de chacun ».…« En célébrant le bicentenaire de la première république noire et en commémorant les grandes figures de l’abolitionnisme, nous n’oublierons ni les événements qui l’ont précédée à Saint-Domingue de 1791 à 1804 et ont abouti à l’affran-chissement des peuples des Caraïbes et d’Amérique latine, ni l’histoire plus large et complexe des abolitions de l’esclavage, une histoire faite de généreuses avancées philosophiques, politiques, juridiques, culturelles et sociales, mais aussi de tragiques reculs. Le triomphe des principes de liberté, d’éga-lité, de dignité des droits de la personne seront ainsi mis en lumière. Cette étape majeure de l’histoire de la libération des peuples et de l’émergence des États des Amériques et des Caraïbes doit être mieux connue et respectée ».

� DIRECTEUR GÉNÉRALMessage à l’occasion de l’Année inter-nationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, 2004

� BONIFACE ALEXANDREChef de l’État haïtien (23 août 2004)

« Nous avons tous un devoir de mémoire… La communauté internationale a un devoir de solidarité envers les pays qui furent victimes de la traite négrière et de l’esclavage, qualifi é de « crime contre l’humanité »… Aujourd’hui, le nom de solidarité c’est l’action ».

« L’esclavage a été la première violation des droits de l’homme à être combattue au niveau international ; à présent, nous devons rester vigilants pour qu’il disparaisse complètement. Aucun être humain n’est la propriété d’un autre ».

� KOFI ANNANSecrétaire général des Nations Unies

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19Bulletin d’information – Spécial 2004 �

« Haïti est la première République noire du monde et le second pays indépendant des Amériques et de la Caraïbe »… « Nous célébrons nos héros africains qui, dans une lutte unitaire pour leur libération, nous ont fait comprendre que personne d’autre que nous ne peut vaincre ceux-là qui nous oppressent et nous tyrannisent »… L’indépendance haïtienne représente la défaite de ceux-là »… « Aujourd’hui, nous nous sommes engagés dans une bataille historique pour la victoire de la renaissance africaine, parce que nous avons été inspirés par la révolution haïtienne ».

� Thabo MbekiPrésident de la République sud-africaine (Haïti, 1er janvier 2004)

« L’histoire de la traite négrière et de l’esclavage fait partie de l’histoire universelle et nous interpelle tous… Malgré le fait que plus de dix millions de Noirs, d’hommes et de femmes d’Afrique et d’ailleurs ont été l’objet depuis plus de 400 ans d’un commerce ignoble, il faut savoir rester lucide sur le présent et regarder vers l’avenir ».

� MICHAEL OMOLEWAPrésident de la 32e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Délégué permanent du Nigeria auprès de l’UNESCO

« Médecin clinicien, je suis en face de la douleur, la mala-die mentale. Un fort pourcentage de mes patients sont des enfants de descendants d’esclaves. Je me suis interrogé sur le lien existant entre leur souffrance et l’esclavage. Il est authentique de revendiquer mais on sent aussi comme une demande à s’asseoir à la grande table du festin occidental. C’est le droit à la différence et à la cosmovision. Nous sommes fiers d’être des descendants de Toussaint Louverture, mais nous avons gardé le mode de fonctionnement des agresseurs. Nous n’avons pas pris en compte qu’il y a une continuité entre la traite négrière, l’esclavage, la colonisation, le néo-colonialisme et toutes les formes d’abus du pouvoir occiden-tal… Le travail de l’UNESCO est essentiel mais il faut qu’il continue à se désaliéner ».

� DR CARLO STERLIN

Psychiatre

« C’est remarquable que l’UNESCO ait organisé un tel colloque, car on sent de plus en plus chez les jeunes généra-tions un besoin d’entendre parler de ce passé qui a été nié… Il y a donc des jalons qui ont pu être posés. Ce colloque était multiculturel de par les spécialistes, et on a appris des choses qu’on ne connaissait pas d’autres régions ».

� SYLVIA SERBINJournaliste, auteur de « Reines d’Afrique »

Extraits du Colloque international sur

« Les enjeux de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage » (4-5 décembre 2004)

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20 � Bulletin d’information – Spécial 2004

« Zanzibar était une des principales routes qu’empruntèrent les esclaves déportés de l’Afrique de l’Est et de l’Abyssinie (Ehiopie) pour les marchés de l’Est de l’Arabie, de l’Irak et de la Perse. L’Afrique de l’Est a été pendant de nombreuses années une source d’approvisionnement en esclaves du monde arabe ».

� AISHA BILKHAIR KHALIFACoordinatrice des stages au Collège des femmes à Dubai

« Il y a un grand besoin d’étudier ces périodes à l’école et d’en parler dans les médias… Mon sentiment est que si nous ne nous souvenons pas de l’esclavage, nous ne pourrons pas réussir… Si nous ne comprenons pas l’importance et la gravité de cette période, nous ne pouvons pas comprendre ce que nous sommes aujourd’hui… ».

� HOWARD DODSONDirecteur du Schomburg Center forResearch in Black Culture, concepteur de l’exposition Devoir de mémoire : le triomphe sur l’esclavage

« Le Réseau Thalassic étudie l’esclavage à travers la mer Rouge et l’océan Indien sur plusieurs siècles car l’attention n’est toujours accordée qu’à la traite transatlantique. Il y a des différences essentielles entre ces traites… La demande d’es-claves venant d’Asie n’était pas motivée que par des raisons économiques… Le Sri Lanka n’assume pas encore l’histoire de la migration africaine. Il est pertinent de se demander si les Afro-sri lankais ne vivent pas dans un monde imaginaire...Ils apparaissent parmi les petites minorités ethniques ».

� DR SHIHAN DE SILVA JAYASURIYA

Coordinateur de TADIA (The African Diaspora in Asia)

« Nous, communautés noires de la Colombie, avons toujours vécu dans la résistance et continuons malgré tout à maintenir notre identité ethnique et culturelle. Aujourd’hui, la situation nous place devant un dilemme, du fait de la dépossession ter-ritoriale, du déplacement vers des lieux où nous n’avons pas d’espace pour sauvegarder notre culture et où les conditions de vie sont également précaires. Nous avons préservé, de par nos traditions, une relation harmonieuse avec la nature, la mer, les fl euves et tous les autres éléments qu’elle contient, en tant que source de vie. Et c’est dans ce contexte que, comme afro-colombiens de la région du Pacifi que, nous avons œuvré pour le dévelop-pement de nos cultures. Et c’est cette forme de relation qui a permis, dans les zones rurales habitées par les communautés noires, la préservation de l’environnement. La nature est pour nous un « être social ». Entre la communauté et la brousse se sont établies des relations régies à partir des codes, des messa-ges, des rythmes, des symboles et du temps qui font partie d’une vision culturelle que ne considère pas l’homme comme une espèce dominante de la nature. C’est cela la cosmovision, c’est-à-dire la cohésion autour des pratiques de la vie commune et collective ».

� LIBIA GRUESO CASTELBLANCO

Spécialiste des processus d’intégration des communautés noires de Colombie

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21Bulletin d’information – Spécial 2004 �

« Dans la traite négrière (disons « dans les traites négrières », car il est grand temps d’évoquer aussi les traites de signe musulman, grand temps d’ouvrir des chantiers de recherche dans leurs domaines aussi) et les mises en esclavage qui les précèdent, les accompagnent et en résultent, il y a eu « crime contre l’humanité » (Loi de mai 2001, Paris ; conclusions de septembre 2001, Durban).

� PROF. LOUIS SALA-MOLINSPhilosophe, membre du Comité scientifi que international du projet La route de l’esclave

« La traite et l’esclavage tissant le passé de trois continents commencent à sortir de l’ombre, et, comment le montre la richesse des interventions de ce colloque, suscitent des débats qui cimentent la construction d’une histoire exceptionnellement fructueuse. Or cette histoire, loin d’être innocente, remue tous les ingrédients d’un drame où des millions d’hommes et de femmes cherchent leurs racines et leur identité. L’UNESCO, au sein du Comité scientifique international de La route de l’esclave et du réseau des Écoles associées a, depuis une dizaine d’années, déployé d’immenses efforts pour briser ce silence. Pari en grande partie réussi, puisque dans ces deux organismes se rencontrent des chercheurs et enseignants du monde entier. Ils organisent chaque année des colloques, … encouragent des initiatives culturelles. La communauté internationale en revanche reste discrète, comme en témoigne le peu d’écho recueilli par la décision de l’UNESCO de proclamer 2004 comme année commémorative de cette tragédie ».

� PROF. JEAN-MICHEL DEVEAU

Historien, membre du Comité scientifi que international du projet La route de l’esclave

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22 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Interviews

� Sur l’Année internationale 2004

— Que signifi e pour vous la commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition proclammée par les Nations Unies ?

C. Taubira : Le seul texte offi ciel qui contienne une défi nition de l’esclavage est la Convention de 1926, portée par la Société des Nations, ancêtre de l’ONU. Il y est précisé que l’esclavage est l’état d’une personne sur qui s’exerce tout ou partie des attributs de propriété. Depuis la deuxième guerre mondiale, tous les textes adoptés par l’organisation internationale condamnent l’escla-vage et la traite des personnes. Il était temps que l’ONU décide, par un acte emblématique, d’en appeler à la conscience du monde. C’est le sens de cette Année internationale. Elle est tardive, au regard de l’importance de la traite négrière et de l’esclavage, aussi bien pour les questions qu’elle pose à l’humanité sur elle-même, ses démons et son éthique que pour l’infl uence qu’elle a eue sur la confi guration actuelle du monde. Tardive mais néanmoins bienvenue.

Howard Dodson : Une grande sensibilisation du monde atlantique à la traite transatlantique a eu lieu pendant la Commémoration de l’Année internationale de la lutte contre l’esclavage et de son abolition. De nombreux forums, expositions, conférences et autres événements ont marqué cette commémoration.

S. Baca : Pour nous, artistes et chercheurs, le fait de déclarer l’Année 2004, Année de Commémo-ration des 150 années de l’abolition de l’esclavage a provoqué, dans les cercles les plus avertis de nos sociétés, la méditation sur une époque de notre histoire et l’occasion de rendre hommage à la

mémoire de millions d’êtres humains victimes de ce crime horrible qui fut l’esclavage…

— Y a-t-il des activités, des initiatives significatives réalisées cette année qui ont retenu votre attention ?

C. Taubira : J’ai surtout été frappée par la diversité des initiatives. Des actions d’envergure et d’infl uence inégales ont été accomplies, la plu-part d’entre elles prises en charge par la société civile. Les États, en général, ont été très en deçà de l’événement. De remarquable, il y eut les tra-vaux du Schomburg Center à New York. Mais les manifestations culturelles de petites associations ainsi que les œuvres de création d’artistes méri-tent autant d’être signalées.

Howard Dodson : Je voudrais souligner le succès extraordinaire de l’exposition itinérante fi nancée par l’UNESCO, Devoir de Mémoire : le triomphe sur l’esclavage , que le personnel de

Profitant de leur participation aux évènements de clôture de l’Année internationale,

nous avons posé quelques questions sur cette année, sur la traite négrière et

l’esclavage et sur le projet La route de l’esclave à Christiane Taubira, Députée

de Guyane à l’Assemblée nationale française, à Howard Dodson, Directeur du

Schomburg Center à New York, et à Susana Baca, chanteuse. Voici leurs réponses :

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23Bulletin d’information – Spécial 2004 �

mon Centre le Schomburg Center for Research in Black Culture et moi- même avons conçue. Des versions en quatre langues de l’exposition (en anglais, espagnol, français et portugais) ont voyagé et ont été présentées en Europe, en Afrique, aux États-Unis, dans la Caraïbe et au Brésil. Partout l’exposition a été bien reçue. Un large public international a pu la visiter au Siège de l’UNESCO à Paris, ainsi qu’aux Nations Unies à New York. Le Directeur général de l’UNESCO et moi-même avons inauguré cette exposition à Nassau, aux Bahamas. L’exposition virtuelle (aussi en quatre langues) a été rendue accessible à tous par l’Internet.

S. Baca : Dans notre pays, le Pérou, cette année a été également marquée par le processus de changements politiques que l’on sait. Dans ce cadre, les associations d’Afro péruviens ont organisé des tables rondes et des conférences et lancé localement des initiatives pour se souvenir des abolitions… Et pour une femme comme moi, qui participe activement à des réunions nationa-les et internationales, la conférence de clôture de cette Année, au siège de l’UNESCO à Paris a été très signifi cative pour la réfl exion sur ces faits historiques…

— Quel suivi pourrait-on donner à cette Année internationale ?

C. Taubira : Le moins qu’appelle un épisode de l’histoire humaine aussi long, aussi massif, aussi complexe, aussi douloureux et aussi instructif que la traite négrière et ses abolitions est une périodicité qui rappelle sa dimension transconti-nentale et sa signifi cation universelle. Il convien-drait, tous les dix ans, de lui donner le faste d’un évènement susceptible de souder l’humanité, de lui rafraîchir la mémoire et attiser son devoir de vigilance.

Howard Dodson : Devoir de Mémoire, l’exposi-tion itinérante est encore très demandée par les pays du monde atlantique. Elle devrait continuer à voyager pendant au moins deux ans. C’est un outil très effi cace pour la sensibilisation et la prise de conscience du public.

S. Baca : Il serait très important de faire savoir que cette commémoration ne s’arrête pas en 2004. L’information résultante doit être assurée, permanente. On devrait la relancer aux niveau national et régional afi n de maintenir la mémoire vivante, par le fl ux de communication sur des ini-tiatives similaires à réaliser et partager, créant, par exemple, un réseau Internet et d’autres sup-ports d’accès, archives et publications qui servent

à la réfl exion, à partir de la réalité historique de chaque pays. Dans ce sens, le livre d’Olinda Celestino, « Les Afro-andins » est pour moi très important…

� Sur la traite négrière et l’esclavage

— Quelles sont, selon vous, les principaux obstacles qui s’opposent à briser le silence sur l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage ?

C. Taubira : Le seul obstacle qui me paraît mériter d’être considéré est la vision eurocen-trée du monde. Tous les autres sont surmonta-bles et inhérents à toute action. Mais tant que la partie du monde qui a le plus tiré profi t de la traite négrière et de l’esclavage en accumu-lant du capital, en développant les sciences et les techniques, en prenant une confortable préséance sur les échanges, en imposant son empreinte matérielle, tant que cette partie du monde que l’on appelle Occident et qui a de belles coudées d’avance sur la capacité à diffuser les faits, la pen-sée et l’opinion que l’on doit en avoir, ne s’ouvre pas à la diversité du monde qui l’a précédé et qui l’entoure, perdureront l’inégalité et l’inexacti-tude dans la connaissance de l’Histoire.

Howard Dodson : La peur, la honte, et le sens de la culpabilité des descendants africains, euro-péens et américains de ceux qui ont été impli-qués dans la traite négrière. De plus, la nature controversée du thème explique pourquoi ce sujet n’est toujours pas abordé dans les salles de classe. Enfi n, les médias sont aussi réticents à traiter ce sujet.

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24 � Bulletin d’information – Spécial 2004

S. Baca : Les diffi cultés que l’on rencontre pour faire connaître ce long et douloureux processus sont essentiellement liées à l’ignorance collective, résulta de « l’invisibilité » imposée par l’histoire offi cielle. Il faudrait aussi parler du peu d’inté-rêt des médias pour ces sujets, et de la réticence des peuples, en général, à admettre que le passé n’est pas fait seulement de victoires mais aussi de processus douloureux. L’histoire offi cielle a rayé ce qui s’est passé de notre mémoire, et cette histoire enfouie se transforme en peur d’affron-ter la vérité. C’est toujours comme cela.

— Comment les surmonter ?

C. Taubira : C’est un enjeu de pouvoir à l’échelle internationale. Les résistances seront fortes. Elles seront organisées. Elles seront dura-bles. Car la levée de l’obstacle majeur que j’ai défi ni à l’instant suppose que les civilisations soient rétablies en leur vérité, que les cultures soient reconnues d’égale dignité et que les pré-judices subis soient admis, appréciés et réparés. C’est un bouleversement moral, un grand cham-bardement économique, une subversion politi-que. Les peuples descendants de la traite négrière et de l’esclavage ont leur partition à jouer. Ce ne peut être dans la lamentation. Le seul chemin est celui de la fi erté, de la dignité, de l’exigence de justice et de la fraternité.

Howard Dodson : Il est nécessaire de rendre plus agressives les actions des institutions cultu-relles, éducatives, et médiatiques, afi n de briser le silence. Á New York, le Schomburg Center for Research in Black Culture coopère avec la New York Historical Society pour présenter au public deux expositions et des programmes en 2005 et 2006 sur les thèmes de la traite négrière et de l’esclavage dans la ville de New York.

— Quelles sont, selon vous, les nouvelles perspecti-ves qui s’ouvrent à une meilleure connaissance de cette tragédie et à une reconnaissance de ce crime contre l’humanité ?

C. Taubira : La Conférence internationale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui s’est tenue à Durban en 2001 a abouti, dans la souffrance et les malentendus, à une Déclara-tion fi nale reconnaissant ce crime contre l’hu-manité. A tant tarder à ratifi er cette déclaration fi nale, l’ONU donne la mesure des réticences, des arrière-pensées et des luttes d’infl uence. En cette matière, la force de l’ONU est la somme de celle des États. La valeur ajoutée de l’insti-tution elle-même semble peu opérationnelle. Le rapport de force porte plutôt au pessimisme. C’est dans cet espace de rassemblement des États

que l’on peut mieux mesurer, comme par un effet de loupe, la conscience et la mémoire sélective qui révèlent une détestable hiérarchie dans les souf-frances humaines. Cette hiérarchie est corrélée à des considérations culturelles et géopolitiques. La France est la seule ancienne puissance négrière et esclavagiste à avoir reconnu ce crime contre l’humanité. C’est sa grandeur. Et pourtant, ceux qui la dirigent traînaillent à appliquer les autres dispositions de la loi, notamment la réforme des programmes scolaires et l’action internationale. C’est son déshonneur.

Howard Dodson : Une présentation honnête des faits, sans vouloir pour autant accuser nos contemporains. S’il est important de relever la dimension économique du commerce des escla-ves, il ne faut pas pour autant ignorer l’humanité de ces derniers. Il est de la plus grande impor-tance de reconnaître l’humanité des Africains asservis et la façon très humaine et parfois sur-humaine avec laquelle ils ont transcendé leur condition durant l’esclavage.

S. Baca : Il est possible que, par la connaissance de la vérité, on puisse arriver à créer un mouve-ment mondial de vigilance, de respect des droits de l’homme afi n que l’histoire ne se répète plus…

� Sur le projet La route de l’esclave

— Quel impact ce projet a-t-il eu sur le traitement de la question de la traite négrière et de l’esclavage ?

C. Taubira : La route de l’esclave fut un projet ingénieux et généreux. Il a libéré une énergie phénoménale que la honte broyait et que l’igno-rance émiettait. Il a déverrouillé des mentalités, il a décomplexé des victimes, il a donné de l’assu-rance à des millions de personnes qui ont appris à faire la part de l’Histoire dans l’injustice qui les frappait depuis plusieurs générations. Il a désen-clavé des opérateurs jusqu’alors marginaux. Il a mis en contact et en branle des milieux étanches (universitaires, associatifs, élus locaux, citoyens). Il a rétabli le balancier et délesté la réfl exion. Il a permis que s’exprime l’impensable, l’indici-ble fi liation : se proclamer descendant d’ancêtres mis en esclavage.

Howard Dodson : Il est probable que davan-tage qu’aucun autre facteur, le projet La route de l’esclave a été le principal catalyseur pour éveiller ou renouveler l’intérêt porté à la traite négrière et à l’esclavage. Que ce soit en stimulant de

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25Bulletin d’information – Spécial 2004 �

nouvelles études et de nouveaux cours au niveau des universités et des écoles ou de nouvelles expositions, des programmes publics ou des dis-cussions dans les médias de ces deux piliers du monde moderne, le projet La route de l’esclave a été une force motrice majeure à travers le monde atlantique.

S. Baca : Si l’on parvenait à ce que le projet UNESCO/La route de l’esclave se diffuse dans toutes les couches de nos sociétés l’impact serait extrêmement fort et très instructif. En effet, si l’humanité se souvient des grands épisodes de l’histoire universelle (essentiellement européenne) comme la conquête du « nouveau monde », les deux guerres européennes, la souffrance des peuples mis en esclavage n’a jamais occupé la pre-mière place dans la mémoire. Et pourtant, ce fut une catastrophe majeure, comme l’holocauste juif, comme les croisades religieuses, les guerres actuelles, l’exode des citoyens du tiers monde vers les pays développés en raison de leurs économies brisées… Le projet de l’UNESCO invite aussi à méditer sur cette réalité.

— Quelles sont, selon vous, les nouvelles priori-tés ou orientations qui permettront au projet de mieux répondre aux attentes du public ?

C. Taubira : Ce projet a laissé une marque indélébile dans les consciences. Il a changé la représentation que les citoyens ordinaires avaient de l’UNESCO, jusque-là inaccessible au plus grand nombre. Dorénavant, il n’aura de raison d’être que s’il se recentre sur des actions à forte capacité d’entraînement. Sans éteindre l’enthousiasme, sans étancher la disparité qui nourrit l’inventivité, il doit pouvoir inscrire durablement dans le paysage universel, en des lieux éloquents et par des actes originaux et signifi ants, les fresques culturelles, éducati-ves, artistiques, scientifi ques et matérielles qui témoigneront que l’humanité s’est réappropriée son histoire. Dans sa totalité.

Howard Dodson : Il est nécessaire de rendre les connaissances sur le sujet plus accessibles au monde entier. Ceci signifi e davantage d’expo-sitions, de forums, de programmes de radio et de télévision. Il est aussi nécessaire de produire des programmes scolaires et de les disséminer de façon traditionnelle et électronique. Enfi n, il faut réaliser et faire connaître davantage d’études qui donnent une voix aux Africains asservis.

S. Baca : Je pourrais par exemple suggérer qu’il est nécessaire de promouvoir des recherches et des évaluations sur l’apport des africains aux cultures du monde, partager et diffuser large-ment ces connaissances. Quelles traces a laissé l’esclave sur sa route, quels ont été ses apports ? Que s’est-il passé en Amérique, lors de la rencon-tre de cet esclave avec les indigènes également exploités et exterminés par la voracité des coloni-sateurs ? Faire connaître, encore et encore, cette partie de notre histoire…

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26 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Lutte contre les formes contemporaines d’esclavage

� L’approche de l’UNESCO pour combattre le trafic d’êtres humains

Le trafi c d’êtres humains est généralement défi ni comme le commerce illégal d’êtres humains par enlèvement, menace ou recours à la force, tromperie, fraude ou « vente » à des fi ns d’exploitation sexuelle ou de travaux forcés. Ce trafi c constitue donc une nouvelle forme d’esclavage, car les trafi quants exercent un droit de propriété sur leurs victimes asser-vies, afi n de s’assurer un revenu issu du travail de celles-ci. Cette traite moderne ne requiert pas de bateaux négriers, ni de chaînes et de boulets, elle est opérée avec de faux passeports et des billets d’avion, de faux contrats de travail et des gardes frontières soudoyés. Mais le fond du problème demeure : il s’agit de la violation des droits de l’homme et de la dignité humaine. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) des millions de personnes en majorité des femmes et des enfants et ce phénomène touche tous les pays et contribue à un autre trafi c qui ne cesse d’augmenter : le commerce d’organes humains.

Dans le cadre du « Projet pour com-battre la traite des personnes en Afrique », l’UNESCO cherche à éclairer les raisons du tra-fi c humain et à assister les pays africains dans la conception de réponses politiques appropriées.

Le projet couvre six pays pilotes repar-tis dans deux sous-régions africaines : Afrique de l’Ouest (Togo, Bénin, Nigeria) et Afrique australe (Lesotho, Mozambique, Afrique du Sud). Dans la lutte contre ce phénomène, l’UNESCO, en conformité avec son mandat, privilégie une approche multidisciplinaire sus-ceptible de comprendre les dimensions histori-ques, légales, politiques et socioculturelles du trafi c humain.

En 2004, les activités du projet ont consisté en des recherches dans ces six pays sur les facteurs favorisant le trafi c humain et en des formulations de réponses politiques à apporter au problème.

Ces études ont jusqu’à présent mon-tré que, contrairement à la traite négrière qui a souvent été le résultat de razzias légalisées et

même subventionnées par les États esclavagistes, l’esclavage moderne est surtout le produit de la pauvreté et d’un manque d’information.

Les facteurs socioculturels intervien-nent également dans ce processus de dépos-session. Ainsi, les trafi quants exploitent les croyances et les pratiques traditionnelles telles que les rites vaudou afi n d’asservir leurs victimes. Les trafi quants utilisent également d’anciennes routes de l’esclavage et des rapports de domi-nation découlant de la traite historique pour organiser leur trafi c.

De même, la discrimination hommes/femmes qui persiste dans certaines sociétés contribue à la vulnérabilité des femmes face à ce trafi c inhumain.

Face à la réalité multidimensionnelle du trafi c, l’UNESCO contribue à la formulation de réponses culturellement appropriées dans les actions aussi bien préventives que répressi-ves. Dans la région du Haut-Mékong, par exem-ple, l’UNESCO participe à la production et à la diffusion de feuilletons sur les radios locales, contenant des messages sur les dangers de ce tra-fi c, dans les langues des minorités qui forment les groupes sociaux les plus vulnérables. L’UNESCO encourage aussi la communauté internationale à ratifi er et appliquer les instruments normatifs internationaux existants, en vue de la préven-tion du trafi c d’êtres humains et de la protection de ses victimes. Le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la crimina-lité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et sanctionner la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que la Convention internationale pour les droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, représentent tous les deux des ins-truments normatifs importants dans le combat contre ce fl éau. L’UNESCO s’attache également à répertorier les pratiques positives dans le com-bat contre ce fl éau, afi n d’inspirer les acteurs clés qui luttent contre le trafi c humain. L’UNESCO vient de publier une réfl exion analytique sur les bonnes pratiques en matière de lutte contre la traite, en particulier des femmes et des enfants, en Afrique, disponible en ligne sur le site Web du projet (www.unesco.org/shs/humantrafficking � Publications).

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L’UNESCO partagera ces informations et recommandations politiques avec les acteurs clés de la lutte contre le trafi c humain (repré-sentants de gouvernements au niveau local, chefs religieux et communautaires, OI, ONG), lors de séminaires sous-régionaux et nationaux organisés en septembre 2005 en Afrique de l’Ouest (Bénin, Nigeria, Togo) et en Afrique aus-trale (Lesotho, Mozambique, Afrique du Sud), en coopération avec les bureaux régionaux de

l’UNESCO (Bamako et Windhoek). Ces séminai-res auront pour but d’évaluer les besoins sur le terrain, de tester les rapports commissionnés par l’UNESCO sur la traite dans les sous-régions et les recommandations politiques qu’ils contiennent.

Contact :

Saori Terada ([email protected])www.unesco.org/shs/humantrafficking

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28 � Bulletin d’information – Spécial 2004

La coordination de la commémoration de cette Année internationale a été assurée au sein du Secteur de la culture par la Division des poli-tiques culturelles et du dialogue interculturel, Section Histoire et Culture, mais l’Année 2004 a mis en exergue la synergie avec les autres Secteurs de programme. Aussi, les autres secteurs de l’UNESCO : Sciences sociales et humaines, Éducation, Communication et Centre du patri-moine ont-ils collaboré et initié des activités diverses dans le cadre de 2004.

� Secteur de l’éducation

« Briser le Silence »

L’Année 2004 a eu un écho particulier sur le Réseau du Système des Écoles associées de l’UNESCO (le réSEAU) de l’UNESCO, projet pour l’enseignement de la traite négrière trans-atlantique intitulé « Briser le Silence ». Ce projet est mis en oeuvre en collaboration avec La route de l’esclave. Il bénéfi cie depuis son lancement en 1998 du soutien de la Norvège. La principale priorité du projet était de mettre l’accent sur l’importance qu’il y a à introduire l’enseigne-ment de la traite négrière transatlantique (TST) dans les programmes du secondaire, appuyé par les moyens d’éducation du xxie siècle. Ceci s’est manifesté par la mobilisation de toutes les écoles du réseau (7 600 établissements dans 175 pays) à l’occasion de la commémoration de l’Année inter-nationale de lutte contre l’esclavage et son aboli-tion, ainsi que dans la préparation d’un matériel didactique innovant et la tenue d’ateliers destinés à améliorer les compétences professionnelles des enseignants en vue d’un meilleur enseignement des causes et des conséquences de l’esclavage.

Entre les rapports de CNN sur le pro-jet TST, un site Web redéfi ni (www.unesco.org/education/asp) ; un nouveau livret, des calendriers avec des posters thématiques destinés à toutes les écoles du réseau d’associations, de brèves et régu-lières informations par voie électronique ; publi-cation d’articles dans le bulletin d’information de l’ASPnet et participation à des expositions

thématiques à Paris et à Genève, montrant que l’enseignement de l’esclavage était en bonne marche dans les 100 écoles des trois régions (Europe, Afrique et les Amériques) pionnières du projet, au-delà même du réseau ASP L’esclavage, hier et aujourd’hui a été choisi comme thème de l’édition 2004 du projet de communication Notre temps, une rencontre annuelle destinée à une centaine d’élèves et à leurs enseignants, organisée grâce à la collaboration d’une ONG néerlandaise E-linq, a eu lieu le 26 novembre.

En 2004, trois rencontres internationa-les sur la TST ont eu lieu à travers deux océans. Le projet d’éducation sur l’enseignement de la traite négrière dans l’océan Indien, projet asso-cié à la TST, a tenu son troisième séminaire de formation sur les causes et les conséquences de la traite négrière dans l’océan Indien (8-12 mars à Maputo, Mozambique). Après les ateliers régio-naux de La Réunion et d’Afrique de Sud (2000), historiens, experts et enseignants du réseau de 7 pays de l’océan Indien ont, lors d’un séminaire-atelier, mis sur pied un plan d’action biennal pour le projet.

En vue de la préparation d’un Forum international des jeunes qui clôt l’Année 2004, les coordinateurs nationaux du projet TST, les enseignants et les élèves des trois régions impli-quées dans ce projet ont consolidé les idées et propositions qui ont émergé des trois forums de jeunes tenus à la fi n de 2003 à Copenhague (Danemark) ; Cotonou (Bénin) et Bridgetown (Barbade), à l’occasion d’un séminaire interna-tional sur la traite transatlantique tenu à Oslo (Norvège) du 24 au 27 mai 2004.

Le Forum international des jeunes est sans doute le point culminant de l’Année pour le Projet TST. Programmé du 12 au 16 novembre 2004 à Trinidad-et-Tobago sous les auspices du Ministère de l’éducation nationale et la Com-mission nationale pour l’UNESCO de ce pays, ce forum a regroupé des experts, des ensei-gnants et des élèves de plus de vingt pays des trois régions. En dehors de la Déclaration des jeunes, un des principaux résultats du forum a été la fi nalisation de Race contre Racisme, une campagne internationale des écoles contre le racisme et l’esclavage moderne qui sera lancée au début de l’année 2005.

L’intersectorialité à l’œuvre à l’UNESCO

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29Bulletin d’information – Spécial 2004 �

� Secteur des sciences socialeset humaines

Lutter contre les séquelles de l’esclavage – Le projet de coalition des villes contre le racisme

Suite à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’into-lérance qui y est associée (Durban, Afrique du Sud, 2001), l’UNESCO a élaboré et adopté à la 32e session de la Conférence générale en 2003, une stratégie intégrée contre le racisme et la dis-crimination (Résolution 32 C/13). L’approfon-dissement des connaissances sur l’évolution des discriminations héritées du passé, notamment celle qui sont liées à la période de l’esclavage par le biais de la recherche et de l’éducation, en est l’objectif spécifi que.

Les trois activités suivantes ont ainsi été menées dans le cadre de cette stratégie :

1. Une série d’activités, dont des ate-liers thématiques avec les jeunes, ont été organi-sées à l’occasion du 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. En vue de contribuer à la commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, le Secteur des sciences sociales et humaines a réuni, ce jour-là, au Siège de l’UNESCO, plusieurs cen-taines de jeunes de milieux divers pour réfl échir ensemble aux liens entre les préjugés raciaux et l’héritage de l’esclavage, à travers des débats et activités culturelles : théâtre, spectacle, courts métrages.

2. Une table ronde sur « L’humanisme des droits de l’homme face à la barbarie de la traite négrière » a été organisée pendant le Forum mondial des droits de l’homme à Nantes (France) du 16 au 19 mai 2004. Des divers crimes de l’histoire de l’humanité, la traite négrière est sans doute un des seuls qui, plusieurs siècles après ses débuts, ait encore autant de conséquences dans la quasi-totalité des continents : l’Afrique, dont les habitants ont été les victimes directes de ce commerce d’êtres humains ; les Amériques (du Nord, du Centre et du Sud), qui ont été le point d’aboutissement des « cargaisons » transatlanti-ques ; l’Asie, au moins dans sa partie moyen-orien-tale, où ont débarqué de nombreux captifs, objets du trafi c de commerçants arabes ; l’Europe, au moins occidentale, organisatrice et bénéfi ciaire des profi ts de la traite au travers de l’Atlantique, mais aussi vers certaines îles de l’océan Indien. Présidée par M. Doudou Diène, Rapporteur spé-cial sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, la séance a réuni des experts

et acteurs de la société civile pour arriver aux conclusions suivantes : il faut sortir du silence, du non-dit qui n’insiste pas sur cette première mondialisation et sur la volonté commerciale — capitalistique — sous-jacente ; il faut rappe-ler que le combat contre l’esclavage a constitué un des actes fondateurs des droits de l’homme ; il faut avoir présent à l’esprit que la traite négrière a largement contribué au racisme qui continue de perturber les relations humaines tant au niveau national qu’international ; il faut souli-gner que le Code noir de 1685 donne une base juridique et donc une apparente rationalité à des pratiques condamnables ; il faut reprendre l’histoire de la résistance des esclaves qui n’ont jamais été des victimes consentantes, même si les mauvais traitements qu’ils subissaient ne leur a pas toujours permis d’exprimer pleinement leur volonté de libération.

3. La coalition internationale des vil-les contre le racisme est une initiative lancée par le Secteur des Sciences sociales et humaines en mars 2004, dont l’objectif est d’établir un réseau des villes intéressées par l’échange d’expérien-ces, en vue d’améliorer leurs politiques publi-ques de lutte contre le racisme et la xénophobie. En effet, la lutte contre le racisme requiert d’impliquer autant que possible les véritables acteurs sur le terrain, y compris les populations victimes des discriminations. C’est pourquoi l’UNESCO a choisi la ville, principal foyer de brassage ethnique et culturel, comme un espace privilégié pour mener concrètement cette lutte, et parce que les autorités municipales, véritables décideurs politiques sur le plan local, occupent une position clé pour impulser des actions dans ce sens. L’objectif fi nal de ce projet est de four-nir aux autorités locales un programme opéra-tionnel qui permettra une mise en œuvre plus effi cace des divers engagements signés par les villes et les gouvernements. Dans un premier temps, des coalitions vont être créées à l’échelle des régions (Afrique, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Caraïbes, États arabes, Asie-Pacifi que, Europe). Le but est de prendre en compte les spécifi cités et les priorités propres à chacune des régions. Grâce au rôle de coordina-tion d’une ville désignée « chef de fi le », chaque région se dotera ainsi d’un plan d’action propre. Les villes signataires s’engageront ensuite à inté-grer celui-ci dans leurs stratégies et politiques municipales. Pour la région Europe, la ville de Nuremberg a été désignée pour jouer ce rôle. Les 9 et 10 décembre 2004, elle a ainsi accueilli la Quatrième conférence européenne des villes pour les droits de l’homme. À cette occasion, l’UNESCO a proposé le lancement offi ciel, sous son égide, de la Coalition européenne des villes contre le racisme. Préparé par des experts, un

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30 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Plan d’action en dix points a été discuté et pro-posé comme une des mesures pouvant assu-rer le respect de la Charte européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme dans la cité. Parmi les points défi nis par le Plan d’action, s’inscrit un engagement spécifi que au travail à la mémoire collective pour contribuer à la promo-tion de la diversité culturelle et de l’intercultura-lité au sein de la cité.

� Secteur de la communication et de l’information

Sauvegarder les archives du commerce des esclaves

Le projet des archives du commerce des esclaves a été lancé en 1999, avec pour objectif l’amé-lioration de l’accessibilité et la sauvegarde des documents originaux relatifs au commerce tran-satlantique des esclaves et à l’esclavage dans le monde.

Dans le cadre du programme « Mémoire du monde » de l’UNESCO et en étroite coopé-ration avec le Conseil international des archives (CIA), une étude de faisabilité a été faite afi n d’identifi er les archives nationales et les institu-tions apparentées dans plusieurs pays africains ainsi que d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Il s’agit de les aider à améliorer leurs équipements et services, afi n d’assurer une conservation adéquate des documents origi-naux et d’obtenir des copies dans les formats appropriés des documents relatifs au commerce des esclaves. Le projet est actuellement en cours d’exécution dans onze pays dont : le Bénin, le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana et le Sénégal en Afrique, ainsi que l’Argentine, la Barbade, le Brésil, la Colombie, Cuba et Haïti en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Financé par l’Agence norvégienne de développement et de coopération (NORAD), ce projet permet de faciliter l’accès à la connais-sance et à l’exploitation des documents sur le commerce des esclaves. Les documents concer-nés sont les suivants : lettres et correspondances,

CD sur les catalogues et archives de la traite négrière© UNESCO/CI

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31Bulletin d’information – Spécial 2004 �

titres et plans de propriété foncière, livres de comptes, actes notariés et testaments, contrats de vente d’esclaves, registres offi ciels, licences, registres d’église, registres militaires, actes trans-latifs, dossiers d’affaires législatives, inventaires, publications, etc… La numérisation des sources documentaires originales qui témoignent de ce commerce, et en particulier celles dont la conser-vation est menacée, aidera à établir une mémoire collective sur cet aspect dramatique de l’histoire. Une stratégie d’accès est envisagée. Elle est cen-trée sur l’établissement en ligne, via le site Web de l’UNESCO et d’autres sites consacrés au commerce des esclaves, et par la publication d’un CDRom multimédia sur le commerce des esclaves et les actes de résistance à l’esclavage.

Outre les cours de formation techni-que, chaque pays est doté de matériels et de logi-ciels nécessaires afi n de numériser des centaines de documents et de catalogues, et d’établir une importante base de données en utilisant le logi-ciel CDS-ISIS ou d’autres logiciels. Ces docu-ments sont publiés sur les sites Web des pays, sur celui de l’UNESCO ainsi que sur les CDRom qui contiennent les catalogues et les matériels de ces sources. Le projet a réussi à obtenir de certaines institutions du patrimoine leur enga-gement à examiner et à faire un compte rendu de leurs collections. Le nombre croissant de visi-tes de navigation met l’accent sur le potentiel des archives ainsi que sur leur état précaire de conservation.

Le projet a également fi nancé un riche site Web sur les Archives du commerce des es-claves, qui compte plus de 200 000 registres et images sur l’esclavage et le commerce des esclaves : (voir : http://www.unesco.org/webworld/slavetradearchives).

En proposant des informations et des liens aux archives nationales des pays par-ticipants, ce site retrace les grandes lignes de l’histoire liée au commerce transatlantique des esclaves, présente les différents fonds d’archives et la typologie des documents selon les endroits où ils sont conservés, et fournit l’accès à une ban-que d’images des archives numérisées relatives au commerce transatlantique des esclaves.

En étroite collaboration avec les Archi-ves nationales de Cuba, une réunion internatio-nale sur le Projet des archives du commerce des esclaves a eu lieu du 22 au 24 novembre 2004 à La Havane (Cuba). Les participants ont présenté l’état d’avancement des travaux concernant leur programme national d’archives du commerce des esclaves. L’objectif est d’harmoniser les stra-tégies des différents programmes nationaux afi n de créer une synergie globale relative au Projet, et de faire de nouvelles recommandations quant à l’amélioration de la participation nationale et

à son extension à d’autres régions et pays. Orga-nisée dans le cadre de 2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, cette réunion a été, pour l’UNESCO, l’occasion de réaffi rmer son engagement à faire connaître universellement la question du com-merce transatlantique des esclaves et de l’escla-vage, ses causes profondes et ses conséquences tragiques par le biais des travaux scientifi ques.

� Centre du Patrimoine mondial

Patrimoine culturel immobilier lié à la traite négrière : un héritage à préserver et à gérer

Dans le cadre du Programme AFRICA 2009, le Sixième séminaire des directeurs s’est tenu du 15 au 19 novembre 2004 à Porto Novo (Bénin). Ce séminaire, qui a regroupé (19 participants au Sixième cours régional sur la gestion et la conser-vation du patrimoine culturel immobilier afri-cain, 26 directeurs des institutions africaines en charge de la conservation du patrimoine culturel immobilier, ou leurs représentants — Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Togo, Zambie, Zimbabwe) a été rehaussé par la présence du Président du Comité du patrimoine mondial, des représentants du Centre du patri-moine mondial de l’UNESCO, de l’ICCROM, de CRATerre-EAG, de l’École du patrimoine afri-cain, du Programme for Museum Development in Africa, des directions du Patrimoine cultu-rel de Suède et de Norvège, de Son Excellence l’Ambassadeur, Délégué Permanent du Bénin à l’UNESCO, des conférenciers de l’Afrique du Sud et du Bénin, spécialistes de la traite négrière et enfi n, du Comité de pilotage du Programme AFRICA 2009.

Dans le but de soutenir l’initiative des Nations Unies et de l’UNESCO, qui ont pro-clamé 2004 Année internationale pour la commé -moration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition , le Séminaire avait pour objectifs prin-cipaux de :

� Présenter aux directeurs le contenu et les résultats du Sixième cours régional ;

� Donner une opportunité aux profes-sionnels d’Afrique sub-saharienne de présenter les sites du patrimoine culturel immobilier asso-ciés à la traite négrière dans leurs pays, notam-ment comment ceux-ci sont gérés ;

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32 � Bulletin d’information – Spécial 2004

� Identifi er les catégories et les typo-logies des sites liés à l’esclavage (immobilier et immatériel) ;

� Recommander aux décideurs à tous les niveaux la prise en compte de ces préalables comme constituant des actions majeures à entre-prendre dans de proches délais.

Ci-dessous les recommandations de la réunion :

Considérant :� Que l’esclavage constitue un crime

contre l’humanité et que malgré son abolition il continue d’exister sous différentes formes ;

� Que le phénomène de l’esclavage est un sujet sensible, que le silence autour de celui-ci n’est pas synonyme d’oubli, et que la volonté d’aller de l’avant doive être privilégiée ;

� L’existence de différentes typologies de sites et lieux de mémoires associés à l’esclavage (zones de capture, sites de résistance, itinéraires terrestres et maritimes, lieux de rituels, marchés d’esclaves, lieux d’embarquement, de détention et de marquage, etc.) ;

� Le soutien inestimable des partenai-res fi nanciers et opérationnels au Programme AFRICA 2009 pour la conservation et la gestion du patrimoine culturel immobilier africain asso-cié à l’esclavage ;

Prenant en compte :� La nécessité d’inventorier, de docu-

menter et de protéger les témoins matériels et immatériels ;

� La nécessité de reconstituer l’histoire des sites liés à l’esclavage avec l’apport des élé-ments immatériels ;

� La nécessité d’avoir une relecture véri-tablement africaine du phénomène de l’esclavage ;

� La corrélation entre l’esclavage, le colonialisme et l’apartheid comme différents modes d’asservissement ;

Vu :� La signifi cation culturelle et histori-

que des sites et autres lieux de mémoire liés à la traite des esclaves ;

� La fragilité et les risques de dispari-tion de ces témoins matériels de cet acte déshu-manisant ;

1. Les Directeurs recommandent :

Aux professionnels africains

du patrimoine culturel immobilier :

� L’inventaire, la documentation, la proposition de classement national et la promo-tion des sites et monuments liés à l’esclavage ;

� La constitution de réseaux régionaux en vue d’échanger les informations sur l’escla-vage et les sites liés à l’esclavage dans les pays africains ;

� La conception de projets qui regrou-pent tous les aspects de la chaîne patrimoniale, à savoir : la réhabilitation et la mise en valeur des sites, la création de circuits touristiques et la formation de guides ; la recherche, la collecte et l’édition des traditions orales et immatérielles liées à l’esclavage ;

� La sensibilisation des pouvoirs publics ;

� La contribution à l’inscription des sites liés à l’esclavage sur les listes indicatives ;

� L’approche transfrontalière dans les stratégies de protection et de nomination au pa-trimoine mondial des sites liés à l’esclavage.

Aux gouvernements et collectivités

territoriales africains :

� L’abolition de toute forme moderne d’esclavage ;

� La mise en place d’un cadre institu-tionnel, administratif et juridique en vue du clas-sement national et de la valorisation des routes et itinéraires liés au commerce d’esclaves ;

� Le soutien aux projets d’inventaire et de documentation des sites liés à l’esclavage ainsi que leur classement national ;

� L’inscription des sites et lieux de mémoire liés à l’esclavage sur les listes indicatives ;

� L’initiation de projets de recherches relatifs à la traite négrière, la coordination, la diffusion et la valorisation des résultats ;

� L’encouragement et le soutien des professionnels du patrimoine à la mise en place de réseaux au niveau national ;

� La consolidation et la fédération des réseaux et des efforts au niveau régional et sous-régional ;

� La formation initiale et continue des professionnels du patrimoine sur les questions relatives à l’esclavage ;

� La formation des professionnels au patrimoine intangible ;

� La prise en compte des questions relatives à l’esclavage dans les programmes scolaires et universitaires ;

� Le débat de la question de l’esclavage à l’échelle continentale ;

� La sensibilisation des masses, l’implica-tion de la société civile et la sollicitation du mécénat ;

� La recherche de fi nancements bila-téraux et multilatéraux pour la conservation des sites et lieux de mémoire liés à l’esclavage ;

� La ratifi cation, pour les pays qui ne l’ont pas encore fait, de toutes les conventions

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33Bulletin d’information – Spécial 2004 �

internationales de l’UNESCO pour la protection du patrimoine culturel ;

� L’adhésion à l’ICCROM, pour les pays qui ne l’ont pas encore fait.

Aux organisations internationales

participant à la valorisation et à la

protection du patrimoine culturel :

� L’appui technique et fi nancier aux pays africains en vue de leur permettre de proté-ger les sites liés à l’esclavage et de mieux préparer les dossiers d’inscription de ces sites sur la Liste du patrimoine mondial ;

� L’appui technique et fi nancier à tou-tes les parties prenantes impliquées dans le ren-forcement des capacités des institutions locales, en vue de la mise en évidence d’une expertise éprouvée ;

� La poursuite du projet UNESCO La route de l’esclave.

2. En outre, les Directeurs sollicitent :

� Les chefs coutumiers et leaders d’opinion, en vue d’inciter les détenteurs d’in-

formation à une bonne collaboration avec les chercheurs ;

� Les hommes politiques, en vue de s’engager résolument pour la conservation, la gestion et la mise en valeur des sites.

3. Enfin, les Directeurs demandent :

� Aux partenaires fi nanciers et opéra-tionnels de poursuivre leur appui au Programme AFRICA 2009 et de maintenir leur engagement pour la phase fi nale 2006-2009 ;

� Que le prochain Cours technique francophone de 2005 porte sur le thème des techniques d’entretien et de restauration du patrimoine culturel immobilier ;

� Que le prochain séminaire thémati-que francophone porte sur la conservation et la valorisation des architectures traditionnelles ;

� Que l’ensemble des recommanda-tions du Sixième séminaire des Directeurs soit transmis à tous les partenaires du Programme AFRICA 2009 et aux autorités gouvernemen-tales des pays africains et progressivement mis en œuvre.

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34 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Dix ans du projet La route de l’esclave

(1994-2004)

C’est sur une proposition d’Haïti et des pays afri-cains que la Conférence générale de l’UNESCO a approuvé, lors de sa 27e session en 1993, la mise en œuvre du projet La route de l’esclave (Résolution 27 C/3.13). Soutenu par l’organisation de l’unité africaine (O.U.A) lors de sa 56e session ordinaire à Dakar. Le projet a été lancé offi ciellement en septembre 1994 à Ouidah (Bénin).

Les principaux objectifs assignés à ce projet sont :

� Mettre fi n au silence sur la traite négrière et faire connaître ses causes profondes, ses enjeux et ses modalités d’opération par des travaux scientifi ques multidisciplinaires.

� Mettre en lumière ses conséquences sur la trans-formation du monde et notamment les interac-tions culturelles que cette tragédie a générées entre les peuples des continents concernés.

� Encourager le dialogue interculturel qui se poursuit encore aujourd’hui dans les sociétés issues et affectées par cette tragédie.

Depuis sa création, le projet La route de l’esclave, s’est structuré autour de quatre programmes :

� Un programme de recherche scientifique s’appuyant sur un large réseau d’institutions et de spécialistes à travers le monde.

� Un programme pédagogique et éducatif inti-tulé « Briser le silence » qui s’appuie sur un réseau de plus de 7 000 écoles associées dans le monde pour encourager l’intégration de l’en-seignement de cette tragédie dans les curri-culums scolaires.

� Un programme pour la promotion des cultu-res vivantes et des expressions artistiques et spirituelles.

� Un programme sur l’identifi cation et la pré-servation des lieux et les archives écrites

et orales liés à la traite négrière et sur le déve-loppement d’un tourisme de mémoire.

Après dix ans de mise en œuvre, le projet est parvenu incontestablement à des résultats signifi catifs. Il a contribué au développement de la connaissance sur le traite négrière, l’es-clavage, et sur ses conséquences. Il a notam-ment favorisé la mise en place d’un réseau de recherches scientifi ques, la promotion d’un tourisme culturel de mémoire, la création d’un programme sur les traditions orales, la produc-tion d’études de faisabilité pour la création de musées sur l’esclavage.

� Principales réalisations

Le projet sur La route de l’esclave a eu un impact au niveau aussi bien local, national, régional, interrégional et international à travers ses multiples activités. Sans être exhaustif nous voudrions citer certaines de ses réalisations.

Adoption des résolutions et déclarations

� Proclamation en 1998 par la Conférence générale de l’UNESCO du 23 août, Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, journée célébrée dans la plupart des États membres de l’Organisation.

� Adoption en 1995 d’un Programme conjoint UNESCO-OMT de développement de tourisme de mémoire lié à La route de l’esclave.

� Adoption par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénopho-bie et l’intolérance qui y est associée, tenue à Durban en 2001, d’une Déclaration reconnais-sant la traite négrière et de l’esclavage comme « crime contre l’humanité ».

� La proclamation en 2003 par l’Assemblée géné-rale des Nations Unies de l’année 2004 comme

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35Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Année Internationale de commémoration de la lutte contre l’esclave et de son abolition, marquant à la fois le bicentenaire de la première République noire.

Développement de réseaux et recherches

La mise en place et la promotion des réseaux de recherche scientifi que sur la traite négrière et l’esclavage dont les plus actifs sont :

� La recherche archéologique terrestre et sous-marine (Esclavage et archéologie).

� L’esclavage et la religion afro-américaine.

� La traite négrière dans le « Nigerian Hinter-land » (1650-1900).

� Les fondements idéologiques et juridiques de la traite négrière .

� Diaspora : langues, formes et expressions artis-tiques .

� Esclavage, économie et travail .

� Marronnage et formes de résistance.

� Esclavage dans la Méditerranée.

� Cultures bantu dans les Amériques et dans les Caraïbes : langues, religions et société.

� Esclavage et interculturalité .

� Femmes et esclavage.

Éducation

� Mise en place de Chaires UNESCO d’études sur la diaspora africaine.

� Mobilisation de plus de 7 500 écoles dans 170 pays à travers le Réseau des écoles asso-ciées de l’UNESCO pour l’enseignement de la traite négrière et du commerce transatlanti-que, intitulé « Briser le silence ».

� Développement de guide pour enseignants et révision des manuels scolaires en vue de faci-liter l’enseignement de la traite négrière et de l’esclavage dans les écoles.

Mémoire et Patrimoine

� Collecte, compilation et sauvegarde des tradi-tions orales.

� Identifi cation et inventaire des lieux de mémoire.

� Création de musées de la traite négrière et de l’esclavage.

Rencontre, Dialogue et Sensibilisation

� Accroissement de la couverture médiatique sur la traite négrière et l’esclavage.

� Soutien et promotion des festivals et expres-sions artistiques commémorant la traite négrière et l’esclavage.

� Dialogue et débats sur la traite négrière et l’esclavage.

� Renforcement de la prise de conscience sur les contributions de la diaspora africaine.

Publications

� Sites liés à la traite négrière et à l’esclavage en Sénégambie.

� L’Afrique entre l’Europe et l’Amérique.

� Les abolitions de l’esclavage.

� La chaîne et le lien.

� La Société des Amis des Noirs.

� La traite négrière du xve au xixe siècle.

� Déraison, esclavage et droit.

� Montesquieu, Rousseau, Diderot : du genre humain au bois d’ébène Tradition orale et archives de la traite négrière.

� Les sources orales de la traite négrière en Guinée et en Sénégambie.

� Tradition orale et traite négrière au Nigeria, au Ghana et au Bénin.

� Tradition orale liée à la traite négrière et à l’esclavage en Afrique centrale.

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36 � Bulletin d’information – Spécial 2004

� Nouvelles perspectives

Les objectifs ont progressivement été élargis pour inclure d’autres régions et d’autres thématiques tel que l’examen des formes modernes d’escla-vage, le travail des enfants et la prostitution.

Aujourd’hui le projet est à une étape charnière. Il est donc impératif de consoli-der l’élan et la prise de conscience suscités durant les dix premières années d’activités, et plus récemment encore lors de la célébration de 2004 Année internationale de lutte contre l’escla-vage et de son abolition. Cette commémoration fut notamment l’occasion de lancer une évalua-tion externe du projet afi n d’examiner le chemin parcouru et mieux répondre aux espoirs et des attentes soulevés.

Dans les années à venir, le projet ren-forcera ses activités dans les régions jusqu’à là peu couvertes : la Mer Rouge, l’océan Indien et l’Asie afi n de mieux appréhender les traites trans-saharienne et indo-océanique. Il continuera à contribuer à la mise en œuvre du programme d’ac-tion adopté à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (Durban, 2001).

Le projet portera une attention toute particulière sur la mémoire orale liée à la traite négrière et à l’esclavage et poursuivra les actions visant à promouvoir les sites, monuments et lieux de mémoire témoignant de cette tragédie pour le développement du tourisme culturel, en étroite

coopération avec l’OMT. Il contribuera à l’éta-blissement de musées de l’esclavage et à l’orga-nisation d’expositions itinérantes ou virtuelles.

Le projet s’intéressera également aux conséquences psychologiques de l’esclavage et notamment aux traumatismes spécifi ques dont souffrent aujourd’hui les descendants des victimes.

Dans le cadre du projet éducatif sur la traite, on commencera à expérimenter les maté-riels didactiques sur l’enseignement de la traite négrière produits par les universités partenaires notamment l’université des Indes occidentales. D’autres outils éducatifs seront aussi élaborées notamment pour les régions sur l’enseignement sur la traite transsaharienne et indo-océanique. En coopération avec les Secteurs de l’éducation et de la communication, le projet s’attachera à promouvoir et à vulgariser l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage, en particulier à tra-vers la production de fi lms et DVD, et la création d’une base de données sur la traite négrière et l’esclavage.

L’organisation des rencontres et des débats entre experts sera poursuivie pour encou-rager les échanges de connaissances sur des points encore controversés.

Le projet renforcera enfi n les études sur les liens et les interactions entre l’esclavage historique et les nouvelles formes d’esclavage.

Les nouvelles orientations du projet seront défi nitivement fi xées à la suite de l’éva-luation qui vient de débuter et dont les résultats seront connus en octobre 2005.

ÉVALUATION DU PROJET LA ROUTE DE L’ESCLAVE

Après dix années d’existence, le projet La route de l’esclave fait l’objet d’une évaluation externe afi n de mesurer les résultats obtenus et de défi nir de nouvelles orientations, à la lumière des leçons tirées de cette expérience. Cette évaluation portera notamment sur les principaux points suivants :

� L’impact du projet dans les État membres et la communauté internationale.

� L’effi cacité du projet sur le développement des connaissances sur la traite négrière et l’esclavage, sur la sensibilisation et la mobilisation et enfi n, sur le changement des attitudes et des perceptions des principales parties prenantes.

� Les obstacles rencontrés et les risques suscités.

� La valeur ajoutée de l’approche intersectorielle et de sa gestion.

L’évaluation, qui sera effectuée par un Cabinet d’évaluateurs externes, s’appuiera sur des consul-tations avec des partenaires des différentes régions du monde et sur l’analyse des documents du projet.

Un groupe de référence a été constitué pour servir de guide aux évaluateurs dans leur travail. Les résultats de l’évaluation sont attendus pour septembre 2005.

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37Bulletin d’information – Spécial 2004 �

Tourisme de mémoire et tradition orale

L’enjeu de la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage porte sur le patrimoine physique et immatériel. Dans cette perspective un Pro-gramme conjoint UNESCO-OMT de tourisme culturel sur La route de l’esclave a été lancé pour l’Afrique à Accra (Ghana) en avril 1995. Il a ensuite été élargi aux Caraïbes (Ste Croix, Iles Vierges, juin 1999) et à l’océan Indien. L’objectif de ce Programme est l’identifi cation, la restaura-tion et la promotion des sites, bâtiments et lieux de mémoire de la traite négrière, qui jalonnent le parcours de la traite.

Ce Programme conjoint UNESCO-OMT représente ainsi un véritable enjeu de mémoire, car il intègre également la dimension économique, historique et éthique du tourisme. Il s’agit en réalité, non seulement de la mémoire de l’Afrique, mais de celle de l’humanité toute entière ; nous le voyons dans les interactions générées par la traite négrière dans les domaines de la musique, de la danse, de la cuisine, de l’ar-tisanat, des traditions spirituelles… Très soutenu par les pays, ce programme a abouti à un résul-tat concret de grande portée : le recensement pays par pays des sites et lieux de mémoire de la traite négrière. De ce fait, la 41e réunion de la Commission de l’OMT pour l’Afrique a accueilli favorablement, en mai 2004 à Mahé (Seychelles), son état d’avancement.

L’inventaire des sites, lancé dans le cadre du projet La route de l’esclave et réalisé dans les pays historiquement concernés, révèle que ceux-ci constituent des atouts touristi-ques indéniables. Mais la plupart de ces lieux de mémoire sont dans un état de dégradation avancée et des mesures de protection et de res-tauration n’ont pas été prises ou sont encore insuffi santes. Ces sites ne bénéfi cient donc d’aucune promotion adéquate.

Quelques pays ont toutefois démontré comment l’investissement, la protection, la restau-ration et le développement des lieux de mémoire peuvent constituer des atouts touristiques majeurs. Les produits qu’on appelle dérivés sont quasiment

absents, et ce tourisme de mémoire au niveau national reste à promouvoir.

Le patrimoine de la traite négrière est autant physique qu’intangible. La collecte des données relatives à la tradition orale — patri-moine immatériel lié à la traite négrière et à l’esclavage — est très important. La collecte de données orales sur le terrain permet de combler les lacunes des archives européennes de la traite négrière et de l’esclavage, de mieux comprendre de nombreux aspects et pratiques du temps de la traite négrière, de retrouver des vestiges, des itinéraires, des marchés et de répondre ainsi à diverses questions encore sans réponses.

Ce patrimoine et avec lui une partie de l’histoire de l’humanité, est en danger de dispa-raître. Sa sauvegarde doit donc être assurée par la poursuite de la collecte des données, la publi-cation des recherches, des ouvrages, des CDRom, des banques de données.

Le tourisme de mémoire peut s’éri-ger à la fois en vecteur d’intégration régionale et interrégionale et porteur de croissance, avec le développement de l’artisanat, de la peinture, la formation des guides, la fabrication de cartes postales et autres produits dérivés…

� Le tourisme de mémoire : Coopération avec l’Organisation mondiale du tourisme (OMT)

Elmina Castle (Ghana)© Daniel Agyekum, Francis Bordoh

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38 � Bulletin d’information – Spécial 2004

Le défi le plus important aujourd’hui pour les pays concernés consiste à concevoir des stratégies nationales et régionales de tou-risme de mémoire, en privilégiant la formation de guides, en rendant les sites plus accessibles et en incitant les populations locales, (qui sont concernés en premier) à visiter les endroits qui font partie intégrante de leur histoire, de l’his-toire de l’Afrique et aussi de l’humanité. L’intérêt des populations dans la promotion du tourisme de mémoire passe par l’aménagement des sites et le développement des activités connexes (restau-ration, artisanat, peinture…) dont elles seront les premières bénéfi ciaires.

Après les inventaires des sites et lieux, la prochaine étape importante est la défi nition par l’OMT, en collaboration avec l’UNESCO, des itinéraires et circuits touristiques. Fortement soutenu par M. Francesco Frangialli, Secrétaire général de l’OMT et M. Ousmane Ndiaye, repré-sentant de cette organisation pour l’Afrique, ce programme devrait se poursuivre et aboutir à une cartographie de sites et lieux de mémoire .

Le tourisme est sans aucun doute un facteur de développement. Ce qui plus est, le tou-risme de mémoire favorisera le développement du dialogue interculturel en brisant le silence sur la traite négrière et l’esclavage.

Les archives écrites, qui refl ètent le regard de ceux qui ont participé à la traite négrière et à l’esclavage, ne peuvent suffi re à cerner l’am-pleur de cette tragédie. La collecte et l’analyse de la mémoire orale sont devenues incontour-nables pour faire connaître le vécu des esclaves et rendre compte des multiples aspects de ce crime contre l’humanité. C’est ainsi que le projet La route de l’esclave a réalisé une série de recher-ches sur la tradition orale liée à la traite négrière et à l’esclavage dans différentes régions du monde. C’est ainsi qu’un programme intitulé « Mémoire orale et esclavage dans les Iles du Sud-ouest de l’océan Indien » fut lancé par le projet La route de l’esclave et la Chaire UNESCO de Saint-Denis, pour compléter les témoignages sur l’impact de l’esclavage dans cette région. La prise en compte de cette mémoire orale qui marque fortement l’inconscient collectif des socié-tés créoles permet d’appréhender aujourd’hui la question de l’identité dans ces îles de l’océan Indien. En effet les populations africaines et malgaches déportées à La Réunion, à Maurice, aux Seychelles et à Rodrigues étaient étrangères les unes aux autres, avec des langues, des tradi-tions et des architectures sociales différentes. A travers le processus de créolisation dans lequel l’oralité a joué un rôle centrale, ces îles ont pu construire une certaine « communauté d’iden-tité » à l’échelle de leur territoire respectif. Les archives orales mettent en évidence la ri-chesse de cette culture créole qui a pu résister à toutes les tentatives d’anéantissement.

Suite à l’impulsion donnée par le lancement du programme de l’UNESCO rela-tif au projet de La Route de l’esclave Le National Institute of Education, aux Seychelles, le Centre Culturel Africain à Maurice, l’Associa-tion pour le bien-être des Rodriguais et la pro-tection du patrimoine, le CNDRS aux Comores, l’Université d’Antananarivo ont lancé des pro-grammes d’enquêtes spécifi ques à la mémoire de l’esclavage.

Le bilan de ce programme de l’UNESCO a été dressé lors d’un colloque international qui a eu lieu à La Réunion du 25 au 27 mai 2004. Plus de 20 universitaires ont communiqué à cet effet une synthèse de leurs travaux sur la problé-matique de la « mémoire orale et de l’esclavage » à Madagascar, aux Seychelles, à Rodrigues, à Maurice et à La Réunion.

Ainsi, l’espace indo-océanique fait l’ob-jet d’un programme de collecte de la mémoire, mais selon un universitaire réunionnais, « il faut qu’elle soit restituée pour que les gens compren-nent les sociétés dans lesquelles ils vivent ».

Historiens, archéologues, anthropo-logues, ethnologues, professeurs de littérature, médecins psychiatres et diplomates, mais aussi responsables de centre culturel ont présenté leurs analyses, à partir des travaux menés sur la mémoire de l’esclavage et du « servilisme » ou « engagisme » dans l’espace indo-océanique. Une route s’est ouverte sur la connaissance d’un patrimoine historique malheureusement encore souvent occulté aujourd’hui.

� Sauver la mémoire orale dans l’océan Indien

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39Bulletin d’information – Spécial 2004 �

� Sur la trace des « Esclaves oubliés »

Le 17 novembre 1760 un navire de la Compa-gnie française des Indes orientales, l’Utile, quittait Bayonne, sur la côte Sud-Ouest de la France pour les îles Mascareignes. Le navire fi t naufrage le 31 juillet 1761 sur l’île des Sables (actuelle Tromelin) avec, à son bord, des escla-ves de Madagascar destinés à l’Île-de-France (aujourd’hui Maurice).

L’équipage s’enfuit sur une embarca-tion de fortune, laissant 60 esclaves sur l’île. Ils ne tinrent pas leur promesse de revenir les chercher.

Quinze ans plus tard, le 26 novembre 1776, le Chevalier de Tromelin, Capitaine de la corvette La Dauphine, trouva huit survivants sur l’île : sept femmes et un bébé de huit mois.

Comment ont-ils survécu toutes ces années, sur une île désertique d’à peine plus d’1 km de superfi cie, coupés du reste du monde ? Des recherches historiques et généalogiques, couplées avec des fouilles sous l’eau et sur terre, sont programmées, pour nous éclairer sur ce mystère. Le projet « Esclaves oubliés » a été lancé par l’UNESCO et le GRAN (Groupe de recher-che en archéologie navale), dans le cadre de l’Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition , 2004 et du programme de La route de l’esclave.

Tel qu’il a été présenté et discuté à une conférence de presse tenue au siège de l’UNESCO en avril 2004 puis à un colloque international sur le mémoire orale et l’esclavage, tenu à La Réunion en mai, le projet comporte un important volet éducatif appuyé sur un système qui associe les écoles par Internet. Ce programme est destiné à effectuer des recherches historiques et archéolo-giques ayant pour but d’élucider tous les aspects de cette terrible histoire, qui est représentative de la traite négrière.

Il doit également servir de support à une communication dirigée vers les médias, le grand public et les écoles pour les sensibiliser aux problèmes de l’esclavage.

Une équipe de chercheurs en France métropolitaine, à La Réunion et à Madagascar, s’est fi xé comme objectif de retracer la trajectoire de ces esclaves et d’élucider les conditions de la survie extraordinaire des quelques rescapés res-tés pendant 15 ans sur un îlot désertique sans aucun contact avec l’extérieur.

Une prospection avec sondage archéo-logique aussi bien terrestre que sous-marine sera réalisée en 2006. L’opération a déjà reçu le soutien des Collectivités locales de La Réunion, du Ministère français de la Défense et de Météo France, qui entretient une station météorologi-que habitée à Tromelin et pourra apporter une aide logistique et météorologique aux person-nes chargées de cette prospection pendant leur séjour sur l’île. Le site Internet consacré au pro-jet, www.archeo.navale.org, permettra de suivre les recherches en direct. Le projet compte égale-ment réaliser un fi lm, un livre, un CD-Rom retra-çant, à travers ce drame, l’histoire de l’esclavage dans l’océan Indien.

L’île des Sables actuelle Tromelin© Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN)

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40 � Bulletin d’information – Spécial 2004

� Madagascar et La Réunion : Deux stèles et un jardin, symboles d’une histoire entremêlée

En 1663, au temps de la traite négrière et de l’esclavage, deux Français, Louis Payen et Pierre Pau, et dix Malgaches, dont trois femmes, quittent Fort Dauphin pour aller s’établir à l’Île Bourbon, aujourd’hui l’île de La Réunion. Ils seront les premiers habitants de l’île.

Les liens qui unissent Madagascar et La Réunion sont donc très forts et pour symbo-liser cette histoire commune, deux stèles et un jardin endémique ont vu le jour à Fort-Dauphin, Madagascar. Par la solidité du roc et les entrelacs des racines on a voulu ainsi matérialiser ce lien séculaire, quasi familial qui unit La Réunion à la Grande Île.

En 2004, Année internationale de la commémoration de la lutte contre la traite et l’esclavage et de son abolition, ces liens existent plus que jamais et se renforcent par des échanges culturels, des échanges économiques et des partenariats. Ainsi naîtra un projet scellant la mémoire collective des deux îles : installer des stèles à Fort-Dauphin pour rappeler aux Malgaches et aux Réunion-nais leurs destins croisés ». Fort Dauphin restera le symbole visible d’une histoire commune, faite dans la douleur avec l’esclavage et la colonisa-tion, parfois dans la joie quand les hommes et femmes ont transcendé par leurs unions les systèmes d’asservissement », a précisé dans son discours d’inauguration offi cielle du 16 décem-bre 2004, Sudel Fuma, coordonnateur du projet et représentant de la Chaire UNESCO.

Les deux îles marchent ensemble sur la voie du co-développement. Lors de la présen-tation de cette opération, Pierre Vergès, Vice-Président du Conseil régional de La Réunion, soulignait que cette manifestation « conforte une démarche de relation approfondie entre La Réunion et Madagascar. Nous sommes une même famille et ce travail sur les symboliques est fait pour ne jamais oublier. Il nous amène à nous interroger sur la notion de développement par rapport à celle de l’épanouissement humain ».

C’est dans cet esprit qu’est né le projet d’ériger des stèles, monuments implantés sur les lieux même du « départ » et de l’arrivée : Fort-Dauphin à Madagascar et Le Lazaret à La Réunion.

Les stèles sont taillées dans la pierre et le granite multicolore par la Réunionnaise Dolène Curtis et par l’artiste malgache Rabemananjara. « Nous avons voulu célébrer les femmes qui ont fait La Réunion », dira D. Curtis, qui a immor-talisé sur une stèle sculptée les trois premières Réunionnaises : trois femmes malgaches dépor-tées en 1663.

Grâce à l’initiative du Réseau des plantes aromatiques et médicinales de l’océan Indien, dont l’objectif est de renforcer les liens et valoriser la biodiversité exceptionnelle de cette zone et la connaissance de ses ‘tisaneurs’, les deux stèles veillent sur un jardin de douze plantes dont trois espèces réunionnaises d’origine malgache.

Pour Constant Gasstar, Député de Madagascar et Président de l’Association ECODEV, qui s’est occupée du suivi de l’opération sur le ter-ritoire de Madagascar, cette réalisation « symbolise ce lien de roc entre Madagascar et La Réunion ». C’est ainsi que La Maison de Montagne à La Réunion, organisatrice des randonnées en montagne se propose de mener ses participants de 2005 à Antananarivo et à Fort-Dauphin en 2006, en coopération avec l’Association ECODEV.

Quant au Centre de recherches et d’étu-des sur les sociétés de l’océan Indien (CRESOI), représentant l’Université de La Réunion à l’inaugu-ration des stèles, son Directeur, Yvan Combeau, dira que « l’histoire est maillée, croisée, et « ce symbole fort participe au développement et ne doit pas être négligé. C’est un moment important pour nos socié-tés. Derrière ces stèles il y a de la vie, de la sensibi-lité, de la chair. Nous portons une grande attention à recoudre des liens que les stèles matérialisent ».

Pour cette opération de grande enver-gure, les associations respectives, HISTORUN et ECODEV Madagascar ont eu le soutien et la participation des institutions locales et natio-nales malgaches. Trois ministères ont patronné l’opération et les stèles ont été inaugurées par le Ministre de la Culture et du Tourisme. Malgré leurs faibles moyens, les autorités loca-les ont participé activement à l’opération et le Préfet de Région a pris en charge le coût d’un zébu offert pour le sacrifi ce le jour de l’inauguration.

Deux stèles et un jardin (Fort-Dauphin, Madagascar)© Bernard Curtis

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Cependant ces deux réalisations ne constituent pas une fi n en soi, mais la première étape d’un projet plus vaste ébauché dans les recommandations du Colloque international sur la « Mémoire orale et l’esclavage dans les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien » qui a eu lieu du 25 au 27 mai 2004 à La Réunion et fut organisé conjointement par l’UNESCO dans le cadre des activités de La route de l’esclave, l’Université de La Réunion et l’Association HISTORUN, avec le soutien des collectivités locales.

Il s’agit bel et bien de la première étape d’un projet plus vaste de reconstitution symbo-lique de La route de l’esclave dans l’ensemble de

la zone de l’océan Indien. Mis en œuvre par la Chaire UNESCO de l’Université de La Réunion, ce projet entend rappeler les différentes origines des ancêtres qui ont été les fondateurs du peuple-ment de La Réunion et dont l’héritage culturel subsiste aujourd’hui à travers le métissage. Ainsi, les années à venir verront fl eurir d’autres stèles à La Réunion, sur les côtes africaines et en Inde.

Un véritable travail de mémoire est lancé. Il s’effectuera nécessairement par la reconnaissance de l’interculturalité des sociétésindo-océaniques et la reconnaissance des ancê-tres jusqu’alors occultés et, contribuera à pallier les souffrances du manque de repère identitaire.

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« Tu seras un homme libre, mon fils »© Collection UNESCO/La route de l’esclave

Division des politiques culturelles et du dialogue interculturelUNESCO – 1, rue Miollis, 75732 PARIS Cedex FranceE-mail : http:/www.unesco.org/culture/slave-route/index.htm