4
78 Qu’apporte vraiment l’architecture au jeu de golf ? La question est vaste et les réponses multiples, mais elle mérite qu’on s’y attarde pour décoder ce qu’elle révèle des mystères de notre sport. Une méditation sur l’âme du golf, en hommage à André-Jean Lafaurie qui, sans doute, aurait apprécié l’exercice. Architecture Texte de PATRICE BOISSONNAS - Photos Patrice Boissonnas DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue époustouflante vers la Sardaigne mais une architecture étriquée peu stimulante pour l’imagination. Son principale mérite reste heureusement de ne pas dénaturer le site. COMME UN SCULPTEUR FACE À SON BLOC DE PIERRE, L’ARCHITECTE DOIT FAIRE HONNEUR AU MATÉRIAU QU’ON LUI CONFIE, EN RÉVÉLANT SA BEAUTÉ PROFONDE TOUT EN CAMOUFLANT SES DÉFAUTS 78 journaldugolf.fr mars 2015 79

DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLFpatriceboissonnas.com/wp-content/uploads/2015/04/... · DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue

  • Upload
    others

  • View
    32

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLFpatriceboissonnas.com/wp-content/uploads/2015/04/... · DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue

78

Qu’apporte vraiment l’architecture au jeu de golf ? La question est vaste et les réponses multiples, mais elle mérite qu’on s’y attarde pour décoder ce qu’elle révèle des mystères de notre sport. Une méditation sur l’âme du golf,

en hommage à André-Jean Lafaurie qui, sans doute, aurait apprécié l’exercice.

ArchitectureTexte de PATRICE BOISSONNAS - Photos Patrice Boissonnas

DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF

Le green du 11 à Spérone. Une vue époustouflante vers la Sardaigne mais une architecture étriquée peu stimulante pour l’imagination. Son principale mérite reste heureusement de ne pas dénaturer le site.

COMME UN SCULPTEUR FACE À SON BLOC DE PIERRE, L’ARCHITECTE DOIT FAIRE HONNEUR AU MATÉRIAU QU’ON LUI CONFIE, EN RÉVÉLANT SA BEAUTÉ PROFONDE TOUT EN CAMOUFLANT SES DÉFAUTS

78

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 78 20/02/15 20:20:06

journaldugolf.fr mars 2015

79

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 79 20/02/15 20:20:14

Page 2: DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLFpatriceboissonnas.com/wp-content/uploads/2015/04/... · DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue

80

Architecture

Dans ses innombrables livres, articles et commentaires de golf, André-Jean Lafaurie recourait souvent au vocabulaire religieux : les tournois étaient pour lui des messes, les meilleurs parcours des cathédrales, et les grands

joueurs des prophètes ou des apôtres. Comme tant d’autres vrais amoureux du golf, il ressentait intimement la dimension spirituelle de notre jeu. Si vous cherchez à expliquer cela à un non golfeur il vous rira au nez, mais c’est pourtant vrai : le golf n’est pas un loisir ordinaire. Ni vraiment un sport, ni vraiment un jeu, sa vérité se trouve ailleurs, dans une nébuleuse émotionnelle difficile à cerner, mais pourtant bien palpable.

Même s’il s’en serait certainement défendu, arguant que nul ne peut jamais en avoir fait le tour, André-Jean avait tout compris du golf. Grâce lui soit rendue d’avoir déployé tant de patience et d’enthousiasme à partager son savoir. N’est-il pas merveilleux que toute notre attention puisse, le temps d’une partie, se mobiliser vers une chose aussi futile que de mettre une balle dans un trou ? Les plaisirs simples ne sont-ils pas signes de grande sagesse ? Comme le yogi trouve la paix intérieure en se concentrant sur un point lumineux, le golfeur stoppe le cours du temps en courant derrière sa balle. Mais pour qu’un tel passe-temps fasse autant d’adeptes, il doit bien offrir quelques autres bénéfices. Et si mettre la balle dans le trou n’était pas le véritable objet du golf ?

Le golf est une quête intérieure. Une quête de soi, de contrôle de soi, de perfection, d’éternité, et bien plus encore. Qui que l’on soit, ce jeu sait se montrer inépuisable. Comme tout sport de grand air, le golf se vit en pleine nature, c’est-à-dire en liberté. Quel que soit le parcours, le golfeur arpente la planète, il en découd avec les éléments, les pieds enfoncés dans le sol et le regard scrutant l’horizon. Cela peut sembler banal, mais c’est pourtant essentiel : de là provient la sensualité mystique de ce jeu par lequel chaque nouvelle partie offre l’occasion d’aller caresser notre bonne vieille terre. Rien d’autre qu’une jolie promenade, en somme ? Si, car il y a plus. Outre ses vertus de loisir en plein air, le golf apporte quelque chose de rare et sans commune mesure avec une simple randonnée. C’est un combat épique contre des forces immenses par lequel, comme dans la catharsis grecque, se produit une purge de nos émotions.

Bien connue des hellénistes et des amateurs de tragédie grecque, la catharsis est un mécanisme psychique grâce auquel le spectateur éreinte ses passions en assistant au drame représenté sur scène. Comme le théâtre, le golf assure cette

fonction purificatrice. Mais à la différence du théâtre, le golfeur agit sur le cours des événements. En plantant son tee au départ du 1, il devient acteur de l’aventure qui se prépare. Il s’octroie le rôle principal dans une pièce où tout peut arriver et durant laquelle il éprouvera toutes sortes d’émotions sans quitter le cadre domestiqué du parcours. Faire face au danger sans la peur, à l’inconnu sans le risque, difficile de trouver meilleur compromis entre réalisme et confort. Une aventure aussi vraie que nature mais qui reste un jeu, et qu’en cas d’échec on peut toujours refaire une partie. Game over. Same player shoot again !

Et l’architecture dans tout cela ? Disons qu’elle permet au golf d’être le golf et qu’on ne peut saisir son importance si on ignore les merveilles de ce jeu. Le golf a besoin d’architecture comme un alpiniste de montagne ou un navigateur d’océan. Imaginons un terrain parfaitement plat. 18 trous de golf sans terrassement ni aucune autre action humaine que de tondre le gazon, placer des marques de départ et signaler les trous par des drapeaux. Chaque drive serait strictement identique au précédent, chaque approche et chaque putt semblables à la longueur prêt. C’est le parcours alpha, le degré zéro de l’architecture. On y jouerait bel et bien au golf avec, déjà, ce difficile et précieux plaisir de taper dans la balle, mais on se convainc sans peine qu’un tel jeu serait loin de celui que nous avons la chance de connaître.

À l’opposé on trouve les grands parcours, véritables œuvres d’art qui, par la somme de leurs qualités, atteignent cette spiritualité pour laquelle on les compare à des lieux de culte. De tels tracés sont si stimulants pour l’esprit et si séduisants pour le regard, qu’il n’est pas même besoin de les jouer pour les apprécier. À St Andrews ou à Pine Valley, le devenir de notre balle devient anecdotique par rapport à la pure joie d’être là. Après tout, il n’est pas besoin de prier pour être illuminé par la visite d’une cathédrale, ni d’avaler le vin pour le goûter. Pour les amateurs d’architecture, celle-ci peut presque constituer une fin en soi, un art autonome au service du jeu mais qui peut s’apprécier indépendamment.

En vérité, l’architecture compte au moins autant pour notre jeu que le swing. Au Japon où l’on compte un parcours pour huit mille joueurs, quantité de pratiquants ne foulent jamais de vrais fairways. Pour eux, le golf se résume à frapper des balles sur des practices géants ouverts jour et nuit. Hélas, quelle que soit l’excellence de leur geste, ces pauvres ladres ignorent le vrai goût du golf. Au practice un coup parfait fait toujours plaisir, mais sur le parcours cela prend une autre dimension.

> > >

Le 2e coup du 14 à Saint-Germain : une construction soigneuse faisant

presque oublier qu’elle est purement artificielle. Grâce aux deux bunkers

de fairway fermant la perspective, le green semble posé au fond

d’un couloir quand en réalité il se dresse au milieu d’un vaste

espace vide. Un bel exemple de justesse architecturale.

LA CLÉ DE VOÛTE D’UN BON TRACÉ, C’EST DONC SA JUSTESSE ARCHITECTURALE

Join us on www.proamseries.com

PASSEZ DU RÊVE,A LA RÉALITÉ...

ET VIVEZ UNE EXPERIENCE GOLFIQUE UNIQUE AVEC DES JOUEURS PROS DE LÉGENDE

Participez au Pro Am Series et jouez avec des joueurs du top 100 mondial et des légendes du senior tour au cours de 4 événements privés et exclusifs.

Rejoignez nous à Augusta, Londres, St Andrews et dans le Wisconsin.

Cré

dit P

hoto

: Tr

istan

Shu.

com

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 80 20/02/15 20:20:30

Join us on www.proamseries.com

PASSEZ DU RÊVE,A LA RÉALITÉ...

ET VIVEZ UNE EXPERIENCE GOLFIQUE UNIQUE AVEC DES JOUEURS PROS DE LÉGENDE

Participez au Pro Am Series et jouez avec des joueurs du top 100 mondial et des légendes du senior tour au cours de 4 événements privés et exclusifs.

Rejoignez nous à Augusta, Londres, St Andrews et dans le Wisconsin.

Cré

dit P

hoto

: Tr

istan

Shu.

com

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 81 20/02/15 20:20:50

Page 3: DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLFpatriceboissonnas.com/wp-content/uploads/2015/04/... · DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue

82

Architecture

C’est un moment de grâce étourdissant provoqué par le sentiment d’avoir atteint, même fugitivement, un niveau de perfection impensable en temps normal pour les simples humains que nous sommes.

Ce qu’apportent les parcours, et qui fait cruellement défaut au practice, c’est l’élément de narration. Avouons-le sans honte, les golfeurs adorent se raconter des histoires : attaquer un green en île, sortir d’un bunker profond, driver dans le vent par-dessus une dune… Il n’en faut pas plus à notre imagination pour se figurer des combats chevaleresques et de voyages vers l’inconnu. Au golf on peut vivre la gloire comme la déroute, le triomphe ou la honte, autant d’émotions romanesques dont on fait généralement l’expérience au cinéma ou dans les livres. Mais au contraire du septième art ou de la littérature et même si ce n’est qu’un jeu, ce qui se passe au golf est bien réel. Dans ce brouillage des frontières entre le vécu et la fiction, notre jeu puise une large part de son incroyable magie. Véritable tremplin de notre imagination, la belle architecture a le pouvoir d’augmenter la réalité et d’amplifier notre passion.

Préparer un terrain à accueillir le jeu de golf, c’est tout le travail de l’architecte. Et puisque tous les terrains ne se valent pas, l’architecture a le pouvoir (et le devoir) de transformer ce qu’on lui donne en parcours digne d’intérêt. Contrairement à une légende trop répandue, la nature seule ne produit jamais un grand parcours. Sa contribution peut s’avérer inestimable, mais elle ne donnera jamais toute sa mesure sans un architecte capable d’en tirer le meilleur parti. Là réside toute la noblesse et la difficulté de ce métier. Comme un sculpteur face à son bloc de pierre, l’architecte doit faire honneur au matériau qu’on lui confie, en révélant sa beauté profonde tout en camouflant ses défauts.

Parce qu’il jouit d’un site extraordinaire, l’exemple de Sperone (Corse) illustre à merveille ce partage des rôles entre nature et architecture. Réputé comme un des plus beaux golfs d’Europe, jouer Spérone est en effet une expérience impressionnante. Mais est-ce vraiment un « grand » parcours ? Ne doit-il pas surtout sa réputation à son cadre exceptionnel ? Il est de notoriété publique que le tracé de Robert Trent Jones souffre de quelques points faibles : trop difficile pour les hauts handicaps, véritable cimetière à balles, épuisant sans voiturette…

Au point qu’il semblerait plus agréable de s’y promener les mains dans les poches que d’y jouer une véritable partie. Voilà bien tout le problème, car le propre d’un grand parcours c’est justement de rendre la ballade du golfeur plus intense que celle du promeneur. Sperone mérite toujours le détour, mais avec une architecture remarquable on y aurait approché le sublime. C’eut été Cypress Point en Europe.

Une partie de golf est une aventure d’autant plus exaltante qu’elle a pour décor un parcours crédible. Pour que l’illusion fonctionne, celui-ci doit se fondre parfaitement dans le paysage, toute trace de fabrication ayant été soigneusement effacée. Totalement intégré, il doit sembler appartenir à la terre qui l’accueille. C’est là l’autre leçon de Sperone : une architecture trop visible. Son tracé coule convenablement, mais il n’exhale pas ce parfum d’éternité. Ses formes, son rythme, ses couleurs tranchent un peu trop avec la nature locale. Dans ce maquis corse solaire et rocailleux, on aurait attendu un terrain plus rugueux et couvert de rides comme une peau séchée par les embruns salés. On aurait souhaité des finitions moins nettes suggérant une cohabitation spontanée entre le golf et son environnement.

Seuls les meilleurs parcours atteignent ce degré de justesse ultime par laquelle l’aventure qu’ils proposent semble véritable. Il en va des golfs comme des films ou des romans. Les meilleurs nous happent et nous font vivre de grands moments. Les autres nous laissent indifférents ou nous ennuient.

La clé de voûte d’un bon tracé, c’est donc sa justesse architecturale. Il est difficile d’expliquer en quelques lignes sur quoi cela repose, mais on peut s’en approcher en se figurant un paysage alpin. Les montagnes sont faites de pentes, de gouffres, de sommets, de falaises et de vallées, autant de formes différentes et de volumes contraires qui cohabitent pourtant sans peine par les lois de la nature. Un paysage golfique doit reproduire exactement la même harmonie, chaque trou, chaque green, chaque vue jouant sa partition dans un ballet chorégraphié par l’architecte. Si le parcours échoue à trouver cette justesse, le golfeur ressentira son caractère factice et son expérience perdra en pureté. La nature peut produire d’innombrables formes, mais toutes les formes ne sont pas dans la nature. Aux architectes de faire le tri. La grande architecture en tout cas, bannit toutes les formes non naturelles : les ronds, les angles droits et tout dessin figuratif ne pouvant avoir été conçu que par un cerveau humain.

Ici au 9 du Royal County Down, le green et ses contours

imitent la forme de la montagne en arrière-plan, et c’est à

elle que l’on croit s’attaquer en approchant depuis le fairway.

Quand l’architecture nous raconte des histoires et stimule

notre imagination…

SEULS LES MEILLEURS PARCOURS ATTEIGNENT CE DEGRÉ DE JUSTESSE ULTIME PAR LAQUELLE L’AVENTURE QU’ILS PROPOSENT SEMBLE VÉRITABLE

> > >

Grâce à sa multifonctionnalité et sa facilité d’utilisation,le Stance Liner apportera une aide précieuse aux joueurs a�nd’améliorer tous les coups de golf : Drive, Bois, fers longs et fers courts,putting et sortie de bunker.

PRÉSENT AU SALON DU GOLF19, 20 et 21 mars 2015STAND D78

DRIVING 1

COUP DROIT 2

COUP EN FADE 3

COUP EN DRAW4

SORTIE DE BUNKER5

PUTTING6

Découvrez le stance liner !C’est un outil complet, pédagogique et innovant.

Il est totalement pliable pour un rangement facile dans le sac de golf

unigolf.fr

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 82 20/02/15 20:21:02

Grâce à sa multifonctionnalité et sa facilité d’utilisation,le Stance Liner apportera une aide précieuse aux joueurs a�nd’améliorer tous les coups de golf : Drive, Bois, fers longs et fers courts,putting et sortie de bunker.

PRÉSENT AU SALON DU GOLF19, 20 et 21 mars 2015STAND D78

DRIVING 1

COUP DROIT 2

COUP EN FADE 3

COUP EN DRAW4

SORTIE DE BUNKER5

PUTTING6

PRÉSENT AU SALON DU GOLFPRÉSENT AU SALON DU GOLF

4

5

PRÉSENT AU SALON DU GOLFPRÉSENT AU SALON DU GOLF

6

1

PRÉSENT AU SALON DU GOLF

2

3

4

5

6

Découvrez le stance liner !C’est un outil complet, pédagogique et innovant.Découvrez le stance liner !Découvrez le stance liner !

COUP EN DRAW

C’est un outil complet, pédagogique et innovant.

COUP EN DRAW

Découvrez le stance liner !Découvrez le stance liner !C’est un outil complet, pédagogique et innovant.

Il est totalement pliable pour un rangement facile dans le sac de golf

unigolf.fr

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 83 20/02/15 20:21:47

Page 4: DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLFpatriceboissonnas.com/wp-content/uploads/2015/04/... · DE L’ART DE CONSTRUIRE UN PARCOURS DE GOLF Le green du 11 à Spérone. Une vue

84

Architecture

Gardons-nous cependant d’énoncer des règles trop définitives. Comme toute activité créative, l’architecture du golf n’échappe pas aux effets de mode et d’autres points de vue pourraient prévaloir dans le futur. Trent Jones a connu le succès après-guerre en concevant des parcours standardisés répondant à l’idéal productiviste de son époque. Alors que primait le désir de satisfaction sociale par l’imitation et la surenchère, les notions de nature et d’authenticité se trouvaient délaissées. Mais les temps ont changé et d’autres valeurs prédominent désormais comme le respect de l’environnement et la valorisation du contexte local. Lorsqu’il y a un demi-siècle, on avait à cœur de montrer l’architecture, on cherche aujourd’hui à la camoufler pour que la nature garde le dernier mot. Cette tendance contemporaine repose sur des principes si solides qu’on la croit durable mais prudence, nul ne sait de quoi l’avenir sera fait.

Derrière ces querelles d’époques et de chapelles, il existe heureusement quelques invariants sur lesquels tous les bons architectes peuvent se mettre d’accord. Parmi eux, le rejet des surfaces planes. Au-delà du jeu, une partie de golf atteint des sommets lorsqu’on entre en communion avec le parcours, quand chaque pli, creux ou fissure du terrain nous fait ressentir des forces indicibles et apaisantes. Pareils à des frissons ou des battements de cœur, les reliefs (petits et grands) rendent l’architecture vivante. Ce n’est donc pas un hasard si le parcours alpha n’a jamais existé : le golf a horreur du plat.

L’architecture mériterait davantage d’attention dans le monde du golf. Quel dommage que tant de pratiquants ne bénéficient pas de son potentiel d’émerveillement. Puisque l’initiation au golf se limite trop souvent à l’apprentissage du swing, beaucoup de débutants hésitent à se lancer sur un parcours. N’est-ce pas là le meilleur moyen de les dégoûter ? Combien de potentiels golfeurs n’ont jamais découvert les vraies joies du jeu par peur de planter leur tee au départ du 1 ? Et combien d’entre-eux, stimulés par les défis du parcours, se seraient découverts un talent que des heures de practice n’auront jamais révélé ? Quiconque souhaite rencontrer le golfeur qu’il a en lui ne connaîtra la vérité que sur le terrain.

Mais attention, tous les terrains ne se valent pas. Par exemple, les nouveaux équipements destinés à l’initiation (parcours compacts, pitch & putt etc.) doivent évidemment être encouragés, mais pas au détriment de la qualité architecturale. Un trou long de 50 mètres peut être passionnant et défier des joueurs de tous niveaux, à condition toutefois que son green soit d’une surface suffisante pour exhiber des reliefs. En clair, avec des greens de 200 m², on ne peut pas faire d’architecture, et encore moins transmettre la passion du jeu à des nouveaux venus. Donnerait-on du jus de raisin à qui souhaite découvrir le vin ? Les pentes et les reliefs sont l’alcool que les golfeurs aiment boire sans modération. Et pour qu’ils se saoulent à l’envie, la bonne architecture veille à leur éviter la gueule de bois.

Pour contacter Patrice Boissonnas : [email protected]

Le trou n°4 au Royal Aberdeen : une orgie de reliefs pour golfeurs affamés.

84

JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 84 20/02/15 20:22:01

LES GRANDS PARCOURS SONT DE VÉRITABLES ŒUVRES D’ART QUI, PAR LA SOMME DE LEURS QUALITÉS, ATTEIGNENT CETTE SPIRITUALITÉ POUR LAQUELLE ON LES COMPARE À DES LIEUX DE CULTE

journaldugolf.fr mars 2015

85

scc.indd 1 16/02/2015 12:32:39JDG_Mars2015-58-136OKju print.indd 85 20/02/15 20:22:12