39
Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le Regioni di Montagna hanno un futuro. Umweltschutz - BUWAL-Bulletin [1], 1-44. 2002. BUWAL / OFEFP / UFAFP. Keywords: 8CH/Alps/development/environment/future/Malme/mountains/region/sustainability/sustainable Abstract: This ENVIRONMENT magazine was published on the occasion of the UN International Year of the Mountains. It deals with sustainable development in mountain regions.

Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le Regioni di Montagna hanno un futuro. Umweltschutz - BUWAL-Bulletin [1], 1-44. 2002. BUWAL / OFEFP / UFAFP.

Keywords: 8CH/Alps/development/environment/future/Malme/mountains/region/sustainability/sustainable

Abstract: This ENVIRONMENT magazine was published on the occasion of the UN International Year of the Mountains. It deals with sustainable development in mountain regions.

Page 2: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

1➔ EDITORIAL

Economie – écologie: l’harmonie indispensableComme pays alpin, la Suisse assume bien sûr encette année internationale de la montagne uneresponsabilité particulière. Mais pas seulement.Les montagnes couvrent deux tiers de notre super-ficie. Parmi les chaînes européennes, Alpes et Juraont une position centrale. Dans ces régions auxcaractères distincts, d’amples espaces naturels et de magnifiques paysages hébergent une variétéd’espèces remarquable. Ils offrent, par delà lesfrontières, des espaces régénérateurs aux citadinstout en étant le cadre de vie indispensable auxmontagnards.

De plus en plus, les annonces de catastrophesmarquent notre perception de la montagne. Pourla seule année 1999, avalanches, coulées de boueset inondations ont fait des dizaines de victimesdans les Alpes suisses et détruit quelques centainesde bâtiments. Le terrible incendie d’octobredernier dans le tunnel routier du Gothard a para-lysé la circulation sur cet important axe de transit.Des bouchons de plusieurs kilomètres et des ac-cidents sur les itinéraires de délestage renforcentencore l’impression de région en crise.

L’accumulation de mauvaises nouvelles nousrappelle que, de tous temps, les montagnards ontvécu dans des conditions difficiles. Malgré les pro-grès techniques, le paysage alpin ne peut pas êtremodelé et transformé partout pour satisfaire lesbesoins des gens. La dynamique de la nature et lesfaiblesses humaines nous rappellent sans cesse leslimites de la technique.

En Suisse comme ailleurs, on cherche à exploi-ter plus intensivement les montagnes. Une pres-sion qui s’accorde mal avec les réalités écologiquesde ce milieu fragile. Qu’il s’agisse du tourisme, unimportant facteur économique dans ces régions,ou du trafic routier de transit. Alors qu’il faudraitadmettre les limites naturelles et utiliser de maniè-re durable les ressources disponibles, on grignotetrop souvent les réserves. Nous détruisons ainsi les bases mêmes d’existence des montagnards. Ilest donc crucial, pour l’avenir de ces régions, demieux marier les intérêts économiques et écolo-giques. L’OFEFP s’y emploie activement.

Philippe Roch, Directeur

Page 3: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

6➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

ENVIRONNEMENT: Quel est le problème leplus grave, selon vous, pour les régions demontagne?

Fabio Pedrina: Pour moi, il s’agit dutrafic de transit, du flux des camionstoujours plus menaçants, sans oublierles véhicules individuels, surtout ceuxdes touristes.

Jean-Michel Cina: Personnellement, jesuis préoccupé par l’évolution structu-relle dans l’agriculture pratiquée com-me activité annexe. La nouvellegénération n’accepte plus de travaillerdurement, ni d’assumer cette double tâche … alors elle laisse tomber.

Ce qui veut dire que de vastes territoiresseront abandonnés?

Fabio Pedrina: Nous devrons peut-êtreengager des gens pour entretenir unepartie des régions de montagne. A mesyeux, ce serait une mauvaise solution.Nous devrions plutôt offrir de meilleu-res conditions de vie sur place et essayerde spécialiser l’agriculture pour aug-menter sa valeur ajoutée. On peut viserle bio ou des prestations combinantagriculture et tourisme. Il y a des nichesà occuper. Un soutien dans cette direc-tion serait sûrement un meilleur inve-stissement que des salaires de «jardi-niers-paysagistes».

Jean-Michel Cina: Je viens du villagevigneron de Salquenen. Nous essayonsde marier culture, vin et nature. Leclient qui consomme un produit cheznous en Valais établit une relation com-merciale durable avec son producteur.Lorsqu’un amateur zurichois regardeson verre, il doit y voir le paysage et lesvignes. Ainsi, il est prêt à payer un prixplus élevé.

Fabio Pedrina: Ça ne doit pas forcé-ment être plus cher. On peut répartir lesrecettes autrement, si on supprime lesintermédiaires en vendant directement.Nous devons mieux profiler les pro-duits. Il n’y a pas de solution toute

Le paysage et le milieu vital des montagnes suisses sont de plus en plus menacés: les Alpes déser-

tées par les paysans souffrent du transit routier et du tourisme envahissant. Autre souci: les forêts

protectrices, affaiblies par la pollution, le vieillissement et les dégâts causés par le gibier, risquent

de dépérir. Que faire? ENVIRONNEMENT a rencontré deux politiciens issus du milieu alpin: les con-

seillers nationaux Jean-Michel Cina (PDC, Valais) et Fabio Pedrina (PS, Tessin).

Débat mené par Elisabeth Kästli, journaliste RP

LA MONTAGNE A-T-ELLE UN AVENIR?

Eman

uel A

mm

on/A

URA

Fabio Pedrina, Airolo TI, et Jean-Michel Cina, Salgesch VS, deux conseillers nationaux qui défendent les régions de montagne

Page 4: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 7ENVIRONNEMENT 1/02

faite. Il s’agit plutôt de petits pas quicontribuent à sortir de l’économie sub-ventionnée actuelle.

Les exemples positifs existent, mais leurimpact économique reste marginal. Quefaire pour que les paysans prennent desinitiatives?

Fabio Pedrina: Un travail de persua-sion, de bonnes informations et desconcepts clairs pour encourager lesnouvelles possibilités. Les organisationspaysannes ont du pain sur la planchepour préparer le terrain.

Jean-Michel Cina: Il s’agit de faire évo-luer les attitudes. Le paysan doit se con-sidérer comme un commerçant et êtreplus proche du marché. On ne peut paschanger les mentalités d’un jour àl’autre. A Salquenen, nous avons uneorganisation d’entraide autonome pour le marketing. Nous apparaissonsgroupés sur le marché. Expérience faite,c’est une solution viable.

Fabio Pedrina: À l’avenir, peut-être,nous ne pourrons plus exploiter cer-taines parcelles. On doit accepter queces surfaces retournent à la forêt. Sinon,nous devrons vraiment faire du jardi-nage. Au Tessin, il y a des alpages àl’abandon alors qu’en de nombreuxendroits, les rustici (chalets sans con-fort, ndt.) sont transformés pour les ci-tadins. Comme mesure d’aménage-ment du territoire, nous avons proposéd’introduire des corvées: deux fois paran, les propriétaires d’un rustico parti-

ciperaient à des travaux d’utilité pu-blique. C’est une forme de collabora-tion à creuser.

Jean-Michel Cina: Il n’est pas possibled’imposer ce genre d’obligations. On nepeut pas faire venir les touristes cheznous, leur vanter notre beau paysage eten même temps les contraindre à par-

Jean-Michel Cina, est avocat et notaire, maire deSalquenen. Membre de la Commission des insti-tutions politiques du Parlement, il est aussi pré-sident de l’Association Finges, espace de vie etde découverte.

Fabio Pedrina vit à Airolo. Il est économiste, spé-cialiste de l’aménagement du territoire. Membrede la Commission des transports, il préside parailleurs l’Initiative des Alpes.

Chris

toph

Hirt

ler

Fabio Pedrina: «Nous devrions plutôt offrir de meilleures conditions de vie sur place.»

Page 5: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

ticiper activement à son entretien. Il y ade fortes chances que ça se retournecontre nous!

Fabio Pedrina: Dans ce cas, les utilisa-teurs devront payer l’entretien, toutsimplement. Il faut gérer deux intérêtscontradictoires, celui de l’individu etcelui de la communauté.

Vu les prix très bas du bois, l’exploitationforestière est déficitaire. Pourtant, il fautbien la soigner si on veut qu’elle nous pro-tège. Des solutions?

Fabio Pedrina: Il faut que ces travauxsoient rémunérés, quitte à les subven-tionner. En principe, ce problème de-vrait être traité au niveau international,car les soins sylvicoles alpins sont unetâche européenne. En effet, les menacesnaturelles sur les axes de transit –avalanches, chutes de pierre ou couléesde boues – touchent d’autres pays. Demême pour la qualité de l’eau, car lesAlpes sont un réservoir pour toutel’Europe. Si on ne résout pas ces pro-blèmes en tant qu’Européens, cela risquede coûter très cher à long terme.

Jean-Michel Cina: Pour les forêts protec-trices, l’entretien est inéluctable. Mais

je crois qu’il y a des endroits où onpourrait créer des réserves et laisser laforêt à elle-même.

Des calculs montrent qu’il serait parfoismoins cher de payer aux montagnardsune maison en plaine plutôt que de finan-cer la lutte contre les dangers naturels.

Fabio Pedrina: Dans le val Bedretto, ona investi des millions. Mais si on n’avaitrien fait, il aurait fallu interdire la valléeen hiver ! Autrement dit, d’ici quelquesannées, la vallée pourrait mourir éco-nomiquement. Or les habitants du valBedretto ont le droit d’y demeurer, c’estun des fondements de notre Confédé-ration. En plus, il y a les usagers ex-ternes: si les citadins fuient les centrespendant le week-end, cela signifie peut-être que tout ne fonctionne pas si bienchez eux. Ils cherchent le calme et laqualité de vie qui leur manquent enplaine. Vue sous cet angle, une poli-tique alpine raisonnable constitue unpendant à la politique urbaine.

Jean-Michel Cina: Cette idée de dé-placer les populations est une provo-cation. Notre milieu ne doit pas devenirun musée! Et bien entendu, je m’élève contre l’idée de considérer les gens qui

ont une relation vitale avec leur patriecomme des «éléments perturbateurs» àreloger ailleurs.

Certaines régions se dépeuplent, d’autresse développent mal sous la pression touristique. En 30 ans, le nombre de re-montées mécaniques a triplé; le traficautomobile et les résidence secondaires semultiplient. Ce rythme est-il tenable?

Jean-Michel Cina: Entre-temps, les pro-moteurs ont aussi compris que l’unicitédu paysage est une valeur à préserver.Mais pour que cette évolution des men-talités porte ses fruits, il faudra encoreune génération.

Ne sera-t-il pas trop tard pour s’inquiéter,lorsque le dernier sommet sera orné d’untéléphérique?

Jean-Michel Cina: Il existe encore desrégions que l’on aimerait aménager. Cequ’on ne pourra sans doute pas em-pêcher, c’est l’augmentation des capaci-tés. Mais on ne devrait plus ouvrir denouveaux domaines skiables. D’unefaçon générale, il faut mettre davantagel’accent sur la saison d’été et cesser detout miser sur l’hiver.

8➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

CONVENTION ALPINE

bjo. Les huit pays alpins (Monaco, France, Italie, Suisse, Liech-tenstein, Allemagne, Autriche et Slovénie) se partagent le plusgrand espace naturel d’Europe centrale. Les Alpes s’étendentsur 1200 km et atteignent une largeur maximale de 200 km.Entre Nice et Vienne, elles accueillent 14 millions d’habitants,répartis dans 5800 communes. Malgré de sensibles différen-ces régionales, tous les montagnards sont confrontés auxmêmes problèmes de base. Ces faiblesses structurelles sontpartiellement compensées par la collaboration entre voisins.La Convention alpine essaie depuis 1995 de favoriser le déve-

loppement des régions concernées, l’Union européenne inter-venant comme neuvième acteur. L’objectif est ambitieux,puisqu’il consiste à préserver la diversité biologique et pay-sagère de l’espace alpin tout en permettant à ses habitantsd’améliorer leur niveau de vie. La collaboration interrégionalese passe surtout au niveau politique, scientifique et culturel.Brochure La Convention alpine. Protéger les Alpes et profiter de leur

richesse, 27 p., disponible en f, d, i, romanche, anglais et slovène,

n°319.370f, BBL/OFCL, diffusion publications, 3003 Berne, fax 031 325 50

58, www.bbl.admin.ch/bundespublikationen

Page 6: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 9

Mais la tendance est inverse: l’extensiondes pistes et l’installation de canons à nei-ge ne favorisent pas le tourisme estival.Des alpages nivelés sont peu attirants unefois la neige partie ...

Fabio Pedrina: Il y a sûrement desrégions où l’on a exagéré et qui sont ef-fectivement surexploitées. Mais on apris conscience qu’une utilisation plusraisonnable est nécessaire. D’autre part,la concurrence entre les divers sitespeut contribuer à mieux faire respecterle paysage. Les exemples positifs fontévoluer les mentalités.

M. Pedrina voit dans le trafic de transit leproblème majeur des régions de mon-tagne. Prévoyez-vous une inversion detendance dans ce domaine?

Fabio Pedrina: On dispose des instru-ments nécessaires, mais il est encoretrop tôt pour tirer un bilan provisoire.La croissance du trafic est très difficile àcontrer. Le rail est encore trop cher parrapport à la route, et sur le plan inter-national, la qualité des prestations fer-roviaires est encore insuffisante. Mais jecrois que – même si cela vient 10 ou 15 ans trop tard – nous avons enfin

entrepris de gros efforts. Je parle de laconstruction des infrastructures, commeles nouvelles transversales alpines et les mesures connexes comme la taxepoids lourds et le soutien au rail. Il faut maintenant gérer ces instruments demanière plus pointue, pour éviter uneaugmentation du trafic lourd.

Jean-Michel Cina: Vu sa position sur lesaxes de transit direct, le Valais estmoins touché qu’Uri ou le Tessin. Maisnous sentons aussi l’augmentation dutrafic, surtout au Simplon avec lescamions. Cette route n’a pas un gabaritsuffisant pour absorber plus de poidslourds. Nous espérons que le dévelop-pement du trafic ferroviaire se traduirapar un délestage pour notre canton. Etattention, certains cherchent à réduireles subventions aux transports publics.Par exemple on ne veut plus soutenirles transports à câble ou on réduit lenombre des courses postales. Ces mesu-res d’économie induisent automatique-ment un transfert vers le trafic indi-viduel et augmentent la circulation rou-tière.

Fabio Pedrina: Grâce aux nouveauxtrains internationaux, nous pouvons

amener plus facilement les touristeschez nous, mais nous devons ensuitenous assurer qu’ils puissent trouverd’autres transports publics sur place. Larépartition fine est tout simplementtrop chère, elle doit servir à la fois lestouristes et la population locale; il faututiliser les synergies, sinon tout cela nepourra pas être financé.

Jean-Michel Cina: Le soutien aux trans-ports publics doit aussi être assuré surplace. Il ne sert à rien d’aller chercher letouriste à Hambourg si nos transportslocaux n’ont pas la qualité voulue. Lesgens ne veulent pas attendre des heuresou traîner leur valise jusqu’à destina-tion.

Fabio Pedrina: : Il faut bien plus que lescars postaux: des taxis collectifs, le co-voiturage ou des voitures de location.Cette offre complémentaire permettraitde combler les lacunes. Le touristeaimerait peut-être rester le soir dans ungrotto, il entend rester mobile sans savoiture. Si beaucoup d’individus uti-lisent une prestation, il devient plus fa-cile de la financer. ■

Sommet au soleil couchant près de Saas Fee VS; Emanuel Ammon/AURA

ENVIRONNEMENT 1/02

Page 7: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

Il est plutôt inhabituel qu’une plantesoit baptisée du nom d’un village. Pourla tulipe de Grengiols, la chose se justi-fie pourtant, car Tulipa grengiolensis nepousse effectivement qu’à Grengiols,dans la Vallée de Conches, et nulle partailleurs.

Sa provenance est une histoire ensoi: toutes les tulipes sont originairesdes steppes ou des hautes vallées d’Asiecentrale. Ce sont probablement des

commerçants romains qui ontimporté les premiers bulbes enEurope, car on trouve en Italie eten France des espèces sauvagesbien délimitées, apparentées à lafameuse tulipe de Grengiols. Cevillage a longtemps été une im-portante plaque tournante ducommerce entre l’Italie, le Haut-Valais et les cols environnants.

Dans les champs de seigleCette plante exotique a trouvé un habi-tat idéal dans les champs de seigle duvillage. Elle fleurit au mois de mai, justeavant la croissance de la céréale fétichedes montagnes. A la fin de l’été, lorsquele champ est retourné, la tulipe est flé-trie depuis longtemps. La charruedisperse alors les bulbes dans le sol.C’est ainsi que cette plante a uni sondestin à la culture céréalière tradition-nelle. Au fil des siècles, elle est devenueune espèce propre, reconnaissable, quise présente sous deux formes différen-tes: l’une a des pétales entièrementjaunes, l’autre des pétales bordés d’unliseré rouge.

L’abandon progressif de la culturedu seigle a fortement menacé l’existen-ce de la plante. Au début des années 90,seuls quatre cents exemplaires de la va-riante jaune fleurissaient encore dans laprairie du Kalberweid, non loin del’église. Et la variété rouge et jaune étaitsur le point de disparaître…

Une association activeEn 1993, la section valaisanne de ProNatura achète le Kalberweid, qui est en-suite placé sous la protection du can-ton. Depuis 1996, l’association localedes amis de la tulipe s’efforce de con-server cette rareté botanique. Grâce aubénévolat, les champs de seigle sontlabourés, ensemencés et récoltés. Leproduit de la vente suffit tout juste à ré-unir de nouvelles graines. Jusqu’ici, ona obtenu de meilleurs résultats avec lestulipes dont on a déterré, multiplié et

replanté les bulbes. «Nous sommes parvenus à augmenter le nombre des tulipes qui fleurissent de 20 exem-plaires à plus de 140», déclare AlexAgten, initiateur de l’opération de sauve-tage. Les parcelles de Pro Natura se sontelles aussi maintenues. Il y a peu, despaysans se sont remis à cultiver leseigle, activité que le canton rémunèrepar des paiements directs.

Nombreuses espèces endémiques La Tulipa grengiolensis est une formeextrême d’espèce endémique, commeon appelle les espèces dont l’aire de distribution reste limitée. Certainespoussent sur des îles, mais les mon-tagnes sont, elles aussi, des îlots richesen espèces endémiques. On estime ainsiqu’environ 350 plantes n’existent quedans les Alpes. Certaines y sont très ré-

10➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

NOS RICHESSES BIOLOGIQUES SONT CACHÉES DANS LES ALPESLes Alpes sont à la fois source et refuge de la biodiversité du continent européen. Bien des espèces

animales et végétales y habitent même exclusivement. Et les espèces menacées ou disparues

ailleurs trouvent là un espace encore intact.

La Drave ladine pousse exclusivement entre2600 et 3050 m d’altitude dans le Parc nationalsuisse.

La Tulipe de Grengiols, une exclusivité botaniqued’un village haut-valaisan, Vallée de Conches.

Konr

ad L

aube

r

Konr

ad L

aube

r

Erich Kohli (OFEFP) et Hansjakob Baumgartner

LINK

www.

gren

giol

s.ch

/tulp

e.ht

ml

Page 8: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 11ENVIRONNEMENT 1/02De

puis

le b

as, p

hoto

s de

Cla

ude

Mor

erod

, Chr

isto

f Hirt

ler,

Mar

co V

olke

n

Préserver la diversité de ces régions fait partie des obligations prises au niveau international.

Les alpages Près des deux tiers de la surface du pays se trouvent dans l’espace alpin.

Page 9: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

pandues, d’autres ne poussent qu’en derares endroits. Les «Fiches pratiques»publiées par l’OFEFP recensent 132espèces considérées comme menacéesà l’échelle de l’Europe, dont de nom-breuses espèces endémiques. Notrepays assume une grande responsabilité: seule la Suisse peut garantir leur survie.

La flore des Alpes compte au moins5000 espèces. Et plus de 30 000 espècesanimales vivent dans nos montagnes.A elles seules, les Alpes occidentalespossèdent plus d’espèces de carabidésque toute la péninsule scandinave,dont 30% d’espèces endémiques.

Des espaces pour les oiseauxLes efforts engagés à l’échelle nationalepour conserver la biodiversité doiventse concentrer en priorité sur la pro-tection des espèces dont l’aire de distri-bution se trouve à l’intérieur de nosfrontières, voire qu’on ne trouve qu’ici.C’est le principe appliqué par l’or-ganisation de protection des oiseaux«BirdLife Europe» dans son programmeImportant Bird Areas (IBAs). Les sec-tions nationales sont chargées de re-censer les espèces en question et deprotéger leurs habitats.

12➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Christoph Käsermann, Daniel Moser: Fiches

pratiques pour la conservation – Plantes à fleurs

et fougères. OFEFP, série L’environnement

pratique, 1999, 344 p. aussi en allemand,

CHF 25.–. Commande n°VU-9001-F: OFEFP, Do-

cumentation, 3003 Berne, fax 031 324 02 16,

e-mail: [email protected]

Chocard à bec jaune (1), Accenteur alpin (2), Merle à plastron (ci-dessus) et Niverolle alpine

(à droite). Ni rares, ni menacés, ils sont néanmoins suivis par le Centre suisse de protection des

oiseaux à Sempach.

L’ Androsace courte, plante devenue rare sur les

prairies au sud des Alpes. On la trouve surtout au

Tessin et dans le Misox GR.

LECTURE

Konr

ad L

aube

r

Par exemple, sur quatre Accenteursalpins, un individu vit en Suisse. Et uneNiverolle alpine sur cinq, un Chocard à bec jaune ou un Merle à plastron sur dix. «Seules quelques montagnesd’Europe offrent à haute altitude desespaces de vie aussi vastes», explique Lorenz Heer, de l’Association suissepour la protection des oiseaux («Bird-Life Suisse»): «En conséquence, notrepays héberge une proportion élevéed’espèces vivant au-dessus de la limitesupérieure des arbres.»

La liste IBAs de Suisse, dressée parSempach et BirdLife CH, compte 31 ob-jets. Lors de la délimitation des régions,plusieurs oiseaux aquatiques ont jouéun rôle déterminant: une part impor-

tante des effectifs européens hibernentdans notre pays. C’est pourquoi la listecomprend également dix plans d’eaudu Plateau. Les zones de reproduction,par contre, se situent pratiquementtoutes dans les régions de montagneclassées d’importance internationale:15 se trouvent dans les Alpes, troisdans le Jura.

Division européenne du travail Parmi les oiseaux nicheurs d’importan-ce européenne présents en Suisse, onne trouve que quelques espèces mena-cées. Certaines, comme l’Aigle royal, seportent même très bien: jamais leseffectifs n’avaient été aussi nombreuxdans les Alpes depuis le début du XXe

siècle. Les quatre espèces mentionnéesplus haut (cf. les illustrations) sont, elles aussi, devenus courantes en ré-gion de montagne.

Mais, dans une perspective ornitho-logique, la conservation des espèces etla diversité génétique à travers toutel’Europe restent prioritaires par rapportà la protection d’espèces rares à l’échelle nationale. Cela s’explique fa-

1

2

1

Chris

toph

Mei

er

Ueli

Brin

golf

2

Ueli

Brin

golf

Page 10: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 13ENVIRONNEMENT 1/02

Erich Kohli, Chef de la section

Protection des espèces et des biotopes, OFEFP

031 322 68 66, fax 031 324 75 79

[email protected]

INFOS

LE RENOUVEAU DES RACES ANCIENNES

hjb. Les origines de la vache grise rhétique remontent loin dans le temps. Le bœufdes tourbières, connu des Celtes dès le VIe siècle avant J.-C., compte au nombre deses aïeux. Cette vache serait arrivée dans les Alpes avec les Rhètes. Elle y a ensuite étécroisée avec des espèces apportées par les Alamans et les Walser. C’est ainsi que lapetite vache grise est devenue le résultat biologique de la migration des peuples. Audébut du XXe siècle, la race a bien failli disparaître: on n’en trouvait plus qu’un petitnombre au Tyrol.

Aujourd’hui, plus de 1500 vaches, taureaux et bœufs de cette variété pâturent enSuisse. C’est à Pro Specie Rara qu’on le doit, une fondation qui a pour but de con-server et de protéger les anciennes races de bétail ou les anciennes plantes cultivées.Les paysans de montagne sont pour elle ses plus précieux partenaires. Car ceux-ci ontproduit au fil des siècles un grand nombre de races ou d’espèces particulièrementbien adaptées aux différentes conditions de vie en montagne. Certaines espèces sonttoujours menacées de disparition. L’élevage risque de perdre des ressources géné-tiques particulièrement importantes.

Heureusement, certaines espèces se prêtent très bien à l’entretien des paysagesculturels: aujourd’hui leur élevage est miraculeusement devenu à la mode. «La vachegrise rhétique est idéale dans les prairies en pente des régions de montagne», ex-plique Claudia Gorbach, responsables du projet de Pro Specie Rara: «Elle a le piedsûr, est légère et ne provoque pas de dégâts. Elle est également robuste, produisantdu lait et de la viande de qualité tout en se contentant de fourrages maigres.»

cilement: les succès enregistrésdans la protection des espèces sontplus spectaculaires là où les effec-tifs sont encore importants.

Chances de développementDu point de vue suisse, il est utilede prêter une attention particu-lière aux régions de montagne.Sans le Jura et les Alpes, les listesrouges d’espèces menacées seraientnettement plus longues: bien desespèces qui ne peuvent plus vivredans les vallées survivent exclu-sivement grâce aux espaces intactsen altitude.

Conserver et protéger ces ré-gions est véritablement un servicepublic rendu par les agriculteurs etles forestiers. En adoptant des stra-tégies de développement pour lesrégions de montagne, on crée de lavaleur ajoutée, on assure des em-plois, on augmente les revenus.Des nouvelles formes sont aussiprévues, associant par exemple laconservation des paysages naturelset des cultures traditionnelles à l’utilisation touristique ou arti-sanale.

La région Jungfrau–Aletsch–Bietschhorn a obtenu la reconnais-sance de l’UNESCO (voir p. 31); auPays d’Enhaut, dans les Alpes vau-doises, une réserve de biosphèreest en projet, plusieurs régions demontagne sont candidates pour dé-crocher le statut de second parc na-tional suisse (voir ENVIRONNE-MENT 4/2001). ■

Très répandue il y a encore un siècle dans le canton des Grisons, la race grise rhétique était polyvalente:animal de trait, fournisseur de lait et de viande.

Pro

Spec

ie R

ara:

Eng

elga

sse

12a,

900

0 St

-Gal

l, 07

1 22

2 74

20,

www

.psr

ara.

org

Tulip

a gr

engi

olen

sis:

www

.gre

ngio

ls.c

h/tu

lpe/

htm

l

LINK

Pro

Spec

ie R

ara

Page 11: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

Urs Fitze

Le doux parfum des plantes aromatiques accompagne lesneuf vaches que Daniel Keller emmène au pré ce matin. Lechamp de camomille est bordé de myrtilles cultivées. Au-delàdu raidillon s’étendent des champs de guimauve, de citron-nelle, d’alchémille, de plantain lancéolé, d’achillée et de sau-ge. Notre hôte a laissé tomber les pommes de terre et lescéréales, semées depuis des générations dans l’Emmentalpour compléter la production laitière: «Les dépenses sont au-jourd’hui démesurées par rapport aux recettes.» Les plantesaromatiques, elles, permettent de toucher jusqu’à 500 francsl’are. Dans les bonnes années les 80 ares apportent près de 30 000 francs, soit autant que les paiements directs et autressubventions.

Pas faciles, les pentes raidesLa ferme de Winterholz est située à Hasle-Rüegsau, à 650 m,en région de montagne 1. Pour faire les foins sur le terrain enpente, il faut des machines spéciales. Mais ces machines nesont pas adaptées pour la culture des plantes aromatiques: letracteur compacte les sols et les expose à l’érosion après defortes pluies. Les travaux de semailles, de sarclage et de ré-colte sont donc faits à la main. Le sarclage est particulière-ment important: sans lui, les plantes n’ont aucune chance degermer. L’exploitation réclame un travail intensif. DanielKeller n’y serait pas parvenu l’année passée sans l’aide de sesparents, retraités : « Nous étions littéralement au bout.»

L’élevage bovin en criseM. Keller est passé à l’agriculture biologique en 1996. Avantlui, son père avait renoncé aux produits chimiques, de sorteque la transition s’est faite en douceur. A la suite de quelquesacquisitions, le jeune agriculteur a fait passer la surface del’exploitation de 2,5 à 11 hectares. Il se situe aujourd’huidans la moyenne des fermes de la région. Avec le travail queréclame la forme de production choisie, il ne peut aller plusloin.

En plus des vaches laitières et des plantes, ce producteurbio a un troisième appoint: douze brebis laitières. Il vend lelait à un collègue qui fabrique des yaourts et du fromage. Les

Les paysans de montagne traversent des temps

difficiles: la mutation brutale imposée à l’agricul-

ture oblige chaque année des centaines d’ex-

ploitants à renoncer. Les prairies situées sur les

pentes reculées des Alpes sont de moins en

moins utilisées; la forêt les grignote peu à peu.

Le montagnard du 21e siècle fait du bio sur de

grandes surfaces en exploitant les créneaux du

marché.

DES CRÉNEAUX POUR REMONTER LA PENTE

14➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Citronnelle

Page 12: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

consommateurs allergiques au lait de vache lui achètent directementson lait. Le volume de travail que réclame l’exploitation est devenusi important que Daniel Keller envisage de renoncer à l’élevage bovin. La décision n’est pas facile à prendre, car il aime ses bêtes.Mais les prix du bétail de rente sont tombés trop bas, après l’effon-drement du marché de la viande entraîné par la crise de la vache folle; l’élevage n’est quasiment plus rentable. Une bonne laitière, quipouvait atteindre les 6000 francs il y a quelques années, en vaut à peine le quart aujourd’hui.

«Soyons réalistes, osons la nouveauté! »L’économie laitière et la culture biologique des plantes aromatiquessont donc les piliers de son activité. Elles permettent à l’exploitationde traverser les mutations structurelles, générant un revenu correct.M. Keller n’a pas peur de l’avenir: «Avec cette taille, mon exploitationreste assez flexible pour réagir aux besoins du marché.» Sans les paie-ments directs et les autres subventions, il ne serait plus possible defaire quoi que ce soit dans le coin. Mais si notre producteur était restédépendant du lait, des patates et des céréales, il vivoterait. Car iln’aurait plus de quoi amortir, ni investir. Quand certains de sescollègues le traitent d’optimiste, il réagit avec placidité: «Il faut êtreréaliste, nous n’irons pas très loin si nous restons sur les chemins tra-ditionnels. Je suis prêt à oser la nouveauté.»

Les petits doivent bouclerUn coup d’œil sur les statistiques montre à quel point il a raison. Cesdix dernières années, le nombre des paysans de montagne a diminuéd’un tiers en Suisse, tombant à 39 000. Parmi eux, 13 000 ne par-viennent à garder la tête hors de l’eau que grâce à des gains complé-mentaires. Les exploitations ne dépassant pas trois hectares – encoretrès répandues en Valais et au Tessin – sont particulièrement tou-chées: leur nombre diminue chaque année de 9%. Parmi les 23 000exploitations les plus petites que comptait la Suisse en 1985, seules8000 ont survécu. La mutation structurelle est appelée à se pour-

Statistique des exploitations agricoles en zone de montagne.

Modifications (en %) entre 1996 et 2000

1990 1996 2000

17 500

15 000

12 500

10 000

7 500

5 000

1990–1996 1996–2000

–10.4% –11.8%

–10.9% –19.7%

–21.1% – 7.7%–23.9% +5.6%

Exploitation à titre principal

Région de collines

Montagnes

Exploitation à titre accessoire

Région de collines

Montagnes

Exploitation à titre principal Région de collines Montagnes Exploitation à titre accessoire Région de collines Montagnes Source: OFS

L’agriculture de montagne ne permet pas une grande mécanisa-tion. Daniel Keller, d’Hasle-Rüegsau (Emmenthal) le sait bien, luiqui a remplacé la culture des céréales et des pommes de terre parcelle des plantes médicinales. Heureusement, ses parents luidonnent un coup de main.

➔ 15ENVIRONNEMENT 1/02

Phot

os: E

man

uel A

mm

on/A

URA

Page 13: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

suivre ces prochaines années et toute l’agriculturede montagne devra trouver de nouvelles bases éco-nomiques: les grandes exploitations auront plus dechances de survie, mais elles seront soumises à uneforte pression pour rationaliser.

Lait et fromage au premier planDans les Alpes, les Préalpes et le Jura, qui se prêtentà l’économie fourragère, le lait et le fromageresteront la base des activités. C’est en tout casl’avis du Groupement suisse pour les régions demontagne (SAB). Par la suppression anticipée descontingents laitiers dans les zones de montagne etde colline, la SAB voudrait donner un meilleurdépart aux entreprises indigènes dans un marchélibéralisé. Le fromage, surtout, garde de bonneschances pour l’exportation. Parallèlement, des«niches» comme les plantes potagères, les céréalesalternatives, les moutons et les chèvres, devraientgarantir la subsistance des paysans qui restent enmontagne. Mais les recettes complémentaires dutourisme et de la sylviculture peuvent elles aussiaméliorer considérablement leurs revenus.

L’agriculture de montagne de demain évolueraencore en direction de l’écologie. Quelques cantonscomme les Grisons, sont déjà des précurseurs dubio. Parce que les paysans bio gagnent mieux leurvie, la stimulation financière est bien réelle. Poursurvivre, le «paysan multifonctionnel» devra quit-ter les sentiers battus. Il sera plus qu’un jardinier dupaysage payé par l’État, comme on le considère par-fois. ■

L’AGRICULTURE BIO: BON POUR LE SOLInterview de Thomas Maier, Office fédéralde l’agriculture (OFAG)*

Quel sera le visage de l’agriculture de montagne dans 20 ans?Thomas Maier: Personne ne peut le dire aujourd’hui. Le mandatconstitutionnel prévoit une agriculture durable et polyvalente surl’ensemble du territoire. Ces objectifs continueront de marquer letravail de notre office au cours des années à venir.

Quel rôle l’agriculture écologique est-elle appelée à jouer?Nous possédons déjà une agriculture écologique. Près de 95% detoute la surface agricole utile suisse bénéficie de paiements directsà condition de fournir les prestations écologiques requises (PER).Les fermiers bio reçoivent en outre, pour les prestations volon-taires, des moyens supplémentaires sous la forme de contributionsécologiques. Je pense que l’agriculture bio continuera de pro-gresser. Ce n’est pas seulement une question de paiements directs,mais aussi une affaire de marché et d’attitude des agriculteurs.

Dans le Vorarlberg (A), les coopératives alpines sont indemniséesquand elles renoncent à augmenter leurs infrastructures. Ce modèlepourrait-il être envisagé en Suisse ?Non, certainement pas sous cette forme forfaitaire. Il faut pouvoirdécider dans le cas précis. Lorsqu’il y a augmentation des in-frastructures – comme dans le cas de la desserte d’un alpage parune route – les charges sont les mêmes que d’habitude, y compriscelles de la protection de l’environnement. La proportionnalitédoit être respectée.

Comment agir à l’avenir sur le développement du secteur agricoledans les régions de montagne ?La direction principale est claire, c’est celle du développement du-rable. Les objectifs écologiques, économiques et sociaux doivents’inscrire dans les mesures de politique agricole. Les paiementsdirects en faveur des régions de montagne, tels qu’ils existent de-puis 1999 en vertu de la législation, ne sont pas remis en questionactuellement. Lorsque des ajustements sont nécessaires, ils sontréalisés. L’évaluation en cours sert à cela. Dans notre projet «Poli-tique agricole 2007», nous prévoyons d’approfondir le sujet, cequi devrait bénéficier aux régions de montagne.

Quel rôle l’agriculture de montagne joue-t-elle dans la stratégied’occupation décentralisée du territoire ?Un rôle clé. Mais seul un encouragement intégral me paraît à lafois utile et efficace pour l’avenir. Notre vision est une politiqueglobale pour l’espace rural, une politique qui tienne compte desintérêts de l’agriculture.

Interview: Urs Fitze* Thomas Maier est collaborateur scientifique à la division

principale Paiements directs et structures.

16➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Sauge Guimauve

Page 14: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

se prêtent surtout à l’élevage et à la production laitière.

Agriculture de montagne Que ce soit aux Franches-Montagnes ou dans les Alpes, les régions de montagne

➔ 17ENVIRONNEMENT 1/02Ph

otos

: en

bas

Chris

tof H

irtle

r, en

hau

t Bea

t Jor

di

Page 15: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

18➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

La forêt de Rufi, sur les hauteurs de Bil-ten GL, s’est développée pratiquementsans intervention humaine. De nom-breuses essences – hêtre, érable, frêne,mélèze, épicéa, sapin et essences pion-nières – y cohabitent sur des surfaces ré-duites, à des stades de développementtrès variés. De temps à autre, des arbressont renversés par des coulées de boueou des éboulements, laissant ainsi laplace et la lumière aux jeunes pousses.C’est une forêt idéale, composée d’es-sences bien adaptées à la station, et oùil n’y a plus rien à améliorer avec desinterventions sylvicoles.

Grâce à sa dynamique naturelle,cette forêt peut fort bien remplir sa

fonction protectrice sans interventionhumaine, comme le confirme une ex-pertise. Un avis partagé par le forestierd’arrondissement Jürg Walcher: «Ici, iln’y a plus rien à améliorer!». C’est pour-quoi les forestiers envisagent d’y cessertoute activité. Il est prévu de créer uneréserve forestière intégrale au-dessus deBilten. La Confédération et le cantonverseront un dédommagement uniquepour compenser l’interdiction d’exploi-ter durant les 50 prochaines années. Sila forêt protectrice devait subir d’im-portants dégâts, il sera toujours pos-sible, après enquête, d’effectuer desinterventions techniques et sylvicolesadaptées à la nouvelle situation.

L’entretien reste la normeLa forêt de Rufi présente une topogra-phie particulière et constitue de ce faitune exception: les forêts protectrices nepeuvent être transformées en réserveque si leur état n’influence pas lesrisques d’avalanches ou d’érosion. Il enva de même lorsque les conditions sonttellement défavorables qu’il n’est paspossible d’améliorer la fonction protec-trice par des interventions sylvicoles, etque l’endroit ne présente aucun risquepour l’homme ou les constructions. Parailleurs, pour être classée, la forêt doitcorrespondre aux critères d’une réserveforestière.

Dans les régions de montagne, il esten principe indispensable d’entretenirles forêts protectrices si l’on veutqu’elles remplissent leur fonction àlong terme. Ces mesures ont notam-ment été rendues nécessaires par la sur-exploitation pratiquée au cours des siè-cles passés. Aujourd’hui, sur des pentesanciennement déboisées ou couvertesde pâturages, on trouve en de nom-breux endroits des peuplements dumême âge. A la fin du 19ème siècle, cesforêts ont poussé de façon groupée, soitnaturellement, soit à la suite de reboise-ments. Il s’agit souvent de peuplementsdenses, homogènes, trop sombres pourpermettre le développement des jeunesarbres, et donc pratiquement incapa-bles de se rajeunir sans intervention ex-térieure. Ce vieillissement simultané

L’EXEMPLE DU «GISWILER LAUI»

Le Giswiler Laui OW, est considéré comme l’un des torrents les plus dangereux deSuisse. Cette situation est due notamment à des précipitations supérieures à lamoyenne dans le bassin versant, à un sous-sol de flysch (géologiquement instable),et à la surexploitation des forêts pratiquée autrefois. Dans le cadre d’un projet global,on combine différentes mesures assurant la sécurité et l’entretien du bassin versant:aménagements de cours d’eau, reboisements, drainages, construction d’ouvragessur les pentes, exploitation des pâturages adaptée à la station. Ces mesures sontfinancées par un pool, qui répartit les contributions versées par la Confédération, lecanton, les communes et les utilisateurs privés.Une gestion simple, centrée sur les objectifs, permet de limiter les dépenses deplanification et d’administration, utilisant les fonds disponibles de manière optima-le. Ce domaine offre encore d’importants potentiels de développement, dans lecadre d’une nouvelle répartition des tâches entre tous les acteurs concernés.

SANS FORÊT PROTECTRICE, PAS DE VIE DANS LES ALPESLes forêts de montagne protègent les habitations, les voies de communication et les infrastructures

contre les dangers naturels. Sans elles, de nombreuses régions seraient inhabitables. Elles fournis-

sent aussi du bois, qui peut servir de matériau de construction, de matière première, ou de com-

bustible écologique. Enfin, les emplois générés par cette branche jouent un rôle important dans

l’économie régionale.

Peter Greminger (OFEFP) et Hans-Martin Bürki-Spycher

Page 16: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 19ENVIRONNEMENT 1/02

crée des forêts instables et augmente lesrisques d'effondrement sur de grandessurfaces.

Protéger la forêt pour qu’elle protège l’hommeLa Suisse utilise intensivement ses ré-gions alpines, dont un tiers de la surfa-ce est boisée. Elle ne peut donc se per-mettre de courir un tel risque. En effet,les forêts de montagne protègent desdangers naturels quelque 7000 hectaresde zones habitées et industrielles si-tuées en contrebas, ainsi que d’innom-brables voies de communication. Onestime que 130 000 bâtiments et plu-sieurs centaines de kilomètres de routeset voies ferrées bénéficient de cette pro-tection. Les forêts protectrices sontparticulièrement importantes dans lespentes exposées aux avalanches, dans lesbassins versants qui alimentent directe-ment des torrents, ainsi que dans les ter-rains escarpés menacés par l’érosion.

Des forêts intactes évitent le déclen-chement d’avalanches ou les immo-bilisent dans la phase initiale. Leurs racines denses contribuent à stabiliserle sol et à limiter l’érosion et les glisse-

ments de terrain. En outre, les arbres etun sol meuble peuvent stopper leséboulis et les pierres. Enfin, en raisonde sa capacité à emmagasiner l’eau, laforêt de montagne joue un rôle très im-portant de tampon en cas de crues. Lescouronnes retiennent déjà jusqu’à 30%des précipitations. Le sol forestier estcolonisé en profondeur par les racineset agit comme une éponge. Ses poresemmagasinent beaucoup plus d’eauque des sols de prairies, qui présententun enracinement superficiel. Par ail-leurs, les arbres évaporent des quantitésconsidérables d’eau pour maintenir leurmétabolisme, diminuant d’autant lesquantités problématiques qui pour-raient s’écouler en surface.

Apprendre à faire mieux et moins cherUne étude du Fonds national estime à 4 milliards de francs par an la valeur économique de la fonction protectricepour l’ensemble de la zone alpinesuisse. Sans forêts protectrices, de nomb-reuses régions de montagne seraient in-habitables et inaccessibles au tourisme– un secteur qui joue un rôle écono-mique considérable.

En raison des conditions topographi-ques et de l’accès, l’entretien en mon-tagne coûte trois fois plus cher qu’enplaine. Dans ce contexte économiquefragile, il est important de tirer parti dudéveloppement naturel, de manière àassurer à long terme la meilleure pro-tection possible, et cela avec un mini-mum de dépenses. L’OFEFP soutient cetobjectif par une brochure «Soins mini-maux pour les forêts à fonction protec-trice», qui explique aux services fores-tiers comment adapter les mesuressylvicoles en fonction des conditionslocales. Le Centre intercantonal de syl-viculture de montagne, fondé en 2000 àMaienfeld (GR), poursuit le même ob-jectif. Cet institut encourage les échan-ges d’expériences entre la recherche,l’enseignement et la pratique; en mêmetemps, il aide les forestiers et les in-génieurs à résoudre des problèmes syl-vicoles.

Collaborer avec la natureEn de nombreux endroits, on se de-mande quelle attitude adopter aprèsl’ouragan Lothar de décembre 1999.Prenons l’exemple du canton de Nid-

Dame nature mérite plus d’égardsbjo. Slalomer entre les arbres enneigés à l’écart des pistes balisées procure certes des sensations grisantes, mais com-promet la régénération des forêts protectrices. En effet, les carres endommagent ou sectionnent les jeunes arbres cachéssous la poudreuse. Mais il y a plus: les skieurs mettent en fuite les chamois et les chevreuils qui s’abritent dans les forêts.Stressés, les animaux doivent manger plus pour compenser leurs pertes d’énergie. Et, comme ils se nourrissent de jeunespousses, bonjour les dégâts!

G. C

rivel

li/AU

RA

prop

ositi

ons

d’ex

curs

ions

hiv

erna

les:

www

.sac

-cas

.ch/

schu

tz/f

LINK

Page 17: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

20➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

wald, où la tempête a détruit en unenuit une grande partie de la forêt pro-tectrice du Stanserhorn: faut-il interve-nir au risque de commettre des erreurs,ou plutôt laisser faire la nature? «Il n’ya certainement pas de réserve naturelleici», souligne Rudolf Günter, du servicecantonal des forêts. D’importantesquantités de chablis ont déjà été éva-cuées là où c’était nécessaire pour per-mettre le reboisement. Mais en d’autresendroits, on a laissé ce bois sur place.

A présent, il s’agit de repeupler enpriorité les forêts d’altitude, en utilisantdes essences adaptées à la station. Alorsque dans les zones de moyenne et bassealtitude, les forestiers veulent privilé-gier le reboisement naturel, qui devraitoffrir une protection suffisante.

Pour le moment, les portions deforêts endommagées par la tempêtepeuvent encore remplir leur fonctionprotectrice. Il ne devrait pas y avoird’importants mouvements de terrainsces prochaines années. On s’attend auplus à quelques problèmes d’érosion etde glissements de terrain sur de petitessurfaces. Quant au risque d’avalanches,il est relativement faible dans cette ré-gion. Mais la situation pourrait changerà moyen terme, quand les troncs semettront à pourrir et que les jeunesarbres seront encore trop faibles. C’estla raison pour laquelle on élabore unenouvelle carte des dangers. En cas d’ag-gravation des risques, on pourra ainsiréagir par des mesures d’aménagementdu territoire ou de construction.

Conserver le paysage ruralEn assurant l’entretien, les servicesforestiers jouent également un autrerôle important: la conservation du pay-sage alpin, cette mosaïque diversifiée de

prairies, de pâturages, de champs et deforêts. Aujourd’hui, la tendance estd’intensifier la collaboration interdis-ciplinaire avec les acteurs de l’agricultu-re, de l’aménagement des cours d’eau,des transports et du tourisme: tous sontintéressés à un développement durabledes régions de montagne. Les servicesforestiers ont un rôle important dans laréalisation de projets globaux. Ils ontdes structures bien organisées, bien im-plantées au niveau local; connaissantparfaitement le terrain, ils entre-

tiennent des contacts étroits avec lescommunes et les propriétaires.

Un employeur à ne pas négligerEn dehors de sa fonction protectrice,importante du point de vue éco-nomique, la forêt de montagne joueégalement un rôle considérable dansl’économie régionale. Elle fournit desdizaines de milliers d’emplois dans lasylviculture et l’industrie du bois. Dansde nombreuses régions alpines, le boisest transformé sur place et utilisé de di-verses manières. La chaîne de transfor-mation peut ainsi être bouclée avec desdistances de transport réduites, ce quisoulage l’environnement. On en trouveun bon exemple à Küblis, Prättigau GR.Les forestiers abattent chaque annéeprès de 8000 arbres dans la forêtprotectrice qui surplombe le village.Depuis la place d’entreposage, lesgrumes ébranchées sont expédiées à lascierie locale pour y être triées, débitéeset séchées. Les sciages passent ensuite àla menuiserie du village, où c’est le filsdu scieur qui les transforme en parquetset parois préfabriquées. Une partie deces éléments sont montés dans le vil-lage, mais d’autres sont aussi exportésjusqu’aux Etats-Unis. La valeur ajoutéede l’exploitation du bois reste ainsidans la vallée, et la forêt fournit denombreux emplois à tous les échelonsde transformation. ■

UNE SOURCE D’ÉNERGIEDe nombreuses communes de montag-ne disposent d’importantes réserves debois sur pied. Celles-ci constituent unesource d’énergie solaire accumulée sousforme organique. Le bois prend de plusen plus d’importance en Suisse. Contrai-rement aux combustibles fossiles (pétro-le, charbon et gaz naturel), cette énergieverte ne provoque pas de pollution sup-plémentaire par des gaz à effet de serre(CO2).

La commune de Meiringen, dansl’Oberland bernois, a construit en 1995une centrale de chauffage à distancefonctionnant au bois, qui produit simul-tanément de la chaleur et de l’électrici-té. Cette installation pilote brûle chaqueannée 22 000 m3 de plaquettes – dequoi remplir dix salles de gymnastiquejusqu’au plafond – qui permettent dechauffer l’hôpital, l’école, plusieurs hô-tels et des dizaines de maisons privées.Depuis, d’autres communes ont cons-truit des installations similaires et uti-lisent de plus en plus cette matière pre-mière locale comme source d’énergie in-digène.

INFOS

Peter Greminger, Chef du secteur

Forêt protectrice et dangers naturels, OFEFP

031 324 78 61, fax 324 78 66

[email protected]

Classeur Soins minimaux pour les forêts à

fonction protectrice. Instructions. OFEFP, 1996.

CHF 25.–, n° VU-7005-F; commande:

OFEFP, Documentation, 3003 Berne

fax 031 324 02 16, [email protected]

LECTURE

Page 18: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 21ENVIRONNEMENT 1/02

peut diminuer l’impact des avalanches et des chutes de pierres.

Forêt de protection Seule une forêt en bon état

Bri

ste

n U

RB

ilte

n G

L,

Rufiw

ald

Phot

os, d

epui

s le

bas

: BUW

AL/D

ocup

hot;

Eman

uel A

mm

on/A

URA

Page 19: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

22➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Des architectes tessinois et grisons ont développé une architecture alpine moderne, qui répond aux

besoins actuels sans renier la tradition. Elle fait sensation sur le plan international. Un bon exemple:

les constructions en bois de Gion A. Caminada, à Vrin GR.

CONSTRUCTION EN BOIS: LA RENAISSANCE D’UNE CULTURE

Phot

os: L

ucia

Deg

onda

Page 20: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 23ENVIRONNEMENT 1/02

Hans-Martin Bürki-Spycher

Comment construire dans les Alpes des bâtiments adaptés à nos be-soins actuels sans défigurer les localités ou les paysages qui se sont développés au fil des siècles? A Vrin, son petit village, l’architecte et filsd’agriculteur Gion A. Caminada propose des réponses à travers ses con-structions modernes en bois. Au fin fond de Lugnez, il a souhaité«reprendre là où on s’était arrêté pour aller un peu plus loin». Les bâ-timents qu’il conçoit s’inspirent, tout en la faisant évoluer, de la tra-dition des constructions en madriers massifs empilés à l’horizontale,que l’on trouve couramment dans les montagnes. Comme matériau deconstruction, il utilise le bois récolté et transformé sur place. Cette ar-chitecture enracinée dans la région s’inscrit ainsi dans la continuité, cequi lui permet de réinterpréter le passé – même avec des contrastes –tout en s’intégrant dans le paysage traditionnel.

Un matériau au bilan écologique exceptionnelM. Caminada n’a pas l’intention de transformer son village en muséealpin. Ce qu’il recherche, c’est une architecture simple, moderne et surtout adaptée aux besoins de la population. Une approche dont té-moignent plusieurs bâtiments fonctionnels: la salle polyvalente, unenouvelle boucherie, des bâtiments d’exploitation agricole, des loge-ments... et même une cabine téléphonique en bois! Ici, l’intérêt et leplaisir d’innover vont de pair avec le respect de l’histoire régionale etdes structures du village qui se sont développées au fil du temps.

A l’exemple de Vrin, le bois connaît depuis quelques années une re-naissance comme matériau polyvalent. Ce phénomène est d’ailleursloin de se limiter aux Alpes suisses. Des réflexions sur la conservationdu paysage rural et une sensibilité accrue aux problèmes écologiquesamènent de plus en plus d’architectes, de constructeurs et de designerde meubles à utiliser cette matière pour la construction. Le bois al’avantage d’être disponible sur place et de présenter un excellent bilanécologique. Sa production nécessite peu d’énergie extérieure, et les dis-tances de transport sont réduites. Lorsqu’il est transformé en produitsdurables, il permet aussi de fixer à long terme le gaz carbonique et delutter ainsi contre l’effet de serre. En outre, le caractère naturel et sen-suel du bois crée une atmosphère agréable dans les habitations.

Plusieurs architectes et ingénieurs étroitement liés à la zone alpine –comme Peter Zumthor, Conradin Clavuot ou Gion A. Caminada – ontdonné à travers leurs projets de nouvelles impulsions à la constructionen bois. Ils ont ainsi prouvé qu’on pouvait construire en montagne demanière écologique et moderne tout en respectant la tradition – sansretomber pour autant dans le style nostalgique du chalet. ■

Page 21: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

De la station supérieure du télésiègeLanguard, au-dessus de Pontresina, onentend encore vrombir les machinesdans la vallée: des petits points rougessur une grande tache brune, entre les fo-rêts de mélèzes et les prairies. L’immen-se chantier surplombe de quelques cen-taines de mètres l’église du village, lecentre des congrès (ouvert en 1997),diverses habitations, les hôtels et l’école.Deux paravalanches décalés sont en

construction, accompagné chacund’une digue: 13 m de hauteur, jusqu’à67 m de largeur et 460 m de longueur!En 2003, les derniers travaux de renatu-ralisation seront terminés. L’énorme ba-lafre infligée au paysage sera cicatriséedans quelques années.

Les digues sont conçues pour arrêterles plus grosses avalanches, capablesd’entraîner jusqu’à 240 000 m3 de neigedepuis le Schafberg à travers le val

Giandains. Mais l’ouvrage doit avanttout protéger Pontresina des impré-visibles coulées de boue et des chutes de pierre. Depuis le sentier qui serpenteau-dessus du village, on devine la puis-sance colossale que peut dégager l’ébou-lement de milliers de m3 de pierres surces pentes extrêmement raides. Despanneaux signalent le risque, et plusd’un mélèze supporte le poids d’unrocher arrêté net dans sa course.

Les Alpes sont particulièrement touchées par le réchauffement climatique global. L’augmentation

des précipitations, la fonte des glaciers, le dégel du pergélisol et la migration végétale modifient

radicalement les paysages de montagnes. Même si de nombreuses questions de détail sont enco-

re sans réponse, il est urgent d’agir. C’est ce que fait la commune de Pontresina, dans les Grisons.

LE TEMPS SE GÂTE SUR LES ALPES

24➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNEE

n a

rriè

re-p

lan,

le S

cha

fbe

rg

Markus Nauser (OFEFP) et Urs Fitze

Page 22: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

–1.0

–1.5

–2.0

–2.5

–3.0

°C

1987 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 2000

Une épée de Damoclès: les éboulis gelésLa véritable menace se cache toutefoisdans le sol. Depuis des millénaires, le gelfixe des masses d’éboulis sur le Schaf-berg. «Contrairement au sommet voi-sin, la montagne ne s’est jamais vrai-ment déchargée depuis la dernière èreglaciaire», explique le glaciologue FelixKeller, chef de l’Institut du tourisme etdu paysage de l’Academia Engiadina, à

Samedan: «100 000 m3 de matériauxsont protégés des fortes précipitationspar le pergélisol.» Mais ce sous-sol geléen permanence menace désormais defondre. Sur le Corvatsch, depuis 1987,on mesure en continu les températuresdu pergélisol, à différents niveaux. Latendance est nette: il se réchauffe. Ainsise modifient les conditions qui, pen-dant des siècles, avaient protégé descatastrophes naturelles les habitations

situées en contrebas – comme sous leSchafberg. De fortes précipitations esti-vales sont en mesure de libérer la boued’un sous-sol ramolli. Sans digue, lescoulées pourraient ensevelir, dans lepire des cas, une bonne partie de Pon-tresina.

Nouvelle menaceFelix Keller ne peut dire si et quand ces100 000 m3 d’éboulis se mettront en

La température du permafrost est fortement dépendante de l’enneigement. Le facteur principal est donnépar l’époque des premières précipitations. S’il neige tôt dans la saison, la chaleur emmagasinée resterapiégée dans le terrain. Un hiver rigoureux avec peu de neige est meilleur pour le maintien du permafrost.Et de fortes chutes de neige au printemps raccourcissent la période du réchauffement.

➔ 25ENVIRONNEMENT 1/02

Vue

de

puis

le

Scha

fbe

rg

Les sites du Corvatsch et du Schafberg ne sont éloignés que de 15 km. Climatiquement, ils sont com-parables. Comme le permafrost s’est réchauffé de 0,5°C entre 1991 et 1994, on comprend pourquoi Pontresina est menacée.

L’évolution de la température moyenne du permafrost est de 2°C à –11,6 m. Les dix premiers mètres se sontréchauffés de 1°C entre 1987 et 1994. Après deux hivers pauvres en neige, le terrain s’était refroidit, maisle phénomène est reparti de plus belle depuis 1997.

Température en °C du permafrost

à –11,6 m, Murtèl-Corvatsch

Source: Université de Bâle

Page 23: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

mouvement: «Impossible defaire de tels pronostics. Maison ne peut exclure la probabi-lité d’un tel événement.» Rienque depuis 1991, sept éboule-ments importants se sont pro-duits dans le secteur inférieurdu pergélisol alpin, explique leglaciologue: «Nous avons af-faire à une nouvelle situation,

à laquelle nous devons nous préparer.»Il a fallu mener un gros travail de

persuasion avant que la populationn’accepte la construction de la digue. Lescepticisme était général. Même le syn-dic Eugen Peter, ingénieur de forma-tion, n’arrivait pas à croire les conclu-sions du dossier que les experts avaientdéposé sur son bureau. «Il s’agit d’unemenace nouvelle, inconnue dans lepassé. Mais nos ancêtres ont eux aussicompris qu’ils devaient faire quelquechose contre les avalanches.» C’est com-me ça que Pontresina est devenue unpionnier de la protection contre lescatastrophes naturelles.

Revoir la sécurité un peu partoutD’après les spécialistes, le pergélisol al-pin couvre au moins 5% du territoirenational. Le réseau d’observation dupermafrost (PERMOS) – coordonné parl’Académie suisse des sciences naturelles– est soutenu par l’OFEFP et par l’Officefédéral des eaux et de la géologie(OFEG). Les scientifiques ont égalementconfirmé le risque que représente ladébâcle des sols habituellement gelés.Non seulement les habitations et lesvoies de communication sont exposées,mais aussi des constructions d’altitudedont les fondations sont coulées dans lepergélisol, comme certains pylônes, les

stations d’arrivées des téléphériques oudes cabanes de haute montagne. Face àcette nouvelle menace, la Confédé-ration a dû remanier les directives con-cernant les ouvrages de protection. Etles cantons sont tenus de modifier leurscartes des dangers.

Le risque d’inondation augmenteLe dégel du pergélisol et la fonte des gla-ciers depuis 150 ans (un tiers pourraienttotalement disparaître durant le 21e siè-cle), sont des indices clairs du réchauffe-ment climatique. Il y a plus grave enco-re: la modification des précipitations,pronostiquée dans le dernier rapport du groupe d’experts onusiens, l’Inter-governmental Panel on Climate Change(IPCC). Le rapport annonce 10%d’écoulements supplémentaires sur leversant nord, alors que la tendance auxfortes précipitations se renforcerait ausud. Conséquences: inondations etglissements de terrain plus fréquents.Par ailleurs, des étés plus secs menace-rait l’alimentation en eau bien au-delàdes frontières. Car à cette époque de

l’année, le Rhin transporte surtout l’eaude fonte en provenance des Alpes. Si lesglaciers continuent à régresser, ils nepourront plus alimenter le fleuve.

Plus généralement, il neigera moinsà basse altitude: la limite s’élève de 150 m environ par degré de réchauffe-ment. En termes économiques, ce sontles stations de sport d’hiver situées au-dessous de 1500 à 2000 m d’altitude quiseront les premières touchées: elles devront démanteler leurs remontéesmécaniques. Dans le Jura et les Préalpes,cette évolution se fait déjà sentir.

Intensifier la rechercheAu stade des connaissances actuelles, lespronostics à moyen terme sur l’évolu-tion que connaîtront les Alpes sontextrêmement difficiles. Le programmede recherche sur le climat financé par leFonds national comblera certaines la-cunes. En attendant, une chose n’estpratiquement plus contestée: la popula-tion concernée devra s’adapter à denouvelles conditions de vie. Pontresina,ce n’est qu’un début. ■

INFOS

Markus Nauser

Section Economie et technologie, OFEFP

031 324 42 80, fax 031 323 03 67

[email protected]

Rapport gratuit UN Framework Convention on Climate Change. Third National

Communication of Switzerland 2001. 92p, en anglais, n°STUD-5505-E,

commande: OFEFP, Documentation, 3003 Berne, fax 031 324 02 16,

[email protected]

Rapport gratuit Swiss Greenhouse Gas Inventory 1999. Common Reporting

Format. 50 p., en anglais, n°STUD-5504-E. Même adresse que ci-dessus.

LECTURE

Grands travaux pour lutter contre les effets du réchauffement climatique: sans ces digues de protection, Pontresina GR n’est plus à l’abri d’une catastrophe naturelle.

26➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

www.

buwa

l.ch/

klim

a/d/

welc

omep

age.

htm

www.

proc

lim.u

nibe

.ch

LINKS

Page 24: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

«Nous sommes sur le Titanic!»

Interview de Christoph Ritz,

directeur scientifique de Pro-

Clim, le Forum suisse sur les

changements climatiques, et

secrétaire de l’Organe con-

sultatif sur les changements

climatiques (OcCC)

M. Ritz, le réchauffement se fait-il déjà sentir dans nos montagnes ?Christoph Ritz: La recherche sur le climat a fait récemmentd’énormes progrès. Nous savons aujourd’hui que le réchauffe-ment des 50 dernières années est dû en grande partie aux acti-vités humaines. En Suisse, la hausse des températures estencore plus nette: au cours du siècle passé, elle atteint 1,2°C surle Plateau; dans les régions de montagne aussi, elle dépasse lamoyenne globale de +0,6°C. Et les précipitations sont de plusen plus fortes.

Que nous réserve l’avenir ?Sur un point, tous les scénarios parviennent à la même con-clusion: les températures vont continuer à monter. En Suisse, onpeut supposer que la tendance au réchauffement sera plus forteque la moyenne globale, comme elle l’a été au cours des der-

nières décennies. Cela devrait également s’appliquer auxrégions de montagne. Nous devons nous attendre – surtoutl’hiver – à plus de fortes précipitations, à un risque d’inondationaccru et à de plus longues périodes de sécheresse. Les glacierspoursuivront leur fonte, et la limite des chutes de neiges’élèvera encore.

Quelles sont les mesures les plus urgentes ?La principale mesure préventive, c’est réduire les émissions deCO2 et nous libérer de notre dépendance pétrolière. La Suisse –comme pays particulièrement touché par le réchauffement cli-matique – doit s’y engager, aussi à l’échelle internationale. Ilfaut adopter des stratégies d’investissement à long terme pours’adapter. Un exemple: les ouvrages de protection construitsaprès les avalanches de l’hiver 1951 n’ont pleinement démon-tré leur utilité qu’en février 1999!

Combien de temps nous reste-t-il pour atténuer les conséquences?Pas une minute! Vu la force d’inertie du système climatique,c’est comme si nous étions embarqués sur le Titanic et que nousdevions ralentir assez tôt pour réagir face à un danger im-minent. Le temps perdu coûtera cher à la société et à l’éco-nomie.

Interview: Urs Fitze

La recherche en réseau

bjo. Les premières études lancées par le Programmenational de recherches PNR 48 «Paysages et habitatsde l’arc alpin» viennent de commencer. A cette fin leConseil fédéral a ouvert un crédit de 15 millions defrancs pour les 5 prochaines années. On attend desréponses sur les causes endogènes de l’évolution dupaysage, les exigences pour un développement du-rable et les possibilités d’action. Il s’agit de répondre à l’exigence du maintien d’un paysage intact sans pourautant prétériter le développement économique de la population. Points sensibles: tenir compte de la

dynamique propre à la région, des habitudes culturelles et de l’influence des activités économiques. Quelles sont parailleurs les possibilités d’intervention des pouvoirs publics quientendent promouvoir un développement durable? Desstratégies adéquates devraient sortir de cette étude.

Le projet de recherche PRIMALP de l’Ecole polytechniquefédérale de Zurich poursuit depuis 1997 des objectifs sem-blables, notamment dans le secteur primaire. Là, l’accent estmis sur l’exploitation durable des ressources agricoles etforestières.

www.

snf.c

hww

w.pr

imal

p.et

hz.c

h

LINK

➔ 27ENVIRONNEMENT 1/02

Page 25: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

28➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Beatrix Mühlethaler

«On construit une route, on baptise uncentre thermal et on enterre un siteidyllique!» Ainsi protestait l'écrivainJohann Josef Jörger, lorsque l'établisse-ment thermal de Vals accueillit ses pre-miers client, vers la fin du 19e siècle.C’est certain: de nombreuses localitéssont devenues méconnaissables dansles régions touristiques. La nature, lepaysage et l'économie rurale tradition-nelle en ont pris un sacré coup! Pour-tant, dans la vallée de Vals et au valLumnezia, l'aspect des lieux n'a guèrechangé. Les deux contrées ont conservéleur architecture typique et leur modede culture proche de la nature.

Les vallées ne vendront pas leur âmeLe guide local précise bien que les vi-siteurs ne rencontreront pas ici des«peuplades primitives». Vals possèdedeux atouts classiques: un domaine ski-able de haute altitude (sur le Dachberg,2900 m) et une source thermale trèsconnue. L'objectif est aujourd'huid'augmenter le nombre de nuitées et demieux utiliser les capacités tout au longde l'année, sans toucher au capital.«L'homme et le paysage portent la mar-que de l'agriculture traditionnelle quiconstitue l'âme de la vallée» peut-onlire dans le plan directeur touristique.L'agriculture et l'aspect actuel du pay-sage doivent être conservés au mêmetitre que les structures et le caractère deslocalités.

Ainsi, le règlement sur les construc-tions exige que toute nouvelle bâtisse

soit couverte d'ardoise, selon l'usage deslieux. Lors de la construction du nou-veau centre thermal, en 1996, la com-mune a aussi mis l'accent sur la qualitéet l'authenticité: le bassin conçu parl'architecte Peter Zumthor, en pierre in-digène et en blocs géométriques, établitun lien étroit avec le rocher d'où sort

l'eau minérale. L'ouvrage a suscitébeaucoup d'intérêt, tant en Suisse qu'àl'étranger. Résultat: une montée enflèche des nuitées.

Le tourisme se radoucit au val LumneziaAu val Lumnezia, les remontées méca-niques transportent les skieurs sur leversant nord des «Hitzeggen» (à 2100 md'altitude), relié au grand domaineskiable d'Obersaxen. D'autres projetsd'installations n'ont pas abouti et lesplans surdimensionnés d'un hommed'affaires russe pour la constructiond'appartements de vacances ont échoué.En été, le val Lumnezia a aussi ducharme: paysage agricole proche de lanature et villages ruraux aux nomb-reuses églises baroques.

A la fin des années 80, la société de

développement d'Oberlugnez a décidéque ce potentiel devait être mieux uti-lisé. Par un tourisme approprié, on avoulu compenser le manque d'emploisattrayants et réduire l'exode de la jeu-nesse. En tant que président, SilvioCapeder a donné à ce projet une impul-sion déterminante en misant sur une

forme de tourisme que les habitantspuissent eux-mêmes mettre en œuvre:«Ils construisent, ils sont propriétaireset ils exploitent les installations. Ainsi,tous se soucient davantage de la struc-ture villageoise.»

A petits pas vers le succèsPour mettre en œuvre ce modèle, lescommunes ont fondé l'association desoutien Pro Val Lumnezia. Un comitéde pilotage, qui fonctionne comme unlaboratoire d'idées, livre aux municipa-lités et à la société de développementdes propositions pour la recherche defonds et le recours à des spécialistes.Première réalisation: un réseau de che-mins de randonnée, avec la carte pé-destre correspondante. Un poste àtemps complet et un bureau d'infor-mation ont été créés pour la vallée.

LES PAYSAGES INTACTS, UN ATOUT Le marché de l'écotourisme est en croissance dans le monde entier. En Suisse aussi, des régions

de montagne veulent renforcer leur économie en proposant des vacances respectueuses de l'envi-

ronnement. C'est le cas aux Grisons, à Vals et à Lumnezia. La Confédération encourage ces efforts.

Les vacanciers, suisses et étrangers confondus, apprécient la

diversité naturelle et culturelle du pays. Depuis longtemps, le

marketing touristique exploite cette richesse. Mais en même

temps, la concurrence internationale pousse à la rentabilité à

court terme. L’expansion du tourisme exerce une forte pression

sur les ressources naturelles et les valeurs culturelles. Pour con-

server durablement et valoriser nos atouts, la Confédération en-

courage les projets innovateurs.

suite à la page 30

Page 26: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 29ENVIRONNEMENT 1/02

Tourisme doux Sites construits et paysages naturels (Oberlugnez, GR)

Phot

os: L

ucia

Deg

onda

sont désormais un capital à exploiter de manière durable.

Arm

in C

aduf

f

Page 27: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

TOURISME ET NATURE: LA GUERRE EST FINIE

bm. L'écotourisme mise sur des paysages intacts, des cultures authentiques et une exploitation durable des ressources, respectueuse de l'environnement. Les responsablesde la branche et les défenseurs de l’environnement ont compris qu'ils défendaient desintérêts convergents. La Confédération soutient ce rapprochement. En 2000 et 2001, leFonds suisse pour le paysage (FSP) et la Fédération suisse du tourisme ont encouragé l’idylle entre le tourisme et la protection des sites, dans le cadre d’une campagne «Enfinles vacances!». De fructueux contacts ont été établis dans certaines régions. C'est aussidans ce contexte qu'on a jeté les bases d'un nouveau marketing et qu'a été créé le prixde la meilleure coopération.

Le Secrétariat à l'économie (seco) offre une aide au démarrage pour des projets no-vateurs en milieu rural (programmes «InnoTour» et «Regio plus»), qui comportent fré-quemment un volet touristique. Exemple réussi: la réserve de biosphère UNESCO del'Entlebuch, qui profile la région comme leader du tourisme doux (ENVIRONNEMENT4/01, p. 27).

Le seco et l'OFEFP ont commandé une étude sur le potentiel économique de l'éco-tourisme. Ensemble, ils organisent en juin 2002 une rencontre visant à encourager cetteforme de voyage appelée à devenir un pilier du développement durable en Suisse.

Des agriculteurs ont été conseillés pourse lancer dans le tourisme rural. A l'em-placement qui devait initialement êtreoccupé par les appartements de vacances,un lac invite aujourd'hui à la baignade.Un autre fruit de ces efforts est la «Fun-daziun da cultura Val Lumnezia», quiprojette la publication d'un guide cultu-rel.

Mais l'association ne s'engage passeulement pour le développement touris-tique. Elle a aussi soutenu d'autres pro-jets: assainissements de pâturages, ex-ploitations forestières, chauffage aux co-peaux de bois, installations solaires,restauration et remise en activité d'unfour banal, etc. Pour le responsable desprojets Silvio Capeder, l'important estque chaque domaine apporte sa contri-bution à l'ensemble, avec priorité à lacollaboration agriculture / tourisme.

Consolidation des activités agricolesUn abattoir a été construit à Vrin, afinque les paysans puissent commercialiserdirectement une partie de la viande enprofitant de la plus-value correspon-dante. Le boucher prépare en outre dessaucisses et de la viande séchée. Les tou-

ristes apprécient beaucoup de tels pro-duits régionaux. Pourtant les magasins,hôtels et restaurants de la vallée ne sesont guère laissés séduire par ces spécia-lités et il a fallu trouver d'autres acqué-reurs. «Les restaurateurs ne sont pas prêtsà payer plus cher ces produits locaux etles magasins, qui ont leur propre filièred'approvisionnement, trouvent peu ra-tionnel d'acheter chez nous», explique leboucher Tomaschett.

L'écoulement local de la viande etl'augmentation de la production de fro-mage de chèvre ont donc renforcé le sec-teur agricole sans enrichir les menus!Mais Silvio Capeder reste confiant: «Nousdevons progresser pas à pas: c'est un tra-vail de longue haleine.» Il a maintenantl'intention de créer une structure de ven-te, en particulier pour prospecter lescommerces et établissements locaux. Leprojet sera soutenu par la Confédération(programme d'impulsion «Regio Plus»). ■

Matthias Stremlow

Section Paysage et infrastructures, OFEFP

031 324 84 01, fax 324 75 79

[email protected]

30➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Pour les régions de montagne à ca-ractère rural, le tourisme doux estrentable s'il est authentique et com-mercialisé de manière professionnel-le. C'est l'avis de Hansruedi Müller,responsable du FIF, l’Institut de re-cherche sur le temps libre de l'Uni-versité de Berne.

ENVIRONNEMENT: Quelle proportionreprésentent les visiteurs qui pré-fèrent les paysages intacts aux sportset aux divertissements?Hansruedi Müller: Tout le mondecherche un paysage intact – aussi lesadeptes du sport. En hiver, les do-maines skiables sont aussi très beauxquand ils sont couverts de neige.Nous parlons donc des clients quicherchent la solitude et renoncent àune certaine infrastructure. Si on sebase sur les nuitées, on peut estimerleur proportion à 10%. Il faut y ajou-ter les visiteurs d'un jour, car beau-coup de skieurs qui passent leurs va-cances dans des stations bien équi-pées aiment quitter un moment lerègne de la technique.

Les stations modestes répondent àcette exigence, tout en offrant quel-ques téléskis. Certainement, mais la plupart des

nuitées sont néanmoins enregistréesdans des localités à l'offre diversifiée,comme Zermatt, Grindelwald, St.Moritz ou Davos.

Le tourisme doux:au moins 10% du marché

INFOS

Page 28: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 31ENVIRONNEMENT 1/02

Ces 10% suffisent-ils à satisfaire toutesles régions proposant un tourisme doux?Cela dépend beaucoup de la manièredont ces régions se profilent, commentelles vendent leur authenticité. Evidem-ment, il ne suffit pas d'avoir un beau pay-sage. Les touristes ont besoin de lits etpeut-être aussi de cartes de randonnée.Le soir, ils veulent un bon repas. Si cesoffres existent et qu'elles sont proposéespar des gens du métier, le potentielsuffit. Mais il y a encore beaucoup de dilettantisme dans ce domaine. Il ne suf-fit pas d'installer quelques chambresd'hôtes dans les fermes. Elles doiventêtre agréables et intégrées dans un sys-tème de réservation régional.

Est-ce rentable ou faut-il des professionnels?Oui, la rentabilité est prouvée dans des

hôtels à l'avant-garde dans ce domaine(Chesa Pool au Fextal et Ucliva à Wal-tensburg, GR). Mais les agriculteurs bienorganisés, offrant un produit de qualité,ont également leur clientèle et des résul-tats positifs. Plus ce genre de tourismeest professionnalisé, plus ses chances dedéveloppement sont importantes.

Beaucoup de touristes préfèrent se rendredans des pays où l'offre est plus avan-tageuse. La lutte n’est-elle pas inégale?Dans le domaine touristique, nousn'avons pas encore atteint le point desaturation: le besoin de vacances con-tinue de croître. Il existe toujours plus depersonnes à la retraite ou qui ont dutemps. Par ce type d'offre, nous avons debonnes chances d'attirer également desvoisins, notamment d’Allemagne etd’Italie.

A côté des hauts lieux, de nouvelles ré-gions cherchent à attirer des hôtes. C’estbon pour l'économie, pas pour la nature.Comment sortir de ce dilemme?Effectivement, la spirale de la croissanceguette aussi des régions à vocation rura-le. Les habitants d'une localité démarrentavec beaucoup de bonne volonté. Audébut, ils ne veulent qu'un petit téléski etquelques lits. Puis, sous la pression, lesexigences augmentent. La croissancedevient presque incontrôlable. Mais dansl'ensemble, le paysage alpin résiste assezbien. Il est resté étonnamment beau. Saufquelques exceptions, en effet, que l'ondevrait marquer sur la carte pour inciter àla réflexion.

Interview: Beatrix Mühlethaler

hjb. Même s’il régresse actuellement d’environ 30 m parannée, le glacier d’Aletsch reste le plus grand du conti-nent. La région Jungfrau-Aletschhorn-Bietschhorn impres-sionne particulièrement ceux qui ont eu la chance d’aper-cevoir cette mer de glace. Une centaine de langues glaci-aires recouvrent près de la moitié d’un vaste périmètre,bien connu des amateurs de 4000 m. Bordé au nord parl‘Eiger, le Mönch et la Jungfrau, le glacier bouge en direc-tion du sud, jusqu’à la forêt protégée d’Aletsch, puis dansla vallée du Rhône.Cette zone inculte a toutefois bien plus à offrir que de laglace, des névés et des rochers. Depuis le sommet du Fin-steraarhorn (4274 m) jusqu’au point le plus bas (800 m) ladénivellation est de 3,5 km! Une telle dégringolade sur uneaussi petite distance est rare, même dans l’Himalaya. Achaque étage, la diversité des milieux de vie est impres-sionnante. On trouve de tout, depuis les neiges éternellesjusqu’à la steppe aride de type méditerranéen. Et dans lemonde animal, cela va de la puce des glaces, protégée parun antigel naturel, jusqu’au lézard émeraude à sang chaud,qu’on ne trouve normalement qu’au bord de la mer. Pour le protéger, l’UNESCO a inscrit en décembre 2001 cemonde alpestre fascinant dans le patrimoine de l’humanité.En quelque sorte, cela équivaut à recevoir le prix Nobel desbeautés naturelles, un label qu’il faudra continuer demériter, notamment grâce à une étroite collaboration avecles milieux agricoles.P

roté

pa

r l’U

NE

SC

O

Ernst Zbären

Glacier d’Aletsch

Page 29: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 3332➔ ENVIRONNEMENT 1/02SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

«SELON UN VIEUX PRÉCEPTE, IL FAUT UN HECTARE POUR NOURRIR UNE VACHE. MAIS POUR DÉTERMINER COMBIEN

DE TOURISTES PEUT SUPPORTER UN M2 EN RÉGION ALPINE, IL N’Y A PAS DE RÈGLE!» CITATION DE GIANNI BODINI, tirée de l’ouvrage «Schöne neue Alpen», Raben Verlag, Munich (D)

Nicolas Faure

Nicolas Faure

A. Busslinger/AURA

Nicolas Faure

Gesellschaft für ökologische Forschung

Nicolas Faure

Nicolas Faure

Nicolas FaureNicolas Faure

Silv

ap

lana

Val d’Hérens

Go

rne

rgra

t/Z

erm

att

Gra

nd

Sa

int

Be

rna

rdGöscheneralp

Schilt

ho

rnS

aa

s F

ee

Glacier d’Aletsch

Fie

sche

ralp

Page 30: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

34➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

Matthias Stremlow (OFEFP)*

Les Alpes constituent à double titre unproduit culturel. D'une part, par ses ac-tivités, l'homme façonne les paysagesde montagne. Au cours des années, l'es-pace alpin a ainsi évolué, passant d'unaspect entièrement naturel à celui quenous lui connaissons, mosaïque de mi-lieux d'affectations diverses. D’autrepart, ce paysage perçu par nos sens estsoumis à notre interprétation. Nous neretenons pas de la montagne une imagefidèle à la réalité, mais une représenta-tion intérieure fortement marquée pardes sentiments, des attentes, des va-leurs individuelles et collectives.

Les Alpes, symbole de libertéQuelles sont les images spécifiques desAlpes? Notre perception est influencéeentre autres par l'éducation, la littéra-ture et les films. Or, cette imagerie «deseconde main» nous montre un espaceessentiellement agricole – un mondepur et sain. Plus généralement, cesmontagnes apparemment immuablessymbolisent l'indépendance et la liber-té de la Suisse. Cet attachement a été

évoqué par de nombreux auteurs, com-me Friedrich Schiller dans GuillaumeTell. Elias Canetti, lui, affirmait que lesmontagnes sont pour les Suisses, plusque pour tout autre peuple, un symbolepermanent et inaltérable.

De l'identité culturelle à la nostalgie citadineDans la mémoire collective, les imagesdes Alpes sont un mélange d'expérien-ces, de récits et d'attentes. Elles sontmythiques dans la mesure où elles con-tiennent des messages de portée géné-rale, qui n’ont pas à être soumis à uneargumentation logique ni à une dé-monstration. Les récits traditionnelsbasés sur ces mythes permettent à unesociété de se définir et d’appréhender lemonde comme un tout. En donnant unsens et une orientation à la vie, ils con-tribuent à forger une identité culturelle.

Depuis le 18e siècle, les Alpes n'ap-paraissent plus seulement dans leslégendes et les mythes des peuplesmontagnards: elles alimentent les nou-veaux mythes de ceux qui n’habitentpas dans les montagnes. La société cita-dine y projette de plus en plus ses frus-trations et ses attentes.

La conquête du paradisSpécialiste des traditions populaires, lesociologue valaisan Bernard Crettazdistingue deux thèmes dominants: leparadis et la conquête. Le mythe duparadis alpin sur Terre dépeint la mon-tagne sous les traits d'une nature saineet inviolée, habitée par une société noncorrompue. On trouve déjà cette inter-prétation dans un poème de 1732, DieBerge, écrit par le philosophe Albrechtvon Haller (1708–1777), un esprit uni-versel. Depuis la fin du 19e siècle, le my-the d'un monde alpin intact avec lequell'homme vit encore en harmonie estdiffusé tout autour du globe par une fi-gure romanesque devenue ambassadri-ce helvétique, la célèbre Heidi, deJohanna Spyri (1829–1901). Ce cliché aété ensuite enraciné par d'innombra-bles romans patriotiques, films, bandesdessinées et cartes postales. Et bien sûr,la publicité ne s’en prive pas.

L'autre mythe lié aux Alpes est celuide leur conquête par les scientifiques et les alpinistes. Depuis le 18e siècle, les reliefs ont été analysés, mesurés, car-tographiés, leurs sommets baptisés,conquis et rendus accessibles. Cettemainmise sur les montagnes fut sou-

IMPACT DES CLICHÉS DU MONDE ALPINLes montagnes ont de tout temps nourri l’imaginaire de l’homme. Mais dans notre civilisation

moderne, les Alpes et leurs habitants sont devenus le symbole d’une vie originelle, très proche de

la nature – d’une vie simple et heureuse. Ancré dans la société, ce mythe alpin influence encore

considérablement nos choix, qu’il s’agisse de notre consommation individuelle ou de la politique

fédérale.

«Gesellschaft für ökologische Forschung», Munich

Page 31: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

vent présentée comme un combat, entermes guerriers. Mais en même temps,on attachait à la conquête sportive dessommets une valeur morale, on vantaitle rôle purificateur de l'alpinisme. Enparlant de la montagne, on évoque aujourd'hui encore une vie simple aucontact de la nature. La projection cette image heureuse d’un monde nondégradé par la civilisation a préparé leterrain à une culture d’opposition con-servatrice.

Des mythes à l'action politiqueCes images qui hantent nos esprits sontbien éloignées des réalités de la mon-tagne en général et de la chaîne alpineen particulier, elles n’en donnent abso-lument pas une représentation exacte.Aujourd'hui, leur pouvoir mythique estexploité auprès de différents groupes ci-bles. Pour les publicitaires, l'image desAlpes doit inciter à l'achat d'un produit.Mais des images idéalisées peuventaussi motiver un engagement person-nel, financier ou politique au profit del'espace alpin. Des décisions juridiquesou étatiques se basent sur les mythesalpins pour justifier, par exemple, desmesures d'incitation. D’ailleurs, depuis1848, les Alpes ont toujours servi à for-ger et à consolider l'identité nationaleen temps de crise.

La recherche d'éléments histo-riques, l'étude critique des mythes etstéréotypes peuvent fournir des élé-ments importants au débat sur le déve-loppement des Alpes. En particulierdans le domaine de l’environnement.

D'une part, le nécessaire dialogue entrezones de montagne et de plaine abor-dera mieux les problèmes en tenantcompte de ces images déformantes.D'autre part, l'analyse des images alpi-nes, sur lesquelles notre société se basepour l’action politique et scientifique,permet de mieux coller aux réalitéschangeantes de ce milieu. Car, ici com-me ailleurs en Europe, le développe-ment des régions de montagne estavant tout marqué par une urbanisa-tion croissante; de même, le secteur desservices prend le pas sur l'agriculture etl'industrie. ■

* L'auteur a consacré sa thèse de doctorat à

l'histoire moderne de la représentation

des Alpes.

Matthias Stremlow

Section Paysage et infrastructures, OFEFP

031 324 84 01, fax 031 324 75 79

[email protected]

• Matthias Stremlow, Die Alpen aus der

Untersicht. Berne, 1998, 320 p., Haupt,

ISBN 3-258-05848-2, CHF 48.–.

• CIPRA, Le mythe des Alpes. Vienne, 1996,

190 p., CHF 30.–.

commande: [email protected]

UN ATOUT PUBLICITAIRE

Dans notre inconscient, l'image des Alpes est automatiquement liée au délassement, à la santé et au bien-être. Avec sesprairies fleuries et ses torrents tumultueux, elle représente un atout non seulement pour les prospectus touristiques, maisaussi pour la vente de nombreux produits. Ainsi, dans une réclame pour une eau minérale, la montagne garantit l’hygiène et les vertus médicinales. Pour nous, la relation entre montagne et santé est évidente. Sans que nous en soyonsconscients, les images alpines déclanchent une série d’appréciations positives, par exemple la fraîcheur et la pureté. Si lechocolat et le fromage sont à base de lait des Alpes, ce n'est pas par hasard. Imprégnés de mythes séculaires, nous nouslaissons convaincre par ces messages promotionnels sous-jacents au moment d’ouvrir notre porte-monnaie.

Représentation allégorique de la violence

d’une avalanche.

➔ 35ENVIRONNEMENT 1/02

INFOS

LECTURE

Page 32: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

La Suisse compte 1820 installations de transport en

montagne: 12 trains à crémaillère, 59 funiculaires, 214

téléphériques, 124 télécabines, 307 télésièges et 1104

skilifts. Ils desservent 1950 km, totalisant 600 km de

différence d’altitude. Capacités de transport: 1,45 mil-

lions de passager à l’heure. Emplois: 11000 personnes

occupées. Deux tiers des déplacements pour les loisirs

se font avec la voiture.

Un chemin long et difficile pour atteindre le sommet sur cet ancien jeu de société anglais. Aujourd’hui, on dirait «hâte-toi lentement»!

Photos: AURA; BUWAL/Docuphot; Nicolas Faure Source: Suisse tourisme, d’après les données de l’OFS

36➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE ➔ 37ENVIRONNEMENT 1/02

Page 33: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

38➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

L’histoire du transit alpin peut se pré-senter sous la forme d’une métaphoremédicale.• Diagnostic: des problèmes chroni-

ques de circulation, avec une artèreprincipale, le Gothard, de plus enplus bouchée par des véhicules ensurnombre, et un risque aigu d’as-phyxie des poumons uranais et tes-sinois. Suite au grave accident del’automne 2001, la situation confineà l’infarctus, le second, après celui duMont-Blanc en 1999.

• Intervention chirurgicale: un ponta-ge sous la forme de nouvelles lignesferroviaires à travers les Alpes (NLFA),pour résorber le chaos routier en letransférant sur le rail. On n’a pas lechoix: la Constitution l’exige depuisl’acceptation de l’initiative des Alpesen 1994. Toutefois, bien que ce texte

empêche pareille opération, l’acci-dent du 24 octobre a revigoré les par-tisans d’une autre solution: la di-lation de la sténose du Gothard parla pose d’un second tube routier.

• Médicaments: une redevance poidslourds liée aux prestations (RPLP)pour enrayer puis fluidifier le flux decamions, ainsi qu’une pleine boîtede pilules plus ou moins amèrescontre les effets secondaires –comme le passage de la limite maxi-male de 28 à 34, puis à 40 tonnes.Même si ce relèvement est échelon-né dans le temps et assorti d’uneclause de protection.

• Posologie: prélèvement progressif dela redevance depuis 2001 (principedu pollueur-payeur).

• Médecins prescripteurs: la Suisse etl’Union européenne, sous forme d’un

accord de transit en 1992 et d’un autre accord sur les transports ter-restres en 1999.

Avec un pareil remède de cheval, lesAlpes helvétiques pourront-elles unjour recouvrer leur pleine capacité car-dio-vasculaire? C’est ce qu’espèrent lesthérapeutes. Déjà, l’ouverture le 11 juin2001 d’une nouvelle chaussée roulantevia le Loetchberg–Simplon et les récentsefforts pour désengorger les axes prin-cipaux montrent que le chemin de ferest capable de miracles. Le potentiel dutrafic combiné non accompagné estparticulièrement intéressant.

En 2000, 4,4 millions de camionsont emprunté les passages alpins, dont1,2 million le Gothard (le double de1990). L’accident du Mont-Blanc s’étaitsoldé par une charge supplémentaire de

Synonyme jadis de prospérité pour les montagnards, le trafic de transit conge-

stionne aujourd’hui les passages alpins. Un état encore aggravé par l’accident du

24 octobre dernier dans le tunnel du Gothard, où la «tension artérielle» était dangereusement mon-

tée après la fermeture du Mont-Blanc. À défaut de remède miracle, les espoirs reposent sur l’injec-

tion à haute dose d’une substance active classique: le chemin de fer.

LE RAIL POUR ÉVITER L’INFARCTUS

Yvan Duc

Page 34: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 39ENVIRONNEMENT 1/02

trafic pour cette artère, ainsi que pour leMont-Cenis (F) et le Brenner (A). Ilserait très dommage que l’après 24octobre obéisse au même scénario. Saufque, cette fois, ce sont les routes du SanBernardino, du Simplon et du Grand-Saint-Bernard qui hériteront du far-deau.

Un mieux dès 2007Les partisans du trafic de transit ferro-viaire prédisent une amélioration de l’état du malade à partir de la mise enservice des 38 km du tunnel de base duLoetschberg, en 2007. Deux ans après,la quantité annuelle de poids lourds tra-versant les montagnes suisses devraitêtre ramenée à 650 000, soit deux foismoins qu’en 1999 (1,3 mio.), conformé-ment à la loi sur le transfert du trafic. Laconvalescence devrait suivre quand la

NFLA du Saint-Gothard (57 km) sera àson tour opérationnelle (en 2012).

Bien que «l’avenir appartienne aurail», selon la conviction affichée parMax Friedli, directeur de l’Office fédéraldes transports, le gros du travail restedonc à faire. Le trafic de transit à traversles Alpes suisses n’a-t-il pas augmentéd’environ 8% durant les neuf premiersmois de 2001, comme en 2000, alorsqu’il n’y avait pas encore de RPLP?D’aucuns craignent que la constructionde nouveaux axes ne suffise pas, en finde compte, à rendre concurrentiellel’offre ferroviaire. Par ailleurs, alors quele rail a déjà souffert de l’ouverture dutunnel routier du Gothard en 1981,l’initiative «Avanti» en exige un se-cond. Ses promoteurs, issus du lobbyroutier, tablent sur les morts du 24 oc-tobre pour obtenir gain de cause.

Bruxelles pour le railUne chose est sûre: seule une volontéindéfectible d’imposer au trafic de tran-sit l’hygiène du développement durablelui permettra de recouvrer sa fluiditéd’antan. En attirant davantage de ca-mions, un nouveau tube routier risqued’aviver les problèmes de circulationdont souffre le cœur des Alpes. La sé-curité s’en trouvera probablement ren-forcée, mais chacun sait que le rail estimbattable en ce domaine. Alors que leGothard brûlait encore, la Commissioneuropéenne elle-même a estimé quecette tragédie démontre la nécessitéd’accélérer le ferroutage des marchan-dises pour éviter le risque d'engorge-ment du massif alpin. Et que, dans cetteoptique, la RPLP helvétique est unepanacée dont il vaudrait la peine des’inspirer très largement.■

Contraste entre le trafic sur l’autoroute et la chaussée roulante juste après l’accident

du Gothard. A gauche, rampe sud du San Bernardino à la même époque.A ga

uche

: Em

anue

l Am

mon

/AUR

A, à

dro

ite K

eyst

one

Page 35: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

40➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

yd. Comment mesurer les retombéesenvironnementales de la politiquefédérale des transports? L’instrumentidoine a été baptisé MFM («Monitoringflankierende Massnahmen», monito-rage des mesures d’accompagnement).Le suivi concernera le trafic routier toutcomme ce qui touche à la réforme deschemins de fer: les NLFA bien sûr, maiségalement Rail 2000, le libre accès auréseau pour le transport des marchan-dises, l’encouragement du trafic com-biné (accompagné ou non), le raccor-dement de la Suisse aux réseaux ferro-viaires européens à grande vitesse, etc.

Le programme contient deuxgrands volets: l’un relatif au trafic pro-prement dit (MFM-Verkehr), l’autre àses conséquences sur l’environnementet la population (MFM-Umwelt). Anoter que l’analyse du trafic nécessite larécolte de données à l’échelon con-tinental. Celle-ci est du ressort d’un ob-servatoire commun à la Suisse et àl’Union européenne. Bien qu’indé-pendante, cette institution est coor-donnée avec le MFM-Verkehr. Riend’étonnant à cette étroite collaborationavec l’UE, dont un livre blanc montrequ’elle est plus que jamais convaincue

de la justesse du transfert de la route aurail et du principe de causalité . . . doncdu travail de pionnier de la Suisse.Déjà,l’Allemagne a décidé d’introduireelle aussi une RPLP sur les autoroutes.

Air et bruit prioritairesDu côté du programme MFM-Umwelt,initié suite à une intervention des can-tons, la surveillance démarrera véri-tablement ce printemps. La priorité vaaux stations de mesure de la qualité del’air et du niveau du bruit, soit au pre-mier des trois modules prévus. Le se-cond concerne la mesure des impactssur le territoire et le paysage, le troi-sième sur les êtres vivants, notammentdu point de vue de l’influence des nui-sances incriminées sur la morbidité etla mortalité des humains.

Pour mesurer l’air, cinq nouvellesstations fleuriront le long de l’A2, unesur l’A13. Il s’agit d’une densificationdu réseau NABEL d’observation de laqualité de l’air. Il y en aura dans desagglomérations traversées par ces artè-res, donc là où il y a le plus de monde,par exemple à Bâle/Hardwald, à ReidenLU ou à Camignolo TI. On prévoit éga-lement une station de mesure des pous-

sières ferroviaires le long de la Reuss.En ce qui concerne le bruit, dont lemonitorage est en plein développe-ment, il est prévu d’inaugurer autantde stations que pour la surveillance del’air.

Volonté indéfectibleAttention aux faux espoirs, avertitFrançoise Dubas, ex-responsable duprogramme MFM-environnement àl’OFEFP: un monitorage n’est jamaisqu’un instrument destiné à établirl’évolution en bien ou en mal d’une si-tuation donnée. Il n’est pas, en soi, unemesure destinée à limiter les nuisances.«Si celles-ci augmentent, précise-t-elle,il faudra bien sûr réagir. Mais il s’agitd’abord de voir à quel point le traficmenace l’homme et l’environnement.S’il faut proposer un jour des mesures,ce sera sur la base de faits dûmentavérés, pas sur des impressions.» ■

Division Economie et recherches de l’OFEFP,

031 322 93 29, Fax 323 03 67,

[email protected]

Quelle que soit la nature du cordial administré au trafic de transit, on ne peut juger de son efficacité

sans un suivi fiable du patient. Un monitorage est prévu.

INFOS

Montblanc

Grand St-Bernard

Simplon

Gothard San BernardinoBrenner

Les faits avant les impressions IMSA

T

Page 36: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 41ENVIRONNEMENT 1/02

La Suisse soutient dans le monde 120 projets pour favoriser un développement durable dans les

régions montagneuses. Ces projets intègrent les dimensions écologiques, économiques, sociales,

voire politiques, en renforçant l’initiative des montagnards. Par exemple, au Kirghizstan, des

paysans se lancent dans l’écotourisme.

Daniel Wermus

La chambre est froide. Des tapis defeutre multicolore recouvrent le sol etles murs. Un cheval sellé attend dehorsdans la cour. M. Bayalijev rajuste sonchapeau, avale une gorgée de thébrûlant et, le regard malicieux, com-mence à raconter sa vie à Ortok. Unevie qui a changé. Grâce au «tourismedoux» qui, depuis peu, donne aux familles paysannes un revenu supplé-mentaire . . . et aussi des contacts bien-venus avec le vaste monde.

Nous sommes au Kirghizstan, unpays montagneux de 4,8 millionsd’habitants sur 200 000 km2 en Asie

centrale ex-soviétique. Le PIB (produitintérieur brut) par tête est de 380 dol-lars, même pas 1% de celui de la richeSuisse.

Un pays prioritaire de la coopération suisseL’Asie centrale, aux premières loges lorsde la crise afghane, s’est soudain rappe-lée à l’attention du monde. Pourtant, laSuisse y était présente depuis une di-zaine d’années. Comme leader – au sein du FMI et de la Banque mondiale –du groupe de vote auquel appartien-nent ces pays, elle coopère aux effortsinternationaux consistant à favoriser ladélicate transition d’un système centra-lisé en une économie de marché. C’est

le Kirghizstan – pays prioritaire de laDirection du développement et de lacoopération (DDC) – qui a proposé àl’ONU l’adoption d’une Année inter-nationale des montagnes. Le projettouristique en question est mené parl’œuvre d’entraide Helvetas; il est l’undes 120 «projets montagnes» soutenuspar la DDC.

Loin des grandes villes, la vallée boi-sée d’Ortok n’est accessible qu’à cheval,ou en 4x4. Le vieux bus militaire quipasse tous les deux jours est le seul lienavec le reste du monde. Mais la familleBayalijev ne se plaint pas. Un cheval,une vache, des poules et quelques mou-tons, les arbres fruitiers et la forêt environnante suffisent à la faire vivre,

LA SOLIDARITÉ DÉPLACE LES MONTAGNES

Stef

an Jo

ss, H

elve

tas

Page 37: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

même en hiver. Après l’indépendanceen 1991, le Kirghizstan est devenu unedestination prisée par les touristes ama-teurs de grands espaces inviolés: cimessomptueuses, lacs de rêve, hospitalitésimple et attachante.

Accueil basé sur les traditions nomadesJusqu’en 1996, les voyageurs venaientsurtout de Russie et leurs dépenses pro-fitaient aux agences de la capitale. C’estalors qu’Helvetas a proposé des vacan-ces dans des familles villageoises, com-me activité annexe au projet agricole.Les touristes peuvent ainsi découvrir lavie quotidienne et les espoirs de la

population. Les paysans, eux,participent à un Business Pro-motion Project (BPP), qui jetteles bases d’une infrastructurepour un tourisme écologique-ment et socialement accep-table. Et cela sans importer lesnormes occidentales, mais en se

basant sur leurs propres initiatives. Unpetit réseau d’organisations locales s’estmis en place.

Mme Bayalijeva, avec d’autres fem-mes du voisinage, suit des cours degestion, de comptabilité et de marketingorganisés par Helvetas à Jalal-Abad, la ca-pitale régionale. Une question la hante:comment persuader davantage de tou-ristes de visiter un coin perdu commeOrtok? Et si on prenait exemple sur lesgens de Kochkor, situé sur l’ancienneroute de la soie en direction de laChine? Ils offrent le gîte, du trekking,des excursions à cheval et même uneinitiation à la fabrication des tapis. Pas-ser la nuit dans une yourte au milieudes montagnes est une expérience in-oubliable. L’immersion dans la culturenomade, réprimée à l’époque sovié-tique, est aussi une manière d’en-courager ce mode de vie en pleine re-naissance. Les enfants Bayalijev ont presque tous émigré, mais d’autres

jeunes d’Ortok pourront rester si l’éco-nomie se développe.

Enfin, pour éviter les pièges d’uncertain tourisme – perte d’identité etdégradations écologiques – le projetorganise des échanges d’expériencesavec des ONG népalaises.

Un rôle de pointe au niveau internationalL’intérêt de la Suisse pour le développe-ment durable des montagnes est biensûr basé sur sa propre expérience, mêmesi elle n’est pas transférable telle quelledans les pays pauvres. En 1992, au som-met de Rio, la DDC a fortement in-fluencé le contenu du chapitre 13 del’Agenda 21 consacré au développe-ment durable en montagne. La Suissecontinue de jouer un rôle de pointe surcette question au niveau international –notamment dans la préparation duSommet « Rio+10 » prévu en septembre2002 à Johannesburg.

42➔ SPÉCIAL RÉGIONS DE MONTAGNE

www.

mou

ntai

ns20

02.o

rg

LINK

Chine

Kazakstan

Ousbékistan Kirghizstan

Tadjikistan

Afghanistan

Iran

Russie

Géorgie

Turkménistan

Turquie

Irak

Pakistan

Mer Caspienne

Mer Noire

Alle

Bild

er o

ben:

Nov

iNom

ad/R

oman

und

Ann

emar

ie E

uler

Bild

er u

nten

: Ste

fan

Joss

, Hel

veta

sLA SUISSE AU SOMMET Montagnes et hauts plateaux forment lequart de la surface terrestre (24%). 53pays sont considérés comme monta-gneux: plus de 50% de leur surface estclassée comme telle. Avec une propor-tion dépassant 75%, la Suisse fait partiedu top-15, qui inclut Andorre, l’Ar-ménie, le Bhoutan, la Bosnie, la Géorgie,le Kirghizstan, le Liban, le Lesotho, laMacédoine, le Monténégro, le Népal, La Réunion, le Rwanda et le Tadjikistan.

Page 38: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

➔ 43ENVIRONNEMENT 1/02

Au Nord comme au Sud, les poten-tiels et les fragilités des régions d’alti-tude ont des traits communs. La mon-tagne fait vivre la plaine, en fournissantde l’eau pour boire, irriguer ou produirede l’électricité. Elle offre ses paysagessplendides aux touristes, ses sites sacrésaux pèlerins, son extraordinaire biodi-versité aux soignants et aux chercheurs.

Une montagne qui va mal rend laplaine malade: déboisement, érosion,inondations, pollution, émigration.Aujourd’hui, la plupart des habitants deces zones sont marginalisés, ce quiaccentue les dangers. A cause de sonextrême sensibilité écologique, la mon-tagne est un baromètre des change-ments climatiques et autres déséqui-libres.

Dimension sociale et politique Les projets soutenus par la Suisse favo-risent généralement une gestion desressources naturelles par les popula-

tions. La lutte contre la pauvreté etl’amélioration des conditions de viesont des conditions importantes pourpréserver l’environnement. Autre as-pect souvent encouragé: l’empowerment,qui permet au gens de mieux maîtriserleurs conditions de vie.

La dimension sociale et politique(bonne gouvernance, prévention desconflits, formation de capacités) estprésente dans la plupart des projets. Lecas du Mont Cameroun (4000 m), autreprojet d’Helvetas, illustre l’importancecroissante de cette dimension. Malgrédes réalisations spectaculaires – eau po-table dans 500 villages, routes, ponts,reboisement, santé, éducation, plan-ning familial – et une relation exem-plaire avec des partenaires locaux dyna-miques, on n’a pas pu empêcher la dé-forestation massive de la région. Unvrai développement durable exige aussiune bonne gestion au niveau nationalet un système économique mondial

moins inégal: victimes de la chute desprix du café et abandonnés par l’Etat,les paysans n’ont eu d’autre choix quede déboiser pour survivre. ■

Felix Fellmann, DDC

Responsable pour le Kirghizstan

031 322 44 09, fax 031 324 16 96

[email protected]

Brochure Mountains and People, 64 p. sur la

problématique du développement durable en

montagne et les projets soutenus par la DDC

(en collaboration avec l’Institut de géographie

de l’Université de Berne). Commande: DDC,

division Ressources naturelles et environne-

ment, 3003 Berne, n° ISBN 3-03798-000-1

INFOS

LECTURE

La DDC finance 120 projets pour aider les régions de montagne dans les pays en développement. Et c’est Helvetas qui gère un projet comme celui du tourisme doux au Kirghizstan.

Page 39: Das Berggebiet hat Zukunft / La Montagne a-t-elle un avenir? / Le … · 2013-04-08 · rien fait, il aurait fallu interdire la vallée en hiver ! Autrement dit, d’ici quelques

44➔ ONLINE

Année internationale de la montagne. Les offices fédéraux du développement territorial (ODT) et de la coopération (DDC) proposent ici des informations au sujet de l’Année internationale de la montagne.Avec calendrier des manifestations et liste de projets.

Commission Internationale pour la Protection des Alpes (CIPRA). Une organisation non-gouvernementale qui s’emploie, dans une approche globale, à préserver le patrimoine culturel et naturel de l’espace alpin.

Initiative des Alpes. Recueil de faits et chiffres sur le trafic et conseils aux comités locaux qui cherchent à faire appliquer le transfert sur le rail des marchandises en transit.

Alliance dans les Alpes. Ce site relie 27 communes-pilotes faisant partie du réseau. Des exemples locaux montrent comment mettre en œuvre le développement durable de l’arc alpin.

Les espaces protégés en un coup d’œil. Des cartes bien conçues permettent de situer rapidement les parcs nationaux et les espaces protégés.

Sauvage et fragile. Objectif: sauvegarder les espaces alpins en Suisse et dans le monde entier. Informations sur les sports à la mode et leurs conséquences.

Réseau pour les régions de montagne. A travers cette plate-forme d’information, le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) coordonne le travail des cantons et communes de montagne ainsi que des organisations d’entraide agricole.

En faveur de la forêt. Ce projet lutte contre la destruction des forêts de montagne et fournit des adresses de chantiers pour bénévoles.

Forêt de montagne. Le site du Centre de sylviculture de montagne (CSM) fait office de lien entre les projets de recherche sur la forêt de montagne et les spécialistes locaux.

Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).Les activités de recherche du WSL s’organisent autour de l’environnement et du développement durable. De quoi sera fait l’avenir de la population des régions de montagne? Comment en garantir l’utilisation durable? Comment préparer la forêt afin qu’elle offre la meilleure protection possible contre les dangers naturels?

Recherche alpine. Ce Système d’observation et d’information (SOIA) permet d’accéder rapidement aux données scientifiques sur l’état des Alpes.

Sponsors en réseau. Présentation des communes de montagne. Cette organisation sert d’intermédiaire aux parrainages financiers et a pour objectif de renforcer la solidarité entre communes riches et communes pauvres.

Apprendre à évaluer les dangers naturels. Très riche site de la Plate-forme nationale Dangers naturels (PLANAT), qui entend remplacer la défense contre les dangers naturels par la notion de gestion des risques.

Recherche alpine. Etat de la recherche présenté par la Commission inter-acadé-mique de la recherche alpine en Suisse. Les questions reçoivent une réponse en anglais.

RÉGIONS DE MONTAGNE

www.montagnes2002.ch (d/f/i/e)

www.cipra.org (d/f/i/slovène)

www.alpenallianz.org (d/f/i/e/slovène)

www.alparc.org (d/f/i/e/slovène)

www.mountainwilderness.ch (d/f)

www.sab.ch (d/f/i)

ONL INE

www.gebirgswald.ch (d/f/i)

www.bergwaldprojekt.ch (d/e)

www.alpeninitiative.ch (d/f/i/e)

www.wsl.ch / www.slf.ch (d/f/i/e)

www.soia.int (d/f/i/e/slovène)

www.patenschaftberggemeinden.ch (d)

www.planat.ch (d/f/i/e)

www.alpinestudies.unibe.ch (d/f/e)