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7/30/2019 Cours Du 20 Novembre 2012
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Cours du 20 Novembre 2012
Lautramont
Cration et rcriture
A. de Lamartine La lampe du Temple ou Lme prsente Dieu
Harmonies potiques et religieuses (1830)
Ple lampe du sanctuaire,
Pourquoi dans l'ombre du saint lieu
Inaperue et solitaire
Te consumes-tu devant Dieu ?
Ce nest pas pour diriger laile
De la prire ou de lamour,
Pour clairer, faible tincelle,
Loeil de Celui qui fit le jour.
Ce n'est point pour carter l'ombre
Des pas de ses adorateurs ;La vaste nef n'est que plus sombre
Devant tes lointaines lueurs.
Ce n'est pas pour lui faire hommage
Des feux qui sous ses pas ont lui ;
Les cieux lui rendent tmoignage,
Les soleils brlent devant lui ;
Et pourtant lampes symboliques,
Vous gardez vos feux immortels
Et la brise des basiliques
Vous berce sur tous les autels.
Et mon oeil aime se suspendre
ce foyer arien,
Et je leur dis sans les comprendre:
Flambeaux pieux, vous faites bien.
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Peut-tre brillantes parcelles
De limmense cration,
Devant son trne imitent-elles
Lternelle adoration ?
Et c'est ainsi, dis-je mon me,
Que de l'ombre de ce bas lieu
Tu brles invisible flamme
En la prsence de ton Dieu.
Et jamais, jamais tu noublies
De diriger vers lui mon cur,
Pas plus que ces lampes remplies
De flotter devant le Seigneur.
Quel que soit le vent, tu regardes
Ce ple, objet de tous tes vux,
Et comme un nuage tu gardes
Toujours ton ct lumineux.
Dans la nuit du monde sensible
Je sens avec srnit,
Quil est un point inacessible
la terrestre obscurit ;
Une lueur sur la colline
Qui veillera toute la nuit,
Une toile qui s'ilumine,
Au seul astre qui toujours luit ;
Un feu qui dans lurne demeure
Sans steindre et se consumer,
O lon peut jeter toute heure
Un grain d'encens pour lallumer.
Et quand sous loeil qui te contemple,
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mon me, tu tteindras,
Sur le pav fumant du temple
Son pied ne te foulera pas.
Mais, vivante, au foyer suprme,Au disque du jour sans sommeil,
Il te runira lui-mme
Comme un rayon son soleil.
Et tu luiras de sa lumire,
De la lumire de celui
Dont les astres sont la poussire
Qui monte et tombe devant lui.
Comte de Lautramont, Les Chants de Maldoror, Chant II, Strophe 11.
O lampe au bec dargent, mes yeux taperoivent dans les airs, compagne de la vote des cathdrales, et
cherchent la raison de cette suspension. On dit que tes lueurs clairent, pendant la nuit, la tourbe de ceux
qui viennent adorer le Tout-Puissant et que tu montres aux repentis le chemin qui mne lautel. coute,
cest fort possible ; mais... est-ce que tu as besoin de rendre de pareils services ceux auxquels tu ne dis
rien ? Laisse, plonges dans les tnbres, les colonnes des basiliques ; et, lorsquune bouffe de la tempte
sur laquelle le dmon tourbillonne, emport dans lespace, pntrera, avec lui, dans le saint lieu, en y
rpandant leffroi, au lieu de lutter, courageusement, contre la rafale empeste du prince du mal, teins-toi
subitement, sous son souffle fivreux, pour quil puisse, sans quon le voie, choisir ses victimes parmi les
croyants agenouills. Si tu fais cela, tu peux dire que je te devrai tout mon bonheur. Quand tu reluis ainsi, en
rpandant tes clarts indcises, mais suffisantes, je nose pas me livrer aux suggestions de mon caractre,
et je reste, sous le portique sacr, en regardant par le portail entr'ouvert, ceux qui chappent ma
vengeance, dans le sein du Seigneur. O lampe potique ! toi qui serais mon amie si tu pouvais me
comprendre, quand mes pieds foulent le basalte des glises, dans les heures nocturnes, pourquoi te mets-tu
briller dune manire qui, je lavoue, me parat extraordinaire ? Tes reflets se colorent, alors, des nuances
blanches de la lumire lectrique ; loeil ne peut pas te fixer ; et tu claires dune flamme nouvelle et
puissante les moindres dtails du chenil du Crateur, comme si tu tais en proie une sainte colre. Et,
quand je me retire aprs avoir blasphm, tu redeviens inaperue, modeste et ple, sre davoir accompli un
acte de justice. Dis-moi un peu ; serait-ce, parce que tu connais les dtours de mon coeur, que, lorsquil
marrive dapparatre o tu veilles, tu tempresses de dsigner ma prsence pernicieuse, et de porter
lattention des adorateurs vers le ct o vient de se montrer lennemi des hommes ? Je penche vers cette
opinion ; car, moi aussi, je commence te connatre ; et je sais qui tu es, vieille sorcire, qui veilles si bien
sur les mosques sacres, o se pavane, comme la crte dun coq, ton matre curieux. Vigilante gardienne,
tu tes donn une mission folle. Je tavertis ; la premire fois que tu me dsigneras la prudence de mes
semblables, par laugmentation de tes lueurs phosphorescentes, comme je naime pas ce phnomne
doptique, qui nest mentionn, du reste, dans aucun livre de physique, je te prends par la peau de ta
poitrine, en accrochant mes griffes aux escarres de ta nuque teigneuse, et je te jette dans la Seine. Je ne
prtends pas que, lorsque je ne te fais rien, tu te comportes sciemment dune manire qui me soit nuisible.
L, je te permettrai de briller autant quil me sera agrable ; l, tu me nargueras avec un sourire inextinguible
; l, convaincue de lincapacit de ton huile criminelle, tu lurineras avec amertume. Aprs avoir parl ainsi,
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Maldoror ne sort pas du temple, et reste les yeux fixs sur la lampe du saint lieu... Il croit voir une espce de
provocation, dans lattitude de cette lampe, qui lirrite au plus haut degr, par sa prsence inopportune. Il se
dit que, si quelque me est renferme dans cette lampe, elle est lche de ne pas rpondre, une attaque
loyale, par la sincrit. Il bat lair de ses bras nerveux et souhaiterait que la lampe se transformt en homme ;
il lui ferait passer un mauvais quart dheure, il se le promet. Mais, le moyen quune lampe se change en
homme ; ce nest pas naturel. Il ne se rsigne pas, et cherche, sur le parvis de la misrable pagode, un
caillou plat, tranchant effil. Il le lance en lair avec force...la chane est coupe, par le milieu, commelherbe par la faux, et linstrument du culte tombe terre, en rpandant son huile sur les dalles... Il saisit la
lampe pour la porter dehors, mais elle rsiste et grandit. Il lui semble voir des ailes sur ses flancs, et la partie
suprieure revt la forme dun buste dange. Le tout veut slever en lair pour prendre son essor ; mais il le
retient dune main ferme. Une lampe et un ange qui forment un mme corps, voil ce que lon ne voit pas
souvent. Il reconnat la forme de la lampe ; il reconnat la forme de lange ; mais, il ne peut pas les scinder
dans son esprit ; en effet, dans la ralit, elles sont colles lune dans lautre, et ne forment quun corps
indpendant et libre ; mais, lui croit que quelque nuage a voil ses yeux, et lui a fait perdre un peu de
lexcellence de sa vue. Nanmoins, il se prpare la lutte avec courage, car son adversaire na pas peur. Les
gens nafs racontent, ceux qui veulent les croire, que le portail sacr se referma de lui-mme, en roulant
sur ses gonds affligs, pour que personne ne pt assister cette lutte impie, dont les pripties allaient se
drouler dans lenceinte du sanctuaire viol. Lhomme au manteau, pendant quil reoit des blessurescruelles avec un glaive invisible, sefforce de rapprocher de sa bouche la figure de lange ; il ne pense qu
cela, et tous ses efforts se portent vers ce but. Celui-ci perd son nergie, et parat pressentir sa destine. Il
ne lutte plus que faiblement, et lon voit le moment o son adversaire pourra lembrasser son aise, si cest
ce quil veut faire. Eh bien, le moment est venu. Avec ses muscles, il trangle la gorge de lange, qui ne peut
plus respirer, et lui renverse le visage, en lappuyant sur sa poitrine odieuse. Il est un instant touch du sort
qui attend cet tre cleste, dont il aurait volontiers fait son ami. Mais, il se dit que cest lenvoy du Seigneur,
et il ne peut pas retenir son courroux. Cen est fait ; quelque chose dhorrible va rentrer dans la cage du
temps ! Il se penche, et porte la langue, imbibe de salive, sur cette joue anglique, qui jette des regards
suppliants. Il promne quelque temps sa langue sur cette joue. Oh !... voyez ! voyez donc !... la joue blanche
et rose est devenue noire, comme un charbon ! Elle exhale des miasmes putrides. Cest la gangrne ; il nest
plus permis den douter. Le mal rongeur stend sur toute la figure, et de l, exerce sur ses furies sur les
parties basses ; bientt, tout le corps nest plus quune vaste plaie immonde. Lui-mme, pouvant (car, il ne
croyait pas que sa langue contnt un poison dune telle violence), il ramasse la lampe et senfuit de lglise.
Une fois dehors, il aperoit dans les airs une forme noirtre, aux ailes brles, qui dirige pniblement son vol
vers les rgions du ciel. Ils se regardent tous les deux, pendant que lange monte vers les hauteurs sereines
du bien, et que lui, Maldoror, au contraire, descend vers les abmes vertigineux du mal... Quel regard ! Tout
ce que lhumanit a pens depuis soixante sicles, et ce quelle pensera encore, pendant les sicles
suivants, pourrait y contenir aisment, tant de choses se dirent-ils, dans cet adieu suprme ! Mais, on
comprend que ctaient des penses plus leves que celles qui jaillissent de lintelligence humaine ;
dabord, cause des deux personnages, et puis, cause de la circonstance. Ce regard les noua dune amiti
ternelle. Il stonne que le Crateur puisse avoir des missionnaires dune me si noble. Un instant, il croit
stre tromp, et se demande sil aurait d suivre la route du mal, comme il la fait. Le trouble est pass ; il
persvre dans sa rsolution ; et il est glorieux, daprs lui, de vaincre tt ou tard le Grand-Tout, afin de
rgner sa place sur lunivers entier, et sur des lgions danges aussi beaux. Celui-ci lui fait comprendre,
sans parler, quil reprendra sa forme primitive, mesure quil montera vers le ciel ; laisse tomber une larme,
qui rafrachit le front de celui qui a donn la gangrne ; et disparat peu peu, comme un vautour, en
slevant au milieu des nuages. Le coupable regarde la lampe, cause de ce qui prcde. Il court comme un
insens travers les rues, se dirige vers la Seine, et lance la lampe par dessus le parapet. Elle tourbillonne,
pendant quelques instants, et senfonce dfinitivement dans les eaux bourbeuses. Depuis ce jour, chaque
soir, ds la tombe de la nuit, lon voit une lampe brillante qui surgit et se maintient, gracieusement, sur la
surface du fleuve, la hauteur du pont Napolon, en portant, au lieu danse, deux mignonnes ailes dange.
Elle savance lentement, sur les eaux, passe sous les arches du pont de la Gare et du pont dAusterlitz, et
continue son sillage silencieux, sur la Seine, jusquau pont de lAlma. Une fois en cet endroit, elle remonte
avec facilit le cours de la rivire, et revient au bout de quatre heures son point de dpart. Ainsi de suite,
pendant toute la nuit. Ses lueurs, blanches comme la lumire lectrique, effacent les becs de gaz qui longent
les deux rives, et, entre lesquels, elle savance comme une reine, solitaire, impntrable, avec un sourire
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inextinguible, sans que son huile se rpande avec amertume. Au commencement, les bateaux lui faisaient la
chasse ; mais, elle djouait ces vains efforts, chappait toutes les poursuites, en plongeant, comme une
coquette, et reparaissait, plus loin, une grande distance. Maintenant, les marins superstitieux, lorsquils la
voient, rament vers une direction oppose, et retiennent leurs chansons. Quand vous passez sur un pont,
pendant la nuit, faites bien attention ; vous tes sr de voir briller la lampe, ici ou l ; mais, on dit quelle ne
se montre pas tout le monde. Quand il passe sur les ponts un tre humain qui a quelque chose sur la
conscience, elle teint subitement ses reflets, et le passant, pouvant, fouille en vain, dun regarddsespr, la surface et le limon du fleuve. Il sait ce que cela signifie. Il voudrait croire quil a vu la cleste
lueur ; mais, il se dit que la lumire venait du devant des bateaux ou de la rflexion des becs de gaz ; et il a
raison... Il sait que, cette disparition, cest lui qui en est la cause ; et, plong dans de tristes rflexions, il hte
le pas pour gagner sa demeure. Alors, la lampe au bec dargent reparat la surface, et poursuit sa marche
travers des arabesques lgantes et capricieuses.