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CoupdefoudreenGrèce

DeSaraCRAVEN

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1.—J'aibienréfléchi,ditGeorge,etjepensevraimentquetoietmoi,nousdevrionsnousmarier.Acesmots,ZoeLambert,quivenaitdeboireunegorgéedechardonnay,crutbienavalerdetravers.Siquelqu'und'autreluiavaitfaitunepropositionaussiabsurde,elleauraitpusimplementrépondreparunriremoqueur.MaisellenepouvaitpasfaireçaàGeorge,assisenfaced'elledansunbaràvin,avecsescheveuxbrunsébouriffésetsacravatedetravers.Georgeétaitsonami,undesesraresamisaulycéedeBishop,oùelleenseignaitlalittératureanglaiseetlui les mathématiques. En général, ils allaient boire un verre après la réunion hebdomadaire desenseignants, mais ils n'étaient jamais « sortis ensemble » à proprement parler. Et même si l'idéesaugrenuedetomberamoureusedeGeorgeluiavaittraversél'esprit,elleauraitimmédiatementétésuiviedel'imagedelamèredecelui-ci—lemeilleurmoyendel'arrêternetdanssesprojets.LamèredeGeorgeétaituneveuveenapparencefrêle,maisaucœurd'acier,prêteàtoutpourquesonfilsrestecélibataireafindelegarderchezelle,obéissantetsoumis.Zoeprituneprofondeinspiration.—George, commença-t-elle doucement. Je ne crois pas que...Mais il l'interrompit, emporté par sonenthousiasme:—Ecoute,leschosesrisquentd'êtredifficilespourtoi,maintenantquetuteretrouves...seule.Taasétévraimenttrèscourageusependanttouteladuréedelamaladiedetamère,maismaintenant,j'aimeraisquetumelaissesm'occuperdetoi.Jeneveuxplusquetuaiesàt'inquiéterdequoiquecesoit.«Sicen'estdetamère,quipourraittenterdem'empoisonner,aveclacomplicitéprobabledematanteMegan,sameilleureamie...»,pensaZoe.Elleseremémoralecomportementglacialdesatantelorsdel'enterrement,deuxsemainesauparavant.Lorsque les proches s'étaient rendus au cottage après la cérémonie pour une petite collation, MeganArnold avait refusé tout cequ'on lui avait proposé, se contentantdedévisager en silence lesgensquil'entouraient,sesyeuxplissésn'exprimantquelaméfiance.—Net'enfaispas,machérie.Ladouleursemanifestechezcertainespersonnesdefaçonétrange,avaitmurmuréMmeGibb,quiavaitfaitleménagedanslecottagechaquesemainependantcesdixdernièresannées, et essayait à présent de réconforter Zoe, restée muette et déconcertée avec son assiette desandwichsdanslesmains.Mais aucun signe de douleur n'était visible sur le visage dur de sa tante. Celle-ci avait gardé sesdistancespendantleslongsmoisqu'avaitdureslamaladiedesasœur.SiMeganétaitendeuilàprésent,ellelecachaitbien.Mêmeaprèsl'enterrement,ellenes'étaitpasmanifestée.Zoechassacettepenséedésagréabledesonespritetremitmachinalementenplaceunemèchedecheveuxblondsquiavaitglissé sur son front.Posant son regardgrisclair sur sonprétendant inattendu,elle luidemandadoucement:—Es-tuentraindemedirequetuestombéamoureuxdemoi?—Euh, je t'aimebeaucoup,Zoe,dit-ild'unair embarrassé.Mais jene suispasdugenreàme laisserenflammerparlapassion...Etjecroisdevinerquetoinonplus.Jepensequeleplusimportantdansuncouple,c'estd'être...bonsamis.—Oui,jecomprends.Ettuaspeut-êtreraison.«Maisjenevoispasleschosescommeça,sedit-elle.Loindelà!»Elleavalasasalive.—George,tuesvraimentuntypegénial,etj'aibienécoutécequetuviensdemedire,maisjeneveux

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pasprendrededécisionprécipitéepourmonavenir.Jesuisencoresouslechocdelamortdemamère,etj'aidumalàyvoirclairpourl'instant.—Oui,biensûr,jecomprends.Par-dessuslatable,ilposasamainsurcelledeZoeetlacaressa.—Jeneveuxpastebousculer,crois-moi.Jevoudraisjusteque...queturéfléchissesàcequejet'aidit.Tuveuxbien?—Oui,réponditZoe,croisantmentalementlesdoigts.Biensûr,j'yréfléchirai.C'étaitsapremièredemandeenmariage.Rienàvoiravecsesrêvesromantiquesdejeunefille...Georgerestasilencieuxpendantunmoment.—Jesuisprêtàt'attendre,aussilongtempsquetuvoudras,dit-ilenhésitant.Jeneveuxpasprécipiterleschoses.Zoesemorditlalèvreenremarquantl'expressionanxieusedesonami.—George,vraiment,jeneteméritepas.Ellelepensaitvraiment.Elleavaitdumalàpenseràautrechosedanslebusquilaramenaitchezelleunedemi-heureplustard,etpourtantillefallait:cetteinvraisemblablepropositiondeGeorgen'étaitqu'undesnombreuxproblèmesauxquelselledevaitfairefaceencemoment.Etpeut-êtrelemoinsurgent,enréalité!Elle était venue habiter avec sa mère à Astencombe trois ans auparavant, lorsqu'elle avait quittél'université. C'était peu de temps avant que la maladie de Gina Lambert soit diagnostiquée. Elleshabitaientuncottageenlocation—lamaisonappartenaitaudéfuntmaridetanteMegan,PeterArnold,etcelui-ciavaitaccordélebailàsabelle-sœur.Zoeavaitcrucomprendrequecelaavaitétéunsujetdeconflitentrelesépoux.D'ailleurs,depuislamortdesonmari,Meganavaitaugmentélégèrementmaisrégulièrementleloyerchaqueannée,bienque,veuvericheetsansenfants,ellenedûtpasréellementavoirbesoindecetargent.Elleavaitégalementtenuàcequel'entretienetlesdiversesréparationssoientàlachargedesalocataire.Gina,quielleaussiétaitveuve,avaitréussiàcompléter lamaigreretraitedesonmariensemettantàpeindredespaysages,maiscelaneluirapportaitqu'unfaiblerevenu,etlesalairedeprofesseurdeZoeavaitétélebienvenupourbouclerlesfinsdemois.EnparticulierlorsqueGinan'avaitplusétécapabledepeindre.Audépart,Zoen'avaitbiensûrpasprévudetravaillerdanscettepetitevilleetderestervivreavecsamère.A l'université, elle avait rencontréMick, qui avait l'intention de faire un tour dumonde d'un anaprèssondiplôme,enfinançantsonvoyageaufuretàmesureeneffectuantdespetitsboulotsdanschaquepays.Ilvoulaitqu'ellel'accompagne,etelleavaitététrèstentéeparl'aventure.Lorsqu'elleétait rentréechezelle leweek-endpourannoncersonprojetàsamère,elle l'avait trouvéeétrangementcalmeetl'airfaible.Ginaavaitfermementniéavoirlemoindreproblème,maisZoeavaitfinipar apprendreque tanteMegan avait encore fait irruption au cottage la veille et que, comme lui avaitconfiéAdèle,lavoisine,«ellesavaienteudesmots».Zoeavaitpassétoutleweek-endàessayerdeparleràsamèredesonprojetdetourdumonde,maisellen'yétaitpasparvenue.Aucontraire,obéissantàsoninstinctsanstropréfléchir,elles'étaitentenduedireàMickqu'elleavaitchangéd'avisàproposdecevoyage.Elleavaitmalgrétoutespéréqu'ill'aimaitassezpournepasvouloirpartirsanselle,maiselleavaitétéamèrementdéçue.Elle eut une cruelle désillusion en réalisant que Mick ne changerait pas d'avis... mais seulement decompagnederoute.Alorsqu'elleavaitnaïvementcruliredanssesyeuxunamouréternel,ils'étaitavéréqu'ellen'avaitétéqu'unepassadepourlui.Enquelquesjours,elleavaitétéremplacéedanssoncœuretdanssonlit.

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Cettehistoireluiavaitaumoinspermisdetirerunebonneleçonsurleshommes,sedisait-elleavecuneironiedésabusée,etilvalaitpeut-êtremieuxsefairelarguerenAngleterrequ'aubeaumilieudel'HindouKouch. Depuis Mick, elle n'avait eu aucune relation sérieuse. Et voilà que maintenant, George lademandaitenmariage,etilnel'aimaitpasnonplus.L'histoireserépétait,apparemment.Enyrepensant,pourtant,elleneregrettaitnullementd'avoirsacrifiésonindépendance.Sontravailetlapetitevilleoùellevivaitavaientpeut-êtreleurslimites,maiselleétaitcontented'avoirétéprésenteauxcôtésdesamèrependantlespremierstests,lestraitementsàl'hôpital,puislabrèverémissionquiavaitsuivi et enfin pendant la phase terminale de samaladie, qui grâce au ciel avait été assez brève pourqu'ellenesouffrepastroplongtemps.Jusqu'aubout,Ginaavaitconservésagentillesseetsonoptimisme,etilrestaitàZoebeaucoupdebonssouvenirsàchérirmalgrélechagrinqu'elleéprouvait.Aprésent,elleétaitarrivéeàlafind'unchapitredesavie,etellenesevoyaitpasconsacrerlerestedesonexistenceàenseigneràBishopCross.Ayanthéritéducontenuducottageainsiqued'unepetitesommed'argent,c'étaitpeut-êtrel'occasionpourelledetournerlapageetdecommencerunenouvellevie.Une chose était sûre : tante Megan ne pleurerait pas son départ ! Décidément, Zoe n'arrivait pas àcomprendrecettefemme,sidifférentedesamère.Certes,satanteétaitl'aînéededouzeans,maisiln'yavaitjamaiseuaucunsigned'amourfraternelentrelesdeuxsœurs.Elleavaitunjourinterrogésamèreàcesujet.—JecroisqueMeganétaitheureusequandelleétaituneenfantunique,avaitréponduGinatristement.Etmonarrivéen'aétéqu'unesourced'embarraspourelle.PauvreMegan!Meganétaitaussiplusgrande,plusmaigreetplusbrunequesasœurcadette,etsonvisagesemblaitenpermanence exprimer la rancune. On ne voyait jamais en elle la joie de vivre qui, au contraire,caractérisaitGina.Cettedernièresemblaitvouloirfaireoublierparsessourireschaleureuxlesmomentsoùelleserepliaitsurelle-même,perduedansunmondesecretetdouloureux.«Sespetitsmomentsàelle»,commeellelesappelait.Zoes'étaitparfoisdemandécequipouvaitfairenaîtrecesaccèsdemélancolie.Sansdoutelesouvenirdeson mari... Peut-être leur mariage, en apparence calme et sans orage, avait-il dissimulé une passionintensedontsamèreportaittoujoursledeuil.Sa tante était différente. Elle semblait avoir tout pour être heureuse : elle n'avait jamais eu de soucid'argent,etsonmariavaitétéunhommeaimable,pleindevie,extrêmementpopulairedansleurlocalité.L'attractiondescontraires, s'était souventditZoe. Ilnepouvaityavoird'autreexplicationàuncoupleaussimalassorti.MeganArnold possédait une jolie demeure de style géorgien, entourée d'un hautmur de briques.Ellesortaitdesaforteressepourprésiderlaplupartdesmanifestationsdelarégion,sonrègneautoritairesurles associations locales ne souffrant aucune concurrence. Mais même cela ne semblait pas avoir lepouvoirdelarendreheureuse.Sonantipathiepoursasœurcadettesemblaits'êtrenaturellementreportéesursonuniquenièce.LefaitqueMeganArnoldaitétéautrefoisprofesseurdelittératurecommeellen'avaitpassuffiàlesrapprocher.Zoenepouvaitquesedésolerdel'hostilitéouvertementdéclaréedesatante,maiselleavaitapprisàêtrepolieavecellelorsqu'ellesserencontraient,etànerienattendreenretour.Elle descendit du bus au carrefour, et commença à descendre l'avenue. Il faisait encore chaud et unedoucebriseemplissaitl'airdedélicieusessenteursvégétales.Enrespirantlemélangedesparfums,Zoesavouracemomentdeplénitude.LesexamensdefindetrimestreétaientunepériodechargéeàBishopCross,ellepourraitsedétendreaprèssadurejournéeenfaisantunpeudejardinagecesoir,pensa-t-elleentournantaucoindelaruequimenaitaucottage.En arrivant, elle s'arrêta net et fronça les sourcils en s'apercevant qu'on avait ajouté une nouvelle «

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décoration»devantlecottage:unepancarte«àvendre»,aveclelogod'uneagenceimmobilière.«Cedoitêtreuneerreur,pensa-t-elleencourantjusqu'àlaporte.Ilfaudraquejelesappelle.»Lorsqu'elleeutatteint leseuil,Adèleapparutà laportede lamaisonvoisine,portantsonpetitderniercommeunpaquetsursahanche.—Tuétaisaucourant?demanda-t-elleendésignantlapancarteduregard.EtcommeZoesecouaitlatêtesansriendire,ellereprit:—C'estbiencequejepensais.Quandilssontvenuscematin,jeleuraiposédesquestions,maisilsontditqu'ilsagissaientsurordredelapropriétaire.Lavoisinedésignalecottaged'unmouvementdelatête.—Elleaouvertlaporteavecsaproprecléetelleestentrée.Ellet'attend.—Ohnon,murmuraZoe.Ilnememanquaitplusqueça.Uneexpressiondecolèrepassasursonvisagetandisqu'ellelevaitleloquetetpénétraitdanslecottage.ElletrouvaMegandanslesalon,deboutdevantlacheminéevide,regardantfixementletableauquiyétaitaccroché.Zoe,hésitante,s'arrêtasurleseuilpourl'observer,intriguée.C'étaitunepeintureplutôtsurprenante,quidifférait des sujets que Gina choisissait d'habitude. Cela ressemblait à un paysage méditerranéen :quelquesmarches demarbre blanc, parsemées de pétales de fleurs roses, le long d'unmur tout aussiblanc,menantàune terrasseentouréed'unebalustrade.Enhautdecettebalustrade,surunfonddecielbleuvifetd'unemerazur,unegrandevasqueornementaleempliedegéraniumsroses,pourpresetblancs.Le plus curieux, c'est que les Lambert avaient toujours passé leurs vacances en Angleterre dans leYorkshire. Pour autant qu'elle sache, sa mère n'avait jamais mis les pieds enMéditerranée, et c'étaitd'ailleurssonseultableausurcesujet.Sa tante parut soudain sentir le regard insistant deZoe, et se retourna, une expression étrange sur sonvisagedur.—Tevoici!Tuarrivesbientard,commenta-t-elled'untonsec.—Ilyavaituneréuniond'enseignants,réponditZoeaussisèchement.Tuauraisdûmedirequetuvenais,tanteMegan.Veux-tuunthé?—Non,cecin'estpasunevisitedecourtoisie.MeganArnoldétaithabilléecommed'habituded'unejupeplisséebleumarineetd'unevestetricotéemainassortie, surunchemisierbleupâle.Sescheveuxgrisétaient tirésenarrièreenunchignonserrépourdégagersonvisagemaigre.— Comme tu peux le voir, j'ai mis la maison en vente. J'ai demandé aux agents immobiliers decommencer les visites immédiatement, il faut donc que tu débarrasses tout ce désordre, dit-elle endésignant d'un geste les livres et les bibelots qui remplissaient les étagères de part et d'autre de lacheminée.Jeteseraisreconnaissantedebienvouloirquitterleslieuxavantlafindumois.Zoeeneutlesoufflecoupé.—Sivitequeça?—Qu'est-cequetucroyais?Monmariaautorisétamèreàoccupercettemaisonpendantqu'ellevivait,c'est tout.Cetarrangementneteconcernaitpas.Tunecroyais toutdemêmepasquetuallaisrester iciéternellement!—Jenecroyaisriendutout.Maisjepensaisqu'onmelaisseraitunpeurespirer.— J'estime que tu as eu tout le temps pour cela.Aux yeux de la loi, tu n'es qu'une intruse ici. Tu nedevraispasavoirdedifficultéàtrouverunechambremeubléeàBishopCross.D'ailleurs,ceserapluspratiquepourtontravail.—Unmeubléneconviendraitpasvraiment.

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Georgedevaitêtreaucourantdetoutcela.Samèreavaitdûluiannoncercequesatantepréparait.Oubienillesavaitentenduesparlerunjour.Etc'étaitpourcelaqu'illuiavaitdemandédel'épouser:parcequ'ilsavaitqu'elleallaittrèsviteseretrouveràlarue.Ellefrissonna.Oh,pourquoiGeorgenel'avait-ilpasprévenueaulieudejoueraupreuxchevalier?Elle prit une longue et profonde respiration, et fit de sonmieux pour que sa voix ne trahisse pas sondésespoir.— Tous les meubles ne font pas partie du cottage. Certains appartenaient à maman, et je veux lesemporteravecmoi,ainsiqueleslivresetlestableaux.EllevitleregarddeMegansedirigerdenouveauverslapeintureau-dessusdelacheminée.Mêmes'ilétaitunpeutard,Zoefituneffortpouramadouersatante.—Peut-êtrequetuvoudraisengarderun,ensouvenir,suggéra-t-elle.Celui-ci,parexemple.Satanteeutunmouvementderecul.—Cen'estqu'unpauvrebarbouillage,dit-elled'unevoixtremblante.Jenevoudraispasdeçachezmoi.Zoelaregarda,atterrée.Elleditlentement:—Pourquoi,TanteMegan?Pourquoiladétestes-tutellement?—Quedis-tu?Que je...détesteGina, la sœurparfaite?Quelle idée !Personnen'avait ledroitde ladétester ! Jamais ! Peu importe ce qu'elle faisait, peu importe les conséquences, on l'adorait et on luipardonnait.Toutlemonde.— Elle est morte, tante Megan, dit Zoe d'une voix faible. Si jamais elle t'a fait du mal, ce n'étaitcertainementpasvolontaire.Et,detoutefaçon,ellenepeutplusrientefairemaintenant.—Tutetrompes.Ellen'ajamaisréussiàm'atteindreenaucunefaçon,parcequejel'aitoujoursvuetellequ'elleétaitvraiment.Jen'aijamaisétédupedecettefaçadeinnocente,desonairdesainte-nitouche,pasuneseconde.Etj'avaisraison.Elles'arrêtabrusquementetseleva.—Bon,toutça,c'estdupassé;cequicompte,c'estl'avenir.Vendrecettemaison,pourcommencer.Jeteconseilledelouerunebenne,oudetoutmettredansundépôt-vente.Arrange-toicommetuveux,maisjeveuxquetoutsoitdébarrasséavantquelespremiersvisiteursarrivent.Acommencerparça.Elletenditlesbraspourretirerletableauméditerranéendesoncrochet,etlejetadédaigneusementsurletapisdevantlacheminée.Ilyeutuncraquementdemauvaisaugure.—Lecadre,ditZoedansunsouffle.Elleselaissatombersurungenou,commepourleprotéger.—Tul'ascassé.Ellelevalesyeux,secouantlatête.—Commentas-tupufaireça?Satantehaussalesépaules.—Ilnetenaitpasbiendetoutefaçon.Leboisétaitdemauvaisequalité.—Etalors?Tun'avaispasledroit!Pasmêmed'ytoucher.—Jesuischezmoi.Jefaiscequejeveuxici,lançaMeganenattrapantsonsacàmain.Etjeveuxquetuenlèves les autres, et que tous les trous dans les murs soient rebouchés. Je reviendrai à la fin de lasemaine pour vérifier que mes instructions ont bien été suivies. Sinon je ferai moi-même venir uneentreprisededébarras.Sur ce, elle sortitmajestueusementde lapièceetun instantplus tard,Zoe, toujours agenouillée sur letapis,entenditlaported'entréeclaquer.Presqueimmédiatement,laportedederrières'ouvrit,etelleentenditAdèlel'appeler.—Jeffs'occupedesenfants,annonça-t-elleenentrant.J'aivuMmeArnoldpartir,etjesuisvenuevoirsitoutallaitbien.

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Zoesecoualatête.—MonDieu,elleaétéignoble.Je...jen'arrivepasàycroire.—Jevaisfaireduthé.Qu'est-ilarrivéautableau?—Elle l'a jeté au sol.C'était complètementdément.Bien sûr, cen'est pas lemeilleur tableauquemamèreaitpeint,etilapassébeaucoupdetempsaugrenieravantqu'ellenelemetteici,mais...Elles'interrompit,netrouvantpluslesmots.—Moi,ilm'atoujoursplu,ditAdèle.C'estenGrèce,non?JesuisalléeenCrètel'annéedernière,etàCorfoul'annéed'avant,grâceàl'agencedevoyagesdemasœur.Zoehaussalesépaules.—Cedoitêtrequelquepartdanscetterégion,jesuppose.Ellejetaunregardpensifsurletableau,puissereleva,tenantlecadreabîméavecprécaution,avantdeleposersurlecanapé.— Pourtant nous ne sommes jamais allés là-bas, reprit-elle. Mon père n'aimait pas les climats tropchauds.—Ehbien,peut-êtrequ'ellel'apeintd'aprèsunecartepostalequequelqu'unluiavaitenvoyée,suggéraAdèletandisqu'elleremplissaitlabouilloiredanslacuisine.—Peut-être.—Alors,quandest-cequetuesmiseàlaporte?Lesdeuxfemmess'assirentàlatabledelacuisinepourboireleurthé.—Jedoisêtrepartieavantlafindumois.Etelleneplaisantepas.—Mmm...Adèlerestapensive.—Crois-tuqu'ellesoitvraimentfolle?—Pasaupointdel'enfermer,réponditZoe,désabusée.Elledevientjustecomplètementirrationnelledèsqu'ils'agitdemamère.—Tusais,cen'estpeut-êtrepasentièrementsafaute,ditAdèle,songeuse.Magrand-mèresesouvientque,quandelleétaitpetitefille,elleétaittrèsjolie,etsesparentslachérissaientcommelaprunelledeleursyeux.Puistamèreestnée,aprèscoup,etelleestimmédiatementdevenuelapréférée.Etc'estellequ'on trouvait jolie. Cela n'a pas dû être très agréable. Comme quoi, c'est peut-être simplement unehistoiredejalousieenfantine.Zoeréfléchituninstant.—LajolieprincesseseraitdevenuelaméchantereinedeBlanche-Neige?Tuaspeut-êtreraison,maisj'ail'impressionqu'ilyaautrechose.—Etlefaitqueturessemblestraitpourtraitàtamèreaumêmeâgenedoitrienarranger.Adèleversaencoreunpeudethédanssatasse.—Pourtant,toujoursselonmagrand-mère,ellesnesesontpastoujourssimalentendues,reprit-elle.Auneépoque,ellesfaisaientdeschoses toutes lesdeux :ellessontmêmepartiesenvacancesensemble.Pourtantmêmeence temps-là, ta tantesecomportaitpluscommeunemèrequecommeunesœuravecelle,auxdiresdetous.C'estpeut-êtreçaquiacréédesproblèmes.Ellefitunepause.—Ettoi?Commentvas-tufaire,sielletemetdehors?—Jevaisdevoirtrouverunappartement...nonmeublé.—Oumêmeunepetitemaison.Lejardintemanquera.—Oui.S'iln'yavaitquelejardin...Elleseforçaàsourire.—Peut-êtrequetanteMeganmerendservice,aprèstout.J'étaisentraindemedirequemaviepourraitprendreunetoutautredirection.C'estpeut-êtrel'impulsiondontj'aibesoin.Jepourraismêmepartird'icitoutdesuite.

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—Et trouver un endroit où la méchante reine ne pourrait pas faire irruption en utilisant son propretrousseaudeclés,complétaAdèle.Tusais,tuvasmemanquer.—Oh,jenevaispaspartirtoutdesuite.Moncontratstipulequ'ilyaunpréavisdetroismois.Maisjepeuxcommenceràmerenseigneretàm'organiser.—Tunecroispasqu'unprincesurunchevalblancvaarriveraugaloppourtesauver?demandaAdèle,pince-sans-rire.ilyenavaitbienunquiavaitessayé,maisilconduisaitunepetiteAustin,etilnefaisaitjamaisd'excèsdevitesse.Quantàsavoirlequeldesdeuxsauveraitl'autre...—PasàBishopCross,répondit-ellesurlemêmeton.Leschevauxblancsn'arriventpasàrespecterlacirculationàsensunique.Elleterminasonthé,etmitsatassedansl'évier.— Je ferais bien d'organiser le déménagement des affaires de ma mère et trouver un endroit où lesentreposer pour l'instant.TanteMegan a parlé de les jeter dans une benne, dit-elle d'air lugubre.Elleseraitbiencapabled'allerjusque-là!—Queldommagepourletableau!—Iln'estpascomplètementfichu.Illuifautjusteunnouveaucadre.Jeleferairéparerdemain.—Ecoute, ilyaunencadreurnonloindelàoùJeff travaille.Jepourrais luidemanderd'ydéposer letableau en passant, et puis tu pourrais y faire un tour pendant ta pause déjeuner et choisir un nouveaucadre,qu'enpenses-tu?Tun'asqu'àl'attacheravecunpeudeficelle,etjeleprendstoutdesuiteavecmoi.—Oh,Adèle,ceseraitvraimentgentil.—Elle l'a vraiment saccagé, commentaAdèle d'un air réprobateur, tandis que Zoe retournait dans lesalonetrapportaitdelaficelle.Mêmeledosestdéchiré.Elleessayadeleremettreenplace,ets'arrêta.—Attendsunpeu,ilyaquelquechoseàl'intérieur.Regarde.Adèlefouillaaudosdelatoile,etensortitunegrosseenveloppeenvieuxpapierkraft.EllelatenditàZoe,quilasoupesadanssamain,lafixantavecunétrangemalaise.—Eh bien, tu ne l'ouvres pas ? demandaAdèle au bout d'unmoment.A ta place, je ne pourrais pasattendre.—Oui,ditZoe, lentement. Je... suppose.Maiscetteenveloppeaattendu...unbonboutde temps,àenjuger par le papier. Et, commemamère l'avaitmise ici, jeme demande pourquoi elle nem'en a pasparlé...Adèlehaussalesépaules.—J'imaginequ'elleavaitdûl'oublier.—Çam'étonneraitbeaucoup.C'étaitaccrochélà,au-dessusdelacheminéedepuisqu'elleaemménagéici:elledevaitypenserconstamment.Zoesecoualatête.—C'estsûrementquelquechosequ'ellevoulaitgardersecret,Adèle,alorsquejepensaisqu'iln'yavaitaucunsecretentrenous.Sacompagneluitapotal'épaule.—C'aétéunedurejournéepourtoi.Jevaistelaissertranquillepourdécidercequetuvasfaire.Tupeuxm'apporterletableauplustard,situveuxtoujoursréparerlecadre.Seretrouvantseule,Zoeselaissatombersurlecanapé.Iln'yavaitaucunmessagesurl'enveloppe.Pasde«Pourmafille»nide«Aouvriraprèsmamort».Cetteenveloppefaisaitpartiedelavieintimeetsecrètedesamère.SiMegannes'étaitpasmisedanscet

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étatetn'avaitpasjetéletableausurlesol,leschosesseraientprobablementrestéesainsi.Sansdoutedevait-ellerespecterlesouhaittacitedesamère,etjetercetteenveloppeàlapoubellesansl'ouvrir.Maissiellefaisaitcela,elleseposeraitlaquestionàjamais...Sedécidantsoudain,Zoedéchiral'enveloppeetensortitlecontenu.Elleytrouvauneliassedepapiers,ressemblantàdesdocumentsjuridiques,etquelquesphotographies.Elle déplia d'abord les papiers, fronçant les sourcils en réalisant qu'ils étaient rédigés en langueétrangère.«Dugrec,sedit-elledéconcertée,enavisantl'alphabet.C'estbienécritengrec!Commentsepeut-ilquemamanaitpossédéunteldocument?»Elleleposaetsemitàexaminerlesphotographies.Laplupartd'entreellessemblaientreprésenterdesscènes de la vie grecque : une rue dans un village, bordée demaisons blanches, unmarché aux étalschargésdefruits,unevieillefemmevêtuedenoirmenantunânechargédebois...L'une d'elles, cependant, était différente des autres. Elle représentait un jardin protégé par de hautscyprès,etunhomme,d'alluredécontractéeenshortetchemise,setenantsousl'und'eux.Sonvisageétaitdansl'ombre,maisZoesutd'instinctqu'iln'étaitpasanglais.Ilregardaitlapersonnequitenaitl'appareilphotoetluisouriait.Etelleeutsoudainlacertitudequ'ilsouriaitàsamère.Elletournalatêteetétudialaphotographiedesonpère,quioccupaituneplaceprivilégiéesurlapetitetable près du fauteuil de sa mère. Mais elle savait déjà que l'homme dans l'ombre n'était pas JohnLambert.Malgréletempsetladistancequilesséparaient,l'hommesurlaphotodégageaituneimpressiond'énergiedébordantequesonpèren'avaitjamaispossédée.Zoen'ycomprenaitrien...etn'étaitpassûredevouloircomprendre.Elleretournalaphoto,espérantytrouverunindice,unnom,peut-être,griffonnéaudos.Maisiln'yavaitrien.Ellelaposasurlatableaveclesautres,etrepritlespapiers.Il y avait plusieurs feuilles agrafées ensemble ; en les dépliant de nouveau, elle découvrit, avec uneexcitation grandissante,"qu'il y avait une traduction en anglais du document juridique qui l'avait tantintriguée.Elleparcourutlesfeuillesaveccuriosité.Danslejargontechniquedesjuristes,cedocumentluiapprenaitqu'ils'agissaitd'unactededonation,attribuantàsamèrelaVillaDanae,prèsd'unendroitappeléLivassi,surl'îledeThania.Zoeétaitabasourdie,nonseulementparsadécouverte,maisaussiparcequ'elleimpliquait.C'était une donation que sa mère n'avait jamais mentionnée, et dont elle n'avait certainement jamaisprofité.De toute évidence, elle n'avait pas voulu que cela se sache. Elle avait caché cet acte notariéderrièreletableau,quiprenaitàprésentunenouvellesignification.Avait-ellevoulureconstituerunsouvenirqu'ellechérissaitmaisqu'elleavaitgardésecret?CelasemblaitfortprobablecarZoeserendaitmaintenantcomptequelatoilen'avaitjamaisétéexposéetantduvivantdesonpère.Elle parcourut de nouveau la traduction. Le nom du donateur n'était pas mentionné, mais il devaitsûrementapparaîtresurl'original.Iln'yavaitpasnonplusderestrictionàlapropriétédelavilla.Ginapouvaitlatransmettreàseshéritiers,oulavendre,commeellelesouhaitait.C'était incroyable !Alors qu'elle étaitmenacée d'expulsion quelques instants plus tôt, voilà qu'elle seretrouvaitàprésentpropriétaired'unevillaenGrèce,puisqu'elleétaitl'uniquehéritièredesamère.Acetteidée,Zoesemitàtremblerd'émotion.Allons,ilfallaitsereprendre!Selevantaveclenteur,ellesedirigeavers leplacardoùétait toujours rangée laprécieusebouteilledecognacdesamère,ets'en

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versaunbonverre.«Mesured'urgence»,sedit-elle.Lorsqu'elleeutrecouvrésoncalme,ellesaisitunatlas,etcherchaoùsetrouvaitThania.Ils'agissaitd'unepetiteîledanslamerIonienne,dontLivassisemblaitêtrelacapitaleetl'uniquegrandeville.Ilfallaitqu'elleailleàThania,c'étaitévident.Ilfallaitqu'ellevoielaVillaDanaedesespropresyeux...Ilfallaitqu'ellesache,décréta-t-elleenprenantuneautregorgéedecognac.D'ailleurs,elleavaitmisunpeud'argentdecôtéetc'étaitledébutdesvacances.L'occasionétaittropbelle.Ellenegarderaitpaslamaison, bien entendu. Si celle-ci était habitable, elle lamettrait en vente. Si elle était en ruines, ellen'auraitqu'às'enaller.Maisellenesecontenteraitpasdevoirlavilla:ellevoulaitaussitrouverlesréponsesàcertainesdesesquestions.Elleavaitbesoindesavoir lavérité,mêmesiceladevaitêtredouloureux,avantdepouvoircommencerunenouvellevie.Elle prit la photo de l'homme dont le visage était dans l'ombre, et resta debout, à le fixer, à la foissongeuseetunpeueffrayée.Ellesoupira,etremitlaphotographiedansl'enveloppeaveclesautrespapiers.Quipouvait-ilbienêtre?Quelrôleavait-ilpujouerdanscemystère?Elleletrouverait,luiaussi.D'unefaçonoud'uneautre.

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2.LarambardedubateauétaitbrûlantesouslebrasnudeZoe.Devantelle,lescontoursescarpésdel'îledeThaniasedétachaientdelamerscintillante.Zoeavaitencoredumalàréalisercequ'elleétaitentraindefaire.Latensionquis'étaitemparéed'elledepuisqu'elleétaitarrivéeenGrècelatiraillaitdeplusenplus.Elle n'avait confié à personne le but réel de son voyage, pasmême àAdèle. Elle avait prétendu quel'enveloppetrouvéederrièreletableaucontenaitsimplementdessouvenirsd'unvoyagequesamèreavaitbeaucoup apprécié, mais dont celle-ci était la seule à se souvenir, et qu'elle n'avait donc pas jugénécessaired'évoquer.—J'aibesoindevacances,alorspourquoin'irais-jepasdécouvrirl'endroitquil'atantcharmée?avait-ellerépondusuruntonlégeràsavoisineinquiète.—Bon,maisnetelaissepastropcharmertoutdemême.Netefaispasembobinerparunadonislocal.CeseraittropconformeauclichédelajeuneAnglaisequiselaissetournerlatêteparunMéditerranéen!Tudevrasrentrer,après.«Jesuislafilledemamère,pensaZoeironiquement.Etelleestrevenue,quellequ'aitétélatentationderester.»—Aucundanger,assura-t-elleàAdèle.Lorsqu'elle avait indiqué le nom de l'île à Vanessa, la sœur d'Adèle, pour effectuer sa réservation àl'agencedevoyages,cettedernièreavaitutilisé tous lesargumentspour laconvaincred'allerdansuneautreîle,plusgrandeetplusanimée.— Thania n'est pas vraiment une destination touristique, avait-elle protesté. De riches Américains ypossèdent de luxueuses maisons, et ils aiment tenir les curieux à distance. Les hôtels sont petits, etpresquetouteslesplagessontprivées.C'esttrèstranquille,etlavienocturneyestquasiinexistante.LeferrynevientquedeuxfoisparjourdeCéphalonie.D'ailleurs,pourquoin'irais-tupasplutôtlà-bas?Ilyapleindechosesàyfaire,ettupourraistoujoursprévoiruneexcursionàThaniasituasvraimentenviedevisitercetteîle.Zoesecoualatête,uneexpressiondéterminéesursonvisage.— Je crois que je me passerai de Céphalonie pour cette fois. Et puis, un petit endroit calme, c'estexactementcequ'ilmefaut.Ellemarquaunepause,etsesouvenantdunomd'unhôtelmentionnésurl'undesdocuments,ditd'untondégagé:—Jecroisqu'ilyaun«HôtelStavros»àLivassi.Tupourraispeut-êtrem'yréserverunechambre?Vanessapianotasurlestouchesdesonclavierenfronçantlessourcils,puishochalatêted'unairrésigné.—ArgonautHolidaysproposedesséjourslà-bas.Tuasdelachance:ilsontdelaplace.Elleseremitàpianoter.—Baignoire,balcon,vuesurlamer?—Ceseraitparfait.Elle avait déjà eu droit à lamine pleine de désapprobation deGeorge, qui semblait encore chagrinéqu'elleaitgentimentmaisfermementrefusésaproposition.—Maistuneparsjamaisenvacancesàl'étranger!s'était-ilexclamé.—Non,George,jenel'aiencorejamaisfait,voilàtout.—Si tum'en avais parlé avant, nous aurions pu partir quelque part ensemble.Mamère est partie envoyageorganiséilyaquelquesannées.Lepéripleétaitconsacréauxtrésorsdel'Italie.Elleabeaucoup

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aimé,etleshôtelsétaienttrèsluxueux.Nousaurionspufairelamêmechose...Acourtd'arguments,ilajouta:—Jecroissavoirqu'enGrèceleconfortestunpeurudimen-taire.—Jesais.Onm'aracontétoutçaàl'agence,cen'estpasunproblème.Etpuisregardeleschosesenface,George,tamèrenet'auraitjamaislaissépartirenvacancesavecmoi...mêmesions'étaitmariés.Ilrougit,malàl'aise.—Tutetrompes,Zoe.Ellen'arrêtepasdedireàtoutlemondecombienelleseraitheureusequejequittelenid,etquejeluifassedespetits-enfants.Oui,àconditionquecelasefassesansdevoirintégrerunebelle-filledansl'équation,pensaZoe.—Alors,oùvas-tuexactement?Zoeéludasubtilementlaquestion.—Jepensequejevaisbougerd'îleenîle,augrédemesenvies,dit-elled'unairdégagé.ElledétestaitmentiràGeorge,maisellesavaitquesamèrearriveraitàluiextorquerdesinformationsenun rien de temps, et queMegan serait la première personne qu'elle mettrait ensuite au courant. Queldommagequeledialogueavecsatantesoitimpossible.Elledevaitforcémentsavoirquelquechose,Zoeenétaitconvaincue.Desoncôté,elleavaitététrèsoccupéeavantsondépart.Outresachargehabituelledetravailenfindetrimestre, elle avait réussi à trouver un logement provisoire, au dernier étage d'une vieille maisonvictorienne,assezprochedeson lycéepourqu'ellepuisses'yrendreàpied. Ilétaitmeubléet le loyerétaitraisonnable,cequiluiavaitpermisd'entreposerlesaffairesdesamèrequ'elleclasseraitplustard.Il y avait encoreune chosequ'elle n'avait pasmentionné àGeorge : elle avait donné sa démission aulycée et partirait à Noël. Dès son retour de Grèce, elle chercherait un nouveau poste dans une autrerégion.«Achaquejoursuffitsapeine»,seditZoe.Elleverraitbienenrentrant.Ellepritunebouteilled'eaudans sonsacàdosetbutavidement.En remettant labouteille, elleaperçut lecoinde l'enveloppequil'avait poussée à faire ce voyage. Elle avait emporté l'acte de donation rédigé en grec, ainsi que latraductionetlesphotographies.Elle n'avait aucunement l'intentionde faire irruptiondans la villa pour réclamer sonbiendirectement.D'abord,ellevoulaitvoiràquoielleressemblait.Lepropriétairepouvaittrèsbienavoirchangéd'avisetêtrerevenusurladonationdepuisplusieursannées.Il fallaitdoncqu'elle trouvecettemaisonetdécouvrequi l'habitaitàprésent.S'il s'avéraitquece legsn'étaitdûqu'àunmomentd'égarementdelapartdudonateur,elleprofiteraitsimplementdesesvacancesetn'ennuieraitpersonneavecça.Aprèstout,cettehistoireressemblaitunpeutropàuncontedefées.—«VillaDanae»,murmura-t-elle.Dansunlivredemythologiegrecque,elleavaitlul'histoiredelabelleDanae:leroid'Argos,Acrisios,apprit de l'oracle deDelphes que sa fille,Danae, aurait un fils qui le tuerait.Alors,Acrisios décidad'enfermerDanaedansundonjonauxmursd'airaind'oùellenepouvaitplussortir.Cependant,attiréparlabeautédeDanae,Zeussetransformaenpluied'or,pénétradanssaprisonetlaposséda.Danaedonnanaissanceàunfils,Persée.LorsqueAcrisiosappritlachose,ilpritpeurmaisn'osapastuerl'enfant.Ilfitdoncenfermerlajeunemèreetsonbébédansuncoffredeboisquifutjetéàlamer.Maisheureusement,ils furent recueillisàSérifospar le roiPolydectès.Par la suite,Persées'illustraencoupant la têtedeMéduse,laredoutableGorgone,etobtintlamaind'Andromède.Aujourd'hui, il s'agissait de sa propre odyssée. Et en principe, elle ne devrait pas avoir besoin dedécapiterquiquecesoit!

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Lepetit port deThania contenait plusdepetitsbateauxdepêchequedeyachts luxueux.Laville étaitconstruitesurleflancescarpéd'unecolline,avecdesrangéesdemaisonsauxtoitsrougesaccrochéesàmême le roc. Le long du port, Zoe aperçut les auvents à rayures des tavernes, et au-dessus un grandimmeubledetroisétages,d'unblancétincelantausoleil:l'hôtelStavros.L'après-midiétaitdéjàbienavancéet lachaleur,écrasante.Zoeavaitoptépourdesvêtements légers :pantaloncourtblancetdébardeurbleumarine.Elleavait ramenésescheveuxenunegrosse tresse surlaquelleelleavaitmisunchapeauàlargebord,etavaitappliquéunebonnecouchedecrèmesolairesursapeauexposée.«Jesuisprête»,sedit-elleenenfilantsonsacàdostandisqueleferrymanœuvraitversledébarcadère.Lesautrespassagersétaientpeunombreux,etilsavaienttousl'airdegensducoin,nondetouristes.Zoeétaitconscientedelacuriositébienveillantequ'elleprovoquaitautourd'elle:lorsqu'elledescenditàterre en marchant avec précaution sur la planche à débarquer branlante, le capitaine lui fit un largesourire.Elle prit la direction de l'hôtel qu'elle trouva sans difficulté. Pénétrant enfin dans la courette del'établissement, décorée de larges vasques de géraniums, elle vint se poster devant la réception et enprofitapourserafraîchirsousl'airconditionné.Bientôt, commeau théâtre,un rideau s'ouvritderrière le comptoir,pour laisser lepassageàune jeunefemmerousseauxformesgénéreusesquisouritàZoe.—Bonjour!VousdevezêtremademoiselleLambert.Jem'appelleSherry.—Etvousêtesanglaise...Jenem'yattendaispas!Zoeluiserralamainensouriantàsontour.—Voussavez,ilyadeuxans,jenem'attendaispas,moinonplus,àtomberamoureusedupropriétairedecethôtelpuisàl'épouser!admitlajeunefemmeaveccandeur.ElletenditunstyloàZoeetuneficheàremplir.—Jevaisvousmontrervotrechambre,poursuivit-elleenprenantuneclé sur le tableauderrièreelle.Laissezdoncvotresacici,Stavrosvouslemonteradansuninstant.—Stavros, comme l'hôtel ? demanda Zoe, essayant de calculermentalement l'âge qu'il pouvait avoiraujourd'hui.Sherrysecoualatêteenmontantlesmarchesd'unescalierdemarbreblanc.—Non, c'est un autre Stavros, son oncle, qui a ouvert cet hôtel : un sacré personnage ! Aujourd'huiencore, il garde unœil de connaisseur sur les femmes. Il ne s'est jamaismarié : cela aurait gâché sacarrière de séducteur, selon lui, ajouta-t-elle en riant.Quand il a décidé de prendre sa retraite, il y aquelques années, c'estmonStavros qui a repris l'affaire.Aprésent, le vieuxStavros passe son tempsassissouslesarbresdanslesquare,àjoueraubackgammon.— Ce doit être une vie merveilleuse, dit Zoe, en notant dans un coin de sa mémoire toutes cesinformations.—Nousysommes!Sherryouvrituneporteengrand,etfitentrerZoedansunepiècefraîche,auxvoletsferméspourfiltrerlesrayons du soleil. Lorsque la propriétaire écarta les rideaux de fin voilage et ouvrit les volets, Zoedécouvritlesdétailsdelachambre:lesmursétaientdumêmeblanccrèmequelecarrelageausol.Lapièceétaitmeubléetrèssimplement:ilyavaitunplacardavecunependerie,unepetitecommodeetunlit.Lesdrapsétaientd'unblancimmaculéetrecouvertsd'uncouvre-litbleumarine.—C'estravissant,ditZoesincèrement.—Sivousavezbesoind'unecouverture,cequim'étonnerait,n'hésitezpasàdemander.Lasalled'eausetrouveici,dit-elleendésignantunepetitepièceattenante.C'estassezrudimentaire,maisenprincipe,onpeutprendreunedouchechaudeà touteheure...Bon, jevous laissevous installer.Voudriez-vousboire

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quelquechose,unebièrefraîchepeut-être,oubienunthéaucitron?—Unthémeferaitleplusgrandbien,ditZoeavecreconnaissance.Laissée seule, elle sortit sur lebalcon,heureusededécouvrirque sachambredonnait sur leport.Pasétonnantquesamèreaitadorécetendroit!Ellefuttiréedesarêveriepardescoupsfrappésàsaporte:onluiapportaitsesbagages.Ellepassadanslachambreetallaouvrir.Stavrosétaitunbelhommeàlapeaumate,quiparlaitd'unemanièredouceetcourtoise.—Mafemmevoudraitsavoirsivouspréférezprendrevotrethédansvotrechambre,ouenbasdansnotrecour?—Oh,enbas,jecrois.Ilmefautjustecinqminutespourdéfairemesbagages.Lacour,quisetrouvaitàl'arrièredel'hôtel,étaitagréablementombragéegrâceàunevigneluxuriante.Zoes'assitàunetabledansuncoinetbuttranquillementsonthéenréfléchissantàcequ'elleallaitfaire.D'abord,elledevaittrouverl'oncleStavrosetluidemandersi,parunheureuxhasard,ilsesouvenaitdesamère.Touteslesinformationsqu'ellepourraitglanerseraientlesbienvenues.Ungroschiensortittranquillementdel'hôtelpoursedirigerverselleetgémitdoucementpourluifairecomprendrequ'ilvoulaitqu'elleluicaresselatête.—Tuesungentilchien.Elleaussiauraitunchien,sedit-elle,quandelleauraittrouvéunlogement.Samèreenavaitvouluunaucottage,maisMeganavaitimmédiatementopposésonveto.—NelaissezpasArchimèdevousennuyer,déclaraSherrylorsqu'ellevintrécupérerleplateau.—Pourquoil'avez-vousappelécommecela?luidemandaZoe,intriguée.—Parcequ'un jour ilaplongédans labaignoireeta tout inondé.Aprésent, ilestbannide toutes lessallesdebains,expliquaSherryencaressantlatêteduchien.—Enparlantd'eau,ditZoeenriant,quelendroitmeconseille-riez-vouspourallermebaigner?Sherryneréponditpastoutdesuite.—Ilya laplagemunicipale.Ensortantde l'hôtel il fautprendreàgauche,etc'est toutdroit.Elleestagréable,maisilyaparfoisbeaucoupdemonde.Ilyaaussidetrèsbellesplagesdel'autrecôtédel'île,mais on ne peut les atteindre que par bateau. Stavros y emmène parfois des clients, s'il y a assez depersonnesintéressées.Apartça...Ellefitunegrimaceetregardaautourd'elle.Puisellepoursuivitsurletondelaconfidence:—Lespropriétairesdesvillasne sontpas toujours sur l'île, et nousenprofitonsparfoispourutiliserleursplagespendant leurabsence.Cesontdesbaignadesclandestines, ajouta-t-ellegaiement.MaisneditespasàStavrosquejevousenaiparlé...Ellebaissaencorelavoix:—Enfait,ilyaunevillainhabitéequidonnesurunetrèsjoliepetitebaie.J'yvaisquelquefois,mêmesiceladéplaîtàStavros.Ilditqu'ilfautrespecterl'intimitédespropriétaires,mêmeenleurabsence.Zoeeutunpressentimenttroublant.—Sicen'estpasfréquenté,celasembleidéal,dit-elled'unevoixmalmaîtrisée.Peut-êtrepourriez-vousmedirecommentonyva?Est-cequ'elleaunnom,cettemaison?—Mmm...c'estla«VillaDanae».Onpeutyalleràpiedd'ici,ajouta-t-elleavantdes'éloigner.C'estbiencequeZoeavaitl'intentiondefaire.Pasplustardquelelendemain.Amoitiédissimuléparlesherbeshautes,unpetitpanneaudeboisenformedeflècheindiquaitunsentierpoussiéreux.Onydevinaitencoreleslettresde«VillaDanae».Aprèsunpetitdéjeunercopieux:petitspainschauds,mieldefleursetyaourtépaisetcrémeux,Zoes'étaitmiseenrouteensuivantlesindications

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deSherry.Elle s'arrêtademarcherun instant, et hésita :malgré l'enviedepercer lemystère, elle était à présenttentéedepassersoncheminetdelaisserlepasséreposerenpaix.Puisqu'elleétaitici,pourquoinepassimplementsecontenterdevacancesbienméritées?Maiscelanemettraitpasfinàsesinterrogations.EtderetourenAngleterre,lorsqu'elleverraitletableaudeGina accrochédans sa chambre avec sonnouveau cadre, elle pourrait s'en vouloir d'avoirmanquécetteopportunité.Soudainplusdécidéequejamaisàallerjusqu'aubout,ellecommençaàdescendrelesentierescarpéquimenaitàunbosquetd'oliviers.Malgrél'heurematinale,ilfaisaitdéjàtrèschaud,etellefutcontentedepouvoirprofiterdel'ombrequecesarbresluioffraient.Iln'yavaitpasunsouffledeventetlecielsansnuagesétaitlégèrementbrumeux,cequilaissaitprésagerunenouvellehaussedetempérature.Elleportaitunerobed'étéentissulégerbleulavande,sansmanches,avecundécolletérond,surunbikinidelamêmecouleur,etsescheveuxétaientramenéssursanuqueenunchignonflou.Au détour du sentier, Zoe découvrit unemagnifique étendue de vert tendre, parsemée de parterres defleursmulticolores.Cettevisionn'avait rienàvoiravec l'endroitdésoléqu'elleavait imaginé.Unpeuplusloin,commeunjoyausertideverdure,elleapercevaitlamaisonauxmursd'unblancimmaculéetautoitentuilesrouges.Zoe s'arrêta un instant, émerveillée. Devant elle, une piscine turquoise étincelait au soleil. Quelquesmarches larges et basses menaient à une baie vitrée coulissante, derrière laquelle on distinguait unevéranda à colonnades, dont le marbre et les gigantesques plantes vertes contribuaient à donner uneimpressiondefraîcheur,etquiétaitmeubléedeconfortablesfauteuilsetdechaiseslongues.Essayantd'ignorerlapetitevoixintérieurequiluirappelaitqu'ellesetrouvaitdansunepropriétéprivée,Zoe longea la piscine, monta les marches et tenta d'ouvrir les portes coulissantes, mais elles étaientverrouillées.Elleavaitl'impressiond'êtredevantunevitrine:ellepouvaitregardermaispastoucher.Enarrivantàunsecondescalier,sonpoulss'accéléra:illuisemblatellementfamilierqu'elleauraitpulemonter les yeux fermés. Elle reconnaissait les marches claires, parsemées de pétales fanés dubougainvillierquidescendaitencascadesuruncôtédelamaison.Cesmarchesmenaientàuneterrasse,dontlabalustradesupportaitunegrandevasqueenpierreempliedefleurs.Toutétaitexactementcommeellesel'étaitreprésenté,jusqu'àl'azurparfaitdelamer.Elleprituneprofondeinspirationetlentement,prudemment,montaverslaterrasse.Elleseretrouvasurune vaste plateforme de marbre blanc crème qui faisait toute la longueur de la maison. Depuis cetteimmense terrasse, une volée de marches descendait jusqu'à un banc de sable qui formait une courbeparfaiteaveclebleuintensedelamerondoyante.Derrière elle, les volets fermésmasquaient complètement les pièces du rez-de-chaussée.Mais à quois'attendait-elle?Atrouverl'endroitgrandouvert,avecunpaillassonportantl'inscription«Bienvenue»devantlaporte?Ellefinitpartrouverl'entréeprincipale,uneportemassivedeboissculpté,autourdelaquellegrimpaitunmagnifiquerosierjaunedontlespétalesallaientd'undélicatjaunepâleàunecouleurambréeprofonde.Sanssavoirpourquoi,Zoetenditlamainpourtoucherunedesroses,commesicegesteallaitluiporterbonheur.Puiselles'approchadelalourdepoignéedeferdelaporteetessayadelafairetourner.A sa grande surprise, la poignée céda et la porte s'ouvrit sans un bruit. La Villa Danae l'accueillait,finalement.Elle entra, ferma laportederrière elle et restaunmoment immobile, à l'affûtd'unbruit, l'indiced'uneprésencehumainequiauraitexpliquéquelaportenesoitpasverrouillée.Maisellen'entenditpersonne.

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Ellesetrouvaitdansunvastehall,faceàUnescaliermenantàunegalerieàl'étage.D'uncôté, labaievitréedonnantsouslavéranda.Del'autre,unedoubleportemenantàunlongsalon,oùdesfauteuilsetdescanapésétaientdisposésautourd'unecheminéevide.Uneprofondealcôveauboutdelapièceabritaitunesalleàmanger.Toutsemblaitflambantneuf.Personnen'avaitjamaisdûs'allongersurcescoussins,seditZoe,niallumerdefeudanscetâtre,ouprendrederepassurcettegrandetable.Ducôtédelavéranda,elletrouvaunecuisineéquipéeentièrementcarrelée,avecungrandgarde-manger,puis une buanderie. Toutes ces pièces étaient vides, comme si elles avaient été figées dans le temps,attendantquelecharmesoitrompu.Prenantuneprofondeinspiration,Zoemontaàl'étage,gênéedeserendrecomptequ'elleavançaitsurlapointedespieds,commeunevoleuse.Lapremièrepièceétaitunechambrequibaignaitdansuneobscuritéfraîche.Zoeallaouvrir leslourdsvolets,etseretourna.Cequ'ellevitalorsluicoupalesouffle.C'étaituneimmensechambreaudécorféerique,avecdesmurscouleurabricotetuncarrelageivoire.Lecouvre-litdesoieétaitcouleurcrème,demêmequelesvoilagesvaporeuxquihabillaientlesfenêtres.Unesalledebainsattenantecomprenaitunecabinededoucheetunegrandebaignoireavecdesrobinetsressemblant à des dauphins souriants, et enfin un vaste dressing-room.Des articles de toilette étaientalignéssurlessurfacescarreléesetd'épaissesserviettesavaientétédisposéessurlesétagères.Toutétaitàsaplace:lepalaisenchantéattendaitsaprincesse.Maisdepuiscombiendetemps?Zoeretournalentementverslafenêtre,l'ouvritavecprécaution,etsortitsurlebalcon.Unebriselégèrevintcaressersonvisage.Auloin,elledistinguaitlesformesflouesdesautresîlesquisedétachaientdubleusereindelamerIonienne.Làencore,desrosesdébordaientdejardinièresfixéesàlarambardedubalconenunecascadedejaunepâleetambré.Zoerespiraleurparfumdélicieux,sesentantenvahieparlecharmedeceslieux.Etait-ilpossiblequetoutcelaluiappartienneréellement?Aumêmeinstant,elleréalisaqu'ellen'étaitplusseule.Quelqu'unse trouvaitauniveauinférieur,sur laterrasse.Ellesefigea,puissepenchaavecuneinfinieprécautionsurlarambarde.Unhomme,quiluitournaitledos,marchaitsanshâtelelongdelaterrasse,enlevantlesfleursfanéesdesbacsenpierre.Lejardinier,sedit-elle,soulagée.Cen'étaitquelejardinier.UndesemployésquiavaitdûcontribueràmaintenirlaVillaDanaedanscetétatimpeccable.Ilétaitgrand,avecuneépaissechevelurebruneboucléequibrillaitcommedelasoieausoleiletilneportaitsursapeaumagnifiquementbronzéequ'unshortblanc.Delàoùelleétait,ellenevoyaitqueseslargesépaules, sondosmusclé, seshanchesétroiteset ses longues jambes...Legenred'apolloncontrelequelAdèlel'avaitmiseengarde,pensa-t-elle,lesoufflepresquecoupé.Detoutefaçon,sonalluren'avaitaucuneimportance.Ilfallaitqu'ellesortedelàavantqu'illèvelesyeuxetl'aperçoive.Avec de multiples précautions, elle recula dans la chambre. Elle referma la fenêtre, qui émit uncraquementàpeineaudible,maisquiressemblaàunbruitdetonnerrepoursonimaginationexacerbée.Elles'attenditàuncrivenantd'enbas,ouausond'unealarme,maisiln'yeutrien.Semordantlalèvre,Zoe referma les volets. Jusqu'ici tout allait bien, pensa-t-elle en laissant échapper un petit soupir desoulagement.Le travailde l'apollonsemblait retenir toutesonattentionà l'autreboutde la terrasse, loinde laported'entrée. Si elle était assez rapide, elle pourrait sortir de la villa et se cacher sous les oliviers sansrisquerd'êtredécouverte.

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Ellesecontenteraitdecettevisite,sepromit-ellesilencieusementtandisqu'ellesortaitdelachambreetrefermaitlaportesansbruit.Aprèstout,elleavaitvutoutcequ'elleavaitbesoindevoir.Aprésent,ellesecontenteraitdelaplagemunicipaleetlaisseraitsonavocatfairedesrecherchespourdéterminersiouiounonlaVillaDanaeluirevenait.«Bon,onpeuttoujoursrêver»,sedit-elleensouriant.Elleavaitdescendutroismarcheslorsqu'elleréalisaqu'ellen'étaitpasseule.L'hommel'attendaitenbasdel'escalier,danslehall,appuyénonchalammentcontrelarampe,etillaregardait,unlégersourireaucoindeslèvres.Zoeétaitpétrifiée.Elleauraitvoulufairedemi-touretprendresesjambesàsoncou,maissonbonsensl'enempêcha.Cetescalierétait laseule issue, ladernièrechosequ'ellesouhaitaitétaitdeseretrouvercoincéedansunechambreaveccetinconnuàmoitiénu!Elle avait très peur,mais enmême temps, la chaleur troublante qui se diffusait dans tout son être luiindiquaitque l'hommequise tenaitenfaced'elleavecunearrogancecalmeétaitaussidangereusementséduisantqu'ellel'avaitsupposé.Ilnerépondaitpasexactementauxcritèreshabituelsdebeauté:sonnezaquilinétaitunpeutropfin;saboucheetsamâchoiretropdures.Maissesyeuxnoirsétaientsiténébreuxquecroisersonregardluifaisaitl'effetdeplongerdansunenuitimpénétrable.Pourtantellesavaitinstinctivementqu'iln'yavaitpasunefemmeaumondequipourraitjeterunœilsurlui sans avoir envie de le contempler plus longuement... Parce qu'il était terriblement, irrésistiblementviril.Illasaluad'unevoixdouce:—Kalimera,Ildevaityavoirunmoyendes'ensortir,sedit-elle.Elleeutunrireembarrassé.—Jesuisdésolée,jenecomprendspas.Jeneparlepasgrec.Ilhaussalesépaules.—Alorsnousparleronsenanglais.Celaneposeaucunproblème,ajouta-t-ild'untonimpassible.Dites-moicequevousfaitesici.—Jenesuispasunevoleuse,s'empressa-t-ellededéclarer.—Non,parcequ'iln'yarieniciquevouspuissiezvoler.Sonregardsombrelaparcourut,étudiantsarobelégèreetsonsacdeplage.—Nirienquevouspuissiezcacher,conclut-il.Ill'observadenouveau,avecplusd'insistance.—Alors,jevousreposelaquestion:pourquelleraisonêtes-vousici?—Quelqu'unm'aparléd'unemaisonàvendredanslecoin,improvisaZoerapidement.J'aipenséqueçapouvaitêtrecelle-ci,puisqu'elleestvide,apparemment.—Non, ilne s'agitpasdecettemaison.Etpersonnenevousaditqu'elleétait àvendre, répliqua-t-ild'unevoixtranchante.—Necroyez-vouspasquelepropriétairepeut l'avoirmiseenventesansvousenparler?demanda-t-elle,essayantdeparerl'attaque.—Non,c'estimpossible.—Entoutcas,c'estunetrèsbellemaison.Lepropriétaireseraitpeut-êtred'accordpourlalouer?Ilhaussalessourcils.—Vousn'aveznullepartoùdormir?—Si,biensûr.Maiscetteîleesttellementagréable.Jepourraispeut-êtreyrevenir,pourypasserplusdetemps.—Vousêtesarrivée...quand?demanda-t-ilavecuneexpressionsceptique.Hier?—Ilne fautpasbeaucoupde tempspour tombersous lecharmedequelquechoseetavoirenvied'enprofiterplus.

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Sesyeuxsombreslacontemplèrentdehautenbasavecunelueurdemoquerie.—Nous sommes aumoins d'accord sur un point, déclara-t-il d'une voix nonchalante avant de rire envoyantlerougemonterauxjouesdeZoe.Elle était soudain consciente du corps bronzé et dénudé de son compagnon et du fait qu'elle non plusn'étaitpastrèscouverte...cequin'avaitmalheureusementpaséchappéàcethomme.Quen'aurait-elledonné,encet instant,pourêtreassisesous lavignede l'hôtel,àne rienenvisagerdeplusrisquéquedepassersajournéeàlaplagemunicipale!Parcequelà,elleétaitendanger.Soncorpstoutentierluienvoyaitdessignauxdedétresse.—Laissez-moivousdirecommentjevoisleschoses,continua-t-ilsuruntondécontracté.Jesupposequevousêtesdescendueà l'hôtelStavros,que la femmedeStavrosvousaditque laplagequidépenddecettemaisonestunbonendroitpoursebaigner,etqu'elle-mêmevienticidetempsentemps—ellecroitd'ailleurs que personne ne le sait. Une fois ici, et parce que vous êtes une femme, vous n'aveznaturellementpaspu résisteràvotrecuriosité.Alors,vousavez trouvéuneporteouverte,etvousêtesentrée.Zoerougitets'envoulutderéagirainsi.Elleluienvoulaitencoreplusd'avoirprovoquécetroubleenelle.Elleréponditfroidement:—Vousavez raison jusqu'àuncertainpoint. J'étais intriguéepar le faitque lamaisonsoitvideparcequ'ellepourraitm'intéresser...—Jeviensdevousdirequ'ellen'estpasàvendre.—Vraiment?Ehbien,cen'estpasunechosedontjesouhaitediscuteraveclesemployésdelamaison.Ellemarquaunepausepourménagersoneffet,etfutcontrariéedelevoirsourire.—Est-cequelepropriétairesetrouveàThaniaencemoment?demanda-t-elle,décontenancée.—Non,ilestàAthènes.Elleavaitenviedeluidire«c'estcequevouscroyez»enagitantsonactededonationdevantlui,maislaprudencel'enempêcha.Maislejourviendrait,sedit-elle.Etcetteidéelaréjouissait.Lapremièrephrasequ'elleapprendraitengrecserait«Vousêtesrenvoyé».Elle fronça légèrement lessourcils. Il fallaitqu'elle redescendesur terre :elleétait intéresséeparunetransactionimmobilièreetelleparlaitàunsimplemembredupersonnel.C'étaitainsiqu'elledevaitgérerlasituation.—C'estdommage.Maisjesupposequ'ilyaquelqu'unsurl'îlequipourraitmedirecommentlecontacter.—Ehbienoui,despinis.Vouspourriezmeledemander.Sonvisageétait sérieux,mais savoix trahissaituncertainamusement,provoquantenelle l'impressiondésagréablequ'ilsavaitexactementcequ'elleressentait.Zoerelevalementon.—Jenepensepasquecesoitunebonneidéedel'aborderparl'intermédiairedesonjardinier,rétorqua-t-ellesèchement.—Maisjenesuispasseulementlejardinier,ditdoucementsoncompagnon.Jem'occupedebeaucoupd'autreschosespourlui.Enfin,sivoussouhaitezluiparlerdirectement,ilserabientôtderetouràThania.D'iciunesemaine,enprincipe.—Etillogeraici?—Non,dit-ilaprèsunepause.Ilnelogejamaisici.Ilasaproprevilla,nonloind'ici.—Queldommage!C'estunemaisonmagnifique,maisellevasedétériorersiellen'estpashabitée,niaimée.—Vousvous trompez,despinis.S'ilestunechosedontcettemaisonn'a jamaismanqué,c'estd'amour.

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Chaquemur,chaquepoutre,chaquepierreestemplied'amour.L'amourestsaraisond'être.Ellefutémueparlapassionsoudainequis'étaitemparéedeluienparlant,etparlacolèrequiluisaitdanssesyeux.Ellepoursuivit,incertaine:—J'attendrai,alors,etjeluiparlerai,quandilserarentré.Maintenant...jeferaismieuxdepartir...—Pouralleroù?Laduretédesonvisageavaitfaitplaceàunsourire,sesyeuxnoirsl'étudiaientdenouveau.—Alaplage,commevousl'aviezprévu?Zoesemorditlalèvre.—Non,c'étaitunemauvaiseidée,jesuisdésolée.—Pourquoi?Lamerestchaude,lesableestdouxetpersonneneviendratroublervotretranquillité.Elleétaittroublée,sedit-elle.Toutsonêtreétaitperturbé,etellen'aimaitpascela.Ellehaussalesépaules,essayantdesourireàsontour.—Çam'estégal.—Vousaimezbienlamaison.Etjesuissûrquemonemployeursouhaiteraitquevousappréciiezaussisaplage.Ilyauncheminquidescenddelaterrasse.Jevaisvousmontrer.—Jenepensevraimentpasque...—C'estpourcelaquevousêtesvenueàThania?Pourpenser?Ils'étiraparesseusement,reculantunpeupourluilaisserlepassage.—Allons,arrêtezunpeudepenser,despinis.Apprenezàvousdétendre.Laissez-vousaller.—Bien,danscecas...Maisjeneveuxsurtoutpasvousempêcherdetravailler.—Nevousinquiétezpas.Montravailmeretiendraloindevous,vousn'aurezdoncrienàcraindre.Zoeseraidit.—Jen'aipasdu toutpeur.Et j'aidumalàcroireque leharcèlementdes touristesfassepartiedevosattributions.Illuilançaunregardamusé.—Maisjenefaispasquetravailler...Puisilseretournaetsedirigeaverslaported'entrée.—Décidez-vous,despinis.J'attendspourfermerlamaison.Semordantlalèvre,Zoelesuivitau-dehors.Ilscontournèrentlaterrassejusqu'auportailqu'ellen'avaitpasremarquéauparavantetqu'illuiouvritgalamment.—Jevousconseillederevenirparici.LecheminquelafemmedeStavrosutiliseesttropabrupt.—Merci,dit-ellefroidement.—Parakalo.Cefutunplaisir.Tandisqu'elledescendaitlesmarches,Zoesentitleregarddel'hommequilasuivait.Ellesutexactementàquelmomentilseretourna,commesilefilquilesavaitunisavaitsoudainétécoupé.Quelquesinstantsplustard,elleentenditunejeepdémarrerets'éloigner.Enfin seule, sedit-elle, étonnéedeconstatéeque son soulagementétait accompagnéd'un sentimentquiressemblaitbeaucoupàduregret.

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3.Ellerevisitamentalementchaquepiècedelavillapourenprendrepossessionenrêve.Ellenes'endormitpasprofondément.Ellesentaitlesablechaudsoussesdoigts,latexturedoucedesaserviette sous ses seins nus et les rayons du soleil dardant sur son dos, caressants comme desmainschaudes.Elleémitunlégersoupir,etfitlentementroulersesépaules,selaissantallerauplaisir.Elleseretrouvaunefoisdeplusenhautdesmarches,regardantverslebas.Ellerencontrasonregard,etcettefois-ci,elleleregardamonterverselleet...Ellerevintàlaréalitédansunsursaut.Soncœurbattaitlachamade.Elleseredressasursescoudesetregardapartoutautourd'elle,soudainprised'unepaniqueinexplicable.Laplageétaitdéserte.Elle se laissa retomber sur sa serviette, soulagée.Mais elle se figea soudain, interdite : le flacon decrèmesolairequ'elleavait remisdanssonsacétait là,devantelle sur le sable,posécontreunepetiteglacière,sortiedenullepart.Cesdeuxobjetsluiindiquaienttrèsclairementque,sielleétaitseuleàprésent,elleavaitbieneudelacompagniequelquesinstantsauparavant,pendantqu'elledormait,vulnérable.Sagorgeseserra lorsqu'ellesentit sursapeau l'odeurde lacrèmesolaire récemmentappliquée,et seremémoralasensationtroublantedesmainscaressantessursondosnu,ainsiquesaréactionlasciveetsensuelle...«OhmonDieu,ilétaitlà,ilm'atouchée...etilm'avuequasimentnue!»Iln'avaitd'ailleursmêmepasessayédes'encacher,remarqua-t-elleaveccolère.Ellesaisitfébrilementle haut de son bikini et l'attacha, les mains tremblantes. Il était certes un peu tard pour ce genre deprécautions...Illuiavaitditqu'ilpartait,etelleavaitentendusavoituredémarrer.Maisilétaitrevenudiscrètement...Lesmisesengarded'Adèlerésonnaientdistinctementàsesoreilles,luiconseillantdefuirtantqu'ilétaitencoretemps.Elleattrapasonsacety fourra sesaffaires. Il existaitunautrecheminpourquitter laplage,celuiqueSherryempruntait,etelleElleétaitentraindesemonterlatête.Ilétaitparti.Ilétaittempsqu'ellereprennesesespritsetqu'ellel'oublie.Sabaignadedetoutàl'heureavaitététrèsagréable.Aprésent,aprèss'êtresoigneusementappliquédelacrèmesolaire,elleétaitallongéesursaservietteetavaitsortisonroman.Maisellen'arrivaitpasàseconcentrersursalecture, leslettressemblaientdanserdevantsesyeuxet laissèrentbientôtplaceàunesilhouetteaubeauvisagebronzé.Au fond, il était normalque l'imagedecethommesoit ainsigravéedans samémoire,puisqu'il l'avaitsurpriseentraindefureterhonteusementdansunepropriétéprivée.Ilauraitpularemettreauxmainsdelapolice,oumêmeexigerunetoutautrecompensation...Mais inutile demonter cette histoire en épingle. Elle s'assit et fouilla dans son sac pour en sortir sabouteille d'eau. Elle constata que celle-ci était presque vide, il lui faudrait donc se rationner. Ellerepoussasonlivre,s'allongeasurleventreetdéfitl'agrafedesonbikini.Unevraieséancedebronzageneluiferaitpasdemal.Ellepourraitensuiterentreràl'hôtel,s'asseoiràl'ombreetboirequelquechosedefrais.Elle croisa les bras sous sa tête et ferma les yeux. Le murmure des vagues semblait envahirprogressivementsespenséesetbalayerlesdoutesetlesinquiétudesdesajournée.Cette île était vraiment idyllique. Elle se sentait bien. Elle avait l'impression de se trouver devant le

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tableaudesamèreetd'yentrercommeAlicedanslePaysdesMerveilles.Perduedanssespensées,semoquait bien à présent qu'il soit abrupt ou accidenté. Quand elle prit sa robe pour l'enfiler, elle vitl'inconnudescendrelesmarches,unparasolsouslebras,unebouteilled'eaudansl'autreetuneservietterouléesurlesépaules.Ilétaittroptardpourcourir.Rassemblantsoncourage,elleselevaetleregardas'approcher,furieuse.—Jecroyaisquevousaviezàfaireailleurs?—J'aiaussidroitàunepausedéjeuner, répliqua-t-ilenmontrant lapetiteglacière. Jemesuisditquevous aimeriezmanger quelque chose avecmoi, ajouta-t-il, apparemment inconscient du ton hostile deZoe.—Ehbien,vousvousêtestrompé!—Tantpispourmoi.Maisbuvezaumoinsunpeud'eau, jevousenaiapporté. Ilestdangereuxdesedéshydrater,etj'aivuquevotrebouteilleétaitpresquevide.Ilplantalepieddesonparasoldanslesableetlepositionnadefaçonàfairedel'ombresurlaserviettedeZoe.—Vousavezoséfouillerdansmesaffaires...Ilhaussalesépaules.—Jecherchaisdelacrèmepourvousenmettresurledos.Vousrisquiezdeprendredescoupsdesoleil.C'estcommeçaquej'aivuqu'ilnevousrestaitquetrèspeud'eau.—Jesuissûrequevousavezvouluêtregentil,commença-t-ellesèchement.—Vouscroyez?demanda-t-ilensouriant.Oui,ilyapeut-êtreunpeudeça.Oupeut-êtrequej'aipenséàlacolèredemonemployeurs'ilavaitapprisquevousétiezà lacliniqueavecdesbrûluresaupremierdegréouuneinsolation,incapabledeparleraffairesaveclui.Allez,buvezunpeu,dit-ilenluitendantlabouteilled'eau.—Ceneserapasnécessaire.Jeretourneàl'hôtel,jepourraiboirelà-bas.—Jevois.Ilgardalesilencependantunmoment,puisluidemanda:—Avez-vousdéjàséjournéenGrèce?—Non,enfaitc'estlapremièrefois,mais...—Mais vous devriez savoir qu'il vaut mieux se reposer pendant les heures les plus chaudes de lajournée, et ne pas entreprendre d'effort physique lorsque ce n'est pas indispensable, dit-il d'un tonautoritaire.IlposalabouteillesurlaserviettedeZoe,etreprit:—Laplagenevousplaîtpas?—Elleestparfaite.—Jusqu'àcequejeviennegâchervotreplaisir.—Pourtant,vousavezquandmêmel'airdécidéàrester.Déconcertée,ellelevitétalersaserviettesurlesable.—Jeviensicitouslesjoursàcetteheure.Tandisquevous,despinis,n'êtesiciquesurmoninvitation.Etlaplageestbienassezgrandepournousdeux.—Jenesuispassûrequevotreemployeurseraitd'accord.Sait-ilàquoivousoccupezvotretemps?—Ilconsidéreraitsansaucundoutecommedemondevoird'offrirl'hospitalitéàsoninvitée.— Je ne suis pas son invitée. Pas officiellement. Et vous avez une bien étrange conception del'hospitalité.—Commentça?demanda-t-ilenhaussantlessourcils.Jevousaiapportéàmanger,àboireetdequoivousabriter.Il était debout, lesmains sur les hanches, et la contemplait avec une admiration non dissimulée. Son

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regards'attardasurlacourbedesesseinsquesonbikinicachaitmal.—Maissij'aioubliéquelquechose,ilvoussuffitdemeledire,ajouta-t-ild'unevoixchaude.—Merci,réponditZoe.Vousenavezdéjàbienassezfait.Iléclataderire.—Allons-nousenfindéclarerunetrêve,despinis?Cettejournéeesttropbellepoursequereller.Etsivousnevoulezpasdéjeuneravecmoi,buvezaumoinsunpeud'eau.Zoe lui lança un regardméfiant, puis s'agenouilla et versa dans sa bouteille un peu de l'eau qu'il luioffrait.—Merci.Ellereposalabouteillesurlecoinlepluséloignédelaserviettesurlaquelleils'étaitallongépendantcetemps,toutàfaitàsonaise.—Efharisto,corrigea-t-il.Sivousavez l'intentiondeprolongervotre séjour surcette île, ilva falloirapprendreunpeudegrec.—J'aiachetéunguidedeconversation.Jen'aipasbesoindeprofesseurparticulier,merci.—Ilyaaussi l'attitude.Vouspourriezpeut-êtreapprendreunpeudephiloxenia, l'attitudechaleureusedesGrecsenverslesétrangers.Parcequecertainspourraientnepascomprendrevotrecomportement.—Jenepensepasquedanscettesituationla«chaleur»soitindiquée.Ilseredressasuruncoudeetplantasonregarddanslesien.—Qu'est-cequivousrendsinerveuse?Vouscroyezpeut-êtrequej'ail'intentiond'abuserdelasituation?Non, despinis.D'abord, il fait beaucoup trop chaud.Ensuite, la perspectivede forcer lamain à unefemmen'ariend'excitantpourmoi.Ils'allongeadenouveau,lesdoigtscroisésderrièresatête,contemplantlecield'unbleuintenseetreprit,pensif:—Jepréfèreune chambre fraîche, des rideaux tirés, un lit confortable, et une jeune femmequi auraitenvied'êtreavecmoiautantquej'auraisenvied'êtreavecelle.Iltournalatêteetluisourit.—Etriendemoins!Alorsvousvoyez,vousêtesensécurité.Zoerougitetditd'unevoixtroublée:—Vousendressezuntableau...trèsvivant.—Etrassurant,j'espère.—Oui,concéda-t-elle.—Assezpourmedirevotrenom?—C'est...Zoe,répondit-elleaprèsunehésitation.— Un prénom grec, approuva-t-il. Et moi, je m'appelle Andréas. Maintenant que nous nous sommesconvenablementprésentés,aimeriez-vouspartagermondéjeuner?Zoenevoyait plus aucune raisonde refuser.Et il valait peut-êtremieux avoir une attitude concilianteavecluicarquisaitsicethommenepourraitpasl'aider?Elleluiadressaunsourirecontritetmurmura:—Oui,avecplaisir.Laglacièrecontenaittoutessortesdevictuailles:pouletfroid,salade,olivesnoires,tomates,fetaetpainfrais.Ilyavaitaussiuneboîteenplastiquecontenantdesgrappesderaisinetdespêches,ainsiquedeuxbouteillesglacéesdebière,deuxverresenveloppésdansdes serviettes,desassiettesenpapier etdescouverts.Malgrésesréserves,Zoemangeadebonappétit.Lepouletétaitsucculent,etlesolivesetlestomatesluiparurentbienplussavoureusesqu'enAngleterre.—Voulez-vousunepêche?

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Ilpelalefruitpourelleavecdesgestesprécis.Elleenprofitapourobserversesmains,seslongsdoigtsetsesonglessoignés...Ilétaitplutôtsophistiquépourunjardinier!Etmêmesisavoixgravetrahissaitunlégeraccent,sonanglaisétaitparfait.Lapêcheétaitexquise,juteuseetsucréeàsouhait,maisZoefutgênéedesentirunegouttedejusperlersursonmentonpourensuitealler seperdreaucreuxdesesseins.Ellevitquecet incidentn'avaitpaséchappéàAndreas,cequil'embarrassaencoreplustandisqu'elles'essuyaitavecsaserviette.Pourdétournersonattention,elleluidemanda:—Vousaimezlejardinage?—J'aimebeaucouplesrésultatsquel'onobtient.Pourquoi?Vousenvisagezdefaireappelàmesservicesquandvousviendrezhabiterlavilla?Elles'essuyalesdoigts.—Jen'yaipasencoreréfléchi,mentit-elle.—Alorsréfléchissez-ymaintenant.—Vousêtessidemandé?—Biensûr.Maisjepourraismelaisserconvaincredevousfaireunepetiteplacedansmonemploidutempssurchargé.Soit il avait un ego surdimensionné, soit il plaisantait.Zoepenchait plutôt pour la secondehypothèse.Elleréponditfraîchement:—Jecrainsquevostarifsnesoienttropélevéspourmoi.—Vousm'envoyeznavré.Peut-êtrepourrions-nousparveniràunarrangement?Ilplantasonregarddanslesien,etcontinuad'unevoixdouce:—Laplupartdeséchangeséconomiquesdecette île sontbasés sur le systèmedu troc.Sivousvenezvivreici,ilfaudravousyhabituer.Dites-moi,Zoemou,quefaites-vousdanslavie?—J'enseigne,répondit-ellebrièvement.L'anglais.—Danscecas, iln'yaplusaucunproblème.Jem'occuperaidevotre jardinetvousmedonnerezdescoursd'anglais.Zoeluilançaunregardfulminant.—Jetrouvequevotreanglaisestdéjàtrèsbon.Les yeuxd'Andreas pétillaient.Elle remarquamalgré elle quede petites paillettes dorées scintillaientdansleursombreprofondeur.—Merci,dit-ilensoupirantdemanièreaffectée.Alors,ilfaudraquenoustrouvionsautrechose.—Jepourraisaussitrouverunautrejardinier.Detoutefaçon,rienneditquevotrepatronacceptedemelouerlavilla.—Jenevoispascommentilpourraitvousrésister,Zoemou.Surtoutsijevousapportemonsoutien.—Vouscroyezvraimentquelefaitdetondrelapelouseetd'enleverlesmauvaisesherbesvousaccordeautantdecrédibilité?Commec'estintéressant!Etvotrepatronvousécoutera?—Ilaconfiancedansmonjugement.Jeluidisquellesbranchesilfautgarderparcequ'ellesdonnerontdes fruits et lesquelles il faut couper parce qu'elles sont trop faibles. Pour moi, la nature humainefonctionnedelamêmefaçon.Stupéfaite,elles'entenditdemander:—Etmoi,jefaispartiedequellecatégorie?Lesourired'Andreassefitplusdur.—Quandjel'auraidécidé,Zoemou,jevousledirai.Ilramassalesreliefsdeleurrepasetlesrangeadanslaglacière.Surceilseleva,déboutonnasonshortsanshâteetlelaissatombersursesjambes,révélantunboxernoir.Puisildescendittranquillementverslamer.

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La bouche sèche, Zoe le regarda partir. Il avait un corps extraordinaire,mince, ferme et parfaitementproportionné.Seslonguesenjambéesluiconféraientunedémarchesouple,presqueféline.Zoe,enlevoyantplongerdansl'eauetcommencerànagerverslelargeavecdesmouvementspuissants,revintsoudainàlaréalité.Peut-êtreétait-celemomentdeluifaussercompagnie?Elleenfilasarobe,secouasaserviette,attrapasonsacetsedirigeaversl'escalier.Achaquepas,elles'attendaità l'entendre l'appeler,oumêmeàsentirsamain,humideetsalée,poséesursonépaulepourl'arrêter,etl'obligeràsetournerverslui.Arrivéeenhautdesmarches,Zoerisquaunœilderrièreelle.Elledistinguaparfaitementlatêtesombred'Andreasetsoncorpspuissantquifendaitlesflotssansdifficultéapparente.Heureusementpourelle,iln'avaitpasremarquésondépart.Pourtant,unefoisqu'elleeutatteintl'ombredesoliviers,ellesemitàcourirdetoutessesforces,etnes'arrêtapourreprendresarespirationquelorsqu'elleatteignitlaroute.Elleavaittrèschaudlorsqu'ellearrivaàl'hôtel.Elledécrochasaclédutableaudelaréceptionetmontadanssachambre,soulagéedenepascroiserSherryetdenepasavoiràluiracontercommes'étaitpasséesajournée.Quand viendrait l'heure du dîner, elle aurait sans doute recouvré son calme et arriverait à faire uncommentaireneutresurlescharmesindéniablesdeThania.Ellepourraitpeut-êtretransformersamésaventureenuneanecdoteamusante.«Là-haut,danslavilla,jesuis tombéesur le jardinier, surgidenullepart.Maispourquiseprend-ilavecsesgrandsairs?»Etpeut-êtrequeSherrylesauraitetpourraitleluiapprendre.Maispourquoiavait-ellebesoindelesavoir?Parce que c'était une très petite île et que même si elle évitait la Villa Danae jusqu'à ce que sonpropriétaire revienned'Athènes, ellepouvait tomber surAndréasà toutmoment ; il lui fallaitdoncunplanpoursauverlaface.Ellenedevaitcependantpassefaired'idées:ilneperdraitpasplusdetempsavecelle.Aprèstout,ellen'étaitpaslaseuletouristedemoinsdevingt-cinqanssurThania!Elledécidadeprendreunedouchefroideet laissalongtempsl'eaufraîchecoulersursescheveuxet lelongdesoncorpsbrûlant.Celanesuffitpas,hélas,àeffacerletroublequil'avaitenvahiedepuissarencontreavecAndreas.Ilfallaitregarderleschosesenface:celafaisaittroplongtempsqu'ellen'avaitpasprispartaujeudelaséductionpourqu'ellepuissesemesureràunadversairecommecebeauGrec.LepauvreGeorge,avecsesdéclarationsmaladroites,étaitplusàsaportée.Pascommecethommerompuàcejeusensueldepuisl'adolescence!Ellesortitdeladouche,seséchapuisenfilaunpeignoirdesoieetpritunecanettedelimonadedanssonminibar.EllesaisitlesdocumentsdelaVillaDanaeetsortitavecsaboissonsurlebalconpours'installerdansletransat.Ilfallaitqu'elletrouvequelqu'unquipuissevérifierlatraductiondudocumentoriginal.Elledevaitaussitrouverl'identitédel'employeurd'Andreas.Agacéeparlaseulementiondecenom,elles'agitasursontransat. Elle avait assez pris le soleil pour aujourd'hui. Contre la soie, sa peau était chaude,mais nebrûlaitpas.Elleledevaitprobablementàlacrèmesolairequ'Andréasluiavaitappliquée.Ellesentaitencoresesmainsglissersursondos...Bizarrement,ellenesesouvenaitaucontraired'aucundétail de son intimité avec Mick, qui avait pourtant été son seul partenaire. Elle ne devrait pas sesouveniraussiprécisémentducontactdesmainsd'Andreas...elledormait,enplus!Queseserait-ilpassésielles'étaitréveillée?Serait-ellerestéeimmobile,commesiderienn'était?Ouseserait-elleretournée,luioffrantsesseinsnus?L'aurait-elleattiréàelle,sanspouvoirs'enempêcher?

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Lagorgeserrée,ellesentitsonpoulss'accélérer.Toutcelan'étaitpasbonpourelle.Ilnefallaitpaslaissersonespritvagabonderdelasorte...Ilnes'étaitrienpasséetilnesepasseraitrien.Maisilfaudraitqu'elleprennegardeàchaquepasqu'elleferaitàpartirdemaintenant.Auloin,leferryétaitentraindequitterleport.L'espaced'uninstant,elleregrettadenepassetrouveràbord.Ellen'auraitjamaisdûentreprendrecevoyage—passanssavoiroùellemettraitlespieds.Ellen'auraitpasnonplusdûtrahirsonintérêtpourlavillasitôt.Maisavait-ellevraimenteulechoix?C'étaitçaoufiniraucommissariatpoureffraction.Toutecettehistoiren'étaitqu'unmalheureuxconcoursdecirconstances.Apartirdemaintenant,ilfaudraitque leschosesprennentun tourplus raisonnable.Zoe tenteraitdese renseignerauprèsdeSherry, sansavoirl'airtropcurieuse,poursavoirquandlepatrond'Andreasallaitrentrer.Siellevenaità rencontrerAndreasentre-temps,elle lui laisseraitsimplementcroirequ'elle l'avait faitmarcher.—Alors,laplagevousaplu?demandaSherryenapportantunecoupelledetaramasurlatabledeZoe.—Ohoui...seulement,ellen'étaitpasaussidésertequevousmel'aviezdit!—Mince!Est-cequeSteveDragosestrentré?Jen'étaispasaucourant.Jecroyaisqu'ilétaitencoreàl'hôpitalaprèssacrisecardiaque.— Je ne pense pas que l'homme que j'ai vu soit sujet aux problèmes de cœur. Il avait l'air d'être lejardinier.—Vraiment ? Jene savaispasqu'il y en avait un.C'est peut-êtrequelqu'unde la familledeHara, lapersonnequis'occupedelamaison.Comments'appelle-t-il?—Jenemesouvienspasqu'ilm'aitditsonnom,prétenditZoeenversantdel'eaudanssonverre.Elles'étaitsoudainrenducomptequ'ellenevoulaitpasentendreconfirmertoussespréjugéssurlui.EllenevoulaitpasqueSherryluiracontequelelitd'Andréasnecomptaitpluslenombredesesvisiteuses,niqu'ellelataquinesurleurrencontre.—EtquiestceSteveDragos?—Oh,justenotremilliardairelocal,réponditSherryenhaussantlesépaules.Ilpossèdedespétroliersetdes entreprisesde transport dans lemondeentier.Et entredeuxcontrats, il a trouvé le tempsde faireconstruirelaVillaDanae,—Jevois...,déclaraZoed'unevoixfaible.Maisilnevitpasdanslavilla?—Oh,non.Ilenauneautre,bienplusluxueuse,unpeuplushautsurlacôte.Sherryluilançaunregardinquiettandisqu'elleposaitsurlatablelapetitecarafedevinblancqueZoeavaitcommandée.—Dites,j'espèrequevousn'avezpaseud'ennuisparcequevousêtesalléelà-bas,dit-elletoutbas.—Non, ne vous inquiétez pas, la rassura Zoe, baissant la voix à son tour.Mais ils savent que vousutilisezlaplagedetempsentemps.—Aïe ! SteveDragos a dû installer des caméras quelque part...Heureusement que je ne fais pas denudisme!Surce,Sherrys'éloignapourprendrelacommanded'unefamilleallemandeàuneautretable.Enmangeantsagrilladedepoissonaccompagnéed'unesalade,Zoeselaissaassaillirpardesquestionsquilatorturaient:l'hommesurlaphotographieétait-ilSteveDragos?Etait-celuiquiavaitdonnélavillaàsamère?Etsioui,pourquoi?CommentdiableGina s'était-ellemiseà fréquenter lahaute sociétégrecque?Celan'avait aucunsens.

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Leurfamilleavaitcertestoujoursbienvécu,maisilsn'avaientjamaisroulésurl'or.Etjamaisellen'auraitsoupçonnésamèred'avoirappartenuàlajet-set!Zoesesentaitgagnéeparlemalaise,avecl'impressiondeplongerdansdeseauxtroublesetprofondes,sanspouvoirremonteràlasurface.Sonanxiétéétaitaccrueparl'idéequ'Andreaspouvaitàtoutmomententrerdanslacourdel'hôtel.Ilsavaiteneffetoùelleséjournait,etelleétaitsecrètementpersuadéequ'ilallaitvenirlachercherpourluifaireuneremarquebiensentiesursaretraitehonteuse.Pourtant,àchaquenouvelarrivant,soncœurfaisaitunbond.Maisaucunjeunehommegrandetarrogantnevintparcourirdesesyeuxsombreslaterrassedel'hôtel.Sondépartprécipitésemblaitavoireul'effetescompté,elleauraitdûs'enréjouir.Chaqueregard,chaquesourirequ'Andreasavaiteupourelleavaittrahideshabitudesdeséducteur.Sesrelationsdevaientêtreaussi fragilesetéphémèresque lespapillonsquivoletaientdans le jardinde lavilla.C'étaitbienladernièrechosedontelleavaitbesoin.ElleterminasonrepaspardesabricotsfraispuisuncaféavecuntraitdeMetaxa,lecognaclocal.—C'étaitexcellent,dit-elleàSherrylorsquecelle-civintdébarrasserlatable.Mescomplimentsauchef!— Il s'agit de ma belle-mère. Une cuisinière hors pair. Et une très bonne danseuse également. Vouspourrezleconstaterdemainsoir,carnousfaisonsvenirunorchestre.Touslesautresconvivess'enallaient,laplupartsedirigeantversleportàlarecherched'unetaverneoùprendreundernierverre.Zoeseditqu'ellepourraitenfaireautant,maisdécidafinalementderemonterdanssachambre.Lajournéeavaitétébienremplieetunelonguenuitdesommeilluiferaitleplusgrandbien.Deplus,ellesesentaitencoreplusseuleaumilieudetouscesgensencoupleouenfamille.Peut-êtreGina s'était-elle sentie seule, elle aussi, et que cela lui avait fait oublier ses principes.Elleavait alors flirté avecunhommequi se trouvait être assez richepour lui offrir unemaison au lieudutraditionnelbijouencadeaud'adieu...Cen'étaitpeut-êtreriendeplus,seditZoeenouvrantlaportedesachambre.En allumant la lumière, elle aperçut son reflet dans lemiroir— celui d'une jeune femme blonde auxgrands yeux clairs, dans une petite robe noire à bretelles, très décolletée. Une robe pour plaire auxhommes,sedit-elleensemoquantd'elle-même.Aprèstoutcequ'elles'étaitditpendantl'après-midi...Acetteheure-ci,Andreasavait fini son travailpour la journée,et ilétaitprobablement rentréchez luidansunedespetitesmaisonsblanchesdeLivassi,accueilliparsafemmeetuneribambelled'enfants.Acetteidée,sagorgeseserradouloureusement.

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4.Zoe passa une très mauvaise nuit, et se réveilla assez tôt pour voir le soleil se lever dans le cielimmaculé,annonçantunenouvellejournéedechaleurintense.Elleseleva,pritunedoucheetmitunejupedelinnoireavecundébardeurassortipar-dessussonbikini.Pour éviter d'avoir trop chaud, elle attacha ses cheveux au sommet de sa tête à l'aide d'une barretteargentée.—VousneretournezpasdanslabaiedelaVillaDanae?luidemandaSherryenluiservantuncafé.—Non,jecroisqueceseraitabuserdemachance,réponditZoe.Jepensequejevaisplutôtvisiterl'îlecematinavantqu'ilnefassetropchaud.J'aimeraisvoirtoutcequeLivassiaàoffrir.Et,pourquoipas,rencontrerl'oncleStavros...,ajouta-t-ellementalement.—Ehbien,vousenaurezvitefaitletour!répliquaSherryavecunepointed'ironie.Non,jeplaisante,Livassiestunetrèsjolieville.L'égliseestvraimentbelle,ellepossèdedesfresquesmagnifiques...maisjevousconseilledecouvrirvosépaulessivousvoulezyentrer.—J'aiprisquelquechoseaucasoù.Zoe fouilladans sonsacet en sortitunechemiseàcarreauxnoirsetblancs, assezgrandepourqu'ellepuissel'enfilerpar-dessussondébardeur.— Et faites attention à l'icône, ajouta Sherry en s'éloignant. Elle est censée aider les femmes qui laregardentàtomberenceintes,alorsvouspréférerezpeut-êtrel'éviter...—Ilest inutileque jeprennecetteprécaution,ditZoeenhaussant lesépaules. Jesuisunecélibataireendurcie.—C'estcequ'ellesdisenttoutes,répliquaSherryd'unairentendu.Laroutequimontaitàlapetiteplacedel'égliseétaitenpenteraide,ettellementétroitequeZoedutseplaquercontrelesmaisonsquilabordaientàplusieursrepriseslorsquedesvoiturespassaient.Quandellearrivaenhaut,elleétaitàboutdesouffle,maiselledevaitreconnaîtrequel'effortenvalaitlapeine:laplaceétaitcharmanteavecsescolonnesvénitiennesetsapetiteéglisebyzantine.Devantl'église,souslesarbres,étaientdisposésdestablesetdesbancs,inoccupéspourl'instant.Peut-êtrequ'onnejouaitpasaubackgammonleweek-end,supposaZoe,déçue.Enfin,elletrouveraitd'autresoccasionsdereveniricipendantsonséjour.Après avoir revêtu sa chemise, ellepénétradans l'égliseoù régnait une atmosphèrede sérénité et uneodeurforted'encens.Unpopeportantunelonguebarbeetvêtud'unesoutanenoireremplaçaitlesbougiesdegrandscandélabres.Ellesepromena,lentement,tâchantdenepastroublerlesilenceparlebruitdesespassurlapierre.ElleadmiralespeinturesmuralesreprésentantdesscènesdelavieduChrist,quiluiétaientfamilières,etdesstatuesdesaintsauxtraitsanguleuxetauxyeuxpensifs.Sur les murs latéraux, des niches abritaient de nombreuses icônes, qui étaient apparemment toutesvénérées:ellenesutdoncpaslaquelleelledevaitéviterderegarder.Detoutefaçon,c'étaitunhommeenchairetosqu'elledevaitfuir,pasuneimagedoréepeintesurdubois!Lorsqu'elle sortit de l'église, elle se sentit accablée par la chaleur extérieure. Sous les colonnes, unkafeneion vendait des rafraîchissements. Zoe commanda une citronnade et s'installa sous la devanturepourobservercequisepassaitautourd'elle.Unedestablessouslesarbresétaitàprésentoccupéeparungroupedevieuxmessieurspenchésautourd'uneplanchequifaisaitofficedetable.Leursmainsbougeaientavecunerapiditéimpressionnante

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pourlancerlesdésetdéplacerlesjetons.L'oncleStavrosétait-ilparmiceshommes?Zoesavaitqu'ellen'oseraitpasinterrompreleurpartiepourleleurdemander.Ellesortitdesonsacunpetitguidetouristiquequ'elleavaitachetéencheminetsemitàlefeuilleter.Lelivre louait la merveilleuse tranquillité de l'île et indiquait que Thania était le refuge de quelquescélébrités,mais l'auteur n'avait pas grand-chose d'autre à raconter. Le guidementionnait cependant laGrotted'Argent,situéedel'autrecôtédel'île,quimenaitàunlacsouterrain.Onpouvaitlouerunbateaupourtraverserlelac,etlanuit,quandleclairdelunepénétraitparunefissuredanslavoûte,lesvisiteursseretrouvaientcommedansunécrind'argent.L'auteurprécisaitaussiqu'ilyavaitunéchodanslagrotte,quelesamoureuxutilisaientdepuisdesgénérationspourvérifierlafidélitédel'éludeleurcœur.Sioncriaitlenomdelapersonneaiméeetquel'écholerépétait,iln'yavaitrienàcraindre.Maiss'ilrestaitsilencieux,cen'étaitpasdebonaugure.Enfermantlelivre,Zoepritsoudainconsciencequequelqu'unlaregardait.Elle leva les yeux et rencontra le regardméfiant d'un nouvel arrivant dans le groupe des joueurs debackgammon.L'hommeétaitdecarrureimposante,avecunemassedecheveuxgrisetunvisageridéquiavaitdûêtretrèsbeau.Sesmainsétaientcroiséesdevantluisurunecannedebois.Quand elle croisa son regard, il ne détourna pas les yeux mais continua au contraire à la fixercurieusement,presqueférocement,commes'illaconnaissaitdéjà.Zoe,desoncôté,étaitprêteàparierqu'ils'agissaitdeStavros!Elles'étaitàpeinelevéedesachaisepourallerluiparlerqu'ils'étaitdéjàéloigné,d'unedémarcheplutôtrapidepourquelqu'unquiavaitbesoind'unecanne.Zoese laissa retombersursachaise,découragée.Ellesavait,pouravoirvudesphotosdesamèreaumême âge qu'elle, à quel point elle lui ressemblait. L'homme avait certainement remarqué cetteressemblance,maisiln'avaitvisiblementpasvoulunouerdecontact.Enfin,cen'étaitquesontroisièmejourdevacances,elleavaitencoreletempsdesatisfairesacuriositéàce sujet. Et elle était convaincue qu'elle y arriverait. Elle jeta un coup d'œil sur les joueurs debackgammon,maisilsétaienttotalementabsorbésparleurjeu.Sonenquêteayantsuffisammentavancépouraujourd'hui,elleréglasonadditionetdécidadereprendresonrôledetouriste.Maissur lecheminderetour,ellesesouvintduregardduvieilhommeetmillequestions luivinrentàl'esprit.Sherry n'avait pas menti en disant que la plage municipale était très fréquentée. Zoe commençait àcomprendrecequepouvaitéprouverunesardinedansuneboîtedeconserve...etencore,iln'étaitmêmepasmidi.On aurait dit que l'entière population deLivassi s'était donné rendez-vous à la plage pour bronzer, sebaigneroujouerauvolîey-ball,sedit-ellequandungrosballonatterritprèsdesaserviette,luienvoyantdusable.Le jeuneGrec qui courut vers elle pour le récupérer lui fit un large sourire accompagné d'un regardentendu,tandisquesonamiluicriaitquelquechosequidevaitêtreunencouragement.—Eh,joliefille,tuveuxjouer?demanda-t-il.—Non,merci.Après avoir répondu, Zoe se remit à lire ostensiblement son livre pour éviter de poursuivre laconversation.Ilsétaientquatreetn'avaientpascessédedérangertoutlemondedepuisqu'ilsétaientarrivés.Ellescrutalaplage,espérantapercevoirunedesfamillesquilogeaientàl'hôtelStavros,maistoutlemondeautour

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d'elleluiétaitinconnu.Detoutefaçon,ellefaisaitprobablementtouteunehistoiredecequin'étaitqu'unchahutinnocent.Siellenerépondaitpas,lesjeunesgensselasseraientetcesseraientcepetitjeu.Mais dixminutes plus tard, comme elle recevait toujours régulièrement du sable, elle en eut assez etpréféras'enaller.Ilétaitl'heurededéjeuner,detoutefaçon,etelleavaitenvied'essayerlatavernedepoissonqu'elleavaitrepéréesurleport.Elleenfilasachemiseàcarreauxsursonbikini,puisrassemblasesaffairesetseleva.Elleavaitespéréque les jeunesgarçons seraient trop absorbéspar leur jeupour la remarquer,mais aumomentoù elleatteignitlechemindepierrequibordaitlaplagepourretournerauport,elleréalisaquedeuxd'entreeuxlasuivaient.Elleaccéléralepas,trébuchantparfoissurlespavésavecsessandales,maisceluiquiluiavaitparléenanglaislarattrapasanseffortetposaunemainsursonavant-bras.—Tuviensprendreunverredanslebardemonfrère?—Nonmerci,réponditZoesanssourire.Elleessayadesedégagermaissanssuccès.—Tudoisêtregentilleavecnous.Sonacolytevintseposterdel'autrecôté,sibienqu'elleseretrouvapriseaupiègeentreeuxdeux.—J'ai travailléàZakynthos l'annéedernière,commença-t-il en roulantdesyeux.Toutes lesAnglaisesétaienttrèsgentilles.—Tu as un appartement ? demanda le premier.Allons-y prendre un verre, kouklamou.Ce sera pluscalme,plusintime.IlrelevalamanchedeZoeetcaressasapeauaucreuxdesoncoude,desesdoigtschaudsetmoites.LacolèredeZoecommençaitàlaisserplaceàlaterreur,maisellen'osaitpaslemontrer.Elleditd'unevoixfurieuse:—Lâchez-moi!Lâchez-moiimmédiatement!Ledeuxièmesemitàrire.—Soismignonne,etonteferapasserunbonmoment.—C'estça,etmoijevousferaivisiterlepostedepolice!Avecuneforcequ'elleneseconnaissaitpas,Zoe sedégageaet s'éloignaencourant.Maisquelquesmètresplus loin, elle seheurta àquelqu'unquibloquaitsarouteetreculaenpoussantuncri.—Ducalme,pehdimou.C'étaitlavoixd'Andréas.SesmainssefermèrentsurlesépaulesdeZoe.—Toutvabien.Vousêtessauvée.Par-dessussesépaules,ilregardasesassaillants,leurparlantàvoixbassedanssaproprelangue.Zoe vit, incrédule, qu'ils avaient soudain perdu de leur superbe. Puis Andreas haussa le ton et ilsrepartirentaussitôtverslaplage.—Ehbien,ditZoed'unevoixtremblante.Ilsnevousontpasopposébeaucoupderésistance,àvous.Ilsvousconnaissent?Andreasfronçalessourcils.—Biensûr.Thaniaestuneîletrèspetite.Jeleuraisimplementrappeléquenoustravaillonstouspourlemêmehomme,etquecelui-cineseraitpascontentdesavoirqu'ilsontharceléunetouriste.Maisjedoisvousdirequ'ilssontplusstupidesquedangereux.—Pasdemonpointdevue.Zoe recula d'un pas pour se libérer de son étreinte. Il était en jean, et sa fine chemise blanche étaitouverte, révélant, une fois encore, plus de peau dorée par le soleil qu'elle n'aurait voulu en voir.Troublée,ellesedépêchadereprendrelaconversation:—C'estvraimenttoutcequevousleuravezdit?

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—Disonsquej'aiajoutéquelquestournuresbiensenties,quejevousépargnerai.—Jevois.Maisaufait,quefaites-vousici?—Ehbien,j'étais,jecrois,entraindevoustirerdesgriffesdecesimportuns.—Non,jeveuxdire:commentsefait-ilquevoussoyezarrivépileaubonmoment?N'est-cepasuneétrangecoïncidence?—Vousaviezbesoind'aideetilsetrouvequejepassaisparlà.—Ilnes'agitdoncqued'unesimplecoïncidence?Ilhaussalesépaules.—C'est un sentier public, quimène à une plage publique. Pourquoi ne l'emprunterais-je pas ?Maisj'admetsquej'étaisvenuvouschercher.LepoulsdéjàrapidedeZoesemitàbattrecrescendo.—Etpourquoidonc?—Parcequelaplagedelavillamesemblaittropcalmesansvous,répondit-ilenluisouriant.Ethier,vousêtespartiesansdireaurevoir.— J'étais gênée. J'étais entrée par effraction. Je n'avais pas vraiment le droit deme trouver là, je lesavais.—Bienquejevousaieinvitéeàrester?— Vous savez, ce n'était pas vraiment à vous de le faire. Si votre patron désapprouve ceux quiimportunent les touristes, il ne doit pas non plus apprécier que vous receviez des visiteurs en sonabsence.—Jevousassurequ'ilenseraithonoré.—Peuimporte,jepensequ'ilvaudraitmieuxquejegardemesdistancesàprésent.—Alorslavillanevousintéresseplus?Vousavezchangéd'avis,vousnevoulezplusvivreici?—Jen'aipasditça.—Tantmieux,parcequej'aiparléàmonemployeurdevotreintérêtpoursamaisonetilestimpatientdevousrencontrer.Zoenes'attendaitpasàcela.Elleavait tentédemenersapropreenquêtepourgarderlecontrôledelasituation,maistoutsemblaitluiéchapperàprésent.—N'est-cepasunpeuprématuré?J'aicrucomprendrequ'ilétaitsouffrant...—Ilestenvoiedeguérison.Etils'ennuie.Ilabesoindedistractions,denouveauxcentresd'intérêtetvouspourriezluienfournir.—Jeveuxparleraffairesaveclui,jenesuispasuneactricedecabaret,réponditZoe.—Non,eneffet.Ellessontengénéralplussouriantes.Zoesemorditlalèvre.—Jesuisdésolée.Jesuisencorestresséeparcequivientdesepasser.—Vousavezbesoindemangerquelquechoseetdeboireunbonverredevin:venezdéjeuneravecmoi.Ainsi,pendantnotrerepas,vouspourrezexprimertoutelagratitudequevouséprouvezenversmoipourvousêtrevenuenaide,commevoussouhaitezcertainementlefaire.Zoesesentitdésemparée.Ilavaitencoreréussiàtournerlaconversationàsonavantage.Commentdiableyparvenait-il?Maisiln'étaitpasquestionqu'ellechanged'avis.Ellen'étaitpasprêteàrisquerunautrerepasentêteàtêteaveclui,mêmesicettefoisilyavaitunetablepourlessépareretdesgenstoutautourd'eux.Elleparvintàesquisserunsourire.—J'aidéjàprévuquelquechosepourledéjeuner.Jevousremerciepourtout:vousm'aveztiréed'unesituation...désagréable.Jevousensuisreconnaissante,jevousassure.Ellefaillitluiserrerlamain,maisseravisa.Ilvalaitmieuxévitertoutcontactphysiqueentreeux.—Alors,merciencoreet...àuneprochainefois,peut-être.Surce,elles'enalla.Cettefois-ci,ilavaitdû

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saisirlemessage.Deplus,vulesprixqu'elleavaitluslematinmêmesurlesmenusaffichésdevantlatavernedepoisson,elleluiavaitfaitunefaveur:iln'auraitpaspusepermettredel'inviteravecsapaiedejardinier.Lataverneétaitbondée,presquetouteslestablesétaientoccupées.Zoehésitaitsurleseuil,sedemandantsielleneferaitpasmieuxderevenirunautrejour,lorsqu'unserveurapparut.—Vousvoulezdégusterdupoissonfrais?Venez,jevousprie.J'aiunebonnetablepourvous.Elleseretrouvaenunclind'œilattabléesousl'auvent,dansuncoinisolé,àl'ombred'unjasmingrimpantsurunetreille.L'endroitétaitplusqu'agréable,sedit-elleensoupirantd'aise.Elletenditlamainpoureffleurerlespétalesjaunedorédesrosesenboutonquiornaientlecentredelatable,couverted'unenappeblancheimpeccable.Elleobservaaupassagequeseulesatablepossédaitunetelledécoration.Leserveurrevintavecempressementluiapporterunecarafed'eaufraîche,unpaniercontenantdespetitspainscroustillantsetdescouvertspourdeuxpersonnes.Voyantcela,elles'adressatimidementaugarçon:—Excusez-moi...Maisilétaitdéjàparti,slalomantentrelestables.Ilrevintuninstantplustardavecunseauàglaceetunebouteilledevinblanc.Cettefois-ci,Zoereculasachaiseavecdétermination.—Jesuisdésolée.Ilyavisiblementuneerreur.—Non,iln'yaaucuneerreur,ditAndreasens'asseyantleplusnaturellementdumondesurlachaiseenfaced'elle.J'espèrequevousavezfaim,poursuivit-ilensouriantàZoe,parcequeKostasnousatrouvéduhomard.Elle se rassit, paralysée par la colère, et le fusilla du regard tandis que le serveur remplissait leursverres.Dèsqu'ilfutparti,ellesepenchaenavant.—Queleschosessoientbienclaires:iln'yapasde«nous».—Non?Ilsuffitpourtantquedeuxpersonnessetrouventensemblepourquel'emploidecepronomsoitjustifié,ilmesemble.Etvousnepouveznierquec'estnotrecasencemoment.—Jemefichedevosconsidérationsgrammaticales:jem'envais.—Vousn'aimezpaslehomard?— Cela n'a rien à voir avec le menu, répondit-elle en se levant. Je n'apprécie pas d'avoir été ainsimanipulée.Jevousavaisclairementpréciséquejedéjeunaisseule.—Cemot,«seule»,encore.Dites-moi,pehdimou,savez-vouscequesignifie«Zoe»engrec?—Non.Lesyeuxnoirsd'Andreasfixèrentlessiens.—Celaveutdire«vie».Alors,commentpouvez-vousavoirtellementpeurdevivre?Zoerougitaussitôt.—Cequevousditesestméchant.Ettotalementinfondé.—Alorspourquoirejetez-vousl'amitiéquivousestofferte?—L'amitié?C'estcequevos«collègues»avaiententêtetoutàl'heure?—Vouspensezquejesuiscommeeux?demanda-t-ild'unairincrédule.Ellebaissalesyeuxverslatable.—Commentsavoir?répondit-elled'unevoixétouffée.Commentpourrais-jefaireladifférence?—Voilàunechoseàlaquellej'essaiederemédier,maissansgrandsuccès.Asseyez-vous,Zoemou,etjevousdiraitoutcequevousvoudrezsavoir.Voyantqu'ellehésitait,ilajouta:

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—Etpuis,Kostasseratristes'ilapprendqu'ilapréparésonexcellenthomardpourrien.D'unaircontraint,Zoeserassitsursachaise.—Jenesaispaspourquoij'accepte,murmura-t-elle.—Parcequevousavezfaim,réponditaussitôtAndreas.Etsoifaussi,ajouta-t-ilenlevantsonverre.Jeporteuntoastàvosyeux,agapimou.Surpriseparletonintimed'Andreasetconscientedufaitqu'ellerougissait,Zoefittinteràcontrecœursonverrecontrelesien.—Santé,répondit-ellegauchement.Leserveurreparutavecdesassiettescontenantdel'houmousetdutzatziki,unbold'olivesnoiresetunplatdesaladecomposée.—Vousaimezlacuisinegrecque?demandaAndreasenluiprésentantlacorbeilledepetitspains.—Toutcequej'aimangéicijusqu'àprésentétaitdélicieux.—Tantmieux.SurThania,vousnetrouverezquedesproduitslocaux.L'îleappartientàseshabitants.Ilspèchent,cultiventleursolivesetfontleurvin,etcelaleursuffit.—Etparfois ils jardinentpour lesriches,complétaZoeenprenantunmorceaudepainqu'elle trempadansdutzatziki.Est-cequecelasuffiraàvotrebonheurpourlerestedevotrevie?—Probablementpas.Maislejardinagenereprésentequ'unepartiedemesactivités,commejevousl'aidit,Zoemou.Jesuistrèspolyvalent,termina-t-ilensouriant.—Jevouscrois,réponditZoed'unevoixfaible.Lesourired'Andreass'élargit,luidonnantl'impressionqu'ilsavaitexactementàquoielleavaitpensé.—Etvous,pehdimou?Vouspensezenseignerl'anglaistoutevotrevie?—Probablement,répondit-elle,surladéfensive.—Quel dommage.Vous n'avez pas envie de vousmarier, d'avoir des enfants à vous au lieu de vousoccuperdeceuxdesautres?luidemanda-t-ild'unevoixdouce.ElleseremémoratoutàcouplademandeenmariagedeGeorgequ'elleavaitréussiàesquiverdanslebaràvinetseretintdesourire.Elleleregardadanslesyeux.—Non,pasdutout.J'aiunecarrièreprofessionnellequimecomble.—Etc'estcettecarrièrequivoustientchaudaulitlanuit?—Celanevousregardeabsolumentpas.Jecroyaisquecedéjeunerétaitcensém'enapprendreplussurvous.—Maisvouspouvezmedemandercequevousvoulez.Jesuisprêtàvousfournirdesréponses.—Ehbien,vouspourriezcommencerparmedirecommentvousvousappelez.—MonnomestStephanos,AndreasStephanos.Quevoulez-voussavoird'autre,Zoemou?Monâge,monpoids,mataille?—Jenepensepasquecelasoitnécessaire.Elleensavaitdéjàtropdanscedomaine,d'ailleurs.Toussessensenéveill'avaientdéjàbieninforméeàcesujet:ildevaitavoirlatrentaine,mesurerunmètrequatre-vingt-cinq,oupeut-êtreunpeuplus,etiln'avaitpasunseulkiloentrop.—Alors, quoi d'autre ? demanda-t-il en la regardant avec amusement.Mon signe astrologique ?Mesrevenusannuels?Ellehaussalesépaules.—Pourlapremièrequestion,jediraisquevousêtesscorpion.Lasecondenemeregardepas.Illuilançaunregardironique.—Vousn'êtesvraimentpasunefemmecommelesautres.—Non,eneffet.Etpourvotresigne,j'avaisraison?

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—Ehbien,jedoisdireque...oui,admit-ilenluiservantduvin.Alors,pourquoinemeposez-vouspasuneautrequestion?—Parcequejen'entrouvepas,réponditZoesimplement.—Non?Vousnevoulezpassavoirsijesuismarié?Elleseservitunpeud'houmouspoursedonnerletempsdetrouveruneréponse.—Jenesuispassûred'obteniruneréponsehonnête.—Quel intérêtaurais-jeàvousmentir?Surune îledecette taille, ilse trouveraitbienvitequelqu'unpourvousdiresij'étaismarié.Probablementl'épouseenquestion,d'ailleurs.Aprèsunsilence,ilreprit:—Etvous,Zoemou?Vousneportezpasd'alliance,mais celaneveutplusdiregrand-chose ànotreépoque.Est-cequ'unhommeattendvotreretour,incapabledetrouverlesommeilenvotreabsence?Ellesemitàdessinerdesformesimaginairessurlanappeduboutdesondoigt.—Jen'aipasvraimenteuletempsdesortiretderencontrerdesgensrécemment.Mamèreesttombéegravementmaladeetjesuisalléehabiteravecelle.—Jesuisdésolé.Ellevamieuxmaintenant,j'espère?Zoefixaittoujourslanappe,traçantdescercles.Ellesecoualatêteensilence.—Ah,pedhimou,dit-ild'unevoixdouce.Alorsnouspartageonslamêmedouleur,celled'avoirperduunemère.—Oh,je...jesuisdésolée,dit-elleenlevantlesyeuxverslui.Est-cequec'est...récent?—Celafaitmaintenantdixans.Elleatoujourseuunesantétrèsfragile.Maisquandçaarrive,onn'estjamaisvraimentprêt.—C'estvrai,c'esttrèsdur,confirma-t-elleensoupirant.Vousaveztoujoursvotrepère?—Oh,oui,dit-ilenesquissantunfaiblesourire.Maisvousavezperdulevôtre,n'estpas?—Oui.Aprésent,ilfautquejemeconstruiseuneautrevie,quejepenseàmoi.Cesvacancessontunnouveaudépart.Ilposaunemainsurlasiennepourapaisersontremblement.—C'estpourçaquevousvoulezêtreseule?Vouscroyezqu'enne laissantpersonneentrerdansvotrenouveaumonde,vousnesouffrirezplus?Çanemarchepascommeça,jevousassure.Unjouroul'autre,quelqu'un entrera dans votre vie, et que ce soit avec de bonnes ou de mauvaises intentions, vous nepourrezrienyfaire.Elle regarda les longsdoigts qui couvraient les siens.Tout son corps était soudain tendupar undésirardent.Elleretirabrusquementsamainetattrapaunmorceaudepainpourjustifiersongeste.—Avousentendre,toutcelaestbieneffrayant.Etj'aidéjàeumoncomptedefrayeurspouraujourd'hui.—C'estfini,maintenant.PersonnenevousferapluspeursurThania,jevouslepromets.Zoeluilançaunregardsceptique.—Vousavezdonctantd'influence?— Les gens savent que je suis un homme qui tient ses promesses, dit-il d'un ton décontracté maisconvaincant.—Alorsj'aidelachanced'êtretombéesurvous.— Ce n'est pas de la chance, matia mou, c'est le destin. Mais voici notre déjeuner, ajouta-t-ilprosaïquement.Zoeleregardaabasourdie,lesoufflecoupépartantd'assurance.Leshomardsétaientexcellents,servisgrillésavecunesauceaubeurrefondu.Il lui fut impossible de garder ses distances comme elle l'aurait voulu, au cours de ce repas aussiinformel,oùAndreasluimontraitenriantcommentmangeraveclesdoigtsetcasserchaquepetitepartie

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ducrustacépourenextrairelachairdélicieuse.Onleurapportaensuiteunplateaudecerisesetdeuxpetitestassesdecafégrecavecducognac.—Jecroisquejenepeuxplusbouger,confessaZoe.Andreasluisouritparesseusement.—Alorsnebougezpas,pedhimou.Riennepresse.Uncoupd'œil autourd'elle lui indiquaqu'il avait raison.Après l'agitationde l'heuredudéjeuner, unevaguedesomnolencesemblaitêtretombéesurlataverne.Laplupartdesclientsétaientconfortablementinstallés à l'ombre et attendaient que l'après-midi s'écoule. Les cris joyeux n'étaient plus quechuchotements.Ceuxquis'enallaientlentementétaientdescouples,remarquaZoe,etellesesouvintalorsdecequ'Andreas lui avaitdit àproposd'unechambre fraîchedans lachaleurde l'après-midi.Elle sedemandas'ils'ensouvenaitluiaussi.—Non, eneffet, jene suispaspressée, répondit-elle enessayantde recouvrer soncalme.Maisvousavezsûrementdeschosesàfaire.«Etdespersonnesàvoir...»Ilavaitditqu'iln'étaitpasmarié,maisilpouvaitavoirunefemme—ouplusieurs—danssavie.Ellesdevaientsûrementsebousculerpours'attirersesfaveursdepuisqu'ilétaitadolescent.Ilhaussalesépaules.—Rienquinepuisseattendre.Amoinsquevousnesouhaitiezvousdébarrasserdemoi...—Biensûrquenon.C'étaitenpartievrai.—Vousavezététrèsgentil,ajouta-t-elleprécipitamment.Jecrainsjusted'avoirabusédevotretemps.Ilposasurelleunregardlourddesous-entendus.—Vouscroyezquejesuissimplementgentil,Zoemou?Etesvousréellementsinaïve?LevisagedeZoesedécomposa.—Jenesuispasdutoutnaïve.Jevousavaisaccordélebénéficedudoute.Maisjevoisquej'aieutort,lança-t-elleenattrapantsonsac.Jevouspréviens,jetiensàpayermondéjeuner.—Vousperdezvotretemps,réponditAndreas,imperturbable.Kostasn'accepterapasvotreargent.—Etpourquoidonc?Ilsepenchaenavantetplongeasesyeuxdanslessiens.Zoeneputs'empêcherderemarquerqu'ilavaitdes cils extraordinairement longs, épais et recourbés, qui contrastaient avec la virilité troublante qu'ildégageait.—Pourlamêmeraisonquevouspourrezreprendrevotrequêtedesolitudesurlaplagemunicipalecetaprès-midi si vous le souhaitez, lui expliqua-t-il doucement. Parce que vous avez été vue en macompagnieetquecelavatrèsvitesesavoir.Celavousmetàl'abridetoutdérangement.Zoepoussasachaiseenarrièreetseleva,furieusedevanttantd'audace.— Je vous remercie,mais j'ai passé l'âge d'être chaperonnée.De toute façon, je ne suis pas près deretourneràlaplagemunicipale.Ildoitbienyavoiruneparcelledecetteîlequevotreréputationn'apasatteinte,etj'ailafermeintentiondelatrouveretd'ypasserlerestedemesvacancesenpaix.—Lapaix?demanda-t-ilenselevantàsasuite.Vousavezmisfinàtoutespoirdepaixenvousrendantàlavillahier.Etvous le savezaussibienquemoi, jeune fille, alorsneme regardezpasaveccesyeuxinnocents.—Puisquej'ailechoix,dit-elled'untonglacial,jenevousregarderaiplusdutout.Surce,ellefitvolte-faceetsortitdelataverne.Ellelongealeportpourregagnerl'hôtel,sansêtresûred'ytrouverlerepos.

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5.Allongéesursonlitàfixerleplafond,Zoenecessaitdeselerépéter:ellel'avaitéchappébelle!DéjeuneravecAndreasavaitétéunedesplusgrossièreserreursdesavieetelleavaithonteenrepensantàlafacilitéaveclaquelleelleavaitsuccombéàsoninvitation.Il était indéniable qu'Andreas Stephanos était un homme dangereusement séduisant, et ce n'était quelorsqu'ilavaithonteusementsuggéréquetoutlemondesurl'îlelaconsidéraitàprésentcommeunedesesconquêtesqu'elleavaitenfinrecouvrésesesprits,justeàtemps.Commentavait-ilréussiàacquérirautantd'ascendantsurleshabitantsdel'île?Celaavait-ilunrapportavec la richessede sonpatron,oubien était-ce simplementdû à soncaractère ?Sûrementunpeudesdeux.Entoutcas,ilfallaitabsolumentqu'ellel'éviteàpartirdemaintenant.Elletenaitàpeinesursesjambeslorsqu'ellerentraàl'hôtel,lachaleurécrasanteajoutantencoreàsontrouble.Sonpremier réflexeenarrivant futdeprendreunedouche fraîche,mais celaneparvintpas àl'apaisercommeellel'avaitespéré.Lecontactdufinparéosursapeauexacerbaitsessensetfaisaitnaîtreunechaleuraufondd'elle-mêmequilafaisaitfrissonner.Elleétaitincapabledemaîtrisercettevoluptéenvahissante.«Ridicule.Grotesque,même»,sedit-elle,s'envoulantdes'êtrelaisséealler.Elle s'était toujours considérée comme quelqu'un de très raisonnable. Alors, comment expliquer saréactionbrûlantefaceàunhommeaveclequelellen'avaitpaspasséplusdequelquesheures?Cen'étaitpas songenre, ellen'étaitpascommeça, se répétait-elleen se retournant sur leventrepourenfoncer la tête dans son oreiller. De toute façon, elle n'était pas là pour ça. Elle avait une missionsérieuseàremplir,ilnefallaitpasqu'ellel'oublie.Et puis, elle montrerait à Andreas qu'il existait au moins une touriste immunisée contre les attraitsindéniablesdesonphysique.«Maissic'étaitlecas,luidemandaunepetitevoixsournoise,pourquoinelereléguait-ellepasdanslemêmeplacarddesamémoirequeMicketlepauvreGeorge?»—Alors,commentétaitlegrandtourdeLivassi?demandaSherryenservantunverrederetsinaàZoequiétaitdescendueaubardel'hôtelavantledîner.—J'aitrouvéçamerveilleux,répondit-ellesincèrement.J'aimêmevulesjoueursdebackgammon.LeregarddeSherrypétilla.—Avez-vousfaitlaconnaissancedel'oncleStavros?—Malheureusement,ilpartaitaumomentoùjesuisarrivée.Inutiledepréciserquec'étaitellequil'avaitfaitfuir...—Çaneluiressemblepasdemanquerunebellefemmeblonde,commentaSherrygaiement.Ildoitenfinavoirprisconsciencedesonâge...Zoehaussalesépaulesensouriant.—Peut-être,dit-elle,ensepenchantpourgratterlatêted'Archimèdequis'étalaàsespieds,ravi.PlusieursclientscommençaientàentreretSherrys'éloignapourprendreleurscommandes.Zoebut sonvinàpetitesgorgées, savourant sonarôme résiné.LecommentairedeSherryàproposdel'oncleStavrossemblaitconfirmersapropreopinion.Maisellen'étaitpasn'importequelleblonde,elleétaitlafilledeGina,etlaressemblancen'avaitpaséchappéauvieilhomme,quienavaitétéincommodé.Zoedécidaderetournerausquaredèslelendemain.S'iltentaitdes'éclipser,ehbien,ellelesuivraitetluiposeraitdeuxoutroisquestions.Elledécouvriraitalorscequ'ilsavaitsursamèreetsurleséjourde

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celle-ciàThania.Parcequ'ildevaityavoirquelquechose.Elleperçutdesbribesdemélodiess'échappantdelacour,etsesouvintqueSherryluiavaitparléd'unorchestreetd'unesoiréedansante.Ilétaittempsdemettretoutessesréflexionsentreparenthèsespours'amuserunpeu!Elledînad'agneaurôti accompagné de pommes de terre sautées et de haricots verts.Elle savoura chaque bouchée de cedélicieuxrepas.Lestablessupplémentairesquiavaientétéinstalléespourlasoiréefurentrapidementoccupéespardesgensducoin.Lessoiréesdansantesdel'hôtelStavrosétaientdetouteévidencedesévénementsànepasmanquer,etlesgensyvenaientavectouteleurfamille.Deux jeunescouplesouvrirent ladanseencostumes traditionnelset se faufilèrententre les tablespourinviter les clients de l'hôtel à les suivredansune longue farandole.Lorsqu'ils arrivèrent auniveaudeZoe,ellesecouadelatêteensouriant:ellen'avaitjamaisététrèsdouéepourladanseetlacomplexitédespasàexécuterladécourageaitd'avance.Elletrouvaittrèsplaisantderesterassisedansuncoinàboireduvinetàécouterlesmusiciensjouerdubouzouki.Elleapplaudissaitenrythme,absorbéeparlesmouvementsdesdanseursquiavaientforméunlargecercle,quandunfrisson laparcourutsoudain.Ellen'entendaitplus lamusique,sesmainsavaientcessédebattrelamesure.Elletournalatêtepourregarderendirectiondel'entréedelacour,éclairéepardeslampions,avecunmélanged'excitationetd'effroi,toutensachantdéjàquiétaitlà.Andreas se tenait sous la voûte fleurie, unemain posée négligemment sur la hanche, l'autre tenant uneveste jetéenonchalamment sur l'épaule.Sesyeuxétaient fixés sur elle,un léger sourire flottait sur seslèvres.Lorsque son regard croisa celui deZoe, il la salua silencieusement, d'un signe de la tête empreint degravité.Déconcertée, elle le vit faire demi-tour et se diriger vers une table de l'autre côté de la cour. Sesoccupants se levèrent pour l'accueillir, lui souhaitant bruyamment la bienvenue, tandis que plusieursjoliesjeunesfillesmanœuvraientdéjàpours'approcherdelui.Zoeressentitundouloureuxpincementaucœur.Aumoins,leschosesétaientclaires.Ellesaisitsonverredevinetenbutunegrandegorgée.Ellenepouvaitpasseleverets'enaller,parcequ'alorsAndreaspenseraitquesesactesavaientuneffetsurelleetquelefaitqu'ilnesoitpasjvenulavoiravaitunequelconqueimportance.Non,ilfallaitqu'elleresteassiseencoreunedemi-heureaumoinsetqu'elletiennebon.Ellefrissonnaetbutencoreunpeudevin.Sonregard,hélas,étaitirrésistiblementattiréparAndreas.Ilpenchait la têtepourmieuxentendreceque luidisait la jeunefilleassiseprèsde lui,unecréatureauxgrands yeux noirs et à la bouche sensuelle qui ne cessait de lui parler en alternant sourires etmouesétudiées.Ellefutsoulagéedevoirlesdanseursreveniretdétournerunpeusonattention.Maissacarafedevinétaitpresquevideetellenepourraitpasresterlàindéfinimentàfairecommesitoutlafascinaitsauflui.Ellefinitparleperdredevue,jusqu'àcequesavoixluimurmureàl'oreille:—Venezdanseravecmoi.—Jeneconnaisaucunpas,répondit-elleenselevantnéanmoins.—Ehbien,jevaisvousapprendre.Il la suivit en marchant près d'elle, sans toutefois la toucher, jusqu'à la piste de danse. Il lui étaitimpossibledes'échapper.Ellesentittouslesregardsrivéssureuxetsemitàrougir.EllecroisaleregarddeSherryquiavaitl'aircatastrophée.—Andreas,jenepeuxpas...

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—Si,Zoemou,vouslepouvez.Ilsortitunmouchoirblancdesapocheetluienoffrituncoin.—Vousvoyez?dit-ilensouriant,moqueur.Nousnesommesmêmepasobligésdenous toucher.Pourl'enchaînementdespas,regardezcequefaitSoulaetsuivez.Zoe obéit en silence, sans détacher ses yeux des pieds de la danseuse en collant blanc et chaussuresnoiresàtalonsplats.Elletrébuchaunpeuaudébut,maissemitàimiterladanseuse,concentréesurlerythmedelamusique—bienplusrégulierquelesbattementsdesoncœur—etcommençaàselaisseraller.Elleritlorsqu'elleseretrouvaàtournoyerdansunsens,puisdansl'autre,eteutlesoufflecoupéenvoyantlepremierdanseurdelatroupebondirdanslesairsavantd'entamerunformidablejeudejambesetdesautspérilleux.Pendanttoutcetemps,elleneputoublierlaprésencedel'hommequitenaitl'autreextrémitédumouchoir,siprèsd'elletoutengardantsesdistances.Elleétaitpresquedéçuelorsquelamusiques'achevaetquelafarandolededanseurs,souriantsmaishorsd'haleine,sedispersa.Elle se retrouva assise à sa table. On avait déposé une nouvelle carafe de vin ainsi que des verrespropres et deux petites tasses de café épais, fort et doux à la fois. EtAndreas était assis à son côté.Commes'ilavaittoutprévudepuisledébut...—Alors,matiamou,commença-t-ildoucement.Vousm'avezmenti?—Menti?IlavaitdûapprendrequielleétaitetpourquoielleétaitvenueàThania.Ellenes'étaitpaspréparéeàcetypedeconfrontation—dumoins,pasaveclui.—Je...jenecomprendspas.—Vousm'aviezditquevousnesaviezpasdanser.—Oh,vousvoulezdire,ça...—Oui,«ça»,reprit-ild'unevoixmoqueuse.Quepourrait-ilyavoird'autre?Avecunpeudepratique,vousvousdébrouillereztrèsbien.«Dansqueldomaine?Ladanseoulemensonge?»sedemandaZoe.Ellerépliquacourageusement:—Est-cequecelaenvaudraitvraimentlapeine?—Maisoui.Sivousaveztoujoursl'intentiondevivreàlaVillaDanae.Amoinsquevousn'ayezchangéd'avis?Ellehaussalesépaules.—Celadépendradelafaçondontsedéroulerontlesnégociationsavecvotreemployeur.Parlez-moidelui...Ilbutunegorgéedecafé,l'airpensif.—Quevoulez-voussavoir?—Ehbien...quelâgea-t-il,parexemple?Oubien:a-t-ilconnuunejeunefemmequis'appelaitGina,parhasard?—Iln'estplus tout jeune,commençaAndreasen riantdoucement.Mais ilne seraitpascontentdemel'entendre dire. Il a encore l'âge d'apprécier le sourire d'une jolie femme, si c'est ce que vous voulezsavoir.Zoerougit.— Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire, répliqua-t-elle précipitamment. Vous... vous semblezbeaucoupl'aimer.Cefutàsontourdehausserlesépaules.—Ilaétébonpourmoi,pendantdesannées—àsafaçon.

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—C'estcommeçaqu'ilaachetévotreloyauté,jeprésume.Etceladevaitreprésenterbeaucoupd'argent,seditZoe,enobservantlachaîneenorciseléàsoncouetsamontrequiressemblaitàs'yméprendreàuneRolex.Andreass'étaitsoudainraidi.—Vouscroyezpeut-êtrequejesuisàvendre?demanda-t-ild'untontropcalme,inquiétant.Ehbien,vousvoustrompez.Jen'appartiensàpersonned'autrequ'àmoi-même.Zoerelevalementon.—Vousacceptezsonargent,luifit-elleremarquer.—Cetargent,jelemérite,soyez-encertaine,Zoemou.—Etterroriserlesgensfait-ilpartiedevosdevoirs?Ilfronçalessourcilspendantunmoment,puissonvisages'illuminad'unlargesourire.—Quiai-jebienputerroriser?Vous,pehdimou?Certainementpas.—J'aipuconstaterl'effetquevousfaisiezàcesstupidesgaminssurlaplage.Etquandvousêtesarrivécesoir,toutlemondes'esttu.—Ahoui?demanda-t-ild'untonmoqueur.Jen'aipasremarqué.Jen'avaisd'yeuxquepourvous.Elleavalaavecpeinesasalive.—Cen'estpasvrai.—Pourtantjesuislà,avecvousetpersonned'autre.—Pourquoi?demandaZoe,peinantàcontrôlersarespirationquis'emballait.Parcequejesuispartiesansvotrepermissiondu restaurantetquevousaviezbesoinde rétablirvotreascendant surmoi?Depeurquelanouvellecirculeetquevousperdiezlaface?Illaregardalongtemps,posément,jusqu'àcequesonregardrencontrelesien.—Est-cevraimentcequevouspensez,Zoemou:quej'aiquelquechoseàprouver?Enréalité,peut-êtrequejebénéficiesimplementd'unepartiedurespectqu'ilséprouventpourmonemployeur.—Est-ildoncsipuissant,mêmeàdistance?—Vousenjugerezparvous-même,pehdimou,lorsquevouslerencontrerez.—Oui,réponditZoesansenthousiasme,jesuppose.Savez-vousquandilrentrera?—Dèsquesesmédecinsleluipermettront.Andreasgardalesilenceuninstant,puisproposa:—Si vous êtes si impatiente,matiamou, je devrais peut-être vous présenter àmon amiDimitrios. Iltravaille dans l'immobilier et il pourrait vous trouver une autre propriété qui pourrait également vousconvenir.---Non!—Vousvoulezdirequec'estlaVillaDanaeourien?Pourquoidonc?Elleavançaitenterrainminé,maiselleparvintàsefabriquerunsourireinsouciant.—Ilsetrouvequelavillaestadmirablementbienplacée.Jamaisjenetrouveraiunbiencomparable.Enplus,ellen'ajamaisétéhabitée,personnen'enavraimentprofité.Jetrouveça...tragique.—MaismêmeunparadiscommeThaniapeutavoirsonlotdetragédies,Zoemou.Etiln'estpeut-êtrepasraisonnabledevousfixersurcettemaisonenparticulier.Mon...patronaacceptédevousrencontrer,riendeplus.Un instant, elle fut tentée de se confier à lui, lui dire pourquoi elle était àThania et lui demander del'aider.Maissaraisonrepritledessus,luirecommandantdenepasfaireunechoseaussiinconsidérée.Andreasétaitl'hommedeSteveDragos,ilétaitdoncpeuprobablequ'ils'engagedansquoiquecesoitquipuissenuireauxintérêtsdesonemployeur...Peuimportecequiavaitpuseproduireparlepassé,lespromessesquiavaientpuêtrefaites,letemps

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s'étaitécouléetiln'yavaitaucunegarantiequecemonsieurDragoscèdelavillasansdifficulté.Elleluisourit,butunpeudevin.—Ehbien,jen'aiplusqu'àcroiserlesdoigts.—Siçanemarchepas,sivousn'obtenezpaslamaison,vouspartirez?—Oui.Ilsourit.—Alorsilfaudraquejetrouvelemoyendevousfairechangerd'avis,agapimou.Pourl'instant,allonsdanser,luiordonna-t-ilenselevant.Voilàaumoinsunechosequ'ellepouvaitaccepter,seditZoe,soulagée,enselevantpourlesuivre.Cettesoiréefut inoubliable,un tourbillonexaltantdesonsetderythmes.La tête lui tournait,elleavaitl'impressiondevoler.Andreas était à son côté, toujours relié à elle par le carré de tissu blanc, lui chuchotant desencouragementsàl'oreille,sesyeuxnoirssemblantladéshabillerduregard.—Jen'enpeuxplus,protestait-elleenriant.Ellefinitparallers'appuyercontrel'undespoteauxdeboisquisoutenaientlatreilledelavigne,etportalamainàsescôtes.—Maislanuitnefaitquecommencer,argua-t-il.—Paspourmoi,répondit-elleensecouantlatête.Ilfautquejemerepose.Siçacontinue,jenepourraimêmepasmarcherdemain.J'auraitropmalauxpieds.—Alors il faudravouspromener envoiture, dit-il d'unevoix calmemais insistante. Jeviendrai vouschercheràl'hôtelàdixheures,etjevousmontreraimonîle.Zoehésita.Ellesentitsagorgeseserreretcommença,incertaine:—Andreas...—Zoemou,l'interrompit-ilenl'étudiantuninstant.Vousavezvraimentpeurdevousretrouverseuleavecmoi?—Non,biensûrquenon.Illuifitunegrimace.—Petitementeuse,semoqua-t-ilavantdereprendreplussérieusement:Maisjevousprometsquevousn'avezrienàcraindre.Jeseraishonorédevousavoirenmacompagnie,riendeplus.Enoutre,jenevousdemanderaijamaisrien,agapimou,quevousnesouhaiteriezpasmedonner.IlpritlementondeZoedanssamainpourl'obligeràleregarder.—Alors,viendrez-vousavecmoi?—Oui,s'entendit-ellerépondre.Ellesentitledoigtd'Andreassuivrelecontourdesajoue,douxcommeuneplumecontresapeauetlaissaéchapperunlégersoupirtandisquelapointedesesseinssedurcissaitinstinctivementcontrel'étoffedesarobe.Elle recula, détournant brutalement la tête. Ce simple mouvement suffit à défaire son chignon ; sescheveuxtombèrentalorsencascadesursesépaules.—Zut!Elle s'agenouillapourpartirà la recherchedesabarrettequiétait tombéesur le sol,maisAndreas laprécédaetseredressaaveclepetitobjetargentédanslamain.—Laissez-lescommeça,suggéra-t-il.Uneflammebrillaitdanssesyeuxsombrestandisqu'illadévoraitduregard.—Voscheveuxsontmieuxainsi.Detoutefaçon,ilsserontbientôtétaléssurvotreoreiller,ajouta-t-il.LachaleurmontaauxjouesdeZoe.L'imageétaittropintime,elleavaitbesoinderétablirunedistance,etce,avantqueleregardpénétrantd'Andreasneperçoivesonétatd'excitation.

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Elletenditlamain.—Puis-jeavoirmabarrette,s'ilvousplaît?—Demain,répondit-ilenlaglissantdanslapochedesonpantalon.QuandvousaurezvisitéThaniaavecmoi.Zoesemorditlalèvre.—Peut-êtrequecelan'envautpaslapeine,aprèstout.—Alorsjegardevotrebarrette,répliqua-t-il, imperturbable.Unsouvenirdevousquejechérirai,Zoemou.Ilmarquauntempspuisinclinalatêtepourlasaluercourtoisement.—Kalinichta,agapimou.Ademain.—Bonnenuit,murmura-t-elle.Unefoisdanssachambre,ellefitvalsersessandalesetselaissatomberentraversdesonlit,enfouissantsonvisagedanssesbras.Direqu'elleallaitpasser toute la journéedulendemainaveclui!Il fallaitqu'ellesoitfollepouravoiraccepté.Ilavaitpromisqu'ilnepouvaitrienluiarriver—enfin,pasexactement:ilavaitpromisqu'ilneprendraitrienqu'elleneveuillepasluidonner.C'étaittoutàfaitdifférent.Lagarantieétaitbienmince.Carilsavaitqu'elleavaitenviedelui,réalisa-t-ellesoudain,choquée,etilnedoutaitpasqu'avecunpeudetempsetdepatience,elleseraitsienne,desonpleingré.Zoes'assitsursonlit,ramenantsescheveuxenarrière.Ellenesavaitpratiquementriendelui.Certes,lasoiréeneseprêtaitpasvraimentauxconfidences,maisAndreasétaitdeplusenplusénigmatiqueàmesureque lesheurespassaient.En toutcas, iln'étaitpasplusjardinierqu'elle,Zoeenétaitcertaine.Ellepercevaitencoredesbribesdemusiqueetimaginaqu'ilavaitsûrementdéjàrejointsajolieGrecqueetqu'illuirendaitsessourires.Ellel'avaitpeut-êtremêmeconvaincudepasserlejoursuivantavecelle.Aprèstout,ilsvivaienttouslesdeuxsurcetteîle,tandisqu'elle-mêmenefaisaitquepasser.Ellesedéshabillaetenfilasanuisette,sedémaquillaetbrossasescheveux.Elleétaitfatiguée,elleauraitvouludormirmaisneparvenaitpasàeffacerlesimagesquidéfilaientsanscesse dans son esprit. L'air de sa chambre lui paraissait étouffant. Elle finit par se lever, enfila sonnégligédesoieetsortitsurlebalcon.Elles'assit,offrantsonvisageàlabriselégèrequivenaitduport,selaissantbercerparlebruitdesvagues.Aucunautresonnesefaisaitentendredanslanuit.Leslumièresdel'hôtelavaientétééteintesetlesdanseurss'étaientdispersés.Andreasluiaussidevaitêtre...quelquepart.Etsansdouteenbonnecompagnie...Elle fut choquée de constater à quel point cette perspective lui faisait mal. Elle luttait contre sonimaginationcruellequi lui faisaitvoirAndreas, sapeaunueetbronzée, soncorpsarquéau-dessusdeceluid'unefemmedansl'acted'amour.Ellesepritàsedemanderquelgenred'amantilpouvaitêtre.Exigeantoupatient?Impétueuxoudoux?Peut-êtretoutcelaàlafois,pensa-t-elle.Entoutcas,ilavaitledondetroublersescompagnesféminines.C'estpourcelaqu'ilpouvaitprendresontempsavecelle,sanslatouchernil'embrasser,carilsavaitquecela ne ferait qu'attiser son désir. Il l'obligeait à avoir de plus en plus envie de lui, jusqu'à cequ'inévitablement,ellerendelesarmesetviennes'offriràlui.Zoe frissonna à cette pensée. Elle ne devait surtout pas céder à cette tentation.Elle ne devait pas luicéder.Pourtant,ellesavaitd'oresetdéjàqu'illuiseraitimpossibledefaireautrement.

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Dansquelquesheures,sedit-elleenregardantlameririséeparlalueurdesétoiles,elleiraitaveclui,etceseraitl'uniqueetdernièrefois.Ensuite,plusjamaisellenelereverrait.Ilfallaitqu'ilensoitainsi,carcejeuétaittropdangereuxpourelle.Acettepensée,ellesentitdeslarmesamèresluimonterauxyeux.

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6.Lelendemainmatin,Zoemituneéternitéàchoisircequ'elleallaitmettre.Finalement,elleoptapourcequ'elleauraitportésielleavaitpassélajournéeseule—puisquecelapouvaittoujoursêtrelecas—etenfilasonbikiniturquoise,unpantalonblancetunejoliechemiseauxmotifsbleusetor.Elletrouvaquandmêmelemoyend'attachersescheveuxavecunpetitmorceauderuban.Elle jeta unœil à samontre : il n'était que neuf heures et demie, elle avait donc encore le temps deprendreunpetitdéjeuner.Aumoins,celal'occuperait,etellecesseraitdes'affairerinutilementdanssachambre.LesmouvementsdeSherryétaientrapidesetefficacespourpréparer lespetitspainset lecafédupetitdéjeuner,maisZoeremarquaqu'elleavaitmoinsd'entrainqued'habitude.—Lelendemaindefêteestdifficile?lataquina-t-elleenseservantdujusd'orange.—Jen'aipasdormidelanuit,réponditSherryendisposantdespetitspotsdeconfitureetdemiel.—Cettesoiréeétaitfantastique,reconnutZoe.Maiscommentfaites-vouspourtenirlecoup?—Touslesdimanches,jemeposelamêmequestion.Ilvautmieuxquevousfassiezcommesijen'étaispaslà,jesouffredumaldupaysaujourd'hui.—AlorsvousnerecommandezpaslavieàThania?—Aucontraire,c'estmerveilleux...quandonestaveclabonnepersonne,termina-t-elleamèrement.—Aïe!Qu'afaitStavrospourvouscontrarier?—Nous ne sommes pas d'accord sur un point, c'est tout. Alors, qu'est-ce que vous avez prévu pouraujourd'hui?—Je fais le tourde l'île, réponditZoe,hésitantavantdepoursuivre.En fait, jepasse la journéeavecAndreas,l'hommeavecquijedansaishiersoir.—J'airemarqué,fitSherryd'unevoixbizarre.Commentvousêtes-vousrencontrés,touslesdeux?—Jevousenavaisparlé:c'estlejardinierdelaVillaDanae.Zoepritunpetitpainetletartinademiel.Elleenpritunebouchéeavantdecontinuer:—Maisàenjugerparlafaçondonttoutlemondesefigequandilfaituneapparition,j'ail'impressionqu'ilestaussiresponsabledelasécurité.Sherryeutunrirequisonnafaux.—Ilvousaditcommentils'appelait?—Stephanos,réponditZoeenremuantsoncafé.Maisvousdevezcertainementleconnaître?—Jel'aidéjàcroisé,maisilnevientpassouventànossoiréesdansantes.Jecroisqu'ilesttrèssollicitéparsonpatron.Etdonc,vouslevoyezaujourd'hui?—Oui.Vousn'avezpasl'aird'approuver?—C'estjustequejenesuispassûrequevoussachiezoùvousmettezlespieds,commençaSherry.EllefutinterrompueparStavrosquiétaitsoudainapparuàsoncôté.—Chérie?Sabouchesouriait,maispassesyeux.—Desclientsaimeraientqu'onleurprépareundéjeuneràemporter.Tuveuxbient'enoccuper?Sherrysemorditlalèvre.—Oui,j'yvaistoutdesuite.Zoelesregardas'éloigner,surprise.Leurrelation,d'ordinairetendreetsijoyeuse,devaitpasserparunmauvaismoment.Ensortantde l'hôtel,elleaperçutAndreasqui l'attendait,appuyécontre lacarrosseriedesa jeep, l'air

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trèsdécontractéavecsonshortenjeanetsachemisettedecotonbleu,lesyeuxmasquéspardeslunettesdesoleil.Elleenoubliatoutlereste.—Kalimera!Vousavezbiendormi?—Pasvraiment.Ilfaisaittellementchaud...,mentit-elle.Onauraitditqu'iln'yavaitpasd'air.Ilfronçalessourcilsenluiouvrantsaportière.—JediraiàStavrosdefaireinstallerunventilateurdansvotrechambre.—Oh,parcequeStavrosestaussisousvosordres?demanda-t-elle tandisqu'ils'installaitderrière levolantetfaisaitgronderlemoteur.Celaexpliqueraitcertaineschoses.Illuilançaunregarddecôtétandisquelajeepmontaitlarueverslesquare.—Qu'est-cequecelaexpliquerait?—JenecroispasqueSherry,safemme,approuvelefaitquejepassetropdetempsavecvous,etj'aibienpeurqu'ilssesoientdisputésàcesujet.—Jesuisdésolédel'entendre,dit-ilsèchement.Maislesquerellesentreépouxfontpartiedelavie,etilsserontsûrementravisdeseréconcilierauboutducompte.LafemmedeStavrosvousa-t-elleexpliquécequ'elledésapprouveaujuste?—Non,pasvraiment.Elledoitpenserquevousavezjouéauguideautourdel'îleavectropdefemmes.—Alorselleatort,repartit-ild'untonirrité.Vousêteslapremière,Zoemou.Zoeserenditcomptequ'elleenavaittropditetqu'elleauraitmieuxfaitdetenirsalangue.Andreasdevaitêtreredoutablelorsqu'ilétaitencolère.—J'imaginequ'ellesefaisaitjustedusoucipourmoi,ajouta-t-ellepouressayerdedéfendreSherry.—Jesuiségalementsoucieuxdevotrebien-être,pedhimou.Ellen'adoncaucunecrainteàavoir.Vousêtesensécuritéavecmoi.Lajeeparrivaausquareetralentitpourlaisserpasserunpetitgarçontenantunchiotenlaisse.Andreastournalatêtepourlaregarder.Sestraitss'étaientradoucis.—Vousmecroyez,n'est-cepas,agapimou?—Oui.Oui,jevouscrois.C'étaitvrai,mêmesielleétaitincapabled'expliquercetteconfianceinnée.Andreaspritsamainetlaportaàseslèvres.—Alorsnotrejournéepeutcommencer,dit-ild'unevoixdouce.Ellesesentitrougirettournalatêteverslesquarepourévitersonregard.Lesjoueursdebackgammonétaientvenusenforceaujourd'hui,remarqua-t-elleavecamusement.Parmieux,l'oncleStavroslaregardaitfixement,laboucheouvertecommes'ilavaitvuunfantôme.Zoeseraidit,leregardduvieilhommeluiavaitfaitl'effetd'unegifle.Lorsquelajeepredémarra,ellelevitreculerd'unpas,sacannelevéeenl'airetlafiguregrimaçante.—Quelquechosenevapas?demandaAndreas,inquiet.—Non,non,cen'estrien.Elle ne voulait plus causer de problème à la famille Stavros.Mais tout demême, qu'avaient-ils tousaujourd'hui?Ellesemitàparlerpouréviterqu'unlourdsilencenes'installe.—L'égliseestmagnifique,vousnetrouvezpas?Jel'aivisitéehier.—Avez-vousvul'icônedelaViergedelaGrotte?—AprèslamiseengardedeSherry,jen'aipasosélaregarder.—Jedoutequel'icôneelle-mêmeysoitpourgrand-chose.Cependant,jen'aijamaistestésespouvoirs,ajouta-t-ild'unevoixchaude.—Biensûrquenon.

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Elleessayadegarderunvisagesérieux,maiséchoualamentablement.—Voilàquiestmieux,approuvaAndreastandisqueZoepouffaitderire.Parfois,onal'impressionquevousporteztouslessoucisdumondesurvosépaules,pehdimou.—Peut-êtreest-ceparcequejenesuispashabituéeàêtreenvacances.«Ouàrencontrerdesgenscommevous...»—Alorsjevaisfairemonpossiblepourqu'ellessoientparticulièrementréussies.Jesuiscontentdevoirquevousavezdeschaussuresadaptéesàlamarche.J'aipenséquenouspourrionsd'abordallerauMontEdira,avantqu'ilfassetropchaud.La jeep prit de l'allure. Livassi était loin derrière eux à présent, et ils grimpaient un chemin terreuxméritant à peine son appellation de route. Ils traversèrent des bosquets d'oliviers, dont les feuillesargentéesscintillaientausoleil.Zoeaperçutdesfiletsétaléssurlesol,attendantlarécolteprochaine.—Jevoisque leprogrammede revêtementdes routesaétéungrandsuccès,parvint-elleàdireentredeuxsecousses.—Laplupartdesvéhiculesontquatrepattesici,voussavez,etilscarburentaufoin.Ilsarriventtrèsbienàcirculer.Lecheminétaitdeplusenplusescarpéetlesolivierslaissèrentlaplaceàdespins.L'airétaitplusfraisetsentaitbonlarésine.Zoelehumaavecdélice.Andreasfitfaireunécartàlajeepetlagarasurlecôté,àl'ombredesarbres.—Apartird'ici,ilvafalloirmarcher...sivousêtesencoreenétatdelefaireaprèscessecousses,dit-ilensouriant.—Jesuisplusrésistantequej'enail'air!Allez-y,jevoussuis,répliqua-t-elled'untonléger.Elleavaitpenséqu'illuiprendraitlamain,maisiln'enfitrien.Aucontraire,elleduttantbienquemalsuivreseslonguesenjambées.Lorsqu'ilsatteignirentunepetiteplate-formequiavaitétéconstruiteprèsdusommetpourpermettreunevuepanoramique,Zoeoublia tout le resteet contempla,émerveillée, lespectaclequis'offraitàelle.—MonDieu,c'est...tellementbeau!s'exclama-t-elled'unevoixémue.—Oui.Chaquefoisquejeviensici,jemedisquejenepourraispasvivreailleurs.En contrebas, une étendue verte, parsemée d'un patchwork de minuscules toits colorés, puis de finesbandes de sable argentées.Au-delà, lamer azur et turquoise, s'étirant vers l'horizon brumeux, parfoisinterrompueparlesformesescarpéesdesîlesvoisinesquiprenaientunecouleuraméthyste.—Là-basc'estZanthe,etlà,Céphalonie.—Cesîlesontl'airassezprèspourqu'onpuisselestoucherentendantlamain.—Jeconnaisunemanièreplustraditionnelledelesapprocher:nouspourrionsyallerenbateauunjour,sivousvoulez.Commeellenerépondaitpastoutdesuite,ilcontinuadoucement:—EtlapetiteîleprèsdeCéphalonie,c'estIthaque,l'îled'Ulysse.Vousvoyezcettepetitebaie?Selonlalégende,c'estlàqu'Ulysseestrestéenattendantquelesdieuxluipermettentenfinderentrerchezlui.Jemedisaisquenouspourrionsnagerjusque-là,cetaprès-midi.Enfin,sivousavezapportéunmaillotdebain.—Etsijen'enaipas?Illuisourit.—Ilnousfaudraquandmêmenager,matiamou.Maisjegarderailesyeuxfermés.Cependantjesuisprêtàparierquecelaneserapasnécessaire,etquevousportezunbikinisouscesjolisvêtements.Zoesentitsalèvreinférieuretrembler.Elleseretournaprécipitammentetsemitàscruterl'horizon.—Peut-onvoirlaVillaDanae,d'ici?—Oui,sivousavezdesyeuxdefaucon.

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Lesmainsd'Andreasseposèrentsursesépaules,l'amenantdoucementàsetourner.Elleneputréprimerlefrissonparlequelsoncorpsréponditspontanément.—Ondistinguelaplage,etlapetitetachedecouleur,c'estletoit,vousvoyez?Zoeopinadelatête.—Bon,sinousnousremettionsenroute,maintenant?dit-elle.Silamontéeavaitrequisquelquesefforts,ladescentefutencoreplusdifficile.Mêmeavecseschaussuresplates,Zoen'arrêtaitpasdeglissersurlaterrefriableetlesaiguillesdepin.Toutàcoup,elletrébuchaetsemitàdévalerlapenteenpoussantuncri.Andreas,quimarchaitdevant,fitimmédiatementvolte-faceet l'attrapa, laserrantcontreellepourqu'ellerattrapesonéquilibre.Pendantunepoignéedesecondes,soncœurs'arrêtadebattretandisqu'ellesentaitlaforcequiémanaitdeluietlachaleurquilapénétrait,commesilafineépaisseurdetissuquilesséparaitn'avaitpasexisté.Quandilresserra son étreinte, elle pensa : « Il va m'embrasser », et tout son corps se tendit de désir etd'impatience.Puis, brutalement, elle se retrouva libre, à unedistance faiblemais suffisante pour qu'elle comprenne.Ellefaillitpleurerdedéception.Ill'avaitrejetée!Sonvisages'empourpraetellen'osaplusleregarder.—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.J'aiétémaladroite.—Non,agapimou.C'estmafaute.Aprèstout,j'avaispromisdeveillersurvous.Ilpritsamainfermementpourlerestedutrajet,l'aidantdanslespassageslesplusescarpésdusentier.Eût-ilétéunguidepayépourl'occasion,songesteauraitdifficilementpuêtreplusimpersonnel.Quandilsarrivèrentàlajeep,lecœurdeZoebattaitàtoutrompredanssapoitrine,maiscelan'avaitrienàvoiraveclechangementd'altitude.Ellesavaitquesondésiravaitétéhonteusementévidentlà-haut.Lessignauxquesoncorpsavaitlancésquandelles'étaitretrouvéeplaquéecontreAndreasnepouvaientpasavoiréchappéàcedernier.Pourquoialorsavait-ilchoisidelesignorer?Il savait qu'elle avait envie de lui, se dit-elle, humiliée. Elle entendait encore les paroles qu'il avaitprononcées:«Jenevousdemanderaijamaisrien,agapimou,quevousnesouhaitiezmedonner.»Mais quand elle avait voulu se donner à lui, que sa bouche trouve la sienne, il s'était détourné d'unemanièredouce,maisdéfinitive.Ildevaitprobablement regretterde l'avoir courtisée. Il était lasdu jeuauquel ils avaient jouéet avaitdécidéd'ymettrefin.—Est-cequetoutvabien,pehdimou?Ilavaitfermélaportièrepassagerdelajeepetlaregardaitenfronçantlégèrementlessourcils.—J'aiunpeusoif,dit-elled'unairdétaché.Commelasituationétaitunpeutendueàl'hôtel,j'aioubliéd'emporterdel'eau.—Ilyenadanslaglacière,maisj'aiunemeilleureidée,sivouspouvezencoreattendreunpeu.—Àvousdevoir,vousêtesleguide,aprèstout.Elleparvintàsourire.Ilfallaitgarderuntonamicaletdécontracté.Ellepensaitqu'il allait l'emmeneraukafeneiond'unvillage,maisenbasduchemin il engagea la jeepdans un sentier entre les oliviers. Ils arrivèrent alors devant une toute petitemaison peinte en blanc,immaculéemalgrélespoulesquipicoraientdanslapoussièredevantlaporte.Unepetitefemmevêtuedenoirsortitdelamaison,toutsourires,latêtecouverted'unfoulard.LorsqueAndreasdescendit de la jeeppour la saluer, elle se répandit enun flot deparoles et sehaussa sur lapointedespiedspour luipasser lamainsur l'épaule.Puisellesaisitd'ungestevifunecruchedeterrecuitequisetrouvaitsurunetablebranlanteprèsdelaporteetdisparutderrièrelamaisonensehâtant.—Descendezdonc,agapimou,quejevousprésenteAndroula,ditAndreasenouvrantsaportière.Elle

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estpartienouschercherdel'eaudesapropresource,quivientdirectementdelamontagne.C'estnotrenectarlocal!Zoesortitdelavoiture.—Vousêtessûrquenousnenousimposonspas?—Elleadorevoirdumonde,elledoitêtreraviequejevousaieamenéechezelle.—Est-cequ'elleviticitouteseule?—Non,ellevitavecSpiros,sonmari,maisildoitêtrepartis'occuperdeleurscultures.Androulaétait revenuepresqueaussitôtavecsacrucheremplieà rasbord.Hochant la têteetsouriant,ellelatenditd'abordàZoe,luiindiquantparlàqu'elledevaitboireàmêmelerécipient.L'eauétaitclairecommeducristaletsi fraîchequ'elle luibrûlapresquelagorge.Zoeétanchasasoif,savourantlesfrissonsquelefroidprovoquaitlelongdesondos.—C'estbon?demandaAndreastandisqu'ellereposaitenfinlacruche.—Mieuxqueça.Asagrandesurprise,ellelevitsaisirlacrucheetboireàsontour.PuisAndroulalesinvitaàpénétreràl'intérieurpourgoûtersesgâteauxaumiel.Lamaisonsemblaitn'êtreconstituéequed'uneseulepièce,entretenueavecgrandsoin.Danslesmursépais,desalcôvesferméespar des rideaux dissimulaient des lits ; il y avait aussi une cheminée, un poêle, une table et quelqueschaises.SurunecommodetrônaituneicônedelaViergeàl'Enfantavecunciergequibrûlaitàcôté.Unmur,couvertdecartespostalesmulticoloresdesquatrecoinsdumonde,contrastaitaveclereste.—C'estleurfilsquilesenvoie,commentaAndreas.Ilétaitdanslamarinemarchandeetilafaitplusieursfoisletourdumonde.ContrairementàUlysse,ilenvoyaitdescartespostaleschezluipourquelessienssachentoùilsetrouvaitetquetoutallaitbien.—Etilvatoujoursbien?— Oh oui, répondit-il sèchement. Il a rencontré une jeune Australienne et vit à présent dans leQueensland.Touslessixmois,ilenvoiedel'argentàsesparentspouracheterunbilletd'avionetallerlevoir,maisilsdéposenttoutsuruncomptebancairepourqu'ilpuisseletrouverencasdegrosennuis.—Queldommage.Vouscroyezqu'ilsirontunjour?—J'endoute.Jepensequ'ilfaudraplutôtqu'illeuramènesafemmeetsesenfants,etalors,ilrestera.Entoutcas,c'estcequecroitAndroula.—Ellecroitqu'ilabandonneralabellevieenAustraliepourThania?Pourquoi?—Acausedel'eaudelasource.Unevieillesuperstitionveutqueceluiquienboitreviennetoujoursici.Zoepritl'initiativederomprelesilenceassourdissantquiavaitsuivicesmots.—Alorsc'estunebonnechosequejenesoispassuperstitieuse,dit-elle,àmoitiésincère.LesgâteauxaumielétaientsucculentsetZoeputfairetouslescomplimentsqu'ellesouhaitaitgrâceàlatraductiond'Andréas.Lorsqu'il fut l'heure de partir,Androula prit lesmains deZoe dans les siennes et lui parla sur un tongrave.—Qu'est-cequ'elleadit?demandaZoetandisqu'ilsémergeaientàlalumièredusoleil.Jemesenssibêtedenepasréussiràcomprendre.Iltraduisitd'unevoixneutre:—Elleditqu'elleprieralaViergedelaGrottepourquevousayezdebeauxetgrandsfils.LesouriredeZoesefigeaalorsetellerestacoite.Andreas ne dit rien non plus. Il fit démarrer sa voiture en trombe, faisant voler la poussière et lescailloux.

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Deretoursurlaroute,ilsparcoururenttroisouquatrekilomètresavantqueZoenedemande:—Allons-nousdanslaBaied'Ulysse?—Jepensaisd'abordvousemmenerdéjeunerquelquepart,jeconnaisunbonendroit.—Tenuparundevosamis?—Onn'ajamaistropd'amis,pedhimou.—Eneffet,jevousl'accorde.Elle-mêmeavait eudes amis, à l'écolepuis à l'université,maisdurant cesdernières annéesdifficiles,lorsquesamèreétaitdevenuesapriorité,elleavaitperdudevuelaplupartd'entreeux.—Voussoupirez.Qu'est-cequivousrendtriste?—Pardon,jenem'enétaispasaperçue.Peut-êtreest-cetoutcesoleiletcesmerveilleuxpaysagesquimerappellentquecenesontquedesvacances,etqu'unlonghiverm'attendchezmoi.—Maisl'hiverasesplaisirs,Zoemou.Sivousavezquelqu'unavecquilespartager...«Pourtantceneserapasvous...»,songealajeunefemme,désemparée.Maispourquoiressentait-elleunepareilledétresse?Elleserenditcomptequ'Andreasl'observait,etseremitaussitôtàparler.—Jeviensde réaliserque j'aioubliédeprendremonappareilphotopouraller auMontEdira.C'estvraimentdommage,j'auraispufairedesclichésmagnifiques.—Uneautrefois,peut-être.Quandvousmeferezassezconfiance,pedhimou,pourmedirecequevouspensezvraiment.Zoenetrouvaaucuneréponseàcela,dumoinsaucunequ'elleoseformuleràvoixhaute.IlsavaientlaBaied'Ulysserienquepoureux.Zoeparcourutduregardlecroissantdesabledésertsurlequelilssetrouvaient.—Vousavezprisdesmesurespourque tout lemonde reste à l'écart ?demanda-t-elle sans tout à faitplaisanter.Andreasluisourit,impassible.—Lesgensviennenticiparbateauengénéral,pournageretfairedelaplongée.Maislebateaunefaitletrajetledimanche.Commevousavezpuleremarquer,cetendroitn'estpasparticulièrementaccessible,àmoinsd'avoirun4x4.— D'après la légende, continua Andreas en pointant son doigt vers un grand rocher plat et blancétincelant au soleil qui faisait saillie au milieu des flots à l'une des extrémités de la baie, c'est làqu'Ulysseestcensés'êtrereposéavantd'entamerladernièrepartiedesonvoyageversIthaque.—Vousavezl'airsceptique.Ilhaussalesépaules.— Il était à bord de son bateau avec ses compagnons, le vent était favorable. Pourquoi hésiter alorsqu'Ithaqueétaitàsaportée?—Ilapeut-êtrerencontréuneautrenympheconsentante.—L'histoiren'enmentionnepas.—Alors,peut-êtrequ'aprèstouscesrevers,ilavaittoutsimplementpeurd'êtreheureuxavecceuxqu'ilaimait. Il aeubesoind'un tempsde réflexion. J'imaginequevous, aucontraire,vousauriez foncé toutdroit.—Quandcequevousdésirezleplusaumondeestàvotreportée,pourquoiseretenir?Ilretournaàlajeepetsemitàsortirlacouverture,leparasoletlaglacièreducoffresansprêterattentionàZoequileregardait,sidérée.Ellecommençaàdescendreverslaplage,sentantlesablebrûlantsousseschaussuresentoile.Ilfaisaitunechaleurécrasante, lamerétaitcalme,presqueincoloreet l'horizonn'étaitqu'unelignechatoyantau

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loin.Ellen'auraitjamaiscruseretrouverdansunendroitpareil,seuleavecAndreas.Lataverneoùilsavaientdéjeunéplustôtdedélicieuxpoissonsgrillésetdesaladeétaittoutaussiisolée,accrochéeàlapointed'unefalaise,maispresquetouteslestablesétaientoccupées.Elle porta lamain à son front pour écarter unemèche de cheveux et se souvint de l'accueil plus quechaleureuxdeTakis,lepatrondelataverne,unhommebarbuauriretonitruant.IlavaitdonnéunegrandetapeaffectueusedansledosàAndreasenleurmontrantleurtableetavaitposésurZoeunlongregardpleindefranchesympathieetdecuriosité.Mais lorsqu'il avait risqué un commentaire jovial en Grec, Andreas lui avait répondu par un regardglacial et il s'en était vite retourné à ses fourneaux.Visiblement, on ne devait pas dépasser certaineslimitesaveclui,ilfallaitqu'elles'ensouvienne.Quandelleseretourna,leparasolétaitfixé,lacouvertureétaléeetAndreasétaitentraind'enleversesvêtementspourseretrouverenmaillotdebain.Acettevue,ellerestainterdite.Ilnefallaitpasqu'ellecontinueàleregardersiellevoulaitconserverunairdétaché.Andreaspassadevantelleavecunegrâcesoupleetplongeadanslamer,soncorpsfendantlesflotssansuneéclaboussure.LorsqueAndreas revint, Zoe était allongée à l'ombre du parasol, couverte de crème solaire, cheveuxramassésdansunchapeauencotonblanc,lunettesdesoleilsurlenezetconcentréesurlalecturedesonlivre.Etmêmesitoutsoncorpss'étaittenduenlesentantapprocher,elleavaitl'airdécontractée,etc'étaitcequicomptait.Ilattrapasaservietteetcommençaàfrictionnersapeauhumide.—Allez-vousnager,Zoemou?—Plustard,peut-être,répondit-elled'untonléger.J'évitedemebaignerquandl'eauesttropprofonde.Ildemandad'unevoixamusée:—N'avez-vousjamaisenviedeprendredesrisquesetd'oubliervosprincipesdeprécaution?—Rarement,répondit-elletandisqueleslettresdesonlivredansaientdevantsesyeux.J'aimequandleschosessontsimples,etsûres.—Moiaussi,jepréfèreéviterlescomplications,maisellessontparfoisinévitables.Ils'allongeaàcôtéd'elle,trèsprèsmaissanslatoucher,l'airtoutàfaitdécontracté.Illuiditd'unevoixchaude:—Jesuissûrquecelivreestfascinant,pedhimou,maisjevousseraisreconnaissantdebienvouloirleposer,carnousavonsbesoindeparler,vousetmoi.Zoehésita,puisobéit,résignée.—Dequoivoulez-vousparler?—Devous,matiamou,biensûr.Elleeutunrirenerveux.—Lesujetn'estpastrèsintéressant!—Jenesuispasd'accordavecvous.Voussavez,Zoemou,vousm'intriguez.Alors,jevoudraissavoirexactementcequivousaamenéeàThania,etcettefois,jeveuxlavérité.

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7.ZoepassaenpositionassisepourregarderAndreas.Ilétaitallongésurlecôté,appuyésuruncoude,trèsà l'aise. Ses yeux sombres légèrement plissés la regardaient attentivement, mais sa bouche ferme nesouriaitpas.—J'attendsvotreréponse,pehdimou.—Je...jenesaispasdequoivousvoulezparler.—Vousmedécevez.—Jesuisvenueicienvacances,commebeaucoupd'autresgenslefont.—Pas tantqueça,comparéàd'autres îles.Etceuxquiviennentsontenfamille,ouencouple.PeudejoliesjeunesfemmesvoyagentseulesàThania.Vousreprésentezunevéritableénigme,Zoemou.—Jenevoispaspourquoi.J'aifaitmaréservationsuruncoupdetête.Mesamisavaientdéjàprévuleursvacances...Etpuis,j'avaisbesoindefaireunepause,jevousaiexpliquépourquoi.— Oui, vous avez eu beaucoup de chagrin, et j'en suis désolé. Raison de plus, il me semble, pourrechercherdelacompagnie.—J'essaieraidem'ensouvenir,laprochainefois.—Maisjevousreposelaquestion:pourquoicetteîleetpasuneautre?Etqu'est-cequivousaamenéeàlaVillaDanae?Comprenezquejesoisintrigué.—Pourtant, iln'yapasdequoi l'être.Etvous,alors?Enréalité,vousn'êtespas l'hommesimplequevousprétendez.Lesgensvousconsidèrentcommesivousétiezleroisanscouronnedecetteîle.—Peut-êtrepasleroi.Disonsplutôtl'héritierdutrône.Aprèsunsilencepesant,Zoeparvintàarticuler:—Jevois.Doncjesupposequevotrevrainomn'estpasAndreasStephanos,n'est-cepas?—C'estbienmonnom,maisilestincomplet.Ilmanque«Dragos»àlafin.—Evidemment.Elleessayadesourire.—Seriez-vousparhasardlefrère,lecousin,leneveudeSteveDragos,legrandarmateur?—Jesuissonfilsunique.Zoesecoualatête,presqueincrédule.—Sherryavaittentédemeprévenir, jelecomprendsàprésent,maissonmarinel'apaslaisséefaire.Aprèstout,lejeunemaîtreabienledroitdes'amuser...Commej'aiétéstupide!—Non,dit-ildoucement,jen'aijamais,depuislemomentoùnousnoussommesrencontrés,penséquevousétiezstupide.Maisjevousdemandedenepasmeprendrepourunidiotnonplus.— Je pense que moins j'aurai affaire à vous, monsieur Dragos, mieux ce sera. Je voudrais rentrer,maintenant,s'ilvousplaît,déclara-t-elleenattrapantsachemise.—Jevousreconduirai,maisunpeuplustard.Quandnousauronspasséunpeudetempsensemble,Zoe,sanscraindred'êtreinterrompus.Etquandvousaurezréponduàmesquestions...parcequequelquechosemeditquevousn'êtespascomplètementhonnêteavecmoi.—Vousosezdireça?Aprèsavoirfaitsemblantd'êtreunjardinier?—Jen'aipasfaitsemblant.J'aimejardiner.Etsivousvoussouvenezbien,jevousaiégalementditquej'avaisd'autresactivités.Sivousmel'aviezdemandé,jevouslesauraisdécrites.—Delamêmefaçonquevousm'avezditvotrenom,en«oubliant»quelquesdétails?—Oui,peut-être,répondit-ilenluisourianteffrontément.Jetrouvaisçabon,pourunefois,d'êtreavecunefemmequinesavaitpasquij'étais.Maiscejeuestterminé,maintenant.Ils'assitetserapprochaimperceptiblementdeZoe.

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—Alors,quelssontlesdétailsquevousavezoubliés,Zoe?Qu'est-cequivousintéressedanslaVillaDanae?Carvousetmoisavonstrèsbienquevousn'auriezpaslesmoyensdelalouer,etencoremoinsdel'acheter.—J'aivuuntableauquilareprésentait,unjour.Ils'agissaitd'uneaquarelleréaliséeparuneartistequejeconnaissais:unevuedelaterrasse.J'étaiscurieusedevoirsil'imagecorrespondaitàlaréalité.—Vouspensezvraimentquevousallezréussiràmefairecroirequ'unesimpletoilevousaamenéeici?—Pourquoi?VousestimezquelaVillaDanaeneméritepasd'êtrepeinte?—TouteslesîlesenGrèceontleurspeintres,maisengénéral,ceux-citententdecapturerlalumièreoulacouleurdelamer.Ilschoisissentdestemplesantiquesplutôtquedesmaisonsmodernes.—Ehbien,c'estsûrementcequiafrappémonimagination.—Jeseraiségalementcurieuxdesavoircommentcetteartisteyaeuaccès.Ilfautquejediseàmonpèrequenotresystèmedesécuritédoitêtreréexaminé.—Pourquoil'ennuyeravecça?Ellerencontraalorsleregardironiqued'Andreasetsemitàrougir.— Ecoutez, poursuivit-elle, je ne vais certainement pas y remettre les pieds. Vous avez raison, cettemaisonn'estpasàmaportée.Hélas, il n'y avait pas que la maison... A cette pensée, elle eut l'impression qu'on lui enfonçait unpoignarddanslecœur.Elledutprendreunelongueinspirationavantdecontinuer.—Jetrouvaissimplementdommagequ'ellerestevide,alorsjemesuispermisderêverunpeu.Jesuisvraimentnavréed'avoirapprochélepérimètredecettepropriété.Jevousaiprésentémesexcuses,alorspourriez-vouscessercetinterrogatoire,maintenant?—Maissijenepeuxplusposerdequestions,commentvais-jeapprendretoutcequejedésiredécouvrirsurvous,Zoe?Ilavaitparléd'unevoixsidoucequ'ellesetrouvadésarmée.—Quevoulez-voussavoir?—Tout.Ses yeux rencontrèrent les siens, les capturèrent. Elle vit une flamme s'allumer dans leur noireprofondeur. Il lui semblaqu'il s'était rapprochéd'elle,qu'ilaurait suffid'unmouvementpourque leurscorpssefrôlent.—Voilaunprogrammechargépourunaprès-midiàlaplage!—J'apprendsvite,etpuis,vousaveztoutemonattention.Est-cequecesmotsauraientdûlarassurer?Elleregardaauloin,saisissantunepoignéedesablequ'ellelaissaglisserentresesdoigts.—Voussavez,iln'yapasgrand-choseàdire.J'aieuuneenfancenormale,heureuse,j'aibientravailléàl'écoleetj'aiobtenumondiplômesanstropdedifficultéàl'université.Vraimentriend'extraordinaire.—Aucontraire,Zoe.Uneenfanceheureuseestundonduciel.Elledécelaunepointed'amertumedanssavoix.—Vous,vousn'avezpasdûmanquerdegrand-chosenonplus.— Matériellement non, comme vous pouvez vous en douter. Mais contrairement à vous, je n'ai pasbeaucoupvumesparents.Monpèreétaittoujoursoccupé,jamaisplusdedeuxjoursaumêmeendroit.Mamère se sentait rarement assez bien pour passer du temps avec moi. Elle était souvent hospitalisée,traversantl'Europeetl'Amériqueenquêtedenouveauxtraitements.—Jesuisdésolée.Qu'avait-elle?— Je crois qu'elle a toujours été fragile. Elle a vécu sa grossesse comme une terrible épreuve etl'accouchementpourmedonnernaissanceaétéuncauchemar.Cetteexpériencetraumatisanteestrestéegravée en elle toute sa vie.Elle avait sans cesse des problèmes de dépression, qui ont provoqué des

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symptômes physiques avec les années. Elle a subi d'innombrables examens, mais les médecins n'ontjamaisrientrouvé.Avecdurecul,jemedisqu'elleétaittoutsimplementallergiqueaumariage,surtoutavecunhommeaussifortetexigeantquemonpère.Ilvoulaituneépousequisoitàsescôtésetluidonnede nombreux enfants. Parfois, jeme demande lequel des deux a été le plusmalheureux...Vous voyez,pedhimou,jen'aimanquéderien,saufdel'essentiel.Zoe le regardait et ne voyait plus l'homme calme et sexy qui s'était imposé dans sa vie avec tantd'assurance,maisunpetitgarçonquiavaitgrandidansunmondesansaffection.Elleprononçasonprénometposaunemainsursonépaulenue.Sapaumes'attardasurlachaleurdoucedesapeauetellesentitlatensiondesesmuscles.Andreassaisitsesdoigtsetlesapprochadesajoue,avantdeleseffleurerdeseslèvres.Cesimplegestedéclenchaenelleundésirinouï.Elleregardaleslongsdoigtsbronzésquiretenaientlessiensprisonnierset lesimaginacaressantsesseins,descendantlelongdesonventrejusqu'aucreuxdesescuissesetdécouvrantenfinchaquesecretdesonintimité.Ellepensaàsabouchesurlasienne,àleursdeuxcorpsplaquésl'uncontrel'autre,commepossédés.Ellesentit leboutdesesseinssedurcirjusqu'àendevenirdouloureuxsoussonbikini,etavantqu'elleréalisecequ'ellefaisait,samainsemitàlarecherchedel'agrafedesonsoutien-gorgequicédabienvite.Sapoitrineétaitàprésentmiseànu.D'unregard,elles'offrità lui.Brûlantededésir,ellen'avaitqu'uneenvie : se retrouverenfindanssesbrasetconnaîtrelescaressesdesesmains,desabouche...Elleentendaitlarespirationhaletanted'Andreasetaperçutunéclairdanssesyeuxsombres.Mais l'instant d'après, il avait écarté la main de Zoe de son épaule et s'était détourné, prenantdélibérémentsesdistances.—Qu'est-cequinevapas?Vous...vousnevoulezpasdemoi?Ellepouvaitàpeineparler.Lechocétaittropbrutal.—Vousêteslatentationenpersonne,pedhimou.Maiscen'estnilemoment,nil'endroit.Alors,veuillezavoirlabontédevouscouvrir,luidemanda-t-iltoujoursendétournantleregard.Pendant un instant, elle resta agenouillée près de lui, incrédule, paralysée. Elle aurait aimé saisirl'expressiondesonvisage ;hélas, ilne luimontraitquesondospuissant.Elleessayade remettre sonsoutien-gorgemaissesdoigts tremblaient,et lesentimentd'humiliationcommençaità laisserplaceà lacolère.Elleenlevaalorscomplètementlehautdesonmaillotetlejetasurlesabledansungestededéfi.—Vousnecroyezpasqu'ilserait tempsd'épouservotreépoque,monsieurDragos?Aprèstout, j'aivupleindefillesbronzerseinsnussurlaplagemunicipale,l'autrejour.Vousnetrouvezpasvotreréactionunpeuexagérée?—Lesfemmesdontvousparlezfontcequ'ellesveulent.Ellesnesontpasiciseulesavecmoi.Savoixétaitmordante,ilnelaregardaittoujourspas.—Non,eneffet,etellesontbiendelachance,lança-t-elle,furieuse,enselevantetensaisissantsonsacetsaserviette.Puisquejesuiscoincéeiciavecvous,permettez-moiaumoinsdeprendremesdistances!Ellepartitàgrandesenjambéesendirectiondurocherd'Ulysse,latêtehaute.Lesreliefsdelapierreluiécorchaientlaplantedespieds,maisellenevoulaitsurtoutpasqu'Andreas,quilasuivaitsûrementdesyeux,s'enaperçoive.Ellecommençaitàregrettersongestededéfi,quiluisemblaitcomplètementstupideàprésent.— Oh, je te déteste, Andreas Dragos ! murmura-t-elle entre ses dents. Tu m'as poussée à bout etmaintenantjedoisassumerseulemoncomportement.Iln'yavaitqu'unechoseàfaire:allernagerunpeu.Celalacalmerait,l'aideraitàretrouversesesprits,et

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seslarmesdisparaîtraientdanslamer.Elle grimpa en grimaçant jusqu'à la pointe du rocher, parvint à se redresser tant bien que mal, puisplongea.Aumomentoùelleentradansl'eau,elleentenditAndreascrierquelquechose.S'ilessayaitdes'excuser, ilétait troptard,sedit-elleenessayantd'ignorer lecontrastedetempératureentrel'eauglacialeetsapeaubrûlante.Elledevaitégalementoublierl'abîmevertinfinidelamer.CarAndreasavaitditvrai:ellen'avaitjamaisnagédansdeseauxaussiprofondes.Elleparvintàarrêtersadescenteetàinversersonmouvementd'uncoupdepied.Ellesemitànagerverscequ'elleespéraitêtrelasurface,guidéeparlalueurlointainedusoleil.Cefutavecsoulagementqu'elleémergeaetputenfinremplirsespoumonsd'air.Sansmêmeregarderendirectiondelaplage,ellesemitànageruncrawlrégulierpoursedirigeravecdéterminationverslabaie.Elleferaitl'équivalentdequelqueslongueurs,puisregagneraitsonrocherardentetsecouvriraitdecrèmeprotectrice.Elleétaitbonnenageuse,maisellen'avaitpasparticulièrementdeforcedanslesbrasetlamerIoniennen'avaitrienàvoiravecsapetitepiscinemunicipaleenAngleterre.Unelongueurluisuffirait,finalement.Ellearrivaittoutefoisàsurmonterlasensationdenepasavoirpieddutout,pourlapremièrefois.Maisceseraitbienladernière,sepromit-elleenrevenantverslebord.Cependant elle découvrit bientôt que retourner sur le rocher ou même vers la côte était bien plusproblématiquequ'ellenel'avaitd'abordestimé.Uncourantinsidieuxl'attiraitversleseauxprofondes,etelleavaitbeausedébattre,ellen'avançaitplusdutout.Ellecommençaitàfatiguer,maisilétaitimpossiblequ'ellesemettesurledospourfairelaplancheetsereposer,carelleauraitétéentraînéeencoreplusaularge.Elleapercevaitlerocherd'Ulysse,scintillantausoleilcommeunebalisequisemblaits'éloignermalgrétoussesefforts.Lecourantétaitdeplusenplusfort,àmoinsquecenesoitellequisesentedeplusenplus faible ?Elle but la tasse et semit à tousser, luttant pourmaintenir la tête hors de l'eau, soudainpaniquée.Acetinstant,desmainspuissanteslasaisirentetAndreasluiditbrusquement:—Jevoustiens,détendez-vous,nevousdébattezpas,jevaisvousramenerjusqu'aubord.Ellevoulutluirépondredignementqu'ellesedoutaitbienqu'ellen'avaitaucunintérêtàrésisterquandonluisauvaitlavie,maisellebutdenouveaulatasseets'étouffa.—Nous sommes arrivés au rocher, lui dit enfin la voix essoufflée d'Andreas après quelquesminutes.Tournez-vousetaccrochez-vousdevosdeuxmains,jevaisvoussoulever.Zoes'agrippa,haletante,tandisqu'illasoulevaitlestementhorsdel'eau.—Jenesaispascommentvousremercier...,dit-elled'unevoixblanche,unefoisinstalléesurlerocher.—Meremercier?dit-ild'unevoixrauqueens'approchantd'elle.Sesyeuxbrillaientdecolère.—Vousnem'avezpasentenducrier,vousdiredenepasplongerdurocher,vousprévenirquec'étaittrèsdangereux?—Non,je...jen'entendaispascequevousdisiez.Elleclaquaitdesdents,réalisantsoudainceàquoiellevenaitd'échapper.Ilmurmuraquelquechosequ'ellepréféranepascomprendre,puis l'enveloppasanscérémoniedanssaserviette.Elle s'était demandé quel effet auraient eu ses mains sur son corps. A présent, elle le savait : ellesn'étaient ni tendres, ni douces, encoremoins sensuelles. Elles étaient au contraire dures et pleines de

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vigueur,etZoesentit lavierevenirenelle,sonsangseremitàcirculer.Lasensationd'anéantissementcommençaitàs'atténuer.Quandileutfini,ilpritsonsac,lebalançapar-dessussonépauleetsoulevaZoe,toujoursenrouléedanssaserviette.Illaportaainsicommeuntapisjusqu'àlaplageetladéposaàl'ombreduparasol.Illuitenditalorsunebouteilled'eau.—Buvez.Lafraîcheurduliquidefitleplusgrandbienàsagorgeasséchéeparleseldelamer.Elleversaunpeud'eaudanssamainpourrincersesyeuxquilapiquaient.Lehautdesonbikiniétait toujours làoùelle l'avait laissé.Ellesebaissapour le ramasser,essayadel'enfilerensecachantàl'aidedesaserviettequinecessaitdeglisser.—Vousnecroyezpasqu'ilestunpeutardpourvousmontrerpudique?Ilenlevalaserviettedesesépaulesetlajetasurlecôté,puisattachalui-mêmelafermeturedusoutien-gorge.Elleseretournapourleregarderenface,maisn'osafinalementpasleverlesyeuxetpréférafixerlesableàsespieds.—Jesuisdésolée.Je...j'aiperdulatête,etjenousaimistouslesdeuxendanger.—Apartirdemaintenant,vousnevousbaignerezplusqu'à laplagede lavilla.C'estplus sûr.Etce,uniquementenmaprésence.Ellesecoualatête,abattue.—Jepensaisêtreladernièrepersonnequevousaimeriezvoirlà-bas.—Voussavezquecen'estpasvrai,Zoe.—Jecroisquejenesaisplusrien...Elleétaitrésolueànepaspleurerdevantlui,maissoudainleslarmessemirentàperlersurleboutdesescilsavantdecoulerlelongdesesjoues.Ellen'étaitpluscapabledelesretenir.—Ohnon,dit-ilenlaprenantdanssesbras.Non,ilnefautpaspleurer,Zoemou.Noussommestouslesdeuxsainsetsaufs,c'estlaseulechosequicompte.Ilcaressasescheveuxmouillés,luimurmurantdesmotsdanssaproprelangue.Zoeselaissaallercontrelui,posantsajouecontresontorsepuissant,respirantl'odeurfraîchequelameravaitlaisséesursapeau,écoutantlesbattementsfortsdesoncœur,essayantdecontrôlersessanglots.Ellesentaitl'épuisementlagagner,sesjambestremblaientsouselle.SiAndréasnel'avaitpasmaintenuecontrelui,elleseseraiteffondréesurlesableàsespieds.Cedevaitêtrelechoc,aprèscoup,riendeplus,elleessayaitdes'enconvaincre.Maisellesavaitqu'ilsepassaitautrechose.«Jenecomprendspas»,pensa-t-elle.Elleserenditcomptequ'elleavaitparléàvoixhaute,carAndreasluirépondit:—Qu'est-cequivousintrigue,pedhimou?—Cequenousfaisonslà.Elletournalégèrementlatête,defaçonàcequesaboucheavideeffleuresapeau.—Cequevousfaitesavecmoi,poursuivit-elle,alorsquevous...alorsquevousnesemblezpasvouloirdemoi.Lesmainsd'Andreassaisirentsesépaulespourl'éloignerdeluietillaregardad'unairgrave,sesyeuxnoirscherchantlessiensetbrillantd'uneétrangeintensité.—Est-cevraimentcequevouspensez?demanda-t-ildoucement.C'estcequevousattendezdemoi?Quelques heures de plaisir dont vous vous souviendrez pendant vos longues soirées d'hiver enAngleterre...

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—Non,sedéfendit-elled'unevoixtremblante.Elle recula d'un pas, enroulant ses bras autour d'elle commepour se protéger de lui, pour établir uneindépendancephysiqueetémotionnelle,toutensachantqu'ilétaitbientroptardpourcela.—MonDieu,jen'étaispasvenueicipourça,vraimentpas.—Enfin,quecroyez-vous?Quej'avaisprévutoutça,moi?Vousvoustrompez,Zoemou.J'avaismaviebienorganisée,j'enconnaissaislesrèglesetlesobligations,etsachez-lebien,vousnefaisiezabsolumentpaspartieduprogramme!D'unevoixàpeineaudible,elleparvintàl'implorer:—Alors,jevousenprie,Andreas,laissez-moipartir.Jevousensupplie.—Vouspourriezfaireça?Vouspourriezpartir,maintenant?Savoixsefitpluschaude,plusprofonde.—Nousnenousconnaissonsquedepuisquelquesjours.Nousavonsbesoind'unpeuplusdetemps,neserait-ce que pour admettre ce qui nous arrive. Du temps pour apprendre à nous connaître et à nousacceptermutuellement.—Maiscetemps,nousnel'avonspas,objectaZoe,désespérée.Jesuisicienvacancesetquandellesseront terminées, jedevrai repartirenAngleterre, retrouvermonappartementet reprendremon travail.Peuimportelesmotsquevousutilisez,celanepeutêtrequ'uneaventureéphémère.—Seulementsic'estcequevousvoulez,Zoe.Alors,soyezsincère:c'estcequevousvoulez?Ellefitnondelatête,incapabledeprononcerunmot.—Danscecas,iln'yaaucunproblème,parcequecen'estpascequejeveuxnonplus.Jeneveuxpasseulementtoncorps.Ilentouradoucementsonvisagedesesmains.— Je veux ton cœur, ton âme et ton esprit si adorablement têtu, qui t'empêche deme faire confiance,même en cemoment. Je ne veux rien demoins. C'est pour cette raison que je neme risque pas à tetoucher,parcequejesuisdécidéàbienmeconduire.D'unevoixtremblante,Zoel'interrompit.—Andreas,ilyaquelquechosequejevoudraistedire.Inquiète,ellecherchasonregard.C'étaitlemomentoujamaisd'êtresincèreethonnête,deluiavouerpourquoielleétaitvenueàThaniaetcequil'avaitconduiteàlaVillaDanae.Maiselleavaitpeur,terriblementpeurdevoirdisparaîtrelalueurdetendressedanslesbeauxyeuxnoirsd'Andreas,peurdevoirlacolèrecrispersamâchoire.S'ilvenaitàpenserquel'attirancequ'elleéprouvaitenversluin'étaitmotivéequeparl'intérêtetnonlapassion, ellenepourrait pas le supporter.Non, ellenepouvait pasprendre ce risque,pasmaintenant.Peut-êtremêmejamais.Elle réalisait à présent que la villa n'avait plus aucune importance à ses yeux, pas plus que lesévénementsdupassé.Toutcequicomptait,c'étaitAndreasetleuravenirensemble,qu'ellenevoulaitpasvoir entaché par de vieux mystères. Elle n'aurait qu'à déchirer les documents qu'elle avait en sapossessionetilsseraientainsilibérésdetoutecettehistoire.—Zoe,oùes-tu?Tuespartieloindemoi,toutàcoup.—Jecroisquejesuisencoresouslechoc.Ellerencontrasonregard,cettefois-cisansbrumedevantlesyeux,carellesesentaitàprésentsoulagéed'ungrandpoids.—Maisjenesuisalléenullepart.Jesuisici,avectoi,etc'estleseulendroitoùjeveuxêtre.Ellesehaussasurlapointedespiedsetdéposaunbaisersursajoue.—Andreasmou,chuchota-t-elleenesquissantunsourireému.Tuvois,jecommenceàapprendrelegrec.Ill'attiraàluietellen'eutalorsaucundoutesurledésirbrûlantqu'iléprouvait.

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—Jesuisimpatientdedevenirtonprofesseur,murmura-t-il.—Faut-il vraimentquenous attendions ?demanda-t-elle, taquine, en chatouillant sapeauduboutdeslèvres.—Oui,ouietoui.Pourtouteslesraisonsquejet'aidéjàdonnées,etpourmilleautresencore.Ill'écartadeluiàregret.—Voila pourquoi je pense que nous devrions continuer notre promenade autour de l'île dès que nousseronsséchés,trouverunendroitoùnousseronsentourésd'autrespersonnes,pedhimou,làjen'auraipasàlutterautantpourgarderlecontrôledemoi-même.LesouriredeZoedevintespiègle.—Alors,oùrencontre-t-onlemoinsdetentations?—LaGrotted'Argentestunlieutrèsfréquentéparlestouristes.Allonslavisiter.—Oui,celavautpeut-êtremieux.—Oh,monamour,nemeregardepasainsi.Zoe tremblait tandisqu'il l'attiraitdenouveaudanssesbras. Ilmurmurasonprénom,plongeasesyeuxdanslessienspuisapprochapourlapremièrefoissabouchedelasienne,enexplorantlecontouravecuneinfiniedouceur,maîtrisantlapassionquibouillonnaitenlui.Elleenvoulutpluscarc'étaitunevéritabletorturepourellederesterainsipassivedanssesbras.Elledésirait enrouler ses bras autour de son cou, entrouvrir ses lèvres pour inviter sa langue à envahir sabouche,laissersesmainsglisserjusqu'aubasdesondos...Puisl'entraîneravecellesurlesable,s'offriràluidansl'acceptationlaplustotale,pourconnaîtreenfinledélicedesoncorpsnucontrelesien.Elleétaitentraindefondrededésir,plaquéecontrelui,et laissaéchapperunpetitgémissement.Aveccandeur,ellemettaitlarésistanced'Andreasàl'épreuve.Ilavaitpeineà respirer lorsqu'il relâchasonétreinte.Une flammeétrangebrillaitau fonddesesyeuxsombres.Sesmainss'attardèrentmalgréluisur lapeaudeZoe,savourant ladouceur, lachaleurquienémanait.Ilditd'unevoixrauque:—Allons-ymaintenant,agapimou,ettoutdesuite,sinonjenerépondsplusderien.Ilfitvolte-face,saisitsesvêtements,etZoe,dansunsoupirdouloureuxetsilencieux,serésignaàfairedemême.L'entréedelagrotteétaitétroite,onydescendaitparunchemindesableponctuédequelquesmarchesetunemultitudedepetiteslumièresmontraientlavoielelongdesparoisquibrillaientcommedelanacre.Enbassetrouvaitunpetitpontondeboisoùdescanotsétaientamarrés.Lesrefletsargentésdel'eauluiconféraient un aspect surnaturel, presque inquiétant. Zoe était plutôt soulagée d'être entourée d'autrestouristesdanslafiled'attente,carellen'auraitpasaimésetrouverseuledansunpareilendroit.Soncorpstremblaitencoreausouvenirdubaiserd'Andreas,seslèvresvibraientdechaleur,toutsonêtrepalpitaitsouslapuissancedesémotionsqu'ilavaitéveilléesenelle.Ilfallaitqu'ellepenseàautrechose.Unguidefaisaituncommentairesurl'histoiredelagrotteetsurlamanière dont elle avait été découverte.Mais comment aurait-elle pu l'écouter, dans l'était où elle setrouvait?Quandce fut leur tourdevisiter, elle s'assit à côtéd'Andreas à l'avantd'unebarque, consciented'uneseulechose:lecontactdesonbrasquilasoutenaitlégèrement,tandisquelepasseurcommençaitàfaireglisserleurembarcationsurlasurfacemagiquedulac.Danslesautresbarques,lesgenstestaientlepouvoirdel'échodelagrotteavecenthousiasme,alternantlescrisdeterreursimuléeetleséclatsderiresinistresquiseréverbéraientsurlesparois.—Connais-tulalégende?chuchotaAndreasàsonoreillelorsd'unraremomentdesilence.

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—Oui,jel'ailuedansmonguide.—Tuneveuxpasessayer?demanda-t-ilensouriant.Tuneveuxpascriermonnompoursavoirsijeteseraitoujoursfidèle?—Cen'estpaslapeine.Jenesuispassuperstitieuse.Zoesepenchaetentrepritdejoueravecl'eauduboutdesdoigts.Maiselleretirabienvitesamain.—MonDieu,c'estglacé!—Alors,c'estmoiquivaiscriertonnom,déclara-t-il.—Non,dit-ellesoudainmalàl'aise.NefaispasçaAndreas!Ilhaussalessourcils,étonné.—Tuaspeurdecequel'échopourraitrévéler,pedhimou?—Cen'estqu'unelégendeidiote.Etpuis,touscesgensautour...jemesentiraisgênée.—Alors,nousreviendronsunsoir.Nousauronsl'endroitrienquepournousetlagrottenousdonnerasabénédiction.CommejesuisnéàThania,jemedoisd'obéiràlatraditionavantdememarier.Acesmots,Zoesursautasiviolemmentquelabarquefaillitchavirer.—Est-cequetuviensd'évoquerlemariage?—Zoemou,dit-ild'untonpatientcommes'ilparlaitàuneenfant,as-tubienécoutécequejet'aidittoutàl'heure?Jecroyaisavoirétéclairentedisantquejevoulaisquetupartagesmavie,etpasseulementmonlit.—Andreas,chuchota-t-elle,lepasseurpourraitt'entendre.—Ilneparlepasunmotd'anglaisetilsaitqu'iln'aaucunintérêtàécoutercequenousdisons,encoremoinsàlerépéter.Pourquoidoutes-tuencoredemoi,pedhimou?—Parcequetoutceciarrivetellementvite...etpuislesfillescommemoi,engénéral,n'épousentpasdeshommesdetongenre,tudoisêtreaucourant.—Tupensesquetuestropbienpourmoi?Tuassansdouteraison.Tuvois,jel'admetssansdifficulté.— Sois sérieux. Je suis sûre que ça ne peut pas être si simple : tu es certainement censé épouserquelqu'undetonrang.—Ilenaétéquestion,eneffet.Maisj'aitoujoursinsistésurlefaitqueceseraitmoiquiprendraiscettedécision,matiamou.Mêmesijenelesavaispas,pendanttoutescesannées,jet'attendais.—J'aiencoredumalàycroire...Maisc'estbondetel'entendredire.—Tudoutesencoredemoi?Jedevraispeut-êtredemanderàl'échodemejuger,alors.—Non ! s'écria-t-elle tandisqu'il commençait à se tournervers le fondde lagrotte.S'il te plaît, pasmaintenant.Nousreviendronsuneautrefois,commetul'assuggéré.Illacouvaduregardetluiditdoucement:—Pedhimou,ilnes'agitqued'unelégende.Pourquoiest-cequecelatedérangeautant?Elleessayaderire.—Jenepeuxpasm'empêcherdepenserque...supposonsquenouscriionsnosnomsetquelagrotterestesilencieuse.Je...jeneveuxpasprovoquerledestin.Ils restèrent silencieuxpendant tout le trajet de retour àLivassi.Levisaged'Andreas était crispé, sesdoigts tapotaient nerveusement le volant tandis qu'il conduisait. Zoe le regardait de temps en temps,furtivement, sedemandantcequ'ilpouvaitbienpenser.Est-cequ'il regrettaitdéjàde luiavoir faitunedéclarationaussiprécipitée?Lorsqu'ilsarrivèrentdevantl'hôtel,elleparvintàluidemanders'ilsseverraientlesoirmême.—Non,pedhimou.J'aideschosesàfaire.Ilfautquejeparleàmonpère,entreautres.Maisonpeutsevoirdemainmatin.OnpourrapasserdutempsàlaVillaDanaeetfairedesprojets.Aquelleheureveux-tuquejevienneteprendre?

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— Oh, j'irai là-bas toute seule, ça me fera une promenade. Et puis, il est inutile d'alimenter lescommérages.—Bientôt,lemondeentierseraaucourant.Ilpritsamainetydéposaunbaisertendreetsensuel.—Ademain,Zoechérie.Dorsbien,etrêvedenousdeux.Lorsquelajeeps'éloigna,Zoerestasurlesmarchesdel'hôtelàluidireaurevoirdelamain.Ellesesentittoutàcoupenvahieparunevaguededésolation:ellenevoulaitpasqu'ilparte.Commesielleavaitl'intuitionquetoutétaitterminé,quesonbonheurs'arrêtaitlà,qu'ellenelereverraitplusjamais.Ellecriasonnom,désespérée,prêteàlesupplierderevenir,maissavoitureétaitdéjàloin,nelaissantqu'unnuagedepoussièredanssonsillage.Puis,commeZoel'avaitcraint,iln'yeutplusqu'unlourdsilenceautourd'elle.

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8.EllefutsoulagéedenepastombersurStavrosouSherryàlaréception.Enfait,l'endroitsemblaitdésert,toutlemondedevaitêtreentraindes'affairerdanslacuisinepourlespréparatifsdudîner.Dequoiavait-elledûavoirl'air,àhélerainsiAndreasquivenaitdepartir?Son instinct luidictaitdenepas trops'accrocherà lui,denepasdevenir tropdépendante.L'existenced'Andreasn'avaitrienàvoiraveclasienne;ilavaitdesresponsabilitésqu'ellenepouvaitmesurer;ilyauraitsûrementdesmomentsoùsavieprofessionnellel'éloigneraitd'elle.Celafaisaitcertainementpartiedeschosesdont ilvoulaitdiscuteravecelle le lendemain,pourétablirclairementcequ'incluaitunevieavecunhommecommelui.Ceneseraitpasfacile,ellelesavait,maiselleyarriverait.Elletâcheraitd'êtreunsoutienpourlui,nonuneentraveàsaréussite.De son côté, elle ne pourrait continuer à lui mentir encore longtemps. Si elle n'était pas entièrementhonnêteavecAndreas, ladonationde lavillaà samère lui resterait à jamais sur lecœur,planantau-dessusdeleursviescommeuneombrelointaine.Or,ellenevoulaitaucuneombreautableau,aucunsecret.Rienqueleursvoix,unies,sefaisantéchoversl'avenir.ElleavaitétéfolledenepascroireenlalégendedelaGrotted'Argent.—Vousvoulezquelquechose?Zoesursautaausondelavoixcassantequiavaitinterrompusarêverieetfutsurprisedetrouverl'oncleStavrospostédevantelle.—Euh...justeunelimonade,s'ilvousplaît.EllesavaitqueSherryenfaisaitplusieurspichetschaquejouràpartirdecitronspressés.Levieilhommegrommelaquelquechoseets'enalla.Zoesedemanda,unefoisdeplus,cequ'elleavaitfaitpourlemettredansdesimauvaisesdispositionsàsonégard.C'était lemoment ou jamais de le découvrir, se dit-elle en le voyant revenir avec un grand verre delimonade.— Nous nous sommes déjà croisés, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en lui offrant son sourire le plusengageant.Là-haut,surlaplacedel'églisel'autrejour,etpuiscematinencore.Ilhochabrièvementlatêteensigned'approbationetallaitfairedemi-tourlorsqueZoel'arrêta.—Excusez-moi,maisilyaquelquechosequinevapas?—Eneffet,répondit-ilenseretournantverselleàregret,lesyeuxpleinsdecolère.Despinis,vousavezeu tort. Vous n'auriez pas dû venir ici. Vous feriez mieux de vous en aller, avant que les choses nes'aggraventencore.Ellen'auraitpasétépluschoquées'ill'avaitgiflée.—Je...jenevoispasdequoivousvoulezparler.—Vouscroyezquemoi,Stavros,jenemesouvienspas?s'écria-t-ilenportantunemainàsapoitrine.Vousavezpeut-êtrepenséquejenevousreconnaîtraispas,vous,lafilledelapetiteGina?Prudemment,Zoerépondit:—Sivousvoulezparlerdemamère,jesaisqu'elleestvenueiciunefois,ilyalongtemps...—Oui,elleetl'autre,sasœur.Zoen'encroyaitpassesoreilles.—Vousêtesen traindemedirequema tanteMeganestvenue ici, àThania, elle aussi ? Je... jen'ensavaisrien.—Ilyabiendeschosesquevousignorez,dit-ild'unairsombre.Partez,despinis.Partezavantqu'ilnesoittroptard.Ilsepenchaverselle,levisagemenaçant.

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—AndreasDragosn'estpaspourvous.LachaleurmontaauxjouesdeZoe,etelleriposta:—Jecroisquecelanevousregardepas.Pendantunefractiondeseconde,ellecrutvoirunelueurdecompassiondanssesyeuxféroces.Puisilsetournaets'éloignad'unpaslourd,laissantZoeabasourdie.Lorsqu'ellevoulutsaisirsonverrede limonade, sa main tremblait tellement qu'elle en renversa sur la table. L'odeur du citron lui parutsoudaininsupportable.Elles'enfonçadanssachaise,lecœurbattantlachamade,luttantpourgarderlecontrôled'elle-même.Ellen'étaitpasvraimentsurprisequesarelationavecAndreasnefassepasl'unanimité,elles'attendaitbiensûràcequecertainstrouventqu'elleneméritaitpasdel'épouseretnesepriventpasdeleluifairesavoir.Ellepouvait raisonnablementprévoirque la familled'Andreass'yoppose,enparticulier lepèredecedernier.Maisellenes'étaitpaspréparéeàuneattaqueaussidirecteetpersonnelle,quiplusestvenantd'unepersonnequinefaisaitmêmepaspartieduclanDragos.Ellen'auraitmêmepassudires'ill'avaitmiseengardeoumenacée.EllepensatoutdesuiteàAndreas.Ilfallaitqu'ellelevoie,qu'elleluiracontecequivenaitdesepasser.Elleavaitbesoinqu'illaréconforte,qu'illarassure.C'est alors qu'elle réalisa qu'elle ne savait pas où le trouver. Il devait certainement vivre dans larésidencedesDragos,maisellen'enétaitmêmepassûre.Elle ressentit le même malaise que lorsque la jeep s'était éloignée de l'hôtel. La même certitudedésespéréequ'ilvenaitdesortirdesavieetqueplusrienneseraitjamaiscommeavant.C'étaitridicule.ElleallaitlevoirlelendemainmatinàlaVillaDanaeetalorsellepourraitluiracontertoutcequ'elleavaitsurlecœureteffacerlesdoutesetlespeursquil'oppressaient.Andreasluiavaitdemandédeluifaireconfiance.Ilsebattraitpourelleetleuravenir.Zoemontadanssachambrepourprendreunedoucheetsechanger.Ellechoisitunerobedebatistebleuesansmanches puis, après s'être regardée dans lemiroir, semit en devoir d'effacer les traits tendus etanxieux de son visage à l'aide de blush et d'ombre à paupières, mais le résultat ne lui sembla pasconvaincant.Ensortantsur lebalcon,ellevitunhélicoptère tournoyerau-dessusduportavantdes'éloignervers lelarge.Zoe avaitmis sesmains sur ses oreilles pour se protéger dubruit assourdissant, si improbable sur lapetiteîletranquille.L'enginn'avaitfaitquepasser,fortheureusement.Ellesesentitsoulagéelorsquelevacarmedurotornefutplusqu'unronronnementlointain.La plupart des clients étaient déjà en train demanger lorsqueZoe revint dans la cour. Elle ne put seretenirdeparcourirlelieuduregard,espérantsecrètementqu'Andreasauraitdécidéqu'ilnepouvaitpassepasserd'ellepour lasoiréeetqu'ilserait là,à l'attendre.C'étaitcequi l'avait retenuededescendreplustôt,maisellenelevitnullepart.Laseulebonnenouvelle,c'étaitquel'oncleStavrosn'étaitpaslànonplus.Unefoisqu'elleeutprisplaceàunetable,Sherryvintlavoiraveclemenu,unecorbeilledepainetdescouverts.—Kalispera,lasalua-t-elleavecungrandsourire.Sherryluiréponditparunsimplesignedetête,sansmêmelaregarder.—Jevousrecommandeleragoûtdeveau,cesoir,récita-t-ellemécaniquement.

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—Entendu,c'estcequejevaisprendre.Aveclemêmevinrougequed'habitude,réponditZoed'untonégal.Maisellenecomprenaitpascequisepassait.LorsqueSherryreparutaveclevinetunecarafed'eau,Zoel'obligeaàs'arrêterenposantunemainsursonbras.—Sherry,qu'est-cequisepasse?—C'estàvousdemeledire.Pourl'amourduciel,avez-vousidéedelàoùvousmettezlespieds?—Jesuistombéeamoureuse,réponditZoesimplement.—Ehbien,vousferiezmieuxdechangerd'avis,leplusvitepossible!Aprèss'êtreemportée,Sherrysetut,puisrepritd'untonpresquesuppliant:—Laissez-moiappelerlescorrespondantsdevotreagenceàCéphalonie,ilsvoustrouverontunvolderetouravantquevousn'ayezlecœurbrisé.—Vousêtesdonctellementsûrequecelavaarriver?Supposezqu'Andreasm'aime,luiaussi.—Iln'apasledroit,réponditSherryd'untonfatidique.Bonsang,Zoe,vousignorezlepouvoirdecesgens-là!Allez-vous-entantqu'ilestencoretemps.LevisagedeSherryétaitsoudaindevenublême.—Moi-mêmej'aieudroitàdesreproches.L'oncledeStavrosestvenu,illuiahurlédessusparcequ'ilavait accepté votre réservation. Il lui a dit qu'il devrait vous mettre dehors, que les Anglaisesn'apportaientquedesennuis,qu'ilétait foud'enavoirépouséune.Luiquiest toujourssiaimableavecmoid'habitude.—Oh,Sherry,jesuisdésolée.Ils'enestprisàmoiaussi.Maisjetrouveraiuneexplicationàtoutça,jelejure,etAndreasrégleratoutça.—S'il le peut, répondit tristementSherry avant de s'en aller.Zoemangea son repas sans appétit. Soninstinctluiconseillaitdenepasattendrelelendemainetd'allertrouverAndreaslesoirmême,pourqu'ils'efforcederéglercesproblèmesquisemblaients'accumulercommeautantdenuagesnoirs.D'unautrecôté,ellenevoulaitpasnonpluspaniquerpourrien.Mieuxvalaitallersecouchertôt.Elleyverraitplusclairaumatin.Une fois dans sa chambre, elle se déshabilla, enfila sa chemise de nuit et s'allongea sur son lit pouressayerdelireunpeu,maisellefutincapabledeseconcentrer.Pourquoi tout le monde la mettait-il en garde ? Pourquoi sa relation avec Andreas apparaissait-ellecomme taboue ? Etait-ce dû à leur inégalité sociale, lui plusieurs fois millionnaire et elle simpleprofesseur?Oubienpeut-êtreàcausedeleurdifférencedenationalité?Rien de tout ce qui lui venait à l'esprit ne pouvait justifier les réactions auxquelles elle avait étéconfrontée.Elleéteignitsalampedechevetetrestaallongée,lesbrasenroulésautourd'elle,àfixerl'obscurité.«Monamour,chuchota-t-elle,oùquetusois,penseàmoi.J'aitellementbesoindetoi.J'aisipeur.»Lajournéeallaitencoreêtreécrasantedechaleur,seditZoeenatteignantavecsoulagementl'ombredesoliviers.Uninstant,elleregrettadenepasavoiremportésonmaillotdebainetsaserviette.Maisellevenaitlàpourparler,paspourprendrelesoleil.Elleavaitdoncpréféréunetenuesage:jupeenjeanetchemisierblancenlin.Elleauraitlargementletempsdeprofiterdecesoleilradieuxplustard,quandilsauraientmisleschosesauclair.Elleavaitprisl'actededonationavecelle,ainsiquedesdocumentsprouvantsonidentité.Andreas serait probablement fâché qu'elle ne lui ait pas parlé plus tôt. S'il l'aimait vraiment, il luipardonnerait.Danslecascontraire...non,ellenevoulaitpaspenseràcetteéventualité.

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Ilavaitdûarriveravantelleetdevaitêtreentraindel'attendre.Ellemontarapidementlesmarchesdelaterrassemaisl'endroitétaitdésert,ainsiquelaplage.Peut-êtresetrouvait-ildanslamaison,seditZoe.Maisquandelleessayad'ouvrirlaported'entrée,elleconstataquecelle-ciétaitferméeàclé.Ellefitletourdelabâtisse,maisdutserendreàl'évidence:touslesaccèsétaientverrouillés.Commesilamaisonelle-mêmeavaitprisparticontreelle.ImpossibledesavoirsiAndreasétaitenretardcependant,car ilsn'avaientpasfixéd'heureprécisederendez-vous.Ilavaitquantitédechosesàfaire,naturellement.Aprèstout,ellen'avaitaucuneidéedelachargedetravailqu'ildevaitassumer.Celafaisaitpartiedeschosessurluiqu'elledécouvriraitaufildesjours,dessemaines,desannées...Ilnetarderaitsûrementpasàarriver.Lajeunefemmetrouvauncoinàl'ombreets'yassit,lesjambestenduesdevantelle,s'éventantavecsonchapeau.Ellesortitlespapiersdesonsacetlesparcourutencore.Elleavaitfaiteffectuerdescopiesdesonactedenaissanceetdu testamentdesamère.Unefoisqu'elleauraitdit lavéritéàAndreassur laraison de sa venue à Thania, elle déchirerait tous les documents devant lui, pour lui montrer qu'elleabandonnaittouteréclamationconcernantlamaison.Elleregardasamontre,fitlamoue,puissortitcelivrequ'ellen'arrivaitdécidémentpasàterminer.Ellenepouvaitpasresterlààl'attendresansrienfaire.Quandelleregardadenouveausamontre,ellefutsurprisedeconstaterqu'uneheures'étaitdéjàécoulée.Ilétaitprèsdemidi,lamatinéetouchaitàsafin.Zoeselevaets'étira,puisallajusqu'àlapointedelaterrassepourparcourirlaplagedesyeux,scrutantlecroissantde sableaucasoù il serait arrivéparuneautre route.Maiselleétait toujoursbeletbienseule.La colère commençait à la gagner. De la part d'un homme transi d'amour, ce traitement était un peucavalier.Elleluidonnaitencoredixminutes.Mais à force d'ajouter les dizaines deminutes, une autre heure passa bientôt, et toujours aucun signed'Andreas.Elleavaiteupeurpendantlanuit,maismaintenantelleétaitauborddeslarmes.Oùpouvait-ilbienêtre?Qu'était-ilarrivé?Elleramassasonsacetrebroussachemin,luttantàchaquepascontreladétresseetl'incertitude.Stavrosétaitautéléphonelorsqu'ellearrivaàlaréceptiondel'hôtel.Elleattenditqu'ilraccroche.Celui-ciluilançaunregardcirconspect.—Puis-jevousaider,despinis?—J'espèrebien.Pouvez-vousmedirecommentmerendrechezmonsieurDragos,s'ilvousplaît?J'aibesoindeparleràAndreasetc'estplutôturgent.—Andreasn'estpaslà,despinis.L'hélicoptèreestvenulechercher,ilestpartihiersoirpourAthènes.Ilavaitlaisséunmessagetéléphoniquepourvousprévenir.—Etvousn'avezpaspenséàmeledire?Maispourquivousprenez-vous?Qu'est-cequec'estquecethôtel qui ne transmet pas les messages à ses clients ? Je suis allée au rendez-vous et je l'ai attendupendanttoutcetemps!—Jenevoulaispasfaireça,réponditStavrosd'unevoixmisérable.C'estmononcle,ilpensaitquecelavalaitmieux,queceseraitplusfacilesivouscroyiezqueKyriosAndreasétaitsimplement...parti.Vousauriezpenséqu'ilavaitchoisicemoyenpourmettrefinàvotrehistoire,etvousseriezpartieàvotretour.—Ehbien,vousavezeu tort,parceque jesaisqu'iln'aurait jamaisfaitça.Commentest-cequevotreoncleosesemêlerdecequineleregardepas?

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—Ilavoulubienfaire,despinis.IlaimebeaucoupAndreas,commesonproprefils.—Etbienentendu,iltrouvequejenesuispasassezbienpourlui.—Jenesaispas,KyriaZoe.Ilditqu'Andreasetvousnepouvezpasêtreensemble,maisilneveutpasenexpliquerlaraison.—Bien.QuandAndreasreviendra,j'ail'intentiond'êtrelà.Jel'attendrailetempsqu'ilfaudra,etjememoquebiende ladésapprobationdevotreoncle.Est-ceque lemessageprécisait quand il aprévuderentrer?—Non,despinis,ilajusteditqu'ilavaitétéappeléd'urgenceàAthènes.—Bon.S'ilyad'autresmessages,veillezàcequejelesreçoiveimmédiatement,dit-elleenluitournantledospourregagnersachambre.Ellel'entenditsoupirer:—Oui,KyriaZoe.Cefutcependantsonseulmomentdetriomphe,cariln'yeutpasd'autremessage.Troisjourss'écoulèrentlentement,etfinalementsonamour-proprel'empêchadecontinueràposerlaquestion.Visiblement,AndreasresteraitàAthènesjusqu'àlafindesesvacances,évitantainsidesmomentpéniblesoudesscènespathétiques.Maispourquoiavait-ilagiainsi? sedemandait-elleencoreetencore.Pourquoiavoir fait semblantdetomberamoureuxd'elle?Etait-celàunjeumalsainpourtrompersonennuisurcetteîletropcalme?Sic'étaitlecas,ilavaitdûbienrire,sedisait-elleamèrement,envoyantavecquellefacilitéelleavaitsuccombéàsescharmes.Elleeutdumalàremplirses journées,mais le tempspassaitmalgrétout.Elleréussit,enapparence,àsurmontersonsentimentd'humiliation.Elles'étaitpréparéeàsubirdesmoqueriesvoiléessursasituation,maisonlatraitaaucontraireàl'hôtelavecbeaucoupdegentillesse.Elleprenaitsurellepourdissimulersablessure,gardaitlesourireetlatêtehaute.Ellesejoignaitmêmedetempsentempsàdesactivitésdegroupesetàdesexcursionsorganiséesparl'hôtel.Cependant,elleprenaitgarded'éviterlesendroitsqu'elleavaitvisitésavecAndreas.Lesouvenirdecejour,sibeau,oùelles'étaitcruaimée,étaitencoretropvifdanssonespritpourqu'elles'infligeunetelleépreuve.L'imagedesonbien-aiméétaitgravéedanssaconscienceetapparaissaitenfiligranederrièrechaquesituationdesonquotidien,l'empêchantdetrouverunsommeildontelleavaittantbesoin.ElleneremitjamaislespiedsàlaVillaDanae.Au bout de cinq jours, elle partit avec un groupe àCéphalonie, explora les rues commerçantes de lacapitaleetparticipaàunevisiteguidéede l'îlepourendécouvrir lesplusbeauxendroits.Pendantdecourtsmoments,elleparvintàsedétendreunpeuetàprofiterdecequ'ellevoyait.Unjour,elleguérirait.Ellereviendraitpeut-êtrealorsenGrèce...maispastoutdesuite.EllerevintàThaniaparleferrydefind'après-midi.Elleétaitunpeufatiguéelorsqu'elleposalepiedàterre,maisellesesentaitplutôtsereine.Unevoitureétaitgaréedevantl'hôtel,etdeuxhommesencostumessombresetlunettesnoiressetenaientsurlesmarches,engrandeconversationavecStavros.Des hommes d'affaires, sans doute, se dit Zoe, en constatant l'élégance de leurmise. La voiture étaitégalementtrèsluxueuse.Al'approchedelajeunefemme,lestroishommessetournèrentpourlaregarder.Elles'arrêtasousleursregardsscrutateurs.—MademoiselleLambert?demandal'und'euxavecunaccentanglaisirréprochable.L'autrehommeouvritlaportièrepassagerdelavoiture.

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—Mon employeur, continua le premier en souriant, souhaiterait que vous vous joigniez à lui pour ledîner.—VeuillezremercierAndreasdemapartetluidirequejen'accepteraiplusaucuneinvitationàl'avenir,répondit-elled'untonglacial.Jesuissûrequ'ilcomprendra.Stavros était paniqué, il ne cessait d'envoyer des signaux àZoepour qu'elle fasse attention,mais ellel'ignora.—Jecrainsquevousnefassiezerreur,mademoiselleLambert,réponditl'hommeaveclemêmesourire.Ils'agitdeM.StephanosDragos,lepèred'Andreas.Ilestimpatientdefairevotreconnaissance.Sivousvoulezbienvousdonnerlapeinedevenir...—Maisj'aipassélajournéedehors,protestaZoe.Onlapoussapolimentmaisfermementverslavoiture.Elledésignasarobefroissée.—Je...jevaisd'abordmechanger.Ellevoulaitallers'enfermerdanssachambreetneplusensortir.— Vous êtes très bien ainsi, mademoiselle Lambert, lui répondit-on. II ne s'agit que d'une invitationinformelle.S'adressantàStavros,sondernierrecours,elles'indigna:—Est-cequevousallez rester là, sans rien faire, alorsqu'unedevosclientesesten trainde se faireenlever?—M.Dragosveutvousvoir,KyriaZoe.Vousverrez,soncuisinierestunexcellentchef.—Fantastique ! s'exclama-t-elle furieuse, tandisqu'on la faisait asseoir sur le siège.Voilàqui changetout,bienentendu.Sijenerevienspas,surtoutn'hésitezpasàattribuermachambreàunnouveauclient!Elleseretrouvaassiseàcôtéduchauffeur,tremblantedecolère,lesmainsagrippéesàsonsac.La route qu'ils empruntèrent passait devant laVillaDanae et continuait en logeant la côte.Zoe venaitd'abandonnerl'idéedecompterleskilomètresqu'ilsavaientparcourus,lorsquelavoituretournaàgaucheets'arrêtaenfindevantd'imposantesgrillesenfer.Lechauffeurklaxonnaetungarde,surgidenullepart,leurouvrit.Tandisquelesportesserefermaientderrièreeux,Zoecommençaàavoirpeuretàregrettersaboutadesur le fait qu'elle ne reviendrait peut-être pas. Ce que Sherry avait laissé entendre sur l'étendue despouvoirsdeSteveDragosn'étaitpasnonpluspourlarassurer.Ilsroulaientàprésentsurunealléequitraversaitunimmenseparcplantédecyprès.Lorsquelamaisonapparut enfin,Zoe constata qu'elle était bien plus ancienne que laVillaDanae, et que ses dimensionsétaientdeuxfoisplusimposantes.Lesmursclairsétaientfestonnésdelierreetdevignesenfleurs.Plusieursvéhiculesétaientgarésdevantlamaison,dontlajeepd'Andreas.Zoesentitsagorgeseserrerlorsqu'ellelareconnut.Ellen'yarriveraitjamais,ellenepourraitpas...Maislavoitures'étaitarrêtée,onl'aidaàensortiretonl'escortajusqu'àl'entrée.Elles'arrêtaet,agacée,selibéradelamainquiluiserraitlebrascommeunetenaille.—Lâchez-moi,dit-elleentresesdents.Ilfaisaitfraisàl'intérieur.Zoeremontasonsacsursonépauleetenfonçasesmainsdanslespochesdesarobepourdissimulerleurtremblement.Un serviteur enhabit gris clair se précipita pour ouvrir uneporte double etZoe se retrouvadansunepièce spacieuse au plafond bas, meublée de canapés et de fauteuils rassemblés autour d'unemassivecheminéeenpierre.Il n'y avait qu'un occupant : Andreas, en costume sombre impeccable, qui se tenait debout devant lafenêtre.Zoes'immobilisaenapercevantsasilhouetteélancée.

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Ilseretournalentementetlaregarda,sansunsourire.Ilsemblaitépuisé,abattu.—Kalispera,dit-ild'unevoixquisemblaitvenirdetrèsloin.Oneûtditunétrangerpolis'adressantàuneinconnue.Ellerelevalementon.—Pourquoias-tufaitça?Pourquoia-t-ilfalluquetumefassesvenirici?—Cen'étaitpasmonsouhait,maisceluidemonpère,expliqua-t-ild'untonhésitant.Ilnedevraitplustarder.IlsereposeaprèssonvoldepuisAthènes.—C'esttoutcequetuasàmedire?Tunecroispasquej'aidroitàquelquesexplications?Sesyeuxrencontrèrentlessiens,luilançantunappelsuppliant,etsafiertévolaenéclats.—Tu...tum'avaisditquetutenaisàmoi.—Jetiensàtoi,dit-ilcalmement.Riennepourrajamaischangerça.—Etsijetedemandaisdepartird'iciavecmoi,maintenant,pourallerensembleàlaGrotted'Argentetcriernosnoms,qu'est-cequeturépondrais?Ilinclinalatête,commepours'avouervaincu.—Jedirais...non.Ellefaillithurlertellementcetteréponseluifitmal,commesicesmotsl'avaienttranspercée.Elleparvintencoreàarticuler:—As-tujamais...vouludemoi?—Celanecompteplus.Toutachangé,ilfautquetulecomprennes.—Jenecomprendsrien!Andreas, je t'enprie,dis-moicequisepasse.Ont'aordonnédemelaissertomber,c'estça?—Jen'avaispaslechoix.—Onatoujourslechoix.Elletraversalapiècepourlerejoindre.—Etjetechoisis,toi,dit-elleensaisissantsesmains.Ellevoulut leseffleurerdeses lèvres, lesplacercontresapoitrine,mais il larepoussaviolemment.Ilrecula,unmasquededuretésurlevisage,larespirationhaletante.—Jenepeuxpastetoucher,Zoe,etjenepeuxpastelaissermetoucher.C'estfini.Elleentenditlesportess'ouvrirderrièreeuxetseretourna.Depuisleseuil,unhommelesregardait,lessourcilslégèrementfroncés.Ilportaitunevestematelasséepourpre, un pantalon noir et une écharpe de soie nouée autour du cou. Il était grand, les cheveux grisargentetsonvisage,quidégageaituneimpressiondeforceetd'autorité,avaitdûêtretrèsbeauautrefois.Depuisl'autreextrémitédelapièce,Zoesentaitl'auradepouvoirquiémanaitdesapersonne,lasombremagnificencedesaprésence.Lorsque l'homme se mit à parler, sa voix était profonde, légèrement rauque, comme s'il essayait dedissimulerquelqueémotion.—Ainsi,tuesl'enfantdeGina.Tuviensenfinàmoi.Stavrosavaitraison:tuessonportraitexact,pedhimou.Jet'auraisreconnueentremille.Zoeseraiditetréponditfroidement:—Jeregrettedenepaspouvoirvousretournerlecompliment.Maisellesavaitquecen'étaitpasvrai.Soninstinctluiavaitditdèslepremierinstantquel'hommequisetrouvaitenfaced'ellefiguraitsurlaphotoquesamèreavaitprécieusementconservéependanttoutescesannées.—Alors,permets-moidemeprésenter.MonnomestStephanosDragos,etj'ail'honneurd'êtretonpère.—Non!cria-t-elled'unevoixquisebrisa.EllesetournaversAndreas.—Dis-moiquecen'estpasvrai!

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Maisledésespoirqu'ellelutdanssonregardluiconfirmalepire.Ce regard qui lui disait que tout était perdu resterait à jamais gravé dans samémoire, les enfermantchacundansunenfersolitaire.Cefutsadernièrevisionavantdes'évanouir.

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9.Zoe prenait peu à peu conscience de ce qui l'entourait. Quelque chose de moelleux sous elle, de lalumièrederrièresespaupières,deschuchotements,unesensationhumideetfroidesursonfront.Ellefituneffortsurhumainpourouvrirlesyeux,maisellenecomprenaitpascequ'ellevoyait.Elleétaitallongéesurun lit,dansunechambre,etunhommequ'ellen'avait jamaisvuse tenaitàsonchevet.Levisagemince,unepetitebarbesoigneusementtaillée,ilarboraituneexpressionaimable.—Vousrevoiciparminous,Zoe,jem'enréjouis.Samainserefermasurlepoignetdelajeunefemmepourvérifiersonpouls.—Quiêtes-vous?demanda-t-elled'unevoixfaible.—JesuisM.Vanopolis,lemédecinpersonneldeM.Dragos.Lesbrumesdesonespritcommençaientàsedissiper.Dessouvenirs,desimages,lesond'unevoixprononçantdesmotsimpossiblesluirevenaient.Etpuislesyeuxd'unhommeluidisantadieuàjamais.Elletressaillit.—J'aienviedevomir.—Restezallongée,lanauséevapasser.—Ques'est-ilpassé?—Vousvousêtesévanouie.Heureusement,M.Dragosaréussiàvousrattraper,vousn'avezdoncaucundommagecorporel.—M.Dragos...maisilétaitàl'autreboutdelapièce.—JevoulaisdirelejeuneM.Dragos,Andreas,votrefrère.C'estluiquivousaamenéeici.Pendantdelonguesminutes,ellerestaàleregarder,essayantdecomprendrecequ'ilvenaitdeluidire.Elleprenaitprogressivementconsciencequ'ilnes'agissaitpasd'uncauchemar.Elleauraitvouluêtremorte.Deslarmesdontleselluibrûlalapeauglissèrentsursesjouesetelletournalatêtepourquel'hommenevoiepasqu'ellepleurait.Lorsqu'elleputparlerdenouveau,ellemurmura:—Jevoudraispartir,maintenant,jevousenprie.—Ilvautmieuxquevousrestiezlà.Vousavezsubiunchocémotionnelimportantetvotrepèresouhaitequevousrestiezsoussurveillancemédicalecettenuit.Nousavonsprévenuvotrehôtel.—Biensûr,jen'aipasmonmotàdire.Mavieentièrevientd'êtrebouleversée,jenesaismêmeplusquijesuis,etjenepeuxrienfaire.C'estbiencequevousêtesentraindemedire?Ilhésita,cherchantsesmots.—Jesuisnavréquevousayezdécouverttoutceladecettemanière.Zoes'assitsursonlitetrepoussalesmèchesdecheveuxquibarraientsonfront.—Lamanièren'auraitpaschangégrand-chose,docteur.Ilsoupira,impuissant.—Reposez-vousàprésent,KyriaZoe.Voulez-vousquel'onvousapporteduthé,oubienquelquechoseàmanger?—Non.JeveuxparleràAndreas.Voulez-vousluidemanderdevenirmevoir,s'ilvousplaît?—Ilvaudraitpeut-êtremieuxquevousparliezd'abordavecKyriosStephanos.—Non, dit-elle en tapant du poing sur lematelas. Je veux parler àAndreas, ou je vous jure que jesortiraidecettemaisonpourneplusjamaisyremettrelespieds!Le médecin soupira encore mais se dirigea vers la porte. Zoe se rallongea. Elle se sentait encorenauséeuseetsatêteluifaisaitmal,maiselleavaitl'espritclair.Pourlapremièrefois,elleconsidéralapièce où elle se trouvait. C'était une grande chambre, décorée avec goût. Le lit sur lequel on l'avaitallongéeétaitlargeetconfortable,ornéd'unecourtepointerichementbrodée.

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Les rideaux étaient tirés, seule une lampe de chevet éclairait la pièce. Zoe aperçut un livre ouvertretournésur la tabledenuitainsiqu'unepairedeboutonsdemanchette.Unevaliseencuirétaitposéedansuncoin, soncontenuétalésur lesol.Unevested'hommeetunecravatependaientsur l'accoudoird'unechaise.Laported'unplacardlaissaitentrevoird'autresvêtementsmasculins.Zoesemitàtremblerlorsqu'ellecompritoùellesetrouvait.OnfrappatrèslégèrementàlaporteetAndreasentraavecprudencedanslapièce.Ilrestasurleseuil,levisagedansl'ombre.Zoeseredressa,sesgrandsyeuxbrûlantscontrastantavecsonvisagesipâle.—C'esttachambre,n'est-cepas?Tonlit.Tum'asamenée...ici.Andreas,tuterendscompteàquelpointc'estcrueldetapart?—C'était la chambre la plus proche, et tu te trouvaismal. Je n'ai pas réfléchi, j'ai fait au plus vite.Pardonne-moi.—Qu'allons-nousfaire?—Nousnepouvonsrienfaire.Jesuislefilsdemonpère,ettuessafille.C'esttout.Savoixétaitfroide,lointaine,commes'ils'étaitentraînéàdirecesmotspournepluslaissertransparaîtreaucuneémotion.—Depuisquandlesais-tu?—Unvieilamidemonpèreluiatéléphoné,àAthènes.Quelqu'unquiétaitaucourantdecettehistoireparcequetamèreavaitséjournédanssonhôtelquandçaacommencé.—Stavros?—Oui,Stavros.Dèsqu'ilt'avue,ilasuquituétais.Quandilnousavusensemble,ilaeupeurdecequipouvaitsepasser.Jesupposequenousdevrionsluienêtrereconnaissants.—Tucrois?Jecrainsdenepasenêtreencorearrivéelà.—Non,moinonplus,dit-il,semblantcontenirunerageterrible.Ilavançadanslapièce,déplaçalachaiseets'yassitàunedistanceprudentedulit.—OhmonDieu,s'exclamaZoeencachantsonvisagedanssesmains.Jenepeuxpascontinuerainsi,jen'yarriveraipas.Ilfautquejem'enaille,quejeretourneenAngleterre.—Non, c'estmoi qui pars. Je retourne àAthènes ce soir.Tu dois rester, aumoins un peu.Monpèredésire faire connaissance avec sa fille, il attend ce moment depuis longtemps. Quels que soient tessentiments,pedhimou,tun'aspasledroitdelepriverdeça.Elleluidemandad'unevoixtremblante:—Tusavaispourmamère?Tuétaisaucourantdeleurrelation?— Je croyais tout savoir à propos des femmes demon père, mamère y a toujours veillé. « Je suismouranteettonpères'esttrouvéunenouvellecourtisane»:ellem'ajetécettephraseàlafigurejenesaiscombiendefois,quandj'étaisenfant.CesfemmeshabitaientParis,RomeouNewYork.Thaniaétait lerefugedemonpère.Mamèredétestaitcetteîle,ellen'yvenaitjamais.AThania,iln'ajamaiseuaucunemaîtresse...jusqu'àcequ'ilrencontretamère,etqu'ilentombeamoureux.Aprèselle,jecroisqu'iln'yaplusjamaiseuaucunefemmedanssavie.Ilbaissalesyeuxverssesmainscrispées.—Mamèreahurlélorsqu'elleaapprisqu'ilfaisaitconstruireunemaisonpourune«garced'étrangère»comme elle disait. Jeme souviens l'avoir entendue rire plusieurs fois parce que la villa restait vide,année après année. Elle trouvait ridicule que mon père attende encore cette femme qu'il aimait sidésespérémentetqu'ilcroiequ'ilspuissentyêtreunjourheureuxensemble.—Elleaétéheureuseavecsonmari,l'hommedontlenomfiguresurmonactedenaissance,l'hommequim'aélevée,quiaveillésurmoi.Pourquoiaurait-ilfaitçapourl'enfantd'unautre?

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—Peut-êtreparcequec'étaitquelqu'undebienetqu'iltenaitàelle,luiaussi.Ellesembleavoirétéunefemmequiinspiraitbeaucoupd'amour.—Oui,admitZoelagorgeserrée.Nousétionsunefamilleheureuse,dumoinsjelecroyais.—Tandisquemafamille,commetupeuxl'imaginer,nel'étaitpas.—Sitonpèreétaitsiamoureuxqueçademamère,siinfinimentdévoué,pourquoin'a-t-ilpasdivorcépourl'épouser?— Il a essayé.Mais simamère semoquait bien des liens sacrés dumariage, elle aimait par contrel'argentetlahautesociété.Ilmarquaunepause,leregardpleind'amertume.—Sielleétaitdevenuel'ex-femmedemonpère,elleauraitperdusaréputationetdoncsonstatut,ellelesavait.Quandmonpèreaparlédedivorce,elleestdevenuehystérique,elleamenacédesesuicider.Elleavait déjà fait une tentativeune fois, pasvraiment sérieuse,maismonpèrenepouvait pasprendre cerisque.Cettehorriblesituationaaussiaffectétamère.Ginaétaitdéchiréeentrel'amourqu'elleéprouvaitetlesnombreuxobstaclesquisedressaient.Mêmesielleavaitacceptéden'êtrequelamaîtressedemonpère,ellen'auraitjamaiseuaucunegarantiequemamèreleslaisseenpaix.Ellenepouvaitpasnonplusprendre ce risque, alors... elle est partie. Elle est retournée en Angleterre et lui a fait promettresolennellementdenepaschercheràlasuivre.—Alorsqu'elleattendaitunenfant?Ill'alaisséepartir?—Nil'unnil'autrenesavaientalorsqu'elleétaitenceinte.Ilnel'apasabandonnée,pedhimou.Iln'auraitjamaispufaireça.Ilatenusapromesseetn'ajamaischerchéàlarevoir,maisilluiaécritsanscesse,lasuppliant de revenir. Il a continué à construire cettemaison pour elle, commeun gage de leur avenir.Quandelleluiarépondu,luiannonçantqu'unenfantallaitnaîtredeleuramour,ilétaitfoudejoie.Illuiaécrit sur-le-champ, l'implorant de le rejoindre, en joignant un billet d'avion et de l'argent. Maisl'enveloppe lui est revenue, non décachetée, sans aucune explication. Il n'a jamais eu aucune nouvelled'elleparlasuite.—Etilalaisséleschosessepassercommeça?—Non,c'aétéuncoupterriblepourlui.Ilafinipartomberdansladépression,ilaétémaladependantplusieursmois. Quand sa santé s'est améliorée, la première chose qu'il a faite a été de lui écrire, lasuppliant de changer d'avis.Mais toutes ses lettres lui sont revenues, non décachetées. Tamère avaitdéménagésanslaisserd'adresse.Lorsquemonpèreasucequ'elleétaitdevenue,elleétaitdéjàmariée,etileutladouleursupplémentaired'apprendrequ'elleavaitappelésonenfantZoe,leprénomqu'ilsavaientchoisiensemblepourleurenfant,siunjourilsavaientunefille.Andreassoupira.—Làencore,illuiaécritunedernièrelettre,luidisantqu'ill'aimaitencoreetqu'ill'attendraittoujours.C'étaitilyalongtemps.Ilsereculadanssachaise,lestraitstirés.—QuiluiaapprisledécèsdeGina?—C'estmoi,hélas.—Etcommenta-t-ilréagi?Qu'a-t-ildit?—Pendantunmoment,rien.Puisiladéclaréque,desoncôté,ils'étaitsentimourirdepuislejouroùellel'avaitquitté.Mais ils'estditqu'elle luiavaitaumoins laisséunefille,etquetuétaisvenueenGrècepourleretrouver.—Ginan'ajamaismentionnésonnom.Ilyavaitjustecetableau,unepeinturereprésentantunemaisonqu'ellen'ajamaisvue.Commenta-t-ellepulapeindre?—Illuiavaitenvoyédesdessinsetplusieursphotos,etGinasavaitoùelledevaitêtreconstruite.Sonimaginationadûfairelereste.Peut-êtrequ'ellenonplusn'ajamaiscomplètementpuréussiràrenoncerà

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leurrêve.D'unevoixgrave,Zoemurmura:—Aulieudeça,ilsontbrisélenôtre.—Tusavaisqu'illuiavaitdonnélamaison.Pourquoinem'as-turiendit?—J'allaisteparler,lematinoùnousdevionsnousretrouveràlavilla.J'avaisl'intentionderendrelespapiers, de te dire que je n'en voulais pas et que nous devions enterrer le passé. Mon Dieu, quelleironie...Tunet'esjamaisdoutédequij'étais?—Commentaurais-jepudevinerquoiquecesoit? réponditAndreas.J'ignorais jusqu'à tonexistence.Monpèresemettaittoujoursencolèrelorsquej'essayaisd'évoquerlaVillaDanae.Ilrefusaitdemedirelenomoumême lanationalitéde la femmequ'ilaimait,etmamère l'appelait juste« l'étrangère». Ilsn'ont jamaismentionné l'éventualitéd'unenfant.Cen'estquecematin-là,àAthènes,quemonpèrem'aouvertsoncœur,sansriencacher.LecoupdetéléphonedeStavrosl'avaitalarmé,biensûr.Ilacomprisqu'ildevaitmettrefinànotrerelationetquelafranchiseétaitlaseulesolution.Mêmeàcemoment-là,jenel'aipascru.QueDieumepardonne,jepensaisquec'étaitunstratagèmepourm'éloignerdetoietmepousserversunmariagequ'ilavaitorganisépourmoi.Ilafalluqu'ilmemontredesphotosdeGinaetmêmecettedernièrelettrequ'elleluiaécrite,avantquejepuisseaccepterlavérité.—Elleauraitdûmeledire.Pourquoinem'ena-t-ellejamaisparlé?—Tamèresouhaitaitpeut-êtrelaisserlepasséderrièreelle.Ellevoulaitquetucontinuesàcroireentafamilleheureuse.—Oui,murmuraZoeenenroulantsesbrasautourdesesjambes.Oh,maispourquoisuis-jevenueici?Tusavais,n'est-cepas,quejecachaisquelquechose?—Oui,répondit-ildoucement.Maismoinonplus,Zoe,jenet'avaispastoutdit.Jepensais—jem'étaisconvaincu—quecelafaisaitpartiedujeudeséductionquiavaitdébutéentrenous.Jemedisaisque,trèsvite,nousn'aurionsplusaucunsecretl'unpourl'autre.Etmaintenant,hélas,c'estlecas.—C'étaitunhommemarié,remarqua-t-elleamère.Iln'avaitpasledroitdetomberamoureuxd'elle.—Jenepensepasqu'ilaiteulechoix,Zoe.Pasplusquemoiquandjet'airegardéedescendrel'escalierdelavilla:toutcequejemedisaisàcetinstant,c'était:«Lavoici,enfin».Ellepenchalatêteetunelarmeglissaleloindesajoue.—Andreas,jet'enprie.—Tuasraison,dit-ilenselevant.Ilvautmieux,jecrois,quenousnenousvoyionsplusseuls.Iltraversalapièceetattrapasonsacdevoyage.Ilyfourraquelquesaffaireséparpilléespuislefermaetsetournaverselle.—Nousavonsdelachance,peut-être,denerienavoirdeplusàregretter.Ils'arrêtadevantlaporte,lamainsurlapoignée,leregardbrûlant.Uninstantplustard,ilétaitparti.Zoeentenditbientôtlebruitpuissantdel'hélicoptèrequidécollait,l'éloignantd'elle.Elleseretournadanssonlitpourenfouirsatêtedansl'oreillersurlequelilavaitdormietrestaimmobilejusqu'àcequelebruits'évanouisseauloin.Ellemitdutempsàrecouvrersesespritslorsqu'elleseréveilla,lelendemainmatin.Peu de temps après le départ d'Andreas, la gouvernante était arrivée et, ignorant avec tact son visagebrouillé de larmes, avait gentimentmais fermement insisté pour qu'elle change de chambre et qu'elles'installeàl'autreextrémitédelademeure.Zoenefutpassurprisedeconstaterquesesbagagesavaientété apportés de l'hôtel et défaits. Sa chemise de nuit toute simple avait été déposée sur le somptueuxcouvre-litdesatinetunedomestiqueétaitentraindeluifairecoulerunbainauxsenteursfleuries.Enfinseule,elles'étaitdirigéeverslafenêtre,avaitécartélesfinsvoilagesetcontempléleparcenfoui

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dans l'obscurité. Si seulement il existait une baguettemagique pour réparer les cœurs brisés, ou poureffacerdesamémoirelesourirequ'elleavaitvudanslesyeuxd'Andreas,laforcebrûlantedesoncorpslorsqu'ill'avaitprisedanssesbrasetsurtout,touteslespromessescontenuesdansleurbaiser...Despromessesquineseraientjamaisaccompliesmaisquilahanteraientàjamais.—KyriaZoe?C'étaitleDrVanopolisquivenaitdefrapperàsaporte.—Votrepèrevoudraitsavoircommentvousallez.—Commec'estgentildesapart!dit-elleavecunsourireforcé.—Ilaimeraitsavoirsivousêtesdisposéeàlevoir.—Pasvraiment.Maisqu'est-cequeçachange?Lorsque le médecin fut parti, elle s'observa dans le miroir, essayant d'y déceler une quelconqueressemblanceavecSteveDragos,maisellen'entrouvaaucune.Elleressemblaitàsamère,voilàtout!Sarobedebatisteainsiqued'autresvêtementsdesonplacardavaientétéemportéspourêtrenettoyés,elleoptadoncpourunejupeenjeanetundébardeurblanc.Aprèstout,ellen'avaitpasbesoind'impressionnerquiquecesoit.Le serviteurqu'elle avait vu laveille l'attendait aupiedde l'escalier pour la conduiredans la salle àmanger.Zoerespiraungrandcoupetentra.Stephanos Dragos était assis seul à l'extrémité d'une grande table et parcourait tout un éventail dejournauxinternationaux,maisilselevadèsqueZoeapparut.Ilportaitunechemisedepopelineblancheetun pantalon de lin couleur crème. La vigueur et la détermination qui émanaient de lui étaient presquepalpables : l'hommedecematincontrastaitavec lesombre individude laveillequiavaitenquelquesmotsdétruitlaviedeZoe.—Kalimera,lasalua-t-ilentirantunechaise,l'invitantparcegesteàs'asseoirprèsdelui.Elleluiréponditsansunsourireetallas'asseoirunpeuplusloin.Ilhaussalégèrementunsourcilmaisnefitaucuncommentaire.—Puis-jeteserviruncafé?Oubienpréfères-tuduthé?Lespetitspainssortentjustedufour.Ilfitsigneàladomestique,postéeprèsd'unimposantbuffet,delaservir.—Justedujusd'orange,s'ilvousplaît,etducafé.Jen'aipasfaim.—Maisilfautquetumanges,sinontuvasterendremalade.Elleluijetaunregardpleindefroideur.—MonsieurDragos,j'aidéjàmalaucœur.Lefaitdemangerneferapaspassercemalaise.Ilyeutunsilence,puisiladressaquelquesmotsàladomestique,quis'éclipsa.SteveDragoss'appuyaplusconfortablementcontreledossierdesachaiseetexaminaZoesansciller.—Bien,situastoutcedonttuasbesoin,nouspouvonsparleràprésent.—Iln'yapasgrand-choseàdire.Vousavezeuuneaventureavecmamère,et j'ensuis le résultat. Jevivaisheureusetantquejel'ignorais.Jenevoisrienàajouter.—Tun'asaucunecuriositéàproposdupassé?—Jemesuisposédesquestionsquandj'aitrouvédespapiersindiquantquemamèreétaitlapropriétairedelaVillaDanae.C'estpourcetteraisonquejesuisvenueàThania.Jevoulaisensavoirplus,maisj'aieutort.—Tuparlesd'uneaventure,maisc'étaitbienplusquecela.Tamèreétait l'amourdemavie,et je l'aiperdue.Zoeposasonverredejusd'orange,unsourireamersurleslèvres.—C'estétrangecommel'histoiretendàserépéter,dit-elled'unevoixétranglée.SteveDragosrestaunmomentsansrépondre,puisseremitàparler,lentement.

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—Jecroyaisneplus rienavoiràapprendresur la tristesseet le remords,mais jeme trompais. Jenepeuxtrouveraucuneexcuseaufaitd'êtretombéamoureuxdetamère,mapetite.Chacunedesesparoles,chacun de ses sourires, de ses gestes, était un enchantement pourmoi.Mais crois-moi, je n'ai jamaisvouluquemablessuresoitunesourcedesouffrancepourAndreasoupourtoi.Ellebaissalesyeuxverslanappe.—Dans ce cas, vous comprendrez pourquoi je ne peux pas rester à Thania, pourquoi j'ai besoin derentrerchezmoi.—Cheztoi,c'estici.—Non,cen'estpaschezmoietçaneleserajamais.C'esttoutsimplement...impossible.—Pourl'instant,peut-être,maisunjour,tulesentiras.Carmonsangcouledanstesveines,pedhimou.— Vraiment ? Si c'était le cas, je le sentirais, ici, dit-elle en mettant une main sur son cœur. Jeressentiraisunlienentrenous,maisje...jenesensrien.—Jesuispatient,j'aiapprisàl'être.Unjour,tum'accepterasentantquepère.Rejetantlatêteenarrièredansuneattitudededéfi,elleluilança:—Ilexistedestestspourvérifiercegenredechoses,monsieurDragos.—Tunemecroispas?Alorspeut-êtrecroiras-tutamère.Ilsortitunefeuilledelapocheintérieuredesaveste.Lepapierétaitdécoloréparletempsetcommençaitàsedéchirerauniveaudesplis.Zoelapritàcontrecœuretparcourutleslignesàl'encrepassée.Ellereconnutimmédiatementl'écrituredesamère.Lalettredisaitqu'elleallaitbien,qu'elleétaitheureused'attendreunenfantdelui,etterminaitenluiexprimantsonamour.—Etc'estladernièrefoisqu'ellevousaécrit?Celan'aaucunsens.—C'estcequejemesuisrépétédesmilliersdefois.Jem'enveux,j'auraisdûallerenAngleterreetlaconvaincre de revenir ici,mais je lui avais fait une promesse quim'en empêchait. Je ne pouvais pasmanqueràmaparole,ellenemel'auraitjamaispardonné.Toutcequej'aisud'elleaprèscettelettre,c'estqu'elles'étaitmariée.Illuilançaunregardinquisiteur.—Cethommea-t-ilétébonpourelle?—Oui,ilaétémerveilleux,avecnousdeux.C'estpourçaquejen'arrivepasàcroirequemamèreetluiaientpumementiràproposdequelquechosed'aussiimportant.—Ellen'ajamaisparlédemoi?demanda-t-ild'unevoixétrangeoùperçaitunepointedejalousie.—Non,réponditZoeenseradoucissant.Jecroisqu'elleavaitlaissécettepartiedesaviederrièreelle.Maiselleavaitgardéunephotodevous,etelleavaitpeintuntrèsbeautableaureprésentantlamaisonquevousaviezconstruitepourelle.—Etdonttuasmaintenanthérité.—Enréalité,lavillan'ajamaisvraimentappartenuàmamère,ellen'estdoncpasàmoinonplus.—Jesouhaitequ'elleterevienne,pedhimou.Fais-encequebontesemblera,vends-la,abandonne-la,situveux.C'estàtoidedécider.—C'est...c'esttrèsgénéreux,bredouilla-t-elle.—Tuesmafille.Jetedonneraisplus,situmelepermettais,etjereconnaîtraisnotrelienpubliquement.—Ohnon!C'esttroptôt,jenesuispasprête.J'aibesoindepenseràtoutça,etàcequecelaimplique.J'espèrequevouscomprenez.—Jevaisessayer,dit-ilenreculantsachaisepourselever.Viens,allonsnouspromenerunpeudansleparc.Tandisqu'ilsmarchaientlelongd'unsentier,illuiditdoucement:

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—Andreasn'apaseubesoindemedirequeGinaétaitdécédée.Jel'avaissentiilyaquelquesmois.Est-cequecelatefaitmalsijeparled'elle?—Non,biensûrquenon.Nousl'aimionstouslesdeux,çaaumoinsjepeuxl'accepter.—Veux-tusavoircommentnousnoussommesrencontrés?Toutacommencéparunechevillefoulée.Jerentraischezmoienvoiture,lorsquej'aivuunejeunefemmeassisesurleborddelaroutequisemassaitlepied.J'aivuqu'ellesouffrait,alorsjemesuisarrêtépourluioffrirmonaide.Ellenevoulaitpasalleràlaclinique,alorsjel'aiemmenéeici,oùmagouvernanteluiabaignélepiedetmisunbandage.—Unehistoireromantique,commentaZoe.—Maiscen'étaitpastamère,c'étaitsasœur.J'aicrucomprendrequ'elles'étaitblesséetandisqu'ellepartait comme une furie après une violente querelle, et que ce n'était pas la première fois qu'elles'emportaitdelasorte.—Dececôté-là,rienn'achangé,neput-elles'empêcherdedire.—Ahnon?Jeveuxbienlecroire.J'aidoncenvoyéunmessageàStavrosàl'hôtelpourluidirequesaclienteanglaiseallaitbien,etGinaestvenuelachercher.Ilsetutuninstant,ému,puiscontinuaavecdifficulté.—Jesuistombéamoureuxd'elledèsquejel'aivue.Lorsqu'elleestentrée,mêmelesoleilsemblaitavoirperdudesonéclat.Ellem'aconfiéplustardqu'elleavaitressentilamêmechose.Jeneluiaipascachéque j'étais marié, mais nos sentiments étaient trop forts. Je l'ai convaincue de venir loger dans cettemaisonavecsasœur,pourqu'elleresteensuiteavecmoilorsquelesvacancesseraientterminées.—Est-cequetanteMeganestrestée,elleaussi?—Non,dit-iltandisqu'uneombrepassaitsursonvisage.Elleestrepartie.Zoeavaittantdechosesentêtelorsqu'elleregagnasachambre,cesoir-là!ElleétaittoujoursdécidéeàquitterThanialeplusvitepossible,maisellenepouvaitpasprétendreavoirpasséunemauvaisejournée.Enfait,sielleavaitétélabelle-filledeStephanosDragos,elleauraitbeaucoupappréciésacompagnie,sedit-ellesoudainenvahieparlamélancolie.D'uncommunaccord,ilsavaientdécidéqu'ellel'appellerait«Steve».Ilsseraientpeut-êtreunjouramis,maiselleseraitincapabledel'acceptercommepère.Mêmesiellevoulaitserapprocherdelui,ilyauraittoujoursAndreasentreeux,ellelesavait.Ilfallaitvraimentqu'elles'enaille.Cen'étaitcependantpasaussisimplequ'ellel'avaitespéré,carStevene souhaitaitpas lavoirpartir et il débordaitde tendressepour elle.Unmatin, aupetit déjeuner, elleavait trouvéprèsde sonassietteuneboîteplateenveloursquicontenaitun sublimecollierdeperles.Lorsqu'elleavaitessayédeprotester,illuiavaitréponduquecen'étaitqu'unebagatelle.Steveavaitégalementmisàsadispositionunevoitureavecchauffeurpourtoussesdéplacements,etavaitmêmesuggérédel'emmeneràParisouàNewYorkpourrefairesagarde-robe.—Jesuisprofesseur,jen'aipasbesoindeporterdesvêtementsdegrandscouturiers.Jen'auraijamaisl'occasiondelesporter.Steve recherchait sanscesse sa compagnie,pas seulementpour luiparlerdeGina,mais aussipourensavoirplussurZoe.Siellehésitaitencoreàl'accepter,luiétaitclairementconvaincuqu'elleétaitsafille,etilvoulaitconnaîtretouslesdétailsdesaviepourrattraperletempsperdu.Lorsqu'elleluiannonçaquesesvacancestouchaientàleurfin,illapressaavecdouceurmaisinsistancederesterpluslongtemps.—Tueslesoleildemaconvalescence,pedhimou,luidit-il,luirappelanthabilementsarécenteattaquecardiaque.A la vérité, elle était tentée de rester un peu plus.Elle trouvait très agréable de vivre dans une belle

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maison, où les portes s'ouvraient devant elle comme par magie, où on lui servait desmets délicieuxqu'ellen'avaitpaseuàpréparer,etoùlemoindredesescapricesétaitexaucé...Nonpasqu'ellefassevraimentdecaprices,maisellesavaitquetouteuneéquipedepersonnesdévouéesattendaitqu'elleenformuleunpourleréaliser.Malgrécettetentationdeselaisseraller,ellesavaitpertinemmentqueThaniaétaitledernierendroitquiluipermettraitd'oublierAndreas.Ellelevoyaitchaquefoisqu'ellefermaitlesyeux,rêvaitdeluitouteslesnuits.Dèsqu'elleentraitdansunepièceouqu'uneportes'ouvrait,elles'attendaitàlevoirsurgir.Elleendevenaitfolle.—JecroisquejevaisallerfaireuntourdansLivassicematin,annonça-t-elleunjouraupetitdéjeuner.JevoudraisacheterdessouvenirsetdespetitscadeauxpourmesamisenAngleterre.Elles'étaitattendueàuneobjectiondelapartdeSteve,maiscelui-ciluisouritd'unairpréoccupé.—Bonneidée,machèreenfant.J'aiquelquesaffairesàréglercematin,maisnouspourronspasserdutempsensembleaprèsledéjeuner,situveux?—Biensûr.TandisquelavoitureentraitdansLivassi,ZoeditàIorgos,lechauffeur,delaconduired'abordàl'hôtelStavros.Après tout, on lui avait fait quitter l'endroit sans vraiment lui demander son avis, et bien qu'elle fûtcertainequeStavrosaitététrèscorrectementdédommagé,elleavaitenviedediscuterunpeuavecSherryetluifournirquelquesexplications—mêmes'illuiétaitdifficiledetrouverquelquechosedeplausibleàraconter.LorsqueZoearrivaàlaréception,elletrouvaSherryderrièrelecomptoir,lesyeuxécarquillés.—C'estincroyable,j'allaisjustementprendremoncourageàdeuxmainsetvousappeleraujourd'hui.Ilyaquelqu'uniciquiveutvousvoir.LecœurdeZoeseralentitpendantuninstantàlafoisdouxetdéchirant.Puisellesereprit.—Quelqu'unpourmoi,vousêtessûre?— Il est en train de prendre son petit déjeuner dans la cour aumomentmême où nous parlons, vouspouvezyaller.PuisellesepenchaversZoe,etbaissantlavoix,elleluidemanda:—Vousnevousdoutiezvraimentderienquandvousêtesarrivée?—Non,sinonjeneseraisjamaisvenue.—Allons,découvrirquevousêteslafilledeSteveDragosvatransformervotrevie!—C'estdéjàfait,réponditZoeenperdantsonsourire.—Oh,jesuisdésolée,ditSherry,compatissante.Maisdites-vousqu'ilsn'auraientjamaislaisséAndreasvousépouserdetoutefaçon.Ilestdéjàprispourdebon:elles'appelleTinaMandrassisetsonpèreestl'undesprincipauxconcurrentsdeSteveDragos.Uneimportantefusionestenprojet,etpasseulementauniveaudesdirections,selonmonmari.TinaMandrassisafêtésonanniversaireengrandepompeilyaquelques jours à Athènes, et le journal a publié une photo d'eux ensemble, où elle lui tenait le bras.L'articleindiquaitqu'onattendsouspeul'annoncedeleursfiançailles.EllesouritàZoe,inquiètedesaréaction.—Jesuisdésolée,reprit-elle,maisjepensequ'ilvautparfoismieuxêtrepréparéeauxchoses.—Oui,vousavezsûrementraison,réponditZoed'unevoixblanche.Maisrienn'auraitpulaprépareràunetellenouvelle.CommentAndreasavait-ilpuluifaireça?Elleentradanslacouretsefigeaàlavuedelapersonnequiselevaitpourveniràsarencontreavecunairpenaud.—Bonjour,Zoe,ditGeorge.Jesuisvraimentcontentdetevoir.

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10.—George!Qu'est-ceque tu fabriques ici?s'exclamaZoe.Sherry leuravaitapportéducaféets'étaiteffacéepourleslaisserparler,aprèsavoirlancéunregardapprobateuraujeunehomme.Amère,Zoetraduisitcegestementalement:luiaumoins,étaitlibre,àsaportée,etn'avaitaucunliendesangavecelle.—Jesuisvenupourterameneràlamaison,réponditGeorged'untonsolennel.Ilsortitdeuxbilletsd'aviondesonportefeuilleavecl'aird'unprestidigitateurexécutantuntourdifficile,puisilserassit,commes'ils'attendaitàdesapplaudissements.—Tuesdevenufou?George,jesuisenvacances!Engénéral,letour-opérateurfournitaussilebilletderetour.Georgecommençait à s'agiter.Zoe lecontemplait avecdétachementet seditqu'iln'avaitvraimentpasl'air dans son élément sur cette île, avec sa chemise au col amidonné et son short impeccablementrepassé.Pourcompléterletableau,elleavaitremarqué,enjetantuncoupd'œildiscretsouslatable,qu'ilportaitdeschaussettessoussessandales.—Jesais,Zoe.Maistatanten'étaitpasraviequetusoisvenueicietelleainsistépourquejeteramène.Elleamêmepayélesbilletsd'avion.—Voilà la preuve que tu as perdu la tête :ma tante se fiche éperdument de savoir ce que je fais oucommentjevais.—Là,tutetrompes,rétorqua-t-ilenseresservantducafé.Quandj'aimentionnéThania,elleestdevenuequasimenthystérique.Mamèreadûsortirsonremèdeauxplantesmédicinales.—Quandtuas«mentionné»Thania...Maiscommentsavais-tuoùj'étais?Georgeparutlégèrementembarrassé.— Euh... il se trouve que j'ai bavardé avec la sœur d'Adèle, un jour, à l'agence, et elle a parlé deThania...—Tuasenquêtépoursavoiroùj'étaispartie?Dequeldroit?—Cen'estpasainsiquejerésumeraisleschoses,réponditGeorgepoursedéfendre.Ilsortitunmouchoirdesapocheettamponnasonfront,lançantdesregardsincertainsautourdelui.—Jepartiraiquandj'enauraienvie,repritZoe,etceneseracertainementpassurordredematante.Elleaundecesculots!Georgelaregardait,malàl'aise.—Ecoute,Zoe,jen'osepasrentrersanstoi.Elleaditdeshorreurs,prétendantquetuallaisrencontreruntypegrecetquecettehistoirefiniraitdemanièreaffreuse.Jene l'avais jamaisvuedansunétatpareil.Mamanaététrèschoquée.—J'imagine,eneffet,pourqu'elle te laissepartir si loinsanschaperon, semoqua-t-elle.Mais je suisdésolée,ilvafalloirqueMegans'yfasse.Zoeseleva,bouillonnantdecolère.—J'aiétéinvitéeàprolongermonséjouretjepensequejevaisaccepter,annonça-t-elle.Jetesouhaiteunebonnejournée,George.—Non,attends,ne t'envapassivite.J'ai fait toutcevoyagepour tevoir.Est-cequ'onpourraitdînerensemble,cesoir,s'ilteplaît?demanda-t-ilavecdesyeuximplorants.Undîneroùilessaieraitpartouslesmoyensdelafairechangerd'avis,évidemment,seditZoe.Enmêmetemps,elleressentaitunecertainecompassionpourGeorge...—Entendu,répondit-elleàregret.Jeseraiicià20heures.Maintenant,ilfautquej'yaille.

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Elleavaitdemandéà Iorgosde l'attendresur laplacede l'église.Aprèsavoirachetéune joliepoteriepour Adèle, elle s'aperçut qu'elle avait encore du temps devant elle. Elle se dirigea donc vers lekafeneionetcommandaunsoda.Souslesarbres,lesjoueursdebackgammonétaientdéjàprofondémentabsorbésparleurjeu,maiselleleur jetaàpeineunregard.Elleétait troppréoccupéepar l'arrivéeinattenduedeGeorgeet lesraisonsqueceladevaitcacher.Meganétaitdetouteévidenceterrifiéeàl'idéequ'ellepuissedécouvrirlavéritésursanaissance.Maispourquoi sa tante se souciait-elle de son sort maintenant alors qu'elle lui avait toujoursmanifesté del'hostilité?Zoe était en train de chercher de la monnaie pour payer sa consommation quand une voix bourrues'adressaàelle:—Despinis.Ellelevalesyeuxetvitl'oncleStavros.—Ilyaencoredeschosesdontvoussouhaitezmeparler?demanda-t-ellesanspouvoirdissimulersonagressivité.—Jevoulaisseulementvousdirequejeregretted'avoireuàvouscauserduchagrin,KyriaZoe,.Tantdemisère humaine pendant de si longues années... quand cela se terminera-t-il enfin ? Puis-jem'asseoir,prendreuncaféavecvous?—Sivousvoulez,réponditZoe,déconcertée.Ilpritplaceetfitsigneauserveurdevenirprendrelacommande.Lorsquedeuxtassesdeliquidesombreetbrûlantfurentposéesdevanteux,ilreprit:— Je voudrais que vous sachiez, despinis, que j'ai été très triste d'apprendre lamort de votremère.C'étaitune jeunefemmemerveilleuse, trèsbelle,quiavaitaussiungrandcœur.N'importequelhommeauraitétéfierdel'aimer.MonamiStephanosluivouaituneadorationsanslimites.—Oui,ditZoeplusdoucement,j'enaiprisconscience.—Ils auraientdûvivre ensemble.Certes, il étaitmarié,mais sa femmene lui a riendonné.PourquoiGinan'est-ellejamaisrevenue,despinis?—Parcequ'elleétaitmariée,elleaussi.Elleavaitrefaitsavie.—Alors,jemesuistrompé.Jepensaisquec'étaitàcausedel'autre.Zoeposasatassesurlatable.—VousvoulezparlerdematanteMegan?—Jevousdemandepardon,despinis,jenevoulaispasvousoffenser.—Non,non.Je...j'aibesoindesavoir.Ellesétaientvenuesenvacancesensemble,n'est-cepas?—Deuxbelles jeunes femmes.Cependant l'aînéeavaitun jolivisage,maispasunboncœur.Au fondd'elle,ilyavaitdelarageetdel'amertume.—Déjààcetteépoque?Pourquoidiablemamèreavait-elledécidédepartiravecsasœur?—Peut-êtreparcequ'ellevoulaitessayerdelarendreheureuse.Maisellessedisputaienttouslesjours.Plusieursfois,j'aivuvotremèreluttercontreleslarmesaprèsleursquerelles.J'avaismalaucœurdelavoirsiindulgente:ellepardonnaitdeschosesimpardonnables.Ilétaitpréférablequevotretantereparte.Elleavaitprovoquétantdeproblèmesquej'avaispeurqu'ellen'encréeencored'autres.—Maispourquoi?Pourquoiaurait-elleagiainsi?—Parcequ'elleétaitjalouse,KyriaZoe.Parcequ'elleétaitamoureusedemonamiStephanos,etluinel'ajamaisregardée.Cettejournéeétaitpleinederebondissements,seditZoeencontemplantlamer.Ellen'étaitpasretournée

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chez Steve Dragos, car elle avait besoin d'un peu de calme et d'intimité pour réfléchir. Elle s'étaitsouvenuedelataverneaubordd'unefalaiseoùAndreasl'avaitemmenéedéjeunerunefois,etelleavaitpersuadéIorgosdel'yconduire.Ce dernier était accoudé au bar, à discuter joyeusement avec le patron du restaurant en mangeant unsouvlaki.Zoes'étaitassiseseuleàunetable,dansuncoin,etremuaitdistraitementdanssonassiettelasaladedetomatesqu'elleavaitcommandéeetdontelleavaitàpeinemangéquelquesbouchées.Elleétaitencoretroubléeparlesrévélationsdel'oncleStavros.Difficile d'imaginer sa tante, qu'elle connaissait si haineuse et si dure, emportéepar une folle passionamoureuse.MaisellesesouvenaitqueSteveDragosluiavaitracontéqu'ill'avaitrencontréeenpremier.Il l'avait secourue et amenée chez lui. Megan avait-elle mal interprété sa philoxenia, cette amabilitégrecquenaturelleenverslesétrangers?Elleavaitdûêtredéçue,puissesentirinsultée,carnonseulementilétaitrestéinsensibleàsescharmes,maisenplusilétaittombéamoureuxdesasœur,quidepuistoujours,s'étaitattirélasympathiedetous.Maisavait-ellepugarderenellecetterancunependanttoutescesannées?Enseremémorantlaréactionviolentedesatantedevantletableauaccrochéau-dessusdelacheminée,Zoe jugea cette hypothèse plausible. Pourtant, cela n'expliquait pas pourquoiMegan avait été jusqu'àenvoyer George pour la ramener à lamaison. Amoins que cela ait quelque chose à voir avec les «problèmes»queStavrosavaitmentionnésd'unairsilugubre.IldevaityavoirquelquechosequeMegannevoulaitpasqu'elledécouvre,maisquoi?Uneconfrontationavecsatantesemblaitàprésentinévitable,mêmesiZoerépugnaitàcetteidée.RiennegarantissaitqueMegan lui révèledenouveauxéléments,etencoremoins lavérité...Enfin,elleverraitbienlemomentvenu.Cedernierrebondissement l'avait toutefoisdécidéeànepasrepousser ladatedesonretour,malgré ladéceptionqu'éprouveraitSteveDragos.Peut-êtreque, lorsqu'elle aurait découvert toute lavérité, elleparviendrait à accepter cepassé et à lelaisserensuitederrièreelle,unebonnefoispourtoutes,pourretrouverenfinunecertainesérénité.Suruncoupdetête,elledemandaàIorgosdeluifairefaireletourdel'île,unedernièrefois,pourdireadieuàcetendroitqu'ellenereverraitsansdoutejamais.EllevendraitlaVillaDanaeetsiSteverefusaitqu'elleluireversel'argentdelavente,elleenferaitdonàuneœuvrede charité. Il lui faudrait aussi expliquer àSteveque s'ils étaient amenés à se rencontrer àl'avenir,ceseraitenterrainneutre.Asonretour,Andoni,lemajordome,l'attendait,plusagitéqued'ordinaire.—KyriosStephanossouhaitevousvoir,kyria.Ilvousattenddanssonbureau.Assisdansunfauteuilderrièresatabledetravail,ilselevalorsqu'ellepénétradanslapièce.—Tuespartielongtemps,pedhimou.Jemesuisfaitdusouci.Zoehaussalesépaules.—J'aieuenviededéjeunerdehorsetdemepromenerunpeu.Ya-t-ilunproblème?—Oui,jecrois,répondit-ilsansdétacherlesyeuxdesaboîteàcigares.Nousavonsdesvisiteursquejen'attendaispas,monenfant.J'aiappriscematinquePetrosMandrassisétaitenroutepourThaniaafindediscuterdelafusiondenosdeuxsociétés.IlestarrivéencompagniedesafilleChristinaetd'Andreas.Zoeécoutaitsansréagir,sesyeuxleregardaientsansvraimentlevoir.—Alors,jevaisretourneràl'hôtel,finit-ellepararticuler.—Malheureusement,pedhimou,cen'estpaspossible.Ilfautqueturestesici.Sonvisageetsavoixétaientimplacables,cequirappelatoutàcoupàZoequecethommeavaitl'habitudededonnerdesordresetqu'onluiobéissesansbroncher.—Jeregrettededevoirinsister,maisj'aibesoindetaprésenceàtablecesoir.

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—MaisjedîneàLivassi...Jedoisrencontrerunvieilamiquisetrouvedanslarégion.—Alorsilfaudraquetureportescedîneràuneautrefois.Mandrassisestenadorationdevantsafille,etcelle-cis'estplainteauprèsdeluicarellesesentnégligéeparAndreas.Elletrouvequ'Andreasapassétrop de temps sur Thania au lieu de lui faire la cour àAthènes.Mandrassis a également entendu desrumeursàproposd'uneautrepersonneàlaquellemonfilsseraitattaché,etils'estsentioffensé.Lafusionest remiseenquestion.J'aibesoinde le remettreenconfiancepourqueceprojetn'échouepasetpourcelaj'aibesoinquetuassistesàcedîneroùjeteprésenteraicommemafille.—Non,jenesuispasprête.Jenemesenspasencorecapabled'êtreprésentéecommeunefilleillégitimedevantdesinconnus.—Siquelqu'undoitressentirdelahontedanscettesituation,pedhimou,c'estbienmoi,etnontoi.—Ecoutez,puisquevousnepouvezpasprendrelerisquequejepassepourlamaîtressed'Andreas,j'aiunesolutionàvousproposer:puis-jeinviterquelqu'unmoiaussicesoir?—Unhomme?—Oui:celadevraitmettreuntermeauxdoutesquisubsisteraientencoreàmonsujet.Leseulproblème,c'estqu'ilestenvacances,iln'auradoncpasdetenuedesoirée.—Dans ce cas, je préciserai qu'il s'agirad'undîner informel.Oui, c'est peut-êtreunebonne solution.Maisquiestcethomme?Quereprésente-t-ilpourtoi?—Unamietuncollèguedetravail,riendeplus.—Nesouhaiterait-ilpasunerelationplussérieuse?—Peut-être.—Alors,inutiledesoulignervosrapportsprofessionnels.Téléphone-lui,monenfant,etinvite-le.Quelquesinstantsplustard,lorsqu'elleeutexpliquéàGeorgecechangementdeprogramme,cederniernesemblapassauterdejoiedevantl'honneurqu'onluifaisait.—Jecroyaisquejet'auraiseuerienquepourmoi,répondit-ild'untonboudeur.—George,situmerendsceservice,jereconsidéreraitonoffrederentrerenAngleterre.Alors,marchéconclu?Enfait,sielleavaitpu,elleauraitprislepremiervolpouréchapperàcettesoirée.—Oh,danscecas,c'estd'accord.—Merci,George,tuesunamour.J'enverraiunevoituretechercherdansquelquesheures.—Unevoiture?Zoe,qu'est-cequec'estquecedîner?—Oh,justeunepetitedînetteentremultimillionnaires,quelquechosedetrèssimple...Atoutàl'heure,George.Sansluilaisserletempsdeprotester,elleraccrocha.LorsqueZoeallasepréparerdanssachambrepourledîner,elleregrettadenepasavoiracceptél'offredeStevederenouvelersagarde-robe.Ellenevoyaitriendanssapenderiequipuisserivaliseraveclestoilettes d'une riche héritière. Elle finit tout demême par sortir sa robe noire. Elle avait aumoins lecollierdeperlesqueSteveluiavaitoffertpourajouterunenoted'éléganceàsatenue.Après s'être maquillée et apprêtée, elle sortit dans le couloir où elle faillit se heurter à Steve quil'attendait.—Tuessuperbe,dit-ilenluiprenantlebraspourlaconduireversl'escalier.—Je...jenesuispassûred'yarriver,Steve,murmura-t-elle,prisedepanique,enhautdesmarches.—Tuesunejeunefemmetrèscourageuse,j'aiconfianceentoi.Viens,descendonsaccueillirnosinvités.LaseulepersonnequiattendaitdanslesalonétaitAndreas.Ilsetenaitdevantlaporte-fenêtrequidonnaitsurlejardin,unverred'ouzoàlamain.Ilseretournaàleurarrivée.

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—KyriaLambert,dit-ilavecunsourirecontraint.Jenem'attendaispasauplaisirdevousvoir.—Moinonplus,répondit-elle,lecœurbattantàtoutrompre.Comment...commentvas-tu,Andreas?—J'essaiedeconduirecettefusionjusqu'àlasignature,tudoiscertainementêtreaucourant.Monpèrem'ainforméquetuasinvitéquelqu'uncesoir?—Oui,j'espèrequetun'yvoispasd'objection.—Commentlepourrais-je?Aprèstout,jen'aipasledroitdem'yopposer.Desvoixsefirententendredepuislehall,parmilesquellesunriredejeunefemme.Andreasseraiditetmurmuraquelquechoseengrecquiressemblaitàunjuronpuissetournadenouveauverslafenêtrepourreprendresonobservationmaussadedujardin.Zoeeutuneenviefolledeleprendredanssesbras,d'attirersatêtecontresapoitrineetdeluipromettrequetoutallaitbiensepasser.Maisellenepouvaitpas,etdetoutefaçon,ceseraitluimentir.EllechassadonccettepenséedesonespritetsepréparaàfairefacetandisquePetrosMandrassisentraitdanslapièceavecsafille.C'étaitunhommebienenchairavecdepetitsyeuxfroids,qu'illaissaerrersurlecorpsdeZoe.Elleledétestadèscetinstant.Christina était petite, d'une beauté pétulante, avec une épaisse chevelure brune et une silhouette auxrondeursvoluptueuses.«Dansquelquesannées,elleseraplusgrossequesonpère»,seditZoe,se laissantallerà lacruautépour lutter contre la douleur de voir la jeune femme traverser la pièce et glisser son bras sous celuid'Andreas,leregardantavecunemoueétudiée.—Petros,monami,ditSteveens'avançant,permettez-moidevousprésenterZoeLambert,lafilled'unvieilami,quimefaitl'honneurdesacompagniepourquelquesjours.—Jesuisenchanté,despinis,déclaraPetrosMandrassisd'unevoixdecrécelle.SafillemurmuraquelquechoseengrecàAndreasetrit.Ilinclinapolimentlatêtemaissonvisageavaituneexpressionglaciale.Zoe prit le verre qu'on lui présenta et resta à le tenir, comme si elle s'était accrochée à unmorceaud'épave.Ellefutsoulagéed'entendrelesportess'ouvrirpourfaireentrerGeorge.Celui-ciportaitunpantalonentoilebeigeetunechemiseàlalimitedudécontracté,ainsiqu'unevestedesportsurlebras.Ilavaitl'aird'avoirchaudetd'êtreaussimalàl'aisequ'unpoissonhorsdel'eau.Zoeseprécipitaverslui,semitsurlapointedespiedsetluifitunbrefbaisersurlabouche.—Monchéri,c'estmerveilleuxquetuaiespuvenir.Ellepoursuivitenmurmurantquelquesmotsàsonoreillequetoutlemondeputentendre:—Tutesouviensdecettequestionquetum'asposéerécemment,avantquejevienneenGrèce?Ehbien,j'aieuletempsd'yréfléchiretjesuisprêteàtedonnermaréponsemaintenant.Alors,quandnousseronsseuls,tupourrasmelareposer.—MonDieu,Zoe, balbutia-t-il, plus rougeque jamais.C'est doncvrai ce qu'ondit sur les vertus del'absenceetdumanque,hein?Elleluipritlamainetleconduisitdanstoutelapiècepourleprésenteràchacun,souriantaupointquesamâchoireendevenaitdouloureuse.Elleévitaleregardd'Andreaslorsquelesdeuxhommesseserrèrentlamainenmurmurantlespolitessesd'usage.—Apparemment,jedoisvousprésentertousmesvœuxdebonheur,ditAndreas.—Ondiraitbien,oui,réponditGeorge.Honnêtement,jen'enrevienspas.Jen'auraisjamaiscruréussirunjouràlaconvaincre.Andreasluisourit.—Ilestévidentquevousavezsuchoisirlesmots,ironisa-t-ilavantdejeterunœilàZoe.J'espèrequevousm'inviterezaumariage.Quelledateavez-vouschoisie?demanda-t-ilàGeorgetoutenfixantZoe.

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—Ehbien,nousn'avonspasencorevraimentdécidé,commençaGeorge.Zoel'interrompit:—J'aipenséqueceseraitbienàPâques.C'esttrèsaimabledemontreruntelintérêt,Andreas,maisjesuissûrequetuserasdéjàbientropoccupépartesproprespréparatifspourtesoucierdemonmariage.—Oh,jepensequ'àcetteépoque,jeseraidéjàmariédepuislongtemps,réponditAndreassanslaquitterdesyeux.—Sansdoute.Ilestvraiquejen'aijamaisvuuncouplemieuxassortiqueceluiquevousformezavecChristina.Puis,setournantversGeorge:—Monchéri,tun'asrienàboire!s'exclama-t-elleenl'entraînantplusloin.—Quelarrogant!murmuraGeorge.Jet'assurequejenevoudraispaslecompterparmimesamis.—Net'inquiètepaspourça.Tun'auraspasàlesupporterlongtemps.Etpuis,tuserasbientôtderetourenAngleterre.—C'estvrai.Cettepenséesembla lui remonter lemoral.Ducoup, il se risquaàposerunbrasmaladroitautourdesépaulesdeZoe,quifutsoulagéed'entendreAndoniannoncerqueledînerétaitservi.Asonplusgrandmalheur,elleavaitétéplacéeàcôtéd'Andreas.Christina, rayonnante,étaitassiseenfaced'eux.George,placéàcôtéd'elle,semitendevoirdeluifairelaconversation,maisilnereçutguèrederéponse.Zoefitunoudeuxcommentairesenthousiastessur lemenu,auxquelsAndreasréponditavecunefroidepolitesse,maislerestedutemps,ellegardalesilence.Ellepréféraitsemontrerprudente.Hélas,ellenepouvaitéchapperà laréalitédesaprésencephysique.Elleétait terrifiéeà l'idéequelamanchedesachemisepuisseeffleurersonbrasnu,queleursmainspuissentsetouchers'ilssaisissaientaumêmemomentleseloulacorbeilledepain.Lorsquelegigotd'agneaufutservi,laconversationportasurdesthèmesplusgénérauxetZoeparvintàsedétendreunpeu.— Je dois reconnaître qu'il est très agréable de dîner dans un endroit climatisé, déclaraGeorge avecentrain.Machambreétaituneétuvehiersoir.Jen'aimêmepasutilisélecouvre-litetj'avaispresquetropchaudavecmonpyjama.Ilyeutunsilencequ'Andreasfinitparrompre.Zoen'eutpasbesoindeleregarderpourdevinerlalueurmachiavéliquequidansaitdanssesyeux.—Etvousn'avezpasenvisagédel'enlever?dit-ild'unevoixgrave.—Certainementpas,réponditGeorge.Ilestbienplussaindedormirenpyjama.Andreass'affaladanssonsiège,lespaupièresmi-closes,unpetitsourireauxlèvres.—Maisc'estégalementuneentrave,dit-ild'unevoixdoucereuse.Vousnetrouvezpas?Georgeeutl'airsurpris.—Non,non,pasvraiment,balbutia-t-ilavantdesemettreàcoupersatranchedegigot.Dèsquelaconversationredémarraentrelesautresconvives,Zoemurmurafermement:—Arrête,maintenant.—Cen'estpasmoiquiaicommencé,réponditAndreasenluiresservantgalammentunpeudevinrouge.Dis-moi,Zoemou,tuasvraimentl'intentiond'épousercetidiot?—Celaneteregardepas.—Sic'estlecas,voiciunconseilàsuivre,poursuivit-ilenignorantcequ'ellevenaitdeluidire.LaisseGeorgepliésousl'oreilleretdorsavecsonpyjama.Tuenretirerasplusdeplaisir.—Monstre!murmura-t-elled'unevoixtremblante.Ilrit.

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—Jetedéteste.—Tuasraison,dit-ild'unevoixplusgrave.Jefaistoutcequejepeuxpourarriveraumêmesentiment.IlvitalorsChristinaquilesfixaitdepuisl'autrecôtédelatable,lesyeuxplissésparlasuspicion,etillevasonverredanssadirectionenluisouriant.ElleluirenditsonsourireetAndreassetournaversZoe,luiproposantleplatdepommesdeterre,secomportanttoujourscommeunhôteattentif.Ilsouriaittoujours,maisl'expressiondesonregardbouleversaZoe.Illuiditdoucement:—Ilnesepassepasuneheuredanslajournéeoùjenepenseàtoi,mafiamou.Pasunenuitoùjenerêvequetuesblottiedansmesbrasetjemeréveillealorsdansletourment.Jememaudispourlessentimentsquej'éprouveencorepourtoi,maisjen'arrivepasàlesôterdemonâme.Jemebatsdanscetenferettun'espasavecmoi.Cettevoixdouce s'arrêta.La seconded'après,Andreas s'était joint à laconversationentre sonpèreetPetrosMandrassis.Zoe,pendantcetemps,restacrispéesursachaise,àfairesemblantdemangeretàprierpourquecettesoiréesetermineenfin.

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11.Tandisquel'avionapprochaitdel'aéroportd'Heathrow,Georgedemanda:—Zoe,tuétaissérieusequandtuparlaisdem'épouser?Ellesetournaversluietleregarda,pleinederemords.—MoncherGeorge,tusaisaussibienquemoiquesijedisaisoui,tamèreteferaitchangerd'avisdanslesvingt-quatreheures.—Jenesaispaspourquoielleestcommeça,soupira-t-il.«Parcequec'estunefemmeégoïstequirefusedeperdresonfilschéri»,eutenviederépondreZoe.—Ilyaunechosedontjesuissûre:unjour,turencontrerasunefemmequetuaimerastellementqueriendecequetamèrepourradiren'aurad'importanceàtesyeux.Acemoment-là,tunetesoucierasquedetonbonheur.—Ettonbonheuràtoi,Zoe?C'estlui,n'est-cepas?L'hommearrogantquej'aivuhiersoir?—Non,j'yaicruautrefois,maisc'estfini.—Maistuasétéprofondémentamoureuse,çasevoit.Desoncôté,ilnetequittaitpasdesyeux.Alors,pourquoiépouse-t-ilcetteTinaMachinchose?—Parcequ'elleestl'héritièred'uneflottedepaquebots,etquemoij'aiundiplômedelittératureanglaise.Jenesouffrepaslacomparaison.Lepiloteannonçal'atterrissageimminent,etquelquesinstantsplustard,l'avionseposaitendouceursurlapisted'Heathrow.Voilà,c'étaitfini.Elleétaitrentréechezelle,saineetsauve.Ilneluirestaitplusqu'àtâcherd'oubliercequis'étaitpasséàThania,etlorsdecettefameusesoirée...Alafindudîner,ilsétaientpassésdanslesalonpourprendrelecafé,etZoeétaitrestéeprèsdeSteve,sedisant que c'était l'endroit le plus sûr. Elle ne voulait plus échanger un seul mot avec Andreas. Sesdernièresparolesl'avaienttellementbouleversée!Elleévitaitmêmederegarderdanssadirection.Pourtant,ellefrissonnaitchaquefoisqu'elleentendaitlesondesavoix.Georgeétaitpartirelativementtôtetelleavaitprissoindeleraccompagnerpourluidonnerunostensiblebaiser d'au revoir. Elle étaitmontée dans sa chambre peu après, prétextant unmal de tête, ce à quoiAndreasavaitréponduparunregardfroidementcynique.ElleavaitétéréveilléequelquesheuresplustardparunedisputeàvoixbassemaispleinedefureurentreAndreasetsonpère.Ellepréféranepascomprendrelateneurdeleurspropos.Lematin,Steves'était,contretouteattente,montrétrèscompréhensiflorsqu'elleavaitmanifestésondésirdepartirpourLondresparlevoldel'après-midiavecGeorge.Enfait, ilavaittoutmisenœuvrepourfacilitersondépart,commes'ilavaitadmisqu'ilétaittempspourelledepartir.Elle n'avait pas revu Andreas, pas même pour lui dire adieu, et elle ne savait pas si elle devait leregretterous'enréjouir.— Il a emmené ma petite Christina visiter la Grotte d'Argent, l'informa Petros Mandrassis les yeuxbrillantdesatisfaction.Andreascrierait-ilsonnompourluifairesubirl'épreuvedel'écho?sedemanda-t-elletristement.Aumomentdequittervraimentlamaison,Zoesesentit trèsémue.Stevelaserradanssesbrasunlongmoment,puislaregardaavecunamoursincère.—Jet'écriraietnousnoustéléphonerons,n'est-cepas?Etpuisonsereverrabientôt.Peut-êtrepasici,

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maisàParis,ouàRome?—Oui,ce...ceseraitbien...papa.Cederniermotparutcomblerlevieilhommedejoie.Zoeétaitépuiséelorsqu'ellearrivaenfinàsonappartement.Elleenjambaletasdecourrierdansl'entrée,pourlaplupartdelapublicité,posasavalisedansuncoinetallajusqu'àsapetitekitchenette.Ellesefituneinfusion,pritunpaquetdebiscuitsetemportaletoutdanssachambre.Elle ouvrirait son courrier, s'occuperait des fleurs et déferait sa valise... demain. Pour l'instant, ellevoulaitjusteallersecoucher.Après la chaleur de la Grèce, elle trouva que son lit était glacé et s'enroula dans les draps pour seréchauffer. Tournant légèrement la tête sur son oreiller, elle aperçut le tableau de sa mère. Elle seremémora alors le bruissement des fleurs tombées du bougainvillier sous ses pieds quand elle avaitmontél'escalier,l'odeurfortedesgéraniumsetlechuchotementpermanentdesvagues.Cetableauétaitunrappeltropcrueldetoutcequ'elleavaitperdu,elledevraitledécrocher.Maiscelaaussipouvaitattendrelelendemain,sedit-elleens'endormantavantmêmed'avoirbusoninfusion.Ellepassa trois joursà rangeretà faire leménagedanssonappartement,elle réponditàsoncourrier,s'occupadesonlingeetfitdescoursespourremplirsesplacards.Lequatrièmejour,ellepritlevaseenterrecuitequ'elleavaitachetéàLivassietserenditchezAdèle.Lecottagequesamèreavaithabitéavaitétévenduet lesnouveauxpropriétairesétaientdéjà installés.Ilsavaientd'ailleursrepeintlesportesetlesfenêtrespourlemontrer.—Tuesrentréeplustôtqueprévu,commentaAdèletoutencontemplant,ravie,lecadeaudeZoe.Aufait,as-tutrouvédesendroitsoùtamèreétaitallée?—Jecroisquetoutabeaucoupchangédepuiscetemps-là.L'îlen'estpluslamême.Tiens,jevoulaistedemander:as-tuvutanteMeganrécemment?—Non,maisilparaîtqu'elleaétéinsupportablelorsdeladernièreréunionauClub:elles'estfâchéeavectoutlemonde.En rentrant chez elle,Zoe passa voir sa tante.Elle sonna puis frappa à la porte,mais n'obtint aucuneréponse.Elleétaitcependantconvaincuequ'ilyavaitquelqu'un.Meganavaitdûdevinerqu'elleviendraitlavoiretpréféraitsansdoutel'éviter,seditZoeenrebroussantchemin.Lorsqu'ellearrivachezelle,ellefitunchèquepourremboursersapartdubilletd'avionetlemitdansuneenveloppeavecunbrefmotderemerciement.Deuxjoursplustard,lechèqueluifutrenvoyé,déchiré.Steveluiécrivitpourluidirequ'elleluimanquaitetqu'ilavaitpluàThania.Illuitéléphonaaussi,etelletrouvaqu'ilavaitunevoixtriste.Ellesedemandasiladatedumariaged'Andreasavaitétéfixée,maisiln'enparlapasetellen'osapasluiposerlaquestion.Les avocats de Steve lui firent parvenir des documents confirmant que laVillaDanae lui appartenaitdésormais officiellement. Zoe leur répondit en leur demandant de lamettre en vente, en spécifiant cequ'ilsdevaientfairedel'argentdelatransaction.Elleachetadesrevuesspécialiséespourcompulserlesoffresd'emploi.Elleenvoyasacandidaturepourplusieurspostesetfutconvoquéeàdeuxentretiens.Lorsdusecond,onluiproposauncontratdansuneécoledontledirecteur,trèsmotivé,sebattaitpourfaireremontersonétablissementendifficultédansleclassementnational,etelleaccepta.Elletrouvaunepetitemaisonrénovéeàquelquesruesdecetteécoleetengageadesprocédurespourfaireunemprunt.

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Toutsemblaitsedéroulerselonsesplans,saufqu'elleavaitl'impressionquetoutsepassaitloind'elle,que seule son ombre entreprenait toutes ces démarches. Elle était là en spectatrice de sa propre vie,incapabledesesentirconcernée.LarentréescolairearrivaetZoecommençasapérioded'essai.EllemangeaittouslesjourssonsandwichavecGeorgeetilssortaientboireunverreensembleaprèsletravailunefoisparsemaine.—Apparemment,mamann'apasbeaucoupvutatantecesdernierstemps—entoutcas,pasdepuisqu'elleafaitcettescèneàproposdetonséjouràThania,luiditGeorgelorsd'unedeleurspausesdéjeuner.Zoehaussalesépaules.—Jenelavoispasnonplus.Jesuisalléedeuxfoischezelle,maissielleétaitlà,ellen'apasouvertlaporte.Adèle dit qu'elle a laissé tomber presque tous les groupes auxquels elle appartenait.Comme siMeganavaitdécidédevivreenrecluse.— Je sais ce que ça fait, dit-il, morose. J'ai vu dans le journal que le cours de danses de salon vareprendre.Tucroisquejedevraisessayer?—Biensûr,George!l'encouragea-t-ellechaleureusement.Qu'est-cequetuasàperdre?Alafindumoisdeseptembre,ilfaisaitplusfroid,leventsefitplusviolentetlespluiesplusfortes.—Onvaavoiruntempsminablepourleweek-end,déclaralechauffeurdubuslorsqu'elledescenditàsonarrêtunvendrediaprès-midi.Sonweek-endseraitminable,detoutefaçon,pensaZoe.Salourdesacochepleinedecopiesàcorrigerlui faisaitmalà l'épauleet, surtout, l'empêchaitdecourir.Ellearrivadonc trempée jusqu'auxosàsonappartement.Elle enleva son imperméabledans l'entrée et alluma le chauffageavantde s'asseoirpour regarder soncourrier.EllecommençaparuneenveloppeaffranchieenGrèce:c'étaitlecabinetd'avocatsdeStevequil'informaitqu'uneoffreavaitétéfaitepourlaVillaDanaeauprixdemandéetque,sicelaluiconvenait,ilspourraientcommenceràrédigerlecontratdevente.C'était donc la fin de l'histoire. Elle resta songeuse sur son canapé, espérant que cette belle maisontrouveraitunpropriétairequilarempliraitd'amour.Aumomentoùelleselevapoursepréparerquelquechoseàdîner,sontéléphonesonna.—MademoiselleLambert?demandaunevoixfémininequ'ellenereconnutpas.Jesuisdésoléedevousdéranger,mais jemefaisdusoucipourvotre tante,MmeArnold,et jenesavaispasàquid'autrequevousm'adresser.—Jenecomprendspas,quiêtes-vous?—Je suismadameFerris, je fais leménagechezelle.Ellemepaie toujours levendredi, saufquecematin ellen'était pas là, et quand j'y suis retournée à l'instant, ellen'apas réponduà laporte. Je saispourtant qu'elle est là parce que la lumière du salon est allumée et les rideaux ne sont pas tirés.Mademoiselle Lambert, elle est assise dans son rocking-chair à se balancer d'avant en arrière, l'airhagard.Lapièceestsensdessusdessous,ilyadesobjetsbriséssurlesol,unechaiserenversée...J'aieutrès peur, j'étais sur le point d'appeler la police,mais jeme suis souvenue de vous... Je ne crois pasqu'elleaitd'autrefamille.—Non,eneffet,ditZoeenréfléchissant.Bien,jevaisprendreuntaxietyallertoutdesuite,maisrienneditqu'ellemelaisseraentrer.Ilfaudrapeut-êtrequandmêmeappelerlapolice.Enarrivantchezsatante,ellecompritpourquoimadameFerrisavaitpaniqué.Parlafenêtre,elleaperçutMegan,quiavaitl'aird'unefolle:lescheveuxébouriffés,leregardfixe,ellesebalançaitcontinuellementdanssonfauteuil.Touteslesentréessemblaientverrouillées,maisZoes'aperçutquelacléavaitétélaisséeàl'intérieursur

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laportedelavéranda.Elle se baissa pour saisir une pierre et brisa une vitre. Elle put ainsi ouvrir la porte et entrer, suivieprudemmentparmadameFerris.—Jeviensavecvous,mademoiselle?—Non,jevaisd'abordluiparler.Maisceseraitbiensivouspouvieznouspréparerunpeudethé.Elles'arrêtadevantlaportedusalon,sedisantqu'elleauraitpréféréêtren'importeoùsauflà,puisellefrappadoucementetentra.Meganavaitserrésesbrasautourd'elleetchantonnaitunelitanieàvoixbasse.Zoes'approchad'elle,marchantsurdesdébrisdeporcelaineetdespapiersdéchirés,ets'agenouillaprèsdesonfauteuil,évitantunjournalfroisséetungroslivreencuirétalésurlesolauxpiedsdelavieilledame.—TanteMegan,c'estZoe,dit-elled'unevoixdouce.Quesepasse-t-il?Quelqu'unacasséquelquechose?Satantetournalatêtelentementetlaregarda.—Cassé,oui,toutaétébrisé.Rienn'aétéréparé.Maintenantc'esttroptard.—Jenecomprendspas,explique-moicequinevapas.Jevoudraist'aider.—Personne,personnenepeutm'aider.Ilssonttouspartis,maintenant.Jepensaisqu'unjour,peut-être,j'yserais retournée. Je l'auraisvuunedernière fois.Maisc'est la filledeGinaqui est allée, et je savaisqu'elleluidiraitquejeluiavaismenti,etqu'alorsilnevoudraitplusmevoir.Cen'étaitpaspossible,j'aitoujours cru que je pourrais lui dire... ce que je ressentais. Je voulais qu'il me regarde comme il laregardait.Maintenantc'esttroptard.Acesmots,Megansemitàsangloter.Zoesavaitqu'elles'aventuraitenterraindangereux,maisilfallaitquandmêmequ'elleposelaquestionquiluibrûlaitleslèvres.—TanteMegan,tuveuxparlerdeSteveDragos?—Stephanos!crialavieilledamefurieuse.Puiselles'apaisaetpoursuivit,perduedanssespensées.—Un si joli prénom... Il était tellement beau, il ressemblait à un dieu grec. Jem'étais fait mal à lacheville,tusais,etilm'aportéedanssesbras.J'aisuàcemoment-làquejevoulaisqu'ilmetienneainsipourlerestedemavie,maisiln'ajamaisrecommencé.EllelançaunregarddémentàZoe.—Parcequ'elleestvenue,ettoutachangé.Ilétaittoujoursgentilavecmoi,maisilneregardaitqu'elle.Elle l'a quitté, vous savez, parcequ'il étaitmarié et que sa femmenevoulait pas divorcer.Moi je neseraisjamaispartie.Jeseraisrestéeavecluipourtoujours,s'ilmel'avaitdemandé.Çanem'auraitpasgênée.Ellelevalesyeuxauciel,lesmainsjointes.—Pourquoinemel'a-t-iljamaisdemandé?Pourquoin'a-t-ilpasvouludemoi,aulieud'elle?Après,ellem'aconfiéqu'elleallaitretournerauprèsdeStephanos,parcequ'elleattendaitunenfantdelui.Jelesaiimaginésensemble,aveclebébé,etjen'aipaspulesupporter.Alors,j'aieuuneidée.J'airietj'aidit:«Commeça,onestdeux».J'aiaffirméqu'ilavaitcouchéavecmoiaussipendanttoutcetemps,qu'uneseulefemmenesuffisaitpasàunhommecommelui.—Etellet'acru?—J'étaissasœur,sagrandesœur.Etluiétaitunhommeriche,quitrompaitsafemme.Ginasavaitqu'ilyenavaiteud'autresavantelle.Jecroisqu'elleatoujourseusecrètementpeurqu'ilnecorrigejamaisseshabitudesdeséducteur,mêmes'ill'aimait.Demoncôté,j'avaisétémalade,desproblèmesd'indigestion.Jeluiailaissécroirequemesnauséesvenaientdufaitquej'étaisenceinte.Oui,ellem'acrue,parceque

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j'aiconfirmé toussesdoutes, sespirescraintesenvers lui. Jemesouviens,elleadit :« Il fautque jeréfléchisse»etelleestsortiedelamaison,danslarue,etunevoiturel'aheurtée.Ellen'apasvraimentétéblessée,justequelqueségratignures,sauflebébé,biensûr.LebébédeStephanos.—TUveuxdirequ'elleafaitunefaussecouche?—Elleétaitfaible,ellealaissésonbébémourir.Sielleavaitétérobustecommemoi,unpetitaccidentcommeçan'auraitrienfait.Moi,j'auraisdonnédesenfantsàStephanos.Jememoquaisbienquecesoientdesbâtards.Elle,ellenes'enmoquaitpas.Ginaétait laMoraleenpersonne.Ellese reprochaitd'êtreamoureusedeluiets'attendaitàêtrepuniepoursonpéché.Megansourit,soudainjoyeuse.—C'estmoiquil'aipunie.Zoeavaittoutàcouptrèsfroid.—Qu'a-t-elleditquandelles'estrenducomptequetun'attendaispasdebébé?—Jeluiaiditquejem'étaistrompée,maisquelaprochainefoisjeferaisplusattention.Meganpouffaderirecommeunepetitefille.—Pourçaaussi,Ginam'acrue,elles'estconvaincuequ'ilmepréféraitàelle.Çalarendaitmalade.Ellene lisait plus ses lettres, alors qu'il n'arrêtait pas de lui écrire. Pas un mot pour moi... même si jesoutenaisàGinaquemoiaussijerecevaisdeslettres.Alorselleestpartie,elleadéménagé,trouvéuntravail,puisellearencontréquelqu'un.Biensûr,rienàvoiravecStephanos,maisill'aimaitetellesavaitqu'ellepourraittoujoursluifaireconfiance,alorselles'estrésignée.Ensuite,tuesnée.Uneparfaitepetitefamille!Jel'aiaussidétestéepourça.Elleseredressasursonsiège.—JesuisretournéeàThaniaetj'aivuStephanoschezlui.Jeluiaiditquejel'avaistoujoursaimé,quejeferaistoutcequ'ilvoudrait,jemesuismiseàgenouxdevantlui.Maisiln'amêmepasfaitattention.Jecroisqu'iln'apascompriscequej'aidit.Ilvoulaitjustemeposerdesquestionssurelleetsursonbébé.Audébut,j'aifailliluiparlerdelafaussecouche,parcequejevoulaisluifairemalcommeilm'avaitfaitmal.Puisj'airéaliséqu'ilseraitencoreplusaffligédecroirequ'ilavaitunenfantqu'iln'auraitjamaisledroitdevoir.AlorsjeluiaiditqueGinaavaiteuunepetitefille,qu'elles'étaitmariéeavecquelqu'und'autrepourquel'enfantaitunnom,etqu'ellenevoulaitplusjamaislerevoir.—Mon Dieu, tanteMegan, comment as-tu pu ? Comment as-tu pu faire ça, dire de tels mensonges,détruirelesviesdedeuxpersonnes?—Parcequec'estmoiquil'avaisvulapremière.Ilauraitdûtomberamoureuxdemoi,pasd'elle.Elleseremitàpleurer.—Toutlemondel'adorait.Mêmequandjemesuismariée,monmarilatrouvaitmerveilleuse.Maintenantiln'estpluslà,ellenonplus.Ellebaissalesyeuxverslejournalfroisséetmurmura:—EtmonStephanosnonplus.—Qu'est-cequetuveuxdire?—Ilestmort.Trèssoudainement.Unecrisecardiaque.Jel'ailudanslejournal.Zoeouvritlejournal,parcourantlescolonnesd'undoigttremblant.L'articleétaitassezlong,commençantparladescriptiondesonenterrementquiavaiteulieuàAthèneslaveille,àpeinequarante-huitheuresaprèssamort.Lejournalisteénuméraitsesréussitescommerciales,lesactionscaritativesauxquellesilavait été associé et précisait que la direction des affaires Dragos serait à présent confiée à son filsunique,quiavaitdéjàreprisleschosesenmains.L'articleterminaitenannonçantqueleprojetdefusionaveclasociétéMandrassisseraitbientôtfinalisé.Tandisqu'elleremettaitlespagesenplace,Zoeaperçutsoudainlaphotod'AndreasillustrantunarticledelarubriquedespotinsmondainsquidressaitleportraitdunouveaudirigeantdeDragosCorporation.

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«Jadismembrenotoirede la jet-set,AndreasDragoss'estéloignédeson imagedeplay-boycesdeuxdernièresannées.Sonmariageàvenirdevraitluipermettrederentrerdéfinitivementdanslerang.»lut-elle.Laportes'ouvritetMmeFerrisentraavecunplateau.—Labouilloirenemarcheplus,j'aidûutiliserunecasserolepourfairechaufferdel'eau.Ellejetaunregardinquietàsapatronne.—Ellevabien?Qu'est-cequis'estpassé?Zoeregardalevisageimmobiledesatante.—Elleaapprislamortdequelqu'un.Unmédecinvint,puisuneambulance,etlavieilledamefutadmisedansunecliniqueprivée.Zoe payaMmeFerris et nettoya le désordre dans le salon. Puis elle s'assit sur une chaise et relut lejournal.ElleregrettaitdenepasavoirétéprévenuedudécèsdeSteve—del'avoirapprisindirectement,surtoutdecettemanière.Toutsemblaits'êtrepassétrèsvite.Steveétaitmort,etdeuxjoursplustard,onl'avaitenterré.MêmesiZoeavaitapprissondécès,ellen'auraitpas forcémentpuarriverà tempspour lacérémonie.De toutefaçon,yaurait-elleeusaplace,vulescirconstances?Deplus,lesjournalistesauraientcherchéàsavoirqui elle était et quelles étaient ses relations avec le défunt— elle ne pouvait donc pas en vouloir àAndreasdel'avoirtenueàl'écart.Elleauraitagidemêmeàsaplace.Soninstinctnel'avaitparconséquentpastrompée.Elleavaitéprouvédel'affectionpourSteveDragos,maisaufonddesoncœur,elleavaittoujoursétéconvaincuequ'ellen'étaitpassafille.Zoe plia soigneusement le journal et le glissa dans le gros livre en cuir pour le protéger.Quand ellel'ouvrit,elles'aperçutquecen'étaitpasunlivremaisunvieilalbumdephotos.Lespremiersclichésdataientdel'enfancedeMeganetdesasœur.BeaucoupreprésentaientGina,sursabicyclette,sebaignantdanslamerouencoreperchéeenhautd'unarbre,levisagetoujoursilluminédebonheur.Leregardd'unepetitefillequicroyaitenlavie,quiavaitconfiance.Unepetitefillequinepouvaitpasimaginerquesagrandesœurpuisselatrahiretluibriserlecœur.Zoecontinuaàtournerlentementlespages,jusqu'àarriveràlapériodedesvacancessurl'îledeThania.Satanteavaitprisgrandsoindecesphotos:chacuned'ellesétaitdatéeetannotée.SiseulementZoeavaitconnulesdatesdecesvacances,elleauraiteuunepreuveincontestablequ'ellenepouvaitpasêtrelafilledeSteveDragos.EtAndreasetelleauraienteuledroitdes'aimer...Maisleschosesétaientainsi:elleétaitseuleetilallaits'engagerdansunmariagedeconvenance.Nil'unnil'autreneseraientheureux.Quittantlavéranda,elleappelauntaxipourrentrerchezelle.Enmontantl'escalier,elleserappelaquequelquesheuresplustôt,elleétaitsurlepointdeseprépareràmanger.Lorsqu'elleatteignitsonpalier,ellecherchal'interrupteuretl'ampouleéclairasoudainlecouloir,faisantapparaîtreunelonguesilhouetteappuyéecontresaporte.ElleportaunemainàsabouchepourseretenirdecrierenvoyantAndreassortirdel'obscuritépourvenirverselle.Sonvisage fatiguéétait trèspâle,maisunsourirequ'elleconnaissaitbiensedessinasurseslèvrestandisqu'illuitendaitlesbras.—Matiamou.Elleréponditquelquechosed'incohérentquiressemblaitvaguementàsonprénom,etseplaquacontrelui.Il l'accueillitdanssesbrasavecfougueetsabouches'emparaaussitôtdelasienne.Iln'yavaitaucune

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retenue dans ce baiser. Ses lèvres capturèrent les siennes avec une passion profonde et sensuelle, etexigeaientuneréponseàl'avenant.SesmainsvirilesécartèrentalorslemanteautrempédepluiedeZoe.Andreascaressasesseins,l'amenaà une excitation presque insupportable à travers le petit pull fin qu'elle portait. Elle émit de petitsgémissementsdeplaisirquifurentétouffésparleursbaisersardents,toutsoncorpsfondantdedésirpourlui.Lorsqu'ilrelevalatête,ilsétaienttousdeuxhorsd'haleine.—Tesclés,agapimou,dit-ild'unevoixrauque.Ilsréussirentàouvrir laporteetentrèrent tantbienquemalà l'intérieurde l'appartement,commençantdéjààsedéshabillerl'unl'autre.Lorsqu'elle se retrouva entièrement nue, Andreas la porta jusqu'au canapé et s'agenouilla près d'elle,couvrantsoncorpsdebaisersbrûlants.Salanguetaquinaitsesseins,sesmainscaressaientsonventre...Bientôt,Andreasdescenditjusqu'àsescuissestremblantesetlesséparapourluiprodiguerlaplusintimedescaresses.Elles'arquasouslapuissanceduplaisir,enréclamantencore.Il luimurmuraitdesmotsgrecs,d'unevoixgraveet langoureuse, toutencontinuantà jouersapartitionerotique, luifaisantperdresesdernièresrésistances.SoudainZoesentitsoncorpsimploser.Unplaisirpurlaconsumaenvaguessuccessivesetellesemitàhaleteretàcrieràlafois.Andreaslapénétraalors.Dèsqu'ilpritpossessiondesamoiteintimité,ellepoussauncrid'extaseettoutsoncorpsfutenvahidesachaleuretdesaforce.Elles'agrippaàsesépaules,enroulantsesjambesautourdeluipourl'encourageràlaposséderencoreplusprofondément.Unbesoinabsoluetimpérieuxlesavaitpoussésàcetteétreinte.Zoerépondaitàchaqueassautpuissantdetoutsonêtre,soncorpsdevenantaussisauvageetfarouchequeceluid'Andreas.Riendanssonexpériencelimitéenel'avaitpréparéeàcebesoinfrénétiquedeprendreetdedonner.Auplus profondd'elle-même, le plaisirmontait sans cesse, inexorablement ; elle tremblait, enfiévrée,bouleversée,unenouvellefoisemportéedansunevaguedevolupté.Ausommetdelajouissance,lorsqu'ellefutravagéeparlaforcedesessensations,elleentenditAndreaspousseruncrirauqueetexprimeràsontoursonplaisir.Ilstrouvèrentalorsunepaixmerveilleuseensemble.Zoelepritparlamainpourl'emmenerjusqu'àsonlitetseblottitdanssesbraspendantqu'ils'endormait.Plustard,elles'assoupit.Illaréveillapardepetitsbaisersetluifitl'amour,lentementettendrement.Enfin, ils parlèrent, parce que certaines choses devaient être dites, certaines questions appelaient desréponses,etilleurfallaitévoquerlesrévélationsdelasoirée.—Alors,demandaZoe,quandas-tuapprisquenousn'étionspasfrèreetsœur?—AumomentoùtuasmisenventelaVillaDanae.Lesavocatsm'ontalorsmontrélacopiedetonactedenaissance.JesavaisquandtamèreétaitvenuesurThania,etlesdatesnecorrespondaientpas.—Etcependant tun'as riendit?ditZoe, indignée.Tum'as laisséecontinueràpenserquenousétionsperdusl'unpourl'autre?—Jel'aifaitpourmonpère.Ilvoulaittellementycroire,matiamou.Tuétaislemerveilleuxcadeauqu'ilavaitattendupendanttantd'années.S'ilnevoulaitpasentendreparlerdestestsmédicauxquesesavocatsluiavaientrecommandés,c'estparcequ'ilrefusaitd'admettrel'éventualitéqu'ilpuisses'êtretrompé.Tuétais la fillede la femmequ'il aimait, etdonc tudevaisêtre sa filleà luiaussi. Jenepouvaispas luienleverça.Lesmédecinsm'avaientditqu'ilpouvaitàtoutmomentavoiruneautreattaquequiluiseraittrèscertainementfatale.Jevoulaisqu'ilsoitheureuxletempsquiluirestait.Etill'aété,machérie,parcequ'ilpensaitàtoi,ilparlaitd'ailleurssouventdetoi.Maistuasledroitdepenserquej'aieutortetm'envouloir,situveux.

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—Non,jecomprends,tuasbienfait.Jemesouviensdelafaçondontilm'aditaurevoir.Jecroisqu'ilsavait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps. Je regrette de ne pas avoir été présente à sonenterrement.—Ilvautbienmieux,agapimou,tesouvenirdeluicommeilétait.Jevoulaisaussitedirequelalettredetamèreaétéenterréeaveclui.—Je t'en remercie,dit-elleendéposantunbaiser sur sonépaule. Jecroisquec'est cette lettrequi lerendaittellementsûrquej'étaissafille.CettelettreetmatanteMegan,biensûr.Acesmots,Andreasresserrasesbrasautourd'elle.—Cettehorriblesorcière,dit-ild'unevoixpresqueassassine.Elleauraitputefairemal,tun'auraispasdûl'affronterseule,pedhimou.—Jevoulaislahaïr,maisauboutducompte,jen'aipasréussi.Elleétaitjustetristeàvoir,iln'yavaitplusrienàfaire.Celam'apermisdevoiràquelpointl'amourpeutêtredangereuxquandiln'arrivepasàs'épanouir.—Ettusaisaussicombienl'amourpeutfairedubien,dit-ilensouriant.—Ohoui, répondit-elle en se rapprochant encore de lui, ce qui provoqua chezAndreas une réactionimmédiatequilafitsourire.—Zoemou,aiepitiédemoi,oubienjenevaispassurvivrejusqu'ànotremariage.—Tuvasm'épouser?—Ohoui!Etleplusvitepossible,ajouta-t-ilencaressantleventredeZoe.J'avaistellementenviedetoiquejen'aipaspenséàprendredeprécautions,ilpourraitdoncyavoirdesconséquences.—Tuneveuxpasqu'onaitdesbébés?—Si,maisjesuisaussisuffisammentégoïstepourvouloirprofiterseuldemafemmependantunmoment.—Andreas,dit-elleaprèsuninstant,tun'espasobligédem'épouser.—Qu'est-cequec'estquecesbêtises?—Tu es déjà fiancé avecTinaMandrassis.La fusiondépenddevotremariage, je le sais.Alors, j'aipenséàlaVillaDanae.Mamèren'yajamaisvécu,maisjepourrais...situvoulais...jeseraisàtoiautantquetuvoudrais.— Mais tu es en train de vendre la villa, matia mou, et le nouveau propriétaire ne permettraitcertainementpasquel'onaitdesmœursaussidissoluessoussontoit.Ellelevalementonetleregardad'unairsuspicieux.—Tuasl'airdetrèsbienleconnaître.—Depuisqu'ilestné,reconnut-il.—Alorstuasachetélavilla?Maispourquoi?—Pourquenouspuissionsyvivreensemble.Elleabesoind'êtrehabitée,dedéborderd'enfants,d'amouretdevie.Jepensequenousyarriverionstrèsbien.Etjesuggèrequenousvendionslamaisondemonpère.J'yaipeudebonssouvenirs.—Maisquedevientleprojetdefusion?—Ilyaunautregenredefusionquim'intéressebeaucoupplus,murmura-t-il.—Monamour,soissérieux.—Tucroisquejenelesuispas?s'offusqua-t-ilenprenantsamainpourlaposersursontorse.Laisse-moi tedireceque j'aiditàmonpère : jenememarieraiqueparamour.Jen'ai jamaispuaimerTinaMandrassis.Et le seulmomentoù j'ai envisagéunmariagearrangé,c'estquand jecroyaisqu'ilm'étaitdéfendudet'aimer.J'aiessayédemepersuaderquesanstoiplusrienn'avaitd'importance,maismêmealors, je n'arrivais pas àme décider à faire unmariage de raison. Alors, j'ai décidé d'opter pour lecélibat.

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—Etl'abstinence?demandaZoed'unevoixsuave.—J'auraisessayé,maisjenecroispasquecesoitunesituationquiconvienneàaucundenousdeux,monange.Quantàlafusion,Mandrassisenaplusbesoinquemoi,etjeneseraispasétonnéqu'ilpoursuiveleprojetmêmesijenedevienspassonbeau-fils.Etnet'inquiètepastroppourlabelleTina,elleahéritédebeaucoupd'argentparsamère,ellenemanqueradoncpasdeprétendants.—Alorsquemoi,jenet'apporterien,commentaZoe.—C'estcequetucrois,dit-ilmalicieusementtandisquesamains'égaraitavecunedélicateprécisionsurlecorpsdeZoe.Jevaisdevoirterafraîchirlamémoire.Elleessayadenepasriremaiséchouabienvite.Elledéclara,dansunpursoupirdebéatitude:—Jen'auraisjamaiscruqu'onpuisseêtreaussiheureux.Acesmots,Andreassepenchasurelleetl'embrassalentement,tendrement.—Etcen'estqueledébut,murmura-t-il,monamour,mafemme,mavie.