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UNIVERSITE AIX-MARSEILLE I-Université de Provence U.F.R. L.A.C.S Formation Doctorale : Langage et Parole Discipline : Phonétique COMPENSATION ARTICULATOIRE DANS LA PRODUCTION DES OCCLUSIVES DU FRANÇAIS Thèse de doctorat présentée par Sandrine Clairet Le 18 Novembre 2004 Sous la direction du professeur Noël Nguyen. Jury composé de : Danielle Duez, Directrice de recherche CNRS, Université de Provence Yves Laprie, Chargé de recherches CNRS Université H. Poincaré, Nancy (rapporteur) Noël Nguyen, Professeur, Université de Provence Rudolph Sock, Professeur, Université Marc Bloch, Strasbourg (rapporteur)

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UNIVERSITE AIX-MARSEILLE I-Université de Provence

U.F.R. L.A.C.S

Formation Doctorale : Langage et Parole

Discipline : Phonétique

COMPENSATION ARTICULATOIRE

DANS LA PRODUCTION DES

OCCLUSIVES DU FRANÇAIS

Thèse de doctorat présentée par

Sandrine Clairet

Le 18 Novembre 2004

Sous la direction du professeur

Noël Nguyen.

Jury composé de :

Danielle Duez, Directrice de recherche CNRS, Université de Provence

Yves Laprie, Chargé de recherches CNRS Université H. Poincaré, Nancy (rapporteur)

Noël Nguyen, Professeur, Université de Provence

Rudolph Sock, Professeur, Université Marc Bloch, Strasbourg (rapporteur)

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Même le désert a des présents

Pour ceux qui essayent de le traverser.

Le chameau progresse à sa juste allure.

Tracez votre route.

Organisez votre voyage.

Perdez-vous dans les tours et détours de la vie.

Suivez le chemin le moins emprunté et

Atteignez chaque jour votre but.

S’égarer est question de point de vue.

Soyez prêtes, mais voyagez avec peu de bagages.

Le Tao de la Femme, Voyager, 1995.

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5

REMERCIEMENTS

Avant tout, Merci tout particulièrement à mon Ange-gardien qui m’a tant donné de sa

force, de sa personne, de sa patience. Merci, Ange, de continuer à me convaincre avec ton

optimisme que le monde est ‘bo’ et que tout est si simple !

Merci ma métou et mon pétou pour leur ENORMESQUE soutien,

MERCI, MERCI, MERCI et encore bien plus que ça, une phrase ne pourrait suffire…

Merci à mon papa de m’avoir fait confiance dans tous mes choix de vie, de loin et de

près…pour son soutien, pour sa patience, et à sa Clo aussi…

Merci à ma Steph qui a toujours su m’écouter et me rassurer, me conseiller sagement

depuis tout ce temps…et qui m’a donné deux beaux petits fruits frais…

Merci ma KK-dorée pour avoir été plus que présente et plus que constante, tout

simplement, merci de la confiance que tu as mise en moi et Merci mon Faïli-Faïli pour tes

aisselles, tes rigolos gadgets et compagnie hihihi…

Merci à mon Heckell qui m’a souvent aidée à ramer pour faire avancer ma barque, à écoper

pour éviter plus d’un naufrage…plus d’une fois…pour tout ce que nous avons franchement

partagé durant ces loooongues années d’entraide et d’encouragements.

Merci ma Miweille pour avoir toujours été là durant tout ce temps, avec son sourire et ses

encouragements.

Merci à la Fabulous Fig’ Team pour toutes les rigolades, tapenades et figolades en tout

genre et pour avoir été sacrément patients…

Merci à toutes les Cocottes pour les «apéros-re-faisons-un-monde-meilleur-d’amour-et-de-

partage, pour leur énorme soutien.

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Merci à tous les amis l’autre coté de l’océan, Elsa, Lourdes, Manuel, Nina, Berenice, Hubert

pour qui j’ai fidèlement œuvré avec grand grand plaisir, merci de m’avoir franchement fait

confiance.

Merci à Elsa pour m’avoir montré la face cachée des difficultés de façon simple et sage,

avec toujours un ENORME sourire.

Merci à mon super-PIT pour avoir toujours trouvé un peu de son temps, pour prodiguer ses

précieux, aimables et judicieux conseils…

Merci mon super-Yoh pour m’avoir aussi longtemps écoutée, rassurée, supportée et pour les

conversations articulesques, epgiques et jenpasse et surtout pour les nombreuses et

nombreuses corrections…

Merci mon Super-Cyril pour avoir volé à mon secours, très souvent et très

sûrement…toujours prêt !!! Il y aura toujours une bonne soupe …

Merci super-Robert pour les nombreux coups de pouces…

Merci Christine et Merci Christian pour les bons conseils et les encouragements

Merci Ben et Yo d’avoir accepter de baver à outrance sous la menace des palais, mèches et

bite-blocks en tout genres…

Merci Will pour le portable, ouffff…

Merci à mes amis du labo qui se reconnaîtront (surtout ma voisine !!!) et avec qui j’ai

volontiers taillé un bout de chemin durant ces années…

Merci à Bernard Teston pour m’avoir permis de squater son bureau pour bricolages et bite-

blocages.

Merci à Jacqueline et Louis pour leur constante gentillesse.

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Merci à M. El Ahmadi pour avoir gentiment accepté de partager son expérience en

statistiques.

Merci M. Di Cristo de m’avoir donné le virus de la phonétique, depuis la licence, qui m’a

embarquée jusqu’ici

Merci à Rudolph Sock et Pascal Perrier pour les nombreuses recommandations et les

discussions constructives …

Merci à Didier Demolin pour m’avoir assistée dans le choix de ce sujet…

Merci surtout aux membres du jury d’avoir accepté de critiquer et de juger ce travail et

d’avoir été présents.

Merci M. Nguyen d’avoir accepté de diriger ce travail.

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9

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES.............................................................................................. 9

INTRODUCTION ........................................................................................................ 17

PREMIERE PARTIE................................................................................................... 21

ASPECTS THÉORIQUES : CONTRÔLE MOTEUR ET PROCESSUS DE

COMPENSATION DANS LA PAROLE ................................................................... 21

CHAPITRE 1 ................................................................................................................ 21

LA PRODUCTION DE LA PAROLE........................................................................ 21

1.1 DES REPRÉSENTATIONS MENTALES AUX SONS ....................................................... 22

1.1.1 Quelques rappels sur la neurophysiologie de la parole ................................ 22

1.1.2 Planification : des représentations phonétiques aux ordres ......................... 22

1.1.3 Exécution : des mouvements articulatoires au signal de sortie..................... 23

1.2 LES THÉORIES DE PRODUCTION DE LA PAROLE....................................................... 25

1.2.1 Les théories orientées sortie acoustique........................................................ 25

1.2.2 Les théories orientées système....................................................................... 30

1.2.3 Le modèle Hypo-articulation Hyper-articulation de Lindblom..................... 34

1.3 CONCLUSION ......................................................................................................... 37

CHAPITRE 2 ................................................................................................................ 41

COMPENSATIONS ET STRUCTURES COORDINATIVES................................ 41

2.1 PRÉSENTATION DE LA NOTION DE COMPENSATION................................................. 41

2.1.1 Définition générale : perturbation et compensation articulatoire ................ 41

2.1.2 Définition neurophysiologique ...................................................................... 43

2.2 LES INFORMATIONS SENSORIELLES ........................................................................ 45

2.2.1 Modèle à boucle ouverte................................................................................ 45

2.2.2 Modèle à boucle fermée................................................................................. 45

2.2.3 Les différents feedbacks ................................................................................. 46

2.3 MODÈLE DE SIMULATION PRÉDICTIVE DE LINDBLOM............................................. 48

2.3.1 Rôle des Modèles internes ............................................................................. 49

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10

2.3.2 Les avantages de cette conception des modèles internes...............................51

2.4 STRUCTURES COORDINATIVES ET ÉQUIVALENCES FONCTIONNELLES......................52

2.4.1 Structures coordinatives.................................................................................52

2.4.2 Equivalences fonctionnelles ...........................................................................54

CHAPITRE 3.................................................................................................................59

COMPENSATIONS ET COMPLEXE MÂCHOIRE/LANGUE.............................59

3.1 LES COMPENSATIONS DANS LES ÉTUDES ANTÉRIEURES ..........................................59

3.1.1 Les études avec perturbation dynamique .......................................................60

3.1.2 Les études avec perturbation statique : les bite-blocks..................................62

3.1.3 Propriétés des compensations........................................................................70

3.2 LE COMPLEXE LANGUE / MÂCHOIRE .......................................................................71

3.2.1 La langue et ses mouvements .........................................................................71

3.2.2 Le rôle phonétique de la mâchoire.................................................................73

3.3 CONCLUSION SUR LES COMPENSATIONS INTER-ARTICULATOIRES...........................78

DEUXIEME PARTIE...................................................................................................81

PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODE EXPÉRIMENTALE ....................................81

CHAPITRE 4.................................................................................................................81

PROBLÉMATIQUE.....................................................................................................81

4.1 LES CONSONNES OBSERVÉES : LES OCCLUSIVES LINGUALES /T/ ET /D/. ..................82

4.1.1 La formation d’une occlusive linguale...........................................................82

4.1.2 Occlusive linguale et segments adjacents ......................................................84

4.2 LES QUESTIONS SUR LES MOUVEMENTS LINGUAUX ................................................85

4.2.1 Le timing inter-gestuel ...................................................................................85

4.2.2 Le timing intra-gestuel ...................................................................................85

4.2.3 Les déplacements linguaux.............................................................................86

4.3 A PROPOS DES CONTRAINTES DE PRODUCTION .......................................................86

CHAPITRE 5.................................................................................................................89

MÉTHODE EXPÉRIMENTALE................................................................................89

5.1 INTRODUCTION.......................................................................................................89

5.2 DESCRIPTION DU CORPUS .......................................................................................89

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11

5.2.1 Cadre expérimental........................................................................................ 89

5.2.2 Le corpus........................................................................................................ 90

5.2.3 La réalisation des bite-blocks ........................................................................ 94

5.3 L’ÉLECTROPALATOGRAPHIE .................................................................................. 97

5.3.1 Les plus et les moins de l’EPG ...................................................................... 99

5.3.2 Les caractéristiques des consonnes linguales ............................................. 101

5.3.3 Le traitement des données............................................................................ 103

5.4 LES MESURES ÉLECTROPALATOGRAPHIQUES ....................................................... 107

5.4.1 Les paramètres spatiaux. ............................................................................. 108

5.4.2 Les paramètres temporels............................................................................ 110

5.4.3 Les paramètres spatio-temporels................................................................. 111

5.5 LA MÉTHODE STATISTIQUE D’ANALYSE DES VARIATIONS .................................... 112

TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX ............................... 115

CHAPITRE 6 : LES RÉSULTATS SPATIAUX ..................................................... 115

6.1 ASPECTS QUANTITATIFS DE LA RÉPARTITION DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX 116

6.1.1 Les contacts linguo-palataux (LP) sur la totalité du palais ........................ 116

6.1.2 Les contacts linguo-palataux dans la région alvéolaire.............................. 119

6.1.3 Les contacts linguo-palataux dans la région vélaire................................... 122

6.1.4 Sur les variations d’amplitude des contacts LP........................................... 124

6.2 L’ASPECT QUALITATIFS DE LA RÉPARTITION DES CONTACTS : LES PATRONS DE

CONTACTS.................................................................................................................. 126

6.2.1 Les patrons de contacts du locuteur BL....................................................... 127

6.2.2 Les patrons de contacts du locuteur YM...................................................... 131

6.3 RÉSUMÉ SUR LES RÉSULTATS SPATIAUX .............................................................. 135

CHAPITRE 7 : LES RÉSULTATS TEMPORELS................................................. 139

7.1 LE CONTRÔLE DES DURÉES................................................................................... 139

7.2 DURÉE TOTALE DES CONSONNES.......................................................................... 142

7.2.1 Influence générale des variables sur la durée des consonnes ..................... 142

7.2.2 Durées des consonnes du locuteur BL. ........................................................ 143

7.2.3 Durées des consonnes du locuteur YM........................................................ 145

7.3 DURÉE DES FERMETURES LINGUO-PALATALES (LP)............................................. 146

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12

7.3.1 Influence générale des variables sur la durée du geste de fermeture linguo-

palatale..................................................................................................................146

7.3.2 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur BL .....................147

7.3.3 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur YM ....................149

7 4. DURÉE DES TENUES .............................................................................................151

7.4.1 Influence générale des variables sur la durée de la tenue...........................151

7.4.2 Durées des tenues du locuteur BL................................................................152

7.4.3 Durées des tenues du locuteur YM...............................................................154

7.5. DURÉE DES MAXIMA............................................................................................156

7.5.1 Influence générale des variables sur la durée du maximum de contacts.....156

7.5.2 Durées des maxima du locuteur BL .............................................................157

7.5.3 Durées des maxima du locuteur YM ............................................................159

7. 6 DURÉE DES OCCLUSIONS .....................................................................................161

7.6.1 Durée de l’occlusion du locuteur BL ...........................................................161

7.6.2 Durée de l’occlusion du locuteur YM ..........................................................163

7.7 DURÉE DE L’OUVERTURE LINGUO-PALATALE (LP)...............................................165

7.7.1 Influence générale des variables sur la durée de l’ouverture linguo-palatale

...............................................................................................................................165

7.6.2 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur BL .........................166

7.6.3 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur YM ........................168

7.7 RÉSUMÉ DES RÉSULTATS TEMPORELS...................................................................170

7.7.1 Les résultats temporels du locuteur BL........................................................170

7.7.2 Les résultats temporels du locuteur YM.......................................................171

QUATRIEME PARTIE..............................................................................................175

INTERPRETATION ET DISCUSSION...................................................................175

CHAPITRE 8...............................................................................................................175

LES RÉSULTATS SPATIO-TEMPORELS ............................................................175

8.1 L’AMPLITUDE DES MOUVEMENTS ARTICULATOIRES .............................................176

8.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale (LP).................................................176

8.1.2 La pente d’ouverture linguo-palatale (LP) ..................................................179

8.2 LES VITESSES D’ÉLABORATION DES PENTES .........................................................182

8.2.1 La vitesse de fermeture linguo-palatale .......................................................182

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13

8.2.2 La vitesse d’ouverture linguo-palatale (LP)................................................ 183

8. 3 RÉSUMÉ DES RÉSULTATS SPATIAUX ET TEMPORELS ............................................ 185

8.3.1 Le locuteur BL ............................................................................................. 185

8.3.2 Le locuteur YM............................................................................................. 187

CHAPITRE 9 : DISCUSSION................................................................................... 191

9.1 LES VARIATIONS INTER-INDIVIDUELLES............................................................... 191

9.1.1 Stratégie de compensation du locuteur BL .................................................. 193

9.1.2. Stratégie de compensation du locuteur YM ................................................ 193

9.1.3 Relations entre morphologie et articulation................................................ 194

9.1.4 Relations avec une perturbation dite ‘naturelle’ ......................................... 195

9.2 PHÉNOMÈNE D’APICALISATION............................................................................ 196

9.3 HIÉRARCHIE DE LA COMPENSATION ..................................................................... 200

9.3.1 En fonction de la pertinence des évènements articulatoires........................ 200

9.3.2 En fonction du poids des contraintes........................................................... 202

9.3.3 Une hiérarchie dans le contrôle moteur ...................................................... 205

9.4 ADAPTATION IMMÉDIATE OU APPRENTISSAGE : RÔLE DES FEEDBACKS................ 206

CONCLUSION ........................................................................................................... 211

BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................... 217

TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................. 229

ANNEXES ................................................................................................................... 237

ANNEXE 1 : TABLEAU DE RECENSEMENT DE QUELQUES ÉTUDES

UTILISANT DES PERTURBATIONS EXPÉRIMENTALES.............................. 238

ANNEXE 2 : LES DURÉES MOYENNES DE LA PHRASE PORTEUSE, DE LA

VOYELLE ET DE LA CONSONNE C1 DANS LES QUATRE CONDITIONS

D’ENREGISTREMENT. ........................................................................................... 243

YM................................................................................................................................ 243

ANNEXE 3 : TABLEAUX DES DURÉES MOYENNES DE CHAQUE PHASE DE

LA CONSONNE. ........................................................................................................ 244

♦Durées consonnes BL puis YM. ......................................................................... 244

♦Durée fermeture de BL ...................................................................................... 245

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14

♦Durée fermeture de YM. .....................................................................................245

♦Durée tenue BL...................................................................................................246

♦Durée tenue YM..................................................................................................246

♦Durée maximum de contacts BL........................................................................247

♦Durée maximum de contacts YM........................................................................247

♦Durée occlusion BL............................................................................................248

♦Durée occlusion YM. ..........................................................................................248

♦Durée ouverture BL............................................................................................249

♦Durée ouverture YM...........................................................................................249

ANNEXE 4 : LES MOYENNES DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX .......250

♦Les contacts linguo-palataux de BL...................................................................250

♦Les contacts linguo-palataux de YM :................................................................251

ANNEXE 5 : LES MOYENNES DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX À

CHAQUE SESSION D’ENREGISTREMENT. .......................................................252

ANNEXE 6 : LES PATRONS DE COARTICULATION DANS LES QUATRE

CONDITIONS D’ENREGISTREMENT..................................................................255

Locuteur BL...........................................................................................................255

Locuteur YM..........................................................................................................256

ANNEXE 7 :LES MESURES DES PALAIS DES LOCUTEURS..........................258

ANNEXE 8 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ SANS

BITE-BLOCK, LOCUTEUR BL...............................................................................261

Séquence /dad/.......................................................................................................261

ANNEXE 9 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ AVEC

LE B3, LOCUTEUR BL.............................................................................................262

Séquence /dad/.......................................................................................................262

ANNEXE 10 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ SANS

BITE-BLOCK, LOCUTEUR YM .............................................................................263

Séquence /dad/.......................................................................................................263

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15

ANNEXE 11 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ AVEC

LE B3, LOCUTEUR YM ........................................................................................... 264

Séquence /dad/ ...................................................................................................... 264

ANNEXE 12 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ SANS

BITE-BLOCK, LOCUTEUR BL. ............................................................................. 265

Séquence /tat/ ........................................................................................................ 265

ANNEXE13 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ AVEC

B3, LOCUTEUR BL................................................................................................... 266

Séquence /tat/ ........................................................................................................ 266

ANNEXE 14 : COURBE DE CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ SANS

BITE-BLOCK, LOCUTEUR YM............................................................................. 267

Séquence /tat/ ........................................................................................................ 267

ANNEXE 15 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ AVEC

LE B3, LOCUTEUR YM. .......................................................................................... 268

Séquence /tat/ ........................................................................................................ 268

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INTRODUCTION

17

INTRODUCTION

La production de la parole est considérée comme un acte à la fois cognitif et social. Par

cognitif nous entendons que toute production phonétique est liée à l’activité motrice des

organes articulatoires, activité régie par les processus mentaux. Acte social car il est

reconnu que la production de la parole répond aux exigences communicatives du

locuteur qui choisit les énoncés qui répondent le mieux à ses intentions. L’approche de

ce travail présenté ici est fondée sur l’idée que la parole en tant que phénomène

biologique répond fermement à une organisation adaptative. Son intelligibilité dépend,

en partie du contenu et de la qualité du signal et, en partie des connaissances

linguistiques et situationnelles présentes dans le cerveau de l’auditeur comme du

locuteur.

Les travaux relatifs au contrôle de la production de la parole montrent que cette faculté

d’adaptation aboutit à une certaine variabilité dans l’expression linguistique d’un

énoncé. Cette variabilité est due à la fois aux nombreuses contraintes

physiques/mécaniques du système de production et bien sûr à l’objectif énonciatif du

locuteur. Afin d'éclairer les connaissances à propos de cette variabilité de production, il

existe notamment un paradigme fort intéressant basé sur les phénomènes de

compensation articulatoire. Pour illustrer cette notion de compensation, nous pouvons

citer l’exemple bien connu des fumeurs de pipe pour lesquels une élocution correcte et

intelligible reste possible même avec une pipe coincée entre les dents. Certains travaux

portant sur ces phénomènes de compensation montrent que le système de production est

intrinsèquement organisé pour permettre à un groupe d’articulateurs d’effectuer une

action même si un articulateur est indisponible.

L’objectif de cette étude est d’observer et de quantifier ces phénomènes de

compensation articulatoire. A plus large échéance, nous espérons confirmer qu’une

même stratégie d’encodage peut commander plusieurs réponses articulatoires pour

atteindre un unique but communicationnel. D’autre part nous tenterons de valider

l’hypothèse que le contrôle du système de production de la parole peut varier selon le

niveau de traitement : un contrôle orienté sortie existe au niveau sous jacent

(préparation conceptuelle du traitement de l’information) puisque le but du locuteur est

effectivement de se faire comprendre. Un contrôle orienté système existe au niveau

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18

biomécanique, le but du locuteur étant de réaliser les constrictions conformes à ce qu’il

cherche à produire dans le conduit vocal en déplaçant ses articulateurs. Grâce à la mise

en place de stratégies de compensations articulatoires, la variabilité des signaux de

parole pourrait être mieux expliquée et mieux comprise, aussi bien en parole normale

qu’en parole perturbée, voire en parole pathologique.

Concernant ces aspects, peu d’études portent sur le français, et sur les consonnes,

segments qui requièrent un agencement complexe des articulateurs supra-glottiques et

du larynx. Pour notre part, nous avons choisi d'étudier les mouvements compensatoires

qu’effectue la langue lorsque la mâchoire est fixée par des « bite-blocks » (cales inter-

dentales). Nous comparons les mouvements de la langue en parole normale et en parole

intentionnellement perturbée. Nous nous sommes penchée plus particulièrement sur la

production des consonnes occlusives /t /et /d/ du français en position initiale d’une

séquence CVC, intégrée dans une phrase porteuse. Nous exploitons la dimension

spatiale (amplitude des mouvements) et la dimension temporelle (timing des

mouvements) des mouvements linguaux au moyen de la méthode d’analyse qu’est

l’électropalatographie.

Notre thèse est composée de quatre parties sous-divisées en neuf chapitres.

La première partie présente les aspects théoriques relatifs à notre étude. Dans le chapitre

1, nous proposons une présentation générale des théories de la production de la parole.

Dans le chapitre 2, nous présentons les différentes conceptions qui s’articulent autour

des phénomènes de compensations. Dans le chapitre 3, nous proposons un recensement

des études ayant mis à jour des phénomènes de compensation. Nous insistons notament

sur les études soulignant le lien fonctionnel entre la mâchoire et la langue.

La deuxième partie présente la problématique et les choix expérimentaux. Dans le

chapitre 4, nous exposons la problématique qui synthétise les questions posées par les

parties précédentes et présente nos hypothèses de travail. Nous justifions notre choix

des occlusives linguales comme terrain d’investigation. Le chapitre 5 est consacré à la

méthode expérimentale choisie pour rechercher des compensations articulatoires dans

les mouvements linguaux, le corpus, le protocole expérimental et la méthode d’analyse

articulatoire qu’est l’électropalatographie.

La troisième partie se consacre à la présentation des résultats expérimentaux. Le

chapitre 6 aborde les aspects spatiaux de la variation des mouvements linguaux en

parole normale et perturbée. Les aspects temporels de cette variation sont traités dans le

chapitre 7.

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INTRODUCTION

19

La quatrième partie est consacrée à l’interprétation générale de nos résultats. Le chapitre

8 présente les aspects spatio-temporels. Il met en relation les deux niveaux d’analyse

cités ci-dessus et propose un bilan interprétatif des résultats. Le chapitre 9 propose une

discussion plus élargie de nos interprétations.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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PREMIERE PARTIE

Aspects théoriques : contrôle moteur et processus de

compensation dans la parole

______________________________________________________________________

CHAPITRE 1

La production de la parole

Ohala (1983) définit le mécanisme de production de parole comme un mécanisme qui

convertit l’énergie musculaire en énergie acoustique. Effectivement, la parole rassemble

contenu linguistique et signal acoustique, le tout, engendré et contrôlé par un système

biomécanique contrôlé par le Système Nerveux Central.

Figure n°1.1 : Schéma simplifié de production de parole : de la planification aux mouvements.

Si l’on shématise, la première étape de préparation conceptuelle implique la préparation

d’une intention de communication. A un niveau sous jacent, existent des représentations

mentales phonétiques stockées dans le cerveau. Ces représentations requièrent

l’existence de cibles articulatoires, acoustiques et perceptives. Une commande motrice

issue du système nerveux central, est transmise par voie nerveuse efférente vers les

muscles des articulateurs. L’activation des muscles modifie l’état initial des

articulateurs en fonction de l’ordre établi. Les mouvements des articulateurs entraînent

des modifications de forme du conduit vocal. Ainsi, les transformations des cavités de

résonance tout le long du conduit vocal se traduiront par des changements du signal

Activation

muscle

Position

articulateur

Forme conduit vocal

Signal

acoustique

Représentation

mentale

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acoustique exprimés par des variations des valeurs des formants. On obtient alors le

signal de parole en sortie. Un retour de l’information auditive est alors produit vers le

système nerveux central par voie afférente grâce au feedback externe. Il peut y avoir

alors correction et genèse d’une nouvelle commande du système nerveux central si le

but de départ n’est pas réalisé.

1.1 Des représentations mentales aux sons

1.1.1 Quelques rappels sur la neurophysiologie de la parole

Les impulsions nerveuses venant du cerveau sont omniprésentes dans notre corps. Le

système nerveux peut être divisé en deux grands axes. Le système nerveux central qui

comprend le cerveau et la colonne vertébrale. Le système nerveux périphérique

constitué de nerfs crâniens, qui émergent du cerveau pour ravitailler la région de la tête

et de nerfs spinaux, partant de la colonne pour alimenter le reste du corps. Les neurones

apportent les influx du système nerveux central vers les organes périphériques par les

nerfs efférents. D’autres neurones sont dits afférents, ils apportent les informations sur

l’état des organes périphériques vers le système nerveux central par voie sensorielle.

1.1.2 Planification : des représentations phonétiques aux ordres

La parole est générée en deux étapes essentielles, planification et exécution, comme

d’ailleurs l’ensemble des actions contrôlées que nous effectuons. Les processus

articulatoires ont lieu durant l’étape d’exécution. Rappelons rapidement la phase de

planification pré-motrice. Quand on parle, on ajuste constamment les paramètres

caractéristiques de la production (durées des segments, pauses, schémas intonatifs,

rapidité d’élocution, force d’articulation), en fonction de l’auditoire (Lindblom 1996).

La connaissance partagée permet un nombre de variations dans la production des

phrases. Ces variations se font en fonction de la connaissance implicite que l’on a de la

situation d’énonciation et aussi en fonction des facultés de l’auditeur. En l’état actuel

des recherches sur les processus de production, il est présumé que la programmation a

pour objet de spécifier des séquences de segments phonétiques discrets, par exemple des

cibles, qui incluent les informations sur le réglage temporel (timing). Les séquences de

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

23

cibles introduisent les modifications des caractéristiques acoustiques et articulatoires

des formes canoniques stockées dans le cerveau (Perkell 1995). Les processus

articulatoires sont des actes moteurs qui convertissent les séquences discrètes de cibles

en mouvements articulatoires. La résultante acoustique, le son, est le produit de ces

conversions. Ainsi, ces cibles discrètes peuvent être caractérisées en terme de

mouvements des articulateurs et de paramètres acoustiques. Nous pouvons considérer

que la sortie de la phase de programmation est en même temps l’entrée de la phase

d’exécution.

1.1.3 Exécution : des mouvements articulatoires au signal de sortie

Nous savons que l’exécution d’un énoncé oral implique l’utilisation coordonnée d’une

centaine de muscles permettant ainsi la production de quinze sons à la seconde. La

production de parole est un processus moteur complexe, régi par une orchestration

temporelle des articulateurs, organisés dans le temps et aussi dans l’espace, pour

contribuer à l’émergence des sons spécifiques d’une langue. En termes fonctionnels, le

processusde produciotn de parole consiste en l’utilisation des systèmes respiratoire et

laryngé. Ces deux systèmes opèrent ensemble pour la génération des sons de la parole.

L’air expiré des poumons est converti en vibrations audibles grâce aux différents

organes à l’intérieur du conduit vocal. La source de vibration la plus importante est dans

la région inférieure du conduit vocal, le larynx, là ou sont logées les cordes vocales dont

les mouvements d’ouverture et de fermeture dépendent des vibrations d’air. Une fois

que le flux d’air est passé à travers le larynx, il entre dans les cavités supra glottiques où

il est affecté par l’action de plusieurs articulateurs mobiles comme la langue, le palais

mou, les lèvres et la mâchoire.

La parole en tant qu’activité motrice volontaire est régie par un système très complexe

qui se doit de tenir compte d’une multitude de contraintes. Nous proposons un résumé

de ces contraintes d’après Zerling (1993b) classées par niveau d’apparition dans le

processus de production.

Les contraintes articulatoires pèsent globalement sur l’articulation des sons, c’est à dire

sur la réalisation des cibles, et peuvent voir plusieurs origines :

-phonologiques et linguistiques quand elles sont imposées par le système phonologique

à travers les phénomènes et leurs traits distinctifs. Elles sont propres à chaque langue.

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-physiologiques et bio-mécaniques quand elles proviennent des limites articulatoires du

conduit vocal, les limites de déplacement des organes phonatoires.

-acoustico-perceptives dans la mesure où les sons émis ne présentent un intérêt que s’ils

peuvent être entendus et perçus comme distincts les uns des autres par notre appareil

auditif.

Les contraintes coarticulatoires ou combinatoires découlent nécessairement de

l’enchaînement des sons sur le plan temporel. Ceux-ci ne sont pas réalisés de la même

manière que s’ils étaient articulés individuellement : ils sont soumis à l’influence des

sons voisins et leur réalisation va différer en fonction du contexte phonétique.

Les contraintes prosodiques agissent aussi sur le plan temporel. Les phénomènes

d’accentuation et d’intonation vont imposer des contraintes dépendant en partie de la

langue parlée. Les contraintes prosodiques s’appliquent à la fois sur l’ensemble de la

chaîne parlée mais aussi individuellement à chaque maillon.

Les contraintes situationnelles sont liées à la fois aux dispositions du locuteur, à son

environnement, au milieu, à la situation globale, à la présence interactive d’un inter-

locuteur. Zerling (Zerling1993b) les qualifie de « contraintes libres » dans la mesure où

elles peuvent être contrôlées et modifiées par le locuteur.

Les contraintes stratégiques découlent de la « base articulatoire » ( Zerling 1991) de

chacun. Elles sont qualifiées de stratégiques dans la mesure où elles découlent des lois,

des habitudes et des tendances articulatoires propres à la langue mais surtout propres à

chaque individu. Ces contraintes sont néanmoins essentielles puisque responsables du

réglage affiné de l’émission des sons.

Nous concluons que des influences de toutes sortes agissent sous formes de contraintes

à tous les niveaux de la production de la parole. Cet état donne un aperçu des difficultés

rencontrées par les phonéticiens pour mettre en œuvre des modèles visant à fournir une

reproduction complète des caractéristiques articulatoires et acoustiques de la parole. En

réponse à ces nombreuses contraintes le système de production fait preuve d’une large

variabilité dans ses réalisations. Cette variabilité est l’objet de nombreuses questions à

propos du contrôle des mouvements de la parole. La dialectique de l’invariant et de la

variabilité a débouché sur de nombreux courants théoriques. Quand les contraintes

articulatoires et acoustiques le permettent, la cible est atteinte. Quand les contraintes

pèsent au point d’empêcher l’atteinte de la cible, le message peut tout de même être

discriminé car les cibles sont intégrées de manière intuitive et inconsciente par les

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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locuteurs. Autrement, l’articulation est compensée afin d’atteindre au minimum la cible

acoustique à défaut de la cible articulatoire. Si aucune des deux n’est atteinte, la

perception et la compréhension sont alors sérieusement altérées. Le processus de

décodage de la perception de la parole permet de reconnaître une cible acoustique même

quand il y a des « undershoots » et « overshoots » (Lindblom 1990). Une des

orientations spécifiques des théories phonétiques est de se demander quels sont les

invariants dans la production de la parole. Il existerait des points de passage obligés

dans les régions cibles sous forme d’invariants spatio-temporels. Nous pouvons associer

à cette tâche abstraite un chemin dans l’espace spatio-temporel qui respecterait certaines

contraintes locales.

1.2 Les théories de production de la parole

Les théories de production tentent de décrire les problèmes de base de la production de

la parole : les cibles, le contrôle moteur, le timing des articulateurs, les contraintes…

Diverses théories de production de la parole se proposent de définir la production de la

parole de deux façons correspondant à deux grands courants de pensée. Les théories

orientées sortie prônent que le but du locuteur est de se faire comprendre. Les théories

orientées système prêchent l’idée que le but de la parole est de produire des

mouvements des articulateurs.

1.2.1 Les théories orientées sortie acoustique

A l’image de la pensée de Jakobson (1963), le locuteur parle pour être entendu et cela

dans le but d’être compris. Quand le locuteur parle, il cherche avant tout à faire

comprendre à son auditoire les concepts et informations qu’il veut exprimer par la

parole, de même que des informations sur son état. Il cherche ainsi à atteindre une cible

acoustique et perceptive. Les théories orientées sorties donnent à supposer qu’il y a peu

de variabilité sur le plan acoustique.

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1.2.1.1 La théorie de Lindblom

Une des théories les plus exploitées concernant la variabilité dans la parole est celle de

Lindlom (1971, 1983, 1990, 1996) qu’il reprend et réactualise avec près de trente ans de

recul et d’expériences et qui fait toujours foi en phonétique. Les locuteurs ont pour

habitude d’ajuster leurs productions en fonction de la situation de communication : ce

que Lindblom appelle « l’organisation adaptative » de la parole. Le locuteur choisit la

forme grammaticale ou lexicale qui sert le mieux ses intentions communicatives. Dans

chaque situation, ce choix dépend d’une façon cruciale de l’information qui est

disponible à l’auditeur. De nombreuses données expérimentales montrent que

l’intelligibilité de la parole dépend, en partie de la qualité et du contenu du signal et, en

partie du fait que ce signal engage des processus dont l’origine est dans les

connaissances linguistiques et situationnelles présentes dans le cerveau de l’auditeur au

moment du traitement perceptuel. Autrement dit, il faut supposer qu’une unité

phonétique ne reste jamais constante mais subit continuellement des fluctuations. En

production et perception de la parole, la variabilité des signaux de la parole est le

résultat de présuppositions phonétiques.

Les expressions les moins claires sont dites « réduites » dans le sens où quelques uns

des traits acoustiques peuvent être modifiés ou occultés. Les auditeurs sont capables de

comprendre sans avoir accès à la totalité des paramètres acoustiques car ils utilisent leur

connaissance pour retrouver les informations manquantes. Ainsi un locuteur agit en

évaluant de manière continue la capacité qu’a l’auditeur à comprendre ce qui est dit. Le

locuteur transmet son message le plus efficacement possible tout en contrôlant les

mouvements de ses articulateurs le plus aisément possible. De ce point de vue, autant

l’auditeur que le locuteur ont un rôle actif dans l’interaction. Ils évaluent tous deux la

qualité du bruit environnant, la familiarité avec la langue... Les variations des

expressions des paramètres qui définissent les catégories de sons sont connues et

reconnues par les deux parties. Dans des cas extrêmes de réduction, les frontières des

régions articulatoires et acoustiques entre les segments peuvent être franchies ou

modifiées. En conséquence, l’expression des paramètres acoustiques responsables des

contrastes des sons n’est pas invariante. Les mouvements articulatoires sont

programmés pour contraindre les variations acoustiques parmi les situations différentes,

dans des limites perceptuelles acceptables qui peuvent être assez larges. L’entrée du

système de programmation motrice de la parole consiste en des cibles qui sont définies

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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en terme de paramètres acoustiques et/ou articulatoires (Lindblom et al. 1979). Ces

cibles sont des corrélats des traits distinctifs qui spécifient les items lexicaux. Une autre

proposition de Lindblom (1983) à propos de la formation des sons de la parole est que

les valeurs des paramètres acoustiques sont déterminées par deux principes : le principe

de contraste suffisant et le principe d’effort articulatoire minimal. Ces principes sont

expliqués dans le paragraphe 1.2.3 concernant la théorie Hypo-articulation et Hyper-

articulation de Lindblom (1996) défend l’idée que la perception est basée sur des cibles

acoustiques et non articulatoires. Cette théorie de la perception favorise une

représentation de la parole en termes acoustiques et perceptifs. Elle semble négliger le

fait que les mouvements articulatoires aient aussi un rôle actif quant à la réalisation des

sons et surtout en ce qui concerne l’atteinte ou non des cibles du locuteur.

1.2.1.2 La théorie quantale de Stevens

Le phonéticien ne peut ignorer la théorie quantale de la parole quand il évoque les

théories traitant d’articulation, de cible, de compensations du contrôle moteur. Le cadre

théorique instauré par Stevens à propos de l’existence des invariants phonétiques est

appelé théorie quantale, théorie notable qui relate de la formation des traits acoustiques

et de l’existence de l’invariance acoustico-auditive. Elle est proposée par Stevens dès

1972, puis il la reprendra en 1985, 1989 et 1991. Les cibles sont définies comme des

régions dans l’espace acoustique et articulatoire, par les principes quantal, dynamique et

distributionnel.

L’espace de contrôle en parole est acoustique dans le sens où le locuteur fait de son

mieux pour doter le signal de parole des indices temporels et des propriétés spectrales

invariants en association directe avec le code phonologique. Stevens et Blumstein

(1991) montrent l’existence de propriétés acoustiques invariantes permettant de

caractériser le lieu d’articulation de la consonne indépendamment du contexte

vocalique, suite à une série d’expériences sur la perception du lieu d’articulation des

plosives /b/, /d/ et /g/ dans des stimuli de synthèse Consonne-Voyelle. Les propriétés

acoustiques restent invariantes à travers les locuteurs et les contextes phonétiques et ont

un rôle perceptuel démontré. Cette théorie prône l’existence d’une relation non linéaire

entre l’articulation et les propriétés acoustiques des sons en sortie du système de

production. Lorsqu’un paramètre articulatoire varie de manière linéaire, il arrive que les

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conséquences acoustiques varient de façon non linéaire. Autrement dit, dans certaines

zones articulatoires on peut observer des mouvements qui peuvent être sans

conséquence acoustique (le résultat acoustique est stable). Inversement, il existe des

zones articulatoires dans lesquelles une petite variation du paramètre articulatoire

implique une variation abrupte du paramètre acoustique. Les relations articulatori-

acoustiques sont de nature quantale dans le sens où les variations acoustiques se font par

paliers et les variations articulatoires se font de manière continue. Le même type de

relation quantale existe aussi entre l’onde acoustique et les sons perçus. La théorie

suggère que ces relations quantales entre les paramètres acoustiques, perceptifs et

articulatoires sont un facteur déterminant dans le choix des attributs articulatoires et

acoustiques utilisés à des fins distinctives dans la parole. Cette théorie rend compte des

facteurs qui façonnent l’ensemble des attributs acoustiques et articulatoires utilisés par

le locuteur pour signaler les distinctions du langage. C’est une théorie des traits

distinctifs qui donne une explication sur l’origine des traits à partir de l’observation des

phénomènes articulatoires et des résultats acoustiques associés. La théorie quantale

présente l’avantage de corréler la sortie acoustique et le niveau articulatoire. Ladefoged

(1983) quant à lui fait remarquer que certains objets peuvent être regroupés en famille

car ils ont un « air de famille » (family resemblance) mais ne sont pas pour autant

corrélés. Si les langues du monde favorisent certains sons sur l’échelle des réalisations

possibles, ce n’est en aucun cas parce que ces sons sont de nature quantale, mais

simplement parce qu’ils sont plus faciles à réaliser. Il n’existerait pas de qualité

vocalique préférentielle, à l’exception peut être des voyelles [i, u, a]. Elles ne sont pas

préférées parce qu’elles seraient des voyelles quantales pour lesquelles des variations

articulatoires importantes n’auraient que peu de conséquences acoustiques, mais parce

qu’elles sont des points extrêmes de l’espace articulatoire et offrent un maximum de

distinctions entre elles. Browman et Goldstein (1989), quant à eux, admettent en partie

la théorie quantale de Stevens car elle pourrait permettre non seulement d’expliquer les

gestes que les langues peuvent choisir à des fins contrastives mais également comment

ces gestes peuvent s’organiser.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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1.2.1.3 Les théories de Guenther et Perkell

Pour Guenther (1995), les cibles sont spécifiées dans un espace acoustique. Elles

prennent la forme d’un ensemble de valeurs acceptables de patrons formantiques mais

aussi de trajectoires formantiques. Il s’oppose à la traditionnelle présentation des cibles

du « tout ou rien ». Son modèle DIVA fait l’hypothèse de l’existence d’un contrôleur de

haut niveau qui permettrait à tout instant de viser vers la cible à atteindre. C’est un

modèle de contrôle où la trajectoire distale est caractérisée par un ensemble discret de

cibles dans le conduit vocal. Le contrôleur prend en compte la position de l’effecteur

final (constriction dans le conduit vocal), la compare à la position cible désirée et fait

évoluer les variables de contrôle de façon à réduire la distance séparant les deux

positions. Les positions des articulateurs sont donc associées à la trajectoire de

l’effecteur final dans l’espace des variables géométriques du conduit vocal. La chaîne

de phonèmes est produite par des mouvements continus des articulateurs.

Pour Perkell et al. (1993, 2000) les séquences de segments qui constituent les mots sont

représentées dans le système nerveux central comme des régions auditives spatio-

temporelles. Les mécanismes de contrôle moteur visant la production de sons de parole

sont basés sur des cibles auditives. Les cibles sont des régions dans un espace

dimensionnel acoustique perceptif. (En terminologie du contrôle moteur, c’est le task

space). Il existe plusieurs cibles acoustiques pour chaque son de parole. Par exemple,

les cibles des voyelles sont une source de son voisé et une région particulière dans

l’espace formantique. Les cibles acoustiques les plus stables sont celles des voyelles. Il

peut y avoir des variabilités à cause de l’effet quantal, à cause de la relation non linéaire

entre les paramètres d’entrée et de sortie : il existe une région dans laquelle le paramètre

de sortie est stable. Pour les consonnes obstruantes, la cible est un bruit du burst avec

certaines caractéristiques spectrales. Différents style de parole peuvent faire varier

l’espace de cibles : pour une parole plus rapide, l’échelle de temps des régions des

cibles serait compressée. Pour une parole plus lente, la dimension acoustique serait plus

large. Perkell et al (1993) postulent que les cibles sont des combinaisons de paramètres

acoustiques et articulatoires. Ainsi, ils argumentent aussi en faveur d’un contrôle orienté

vers des cibles acoustiques, contestant l’hypothèse de Browman et Goldstein (1989 et

1992) et de Kelso et al. (1986) qui prônent des cibles seulement articulatoires.

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1.2.2 Les théories orientées système

« La parole s’assimile davantage à une séquence de mouvements rendus audibles qu’à

une séquence de sons engendrés par des mouvements » (Stetson 1928). Pour les tenants

de cette conception, le but du système de production serait d’activer les articulateurs. Le

but de l’acte de parole du locuteur serait de faire bouger ses articulateurs d’où la

prédominance des cibles articulatoires. Dans ces modèles, on n’observe pas autant de

considérations sur le plan acoustique et perceptif que dans les modèles orientés sortie.

1.2.2.1 La théorie de Chomsky et Halle

Chomsky et Halle (1968) définissent les mouvements des articulateurs en terme de traits

articulatoires. Le trait correspond à un ensemble universel de capacités que les locuteurs

ont à produire, permettant de percevoir les sons avec des propriétés linguistiques

distinctives. La théorie des traits articulatoires admet que les items lexicaux sont

représentés phonologiquement comme des séquences de segments discrets caractérisés

en terme de primitives appelées traits distinctifs. Ces traits sont composés (i) d’un lieu

articulatoire, défini par des articulateurs particuliers (par exemple, le trait labial pour les

lèvres, coronal pour la lame de la langue) et (ii) d’un mode articulatoire (par exemple

constrictif pour /z/, latéral pour /l/, vibrant pour /r/). Ces traits nous informent sur les

déplacements des articulateurs et sur les propriétés acoustiques qui en résultent. Définis

de cette façon, mode et lieu d’articulation permettent de décrire les sons de toutes les

langues du monde sous forme d’une classification dont l’Alphabet Phonétique

International se sert. La génération d’un segment exige habituellement la coordination

de mouvements de plusieurs articulateurs. Dans le cas d’une consonne, le trait

segmental spécifie l’articulateur majeur (par exemple les lèvres, le dos de la langue,

l’apex) qui forme la constriction dans le conduit vocal. D’autres traits spécifient les

mouvements des articulateurs secondaires (comme la glotte, le velum) qui doivent être

coordonnés avec le premier articulateur. Le trait premier génère des repères acoustiques

et les traits secondaires sont repérables au voisinage de ces repères acoustiques ou

bornes. Quand les traits spécifiques d’une expression sont convertis en sons, les cibles

finales des mouvements articulatoires sont des patrons acoustiques qui permettent à

l’auditeur de comprendre ce qui est dit. Dans le mécanisme de production, les cibles

sont définies avec plus d’un type de paramètres et leur nature peut varier d’un segment à

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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l’autre. Ainsi, quand une expression est produite, certains traits spécifiques ou cibles

peuvent être modifiés ce qui affecte alors la taille et la localisation de leur région dans

l’espace articulatori-acoustique.

La théorie des gestes postule que ce sont les gestes articulatoires rendus audibles qui

sont à l’origine de la parole articulée. Dans cette théorie les primitives correspondent à

des gestes dynamiques définis en terme de lieu et de degré de constriction dans le

conduit vocal, en terme de configurations spatiales. Les propriétés dynamiques du geste

déterminent les aspects du timing articulatoire et de la cinématique. (Saltzman et

Munhall, 1989). La coordination inter-gestuelle (timing relatif et magnitude du geste)

est spécifiée par une partition gestuelle (Browman et Goldstein, 1989).

1.2.2.2 La Phonologie Articulatoire

La phonologie articulatoire commence avec l’acceptation des domaines physique et

cognitif de la parole comme points forts pour la description d’un système complexe.

L’importance de cette approche est l’identification des unités phonologiques avec des

unités spécifiques dynamiques de l’action articulatoire appelées gestes. Ainsi, une

émission d’un son est décrite comme un acte qui peut être décomposé en petit nombre

d’unités primitives (gestes) à l’intérieur d’une configuration spatio-temporelle

particulière. L'unité phonologique de base est le geste articulatoire qui est défini comme

un système dynamique spécifié par un ensemble caractéristique de paramètres. Pour

l’articulation d'un son, les tâches sont distribuées à chaque ensemble d'articulateurs

différents à l’intérieur du conduit vocal (lèvres, langue, glotte, velum…). Pour les

tenants de la Phonologie Articulatoire, le geste articulatoire est invariant. Les variables

de contrôle sont le lieu et le degré de consriction, donc des paramètres géométriques.

Cette théorie gestuelle est basée essentiellement sur le niveau articulatoire. Browman et

Goldstein (1989, 1992, 1993) exploitent la possibilité de réduire l’étude de

l’organisation de la parole à l’étude de l’organisation des gestes articulatoires. Les

gestes sont considérés comme ayant une spécification temporelle et spatiale. Ils sont

définis dans l’espace du conduit vocal en terme de lieu et d’aire de constriction

maximale. Pour un phonème donné, les positions des articulateurs sont variables selon

le contexte d’exécution car il est possible que certains articulateurs puissent contribuer à

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la réalisation de plusieurs segments à la fois. Ainsi, l’articulation d’un son est modelée

comme une constellation de plusieurs gestes articulatoires qui peuvent potentiellement

s’imbriquer et/ou se chevaucher dans une partition gestuelle. Chaque cible fonctionnelle

pour un geste est réalisée par une action coordonnée d’un ensemble d’articulateurs,

autrement dit par une structure gestuelle coordinatrice. Ces chevauchements et

recouvrements de gestes traduisent la coarticulation entre segments.

1.2.2.3 Le modèle de la Dynamique des Tâches

Avec le modèle de la Dynamique des Tâches (Task Dynamics), Kelso et ses

collaborateurs (Kelso et al. 1986) visent à réconcilier l’invariance profonde de la parole,

dégagée des analyses linguistiques traditionnelles, et la variabilité de surface telle

qu’elle est observée dans les expériences acoustico-articulatoires. Les unités

phonologiques de base, concaténées pour former les mots du langage sont de nature

gestuelle. Les formes canoniques de la parole sont des structures coordinatives ou

groupements fonctionnels des muscles recrutés en fonction de la tâche à effectuer. La

trajectoire dans l’espace distal est décrite par un ensemble d’objectifs articulatoires

discret (place de la constriction, ouverture de la glotte…). Cet ensemble est spécifié par

des variables d’activation gestuelle dont l’évolution est donnée par ce que Browman et

Godstein (Browman et Goldstein 1992) appellent la partition gestuelle. Associés à la

phonologie articulatoire, Kelso et al. (1986) mettent en avant les propriétés dynamiques

inhérentes au système articulatoire et soulignent l’importance des relations de phase

entre les mouvements articulatoires. Le modèle de la Dynamique des Tâches a pour but

de rendre compte de la cinématique des articulateurs, de comprendre les actions dirigées

vers une cible, de révéler le rôle des synergies entre les articulateurs lors de la

production de parole.

Dans le modèle, les actions sont définies initialement en termes fonctionnels, c’est-à-

dire en terme de tâche à atteindre. Kelso et al. (1986) expliquent comment l’action

acquiert et maintient son caractère «dirigé vers une cible » (goal-directed). Afin

d’essayer d’expliquer simplement le modèle de la dynamique des tâches, prenons

l’exemple de la réalisation d’un /b/. Les diverses actions discrètes qui tendent vers la

fermeture bilabiale sont décrites dans un espace des tâches (task space). Le contrôle

dynamique qui implémente une action est premièrement fonctionnel et l’atteinte d’une

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

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cible discrète, la fermeture bilabiale, est caractérisée par un point d’attraction. Un

système de points attracteurs possède des points de stabilité, les trajectoires du système

sont attirées par un point où le système est en équilibre. Dans le cas de la fermeture

bilabiale : le système d’aperture des lèvres est attiré vers le point où les lèvres se

rencontrent. La fermeture est alors caractérisée par ce point qui est le point d’équilibre

du système.

1.2.2.4 Le modèle de Bell-Berti et Harris

Pour Bell-Berti et Harris (Bell-berti et Harris 1981) aussi les gestes sont invariants et

relatifs à chaque segment. C’est en se chevauchant plus ou moins partiellement par les

phénomènes de coarticulation que les gestes donnent lieu à une certaine variabilité de

surface. Le processus d’anticipation est vu comme le résultat d’un processus « time-

locked » entre les gestes sous-jacents. Dans cette conception, l’anticipation résulte du

chevauchement de deux gestes consécutifs. L’influence, par anticipation, du second

geste débute alors que le premier est encore en cours de production. L’initiation du

second geste est relativement stable par rapport à l’instant où se finira le premier geste.

L’anticipation articulatoire du geste est relativement fixe (time locked) par rapport à son

début acoustique. Ceci est possible car chaque segment est muni d’une dimension

temporelle intrinsèque. Le recouvrement des gestes associé à deux segments voisins se

fait de façon partielle. Les effets d’anticipation sont donc à durée fixe. Les conflits entre

gestes sont résolus en ce qui concerne la planification. Le début d’un mouvement

articulatoire est indépendant de la longueur de la chaîne phonétique antérieure et

commence à un instant fixe avant le début acoustique du segment auquel il est associé.

Dans le même esprit, Löfqvist (1990) envisage les gestes comme invariants, relatifs et

propres à chaque segment. Lorsque les gestes se chevauchent partiellement, on observe

une variabilité de surface. Les gestes phonétiques sont définis dynamiquement et ont

une dimension temporelle intrinsèque, à condition qu’ils ne soient pas en concurence

avec les voisins. Durant la production, la variabilité observable dans l’activité du

conduit vocal (associée à un geste) résulte d’un chevauchement temporel entre

gestes. Ainsi, l’influence des gestes associée à plusieurs segments adjacents présente

des traces dans le continuum acoustique et articulatoire. La dimension temporelle

intrinsèque permet une organisation dans le temps : le même geste de recouvrement

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34

couvre les effets d’anticipation (influence des segments suivants) et de persévération

(influence des segments antécédents).

Nous tenons à souligner les avantages des théories orientées système. Ces modèles dits

biomécaniques ou neurophysiologiques, s’inscrivent dans un cadre dynamique pour

expliquer les contraintes de la production de la parole et les variations qu’elles

induisent. La parole étant une activité motrice humaine, elle résulte de l’évolution

temporelle d’un système physique comprenant des éléments de masse, viscosité et

élasticité, comme chaque activité motrice humaine. Ces éléments pourraient contribuer

à expliquer un certain nombre de phénomènes fondamentaux de la parole comme

l’anticipation, la coarticulation, la réponse aux perturbations et la coordination inter-

articulateurs. Il nous semble aussi fondamental de garder à l’esprit les concepts des

théories orientées sorties, la sortie acoustique et la perception étant une finalité absolue

dans la communication.

1.2.3 Le modèle Hypo-articulation Hyper-articulation de Lindblom

Cette théorie propose un compromis entre les deux conceptions précédentes : elle

propose un système de contrôle de la parole orienté sortie acoustique qui est capable

d’expliquer la large variabilité observée dans la production de la parole. La théorie de la

variabilité adaptative souligne l’existence de deux principes antagonistes spécifiques du

contrôle moteur de la parole : l’exigence d’une distinction perceptive du point de vue de

l’auditeur et la demande d’économie articulatoire du point de vue du locuteur. Le

concours de ces deux principes est à l’origine d’un grand nombre de phénomènes de

variabilité en parole. Cette variabilité peut s’exprimer par le paradigme d’hypo-

articulation et d’hyper-articulation. Le locuteur est obligé d’adopter une stratégie de

variabilité adaptative en essayant de trouver un compromis entre les exigences pour la

compréhension et son effort d’articulation. Cette théorie se fonde sur la notion

d’adaptabilité du locuteur afin de permettre la récupération de l’information de

l’auditeur. Ainsi, cette théorie explique pourquoi les paramètres physiques de

description de la parole peuvent être variables à tous les niveaux pour un message

linguistique invariant.

Le langage et la parole sont des produits de l’évolution et y sont soumis. La théorie

Hypo-articulation et Hyper-articulation est compatible avec le modèle Darwiniste de

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

35

l’évolution prônant la variation et la sélection biologique et culturelle. Dans un tel

cadre, la théorie Hypo-articulation et Hyper-articulation a pour but d'approfondir la

nature systématique de la variation phonétique intra-locuteur et aussi inter-locuteurs.

Elle présume que les communicants doivent accorder leurs performances en harmonie

avec les exigences situationnelles, d’une part, et avec les connaissances linguistiques et

phonétiques, d’autre part. Le but commun des inter-locuteurs est toujours de produire

une parole intelligible. Les facteurs qui influencent la variation phonétique intra

locuteur sont basés sur un continuum Hypo-Hyper. Le locuteur fait une estimation

continuelle de l’information qu’il doit mettre dans le signal et il adapte sa production de

parole selon cette évaluation. Cette parole adaptative se manifeste par des formes hyper-

articulées avec plus de force (force articulatoire) et par des formes hypo-articulées

produites moins vigoureusement. La production de parole nécessite un contrôle des

acteurs de production et des contraintes de sortie (signal acoustique) : elle répond à un

système d’organisation adaptative. Les segments phonétiques constituant la chaîne de

parole sont gérés par une chaîne de commandes distribuées sur un temps très court.

Elles peuvent toujours bouger d’une cible à une autre. L’action des articulateurs se

trouve restreinte dans la parole rapide ou face à une autre contrainte articulatoire ce qui

fait que les articulateurs ne peuvent pas toujours compléter une réponse donnée avant la

commande de la configuration articulatoire suivante. Ainsi, les articulateurs n’atteignent

pas toujours la cible voulue et répondent simultanément à plus d’un signal d’entrée

(phénomène d’undershoot ou d’overshoot).

1.2.3.1 L’Hypo-articulation

Le système moteur tend à engendrer un comportement de moindre effort. Il répond à un

principe biomécanique d’économie, principe qui régit tous les mouvements, pas

seulement ceux spécifiques à la production de la parole. Cette notion est associée avec

le concept d’atteinte de cible phonétique. Prenons une cible vocalique. Premièrement,

plus la voyelle est courte, plus l’extension du mouvement vers la cible sera réduite. De

la même façon, quand une commande arrive trop vite ou que l’extension d’un

mouvement n’est pas suffisante, alors la cible visée est manquée (undershoot) et le

système est réorganisé afin de pointer sur une autre. Mais le locuteur a le «choix» de

pouvoir éviter les undershoots, il a alors recours à des manœuvres compensatoires au

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détriment de la loi du moindre effort. Par exemple, si le timing d’une commande est

trop rapide, alors le locuteur peut augmenter la vélocité de la commande par

augmentation de l’amplitude du geste. En définitive, il s’adapte aux contraintes de

production tout en faisant en sorte de conserver une parole compréhensible. Si le

système de parole opère pour minimiser les efforts articulatoires, nous pouvons attendre

à ce qu’il s’écarte des cibles phonétiques par undershoot assez souvent. L’exemple de la

production de la voyelle fermée /i/ illustre ce principe d’économie, car pour prendre la

configuration requise par le /i/, la langue dévie très peu de sa configuration neutre de

repos.

1.2.3.2 L’Hyper-articulation

Il existe un principe de plasticité adaptative orienté vers une cible. Ce principe est un

des traits généraux du contrôle moteur. Nous venons de voir que le locuteur peut

compenser ou non (en terme de réajustements). Notons que plus les durées des

segments seront petites, plus le locuteur devra redoubler d’effort (en terme de coût

biomécanique) au détriment de la loi du moindre effort. L’élaboration de la

représentation de la sortie (finalité) précède l’exécution d’un ensemble de mouvements.

Ici, les mouvements articulatoires apparaissent comme étant un but. Le locuteur choisit

de « sur-articuler » pour s’adapter aux conditions de communication qui jouent un rôle

décisif. L’atteinte de la cible est en accord avec la demande de l’auditeur et la situation

de production. Les contraintes de perception sont décisives. Dans ce cas, le locuteur

prend en compte le bénéfice de la boucle de feedback perceptif et utilise les

informations sensorielles. Pour illustrer ce principe de plasticité, prenons l’exemple de

la production de la voyelle fermée /i/ en présence d’un bite-block (Lindblom et Sunberg

1971). Le système est capable de compenser, la sortie acoustique (formants) est

similaire à celle d’un /i/ normal, ce sont les mouvements articulatoires qui sont

différents. Lors de la production d’un /i/ perturbé, si le système est capable de réaliser

des compensations, c’est qu’il est gouverné par un principe de plasticité adaptative.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole

37

1.2.3.3 Les avantages du modèle Hypo-Hyper articulation.

Les avantages de la théorie de Lindblom, s’agissant des phénomènes de compensation,

sont nombreux. Les variations intra-locuteurs ne sont pas considérées comme des

invariants enchâssées dans une variabilité linguistique devenue peu pertinente, elles sont

plutôt de réelles adaptations en ligne au grand nombres de demandes fonctionnelles

satisfaites par la parole. Le paradigme Hypo-Hyper montre la capacité du locuteur à

répondre à de nombreuses contraintes, dans la mesure où la parole est un acte

volontaire. Les principes traditionnels bio-mécaniques qui régissent tous nos

mouvements, à savoir ceux de plasticité, de flexibilité et de moindre effort, sont utilisés

pour expliquer la variabilité de la parole. Pour définir la variabilité dans la parole, ce

modèle est très séduisant car il est capable d’expliquer toutes les perturbations du

système : des plus naturelles (effets de l’action d’un articulateur sur un autre) aux plus

provoquées (par un expérimentateur) sur un même paradigme : parole Hypo-articulée et

Hyper-articulée.

1.3 Conclusion

Dans les pages qui précèdent, nous avons présenté un ensemble de théories et modèles

qui concernent le contrôle moteur de la production de la parole. Nous avons vu, d’une

part, un contrôle qui serait orienté-sortie reposent sur des cibles acoustiques, d’autre

part un contrôle qui serait orienté-système, basé sur des cibles articulatoires. Nous

n’avons pas le projet d’opposer de manière drastique ces deux types de contrôle car il se

pourrait qu’ils oeuvrent de concert à des étapes différentes du contrôle de la production

de la parole. Nous avons constaté que la production de la parole passe par deux grandes

étapes: la planification et l’exécution. Au moment de la planification le but du locuteur

est effectivement de communiquer et de se faire comprendre par son entourage : les

cibles qu’il cherche à atteindre sont de nature acoustique. Ainsi la boucle planification-

exécution admet un contrôle orienté-sortie. Le contrôle des articulateurs serait plutôt

fondé sur des critères définis dans un espace distal, l’espace perceptif désiré pour un

locuteur estimé, un espace caractérisé par exemple par des valeurs formantiques. A

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partir des trajectoires formantiques perçues, il est possible d’inférer les commandes

motrices envoyées aux muscles.

Au niveau biomécanique, pour permettre l’exécution des mouvements des articulateurs,

le but du locuteur est de réaliser les constrictions correctes dans le conduit vocal et/ou

de bien placer les articulateurs. Durant cette étape d’exécution du mouvement, les cibles

sont spécifiées dans une partition gestuelle et peuvent être articulatoires et ne

constituent pas une finalité mais un passage obligé vers les paramètres acoustiques

demandés. Un contrôle orienté-système se ferait au niveau physique des mouvements

des articulateurs. Cependant un contrôle acoustique donne plus d’importance à l’objectif

du locuteur.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

41

CHAPITRE 2

Compensations et Structures Coordinatives

2.1 Présentation de la notion de compensation La définition de la compensation du Larousse consiste à dire que l’on compense quand

on « équilibre un effet par un autre ». Si nous apposons cette définition au système de

production de parole, l’action de compenser est une habileté du système à réagir face à

une perturbation qui peut être statique (bite-blocks pour fixer la mâchoire dans une

position ouverte) ou dynamique (ressort qui tire aléatoirement la mâchoire). Des

perturbations statiques existent dans la vie de tous les jours durant la production de la

parole, par exemple il nous est facile de parler en tenant un stylo ou une paille entre les

dents. Cette situation de perturbation, à condition que l’objet ne soit pas démesuré,

n’empêche pas la production intelligible des sons de parole. Ainsi, déjà l’expérience

quotidienne nous informe sur le fait que les compensations face à des perturbations

inattendues, s’opèrent rapidement et de manière fonctionnelle.

Un des précieux paradigmes expérimentaux pour aider à comprendre le contrôle et la

coordination des mouvements articulatoires est d’introduire des perturbations

inhabituelles. Nous pouvons ainsi observer comment le système de production se

comporte pour pallier ces perturbations. La nature de la réponse, et le temps de réponse,

peuvent dévoiler la nature de l’organisation de l’acte moteur. Un certain nombre

d’études a utilisé ce paradigme par le biais d’expérimentations afin de connaître mieux

le contrôle moteur de la parole. (Folkins et Abbs 1975, Folkins et Zimmerman, 1982,

Kelso et Tuller 1983, Munhall, Löfqvist et Kelso, 1994, Shaiman, 2001).

2.1.1 Définition générale : perturbation et compensation articulatoire

Les phénomènes de compensation articulatoire sont définis en terme de mouvements

compensatoires des articulateurs. Pour parler de compensation nous avons besoin de

deux ou plusieurs articulateurs qui fonctionnent ensemble, dépendant les uns des autres,

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comme une synergie. Si l’activité d’un articulateur est diminuée ou neutralisée

complètement, un autre articulateur, qui de coutume travaille en association avec lui,

peut réaliser une action souvent inhabituelle pour pallier cette défaillance. Ainsi, sur le

plan articulatoire, on peut dire que les compensations sont effectuées grâce à l’existence

de cette coordination inter-articulateurs. En terme plus fonctionnel, la trajectoire initiale

exigée par le système nerveux central étant changée et le but reste, tant bien que mal,

d’atteindre la cible acoustique requise, grâce à la synergie entre articulateurs. Un

articulateur bloqué ou gêné va générer un message d’erreur via le feedback

proprioceptif et va entraîner une nouvelle commande motrice vers un autre articulateur.

Comment ce phénomène est-il appréhendé par le système nerveux central ? Nous

savons que dans la parole naturelle, et pas seulement face à une perturbation extérieure,

des compensations s’opèrent entre les articulateurs. Geumann et al. (1999) montrent,

grâce à des enregistrements électromagnétiques, qu’en parole forte, la mâchoire adopte

des positions plus basses, forçant ainsi la langue à adopter des patrons différents pour

garder la constriction nécessaire à la production des consonnes alvéolaires allemandes.

Ils observent des changements dans la coordination inter-articulatoire et confirment

aussi les résultats de Schulman (1989) qui observe les même changements. Gay (1981)

montre aussi que lorsque le débit de parole est rapide, les commandes motrices ne

subissent pas une simple accélération linéaire mais sont réorganisées temporellement de

manière non linéaire. Il déduit cette conclusion des études précédentes qui ont montré

qu’en cas de débit rapide, la durée des voyelles est plus réduite que celles des

consonnes. La coarticulation qui influence la coordination inter-articulateurs et/ou le

changement de force d’articulation et de vitesse d’articulation peut être désignée comme

perturbation naturelle (Lindblom 1990).

En phonétique articulatoire, les procédés compensatoires sont des articulations

différentes qui permettent d’obtenir le même effet acoustique. Ainsi dans la

prononciation de la voyelle [ø], réalisée habituellement comme une voyelle

relativement antérieure, semi-ouverte et arrondie, le trait d’arrondissement peut

disparaître sans que cela se traduise par une modification acoustique, s’il est remplacé

par un léger retrait de la langue. Ce retrait a pour effet d’augmenter le volume de la

cavité buccale et d’abaisser sa fréquence propre entraînant une bémolisation du timbre

vocalique. Ainsi, au niveau acoustico-perceptif, nous percevons une seule et même

voyelle même si ses réalisations vocaliques sont caractérisées par des formants voisins.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

43

A cette alternative acoustique, correspond nécessairement une alternative articulatoire:

la même production acoustique peut être obtenue à l’aide de positions différentes des

articulateurs les uns par rapport aux autres. Tout mouvement articulatoire peut être

compensé par un autre afin que les conséquences acoustiques et perceptuelles

demeurent inchangées.

Déjà au début du siècle Rousselot (1901) parlait des compensations articulatoires et des

contraintes extérieures imposées artificiellement. Il exprimait ces concepts en d’autres

termes, soixante-dix ans avant les premières études avec des perturbations qui ont fait

date (Lindblom et al. 1971, 1977) : «…on peut, en effet, très bien arriver à émettre

toutes les voyelles labiales en les écartant (les lèvres) avec les doigts…» (Rousselot,

1901, p.689).

2.1.2 Définition neurophysiologique

Les études en physiologie et en pathologie montrent que la plasticité et l’adaptation sont

deux propriétés phares des réseaux centraux et périphériques impliqués dans

l’organisation de l’acte moteur. Ces fonctions servent à caractériser les réseaux

corticaux impliqués dans l’organisation de l’acte moteur. Ces réseaux ont été façonnés

par l’expérience et par l’apprentissage pour (i) prédire les conséquences de l’action et

(ii) anticiper par les commandes appropriées (Massion 2001). C’est un mécanisme qui

réconcilie l’infinie variabilité des entrées sensorielles et des sorties motrices, comme

nous l’explique Lindblom dans sa théorie Hypo-articulation et Hyper-articulation.

(Lindblom 1990). Pour expliquer la plasticité du contrôle moteur de la parole, un

modèle de production devrait avoir les trois modes d’opération suivants :

-contrôle à boucle ouverte

-contrôle à boucle fermée adaptative

-contrôle à boucle fermée prédictive pour la capacité à prédire les nouvelles commandes

motrices sans pratique préalable et pour justifier de la flexibilité du système.

Les mécanismes de vicariance éclairent sur les capacités du système nerveux central à

compenser les déficits (mise hors service de certaines structures cérébrales par

exemple). Ce qui est défini comme vicariant se substitue à autre chose. Un système

vicariant est doté d’une pluralité de processus redondants, vicariants c’est-à-dire

susceptibles d’être substitués les uns aux autres pour remplir une même fonction. Une

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même fonction adaptative peut fréquemment être assurée par plusieurs processus. En

somme, ce sont ces processus vicariants qui génèrent de la variabilité et qui accordent

fiabilité et flexibilité au système. La production de parole est donc un système vicariant.

Le traitement de l’information peut se faire par une aire corticale qui n’a pas l’habitude

de le faire, l’apprentissage moteur provoque un remodelage des cartes corticales

sensorielles et motrices. Les stratégies de substitution utilisent des circuits peu utilisés

auparavant et permettent la réalisation de la tâche à partir d’autres entrées sensorielles.

La commande centrale est le résultat de l’acquisition des modèles internes de

l’environnement, des caractéristiques biomécaniques du corps et de leurs interactions.

Les réseaux centraux sont façonnés par l’expérience et l’apprentissage, ils peuvent

prédire les conséquences de l’action et anticiper sur les perturbations. Deux propriétés

distinctes caractéristiques du contrôle moteur émergent des études en physiologie: (i) le

codage du contexte sensoriel de l’auditeur et (ii) la génération d’une commande motrice

de plasticité. Ces propriétés sont propres à une production normale de parole, mais elles

jouent aussi un rôle dans la production des articulations de compensation. Elles sont

fortement impliquées pour la conception « d’équivalence motrice » (MacNeilage

1970) : comment les événements moteurs dirigés vers une cible peuvent être générés

face à une situation nouvelle, comme une perturbation statique momentanée (bite-

block). Nous nous retrouvons confrontés à une information sensorielle qui n’a jamais

été éprouvée auparavant et qui n’est donc pas stockée dans le cerveau du locuteur. Afin

de tenter d’expliquer l’existence des articulations compensatoires, une hypothèse est

posée : la programmation de la parole est déjà complètement compensatoire par

essence. Le contrôle moteur est organisé pour avoir des fonctions de compensation

inhérentes, pas seulement concernant les gestes de la parole mais l’ensemble des gestes

du corps. Ces situations sont omniprésentes. Les différences entre les articulations

normales et compensatoires ne dépendraient pas de différentes stratégies d’encodage.

Les deux comportements articulatoires réclament des réponses musculaires différentes

et variables en fonction du contexte imposé et ont pour but le même résultat, la même

cible.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

45

2.2 Les informations sensorielles

Le rôle des différents feedbacks peut être présenté selon trois modèles existants. Le

modèle à boucle ouverte issu d’une conception centraliste, le modèle à boucle fermée et

le modèle de simulation prédictive basé sur l’existence des modèles internes.

2.2.1 Modèle à boucle ouverte

Cette conception traditionaliste de type centraliste voit le programme moteur comme

unique responsable de l’organisation de l’action motrice. Cette conception nous dit que

le cerveau et les aires spécialisées du cortex cérébral sont responsables de

l’enchaînement des opérations liées au but de l’action, à l’intention de la réaliser, à sa

préparation et à son exécution. Des réseaux spécifiques fonctionnent en parallèle, et

spécifient les paramètres des mouvements volontaires. Ces réseaux sont activés même

quand le locuteur fait une simulation de l’action, quand il imagine l’action. Ce dernier

point confirme le fait que le cerveau soit le principal responsable de l’organisation du

mouvement puisque les réseaux impliqués dans l’organisation peuvent fonctionner en

l’absence de mouvement réel. Le système nerveux central serait un système capable

d’agir sans le recours d’un mécanisme de régulation et pourrait seul définir les schémas

moteurs à envoyer aux muscles des articulateurs afin de réaliser une cible articulatoire

donnée. Ce modèle procède « aveuglément » sans que les conséquences sensorielles

d’un geste articulatoire jouent un rôle. Il opère seul une sorte de traduction d’un patron

d’une cible sensorielle en un patron de commande motrice. Ce type de production,

directement issue du contrôle moteur fonctionne lors des exécutions très rapides qui

nécessitent une synchronisation tout aussi rapide. Cependant, par sa rapidité d’exécution

et l’insuffisance des conséquences sensorielles, ce modèle ne semble pas pouvoir

prendre en compte les cas de réajustements immédiats des articulateurs.

2.2.2 Modèle à boucle fermée

Ce modèle est basé sur un principe qui va dans un sens opposé de celui présenté

précédemment. Il trouve ses origines dans la cybernétique (Fairbanks 1974) et se base

sur le fait que les feedbacks peuvent provoquer des modifications articulatoires. Dans le

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contrôle en boucle fermée, une information sensorielle a une influence évidente sur les

formes des signaux moteurs. Autrement dit, la production de parole serait un

mécanisme régulé par feedback. Le système nerveux central tient compte des

informations sensorielles pour élaborer et envoyer un nouvel ordre. (MacNeilage 1970,

1979).

Si nous décomposons le processus, une cible sensorielle est convertie en commande

motrice qui est envoyée aux muscles par le système nerveux central. La réponse des

récepteurs périphériques est renvoyée au système nerveux central via un feedback

proprioceptif. Ces conséquences sensorielles permettent de transformer la commande

motrice en signal d’erreur. Ce signal d’erreur est la différence entre la cible visée et les

effets sensoriels de la commande et sera utilisée pour générer une nouvelle commande

adaptée. Les commandes vers l’organe articulateur prennent en compte sa position pré-

phonatoire, et seulement ensuite, calculent les moyens pour atteindre une position

demandée.

Cette théorie semble présenter l’inconvénient d’une lenteur semblant peu compatible

avec la rapidité nécessaire aux ajustements effectués en production de parole. Ce

mécanisme semble être trop long pour expliquer les réajustements articulatoires

immédiats.

2.2.3 Les différents feedbacks

La production de parole requiert l’utilisation coordonnée et simultanée des mécanismes

de respiration, de phonation et d’articulation. Cette activité complexe s’accompagne de

feedbacks différenciés aussi complexes. Les feedbacks nous avertissent si les cibles

articulatoires et acoustiques sont atteintes ou non. Il existe quatre sortes d’informations

disponibles qui peuvent être utilisées dans un contrôleur par feedback : auditive, tactile,

proprioceptive et centrale. A chaque phase de traitement de l’information, il y a un

feedback. Ainsi, plusieurs sortes d’informations sont disponibles pour le locuteur à

partir des feedbacks central, proprioceptif et externe.

Premièrement, le feedback interne ou central. Ce système opère rapidement dans le

système nerveux central au niveau des commandes motrices. Il sert à transmettre

l’information sur la commande motrice (antérieure à la réponse motrice elle-même). Il

est capable de prédiction rapide à un niveau élevé de préparation de la commande

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

47

motrice (feedforward). Il opère un va et vient incessant entre les commandes motrices et

les informations spatio-temporelles des patrons de parole stockés dans le cerveau.

Deuxièmement, le feedback proprioceptif. Ce système est moyennement rapide, c’est

lui qui apporte les réponses proprioceptives du système nerveux périphérique vers le

système nerveux central. Il est capable d’un bon contrôle du mouvement dans les

activités motrices exigeant de la précision. Les nerfs résidant dans les fuseaux

musculaires transmettent, dans les deux sens, l’information motrice autant que

l’information sensorielle. Les nerfs afférents portent le feedback proprioceptif des

périphéries vers le système nerveux central. Les nerfs efférents portent l’information

motrice du système nerveux central vers les organes périphériques concernés. Ce

système de feedback opère aussi bien pour des gestes réflexes que pour des gestes

volontaires.

Enfin, le feedback externe. Ce système rend compte des effets externes des actes

moteurs qui peuvent se traduire par le signal acoustique, les variations de pression d’air

et/ou les contacts entre les articulateurs. C’est un feedback plus lent que ceux

précédemment cités. Le feedback tactile se fait par l’intermédiaire des récepteurs

sensoriels de surface et le feedback auditif se fait via la cochlée. Quand le système est

arrivé à maturité, le feedback auditif joue deux rôles essentiels: (i) maintenir une

stabilité des paramètres des cadres phonémiques (ii) assurer une intelligibilité adéquate.

Figure n° 2.1: Schémas comparant les contrôles en boucle ouverte, à gauche, avec le contrôle en boucle fermée, à droite.

Un troisième modèle de contrôle est proposé afin d’expliquer la faculté d’adaptation du

système de production. Ce modèle de simulation prédictive (Lindblom 1979) adhère au

Système Nerveux Central Système Nerveux Central

sensations activité

motrice

sensations activité

motrice

feedbacks

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48

fait que le feedback joue un rôle important (à la différence du modèle à boucle ouverte)

dans le contrôle des articulateurs. Cependant, il ajoute une dimension de simulation qui

fait qu’il est rapide à exécuter (à la différence du modèle à boucle fermée). Il est aussi

entièrement en relation avec la conception des modèles internes.

2.3 Modèle de simulation prédictive de Lindblom

Ce modèle est proposé par Lindblom et al. (1977, 1979) et nous l’illustrons par la figure

2.2. suivante. Le processus de contrôle est le même que celui en boucle fermée mais

présente un simulateur de la boucle périphérique: la commande motrice est simulée. La

différence entre la cible sensorielle et les effets sensoriels produit une erreur qui génère

les instructions motrices ultérieures. Cette fonction est attribuée au système de parole

afin d’accroître ses performances, avec la rapidité d’exécution et l’aptitude à modifier

une commande motrice avant que ses conséquences sensorielles soient devenues

disponibles par le feedback périphérique. Ainsi, ce mode de simulation prédictive

contribuerait à donner au système la faculté de sélectionner les réponses motrices

adéquates avec flexibilité et plasticité. Le système est capable d’apprendre lui-même ses

erreurs (simulées) qui lui donnent accès à bien plus d’informations qu’un seul modèle à

boucle fermée périphérique. A l’origine de ce modèle, nous retrouvons aussi les travaux

d’Eccles (1969) qui introduit l’idée que le cervelet fonctionne comme un simulateur de

la boucle « commande-action-sensation-correction ». Ainsi cette simulation de la boucle

« commande-action-sensation-correction » opère un gain de temps par rapport à la

durée d’un feedback réel mais ne correspond pas pour autant à un modèle à boucle

ouverte. L’expérience de Lindblom et al. (1979) sur le /i/ produit avec un large bite-

bite-block de 22.5mm illustre parfaitement cette idée. L’information sensorielle

revenant au système nerveux central constitue une nouvelle situation pour aider à la

genèse de la voyelle. De nouvelles questions émergent : comment sont recrutés les

muscles adéquats et comment la qualité de la contraction musculaire peut elle être

régulée automatiquement. La difficulté du système est de recruter les muscles activés en

parole normale et de leur faire exécuter des contractions plus ou moins amples pour

provoquer des configurations articulatoires différentes avec un même but. Une réponse

à ces questions pourra aussi être fournie par l’existence des équivalences motrices.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

49

Figure n° 2.2: Schéma du modèle de production de parole par simulation prédictive de Lindblom et al.1977

Il apparaît que la stratégie de simulation prédictive offre une approche intéressante pour

les études des compensations articulatoires. Ce modèle de production présente

l’avantage de pouvoir améliorer les performances sur des tâches non familières avec la

rapidité et la précision nécessaire à la production de parole. Il permet au système de

production de s’adapter à des perturbations.

En résumé, ce modèle attractif présente une composante de simulation qui opère une

confrontation entre les sensations afférentes réelles et leurs simulations relatives à la

commande motrice. Il permettrait donc un réajustement immédiat de la commande pour

développer des réponses face à des situations nouvelles.

2.3.1 Rôle des Modèles internes

La conception du geste volontaire régi par l’apprentissage des modèles internes est

attirante pour aborder la parole comme acte moteur. Comment le système moteur

contrôle-t-il les mouvements articulatoires ? Comment suivent-ils une trajectoire

acoustique ? Comment le locuteur est-il sûr que la trajectoire est bien suivie ? Une

hypothèse serait de dire que la production de parole évite les problèmes de lenteur d’un

contrôleur par feedback, grâce à l’utilisation des modèles internes. Avec les modèles

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internes, il n’y aurait pas besoin de feedback auditif direct dans le contrôle des

mouvements de parole. Les modèles internes sont appris durant l’apprentissage avec

l’aide des feedbacks auditifs, somato-sensoriels et visuels (Massion 2001). Le feedback

auditif aide à maintenir les modèles internes et fournit des informations pour réguler les

aspects suprasegmentaux (Laboissière et al. 1995). Le système de contrôle trouve un

moyen d’expliquer les interactions entre les mécanismes suprasegmentaux et

segmentaux : la trajectoire acoustique planifiée est influencée par les ajustements des

paramètres suprasegmentaux qui affectent l’intelligibilité. Nous savons bien que le

locuteur utilise le feedback auditif pour évaluer les facteurs tels le bruit, la qualité de

parole, la fréquence fondamentale. Cependant ce feedback auditif n’est pas employé

pour les ajustements rapides des postures et des mécanismes de respiration, du larynx et

des articulateurs supra-glottiques : c’est là un des rôles des modèles internes. Arrivés à

maturation, les modèles internes deviennent plus précis et le feedback auditif est utilisé

pour les maintenir stables. Le feedback auditif ne serait alors utilisé qu’avec

intermittence. Les modèles internes directs sont une représentation du monde extérieur,

du système musculo-squelettique et des interactions qui en résultent. Ainsi ils informent

sur les caractéristiques prévisibles du mouvement. Ils sont prédictifs et évaluatifs, ils

permettent de planifier l’action et de prévoir son déroulement. Pour un mouvement

volontaire précis, le modèle interne permet l’analyse de la position dans l’espace en

calculant la position initiale d’un articulateur et la trajectoire à établir pour atteindre la

cible demandée (par l’intermédiaire des réseaux corticaux associatifs).

De ce modèle interne prédictif, se construisent des modèles internes inverses qui

assurent les commandes musculaires appropriées afin de diriger le mouvement vers son

but en façonnant les déplacements articulatoires (cinématique inverse) et les forces

musculaires appropriées (dynamique inverse). Ainsi, l’exécution de la trajectoire du

mouvement repose sur les modèles internes inverses.

A partir de l’existence de ces modèles internes, s’est fondée la théorie du point

d’équilibre qui se base sur les propriétés visco-élastiques des muscles. Perrier et al.

(1996) ainsi que Laboissière et al. (1995) s’appuient sur la théorie du point d’équilibre

pour expliquer le contrôle des mouvements dans la production de la parole. Le cerveau

dispose de modèles internes et donc de points d’équilibre ou points de stabilité vers

lesquels les trajectoires du système sont attirées pour maintenir le système stable. Ces

représentations permettent au système de production de prédire les différentes

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

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configurations posturales. La commande centrale prévoit des postures nouvelles

déterminées par des points d’équilibre définis par la contraction des muscles. Ces points

d’équilibre ou points attracteurs du système de production définissent des

configurations posturales indépendamment de la dynamique (forces actives et forces

passives d’interaction entre les segments qui peuvent faire changer la trajectoire

initialement planifiée). Ainsi, les perturbations du système peuvent être minimisées par

la raideur articulaire et les circuits automatiques de correction.

2.3.2 Les avantages de cette conception des modèles internes

En résumé, nous pouvons dire que les modèles internes directs sont prédictifs et

représentent l’état actuel de l’environnement et des positions articulatoires. Alors que

les modèles internes indirects sont responsables de l’exécution du mouvement en

fonction de la prédiction faite par le modèle interne direct. La commande centrale est le

résultat de l’acquisition de modèles internes de l’environnement, des caractéristiques

biomécaniques du corps et de leurs interactions. Cette conception des modèles internes

insiste sur les propriétés biomécaniques du corps et sur les interactions de celui-ci avec

l’extérieur. Les caractéristiques des forces externes sont déterminantes pour la

réalisation des performances et le système nerveux central doit les apprendre pour

pouvoir exercer son action. La commande nerveuse s’adapte aux contraintes

mécaniques associées à l’exécution du mouvement par le jeu d’activation des muscles

agonistes et antagonistes.

Revenons sur l’idée de synergie. Nous avons vu qu’il existe des sous-ensembles

fonctionnels musculaires régulés en bloc. Après l’apprentissage, les synergies

permettent de corriger les effets d’une éventuelle perturbation : il y a anticipation de la

commande par rapport aux effets mécaniques qu’elle est susceptible de produire.

L’anticipation suppose que le système nerveux central a construit un modèle interne du

monde extérieur, des propriétés du corps et de leurs interactions qui permet de prédire

les effets de la commande adéquate. Tout porte à penser que les modèles internes

participent à la boucle de simulation prédictive du modèle de production de parole de

Lindblom (1971, 1977, 1979) : les anticipations et les réajustements peuvent être

réalisés rapidement grâce à l’existence des modèles internes. Les stratégies de

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compensation articulatoires pourraient être alors générées à partir de cette boucle de

simulation prédictive.

2.4 Structures coordinatives et équivalences fonctionnelles

2.4.1 Structures coordinatives

2.4.1.1 La coproduction

Fowler et al. (1980, 1995) présentent une théorie de la coproduction. A l’origine de

cette théorie, se trouvent les notions de synergie et de coordination entre les

articulateurs. Le pilier de cette théorie de la coproduction est la notion de structures

coordinatives. Si l’action d’un articulateur est neutralisée, les autres articulateurs vont

subir une réorganisation spatio-temporelle de manière à atteindre ensemble la cible

visée. Les structures coordinatives révèlent des dépendances fonctionnelles entre les

articulateurs. Par exemple, prenons la production d’une consonne bilabiale exigeant le

geste de fermeture labiale. Un lien fonctionnel est établi entre la lèvre supérieure, la

lèvre inférieure et la mâchoire. Une diminution de la contribution d’un articulateur est

automatiquement compensée par l’augmentation de la contribution d’un autre.

Les manœuvres compensatoires trouvent leur racine dans la coordination entre

articulateurs pour produire un but gestuel. Pour expliquer la coproduction entre les

gestes, il est évident qu’il est préférable de se fonder sur l’idée de coordination entre les

articulateurs. Le chevauchement entre les gestes est le reflet de la coordination

temporelle exprimée comme étant un phasage inter-gestuel. Le phasage entre les gestes

est contrôlé à un niveau de la planification : si on note un agrandissement du

chevauchement inter-gestuel, on observera une baisse des durées segmentales et les

effets de la coarticulation seront moindres. Les changements quantitatifs du

chevauchement peuvent justifier des différences de coarticulation entre la parole lente et

la parole rapide. Le plus souvent, les processus de parole continue, comme

l’assimilation, la réduction vocalique ou la délétion, sont dus à des modifications telles

que la diminution de la magnitude du geste et/ou l’augmentation du chevauchement

temporel (Browman et Goldstein 1992, Farnetani et al. 1999). Par exemple, sur le plan

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

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spatial, Fowler et Saltzman (1993) ont étudié la séquence /VbV/. Sur cette séquence, les

gestes de constriction consonantique et vocalique impliquent plusieurs articulateurs: le

corps de la langue et les lèvres dont l’action est portée par la mâchoire. Les gestes

vocaliques ont besoin à la fois du dos de la langue et de la mâchoire. L’effet de cette

interférence est un changement du lieu de constriction. L’idée générale de la

coproduction vue par ces auteurs est de dire que les gestes mélangent leurs influences

sur l’articulateur standard avec des sorties variées possibles.

2.4.1.2 La théorie de l’action

Fowler et Turvey (1980) montrent que les phénomènes de compensation s’interprètent

mieux à la lumière de la théorie de l’action. La théorie de l’action fait aussi référence à

un ensemble de muscles participant à une fonction et qui forment une structure

autonome à l’intérieur de laquelle chaque mouvement est régi par une ou plusieurs

équations de contraintes internes jouant sur les voies efférentes et afférentes. Les

auteurs voient la notion de structures coordinatrices comme la conception la plus

adéquate pour la description des unités phonologiques comme des unités de production

et pour expliquer la variabilité. Il est difficile d’expliquer les réajustements immédiats

(compensations) si l’on s’en tient aux théories traditionnelles de production. Il est

légitime d’envisager un mécanisme de contrôle et d’exécution basé sur un ensemble de

muscles qui s’ajustent en fonction de l’état de chacun. Cet ensemble fonctionnerait par

autorégulation interne (Bonnot et Bothorel 1989). Tuller et al. (1979) voient dans ces

synergies un comportement typique d’un système masse-ressort qui serait

intrinsèquement équilibré dans le sens où chaque cible finale est atteinte en regard de

l’état des modalités initiales. S’agissant d’un système de ressorts supportant une masse,

la modification de la tension de l’un des ressorts a pour conséquence le déplacement du

centre de gravité du système. Les relations tension-longueur entre les ressorts modifient

les positions résultantes, mais pas les coordonnées spatiales, ni la trajectoire du

mouvement. Du point de vue de la dynamique, leur expérience montre que l’ablation ou

la réduction de certaines sources afférentes ne dérange pas forcément la capacité d’un

collectif de muscle à atteindre un état stable grâce au fait que le système soit justement

autorégulé.

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2.4.2 Equivalences fonctionnelles

MacNeilage (1970) présente une théorie d’équivalence motrice, inspirée des idées de

Hebb (1961) qui défini le phénomène psychologique appelé « équivalence motrice »

comme «… a variability of specific muscular response, with circumstance, in such a

way as to produce a single result …» (Hebb, 1961, pp.153-154). Cette théorie se base

sur l’existence de structures coordinatives. La notion d’équivalence motrice renvoie au

recrutement de plusieurs articulateurs pour atteindre une seule cible acoustique

invariante. Un des exemples qui illustrent parfaitement cette notion est appelé le «pipe

speech» chez les fumeurs de pipe. C’est une capacité du locuteur à parler bien que

l’activité de l’un de ses articulateurs supra-glottique soit altérée. Pour chaque segment

particulier, le locuteur peut montrer des formes du conduit vocal correspondant à

différentes positions. Dans le cerveau, nous l’avons vu, nous avons une représentation

spatiale des zones du conduit vocal, grâce notamment aux modèles internes. Pour

atteindre une cible voulue, le locuteur doit ajuster des positions variées des articulateurs

vers la position cible. Cette théorie pose la production de parole comme étant un

système à boucle ouverte, avec une série de cibles spécifiées à l’avance. Ce concept de

cible est explicité aussi par Lindblom (1971, 1977) à partir de ses expériences sur les

réductions vocaliques en terme de fréquence de formant (cible acoustique). Le locuteur

vise des cibles acoustiques invariantes mais il se peut qu’elles soient déplacées lors d’un

débit de parole rapide. Le locuteur est capable de rétablir les cibles des voyelles et ainsi

de se corriger. La cible est une idéalisation psychologique de la production de la

voyelle. Pour Perkell et al. (1994), le but du locuteur est d’être compris et la cible serait

donc premièrement acoustique. Les cibles spatiales peuvent varier puisque différentes

configurations du conduit peuvent produire à un même phonème. Par contre, les cibles

perceptuelles seront les mêmes grâce aux représentations internes de l’espace perceptif

auditif. Le cerveau utilise des règles relatives à ces représentations spatiales et auditives

pour calculer la commande motrice nécessaire à l’atteindre d’une cible depuis l’état

articulatoire stable. Perkell et al (1993 et 2000), dans leur étude sur les répétitions du

/u/, observent que l’élévation du corps de la langue, couplée à l’arrondissement des

lèvres contribue à faire baisser les valeurs de F2. Ils soulignent l’existence de

contraintes articulatoires par le fait que les locuteurs rétractent la langue vers une

constriction palato-vélaire. Ils suggèrent qu’il est physiquement difficile de produire une

constriction dans la partie vélo-pharyngale du conduit et c’est pour cela que les

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.

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locuteurs font leur constriction du /u/ dans la partie palato-vélaire. Pour ces auteurs,

cette stratégie relèverait plus d’une préférence articulatoire, peut être liée à la loi du

moindre effort, que d’une limitation physiologique.

Une autre expérience de Guenther et collègues (1999) sur l répétition du /r/ a permis de

conclure sur deux positions de la langue pour produire /r/. Les sept sujets présentent une

relation entre la longueur de la cavité antérieure et la longueur de la zone de

constriction, ce qui permettrait de maintenir un F3 assez bas, caractéristique du /r/.

Ainsi, la cible acoustique est achevée par différentes configurations de la langue dans

différentes situations. Se basant sur ces observations, ils en concluent que la cible est

plus acoustique qu’articulatoire.

Deux constrictions contrôlées et indépendantes dans le conduit vocal peuvent atteindre

la même cible acoustique par le biais des équivalences motrices. Ces équivalences

motrices articulo-acoustiques véhiculent l’idée que les cibles acoustiques sont des

variables contrôlées en production. Un mécanisme de contrôle qui utilise les relations

d’équivalence motrice augmenterait la stabilité acoustique, particulièrement dans des

situations ou une telle stabilité ne résulte pas d’un effet de saturation. Quand de forts

effets de saturation biomécaniques ou acoustiques existent, il y a une moindre nécessité

à ce que la relation d’équivalence motrice préserve la stabilité acoustique.

Perkell et al. (2000) argumentent en faveur des équivalences motrices mais envisagent

le contrôle moteur de la production de la parole comme un regroupement de principes

essentiels pour l’atteinte des cibles acoustiques.

(i) L’effet de saturation aide à définir des cibles acoustiques et simplifie le contrôle

moteur. Les cibles sont aussi déterminées en partie par l’effet de saturation défini

comme une relation non linéaire entre le degré d’activation des muscles et les fonctions

d’aire du conduit vocal. Il existe un effet de saturation biomécanique lorsqu’un

articulateur entre en contact avec un autre. Les changements continus des commandes

motrices des muscles conduisent à une saturation ou stabilisation de la position des

articulateurs, d’où une saturation ou stabilisation des paramètres acoustiques. Ainsi, cet

effet de saturation biomécanique peut aider à atteindre une cible acoustique stable pour

la voyelle /i/ fermée mais aussi au moment du barrage pour les consonnes obstruantes

(les plus résistantes face à d’éventuelles dégradations), malgré d’éventuelles variabilités

dans l’entrée motrice. Par exemple, en pressant les côtés du corps de la langue

fermement sur le palais dur on obtient une fonction d’aire stable du conduit vocal dans

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la région palatale qui correspondrait aux patrons formantiques de la voyelle /i/

(contraction du genioglossus postérieur pour réaliser la pression). Cependant, certains

sons tels que les voyelles centrales ou ouvertes ne sont pas caractérisées par un effet de

saturation biomécanique. Ces sons sont réalisés plus largement de façon plus variable et

sont plus sujets aux distorsions, par dégradation dans leurs modèles internes.

(ii) Le système nerveux central contrôle la production en se basant sur les modèles

internes des relations entre les formes du conduit vocal et leurs conséquences

acoustiques.

(iii) La relation entre les variations temporelles des commandes motrices et les

caractéristiques cinématiques des mouvements articulatoires est influencée par les

contraintes biomécaniques : collision inter-articulateur, anatomie individuelle,

propriétés dynamiques du systèmes. Les contraintes biomécaniques sont prises en

compte quand a lieu la planification du mouvement pour la production de séquences de

sons. Ces contraintes peuvent aussi justifier un comportement proche du principe

d’économie de l’effort.

Un système dynamique tel celui de la production de la parole semble être gouverné par

plusieurs mécanismes complexes qui opèrent de concert. Un mécanisme de simulation

prédictive anticipe les situations (Lindblom et al. 1979) avec l’assistance d’un feedback

périphérique en boucle fermée (par les récepteurs tactile sur les articulateurs) (Abbs,

1986). Nous soulignons l’existence de structures coordinatives comme seules unités

auto-régulées pour permettre des réajustements immédiats. Le principe d’équivalence

motrice, couplé à l’effet de saturation et à la loi du moindre effort, influence les

trajectoires articulatoires à travers l’espace acoustique et les cibles acoustiques. Quand

la trajectoire acoustique aboutit sur une fermeture du conduit vocal, les contraintes

biomécaniques, les propriétés des articulateurs puis l’effet de saturation, entrent en jeu.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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CHAPITRE 3

Compensations et complexe mâchoire/langue

Dans cette partie, nous présentons des études utilisant une méthodologie basée sur

l’utilisation de perturbations expérimentales dynamiques ou statiques. Différents

moyens d’analyse sont exposés et pas seulement les analyses articulatoire, toujours dans

le but d’étudier les phénomènes de compensation. Nous invitons le lecteur à se référer

aussi au tableau de l’annexe 1 pour un recensement plus exhaustif des études concernant

les perturbations expérimentales.

3.1 Les compensations dans les études antérieures

La littérature concernant le contrôle moteur de la production de la parole est axée

notamment sur l’importance de la variabilité et de la dépendance du contexte. Beaucoup

de théories de l’articulation de la parole (contrôle moteur) introduisent, la notion

d’équivalence motrice c'est-à-dire que plusieurs patrons de réponses musculaires

peuvent être orientés vers un seul et même mouvement. Cette capacité du système

expliquerait l’ensemble des articulations compensatoires issues de perturbations dans

l’environnement oral.

Les études concernant les phénomènes de compensation se sont révélées fondamentales

pour l’analyse des processus de parole, dès les années 70. C’est alors le début de la

conceptualisation des compensations en tant que phénomène omniprésent dans la

production de parole. Abbs (Abbs et al. 1984) nous affirme qu’il suffit de parler pour

que les échanges fonctionnels inter-articulatoires s’opèrent constamment et

spontanément. Cette nature compensatoire ne peut être expliquée ni par le modèle de

boucle ouverte, ni par le modèle de boucle fermée seulement.

Le premier modèle qui tient compte des phénomènes de compensation est le modèle de

production par prédiction de Lindblom, Lubker et Mc Allister (1977) Il est le résultat de

plusieurs expériences. La première est menée en 1971 par Lindblom et Sunberg

(Lindblom et Sunberg 1971) qui développent un modèle articulatoire des corrélats

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acoustiques des voyelles du suédois. La plupart des auteurs préconisent qu’il existe des

possibilités de compensation à chaque niveau de production : des configurations

musculaires différentes (Abbs et Gracco 1984), des positions articulatoires différentes

(Lindblom et Sunberg 1971), et une géométrie différente du conduit vocal (Maeda

1990), qui peuvent être à priori associées à un seul patron formantique. Face à ces

nombreuses possibilités, les difficultés à comprendre les stratégies de contrôle de la

production de parole sont réelles. Concernant la nature des paramètres contrôlés, on

peut se demander auquel de ces niveaux ils sont relatifs. Cette question est directement

liée au débat sur la nature de la cible et aux interprétations des études avec des

perturbations, dynamiques ou statiques.

3.1.1 Les études avec perturbation dynamique

Certaines études examinent les compensations en introduisant des perturbations

dynamiques sur les articulateurs de la parole. Dans l’étude de Kelso et al. (1984), une

masse a été attachée à la mandibule et est activée par l’expérimentateur aux dépens du

locuteur. Les réponses compensatoires de la lèvre inférieure, de la lèvre supérieure et de

la langue sont examinées avec des enregistrements électromyographiques. Les

expérimentateurs tirent la mâchoire vers le bas durant la production d’une fricative

dentale. Ils remarquent un renforcement de l’activité du muscle génioglosse 20 à 30 ms

après le début de la perturbation. De la même manière, lors de la production d’une

consonne bilabiale, l’activité de la lèvre supérieure est renforcée 35 à 60 ms après le

début de la perturbation. Ce retard n’est pas fixe, mais dépend du moment où la

perturbation agit en relation avec le début de l’activité de la lèvre supérieure (Abbs et

Gracco 1984). Un court retard implique que les réponses ne sont pas dues à un

processus lié au temps de réaction les sujets puisqu’ils ne sont pas conscients de leurs

compensations. Les auteurs précédemment cités s’accordent à dire que les

compensations sont fonctionnelles et flexibles. Les réponses ne sont pas stéréotypées

mais adaptées aux exigences de l’acte moteur en cours. Par exemple, si la mâchoire est

tirée au moment de la transition entre une voyelle et une occlusive bilabiale, alors les

réponses compensatoires sont observées en ce qui concerne les deux lèvres. Une telle

réponse cherche à atteindre la cible de l’acte moteur, c’est-à-dire la fermeture bilabiale.

Si la mâchoire est tirée au moment de la transition entre une voyelle et une consonne

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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dentale, la réponse srea trouvée dans l’activité essentielle de la langue pour effectuer la

constriction.

Munhall et al. (1994) tirent la lèvre inférieure pendant la transition entre /i/ et le premier

/p/ dans la séquence /ipip/. Ils ont enregistré la pression intra-orale pour montrer qu’en

situation perturbée, la coordination normale entre les gestes oraux et laryngaux est

interrompue au moment du relâchement de l’occlusion. Ils observent que le système est

capable de réaliser l’occlusion exigée en augmentant la pression d’air dans la cavité

orale. Ainsi, le phasage entre les gestes oraux et laryngaux est un principe crucial pour

maintenir l’intégrité d’un segment. Leur conclusion est que la coordination normale

entre les gestes oraux et laryngaux est interrompue au moment du relâchement de

l’occlusion et que les compensations sont effectives : c’est-à-dire que la cible prévue par

l’acte moteur est atteinte. Avec la perturbation, la durée de la voyelle précédant la

consonne est allongée. Cet allongement est reflété par un retard du geste d’abduction de

la glotte. Ils confirment ainsi les résultats obtenus par Folkins et Abbs en 1976. Le but

de l’activité motrice qu’est la production de parole est de produire un signal acoustique

qui transmet l’information. Dans les occurrences perturbées, aucune déviation

acoustique saillante n’est perceptible.

Ohala (2003) introduit des perturbations aérodynamiques selon deux techniques : un

tube coincé entre les joues et les molaires supérieures (the buccal vent method), un

cathéter dans le pharynx par voie nasale (the nasal vacuum method). Avec les deux

méthodes de perturbation, il observe que la pression pharyngale est plus basse dans le

cas des consonnes voisées. Les variations de F0 des voyelles suivant les consonnes

voisées et non voisées ne sont pas significativement affectées par les perturbations

aérodynamiques. (variation de la pression trans-glottale) Il en conclut que la tension des

cordes vocales jouerait un plus grand rôle dans les différences de contours de F0 que les

variations de la pression à travers la glotte. Ses résultats préliminaires montrent que les

variations phonétiques seraient dues aux variations de la pression trans-glottique ou à

des variations de la pression dans la cavité buccale. Il souligne aussi que certaines

variations contextuelles peuvent être dues à des causes physiques et phonétiques.

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3.1.2 Les études avec perturbation statique : les bite-blocks

Les études sur la production de parole avec des bite-blocks qui réduisent les

mouvements de la mâchoire s’accordent à indiquer que les locuteurs peuvent

rapidement ajuster les mouvements de la langue ou des lèvres. Si les bite-blocks

perturbent réellement la position de la mâchoire inférieure, ils n’empêchent pas les

effecteurs finaux, tels la langue ou les lèvres, d’atteindre les configurations

géométriques du conduit vocal nécessaires aux constrictions propres à la réalisation des

segments phonétiques.

Une des plus anciennes études acoustiques est celle de Lindblom et Sunberg (1971). La

position de la mâchoire détermine la valeur des trois premiers formants : plus

l’ouverture de la mâchoire est grande, plus les valeurs de formants augmentent (surtout

notable sur F1). Leurs prédictions, par rapport à leur modèle, sont testées en étudiant les

spectres des voyelles produites et enregistrées avec des bite-blocks, ce qui oblige les

locuteurs à parler avec un écart inter-incisives non naturel. Les auteurs ont choisi un

bite-block est de 2,5 mm d’épaisseur pour les voyelles /a/ et /o/ (l’écart est plus étroit

que de coutume pour leur réalisation), et un bite-block de 22,5 mm d’épaisseur pour les

voyelles /i/ et /u/ (l’écart plus large que de coutume pour leur réalisation). Malgré une

ouverture inhabituelle de la mâchoire, les spectres des voyelles avec bite-block sont

analogues à ceux sans bite-block. Pour que cette rapidité soit effective, différentes

postures possibles de la langue et autres articulateurs supra-glottiques ont pu être

utilisées. Les spectrogrammes analysés écartent la possibilité qu’un feedback auditif

puisse être utilisé pour effectuer une compensation directe. De plus, les réalisations

optimales des voyelles suédoises peuvent être obtenues en l’absence de feedback tactile,

par blocage des récepteurs buccaux, et ceci, sans entraînement. Ainsi, le processus

moteur utilise un contrôle prédictif pour développer de nombreux profils articulatoires

appropriés aux changements de la position de la mandibule : la compensation est

immédiate et ne nécessite aucun apprentissage, ni de feedback auditif et tactile.

Warren et al. (1980) étudient les fricatives /s, f, v, z/, avec bite-blocks et masquage

auditif. Généralement, des adaptations sont produites de façon satisfaisante puisque la

dimension de l’orifice vélo-pharyngé reste constante quels que soient les aspects

expérimentaux et les degrés d’ouverture (tailles des bite-blocks). Par contre, concernant

le phonème /s/, ces adaptations sont moins précises, surtout en cas de masquage auditif

et le taux d’erreurs s’accroît avec l’augmentation de l’ouverture de la mâchoire. Les

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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adaptations sont améliorées avec le temps sur les conversations sans masquage auditif.

Pour ces auteurs, à l’image du modèle de Lindblom et al.(1979), c’est le contrôle

continu qui permet d’anticiper un problème de modification spatiale et d’initier une

tactique de compensation structurale précédant la phonation.

Gay, Lindblom et Lubker (1981) vont dans le même sens en montrant que pour les

voyelles /i/ et /u/ la compensation est plus évidente. Les formants des voyelles produites

avec bite-blocks sont très proches des formants des voyelles en production normale.

Leurs données X-ray montrent cependant des configurations différentes du conduit

vocal avec les bite-blocks. La constriction pour /i/ est préservée, notamment par un

mouvement de « super-palatalisation » de la langue (contraction plus forte du

génioglosse) et par le recul de l’os hyoïde. Ils observent aussi un mouvement

compensatoire d’arrondissement des lèvres et une baisse de la hauteur du larynx sur la

réalisation des voyelles /u/ et /o/ perturbées. La plus minime différence entre les deux

conditions se note au point de constriction maximale, c’est à ce moment que la

compensation serait la plus complète. Leur conclusion est que les écarts non compensés

par rapport aux positions normales sont aux points où l’aire du conduit vocal est la plus

grande. La compensation serait sélective. Ces auteurs estiment que leurs données

argumentent en faveur d’un mécanisme d’atteinte de cible perceptuelle. L’étroite

constriction pourrait fournir une augmentation de l’excitation sensorielle entre les

récepteurs tactiles, ce qui pourrait faciliter l’atteinte de la cible.

Folkins et Zimmerman (1981) ont effectué une stimulation électrique des muscles qui

abaissent les lèvres pendant la transition d’une voyelle et d’une consonne occlusive

bilabiale /pQ/, séquence répétée en série. L’activité des muscles de la mâchoire est

enregistrée par électromyographie avec et sans bite-block. La présence d’un bite-block

n’élimine pas l’activité du masseter et des ptérygoïdiens (le ptérygoïdien latéral est

responsable du mouvement d’avancement de la mandibule et le ptérygoïdien médial est

responsable du mouvement d’élévation). La durée de l’occlusion est augmentée de 300

à 500 ms. Le résultat de l’activité musculaire est identique avec et sans bite-block. Les

auteurs cités ci-dessus en déduisent qu’une réorganisation complète de l’activité motrice

aurait pour effet la suppression de toute activité musculaire inutile. La contraction

musculaire de la mâchoire existe bien même s’il est évident que la force musculaire ne

suffit pas à bouger la mâchoire. Ces résultats infirment l’existence d’une stratégie

centrale de simulation qui coordonne l’action des articulateurs lèvre et langue avec

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l’action de la mâchoire. Si les mouvements compensatoires de la lèvre et de la langue,

dans les expériences en bite-blocks, sont accomplis par une réorganisation centrale du

mouvement, alors on s’attend à ce que cette simulation centrale modifie aussi les

patrons de l’activité des muscles de la mâchoire. Ainsi, quand la mâchoire est fixée, la

simulation centrale devrait éliminer l’activité musculaire inefficace. Si les mouvements

compensatoires de la lèvre et de la langue sont contrôlés à un niveau périphérique, les

patrons d’activité des muscles de la mâchoire ne sont pas nécessairement influencés par

le blocage de la mâchoire. Folkins et Zimmerman appuient l’importance des

mécanismes périphériques dans le contrôle des mouvements compensatoires des lèvres

et de la langue.

Cette étude, ainsi que d’autres travaux de Folkins (Folkins et Lindville 1983) expliquent

les coordinations inter-articulateurs par l’existence d’un système de contrôle moteur à

un niveau périphérique. Une interprétation de leurs résultats est que le processus

neuromoteur périphérique n’implique pas de simulation centrale et les procédures

d’erreur-correction sont importantes pour la production des compensations des lèvres et

de la langue.

Putnam, Shelton et Kastner (1986) mesurent les changements de pression sous glottique

durant la production d’une fricative sourde alvéolaire durant la réalisation de la syllabe

/si/ avec et sans bite-block. Ils observent que le flux d’air oral augmente avec

l’accroissement des bite-blocks qui augmentent la l’ouverture buccale. La pression

intra-orale, par contre, ne montre pas de changements pertinents. Le flux d’air émis

durant la voyelle /i/ ne subit pas systématiquement les effets des bite-blocks mais des

changements sont observés en fonction des performances des locuteurs. Ils confirment

aussi les expériences de Warren et al. (1980, 1984) sur la production du /s/ avec bite-

block dans lesquelles les pressions d’air sont gardées relativement constantes. Les

ajustements articulatoires sont possibles pour normaliser les conditions aéro-

mécaniques et l’habileté à compenser une ouverture plus grande de la mâchoire par la

pression intra- orale est variable selon les locuteurs.

L’étude de McFarland et Baum (1995) porte sur les voyelles /i, u, a/ et les consonnes /p,

t, k, s/ du français du Québec. Ils ont effectué leurs enregistrements tout de suite après

l’insertion du bite-block et après 15 min de pratique. Pour ces auteurs, les

compensations ne sont ni immédiates, ni complètes dans le sens où ils observent de

petites différences significatives en ce qui concerne les paramètres acoustiques des

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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voyelles et des consonnes produites en condition normale et avec bite-block. Avec bite-

bite-block, la durée du bruit de friction du /s/ non voisé est plus courte alors que le bruit

de friction du /s/ est plus long sans bite-block. Pour les voyelles, les valeurs de F1 et de

F2 (surtout pour /u/) sont relevées avec les bite-blocks. La constriction incomplète du

conduit vocal et l’agrandissement de la cavité antérieure font augmenter les valeurs

formantiques. Les durées des voyelles et des consonnes ne sont pas grandement

affectées par la présence des bite-blocks. Il en va de même concernant les résultats de

Flege et al. (1988) qui ne rapportent pas d’effet significatif des bite-blocks sur la durée

de [e]. La compensation serait incomplète dans la mesure où les stratégies se

développent avec le temps. McFarland et Baum (1995) observent que les valeurs

formantiques des voyelles produites avec bite-block sont plus proches des valeurs

normales après 15 min de pratique. Les petites différences non significatives des valeurs

de F1 et F2 trouvées entre les deux conditions pourraient indiquer que les stratégies de

compensation se développent dans le même temps que se déroule la conversation. Ces

auteurs argumentent en faveur d’un feedback sensoriel qui permettrait de corriger les

erreurs pour l’exécution des gestes articulatoires. Ils soulignent ainsi le rôle potentiel du

feedback sensoriel dans les développements des processus de compensation. Par contre,

les consonnes réclameraient une plus longue période d’adaptation que les voyelles car

ils n’ont pas observé de similitudes acoustiques même après dix minutes d’adaptation.

Les consonnes nécessitent une plus grande précision articulatoire. Les sons des classes

différentes de phonèmes ne sont pas affectés de la même manière. Leur conclusion est

qu’il existe moins de flexibilité dans l’articulation des consonnes que dans celle des

voyelles. Les auteurs confirment l’importance du rôle du feedback sensoriel. Les

théories d’un contrôle moteur comptant uniquement sur la prédiction (Lindblom et al.

1979) ne peuvent justifier facilement les progrès compensatoires dans le temps lors de

la production des voyelles avec bite-block. La variabilité individuelle dans les aptitudes

à compenser apporte une preuve aussi de la façon dont chacun va exploiter ses canaux

sensoriels pour adapter sa propre production de parole.

McFarland, Baum et Chabot (1996) reprennent l’expérience de 1995 mais seulement

avec les palais qu’ils considèrent comme étant déjà des perturbations : un palais de 3

mm et un palais de six mm. Les enregistrements sont faits immédiatement après

insertion de la perturbation et après quinze minutes de pratique. Il y a des différences

acoustiques et perceptuelles significatives sur les voyelles et les consonnes entre les

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productions normales et les productions avec une perturbation (que ce soient des bite-

block ou des palais) Les compensations semblent améliorées avec le temps ce qui

apporte un argument en faveur du rôle du feedback sensoriel dans l’adaptation des

gestes articulatoires. Les auteurs confirment leur conclusion de l’expérience

précédente : les sons des classes de phonèmes sont différemment atteints par la

perturbation (les sibilantes sont les plus affaiblies) et la façon de compenser dépend des

variabilités individuelles. Notons que les écarts relevés sont beaucoup plus importants et

significatifs entre les productions normales et les productions avec bite-block qu’entre

les productions normales et les productions avec palais artificiel.

Savariaux, Perrier, Orliaguet (1995) observent la production de la voyelle arrondie

/u/ avec un tube tenu entre les lèvres qui empêche de produire un son perceptible, et

avec un bite-block. Le but de leur étude est d’évaluer les exigences acoustiques et

géométriques (articulatoires) du contrôle de la production. Les changements

articulatoires qui résultent de ces perturbations sont différents selon les locuteurs. Les

auteurs les ont classés en trois catégories de réponses : (i) un mouvement de recul de la

langue qui n’est pas suffisant pour permettre d’atteindre le patron formantique adéquat

même si F2 décroît, (ii) un recul de la langue qui bascule d’une constriction vélo-

palatale à une constriction vélo-pharyngale ; les patrons formantiques de F1 et F2

correspondent à ceux observés en production normale, (iii) aucun geste de recul de la

langue, pas de compensation en dépit de la dégradation du résultat acoustique (F2 est

trop élevé). L’observation des variabilités inter-locuteur amène les auteurs à conclure

que ces mouvements articulatoires sont activement contrôlés. De plus, ce contrôle

dépend de l’habileté de chacun à réexploiter une relation articulo-acoustique déjà

éprouvée et mémorisée dans ses modèles internes. Après écoute du signal acoustique,

une amélioration des patrons formantiques pour F1 et F2 est observée. L’écoute

permettrait de réaliser une compensation plus complète. Ils concluent au regard des

équivalences motrices, dans le même sens que les conclusions de Perkell et collègues

(1993). La capacité d’effectuer une compensation sur les articulateurs, effecteurs finaux,

n’est pas toujours suivie avec succès, et ne permet pas une interprétation du contrôle

moteur en terme articulatoire uniquement. Le contrôle moteur doit tenir compte de la

tâche vocalique définie dans l’espace acoustique (valeurs formantiques). Le rôle de

l’apprentissage permet au locuteur d’associer une configuration du conduit vocal à un

patron acoustique donné. Les régularités articulatoires observées chez onze locuteurs

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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sur douze (Savariaux et al. 1999) sont les conséquences de mécanisme volontaire de

contrôle de la parole. Leur hypothèse, qui est aussi celle de Gay et al. (1981), est de dire

qu’il subsiste une amélioration des stratégies articulatoires acquises durant

l’apprentissage pour permettre un lien entre le contrôle articulatoire et les exigences

auditives.

Demolin et al. (1997) étudient avec l’IRM les articulations compensatoires quand les

locuteurs tiennent une bouteille de deux centimètres de diamètre entre les dents durant

la production de /uiu/. Le larynx est maintenu dans une position stable quand la

mâchoire inférieure est bloquée. Ils observent une déformation de la langue : seul le

corps de la langue bouge de l’avant vers l’arrière de la cavité buccale. Même si l’activité

des lèvres est neutralisée, ils perçoivent un arrondissement quand la langue passe de la

position de /i/ à la position pour /u/. Cette technique est très prometteuse pour observer

les mouvements des articulateurs dans les trois dimensions (coronal, transversal et

oblique), mais aussi pour étudier la coarticulation, et les articulations compensatoires.

On peut se rendre compte des effets d’anticipation et de rétention entre les consonnes et

le contexte vocalique adjacent.

3.1.2.1 Les bite-blocks et l’électropalatographie.

D’autres travaux ont attaché un intérêt à la production des consonnes sous l’emprise de

bite-blocks en utilisant la technique de l’électropalatographie, travaux dont nous nous

sommes inspirée. Flege et al. (1988) se sont penchés sur les paramètres articulatoires du

/s/ et du /t/ arabe et anglais. Concernant le /t/ arabe, les contacts linguo-palataux sont

réduits et durent moins longtemps avec le bite-block. Alors que pour les sujets anglais,

ils observent une augmentation des contacts linguo-palataux. Ces auteurs ont montré

qu’une production adéquate du /t/ afin qu’il soit perçu comme tel ne nécessite pas

forcément une constriction complète de la langue. Une constriction partielle est

suffisante pour générer l’information acoustique nécessaire pour une bonne

identification de la consonne dans des tests de perception. La constriction du /s/ arabe

est rétrécie par la présence des bite-blocks, alors que la constriction du /s/ anglais reste

inchangée. Ils concluent de leurs résultats, que la constriction complète du /t/ n’est pas

un paramètre critique alors que la rainure du /s/ l’est. Les paramètres critiques sont

encodés dans le système nerveux central et sont préservés quand la mâchoire est

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bloquée avec un bite-block. Ils soulignent aussi l’existence d’un lien entre les

compensations et le lieu d’articulation de la consonne : le /t/ anglais est réalisé sur la

partie la plus arrière des alvéoles. Les compensations dans la production des consonnes

ne sont pas immédiates : il a été montré que dix minutes de pratique permettent une

amélioration des réponses. Les locuteurs ont utilisé leur feedback afférent pour

améliorer leur production. Ils ajoutent qu’il existe des stratégies individuelles de

compensation dues à des facteurs biomécaniques. Pour leurs conclusions, la

compensation est incomplète et non instantanée.

Horga (2002) étudie les phonèmes du croate produits avec des bite-blocks. Les durées

de /ts/ et /s/ ont tendance à être réduites par la présence des bite-blocks mais pas les

durées de /t/. Sur le plan acoustique, il est noté une influence significative de la présence

du bite-block sur les valeurs formantiques. Les valeurs de F1 du /i/ sont plus hautes et

celles du F2 sont plus basses, ce qui traduit une prononciation plus ouverte. Les valeurs

formantiques du F1 de /a/ sont plus basses et celles de F2 sont inchangées ce qui traduit

une articulation plus avancée. L’énergie spectrale des fricatives tend vers des valeurs

plus faibles, exepté pour /s/ produit avec entraînement. L’intensité des fricatives est

réduite et l’intensité des voyelles augmente sous l’influence de bite-block. Son étude

montre qu’au moyen d’un simple contrôle orosensoriel immédiat, certains paramètres

temporels sont immédiatement réorganisés, soulignant le rôle important de

l’entraînement. Durant la période d’adaptation, l’articulation est en cours de

réorganisation et c’est pour cela qu’elle montre un caractère instable. Après une période

d’adaptation plus longue, la production avec bite-block peut être améliorée.

3.1.2.1 Les bite-blocks avec blocage sensoriel

Afin d’affiner l’interprétation du rôle des feedbacks dans la mise en place des stratégies

de compensation, d’autres études ont conçu des enregistrements en neutralisant

complètement certaines informations sensorielles. La compensation est immédiate si le

feedback sensoriel ne joue pas de rôle particulier. Lindblom et al. (1977) introduisent,

en plus des bite-blocks, un anesthésiant (la xylocaïne) dans leur protocole expérimental.

Ce couplage de deux perturbations n’empêche aucunement les locuteurs de produire des

voyelles avec des patrons formantiques proches des valeurs de référence. Ils en

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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concluent que c’est la diminution du feedback tactile qui aurait un effet sur les modes de

compensation par l’intermédiaire de récepteurs tactiles.

Moon et Folkins (1991) perturbent le feedback auditif lors de la production d’un /s/. Ils

agissent par une dégradation de 30 décibels de l’intensité du bruit de friction. Ils

observent que des compensations aérodynamiques sont réalisées en réponse à cette

perturbation. Les changements qui traduisent un comportement compensatoire se voient

sur la durée et sur les pics de la pression intra-orale. Cependant, ils n’observent pas de

changement systématique quand ils font de plus petites manipulations auditives

(inférieures à trente décibels). Ces changements sont très variables en fonction des

sujets. La priorité de la régulation auditive sur la régulation aérodynamique n’est qu’en

partie vérifiée. Dans l’étude de Kelso et Tuller (1983), les différents feedbacks sont

neutralisés par plusieurs anesthésies. Les enregistrements sont effectués avec bite-block

et avec anesthésiant de l’articulation temporo-mandibulaire qui réduit les informations

proprioceptives, et avec un anesthésiant sur la muqueuse afin de réduire l’information

tactile. Leur expérience montre que les F1 et F2 des voyelles perturbées sont très

proches des valeurs produites sans perturbation. Cette stabilité est observée aussi bien

quand les relations entre articulateurs sont empêchées par le bite-block, que quand les

informations sensorielles sont réduites. La suppression du feedback sensoriel ne

perturbe pas davantage les mouvements. Leurs résultats ne vont pas dans le sens d’un

contrôle à boucle fermée ou par simulation prédictive qui requièrent l’information

sensorielle. Ils sont plus en adéquation avec les travaux indiquant que les buts des

mouvements seraient atteints par un collectif de muscles en coopération. L’anesthésie

afférente empêche le système nerveux central de programmer des commandes tenant

compte des modifications engendrées par la présence du bite-block. La production

d’items exigeant une compensation ne pose pas de problème : si une partie du système

est bloquée, les autres parties remédient à ce blocage. Ils ont souligné le caractère

instantané des compensations dans le but de conserver une intelligibilité maximale. Les

compensations étant immédiates, le rôle du feedback paraît bien secondaire. Comme

dans l’étude de Fowler et Turvey (1980), les compensations apparaissent réussies

immédiatement et avec peu ou pas du tout de pratique. Fowler et Turvey (1980) ont

effectué des tests de perception qui ont révélé que 71 à 90 % des voyelles anglaises

produites avec bite-block sont très bien identifiées. Cependant ce résultat s’oppose à

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celui de Flege et al. (1988), qui concluent de leurs tests de perception que les jugements

perceptifs sont moins bons sur les productions avec perturbation.

3.1.3 Propriétés des compensations

Nous avons distingué de nombreuses expérimentations fondées sur l’observation de

divers paramètres : les pressions d’air qui fournissent l’énergie nécessaire à la formation

de sons de parole, les contacts entre articulateurs qui modifient les formes du conduit

vocal et enfin la sortie acoustique. A chaque niveau, des compensations plus ou moins

complètes sont observées de manière systématique par tous les auteurs. Nous avons vu

qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des compensations complètes absolues, ou parfaites.

Elles doivent cependant être suffisantes pour maintenir l’intégrité du signal acoustique

d’autant plus que la perception catégorielle des sons prend en compte la variabilité

acoustique. Ces études confortent le fait que le but du système de parole est de produire

un message le plus stable possible afin de rester dans une fenêtre acoustique réduite.

Nous avons vu aussi que les informations sensori-motrices à court terme jouent un rôle

mais le feedback auditif n’est pas essentiel pour achever une compensation à succès en

temps réel. D’un point de vue physiologique, il est légitime d’envisager que les

articulations des compensations présupposent le besoin d’une information intacte

provenant des sens tactiles comme le préconisent Kelso et al. (1986). Alors que

McFarland et Baum (1995) estiment que les compensations nécessitent plutôt de la

pratique pour être réalisées de la manière la plus complète possible.

En résumé, les compensations en réponse aux perturbations (aussi bien dynamique que

statique) sont instantanées et rapides, même si elles peuvent être incomplètes. Du fait

qu’elles sont fonctionnelles et effectives, le but de l’acte moteur est réalisé. Les

réponses ne sont pas stéréotypées mais façonnées par les besoins de l’acte. Nous avons

remarqué aussi que ces compensations sont sélectives, elles s’opèreraient plus

pleinement aux points de constriction maximale dans le conduit vocal.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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3.2 Le complexe langue / mâchoire

Nous venons de voir que nombre d’étude se sont penchées sur la problématique de

l’interaction entre la langue et la mâchoire par l’étude des compensations articulatoires

avec des bite blocks. Ces deux articulateurs sont reliés mécaniquement et de façon

fonctionnelle et oeuvrent ensemble pour produire une constriction dans le conduit vocal.

Afin de souligner l’importance de la relation fonctionnelle existant entre la langue et la

mâchoire, nous nous attarderons sur les mouvements de la langue et le rôle phonétique

de la mâchoire dans la production de la parole. Nous tentons ainsi de légitimer notre

choix de travailler sur les mouvements de la langue quand la mâchoire est bloquée.

3.2.1 La langue et ses mouvements

La langue est sans aucun doute le plus important et le plus actif des articulateurs supra-

glottiques. Elle œuvre pour modifier les formes du conduit vocal et ainsi les résonances

caractéristiques de la cavité orale et du pharynx. Elle agit pour couper ou canaliser le

courant d’air en contactant ou en avoisinant les dents, les alvéoles, le palais, le voile du

palais ou le pharynx.

Il existe un découpage fonctionnel de la langue en plusieurs sections. La pointe de la

langue la plus proche des dents de devant est l’apex. La distinction entre les

articulations de l’apex et de la lame de la langue vient de Ladefoged (1971): un

paramètre qu’il appelle apicalité. Ensuite de l’avant vers l’arrière de la cavité buccale,

se trouvent la lame (sous les alvéoles), le corps de la langue (sous le palais dur) et la

racine en vis-à-vis avec le pharynx.

Comme nous le voyons sur la figure 3.1, la langue est accrochée dans sa partie

pharyngale à l’os hyoïde et au styloïde. Notons que la racine étant attachée à la structure

squelettique, elle est forcément moins mobile que la partie antérieure, la lame et l’apex.

Il est important de souligner que ses mouvements sont dus aussi aux rotations de la

mâchoire car elle est attachée à la surface interne de la mandibule. Elle peut donc

bouger avec la mandibule ou dans des directions opposées en même temps car les côtés

et la pointe peuvent bouger indépendamment de sa masse principale. Elle a un grand

nombre de degrés de liberté du fait qu’elle est considérée comme ayant plusieurs

sections.

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La langue est capable d’effectuer différentes configurations très rapidement car elle est

grandement innervée. Ses mouvements sont dus à l’activité des muscles extrinsèques,

qui la raccrochent aux autres structures adjacentes du squelette (la mandibule, l’os

hyoïde, le styloïde) et intrinsèques, qui sont entièrement à l’intérieur.

Figure n° 3.1 : Les muscles de la langue, d’après Zemlin, 1981

Les muscles intrinsèques sont les suivants.

Le muscle longitudinal supérieur (superior lingualis) agit pour relever l’apex.

Le muscle longitudinal inférieur (inferior lingualis) agit lors du relâchement des

consonnes alvéolaires.

Le muscle transversal (transverse lingualis) aide à former le sillon des fricatives.

Le muscle vertical (vertical lingualis) aplanit la langue.

Les muscles extrinsèques sont les suivants.

Le génioglosse agit pour presser la pointe de la langue contre les dents ou les

alvéoles ou la rétracter. IL tire la langue vers le bas.

Le styloglosse tire la langue vers le haut et vers l’arrière, antagoniste du

génioglosse.

Le palatoglosse remonte l’arrière de la langue.

Le hyoglosse élève l’os hyoïde

Chaque modification de la langue est le fruit d’une combinaison de contractions de

muscles complémentaires. Un ou deux muscles principaux assurent les modifications

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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des mouvements et en même temps, les autres muscles coopèrent pour stabiliser la

langue, à la fois dans son mouvement et au sein des structures adjacentes.

Hardcastle (1976) recense sept paramètres qui pourraient expliquer l’ensemble des

positions de la langue durant la phonation.

Le mouvement horizontal du corps de la langue (arrière-bas / avant-haut)

correspondant à un mouvement /a/-/i/, est exécuté par la partie postérieure du

génioglosse.

Le mouvement vertical du corps de la langue propre aux voyelles centrales et

aux consonnes palatales, est exécuté par le styloglosse et le palatoglosse en synergie

avec les muscles inférieurs longitudinaux.

Le mouvement horizontal d’avant en arrière de l’apex et de la lame est réalisé

par l’activité des fibres transversales et postérieures du génioglosse (ce mouvement peut

aussi effectuer les articulations rétroflexes).

Le mouvement vertical de l’apex et de la lame qu permet le contact, partiel ou

total, avec les alvéoles et les incisives supérieures, est activé par le muscle supérieur

longitudinal ([s], [t], [d] ou [l]). Le mouvement d’avancée/rétraction de l’apex permet la

distinction avant /arrière comme pour différencier /s/ et /S/ par rexemple.

La configuration convexe /concave du corps de la langue sur le plan transversal

est réalisée par les muscles styloglosse, palatoglosse et transversal.

La configuration du sillon central par l’activité du transversal et du vertical, du

styloglosse et du palatoglosse.

L’étirement/aplanissement du dos la langue qui lui permet de se ramasser en

boule vers l'arrière, comme pour le son /u/ ou de se détendre pour le son /a/, est activé

par le muscle transversal et le hyoglosse.

3.2.2 Le rôle phonétique de la mâchoire

Avant la seconde moitié de notre siècle, le manque de moyens techniques n’a pas

permis de souligner le rôle articulatoire important de la mâchoire. Dans la mesure où

l’immobilité de la mâchoire n’entravait pas la communication, comme chez les fumeurs

de pipe notamment, son rôle était considéré comme secondaire. Rares ont été les études

relatives à ses déplacements dans la production des sons de parole. Cependant,

Rousselot (1901), met en évidence le quasi-parallélisme entre l’ouverture buccale et

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l’aperture vocalique et établit l’existence d’une relation entre l’ouverture mandibulaire

consonantique et le lieu d’articulation buccale. Puis, Straka (1963) déduit de documents

cinématographiques ses affirmations sur l’opposition des voyelles et des consonnes :

l’amplitude des déplacements de la mâchoire dépend du lieu d’articulation pour les

consonnes et du degré d’aperture pour les voyelles. Depuis, la mâchoire est considérée

comme un articulateur non négligeable participant à la production de la parole. Elle

permet aussi la distinction entre la production des voyelles et des consonnes. De

nombreux modèles de production ont alors inclus cet articulateur dans la production de

la parole (Bognar 1983).

Durant l’acte de parole, la mâchoire modifie les résonances caractéristiques du conduit

vocal. Son déplacement antéro-postérieur est de 2 à 3 mm et son déplacement vertical

est de 7 à 18 mm. Son ouverture maximale peut cependant dépasser 50mm. Sa rapidité

de déplacement est aussi surprenante, car c’est une structure massive et parmi tous les

articulateurs seul l’apex, est capable de mouvements plus rapides.

La mâchoire est un articulateur rigide et porteur des dents, de la lèvre inférieure et de la

langue. Son mouvement d’avancée/rétraction est un paramètre essentiel, par exemple

pour produire les consonnes labio-dentales pour lesquelles la lèvre inférieure vient en

contact avec les incisives supérieures. Son mouvement de rotation (ouverture/fermeture)

entraîne un mouvement de bascule de la langue.

La mâchoire est un articulateur rythmique. On sait que les suites de syllabes répétées

sont produites par une alternance rythmique d’ouverture et de fermeture de la bouche,

accompagnée de phonation. Pendant la phonation, un conduit vocal relativement ouvert

caractérise la production des voyelles, tandis qu’un conduit vocal relativement fermé est

plus typique de la production des sons consonantiques. Pour MacNeilage et Davis

(1990) ce cycle d’oscillations de la mâchoire fournit la base du babillage et rend compte

de la forme de ses productions. Ainsi s’expliqueraient les productions de type /bababa/,

/dadada/ ou /mamama/ du début du babillage par le mouvement relativement simple

d’une succession d’ouvertures et de fermetures de la mâchoire. L’oscillation

mandibulaire fournirait le cadre articulatoire dont le contenu serait ensuite donné par les

mouvements de la langue. Le babillage, avec des syllabes répétées, refléterait la

formation de ces cadres dans lesquels les différents segments phonétiques seront insérés

au fur et à mesure qu’ils deviendront accessibles à l’enfant.

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

75

3.2.2.1 La mâchoire et la production des voyelles.

Nous précisons que cette partie concernant les voyelles se veut non exhaustive. Elle a

pour but d’argumenter en faveur du rôle important de la mâchoire qui conditionne

l’aperture vocalique. Il est noté l’existence d’un parallélisme entre les catégories

fermées, mi-fermées, mi-ouvertes et ouvertes qui définissent les voyelles cardinales et

l’écartement croissant de la mâchoire. L’observation des résultats de nombreuses études

a permis de mettre en évidence la rareté des fluctuations entre les catégories linguales et

l’ouverture mandibulaire. Cependant à l’intérieur de ces catégories aucun phénomène

général ne se dessine, si ce n’est la plus grande fermeture de /u/ par rapport à /i/. Les

mouvements verticaux favorisent les mouvements linguaux, malgré leur incapacité à

traduire toutes les oppositions vocaliques. Ladefoged et al. (1972) observent que la

plupart de leurs locuteurs n’utilisent pas la mâchoire comme mécanisme primaire de

distinction de la hauteur vocalique. Nous allons maintenant orienter notre attention sur

le rôle de la mâchoire dans la production des consonnes, notamment des occlusives,

objets directs de notre étude.

3.2.2.2 La mâchoire et la production des consonnes

Nous présentons ci-dessous en figure 3.2 un tableau de comparaison des positions de

certaines consonnes par rapport à l’ouverture mandibulaire.

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76

Français Breton

Simon

1967

Zerling

1979

Bothorel

1978

z

Z

p S

f s

t d t

z d

v

s

S

Z

d

j j

¯ b

b ¯

m m

k g k

n g

l l

R R

n

b f

v

Figure n°3.2 : Tableau comparatif de l’amplitude d’ouverture mandibulaire des consonnes françaises. De haut en bas, des plus ouvertes aux plus fermées. (d’après Bognar 1983).

Malgré l’hétérogénéité des consonnes présentées, ces études montrent que

l’augmentation de l’écartement inter-maxillaire est fonction du recul progressif du lieu

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

77

d’articulation (en dehors de certaines exceptions : /t/ plus ouvert que le /s/ et /S/ chez

Bothorel (1978) pour le breton. En français, les consonnes les plus antérieures comme

les bilabiales, les labiodentales et les dento-alvéolaires nécessitent une petite ouverture

mandibulaire. La plupart des auteurs notent que le /p/ est réalisé avec une grande

ouverture mandibulaire qui se traduit par le fait que cette consonne est la plus ouverte

des occlusives (Abbs et al. 1971 et Gay 1974). Bothorel (1978) effectue une étude à

propos de la dispersion relative aux consonnes et aux voyelles du parler breton d’Argol.

Il met en évidence que les consonnes réalisées dans la partie antérieure de la cavité

buccale sont extrêmement stables, que la plupart des autres consonnes et voyelles

fermées et mi-fermées sont moyennement stables et que les voyelles ouvertes et nasales

et les consonnes bruitées, comme /f/, par exemple sont particulièrement instables. On

peut déduire que le maxillaire joue un rôle important dans leur réalisation puisqu’il se

révèle moins sensible aux articulations environnantes.

Lindblom et Sunberg (1971) aussi se sont particulièrement intéressés au rôle de la

mâchoire pour la détermination des formes du conduit vocal et surtout pour la

spécification vocalique. Les travaux de Perkell (1969) et Tuller et al. (1979) confirment

aussi le fait que les consonnes alvéolaires soient plus hautes que les labiales, les

labiodentales et les palatales. Le /t/ est la consonne la plus robuste face aux effets

contextuels, /p/ et /k/ varient en fonction du contexte vocalique, mais /f/ et /t/ non.

L’étude de Keating et al. (1994) concerne l’observation de l’élévation de la mâchoire (à

l’aide du movetrack) lors de la production des consonnes de l’anglais et du suédois. Ces

auteurs montrent que la hauteur de la mâchoire varie en fonction de la langue étudiée :

les consonnes du suédois sont légèrement plus ouvertes que celles de l’anglais. La

hauteur de la mâchoire est aussi fonction du lieu d’articulation de la consonne. Dans les

deux langues, les alvéolaires obstruentes /s/, /t/, /d/ et la labiodentale /f/ sont réalisées

avec une position de la mâchoire plus haute que les autres consonnes. Le lieu

d’articulation joue un rôle important dans le positionnement de la mâchoire. Ces auteurs

soulignent aussi l’effet du contexte vocalique sur la hauteur de la mâchoire. La voyelle

/i/ fermée a une plus forte influence sur la hauteur de la mâchoire lors de la production

d’une consonne que les autres voyelles. Cependant il est paradoxal de constater que les

consonnes produites avec une position haute de la mâchoire sont encore plus hautes au

voisinage de la voyelle basse /a/ qu’au voisinage de la voyelle haute /i/. Keating et al.

(1994) relient ce phénomène à la vélocité nécessaire à la mâchoire pour effectuer un

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trajet d’une position basse à une position haute. La vitesse d’exécution pousserait la

mâchoire à dépasser la hauteur initiale nécessaire à la production d’un /t/ ou d’un /s/. On

se trouve alors face à un phénomène d’overshoot, effet direct d’une forte coarticulation.

La question du lien entre les consonnes sourdes et sonores et l’ouverture mandibulaire

peut être aussi évoquée. Fujimura et Miller (1979) ont montré que pour les couples

d’occlusives sourdes/sonores, les sourdes, étant plus tendues, par des contraintes

aérodynamiques plus importantes, sont réalisées avec une fermeture mandibulaire plus

nette. Cette tendance est appuyée par les données de Simon (1967) et de Perkell (1969).

Concernant les déplacements antéro-postérieurs de la mandibule nous avons

connaissance de l’étude des voyelles anglo-américaines de Kaneko (1957). Cette étude

porte l’idée que l’ouverture mandibulaire reflète l’aperture linguale. Les voyelles

postérieures labialisées [u :], [u], [o :], et [o] sont réalisées avec une protraction

mandibulaire d’autant plus prononcée que la voyelles est fermée. Les réalisations

antérieures non labialisées [i :], [I], [e] et [a] sont produites avec une rétraction de la

mâchoire et les voyelles centrales comme [´] sont produites avec une position neutre de

la mandibule.

3.3 Conclusion sur les compensations inter-articulatoires

Les études avec des protocoles expérimentaux différents s’accordent à conclure que

l’aptitude à compenser dépend de nombreux facteurs : des caractéristiques

physiologiques propres à chacun, de l’apprentissage des modèles internes, mais aussi de

la facilité avec laquelle chaque personne a accès à sa propre base de données, de

variabilité intra-individuelle et surtout inter-individuelle.

D’autre part, nombreuses études sur la parole perturbée montrent l’existence d’une forte

cohésion gestuelle. L’intégrité d’un acte moteur est maintenue quand une partie du

système est mécaniquement perturbé, ce qui illustre parfaitement l’existence de

structures coordinatives comme par exemple la mâchoire et ses articulateurs portés

(langue, lèvres). Depuis l’achèvement des nombreuses études sur les liens entre la

physiologie et la production des sons, la mâchoire est considérée comme étant un

articulateur non négligeable dans la production de la parole. L’amplitude de ses

déplacements dépend du lieu d’articulation pour les consonnes et du degré d’aperture

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PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.

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pour les voyelles. De nombreuses études s’accordent à mettre en avant l’existence d’un

fort lien fonctionnel entre les deux articulateurs langue et mâchoire. Outre le fait que la

mâchoire soit un articulateur rythmique et porteur, la commande de ses mouvements est

traduite par une activité musculaire contrôlée, au même titre que d’autres articulateurs

spécifiques à la parole. Cependant nous savons, sur la base de nombreuses études sur les

bite-blocks dans les années 1970-1980, que sa contribution n’est pas toujours nécessaire

puisque même quand son activité est réduite ou bloquée, la production, la perception et

la reconnaissance des sons de paroles peuvent être préservées.

L’ensemble des travaux et considérations à propos des coordinations inter-articulatoires

et du lien fonctionnel existant entre la mâchoire et la langue ont contribué aussi à

affirmer notre choix d'étude : rechercher des effets de compensation dans l’activité

linguale quand la mâchoire est inactivée.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.

81

DEUXIEME PARTIE

Problématique et méthode expérimentale

______________________________________________________________________

CHAPITRE 4

Problématique

Dans les parties précédentes, nous avons vu qu’en parole, évoquer des théories traitant

d’articulation, de coarticulation, de cibles demande nécessairement que l’on évoque les

théories sur le contrôle moteur. On considère l’acte de parole comme étant un acte

moteur nécessitant toutes les particularités du système moteur. Nous avons résumé les

problèmes relevés par les études avec perturbations : les différences entre les

articulations normales et compensatoires ne dépendraient pas de différentes stratégies

d’encodage. Or, les deux comportements articulatoires réclament des réponses

musculaires différentes et variables en fonction du contexte imposé et ont pour but le

même résultat en terme de cible acoustique. Cette faculté d’adaptation est possible grâce

à une importante composante de flexibilité du système de production.

L’observation des phénomènes de compensation en tant qu’effets directs de la

variabilité en parole est certes reconnue, mais nous ne tenons que peu de résultats

quantitatifs et encore moins de résultats concernant la langue française. Il existe peu

d’études sur les consonnes alors que leur traitement par le système nerveux central

semble plus complexe que le traitement des voyelles, dans la mesure où les

mouvements des articulateurs supra-glottiques sont plus complexes. Les consonnes

occlusives notamment sont réalisées en plusieurs phases articulatoires, chacune étant

caractérisée par des configurations différentes des articulateurs.

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Nous nous attachons à observer en détail comment la langue compense l’immobilisation

de la mâchoire (par des bite-blocks). Il est nécessaire de chercher à savoir si les

nombreuses contraintes de production peuvent moduler l’effet de cette perturbation.

Nous proposons une observation des réajustements articulatoires (compensations) de la

langue par le biais d’une double analyse, spatiale et temporelle, de ses mouvements.

Grâce à la technique d’électropalatographie, nous parvenons à examiner l’évolution

spatio-temporelle des mouvements linguaux durant la production des consonnes

occlusives en français, plus précisément lors de l’établissement et du relâchement de la

constriction ainsi que pendant la constriction.

Dans un premier temps, nous présentons explicitement pourquoi nous avons choisi les

occlusives linguales comme objet d’investigation, d’après leur description et la

coarticulation avec les segments suivants. Dans un second temps, nous présentons dans

cette problématique les hypothèses et questions qui ont motivé ce travail.

4.1 Les consonnes observées : les occlusives linguales /t/ et /d/.

Les consonnes observées dans cette étude sont les occlusives linguales /t/ et /d/. Afin de

justifier notre choix, nous proposons une présentation de leurs caractéristiques

articulatoires.

4.1.1 La formation d’une occlusive linguale

On produit les consonnes, voyelles, et approximantes lorsque le passage de l'air venant

des poumons est partiellement ou totalement fermé. Il existe deux grands types

d'articulations consonantiques orales :

Soit le passage de l’air se rétrécit mais n'est pas interrompu, on parle dans ce cas

de consonnes continues, dont les fricatives sont les plus représentatives, qu’elles soient

voisées ou non voisées. Un rétrécissement en un point précis du canal buccal permet

l’apparition du bruit de friction lors du passage de l’air, ce qui donne naissance aux

articulations consonantiques constrictives.

Soit le passage de l'air est fermé donnant lieu à une obstruction totale du flux

d’air buccal, on a alors affaire à des consonnes occlusives.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.

83

La réalisation d’une consonne occlusive se fait en trois étapes : attaque, tenue et

relâchement. Ces trois phases d’articulation seront étudiées en détail.

-L’attaque correspond au moment où les organes entrent en contact et

rétrécissent ou ferment le conduit. C’est la phase de mise en position des organes qui

passent, sous l’effet d’une contraction musculaire, d’un état indifférent ou de la position

articulatoire précédente, à la phase centrale du son à réaliser.

-La tenue est la phase centrale, celle de la position articulatoire caractéristique

du son durant laquelle les organes restent en position au point culminant de

l’articulation. L’air accumulé dans la bouche gagne en pression. Simon (1967) donne

une définition plus formelle de la tenue. Pendant la tenue les articulateurs ne sont pas

« à l’arrêt », la quantité de l’occlusion peut varier à l’intérieur de la tenue. Pour une

consonne occlusive, on y trouve le maximum de contacts et l’occlusion complète. On

peut assister à un déplacement du contact occlusif sans rupture de l’occlusion qui

dépend de l’articulation précédente antérieure ou postérieure. Pour Simon (1967), la

tenue d’une consonne peut être dégradée mais existe toujours.

-Le relâchement se fait quand les articulateurs responsables de la fermeture du

conduit se séparent, abandonnant la position typique et passent soit à l’état initial, soit à

l’articulation du son qui suit. L’air sous pression emmagasiné pendant une fraction de

seconde dans le conduit vocal est relâché brusquement donnant lieu à une explosion.

Souvent cette explosion est accompagnée d’un bruit de friction qui fait partie de la

consonne occlusive.

Il est à noter que la phase essentielle est la tenue, les deux autres sont des phases de

« passage » (Simon 1967). La durée de la tenue consonantique n’est jamais inférieure à

la moitié de la durée totale de la consonne.

Les occlusives alvéolaires /t/ et /d/ sont caractérisées par une mise en contact de l’apex

ou de la lame de la langue avec la face interne des dents ou le bourrelet formé par les

alvéoles. Pour produire une occlusion, il est nécessaire de manipuler le corps de la

langue en accord avec les mouvements de la mâchoire (Stevens 1998). Par exemple, si

on veut produire une occlusion de l’apex contre les alvéoles, le corps de la langue est

plutôt dans une position avancée et la mandibule est relevée. Cette articulation est

propre aux occlusives alvéolaires que nous étudions.

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84

4.1.2 Occlusive linguale et segments adjacents

Bien sûr, le lieu d’articulation d’une consonne linguale dépend aussi des segments

adjacents. Nous proposons une rapide présentation de la coarticulation linguale à partir

d’un article de Recasens (1999) afin d’illustrer le fait que nous avons choisi deux

contextes vocaliques, ouvert avec /a/ et fermé avec /i/ pour observer nos consonnes

alvéolaires. Nous nous demandons si les variations observées avec les perturbations

sont aussi dues à la nature de la voyelle adjacente.

Concernant la coarticulation entre consonne et voyelle, le lieu d’articulation de

l’occlusion du [t] est plus avancé lorsque le dos de la langue est abaissé sous l’effet de

l’articulation d’une voyelle ouverte adjacente [a]. Lorsque la voyelle adjacente est

fermée, comme un [i] par exemple, l’occlusion est plus reculée et est réalisée par la

partie laminale de la langue rétractée, le dos de la langue est plus élevé. Par contre le [t]

dental italien est plus résistant à ces effets de coarticulation, sûrement car il est articulé

plus loin avec la lame de la langue (Farnetani et al. 1989). Citons un autre exemple avec

le [l] catalan : quand le dos de la langue est relevé par la présence d’un [i], la

constriction est avancée et devient lamino-alvéolaire. Quand le corps de la langue est

abaissée par la production d’un [a], la constriction est arrière et devient vélaire

(Recasens et al. 1993a). Le degré de coarticulation des consonnes dento-alvéolaires est

traduit par le couplage entre l’apex et le dos de la langue.

Soulignons que la variabilité articulatoire des consonnes dento-alvéolaires est moins

grande que pour les labiales et labio-dentales. Durant la production des dento-

alvéolaires, la hauteur du dos de la langue et l’étendue du contact dorso-palatal

changent habituellement en fonction de la voyelle d’après la progression suivante : [i]

>[u]>[a]. Cela a été étudié comme étant le cas chez plusieurs auteurs et dans plusieurs

langues.

Le voisement est aussi une autre contrainte dont dépendent les effets de la coarticulation

linguale. En effet le corps de la langue est plus sensible aux effets contextuels pour les

consonnes voisées dento-alvéolaires et labiales que pour les non voisées. L’aire de la

cavité orale est plus grande et on observe moins de contacts linguo-palataux pour les

voisées que pour les non voisées (Perkell 1969, Farnetani 1990).

L’anticipation consonantique est plus forte quand la voyelle est ouverte [a] car une

voyelle basse facilite un effet de forte coarticulation dans l’activité linguale. Ces effets

dépendent de la distance articulatoire entre les deux segments phonétiques. Concernant

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.

85

le [t], le début de l’activité apicale apparaît plus tôt s’il précède une voyelle basse que

s’il précède une voyelle haute (Gay 1977).

4.2 Les questions sur les mouvements linguaux

4.2.1 Le timing inter-gestuel

Notre corpus est constitué de phrases porteuses des séquences CVC dans lesquelles

nous étudions la consonne d’attaque. Dans un premier temps, nous examinons

l’influence des bite-blocks sur la durée de la phrase. Puis nous nous demandons si les

bite-blocks ont un effet sur les durées des séquences CVC, sur les durées des consonnes

étudiées et sur la durée des voyelles. La coordination des évènements articulatoires est-

elle modifiée par la présence des bite-blocks? Nous sommes tentée de préconiser un

allongement temporel dû à la présence des perturbations extérieures parce qu’il faudra

plus de temps au locuteur pour s’adapter à cette nouvelle situation. A l’inverse, si nous

observons une stabilité dans le timing inter-gestuel, alors nous pourrons conclure que

des compensations sur le plan temporel s’opèrent rapidement.

4.2.2 Le timing intra-gestuel

A l’aide de l’électropalatographie, nous avons segmenté les consonnes en plusieurs

périodes : l’établissement de la constriction, la tenue articulatoire, la constriction

maximale et le relâchement de la constriction. Nous nous demandons si le bite-block a

un effet sur chacune de ces phases de la consonne. Si la présence du bite-block allonge

la consonne, cet allongement est-il marqué différemment selon la phase de la

consonne ? La présence des bite-blocks modifie-t-elle les durées des phases

articulatoires, de fermeture, de tenue articulatoire, de constriction maximale,

d’occlusion complète, et d’ouverture ?

Quelle serait alors la phase de la consonne qui ne subit que peu ou pas de changements

temporels ? En supposant que la phase médiane (tenue et constriction maximale) est la

plus pertinente pour une bonne production et une bonne perception de la consonne, nous

ne devrions pas observer beaucoup de changements temporels entre la parole normale et

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86

la parole perturbée. Autrement dit, la phase médiane résisterait mieux que les autres

phases à la présence d’une perturbation.

4.2.3 Les déplacements linguaux

Les mesures spatiales sont prises au moment où la constriction (langue palais) est à son

maximum dans le conduit vocal. L’amplitude des contacts est définie dans cette étude

comme étant le plus grand nombre de contacts linguo-palataux. Nous nous demandons

si la présence des bite-blocks modifie l’amplitude des gestes articulatoires. Nous avons

vu dans le chapitre 3 que la mâchoire et la langue sont mécaniquement liées. Nous

pensons que la langue, devenue moins mobile quand la mâchoire est bloquée, ne pourra

pas réaliser une aussi large constriction qu’en parole normale. Plus l’ouverture

mandibulaire est importante, plus la constriction devrait être réduite et l’amplitude des

contacts linguo-palataux réduite. Si la trajectoire de la constriction linguo-palatale est

modifiée, alors le lieu d’articulation de la consonne est déplacé. Nous nous demandons

si les bite-blocks incitent à une postériorisation ou à une antériorisation des contacts

linguo-palataux.

Des aspects spatiaux (amplitude de contacts) et temporels (durée de la fermeture et de

l’ouverture) nous avons déduit les vitesses de fermeture et d’ouverture. La présence des

bite-blocks modifie-t-elle la rapidité d’exécution de l’établissement et du relâchement

de la constriction ? Si avec les bite-blocks nous supposons un allongement temporel et

une réduction de l’amplitude, alors nous pouvons dire les mouvements linguaux sont

plus lents. Si nous supposons un racourcissement temporel, alors les mouvements

linguaux seraient plus rapides.

4.3 A propos des contraintes de production

Les consonnes étudiées sont /d/ et /t/ suivies alternativement des voyelles /a/ et /i/. Bien

que nous ayons conscience qu’il existe en parole normale déjà une étendue de

réalisations, due en grande partie à la coproduction de deux ou plusieurs segments, nous

cherchons à faire ressortir la variabilité dans le geste consonantique qui serait propre à

la seule présence des bite-blocks. Nous nous demandons si les effets des bite-blocks

dépendent de la nature de la voyelle subséquente et du voisement de la consonne. Pour

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.

87

répondre à cette question nous devons isoler les effets des bite-blocks et voir s’ils sont

significatifs.

D’autre part, nous nous attendons à observer des différences de réaction entre nos deux

locuteurs. Nous supposons que la stratégie de réponse aux perturbations sera fonction de

leurs caractéristiques physiologiques propres, des contraintes phonologiques,

aérodynamiques et/ou articulatoires. Mais nous espérons parvenir à isoler des réponses

communes aux deux locuteurs, des régularités qui pourront être citées comme des

principes en production de parole afin de préserver la viabilité de l’acte linguistique

malgré la perturbation.

Enfin, nous cherchons des effets d’adaptation à la perturbation. Est-ce que

l’apprentissage, ou le fait que la tâche soit répétée plusieurs fois, aide le locuteur à

réaliser plus facilement ses réajustements articulatoires ? Nous avons enregistré douze

répétitions de chaque séquence à étudier sur trois sessions d’enregistrement. Pour

prendre conscience d’un éventuel effet d’adaptation, nous comparons les résultats de la

première session aux résultats de la dernière session. Ainsi, nous tentons de savoir si les

réajustements articulatoires repérés sont une réaction innée et spontanée du système

(pas de différence significative entre la première et la dernière session) ou sont issus

d’un processus de contrôle volontaire qui s’améliore avec le temps, l’apprentissage et la

mémoire.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

89

CHAPITRE 5

Méthode expérimentale

5.1 Introduction

Nous rappelons que nous voulons quantifier et qualifier les variations des mouvements

linguaux en réponse à une perturbation extérieure : blocage de l’ouverture mandibulaire

au moyen de bite-blocks. Nous effectuons une analyse spatio-temporelle des

mouvements linguaux à l’aide de l’électropalatographie. Le bon déroulement d’un

travail de recherche repose en grande partie sur les moyens et méthodes dont nous

disposons pour répondre à la problématique posée. Nous présentons donc dans ce

chapitre la méthodologie choisie. Nous commençons par exposer comment nous avons

constitué le corpus et comment nous avons réalisé les enregistrements

l’électropalatographiques. Ensuite nous présentons de quelle manière nous avons traité

le corpus. Nous l’avons segmenté et étiqueté afin d’obtenir les mesures articulatoires

des mouvements linguaux de chaque locuteur. Nous justifions nos choix expérimentaux

et de proposons des solutions aux problèmes rencontrés.

5.2 Description du corpus

5.2.1 Cadre expérimental

Les mouvements linguaux compensatoires des locuteurs sont appréhendés en

fonction de plusieurs variables. Ces variables indépendantes font partie des contraintes

de production dont il faudra tenir compte lors de l’interprétation des résultats :

-le lieu d’articulation des consonnes

-la coarticulation en fonction du contexte vocalique ouvert/fermé

-le voisement

-la configuration du palais de chaque locuteur

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90

Les variables dépendantes sont les événements observés sur le plan spatial et temporel :

l’amplitude et le positionnement des contacts linguo-palataux, les durées des segments

consonantiques et les durées des différentes phases de la consonne. Nous pouvons

déduire de ces observations spatio-temporelles la vitesse avec laquelle la langue atteint

le point de constriction et la vitesse avec laquelle la langue revient dans sa position

initiale.

5.2.2 Le corpus

5.2.2.1 Préliminaires et limites de notre étude

Seules les consonnes linguo-palatales, qui nécessitent la langue comme articulateur,

retiennent notre attention. Les consonnes bilabiales et labiodentales /p, b, f, v, et m/ sont

ainsi exclues de l’analyse de cette thèse. Au départ de l’investigation, nous avons

enregistré un large corpus qui contenait l’ensemble des consonnes linguales du français:

les occlusives orales et nasale /n, t, d, k, g/, les fricatives /s, z, S, Z/. Nous avons tenu à

travailler sur les deux grandes macro-classes du système consonantique français : les

occlusives et les fricatives. Dans le tableau suivant, nous avons regroupé sous le terme

« Avant » les consonnes qui s’articulent dans la région antérieure du palais (dentale,

alvéolaire, pré-palatale) et sous le terme « Arrière » celles qui s’articulent dans la

région postérieure du palais.

Mode d’articulation Lieu d’articulation

Avant Arrière

Occlusive n, t, d k, g

Fricative s, z, S, Z

Latérale l

Figure n° 5.1: Tableau de toutes les consonnes enregistrées pour notre corpus.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

91

5.2.2.2 Constitution du corpus

Afin de réduire certaines variables qui risqueraient de nous induire en erreur ou de

fausser nos interprétations (débit de parole, accentuation), nous avons choisi de

travailler sur un corpus contrôlé. Une étude articulatoire, comme la nôtre, demande la

mise en place d’un protocole expérimental particulier, notamment pour utiliser

l’électropalatographie. Nous avons donc constitué un corpus dit « de laboratoire » par

opposition à des corpus oraux plus spontanés comme des entretiens guidés ou des

dialogues. Le corpus est constitué de séquences Consonne-Voyelle-Consonne (CVC)

Chaque consonne étudiée est initiale de la séquence CVC dans laquelle la voyelle est

alternativement la plus ouverte, /a/, et la plus fermée, /i/. Ces deux voyelles extrêmes du

système vocalique français sollicitent deux positions différentes de la mandibule. La

production de la voyelle /a/ exige que la mandibule soit en position basse alors que la

production d’un /i/ se fait en relevant la mandibule en position haute.

Ensuite, nous avons inséré ces séquences à l’intérieur de la phrase porteuse « il ne dit

pas CVC encore ». La construction de phrases porteuses permet au locuteur de produire

la séquence étudiée à l’intérieur d’un schéma rythmique inchangé, sans que ces

séquences ne soient isolées afin de neutraliser les effets de liste, notamment relatifs à

l’intensité et à la finalité. La syllabe cible CV est placée au milieu de la phrase. Nous

avons affecté symétriquement la voyelle /a/ de part et d’autre de la séquence CVC pour

que le contexte vocalique des séquences CVC soit ouvert (a CVC a). Le choix de cette

voyelle repose sur le fait qu’elle est communément décrite comme étant la voyelle qui

exerce le moins d’influence sur les segments contigus. Observée avec

l’électropalatographie, la voyelle /a/ se caractérise par une quasi-absence de contacts

linguo-palataux, si ce n’est parfois quelques contacts latéraux postérieurs. Cette

articulation ouverte facilite le repérage du début et de la fin des constrictions linguo-

palatales des segments consonantiques. Ainsi, au début et à la fin de la séquence CVC,

la langue est en position basse. En résumé, notre corpus compte 20 phrases, et nous

avons étudié les suivantes

Il ne dit pas tit encore

Il ne dit pas tat encore

Il ne dit pas did encore

Il ne dit pas dad encore

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Dans un second temps, nous avons procédé à une réduction du corpus. Finalement nous

nous sommes concentrée sur l’observation affinée des paramètres spatiaux et temporels

des consonnes /t/ et /d/. Nous avons retenu les occlusives alvéolaires orales pour

plusieurs raisons. Ce sont des consonnes antérieures pour lesquelles l’analyse

électropalatographique donne une information complète. L’analyse temporelle de

l’évolution d’une consonne occlusive peut se faire sur les trois phases articulatoires

(attaque, tenue, relâchement) permettant ainsi d’estimer le timing intra-segmental. Face

aux variations naturelles dans la chaîne parlée (coarticulation, débit, accent) les

occlusives sont des consonnes très résistantes et donc moins déformées. En les

choisissant, nous pensions avoir plus de chance de trouver des variations qui soient dues

à la présence de la perturbation expérimentale.

Nous avons exclu les consonnes vélaires car avec une voyelle ouverte comme le /a/,

nous ne pouvons pas distinguer la constriction au-delà de la limite du palais dur et en

déduire une analyse articulatoire complète

Nous avons analysé la consonne C1 accentuée de la séquence C1VC2. Nous justifions

ce choix en faisant référence aux travaux déjà existants sur la force articulatoire. Une

hypothèse serait de dire que l’accent provoque un renforcement articulatoire local issue

d’une activité musculaire plus importante (Ellis et Hardcastle 1999, Fougeron 1998).

Les consonnes initiales sont plus robustes à la coarticulation et aux changements :

effacement de beaucoup de consonnes finales mais préservation des consonnes initiales.

Straka (1963) rend compte que la parole en tant qu’acte biologique est caractérisée par

la modulation de l’activité musculaire et énergétique accrue en fonction des impératifs

linguistiques tels l’accent, ou extralinguistiques tels une prononciation très marquée. Ce

processus de renforcement par la force articulatoire rend compte des phénomènes de

variations phonétiques et phonologiques.

5.2.2.3 Les locuteurs

Le plus gros écueil rencontré en ce qui concerne la formation du corpus était de trouver

des locuteurs qui avaient déjà leur propre palais artificiel. Les palais artificiels doivent

être réalisés par moulage sur le palais dur de chaque locuteur et le coût de la réalisation

est très élevé. Nous avons pu enregistrer deux jeunes hommes de 29 ans et 30 ans, de

langue maternelle française et résidant à Aix-en-Provence pendant les enregistrements.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

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Lors d’une étude antérieure sur les voyelles nasales du français méridional (Clairet,

1997), nous recherchions des locuteurs à l’accent particulièrement marqué à opposer à

des locuteurs ayant un accent plus neutre. Or, les résultats du test de validation réalisé

par dix auditeurs ont donné ces deux locuteurs (YM et BL) comme n’ayant pas d’accent

régional marqué. Nous soulignons que nos locuteurs n’avaient pas de problème de

production ou de perception de la parole, ni d’anomalie physiologique au moment des

enregistrements.

5.2.2.4 Les conditions d’enregistrement

C’est par l’intermédiaire de la station de travail PHYSIOLOGIA que nous avons pu

recueillir nos données électropalatographiques. Cette station de travail a été développée

à l'Institut de Phonétique d'Aix-en-Provence par Bernard Teston, Benoît Galindo et

Alain Ghio (Teston et al. 1990, 1999). Les enregistrements ont eu lieu à l’Hopital

Pasteur d’Aix-en-Provence, où une annexe du laboratoire Parole et Langage est installée

dans le service Neurologie-Rééducation Fonctionnelle du Dr Viallet. Nous avons réalisé

3 sessions d’enregistrement : une première en décembre 1999, une seconde en

septembre 2000 et la dernière en janvier 2001. Les locuteurs étaient enregistrés avec un

micro-casque, leur palais artificiel respectif et leurs bite-blocks respectifs (trois tailles

de bite-blocks). Une période d’adaptation au palais artificiel d’environ trente minutes

était prévue pour chaque locuteur. Durant cette période, nous discutions avec lui et lui

faisions lire le corpus une fois en même temps que nous réalisions les réglages

nécessaires sur l’appareillage de la station de travail. Nous estimions que le locuteur

n’était plus gêné lorsqu’il il ne présentait plus de zézaiement ni de salivation engendrés

par le port du palais artificiel dans la bouche. Les deux locuteurs avaient une certaine

expérience du port du palais artificiel car ils avaient déjà fait l’objet d’autres

expérimentations avec l’EPG. Par contre nous n’avons pas prévu de phase d’adaptation

avec les bite-blocks. Dès que les bite-blocks étaient mis en place dans la bouche, nous

demandions au locuteur de commencer à lire le corpus.

La tâche demandée était la suivante. Les locuteurs devaient lire les 20 phrases, le plus

naturellement possible, avec un débit normal et sans pause. Si phrase nous semblait lue

trop rapidement ou trop lentement nous pouvions la réenregistrer à notre guise afin

d’essayer de contrôler le débit de parole. Dans les cas de réalisations présentant une

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hésitation, une erreur segmentale ou prosodique (intonation interrogative sur une

assertion ou insertion de pause…) ou d’un problème technique pendant l’acquisition, la

phrase était relue et réenregistrée.

Chaque phrase était lue par le locuteur dans un ordre aléatoire. Les bite-blocks étaient

aussi présentés de façon aléatoire puisque le locuteur les choisissait sans les voir. Nous

avons réalisé trois épaisseurs de bite-blocks. Ainsi, avec la condition de référence sans

bite-block, nous avions quatre conditions expérimentales:

B0 : sans bite-block, enregistrement de référence

B1 : avec bite-block1 (fin)

B2 : avec bite-block2 (moyen)

B3 : avec bite-block3 (large)

5.2.3 La réalisation des bite-blocks

Le choix de l’épaisseur des bite-block s’est fait en référence à ceux trouvés dans la

littérature. Nous rapportons ici un échantillon des différentes épaisseurs de bite-blocks

que nous avons pu recenser à partir des études antérieures. Nous avons choisi nos trois

épaisseurs parmi la gamme proposée dans le tableau ci-dessous, figure 5.2, en essayant

de rester le plus cohérente possible et de respecter les mêmes écarts d’épaisseur entre

les bite-blocks, mais aussi en fonction des outils et possibilités techniques dont nous

disposions.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

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Etudes Epaisseur des bite-blocks

Lindblom et al. 1977, 1979 2,5, 6, 21,

22,5 et 25 mm

Warren et al. 1980, 1984 1, 3 et 6 mm

Fowler et Turvey 1980 10 et 14 mm

Folkins et Zimmerman 1981 5 et 15 mm

Gay et al. 1981 2,5 et 25 mm

Kelso et Tuller 1983 5, 17, 23 mm

Putman et al. 1986 2, 4 et 6 mm

Flege et al.1988 5, 8, 9, 14mm

McFarland et Baum 1995 10 et 22,5mm

Savariaux et al. 1995 3, 5 et 8 mm

McFarland et al. 1996 Palais 3 et 6mm

Demolin et al. 1997 Bouteille 2 cm diamètre

Horga 2002 3 et 25 mm

Figure n° 5.2 : Tableau des différentes épaisseurs des bite-blocks utilisés dans les études antérieures.

La réalisation des bite-blocks a été faite manuellement avec la pâte de KERR, réservée à

l’usage bucco-dentaire. Cette pâte est une résine dentale thermo-malléable qui sert

habituellement à faire les empreintes dentaires et qui se présente sous forme de tablettes

de 5 mm d’épaisseur. Nous l’avons faite ramollir en la trempant quelques minutes dans

l’eau bouillante. Ensuite, devenue facilement malléable, nous lui avons donné la forme

voulue. Nous l’avons roulée en boudins d’environ quatre centimètres de long et l’avons

calée entre les molaires du locuteur. Ensuite, le locuteur fermait la mâchoire sur des

mèches tenues coincées entre les incisives, sans bouger, durant les quelques secondes

nécessaires au durcissement de la pâte.

Cette méthode a permis de garder les empreintes des dents sur les bite-blocks pour

éviter ainsi les glissements quand le sujet parlait de façon continue. Une fois le bite-

block installé, nous avons mesuré l’intervalle inter-dental des incisives à l’aide d’un

pied à coulisse. Les mèches utilisées étaient de 5, 10 et 16 mm d’épaisseur pour chaque

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locuteur. Cependant, les intervalles mesurés entre les incisives ont été soumis à de

légères variations en fonction des dentures de nos locuteurs.

Mèches Locuteur YM Locuteur BL

5 mm

10 mm

16 mm

5,5 mm

10 mm

17 mm

6 mm

11 mm

17 mm

Figure n° 5.3 : Tableau des intervalles inter-incisives de nos locuteurs.

Afin d’obtenir l’aspect final du bite-block il a était nécessaire de raboter et de limer

finement le surplus de pâte qui retombait sur les côtés internes et externes des gencives.

En effet, ce dernier ajustement permit aux locuteurs de ne pas sentir les bite-blocks avec

la langue. Ils n’avaient donc aucun risque de se râper la langue et d’entraver ses

mouvements. Après plusieurs tests, nous obtenions l’aspect final des bite-blocks

présentés dans la figure ci-dessous.

Figure n° 5.4 : Les trois épaisseurs de bite-blocks : de gauche à droite, des plus épais aux moins épais.

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

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5.3 L’électropalatographie

L’électropalatographie dynamique (EPG) est une technique qui permet d’enregistrer à

intervalles réguliers le contact de la langue sur le palais dur. Cette technique fournit des

informations spatio-temporelles sur l’articulation linguale des sons de la parole, dans les

plans coronal et sagittal. C’est le seul instrument de mesure qui donne des informations

spatiales et temporelles des patrons de contacts entre la langue et le palais (Stone 1997).

Les mouvements articulatoires ne sont pas directement détectés mais sont inférés par les

changements des configurations des patrons linguo-palataux.

Figure n° 5.5: Un exemple d’un palais artificiel (modèle de Reading) moulé sur le palais dur, d’après Meynadier (2003).

L’EPG se compose d’un palais artificiel fabriqué en résine acrylique d’une épaisseur

d’environ un millimètre et demi à partir d’une empreinte du palais de chaque sujet. Il est

moulé pour couvrir tout le palais dur. 62 électrodes sont arrangées symétriquement en

ligne sur l’axe coronal. Au moyen d’une électrode externe, un courant électrique de bas

voltage est envoyé dans le corps du locuteur porteur du palais. L’électrode externe et les

électrodes du palais constituent deux pôles du circuit électrique. La langue agit comme

un commutateur. Lorsqu’elle touche une électrode, le circuit est fermé et le contact est

détecté grâce au passage du courant (Marchal 1988, Nguyen et Marchal 1993). Le

système EPG dont nous disposons à Aix-en-Provence est le système de Reading. Il est

possible d’acquérir un signal émis par les 62 électrodes toutes les 5 millisecondes.

(Hardcastle 1972, 1984, Hardcastle et al. 1989) Comme illustré dans la figure 5.6 ci-

dessous, les électrodes contactées sont noircies et les électrodes non contactées sont en

blanc. Plus il y a d’électrodes contactées, plus la constriction est importante et

inversement. L’on peut se référer aux nombreux travaux de Hardcastle (1991) et de

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Nicolaidis et al. (1993) pour une revue complète des études EPG. La concentration des

électrodes est plus grande sur les régions antérieures alvéolaire et pré-palatale. L’écart

entre les électrodes varie en fonction de leur localisation sur le palais et donc de la

morphologie du sujet. Il n’existe donc pas deux palais identiques.

Figure n° 5.6 : Un palais artificiel et sa représentation graphique à droite.En noir,nous voyons les électrodes contactées pour la constriction maximale de /t/, d’après Meynadier (2003).

Pour le linguiste il existe plusieurs applications essentielles de l’EPG. Les données

palatographiques peuvent être utilisées pour caractériser l’articulation des sons du

langage (Marchal 1985) à partir de l’observation de la localisation et de l’étendue des

contacts linguo-palataux. Ainsi on peut définir le mode et le lieu d’articulation de

chaque segment phonétique. L’EPG nous permet aussi de différencier les différentes

parties de la langue (l’apex, la lame, le corps ou la partie postérieure) qui entrent en

contact avec les différentes régions du palais (Nguyen et al.1996). L’EPG renseigne sur

tous les sons linguo-palataux des langues du monde qui sont réalisés à partir de contacts

de la langue sur le palais : les sons alvéolaires, tels [t, d, l, n, s, z], post-alvéolaires, [Z,

S], les flaps, et les trills, pour le japonais (Fujimura et al. 1973), pour l’Italien

(Farnetani, 1986), pour le catalan (Recasens, 1991, 1993b), pour l’anglais (Hardcastle

1984). Les sons vélaires comme [k, g, N ] sont moins étudiés car le palais traditionnel de

Reading s’arrête habituellement avant le palais mou.

Pour les fricatives, l’EPG fournit des informations sur la largeur et la longueur du sillon

formé par la langue caractéristique de ce mode d’articulation. (Flege et al. 1988).

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

99

L’effet de coarticulation des voyelles adjacentes sur les contacts de la langue et du

palais pendant la production des consonnes révèle la façon dont nous réalisons les

séquences des sons et quelles sont les stratégies de contrôle (Farnetani 1990, 1991,

Marchal 1983, Recasens 1984, 1999, Gibbon et al. 1993).

Dans l’étude des désordres langagiers, l’EPG est utilisé pour étudier aussi les sujets

pathologiques. C’est un instrument de choix car il est assez peu invasif. Une revue des

aspects clinique de l’utilisation de l’EPG peut être trouvée chez Nicolaidis et al. (1993).

Pour l’étude des articulations compensatoires de la langue en réponse à une perturbation

dans le conduit vocal, Flege et al. (1988) ont utilisé l’EPG pour observer les

mouvements de la langue lors de la production des /t/ et /S/ anglais et arabe quand la

mâchoire était bloquée. Nous pouvons aussi référer aux travaux de Hamlet et Stone

(1988), McFarland et Baum (1995) et certaines études recensées dans le chapitre 3. Au

cours de travaux précédents (Clairet 2000), nous avons aussi utilisé l’EPG pour

observer les mouvements compensatoires de la langue sur les consonnes occlusives et

fricatives du français en situation de mâchoire bloquée.

5.3.1 Les plus et les moins de l’EPG

Les avantages de l’EPG sont notamment que l’acquisition des données peut se faire sur

le plan spatial et temporel. La représentation dynamique est sur trois dimensions : sur

l’axe antéro-postérieur, sur l’axe gauche-droite et sur l’axe temporel.

Les données peuvent être rapides à acquérir

Cette technique est peu invasive et sans risque pour les sujets. Elle permet des

enregistrements sur plusieurs sessions.

Le signal acoustique est retransmis en simultané et peut permettre une analyse

acoustique parallèle.

Reste que les inconvénients de l’EPG sont les suivants.

Le coût élevé de chaque palais et le peu de fabricants rend la démarche longue et

difficile et a pour effet de limiter le nombre de locuteurs.

L’EPG donne des informations seulement quand la langue touche le palais dur. Les

mouvements de la langue dans la cavité buccale entre deux réalisations palatines ne sont

pas connus, notamment quand la mâchoire s’abaisse fortement et que la langue bouge

loin du palais. L’EPG ne permet pas d’obtenir des informations directes sur les

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caractéristiques cinématiques des mouvements de la langue comme la vélocité ou le

déplacement du corps de la langue.

Les articulations postérieures sur le palais mou ne sont pas toujours visibles. Il est

difficile d’observer des consonnes vélaires telles que /k/ et /g/ sans penser qu’il y a peut-

être des contacts qui ne sont pas visibles, car trop postérieurs.

La question de l’influence d’un palais artificiel a été étudiée, entre autres, par Hamlet et

Stone (1978). Ces auteurs montrent que la mandibule s’abaisse davantage dans la parole

sans palais que dans la parole avec palais. Hamlet et Stone (1978) montrent que les

consonnes alvéolaires les plus affectées restent les fricatives même après une période

d’adaptation de quinze minutes : le palais induit une diminution de la dépression

centrale caractéristique de la réalisation normale de /s/ bien que le lieu d’articulation ne

soit pas changé. Il est important de noter que ces auteurs utilisent un palais artificiel de

3 à 6 mm d’épaisseur et que le port d’un palais d’un millimètre et demi d’épaisseur leur

sert de valeur de référence. L’étude de McFarland et al. (1996) confirme aussi la

fragilité du /s/ par rapport aux autres consonnes alvéolaires, face au port du palais.

Cependant ces études s’accordent à conclure que l’utilisation d’un palais artificiel de

moins d’un millimètre et demi d’épaisseur ne constitue pas une entrave importante à

l’articulation normale. Le débit et la durée des phonèmes ne sont pas significativement

affectés par le port du palais artificiel (Hamlet et Stone 1978, McFarland et al.1996).

Concernant la question d’un éventuel blocage des récepteurs tactiles du palais dur, les

études de Hardcastle (1972, 1976) confirment que le palais ne contient que très peu de

récepteurs tactiles. En effet, c’est une région si pauvre en nerfs qu’elle ne joue pas de

rôle sensoriel. Les informations tactiles sont émises par les nombreux capteurs

sensoriels de la langue : c’est elle qui renvoie le feedback tactile et peut aisément

compenser le port d’un palais artificiel.

Nous avons conscience des éventuelles carences que présente cette technique

d’investigation qu’est l’EPG. D’une part nous avons orienté la formation du corpus sur

des consonnes dont nous sommes certaine de la viabilité de l’analyse

électropalatographique. D’autre part, nous savons par exemple qu’il sera impossible de

rendre compte des vitesses brutes de l’exécution des gestes linguaux. Mais nous

arrivons à déduire quand même le temps que la langue met pour effectuer le passage

d’une cible articulatoire à l’autre. L’EPG nous semble un instrument de choix pour

étudier l’articulation des sons linguo-palataux dans les trois plans, coronal, sagittal et

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

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temporel. L’EPG permet des analyses multiples sur l’axe spatial (amplitude des

contacts), temporel (timing inter-gestuel et intra-gestuel) et spatio-temporel (vitesse

d’établissement des gestes).

5.3.2 Les caractéristiques des consonnes linguales

5.3.2.1 Sur le plan spatial

Les informations sur le plan spatial permettent de définir le mode et le lieu

d’articulation de la consonne, autrement dit de voir quelle partie de la langue contacte le

palais pour la réalisation d’un segment phonétique. Les différentes parties du palais sont

délimitées en zones de façon empirique avec de fines variations (Recasens 1990,

Hardcastle 1991, Gibbon et Nicolaidis 1999). Les différentes parties de la langue sont

aussi divisées en sections de manière plus fonctionnelle, comme nous l’avons détaillé

dans le chapitre 4 de la deuxième partie (Laver 1994, Hardcastle 1976). De ces

informations, nous obtenons l’amplitude des gestes linguo-palataux qui correspond à

l’aire de contact entre l’articulateur actif (langue) et l’articulateur passif (palais dur).

Physiquement l’amplitude de contacts correspond au nombre d’électrodes contactées au

moment de la constriction maximale dans la cavité buccale. Quand la langue est relevée

dans la cavité buccale, l’amplitude de ses contacts contre le palais est importante, quand

elle est abaissée, l’amplitude des contacts est nulle. Ce degré d’élévation de la langue

dépend de la nature du segment réalisé, mais aussi du contexte vocalique environnant,

des phénomènes accentuels et prosodiques, du débit et du style de parole.

Le lieu d’articulation de la consonne correspond à l’endroit sur le palais où les

électrodes contactées sont les plus nombreuses : c’est le point de constriction maximale.

Les consonnes alvéolaires montrent des contacts dans la région dento-alvéolaire, ou

alvéolaire, caractérisés par un contact de l’apex et/ou de la lame (geste coronal). Les

consonnes palatales montrent des contacts dans la région palatale (centrale) ou dans la

région pré-vélaire, et sont caractérisées par le mouvement du corps de la langue. Les

consonnes vélaires sont articulées avec le dos de la langue dans la région la plus

postérieure du palais correspondant à la limite entre le palais dur et le palais mou. Le

mode d’articulation est déduit par la répartition des contacts sur l’axe gauche-droite. De

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nombreux contacts centraux traduisent une constriction étroite. Les occlusives sont les

consonnes qui ont le plus de contacts centraux puisque leur production exige un barrage

total du flux d’air. A l’inverse, peu de contacts centraux traduisent une constriction plus

large. Les fricatives ont moins de contacts centraux parce que leur réalisation doit se

faire de façon à laisser libre le passage du flux d’air. Concernant les voyelles qui sont,

généralement plus ouvertes que les consonnes, les informations EPG peuvent s’avérer

pauvres. En effet, seules les voyelles les plus fermées qui nécessitent une plus grande

fermeture mandibulaire, telles /i, y, u/ admettent quelques contacts visibles alors que les

voyelles ouvertes ne montrent pas de contacts linguo-palataux.

Figure n° 5.7 : Illustration de différentes consonnes du français prises au moment de la constriction maximale, en contexte a_a, d’après Meynadier (2003).

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

103

5.3.2.2 Sur le plan temporel

L’EPG peut aussi montrer quelle est l’évolution temporelle des mouvements linguo-

palataux que nous venons de décrire. L’EPG ne montre pas le début et la fin de

d’élévation ou d’abaissement de la langue, mais donne les contacts linguo-palataux à

partir du moment où la langue contacte le palais. Pour le timing intra-gestuel, il est

possible de délimiter et de quantifier les différentes phases d’un geste de constriction :

attaque, constriction maximale et relâchement et aussi l’occlusion totale. Pour le timing

inter-gestuel, on peut quantifier les effets de la coordination inter-gestuelle

correspondant à la coproduction entre les différents segments adjacents dans la chaîne

parlée.

5.3.3 Le traitement des données

Dans cette partie, nous expliquons de quelle façon nous avons effectué les mesures

spatiales et temporelles des consonnes des séquences CVC avec le logiciel M.E.S.

(Espesser 1996). Notamment nous exposons nos critères de segmentation, les problèmes

rencontrés et les solutions proposées. Les mesures sont fondées sur la reconnaissance

des différents événements articulatoires appréhendés de manière discrète et qui nous

semblent les plus pertinents dans la réalisation des consonnes étudiées.

5.3.3.1 Le logiciel MES

Nous avons pu analyser les paramètres articulatoires enregistrés avec le logiciel M.E.S,

développé par Robert Espesser, sous environnement UNIX (Espesser 1996). Ce logiciel

permet d’effectuer des mesures à partir de l’observation des courbes intonatives (F0) et

d’intensité, les sonagrammes, les contacts linguo-palataux (EPG), les mouvements

E.M.A (Articulograph ou Movetrack). Il permet surtout d’effectuer un marquage en

unités discrètes des courbes temporelles grâce à la segmentation, et la création de

fichiers d’étiquettes.

Sur le plan spatial, le palais dynamique nous présente directement les électrodes

activées au fur et à mesure que nous déplaçons le curseur sur le signal de parole, avec

une image des profils de contacts toutes les 5 ms. Il permet d’observer en détail chaque

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104

configuration articulatoire (modification spatiale des contacts) propre à chaque phase

consonantique à un moment choisi.

Sur le plan temporel, les événements articulatoires peuvent aussi être représentés par

des courbes d’évolution des contacts linguo-palataux. Ces courbes nous donnent un

aperçu continu de l’évolution des contacts linguo-palataux lors de la réalisation d’un ou

plusieurs gestes articulatoires. Nous pouvons alors mesurer la durée de l’élaboration de

la constriction, la durée de la constriction, la durée du relâchement de la constriction.

Nous pouvons voir sur la figure 5.8 ci-dessous, un exemple de courbe des contacts

d’une séquence /tat/ synchronisée avec le signal acoustique.

Figure n° 5.8 : Evolution temporelle d’une courbe des contacts linguo-palataux sur une séquence /tat/, locuteur YM. En abscisse, le temps et en ordonnées, le nombre de contacts.

5.3.3.2 La segmentation palatographique

Afin d’isoler les contacts linguo-palataux dans la zone d’articulation propre à chaque

occlusive, nous avons défini les zones EPG en fonction du lieu d’articulation des

consonnes, autrement dit selon le lieu de concentration maximale des électrodes

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

105

contactées,. La zone alvéolaire correspond aux trois premières rangées antérieures du

palais. La zone antérieure est définie par les quatre premières rangées. La zone vélaire

correspond aux trois rangées postérieures du palais et la postérieure par les quatre

dernières. Afin de poser des marqueurs, il faut définir un certain nombre de critères de

segmentation. Ces critères sont utilisés pour traiter toutes les séquences CVC, aussi bien

avec les bite-blocks que sans. L’illustration 5.9 ci-dessous représente la courbe

d’évolution schématisée des contacts linguo-palataux d’une consonne /t/ suivie de /a/ et

la segmentation des ses différentes phases.

Figure n° 5.9 : Un exemple de segmentation manuelle d’une séquence /dad/, locuteur BL.

A

BC D

E

F

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106

A : Le début de la constriction linguo-palatale correspond au point initial des contacts

linguo-palataux. A ce moment il y a au moins une électrode activée indiquant au moins

un contact dans la zone d’articulation observée sur le palais. Cela se traduit sur la

courbe des contacts par un pourcentage de contacts strictement supérieur à zéro.

B : Le début de la tenue articulatoire dans la zone d’articulation de la consonne est

identifié par la première image EPG qui donne le taux de contacts le plus élevé dans la

consonne : le plus souvent un plateau des valeurs maximales du contact linguo-palatal.

Bien sûr, les critères changent en fonction du lieu d’articulation des consonnes

observées. Concernant /t/ et/d/, le début de la tenue est marqué dès que commencent les

contacts latéraux et dento-alvéolaires : le premier plateau des valeurs sur la courbe.

C : Le début de la constriction linguo-palatale maximale dans la zone d’articulation de

la consonne est identifié dès que nous observons un maximum absolu de contacts (un

maximum d’électrodes activées). L’occlusion complète (sur le palais dynamique,

barrage total du flux d’air dans la zone d’articulation de la consonne) peut apparaître

superposée avec le maximum absolu de contacts, totalement ou en partie.

D : La fin de la constriction linguo-palatale maximale est réalisée dès que nous

observons la fin des contacts maximum absolus, c’est à dire que la courbe commence à

descendre.

E : La fin de la tenue articulatoire est la dernière image EPG d’un plateau plus ou moins

stable des valeurs maximales. Pour les occlusives d’avant /t/ et /d/, la fin de la tenue se

note juste avant que les derniers contacts latéraux et dento-alvéolaires disparaissent.

F : La fin de la constriction linguo-palatale correspond à la dernière image EPG qui

montre au moins une électrode activée, quand la consonne est suivie de /a/. Avec /i/, la

constriction n’est pas finie car il reste toujours les contacts du /i/. Pour passer de la

production d’une occlusive alvéolaire à la production d’un /i/, l’apex se décolle et la

lame est relevée. Nous avons marqué la fin de la constriction dès la perte de contacts

dans la région dento-alvéolaire (deux premiers rangs), et l’apparition des contacts dans

la région postalvéolaire (troisième et quatrième rang) et dans la région palatale.

En résumé, la consonne entière est délimitée par les points A et F. La fermeture est

limitée par les points A et C). L’ouverture est délimitée par les points D et F. La

constriction maximale est délimitée par les point C et D. La tenue articulatoire est

délimitée par les points B et E. Comme Simon (1967), nous considérons que durant la

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

107

tenue, « la partie des organes qui intervient plus spécialement dans la réalisation d’un

phonème, en le rendant distinct d’un autre, reste en position, mais il peut y avoir, et il y

a en général, des modifications par ailleurs » (Simon 1967 p.150). Cette définition

souligne l’indépendance entre l’apex et le corps de la langue. En effet, l’apex peut rester

contactée contre les alvéoles alors que le corps de la langue est sujet à des micro-

mouvements. Inversement, quand le corps de la langue est immobile cela n’empêche

pas l’apex de bouger seul, c’est par exemple le cas durant la production d’une séquence

/tit/.

5.3.3.3 La segmentation acoustique

La phrase porteuse et toutes les séquences CVC sont segmentées et étiquetées à l’aide

du sonagramme caractérisé par une bande passante à 300Hz et une hauteur maximale de

6000Hz. Les critères de segmentation utilisés sont les suivants :

Le début de la consonne est noté dès la fin des formants de la voyelle /a/ qui précède la

séquence.

La fin de la consonne, et le début de la voyelle, est notée aussitôt qu’apparaissent les

formants de la voyelle centrale de la séquence CVC.

La fin de la voyelle est notée dès la fin des formants.

La durée de la séquence CVC est notée au début de la première consonne et à la fin de

la seconde.

La durée de le phrase porteuse est délimitée par la totalité du signal acoustique.

5.4 Les mesures électropalatographiques

Rappelons que le but du travail est de déterminer les caractéristiques spatio-temporelles

des gestes articulatoires en parole normale tout d’abord. Ensuit il s’agit de comparer

ces caractéristiques dans les situations de parole perturbée par les bite-blocks. Toutes les

mesures spatiales, temporelles et spatio-temporelles sont effectuées sans bite-block afin

de fournir un cadre de valeurs référentielles, et avec les trois bite-blocks de différentes

épaisseurs. A partir de la segmentation du signal EPG, plusieurs types de mesures ont

été faites. Les mesures relatives à la temporalité des gestes sont la durée et la proportion

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108

des différentes phases de la consonne. Les mesures relatives à la spatialité des gestes

sont l’amplitude des contacts linguo-palataux et leur localisation.

5.4.1 Les paramètres spatiaux.

Sur le plan spatial, nous avons recours au repérage des contacts maximaux pour évaluer

l’amplitude des courbes de contacts, à l’extraction des centres de gravité, et des patrons

moyens de contacts.

L’amplitude est relative au nombre de contacts maximum qui a été relevé

manuellement durant la segmentation palatographique. L’endroit évalué comme étant le

plus pertinent pour ce relevé se situe, au moment de la constriction maximale dans le

conduit vocal. Le nombre de contact maximum est pris sur la totalité du palais, dans la

zone d’articulation de la consonne (région alvéolaire) mais aussi dans la région

postérieure et dans la totalité du palais. Nous avons ensuite calculé le pourcentage

moyen des électrodes activées dans la zone EPG concernée, par rapport à la totalité des

électrodes du palais (62 sur le palais de Reading).

Le taux de remplissage alvéolaire et vélaire est mesuré dans chacune des zones du

palais. Exprimé en pourcentage, ce taux oscille entre 0 et 1 : 0 quand la zone est vide de

contact et 1 quand toutes les électrodes de la zones sont contactées.

Le centre de gravité nous permet de quantifier les déplacements des contacts sur l’axe

antéro-postérieur du palais. Cet indice informe sur la localisation du lieu d’articulation

linguo-palatal de la consonne. Il est aussi mesuré sur la constriction maximale. Le palais

est divisé en huit trames réparties sur deux zones, antérieure et postérieure contenant

quatre rangées d’électrodes chacune. La limite médiane horizontale est un axe zéro de

référence. Les rangées antérieures sont notées de –1 à –4 en partant de l’axe zéro et les

rangées postérieures sont notées de +1 à +4 en partant de l’axe zéro. Plus la valeur est

négative, plus le centre de gravité se déplace vers l’avant du palais. Plus la valeur est

positive, plus le centre de gravité se déplace vers l’arrière du palais. Nous devons la

réalisation de cet indice à R. Espesser qui a confectionné les scripts nécessaires sous

UNIX en s’inspirant des indices de Hardcastle et al. (1991) et Rouco et Recasens

(1996).

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

109

Les patrons moyens découlent d’une moyenne des contacts linguo-palataux sur les

douze répétitions. Les contacts sont moyennés sur chacune des électrodes du palais au

moment de la constriction maximale. Nous obtenons un patron de contacts

caractéristique de chaque consonne, dans chaque condition d’enregistrement et pour

chaque locuteur. Nous présentons, dans la figure 5.10 ci-dessous le patron de contacts

de la consonne /d/ du locuteur YM lors de la réalisation de la séquence /did/ en

production normale. Les électrodes en blanc sur les patrons n’ont jamais été contactées

(0%), les noires ont toujours été contactées (100%). Trois niveaux de gris sont utilisés

pour définir les différents degrés de contact : gris clair pour les contacts jusqu’à 25% ;

gris moyen pour les contacts jusqu’à 50% et gris foncé pour les contacts jusqu’à 75%.

Figure n° 5.10 : Patron moyen pris au moment de la constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur YM.

Les patrons de résistance sont issus de la soustraction des patrons moyens avec chaque

bite-block (B1, B2 et B3) aux patrons moyens en production normale. Ces patrons de

résistance montrent seulement les contacts qui perdurent malgré la présence des bite-

blocks. Nous exposons ci-dessous un exemple de patron de résistance B0-B3 de la

consonne /d/ de /did/ produite par le locuteur BL.

Figure n°5.11 : Patron de la différence de contacts entre B0 et B3, au moment de la constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur BL.

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110

Les patrons de coarticulation sont issus de la différence entre les patrons moyens des

séquences avec /i/ et les patrons moyens des séquences avec /a/. La figure 5.12 ci-

dessous illustre un patron de coarticulation du /t/ du locuteur YM en production

normale.

Figure n° 5.12 : Patron de coarticulation d’un /t/ du locuteur YM.

Pour la confection de ces patrons, nous avons mesuré la distance entre chaque électrode

sur le palais de chaque locuteur. Nous tenons à remercier tout particulièrement Noël

Nguyen qui a réalisé les patrons moyens, les patrons de résistance et les patrons de

coarticulation à partir de ces mesures.

5.4.2 Les paramètres temporels

Les mesures de timing intra-segmental concernent l’articulation indépendante des

consonnes. Les durées de chaque phase de la consonne sont calculées à partir des

différences temporelles entre les marqueurs préalablement posés. Dans un premier

temps, il s’agit de calculer les durées absolues en ms des événements articulatoires.

Pour l’illustration, le lecteur peut se référer à la figure 5.9.

-durée du geste consonantique en sa totalité : xF-xA

-durée de l’établissement de la constriction : xC-xA

-durée de la tenue : xE-xB

-durée du maximum de contacts : xD-xC et de l’occlusion complète

-durée du relâchement de la constriction : xF-xD

Ensuite, nous avons établi la proportion de chaque phase par rapport à la durée totale de

la consonne :

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DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..

111

-Proportion de la tenue dans la consonne : xE-xB/xF-xA * 100

-Proportion du maximum de contacts : xD-xC/ xF-xA *100 et de l’occlusion

complète

-Proportion de la fermeture dans la consonne : xC-xA/ xF-xA * 100

-Proportion de l’ouverture est calculée : xF-xD/ xF-xA * 100

5.4.3 Les paramètres spatio-temporels

Pour calculer la portée de la pente de fermeture, nous avons déduit le nombre de

contacts relevés au début du geste de fermeture, du nombre de contacts relevé au début

de la constriction maximale: yC-yA.

Pour calculer la portée de la pente d’ouverture, nous avons déduit le nombre de contacts

relevé à la fin de la constriction maximale, du nombre de contacts relevé à la fin du

geste de relâchement : yF-yD.

A partir des valeurs d’amplitude des pentes, nous sommes en mesure de déduire les

vitesses d’ouverture et de fermeture linguo-palatale de la consonne d’après la formule

traditionnelle du calcul de la vitesse : Vitesse =Amplitude/Temps. Ces vitesses sont

relatives aux mouvementx de la langue :

-vitesse d’établissement de la fermeture : yC-yA/xC-xA

-vitesse d’établissement de l’ouverture : yF-yD /xF-xD .

Ces mesures fournissent un indice de la rapidité avec laquelle la constriction linguo-

palatale s’établit ou se relâche.

A de stade de l’évolution du travail, nous avons mis en place un protocole expérimental

qui répond à nos besoins : procéder à une analyse comparative de la production des

consonnes linguales alvéolaires avec et sans perturbation. Nous avons préparé notre

corpus en vue d’une analyse électropalatographique des mouvements de la langue

durant la production des consonnes /t/ et /d/ en contextes vocalique différents /a/ et /i/.

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112

5.5 La méthode statistique d’analyse des variations

Dans ce paragraphe, nous présentons la méthode d’analyse statistique choisie pour

étudier les variations articulatoires linguo-palatales dans les quatre conditions

expérimentales. La méthode utilisée est l’analyse de la variance ANOVA avec le

logiciel Statview (Statview 1996). L’analyse est faite par l’ANOVA factorielle puisque

nous considérons l’ensemble des variables secondaires comme ayant le même poids.

Dans un premier temps de l’analyse nous cherchons à montrer quels sont seuls les effets

de la variable principale <bite-block> sur l’organisation spatio-temporelle de la

consonne. La variable indépendante ou principale de notre plan expérimental est la

condition d’enregistrement : sans bite-block (B0) avec le bite-block de 5 mm (B1), avec

le bite-block de 10 mm (B2) et avec le bite-block de 16 mm (b3). La variable

dépendante est tour à tour chaque paramètre mesuré : durée de la consonne, de la

fermeture, de la tenue, de la constriction maximale, de l’ouverture, l’amplitude des

contacts, la vitesse de fermeture et la vitesse d’ouverture.

Dans un second temps, nous cherchons à voir si l’effet de la variable principale <bite-

block> est influencé par les autres variables secondaires comme <locuteur>,

<voisement de la consonne>, < contexte vocalique>. Nous effectuons une étude des

interactions entre les différentes variables.

Dans un troisième temps, l’analyse se fait plus précise sur chaque locuteur

indépendamment, toujours en essayant de distinguer les effets des bite-blocks des effets

des autres variables. Nous pourrons alors confirmer que les comportements des deux

sujets sont différents. L’analyse individuelle tiendra compte du fait que l’effectif total

des données N (380) sera alors divisé par deux (380/2=190 données par locuteur).

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114

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

115

TROISIEME PARTIE : RESULTATS

EXPERIMENTAUX

______________________________________________________________________

CHAPITRE 6 : Les résultats spatiaux

Nous présentons dans cette partie les résultats qui découlent de l’analyse spatiale des

mouvements linguaux durant la production des occlusives. Nous avons relevé le nombre

d’électrodes contactées et leur distribution au moment où la constriction est au

maximum (au moment de l’amplitude maximale), sur chaque séquence et dans les

quatre conditions d’enregistrement, B0, B1, B2 et B3. Les contacts sur chaque électrode

sont moyennés sur douze répétitions, afin de déterminer des patrons de contacts des

occlusives de chaque locuteur.

Voici un récapitulatif des questions que nous nous posons à propos de l’observation des

paramètres spatiaux. Les constrictions maximales sont-elles réduites ou saturées par la

présence des bite-blocks ? Si nous supposons que la constriction est plus faible avec les

bite-blocks, les contacts linguo-palataux seraient moins nombreux. L’amplitude des

contacts serait donc diminuée. Est-ce que le lieu d’articulation de la consonne est

déplacé, le cas échéant, en avant ou en arrière du palais ? L’influence des bite-blocks

est-elle modulée la nature des voyelles et/ ou par le voisement? Observe-t-on un effet

d’adaptation en réponse aux perturbations ? Les locuteurs réagissent-ils de la même

façon ? En premier lieu, nous présentons les aspects quantitatifs des données spatiales,

représentés par un dénombrement précis des contacts linguo-palataux. En second lieu,

nous présentons les aspects qualitatifs sous forme de patrons de contacts afin de

localiser exactement le lieu d’articulation des consonnes.

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116

6.1 Aspects quantitatifs de la répartition des contacts linguo-palataux

Nous cherchons à déterminer dans quelle mesure les variations de l’amplitude des

contacts peuvent être expliquées par les effets des bite-blocks, de la voyelle et du

voisement. Avec L’ANOVA factorielle, nous pouvons voir si les interactions entre les

facteurs sont significatives: une interaction entre au moins deux facteurs signifie que

l’effet de l’un des facteurs varie en fonction de l’autre facteur.

6.1.1 Les contacts linguo-palataux (LP) sur la totalité du palais

5

1 0

1 5

2 0

2 5

3 0

3 5

4 0

4 5

5 0

5 5

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Ce ll

t itta td idd a d

C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r T O T A LEf f e t : lo c * c o n d * c v cBa r r e s d 'e r r e u r : 9 5 % In te r v a lle d e c o n f ia n c e

Figure n°6.1: Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions d’enregistrement. En

ordonnée, le nombre de contacts.

Les bite-blocks ont une influence sur le nombre total des contacts [F(3,380)=3,125 ; p<

0,0259]. Nous voyons, d’après la figure 7.1 que l’effet des bite-blocks n’est pas le

même en fonction des locuteurs. En effet, l’interaction entre les variables locuteur et

condition est fortement significative [F(3,352)=36.56 ; p< 0.0001]. Nous observons

qu’avec les bite-blocks, les contacts linguo-palataux du locuteur BL diminuent. Les

contacts linguo-palataux du locuteur YM augmentent légèrement excepté sur la

séquence /dad/, pour laquelle les contacts diminuent aussi. L’effet des bite-blocks

dépend donc du locuteur mais aussi de la séquence étudiée puisque l’interaction entre

les deux variables <séquence> et <bite-block>, est fortement significative

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

117

[F(9,352)=14.935 ; p<0.0001]. La variable <séquence> dépend du locuteur

[F(3,352)=11.387 ; p<0.0001)]. Les réalisations des séquences sont propres à chacun.

D’une manière générale, les effets des bite-blocks sur le nombre de contacts linguo-

palataux ne sont pas constants mais dépendent des variables. Nous proposons une

observation plus détaillée de l’évolution des contacts linguo-palataux pour chacun des

locuteurs.

6.1.1.1 Les contacts du locuteur BL

La totalité des contacts de BL

05

1015202530354045

dad did tat tit

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n° 6.2 : Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

Les bite-blocks seuls ont une forte influence sur le nombre de contacts LP du locuteur

BL [F(3,188) = 8,486 ; p< 0,0001]. Pour celui-ci, l’effet des bite-blocks dépend aussi

fortement de la nature de la séquence : [F(9,176)=4.033 ; p=0.0001]. Nous remarquons

une disposition bien marquée à la diminution des contacts linguo-palataux avec les bite-

blocks. Les effets des bite-blocks dépendent de la voyelle [F(3,184) = 4,012 ; p=

0,0085]. D’une manière générale, les séquences avec la voyelle /a/ perdent plus de

contacts que celles avec la voyelle /i/. Entre la condition de référence B0 et la condition

B3, le /d/ de la séquence /dad/ accuse une perte de 15,5 contacts, le /t/ de la séquence

/tat/ perd 9,17 contact, alors que le /d/ de la séquence /did/ perd 7,41 contacts et le /t/ de

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118

la séquence /tit/ perd 3,92 contacts. Par contre le voisement de la consonne ne semble

pas interférer les effets des bite-blocks [F(3,184) = 0,803 ; p< 0,4939].

6.1.1.2 Les contacts du locuteur YM.

La totalité des contacts de YM

05

10152025303540455055

dad did tat tit

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n°6.3: Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

D’une manière générale, il semble que les bite-blocks n’ont pas d’effet significatif sur le

nombre de contacts linguo-palataux de ce locuteur [F(3,188) = 0,892 ; p=0,4462]. Nous

n’avons pas trouvé d’interaction entre l’effet des bite-blocks et les effets de la voyelle

[F(3,184) = 2,228 ; p=0,0865]. Mais l’effet des bite-blocks dépend de la séquence

[F(9,176)=18,124 ; p<0.0001]. En effet, seule la séquence /dad/ semble affectée par les

bite-blocks. Les contacts diminuent seulement sur le /d/ de la séquence /dad/. Nous

observons une perte de 10 contacts de B0 à B3. Entre la condition de référence B0 et la

condition B3, les autres séquences n’admettent pas de variations significatives, mais

notons que le /t/ de la séquence /tat/ gagne 6.42 contacts. Les contacts des consonnes

suivies de /i/ restent stables malgré la présence des bite-blocks. Nous avons trouvé une

interaction significative entre le voisement et l’effet des bite-blocks [F(3,184)=3,112 ;

p=0,0276]. Chez ce locuteur, les variations du nombre de contacts sembleraient

dépendre plus du voisement de la consonne que des bite-blocks eux mêmes.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

119

57 ,510

12 ,515

17 ,520

22 ,525

27 ,530

32 ,5C

ell M

ean

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Ce ll

titta td iddad

C o u r b e d e s in te r ac t io n s p o u r A V TEf fe t : lo c * co n d * cvcBar r e s d 'e r r e u r : 95% In te r va lle d e co n f ian ce

6.1.2 Les contacts linguo-palataux dans la région alvéolaire

Figure n° 6.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts alvéolaires. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions

d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.

Premièrement, nous remarquons que le bite-block seul a un effet significatif sur le

nombre de contacts alvéolaires [F(3,380)=5,251 ; p< 0.0015]. Nous voyons sur la figure

7.4 que l’effet des bite-blocks est différent pour chaque locuteur. En effet nous avons

trouvé une forte interaction entre les effets des bite-blocks et les locuteurs

[F(3,352)=39.39 ; p< 0.0001]. Les contacts alvéolaires du locuteur BL diminuent et les

contacts alvéolaires du locuteur YM tendent à augmenter légèrement, excepté

concernant la séquence /dad/. Nous retenons aussi que l’effet des bite-blocks dépend

aussi fortement de la séquence [F(9,352)=10,454 ; p< 0.0001].

L’interaction significative entre la nature de la séquence et le locuteur [F(3,352) =

22.504 ; p< 0.0001] indique que les réalisations phonétiques sont propres à chaque

locuteur. D’une manière générale, les effets des bite-blocks sur le nombre de contacts

LP alvéolaires dépendent fortement des séquences étudiées. Nous détaillons ci-dessous

les changements observés chez chaque locuteur.

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120

6.1.2.1 Les contacts alvéolaires du locuteur BL

Nombre de contacts alvéolaires de BL

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

dad did tat tit

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n° 6.5: Graphique des moyennes des contacts LP alvéolaires du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

Les bite-blocks seuls ont une forte influence sur les contacts alvéolaires de ce locuteur

[F(3,188) = 14,459 ; p< 0,0001]. Les effets des bite-blocks dépendent de la séquence

étudiée [F(9,176) = 4,760 ; p<0.0001]. Entre la condition de référence B0 et la condition

B3, le /d/ de la séquence /dad/ perd 10,66 contacts, le /t/ de la séquence /tat/ perd 8,17.

Les contacts diminuent au fur et à mesure que la taille des bite-blocks augmente. Avec

la voyelle /i/, le /d/ ne perd que 3,17 contacts de B0 à B3 et le /t/ en perd 3,58. Nous

remarquons que le nombre de contacts diminue dès l’insertion du B1 mais reste

semblable avec le B2 et le B3. Ainsi, les effets des bite-blocks dépendent fortement de

la voyelle subséquente [F(3,184)=7,470; p< 0,0001]. Par contre, le voisement

n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184) = 0,347 ; p=0,7913]. Il semble que

ce soit surtout la nature de la voyelle subséquente qui influence la diminution des

contacts LP. D’après les barres d’écart-type, il peut également apparaître que plus le

bite-block est large, plus la variabilité articulatoire en nombre de contact augmente.

L’articulation parait moins stable plus la perturbation est importante.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

121

6.1.2.2 Les contacts alvéolaires du locuteur YM.

Nombre de contacts alvéolaires de YM

0

5

10

15

20

25

30

35

dad did tat titséquences

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n°6.6: Graphique des moyennes de contacts alvéolaires du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

Les bite-blocks n’ont pas d’influence significative sur le nombre de contacts alvéolaires

de ce locuteur [F(3,188)=1,193 ; p=0,3136]. L’effet des bite bloks dépend fortement de

la séquence étudiée [F(9,176) = 8,999 ; p<0,0001]. En effet, seul le /d/ de la séquence

/dad/ perd des contacts quand l’épaisseur des bite-blocks augmente. Entre les conditions

B0 et B3, nous remarquons une diminution de 5,25 contacts. A l’inverse, le /t/ de la

séquence /tat/ gagne 3,75 contacts de B0 à B3. Avec la voyelle /i/ nous observons une

accentuation des contacts de +1,67 pour /d/ et de + 1,83 pour /t/. L’interaction entre la

voyelle et les bite-blocks n’est pas significative [F(3,184)=1,136 ; p=0,3357]. Le

voisement n’influence pas non plus les variations du nombre de contacts

[F(3,184)=2,820 ; p=0,0403]. Les barres d’écart-type montrent que l’articulation est

moins stable sur la séquence /dad/ avec les bite-blocks B2 et B3.

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122

6.1.3 Les contacts linguo-palataux dans la région vélaire

0

5

1 0

1 5

2 0

2 5

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

C e ll

t itta td idd a d

C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r A R REf f e t : lo c * c o n d * c v cB a r r e s d 'e r r e u r : 9 5 % In t e r v a l le d e c o n f ia n c e

Figure n° 6.7 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts postérieurs. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions

d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.

De façon générale, l’effet seul du bite-block n’a pas d’influence réelle sur le nombre de

contacts vélaires [F(3,380)=0,855 ; p=0,464]. Nous notons que l’interaction entre les

deux variables <locuteurs> et <bite-blocks> est significative [F(3,352)=14,092;

p<0,0001]. Ils ne réagissent pas de la même façon. On remarque que les contacts

vélaires de BL diminuent avec les bite-blocks (surtout sur la séquence /dad/) et les

contacts vélaires de YM augmentent avec les bite-blocks, excepté concernant la

séquence /dad/. Les effets des bite-blocks dépendent de la séquence [F(9,352)=10,257 ;

p<0,0001]. L’interaction entre la variable <locuteur> et <séquence> est significative

[F(3,352)=6,65 ; p=0.0002] ; les locuteurs produisent leurs séquences de façon

différente. D’une manière générale, les variations observées sur le nombre de contacts

LP vélaires semblent dépendre plus de la nature de la séquence que des bite-blocks eux-

mêmes. Nous examinons ensuite les contacts vélaires pour chaque locuteur.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

123

6.1.3.1 Les contacts vélaires du locuteur BL

Nombre de contacts vélaires de BL

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

dad did tat tit

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n°6.8: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

Les bite-blocks seuls ont un effet sur le nombre de contacts vélaires de ce locuteur

[F(3,188) = 3,073 ; p= 0,0290]. Concernant ce locuteur, l’effet des bite-blocks dépend

de la séquence [F(9,176= 2,440 ; p=0,0122]. La tendance à la diminution des contacts

vélaires sous l’effet desbite-blocks est observée aussi sur les contacts dans la région

postérieure. Cependant cette tendance est manifestement moindre que dans la région

antérieure. Le changement le plus important se produit sur la séquence /dad/. Les

séquences avec les consonnes non voisées n’observent pas de réels changements. Le

voisement n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184) = 1,292 ; p=0,2785]. Les

effets des bite-blocks ne dépendent pas de la voyelle [F(3,184) = 1,679 ; p= 0,1731]

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6.1.3.2 Les contacts vélaires du locuteur YM

Nombre de contacts vélaires de YM

05

10152025303540455055

dad did tat tit

Nom

bre

de c

onta

cts

b0b1b2b3

Figure n°6.9: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts

Les bite-blocks n’ont pas d’effet significatif sur le nombre de contacts vélaires de ce

locuteur [F(3,188) = 0,723 ; p=0,5392]. Les effets des bite-blocks pour ce locuteur

dépendent de la séquence [F(9,176=11,808 ; p<0.0001]. Dans la région vélaire, les

contacts LP des consonnes non voisées sont augmentés au fur et à mesure que les

l’épaisseur des bite-blocks augmente. Les contacts vélaires de la voisée /d/ avec /a/

diminuent avec B2 et B3. L’interaction entre la voyelle et les bite-blocks est

significative [F(3,184) = 4,071 ; p=0,0079]. L’interaction entre le voisement et les bite-

blocks est significative [F(3,184) = 2,823 ; p=0,0402]. Nous pouvons conclure en disant

que les variations observées ne semblent pas être dues principalement aux effets des

bite-blocks.

6.1.4 Sur les variations d’amplitude des contacts LP

Dès à présent nous constatons que nos deux locuteurs présentent des réactions

différentes face aux perturbations. Les effets des bite-blocks sont plus marqués chez le

locuteur BL chez qui le nombre de contacts LP diminue de façon significative avec les

bite-blocks. Les effets des bite-blocks sont moins marqués chez le locuteur YM : les

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

125

différences de nombre de contacts avec et sans bite-block ne sont pas statistiquement

significatives, et ce dans les différentes zones du palais. Nous pouvons aussi affirmer

que la nature de la voyelle et le trait de voisement sont deux variables qui jouent un rôle

décisif dans la réaction de nos locuteurs face à la perturbation : le voisement n’a d’effet

que chez YM alors que la voyelle a de l’effet chez les deux. Malgré le fait que nos

locuteurs montrent des manœuvres articulatoires différentes, ils montrent tous les deux

une importante perte des contacts LP sur la consonne voisée de la séquence /dad/. Nous

proposons un bilan des différences observées entre les conditions normales et avec les

bite-blocks, séquence par séquence pour chaque locuteur.

Locuteur BL :

/dad / Dans la partie alvéolaire, nous observons une perte de 10,66 contacts de B0 à

B3 : B0 (19,58) ≥ B1 (13,17) ≥ B2 (10,42)≥ B3 (8,92). Dans la partie vélaire, nous

observons une perte de 4,83 contacts de b0 à B3 : B0 (6,5) ≥ B1 (3,33) ≥ B2 (2,58) ≥ B3

(1,67).

/tat/ Dans la partie alvéolaire nous comptons une différence de 8,17 contacts entre B0

et B3 : B0 (21,50) ≥ B1 (18,17) ≥ B2 (17)≥ B3 (13,33). Dans la partie vélaire, il n’est

pas observé pas de réelle différence : B0 (8,5) ≥ B1 (7,67) = B2 (7,67) = B3 (7,5).

/did/ Dans la zone alvéolaire, on a une différence de 3.67 contacts entre B0 et B3 : B0

(25) ≥ B1 (23,17) ≥ B2 (22,25)≥ B3 (21,33). Dans la zone vélaire on a une différence de

3,58 contacts entre B0 et B3 : B0 (14,33) ≥ B2 (12,67) ≥ B1 (10,67) = B3 (10,75).

/tit/ Dans la région alvéolaire, la consonne perd 3.58 contacts : B0 (25,58) ≥ B1

(22,17) = B2 (22,17)= B3 (22) Dans la région vélaire il y a 2,17 contacts de moins entre

B0 et B1: B0 (14,5) = B2 (14)= B3 (14,17) ≥ B1 (11,83).

Locuteur YM :

/dad/ Dans la partie alvéolaire, nous observons une perte de 5,25 contacts de B0 à B3 :

B0 (19) ≥ B1 (18,75) ≥ B2 (14,17) ≥ B3 (13,75).Dans la partie vélaire, nous observons

une perte de 4,59 contacts de B0 à B3 : B0 (7,17) = B1 (7,75) ≥ B2 (2,83) = B3 (2,58)

/did/ Dans la région alvéolaire, nous notons peu de différences entre B0 et B3 : B0

(25,83) ≤ B2 (26,42) ≤ B1 (27,92) = B3 (27,5). Dans la région vélaire les contacts sont

aussi stables : B0 (15,67) ≤ B1 (16,67) = B2 (16) = B3 (16,08)

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126

/tat/ Dans la partie alvéolaire nous observons un gain de +3,75 contacts entre B0 et

B3 : B0 (23,67) ≤ B1 (26,92) = B2 (26) ≤ B3 (27,42). Dans la partie vélaire, on observe

un gain de +2,75 contacts : B0 (9,33) ≤ B1 (10,25) ≤ B2 (11) ≤ B3 (12,08).

/tit/ Dans la région alvéolaire il est relevé peu de différence entre les conditions : B0

(26,42) ≤ B1 (28,25) = B2 (28,17) = B3 (28,25). Dans la partie vélaire, on observe un

gain de +2,75 contacts : B0 (15,58) ≤ B1 (16,92) ≤ B2 (17,33) ≤ B3 (19,33).

Sur l’ensemble des séquences étudiées, nous remarquons que le locuteur BL perd plus

de contacts LP avec les bite-blocks que le locuteur YM pour qui au contraire, les

contacts LP peuvent s’accroître avec les bite-blocks. Nous soulignons aussi que les deux

locuteurs perdent des contacts sur le /d/ suivi de /a/. Notons que les changements se font

surtout dans la partie alvéolaire du palais, lieu d’articulation des consonnes.

6.2 L’aspect qualitatifs de la répartition des contacts : les patrons de contacts.

Nous présentons les patrons moyennés sur les 12 répétitions et dans chacune des

conditions d’enregistrement.

Les électrodes en blanc sur les patrons n’ont jamais été contactées (0%), les noires ont

toujours été contactées (100%). Trois niveaux de gris sont utilisés pour définir les

différents degrés de contact : gris clair pour les contacts jusqu’à 25% ; gris moyen pour

les contacts jusqu’à 50% et gris foncé pour les contacts jusqu’à 75%.

Pour chaque séquence et chaque locuteur, nous montrons de gauche à droite les patrons

de contacts sans bite-block (patron de référence), avec le fin bite-block (B1=5 mm), le

moyen (B2=10 mm) et le plus épais (B3=16 mm).

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

127

6.2.1 Les patrons de contacts du locuteur BL

6.2.1.1 Séquence /dad/

Figure n° 6.10 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur BL.

En production normale, les électrodes des deux 1ères rangées alvéolaires sont totalement

contactées par l’apex. On remarque quatre contacts latéraux sur la 3ème rangée (colonnes

1, 2, 7 et 8, les plus latérales de chaque coté du palais) sûrement effectués par la partie

laminale latérale de la langue. Les contacts latéraux sont symétriques et se prolongent

jusqu’à la dernière rangée postérieure.

Avec les bite-blocks, les contacts alvéolaires diminuent au fur et à mesure que

l’épaisseur des bite-blocks augmente. Avec le B1, la deuxième rangée alvéolaire est

moins souvent contactée entièrement et les contacts latéraux dans la région palatale se

font aussi plus rares. Avec le B2, les occurrences des contacts diminuent encore excepté

sur la 1ère rangée d’électrodes. Avec les B3, seulement les électrodes de la 1ère rangée

alvéolaire (dentale) sont encore contactées. L’aire de contacts est rétrécie. L’amplitude

des contacts est réduite par la présence des bite-blocks. Le lieu d’articulation du /d/ est

avancé par rapport à son lieu d’articulation de référence B0 : seulement l’apex peut

rester en contact dans la région alvéo-dentale, juste derrière les dents. Pour effectuer la

constriction sur la première rangée antérieure d’électrodes, la langue doit s’incurver de

plus en plus de sorte que le corps de la langue soit en position basse et permette à l’apex

de s’élancer vers les dents. L’épaisseur des bite-blocks est distinctive dans la mesure où

plus le bite-blocks est épais, plus la mâchoire est ouverte, plus le locuteur perd des

contacts.

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128

6.2.1.2 Séquence /tat/

Figure n° 6.11: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur BL.

En production normale, les deux 1ère rangées alvéolaires sont contactées totalement par

l’apex. La 3ième rangée alvéolaire est aussi souvent contactée (colonnes 1, 2, 3, 6, 7 et 8)

par la partie laminale de la langue. Les contacts latéraux sont symétriques.

Avec lesbite-blocks les contacts de la 3ième rangée alvéolaire se raréfient, mais les

contacts persistent toujours sur les deux 1ères rangées alvéolaires et sur les bords latéraux

de façon symétrique. La 2ème rangée d’électrode perd seulement un contact en B3. Les

patrons sont les mêmes dans les quatre conditions, seulement la fréquence de contact de

la 2ème et 3ième rangée alvéolaire diminue. L’amplitude n’est pas diminuée de façon

drastique. Ce patron est très proche de celui de la consonne voisée, à deux électrodes

près sur la 3ième rangée (colonnes 3 et 6 contactées en plus pour la non voisée). Avec les

bite-blocks, nous observons moins de perte de contacts que sur la voisée

correspondante. Le lieu d’articulation est le même en production normale et avec les

bite-blocks. L’épaisseur des bite-blocks n’est pas distinctive : B0≥ B1= B2=B3.

L’activité de la partie antérieure de la langue (apex et lame) est encore réalisée malgré

les perturbations. Les différences observées entre les conditions normale et bloquées

sont moins marquées que pour la séquence voisée /dad/ : nous notons ici peu de perte de

contacts et de changement de lieu d’articulation. Malgré la présence des perturbations,

l’amplitude des contacts linguo-palataux semble rester stable. L’articulation conserve

mieux les contacts latéraux que sur la voisée /d/ pour laquelle l’amplitude est clairement

réduite par les bite-blocks.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

129

6.2.1.3 Séquence /did/

Figure n°6.12: Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did, locuteur BL.

En production normale, les électrodes des deux 1ères rangées alvéolaires sont toutes

contactées. La 3ième rangée est contactée à l’exception des électrodes de la colonne 5;

(75%). On remarque des contacts latéraux sur la 4ème rangée (colonnes 1, 2, 7 et 8) qui

s’étendent symétriquement de l’avant vers l’arrière du palais. Avec les bite-blocks, on

note seulement une baisse de fréquence de contacts sur les électrodes de la 3ième rangée

(colonne 4, 5 et 6). Les contacts latéraux sont conservés. Les patrons sont quasi les

mêmes en production normale et en production avec bite-blocks, seule la fréquence de

contact diminue. D’une manière générale, on observe peu de perte de contacts entre la

condition normale et les conditions avec bite-blocks. L’amplitude des contacts de /d/

suivi de /i/ diminue peu avec les bite-blocks. On n’observe pas de changement de lieu

d’articulation, comme on l’a observé pour /d/ suivi de /a/. Nous supposons que c’est

grâce à la forte influence coarticulatoire de la voyelle /i/ subséquente que l’occlusive

alvéolaire est résistante, dans la mesure ou les deux segments ont le même lieu

d’articulation. On n’observe pas de différence drastique en fonction de l’épaisseur des

bite-blocks.

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130

6.2.1.4 Séquence /tit/

Figure n° 6.13: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur BL.

En production normale, toutes les électrodes sont contactées sur les trois 1ères rangées

(totalité de la partie alvéolaire). Les électrodes sur les bords latéraux du palais (colonne

1, 2, 7 et 8) ont aussi une fréquence de contacts élevée. On constate que ces patrons sont

quasi les mêmes que ceux de la consonne de la séquence /did/ (figure 6.12).

Avec les bite-block, les contacts s’amenuisent seulement sur la 3ième rangée (colonne 4,

5 et 6). Les patrons sont identiques aux patrons en production normale, seulement la

fréquence de contacts diminue avec B1 et B2. Avec B3 la fréquence des contacts

latéraux est même renforcée, nous remarquons que les électrodes des colonnes 2 et 7

sont plus souvent contactées. La voyelle fermée /i/ permet de garder plus de contacts

que la voyelle ouverte /a/. L’épaisseur des bite-blocks ne semble pas être distinctive.

Certes le locuteur réagit à l’intrusion d’une perturbation, mais ensuite le nombre de

contacts est identique en B0, B2 et B3. Nous ne notons pas de changement fort

d’amplitude, ni de changement de lieu d’articulation. Sur le /t/ de /tit/, on observe moins

de perte de contacts que sur le /d/ de /did/ : la consonne non voisée semble plus robuste.

Les contacts de la consonne non voisée sont mieux préservés que ceux de la consonne

voisée, ce qui est également le cas en contexte CaC.

6.2.1.5 Comportement général du locuteur BL

Les consonnes voisées perdent plus de contacts que les consonnes non voisées.

L’épaisseur desbite-blocks est pertinente seulement pour la séquence voisée + /a/. Les

consonnes voisées suivies de /a/ perdent plus de contacts que celles suivies de /i/. Nous

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

131

proposons un classement en fonction du nombre de contacts perdus sur la totalité du

palais entre les conditions B0 et les autres: Voisée + /a/ (-15,5) ≥ non voisée +/a/ (-9,17)

≥ voisée + /i/ (-7,41) ≥ non voisée +/i/ (-3,92).

6.2.2 Les patrons de contacts du locuteur YM

6.2.2.1 Séquence /dad/

Figure n° 6.14 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur YM.

En production normale, les contacts se situent sur les électrodes des deux 1ères rangées

alvéolaires, sur les colonnes 1, 2, 7 et 8 de la 3ième rangée alvéolaire et sur les bords

latéraux (colonne 1 et 8). A partir de B2, le patron de contacts est le même que celui du

locuteur BL (figure 6.10) en utilisant plus les côtés.

Avec le B1, les électrodes latérales sont plus souvent contactées alors que celles de la

2ième rangée alvéolaire le sont moins souvent sur les colonnes 4, 5 et 6 (75%). Les

contacts alvéolaires diminuent au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-blocks

augmente. Les contacts latéraux diminuent dès le B2 et disparaissent avec le B3. Seule

la première rangée de la région alvéolaire reste contactée en toalité ainsi que les bords

des trois rangées suivantes. L’apex reste contactée sur la partie alvéo-dentale. D’une

manière globale, le nombre de contacts linguo-palataux diminue avec B2 et B3.

Comme pour le locuteur BL, l’amplitude des contacts est diminuée, et le lieu

d’articulation est changé sous l’influence des bite-blocks. L’épaisseur des bite-blocks

joue un rôle particulier : plus les bite-blocks sont épais, plus la mâchoire est ouverte et

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132

plus les contacts diminuent : B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥ B3. L’articulation s’avance sûrement sur

la région dentale en même temps qu’on observe un affaiblissement des contacts

alvéolaires : l’occlusion est moins large.

6.2.2.2 Séquence /tat/

Figure n° 6.15 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur YM.

En production normale, la région alvéolaire est entièrement contactée. La 4ième rangée

admet des contacts symétriques sur les colonnes 1, 2, 7 et 8. Les contacts latéraux sont

symétriques et vont de l’avant vers l’arrière du palais, sur les colonnes 1 et 8. La

consonne non voisée admet la 3ième rangée alvéolaire contactée en plus par rapport à la

consonne voisée. Si on compare avec la production de la même séquence du locuteur

BL (figure6.11), on voit bien que YM contacte la 3ième rangée alvéolaire en plus.

Avec les bite-blocks, les patrons sont les mêmes que sans bite-block. On constate un

gain de la fréquence de contact avec B2 et B3 la troisième rangée est totalement

contactée. Sous l’influence des bite-blocks, l’articulation de la séquence /tat/ de YM

semble renforcée dans la région alvéolaire par l’apex et la lame. Les bords de la langue

ont alors tendance à contacter plus les bords du palais, on en déduit que le corps de la

langue adopterait une forme moins concave. En production normale, l’amplitude des

contacts est supérieure à celle de la voisée /d/. Avec les bite-blocks on observe un gain

de contacts alors qu’on avait une perte de contacts sur la voisée /d/. L’amplitude n’est

pas altérée par l’insertion des bite-blocks, certains contacts sont même renforcés dans le

sens où ils sont plus fréquents. Le lieu d’articulation reste inchangé mais on observe une

petite étendue des contacts vers l’arrière ce qui est la marque d’un renforcement

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

133

articulatoire (Fougeron 1998). La consonne non voisée gagne des contacts alors que la

consonne voisée en perd.

6.2.2.3 Séquence /did/

Figure n° 6.16 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did/, locuteur YM.

En production normale, les deux 1ères rangées alvéolaires ont les électrodes contactées

pleinement. La 3ième rangée alvéolaire est presque entièrement contactée, il manque

seulement la colonne 4. La 4ème rangée est contactée de façon symétrique, colonnes 1, 2,

3, 6, 7, 8. Les contacts latéraux sont symétriques de l’avant vers l’arrière du palais sur

les colonnes 1 et 8 et sont moins fréquents sur les colonnes 2 et 7. Par rapport à la

séquence /dad/, la région alvéolaire admet plus de contacts. En comparaison avec la

même séquence du locuteur BL, YM contacte en plus la troisième et la quatrième

rangée.

Avec les bite-blocks, les patrons de contacts sont les mêmes qu’en production normale.

Les trois premières rangées alvéolaires sont totalement contactées. Les électrodes des

troisième et quatrième rangées gagnent en fréquence de contact, de même que les

électrodes des bords latéraux du palais : les contacts postérieurs sont aussi augmentés.

On peut conclure que sous l’influence des bite-blocks, l’articulation de la séquence /did/

de YM semble renforcée dans le sens où la consonne suivie de la voyelle /i/ permet de

gagner en fréquence de contacts latéraux dans la région alvéolaire par l’apex et la lame

de la langue, mais aussi dans la région pré-palatale par les contacts du corps de la

langue. Les patrons ne montrent pas de différence dans la répartition des contacts, mais

des différences sur la fréquence de contacts.

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134

6.2.2.4 Séquence /tit/

Figure n° 6.17 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur YM.

En production normale, les trois 1ères rangées alvéolaires ont leurs électrodes contactées.

La 4ème rangée est contactée de façon symétrique, colonnes 1, 2, 3, 6, 7 et 8. Les

électrodes latérales sont totalement contactées de façon quasi symétrique de l’avant

jusqu’à l’arrière du palais, sur les colonnes 1, 2, 7 et 8. Ce patron est quasi le même que

le patron de la consonne de la séquence /did/ (figure6.16). YM contacte en plus la

troisième et quatrième rangée antérieure par rapport à la même consonne produite par le

locuteur BL (figure 6.13).

Avec les bite-blocks, les électrodes sont plus souvent contactées sur les trois 1ères

rangées alvéolaires. Les contacts latéraux persistent aussi. Ce locuteur gagne

principalement en fréquence de contacts sous l’influence des bite-blocks, le lieu

d’articulation n’est pas modifié et l’amplitude n’admet pas de changement drastique.

6.2.2.5 Comportement général du locuteur YM

Nous soulignons ici encore que les consonnes suivies de /a/ perdent plus de contacts que

celles suivies de /i/. Cependant, nous n’observons pas de perte de contacts si marquée

que pour les consonnes du locuteur BL. Nous n’avons pas relevé de différences

statistiquement significatives et les patrons de contacts sont les mêmes avec et sans bite-

block. Seule la consonne /d/ de la séquence /dad/ subit des pertes de contacts, alors que

les autres séquences ont plutôt tendance à voir la fréquence de contacts renforcée par la

présence des bite-blocks. Le classement des séquences selon le nombre de contacts

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux

135

perdus ou gagnés serait le suivant : Voisée + /a/ (-10) ≥ non voisée +/a/ (+6,42) ≥ voisée

+ /i/ (+2,95) ≥ non voisée +/i/ (+2,41). Soulignons que selon cette même échelle, le

locuteur BL perd des contacts et le locuteur YM en gagne : la séquence la plus variable

est /d/ suivi de /a/ et la plus stable est /t/ suivi de /i/.

6.3 Résumé sur les résultats spatiaux

Nous confirmons ici que les locuteurs ont deux comportements articulatoires différents

en réponse aux situations de perturbations.

De manière générale, le locuteur BL produit ses occlusives en contactant les deux

premières rangées alvéolaires avec /a/ et les trois premières avec /i/. Le locuteur BL a

une production très apicale et en production bloquée il semble renforcer son habitude

articulatoire ce qui expliquerait en partie l’avancement et la perte des contacts. Plus la

mâchoire est écartée, plus les contacts apico-alvéolaires sont réduits.

Le locuteur YM produit ses occlusives sur les trois premières rangées alvéolaires avec

/a/ et sur les quatre premières rangées avec /i/. Il apparaît que le locuteur YM contacte

plus d’électrodes dans la région alvéolaire que le locuteur BL : l’articulation est plutôt

apico-laminale. En production bloquée, non seulement il conserve ses contacts, mais il

est aussi susceptible d’augmenter l’aire d’articulation avec la partie laminale de la

langue : l’action couplée de l’apex et de la lame est conservée. Il est certain qu’il faut

mettre en relation ces articulations différentes avec les différences physiologiques.

Précisément, le palais du locuteur YM est plus étroit que celui du locuteur BL, ce qui

peut aussi contribuer au fait que les contacts soient plus rassemblés dans la partie

alvéolaire, partie la plus étroite du palais.

Le locuteur BL accuse une perte de contacts significative avec les bite-blocks sur /d/

suivi de la voyelle /a/. Les consonnes suivies de la voyelle /i/ ont aussi tendance à

perdre des contacts mais de manière beaucoup moins sévère. Pour ce locuteur, les effets

des bite-block sont significatifs sur le nombre de contacts.

Le locuteur YM accuse une perte de contacts seulement sur la consonne de la séquence

/dad/ à partir du B2. Nous avons observé une tendance à l'accroissement des contacts

alvéolaires sur les autres séquences : l’articulation semble être renforcée dans la zone

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136

d’articulation. Les contacts alvéolaires sont maintenus. Les effets des bite-blocks ne

sont pas significatifs sur l’amplitude des contacts.

Nous remarquons que les effets des bite-blocks se font fortement ressentir sur /d/ suivi

de /a/ concernant les deux locuteurs. Avec lesbite-blocks et surtout le B3, la séquence

/dad/ perd des contacts linguo-palataux aussi bien dans la région alvéolaire que dans la

région vélaire. L’épaisseur des bite-blocks est pertinente dans le sens où plus la

mâchoire est ouverte, moins les contacts linguo-palataux sont possibles. L’articulation

apico-laminale du /d/ de BL suivi de /a/ devient apicale au fur et à mesure que nous

écartons la mâchoire. Le barrage du flux d’air phonatoire sur la première rangée

d’électrodes est conservé. Nous en déduisons que seule l’activité de l’apex persiste pour

permettre la constriction nécessaire, alors que les contacts des autres parties de la langue

disparaissent. L’articulation s’affaiblit puisque la zone de contacts ne s’étend plus dans

la partie arrière du palais. La forme de la langue est devenue plus concave projetant

l’apex vers la région dentale directement. Ce résultat confirme la forte indépendance de

l’apex par rapport au corps de la langue mais aussi par rapport à l’activité de la

mâchoire.

La baisse d’amplitude s’accompagne donc d’un avancement de lieu d’articulation dans

la région dentale. Nous reconnaissons que ce résultat commun n’est pas surprenant. En

effet, nous avons vu que les consonnes voisées sont moins résistantes que les non

voisées face aux variations contextuelles ce qui contribue au fait qu’elles résistent

moins bien face aux perturbations extérieures. En tout état de cause, nous pouvons nous

demander si nous avons toujours affaire à la réalisation d’un segment /d/. En effet, il

devient si faible qu’il peut être réalisé comme un autre segment de type « flap » ou

« tap ». Comme l’explique Ladefoged (1998), un « tap » est caractérisé par des contacts

extrêmement brefs entre les articulateurs et «…made by a direct movement of the

tongue tip to a contact location in the dental or alveolar region » (p.231), exactement

comme nous l’observons. Nous allons vérifier cette hypothèse en examinant les

résultats des données temporelles dans le chapitre 7 suivant : si la durée de la

constriction maximale est plus courte et si le geste de fermeture linguo-palatale est plus

rapide avec les bite-blocks, alors nous pourrons conclure à la réalisation d’un « tap ».

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137

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138

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

139

CHAPITRE 7 : Les résultats temporels

L’organisation temporelle des évènements articulatoires est un souci central en

production de la parole. On sait qu’elle exige un contrôle en temps réel et très précis

mais on se demande encore de quelle manière. Nous cherchons à montrer que

l’organisation temporelle des évènements articulatoires peut être modifiée sous

l’influence des perturbations ce qui reviendrait à affirmer que nous assistons à une

réorganisation temporelle.

Voisi un résumé des questions que nous nous posons à propos de l’observation des

paramètres temporels. Avec la perturbation, observe-t-on un allongement de la phrase

porteuse, de la séquence CVC, de la consonne d’attaque et de la voyelle (CVC) ?

Concernant le timing intra-gestuel, les durées des phases de la consonne évoluent-elles

de la même façon que la durée totale de la consonne ?

Nous présentons les durées absolues et les durées relatives et nous essayerons de

distinguer les différences ou points communs exhibés par cette double observation.

Rappelons que nous entendons par durées relatives le rapport de chacune des phases sur

la durée de la consonne entière. Le lecteur pourra se référer aux nombreux tableaux des

moyennes qui sont présentés en annexe afin de ne pas surcharger la présentation.

7.1 Le contrôle des durées

Avant d’examiner si les gestes linguaux sont compressés ou élargis sous l’influence des

bite-blocks, il est juste de vérifier si les bite-blocks induisent une variation de la vitesse

d’élocution en général. Dans un premier temps, nous avons calculé la durée des énoncés

complets sans bite-block et avec bite-block. Ces durées de référence permettent de

discerner si on observe des changements importants de la vitesse d’élocution qui

pourraient influencer d’une manière générale le timing inter-gestuel et le timing-intra

gestuel. Nous avons calculé le rapport de la durée acoustique de la consonne et de la

voyelle, sur la durée de la séquence. Nous avons fait un regroupement en fonction des

conditions pour dégager les tendances chez les deux locuteurs.

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140

durée de la phrase

120012201240126012801300132013401360138014001420

B0 B1 B2 B3conditions

tem

ps e

n m

sYMBL

Figure n° 7.1 : Durée de la phrase porteuse dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.

En observant la figure 7.1, nous pouvons constater que la présence des bite-blocks a

tendance à ralentir le débit de la phrase pour les deux locuteurs. Plus le bite-block est

épais, plus l’allongement est grand : nous voyons un allongement de 100ms en moyenne

entre la situation normale B0 et la situation B3.

durée voyelle de la séquence CVC

80

90

100

110

120

B0 B1 B2 B3condition

tem

ps e

n m

s

YMBL

Figure n° 7.2 : Durée de la voyelle centrale de CVC dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.

La figure 7.2 montre que la voyelle centrale de CVC est allongée de 25 ms en moyenne

avec les bite-blocks pour le locuteur BL et de seulement 8 ms pour le locuteur YM.

Déjà, nous remarquons deux réactions différentes de nos locuteurs, mais cette tendance

reste à confirmer dans l’analyse postérieure.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

141

durée consonne C1 de CVC

80

90

100

110

120

130

B0 B1 B2 B3

conditions

tem

ps e

n m

s

YMBL

Figure n° 7.3 : Durée de la consonne C1 dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.

La figure 7.3 concerne la durée totale de la consonne étudiée. Pour le locuteur YM, avec

les bite-blocks, la durée de C1 reste inchangée. Pour le locuteur BL, nous notons un

faible allongement de 10 ms.

rapport C1/CVC

30

35

40

45

50

B0 B1 B2 B3conditions

% YMBL

Figure n°7.4 : La proportion de la consonne C1 ans la séquence CVC dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, le pourcentage de C1 sur CVC.

La figure 7.4 montre que la consonne étudiée représente environ 40% de la séquence

CVC. Nous ne voyons pas de grandes variations entre les différentes conditions : la

proportion de la consonne semble rester la même malgré la perturbation.

Avec les bite-blocks, la phrase est prononcée plus lentement par les locuteurs,

cependant, ni la séquence CVC ni la consonne étudiée C1 ne sont allongées.

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142

7.2 Durée totale des consonnes

7.2.1 Influence générale des variables sur la durée des consonnes

6 0

8 0

1 0 0

1 2 0

1 4 0

1 6 0

1 8 0

2 0 0

2 2 0

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3Ce ll

t itta td idd ad

C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d c1Ef fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce

Figure n°7.5: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée des consonnes. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (B0, B1, B2 et B3).

En ordonnée, la durée.

De manière globale, la variable <condition> (d’enregistrement) influence la durée des

consonnes [F(3,352)=4,223 ; p=0,006]. L’effet de la condition expérimentale, les bite-

blocks, dépend faiblement du locuteur [F (3,352)=2,849 ; p=0,0374]. En effet, nous

remarquons que les locuteurs ont des réactions différentes : nous observons une plus

grande variation des valeurs chez le locuteur BL. L’effet de la condition expérimentale

dépend fortement de la séquence puisque nous relevons une interaction entre ces deux

facteurs [F(9,352)=4,221 ; p<0.0001]. La production de la séquence dépend fortement

du locuteur F(3,352)=18,608 ; p<0.0001).

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

143

7.2.2 Durées des consonnes du locuteur BL.

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.6: Les durées moyennes des consonnes du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale (B0), on confirme d’une manière générale que les consonnes

non voisées sont plus longues que les voisées. Les contraintes aérodynamiques sont plus

fortes sur les occlusives voisées, comme nous l’avons souligné dans chapitre 4. Les

consonnes avec /i/ sont plus longues que leurs homologues avec /a/ : /ti/ (144,85) ≥ /di/

(13,31) ≥ /ta/ (128,56) ≥ /da/ (104,11)

Sous l’influence des bite-blocks, on remarque que seules les durées des séquences avec

/i/ sont allongées, et cet allongement semble se faire au fur et à mesure que l’épaisseur

des bite-blocks augmente. Cet allongement est plus marqué sur la non voisé /t/ avec /i/

(45,8 ms entre B0 et B3), que sur la voisée /d/, (+19,8 ms entre B0 et B3).

/di/ : B0 (135,31) = B1 (137,71) ≤ B2 (149,54) ≤ B3 (155,12)

/ti/ : B0 (144,85) ≤ B1 (160,25) ≤ B2 (166,62) ≤ B3 (190,76)

Les séquences avec la voyelle /a/ n’admettent que très peu de variations temporelles. La

voisée /d/ perd 17,55 ms entre B0 et B2 . La consonne non voisée /t/ perd 14,7 ms entre

B0 et B1.

/da/ : B0 (104,11) ≥ B1 (95,78) = B3 (97,12) ≥ B2 (86,56).

/ta/ : B0 (128,54) ≥ B3(122,87) = B2 (119,02) ≥ B1 (113,84).

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144

Comme on le voit sur la figure 7.7, l’interaction entre la condition expérimentale et la

nature de la voyelle est fortement significative [F(3,184)=6,030; p=0,0006]. L’effet des

bite-blocks est différent en fonction de la nature de la voyelle.

1 0 0

1 1 0

1 2 0

1 3 0

1 4 0

1 5 0

1 6 0

1 7 0

1 8 0

Moy

. cel

l

b 0 b 1 b 2 b 3Ce ll

i

a

C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r d c 1Ef f e t : c o n d * v o y e lle

Figure n° 7.7: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voyelle>. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.

100

110

120

130

140

150

160

170

180

Moy

. cel

l

b0 b1 b2 b3Cell

v o is é

nonv o is é

C o u r b e d e s in te r act io n s p o u r d c1Effe t : co n d * vo is e m e n t

Figure n°7.8: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voisement>. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.

Comme nous pouvons le constater sur la figure 7.8, l’interaction entre le voisement et

les effets des bite-blocks n’est pas significative [F(3,184)=0,411 ; p=0,7452]. L’effet du

bite-block ne dépend pas du fait que la consonne soit voisée ou non voisé.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

145

7.2.3 Durées des consonnes du locuteur YM

0 20 40 60 80

100 120 140 160 180 200 220

Moy

. des

dur

ées

dad did tat titséquences

b3 b2 b1 b0

Figure n°7.9: Les durées moyennes des consonnes de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, les consonnes non voisées sont plus longues que les consonnes

voisées comme nous l’avons souligné aussi concernant les consonnes du locuteur BL.

Les consonnes des séquences avec /i/ sont plus longues que celles des séquences avec

/a/ : /ti/ (144,56) ≥ /di/ (135,75) = /ta/ (131,26) ≥ /da/ (114,21).

Avec les bite-blocks, on remarque un allongement de 17,61 ms entre B0 et B3 sur la

séquence /did/. Par contre, la durée de la non voisée reste stable en fonction les

conditions.

/di/ : B0 (135,75) = B1( 133,26) = B2 (138,098) ≤ B3 (153,36).

/ti/ : B0 ( 144,56)= B1 ( 145,58) = B2 ( 148,91) = B3 ( 147,11)

Les séquences avec la voyelle /a/ affichent un légère diminution de leur durée. La

voisée perd 6,08 ms entre B0 et B alors qu’il n’y a pas de différence ente B0, B1 et B2.

La consonne non voisée perd 11,05 ms entre B0 et B3.

/da/ : B0 (114,21) = B1 (116,13) = B2 (113,20) ≥ B3 (108,13)

/ta/: B0 (131,26) ≥ B1 (127,94) =B2 (126,63) ≥ B3 (120,21)

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146

Cela nous parait insuffisant pour conclure à des changements temporels pertinents sous

l’effet des bite-blocks, alors que pour le locuteur BL, on remarquait une tendance plus

marquée à l’allongement des consonnes suivies de /i/.

L’effet général de la variable principale bite-blocks sur la durée des consonnes de ce

locuteur n’est pas significatif [F(3,188)=0,071 ; p=0,9754]. L’interaction entre la

variable <condition> et la nature de la séquence est significative [F(9,176) =2,654 ;

p=0,0066]. On soulignera que l’interaction entre les variables <condition> et <voyelle>

est aussi significative [F(3,184) =4,385 ; p=0,0052]. Le voisement de la consonne

n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184)=0,929 ; p=0,4324].

7.3 Durée des fermetures linguo-palatales (LP)

7.3.1 Influence générale des variables sur la durée du geste de

fermeture linguo-palatale

0

1 0

2 0

3 0

4 0

5 0

6 0

7 0

8 0

9 0

1 0 0

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Ce ll

t itta td idd ad

C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d in im axEf fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce

Figure n° 7.10 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du geste de fermeture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives

(b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée.

La variable principale <condition> a un léger effet sur les durées des fermetures

[F(3,352)=2,686 ; p=0,0464] (seuil de significativité p≤0,05.) Les effets des bite-blocks

dépendent fortement du locuteur [F(3,352)=9,087 ; p<0,0001]. On voit bien sur la figure

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

147

7.10 que les valeurs du locuteur BL sont plus étendues que celles du locuteur YM. Les

effets des bite-blocks dépendent aussi de la séquence [F(9,352)=2,56 ; p=0,0073].

L’interaction entre les variables <locuteur> et <séquence> est significative

[F(3,352)=15,129 ; p<0,0001]. Regardons maintenant les durées des fermetures de

chaque locuteur.

7.3.2 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur BL

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n°7.11: Les durées moyennes de fermeture linguo-palatale de BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, la fermeture linguo-palatale est plus lente sur les consonnes non

voisées que sur les voisées. On remarque que les gestes de fermeture sont toujours plus

longs avec la voyelle /i / qu’avec la voyelle /a/ : /ti/ (50,91) ≥ /di/ (44,20) ≥ /ta/ (38,48)

≥ /da/ (26,06)

Sous l’influence des bite-blocks, seules les consonnes suivies de /i/ tendent à voir leur

fermeture allongée au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-blocks augmente. On note

une augmentation de 30,83 ms pour la voisée /d/ entre B0 et B2 et une augmentation de

22,46 ms sur la non voisée /t/ entre B0 et B3.

/di/ : B0 (44,20) ≤ B1 (56,70) ≤ B3 (66,82) ≤ B2 (75,03)

/ti/ : B0 (50,91) ≤ B1 (59,40) ≤ B2 (66,26) ≤ B3 (73,37)

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148

Les distinctions entre les conditions sont bien plus marquées sur les séquences avec /i/

que sur les séquences avec /a/. En effet, la voisée /d/ admet un allongement de la durée

de fermeture de 8,91 ms seulement avec le B3 et la non voisée /t/ a un allongement de la

fermeture de 10,75 ms avec le B2.

/da/ : B0 (26,06) =B1 (29,64) = B2 (29,80) ≤ B3(34,97)

/ta/ : B0 (38,98) = B1 (36,05) ≤ B2 (49,73) = B3 (43,97)

Pour ce locuteur, l’influence de la variable principale <condition> seule est significative

[F(3,188)=5,356 ; p=0,0015]. Les variables secondaires n’influencent pas l’effet des

bite-blocks : <condition> * <cvc> [F(9,176) =1,278 ; p=0,2515] et <condition> *

<voyelle> [F(3,184)=2,038 ; p=0,1102]. L’interaction entre les variables <condition> et

<voisement> n’est pas significative [F(3,184)=0,135 ; p=0,9391]. Les bite-blocks ont

pour conséquence d’allonger de manière significative les durées des fermetures de ce

locuteur, et ce indépendamment des autres variables considérées.

Fermeture de BL

35,3

0

29,8

6

32,2

6

24,6

0

36,5

1

32,1

3

40,8

2

30,6

3

39,1

8

42,0

5

49,9

1

33,8

5

38,5

4

35,5

5

35,4

9

43,2

9

0

10

2030

40

50

60

7080

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n° 7.12: Durées relatives des fermetures du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

Au regard de la figure n° 7.12, en production normale la fermeture linguo-palatale

représente environ un tiers de la consonne pour les quatres séquences. Il semble que

cette proportion augmente avec les bite-blocks : /dad/ B0 (24,6%) ≤ B3 (35.49%) ; /did/

B0 (32.26%) ≤ B2 (49.91%), /tat/ B0 (29.86%)≤ B2 (42.05%) mais semble stable sur

/tit/.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

149

7.3.3 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur YM

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.13 : Durées moyennes de fermeture linguo-palatale de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, les fermetures sont plus longues sur les occlusives non voisées

que sur les voisées comme nous l’avons vu chez le locuteur BL. La fermeture linguo-

palatale des voisées est identique avec la voyelle /a/ et la voyelle /i/.

/ta/ (47,60)≥ /ti/ ( 42,80) ≥ /da/ (39,35) = /di/ (38,23)

Avec les bite blocs, les séquences avec /a/ montrent une fermeture plus courte. La

fermeture de la voisée perd 20,86 ms entre B0 et B3. La fermeture de la non voisée /t/

perd 15,4 ms entre B0 et B3.

/da/ : B0 (39,35) = B1(39,11) = B2 (34,32) ≥ B3 (18,49).

/ta/: B0 (47,60) B1 ≥ B1 (43,92) = B2 (41,13) ≥ B3 (32,20).

Concernant les séquences avec /i/, la réaction est différente en fonction du voisement.

La fermeture de la voisée est allongée de 13,92 ms entre B0 et B3 alors que l’on

n’observe pas de différence entre B0 et B1. La fermeture de la non voisée /t/ admet une

réduction de 6,99 ms entre les conditions B0 et B3.

/di/: B0 (38,23) = B1 (37,04) ≤ B2 (42,35) ≤ B3 (52,15).

/ti/ : B0 (42,8) = B1 (40,12) = B2 (39,20 = B3 (35,81)

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150

Alors que pour BL, les bite-blocks allongent le geste de fermeture des séquences avec

/i/, pour YM la nature de la voyelle ne semble pas être aussi importante.

En fait, la durée de la fermeture linguo-palatale de ce locuteur n’est pas influencée de

manière significative par les bite-blocks [F(3,188)=1,738 ; p=0,1607]. Les faibles écarts

observés entre les conditions B0 et les autres ne sont pas significatifs. Les effets des

bite-blocks dépendent de la nature de la séquence [F(9,176)=2,807; p=0,0042]. Par voie

de conséquence les effets des bite-blocks dépendent de la voyelle [F(3,184)=5,278;

p=0,0016]. Par contre le voisement n’a pas de rôle significatif sur les effets des bite-

blocks [F(3,184)=0,657; p=0,5798]. Nous observons tout de même un raccourcissement

plus marqué de la fermeture concernant la séquence /dad/, avec le B3.

Fermeture de YM

34,5

2

27,7

9

36,2

9

29,5

9

33,1

6

27,7

4

33,8

5

27,3

7

29,7

3

30,9

9

32,4

6

26,6

1

18,6

2

34,5

3

26,9

0

24,0

2

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n°7.14 : Durées relatives des fermetures linguo-palatales du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

Les durées relatives nous montrent que sans bite-blocks la fermeture linguo-palatale

occupe en moyenne un tiers de la totalité de la consonne. La fermeture de /dad/ perd

15,9 % de B0 à B3, la fermeture de /tat/ perd 9,39% de B0 à B3. Seule la séquence /did/

voit sa fermeture s’allonger avec les bite-blocks : la différence entre B0 et B3 est plus

significative qu’avec les autres bite-blocks : 6,74%. La fermeture de /t/ suivi de /i/ est la

plus stable face aux bite-blocks, comme pour le locuteur BL (figure 7.12).

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

151

7 4. Durée des tenues

7.4.1 Influence générale des variables sur la durée de la tenue

4 05 06 07 08 09 0

10 011 012 013 014 015 0

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Ce ll

titta td idd ad

C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d te n u c1Ef fe t : lo c * c o n d * cv cBar r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ia n c e

Figure n°7.15: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de la tenue. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3).

En ordonnée, la durée.

La variable principale <condition> a une forte influence sur la durée de la tenue

[F(3,352)=10,149 ; p<0.0001). Cependant, l’influence de la condition ne dépend pas du

locuteur [F(3,352)=1,754 ; p=0,1557] : les deux locuteurs réagissent aux perturbations.

Les effets des bite-block dépendent de la séquence [F(9,352)=2,339 ; p=0,0143] : la

tenue de chaque séquence est différemment modifiée par les bite-blocks. L’interaction

entre locuteur et la séquence est significative [F(3,352)=3,932 ; p=0.0088]. Chaque

locuteur a une manière différente de produire les séquences. Nous regardons ensuite le

comportement des tenues de chacun en particulier.

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152

7.4.2 Durées des tenues du locuteur BL

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.16 : Les durées moyennes des tenues pour le locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En condition normale, la durée de la tenue de la séquence /dad/ est nettement plus

courte que celle des autres séquences : /da/ (69,80) ≤ /di/ (90,46) = /ta/ (90,79) ≤ /ti/

(98,15). Sous l’influence des bite-blocks, nous observons les mêmes manifestations que

pour les durées totales des consonnes et les durées des fermetures linguo-palatales :

seules les durées des séquences avec /i/ sont allongées au fur et à mesure que l’épaisseur

des bite-blocks augmente. La tenue de la voisée est allongée de 19,32ms entre B0 et B2

et la tenue de la non voisée est allongée de 25,93 ms.

/di/ : B0 (90,46) ≤ B1 (89,71) ≤ B2 (104,99) = B3 (109,98 )

/ti/ : B0 (98,15) = B1 (95,93) ≤ B2 (113,18) ≤ B3 (124,08)

On notera une tendance au raccourcissement de la tenue avec la voyelle /a/ avec

toujours moins de variation temporelle qu’avec la voyelle /i/. La tenue de la voisée

diminue de 8,97 ms entre b0 et B2 et la tenue de la non voisée diminue de 15,11 ms

entre B0 et B2.

/da/ : B0 (69,89) = B3 (68,21) ≥ (62,72) = B2(60,92)

/ta/ : B0 (90,79) = B3 (86,61) ≥ B2 (80,43) = B1 (75,68)

La variable <condition> (condition d’enregistrement ou bite-block) seule a un effet

significatif sur les durées des tenues de ce locuteur [F(3,188)=3,307 ; p=0,0213]. Par

contre la nature de la séquence n’influence pas les effets des bite-blocks

[F(9,176)=1,774; p=0,0761]. On remarque aussi que les effets des bite-blocks sont

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

153

influencés par la nature de la voyelle. [F(3,184)=4,501 ; p=0,0045]. L’interaction entre

condition et voisement n’est pas significative [F(3,184)=0,135 ; p=0,9393].

Tenue de BL

67,7

1

71,4

6

67,4

8

67,9

0

60,1

6

66,5

6

65,0

6

65,6

3

69,9

1

70,0

5

67,4

6

67,6

365

,33

70,3

3

70,2

8

69,8

6

0102030405060708090

100

dad did tat tit

%B0

B1

B2

B3

Figure n° 7.17 : Durées relatives des tenues du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

La tenue de ce locuteur BL représente les deux tiers de la consonne. Alors qu’en

proportion de la tenue avec la voyelle /i/, les données relatives ne montrent pas de

différences entre les conditions ni en fonction du voisement, ni en fonction de la

voyelle. Ici, la proportion de la tenue articulatoire semble rester relativement stable.

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154

7.4.3 Durées des tenues du locuteur YM

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.18 : Les durées moyennes des tenues de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, la durée de la tenue de /dad/ est nettement à celles des autres

séquences. /ti/ (95,74) ≥ /di/ (88,95) = /ta/ (86,21) ≥ /da/ (71,88). La tenue est la plus

longue sur la consonne non voisée suivie de /i/. Les tenues sont en accord avec les

durées totales des consonnes. Nous avons fait la même observation à propos des tenues

du locuteur BL.

En production bloquée, nous observons une légère tendance à la hausse de la durée de la

tenue, excepté pour la séquence /tat/. Concernant les séquences avec /i/, la tenue de la

voisée s’allonge de 21,51 ms entre B0 et B3 mais il n’y a pas de différence entre B0, B1

et B2. La tenue de la non voisée varie moins augmente seulement de 9,75 ms entre B0

et B3 sans différence entre B0, B1 et B2.

/di/ : B0 (88,95) = B1 (91,56) = B2 (92,76) ≤ B3 (110,46).

/ti/ : B0 (95,74) ≤ B1 (102,94) = B2 (101,12) = B3 (105,49)

Concernant les séquences avec /a/, seulement la tenue de la voisée admet un léger

allongement de 9,76 ms entre B0 et B3, et nous n’observons pas de différence entre B0,

B1 et B2. Les tenues de la non voisée montrent une certaine stabilité entre les

conditions.

/da/ : B0 (71,88) = B1 (71,66) = B2 (71,87) ≤ B3 (81,64)

/ta/ B0 (86,22) = B1 (84,31) = B2 (82,73) = B3 (84,79)

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

155

Nous avons observé plus de variation en fonction des bite-blocks sur les tenues du

locuteur BL. Pour YM, on observe une hausse de la durée de la tenue seulement sur la

séquence /did/. Il n’y a pas de variation temporelle remarquable concernant les durées

des tenues des autres séquences alors que les effets des bite-blocks sont significatifs :

[F(3,188)= 3,575 ; p=0,0150]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la voyelle

[F(3,184)= 1,570 ; p=0,1982] et ne dépendent pas de la nature de la séquence

[F(9,176)= 1,573 ; p=0,1265]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas non plus du

voisement [F(3,184)=1,659 ; p=0,1774].

Tenue de YM

62,9

0

65,9

0

65,8

0

66,0

8

61,9

5

68,8

4

66,1

0

70,7

5

63,9

2

66,8

5

65,3

2

67,8

9

74,2

6

71,8

5

70,0

9

71,9

6

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n°7.19 : Durées relatives des tenues du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

Nous remarquons que pour les 4 séquences, les tenues occupent un peu moins des 2/3

(entre 60% et 70%) de la durée totale de la consonne. De plus, cette proportion reste la

même avec les bite-blocks, ce qui nous pousse à croire que cette phase est relativement

stable face aux perturbations. En durée relative (comme nous l’avons observé en durée

absolue), nous observons quand même une différence significative de durée sur la

séquence /dad/, B0(62,90) ≤ B3 (74,26). Les autres séquences ne présentent pas de

variations temporelles aussi drastiques.

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156

7.5. Durée des maxima

7.5.1 Influence générale des variables sur la durée du maximum de

contacts.

0

10

20

30

40

50

60

70

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Cell

tittatdiddad

Courbe de s inte ractions pour dm axc1Effe t : loc * cond * cvcBarre s d'e r re ur : 95% Inte rvalle de confiance

Figure n° 7.20 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du maximum de contacts. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1,

b2 et b3). En ordonnée, la durée.

La variable principale <condition> n’a que très peu d’influence sur la durée du

maximum : [F(3,352)=0,831 ; p=0,04776]. L’effet des bite-blocks n’est pas le même

chez les deux locuteurs [F(3,352)=8,472 ; p<0,001]. On voit bien sur la figure 7.20 les

deux tendances différentes : avec les bite-blocks, le locueur BL perd des contacts et le

locuteur YM en gagne. Les effets de la condition expérimentale dépendent de la

séquence étudiée : [F(9,352)= 2,39 ; p=0,0123]. L’interaction entre <locuteur> et <cvc>

est significative [F(3,352)=10,452, p<0,0001] : chaque locuteur a sa manière propre de

produire les séquences. Nous allons voir précisément comment évolue le maximum de

contacts face aux perturbations chez les deux locuteurs.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

157

7.5.2 Durées des maxima du locuteur BL

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.21: Les durées moyennes des maxima pour le locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En parole normale, le maximum est plus long pour la séquence /tat/ que pour les autres

séquences. On remarque que le maximum de contacts ne varie pas en fonction de la

voyelle : /ta/ (44,28) ≥ /da/ (36,58) = /di/ (36,21) ≥ /ti/ (27,87).

Avec les bite-blocks, on remarque que les maximums de contacts durent plus longtemps

que sans bite-block, excepté concernant la séquence /tit/ pour laquelle le maximum de

contacts est plus long en B3.

Sur les séquences avec la voyelle /a/, le maximum de la voisée raccourcit de 9,12 ms

ente B0 et B1, B2, B3 et le maximum de la non voisée raccourcit de 17,96 ms entre B0

et B2, B3.

/da/ : B0 (36,58) ≥ B1 (27,63) = B2 (27,32 ) = B3 (28,28)

/ta/ : B0 (44.28) ≥ B1 (36.52) ≥ B3 (29.78) = B2 (26.32)

Avec la voyelle /i/, le maximum de la voisée /d/ est diminué de 16,5 ms entre B0 et B1,

B2, B3. Le maximum de la voisée est augmenté de 11,54 ms entre B0 et B3 et de 19 ms

entre B1 et B3.

/di/ : B0 (36,21) ≥ B1 (20,94) = B3 (22,98)= B2 (19,71)

/ti/ : B1 (20,35) = B2 (21,18) ≤ B0 (27,87) ≤ B3 (39,41)

L’influence des bite-blocks est significative sur la durée du maximum de ce locuteur

[F(3,188)= 6,406 ; p=0,0004]. Il semble que la nature de l’identité phonétique n’ait pas

d’influence sur les effets desbbite-blocks. [F(9,176)= 1,667 ; p=0,1001]. La nature de la

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158

voyelle n’influence pas non plus la durée du maximum [F(3,184)=1,657 ; p=0,1778].

L’interaction entre les variables <condition> et <voisement> n’est pas significative

[F(3,184)=0,817; p=0,4861]. Avec les bite-blocks, la tendance de ce locuteur est bien à

la réduction des maximums de contacts, excepté pour la séquence /tit/.

Maximum de BL

35,4

2

26,5

1

35,0

4

19,2

5

15,3

0

29,1

7

31,1

8

12,7

8

32,4

2

12,8

7 21,8

5

12,7

9 18,7

9

24,5

1

14,9

1

30,1

3

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n° 7.22 : Durées relatives des maxima du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

En B0, le maximum absolu de contacts représente environ un tiers des consonnes exepté

pour la consonne /t/ suivie de /i/. Les durées relatives sont toujours plus faibles avec les

bite-blocks. Nous constatons des écarts qui traduisent la tendance à la diminution de la

proportion du maximum.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

159

7.5.3 Durées des maxima du locuteur YM

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.23: Les durées moyennes des maxima de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, on constate que les durées des maxima de /t/ et /d/ sont

équivalentes, que les consonnes soient suivies de /i/ ou de /a/ : /ti/ (30.07) = /ta/ (33.07)

= /di/ (35.82) = /da/ ( 32.47).

Avec les bite-blocks, les séquences avec /a/ ne répondent pas de la même façon. La

voisée /d/ voit son maximum réduire de 12,19 ms entre B0 et B3. On constate que les

durées en B0, B1 et B2 sont identiques. La non voisée /t/ voit son maximum s’allonger

de 10,39 ms avec le B3 alors qu’il n’y a pas de différences entre B0, B1 et B2.

/da/ : B0 (32,45) = B1 (32,10) = B2 (35,54) ≥ B3 (20,26).

/ta/ : B0 (33,07) = B1(32,10) = B2(35,54) ≤ B3 (43,46).

Les maxima des séquences avec /i/, sont allongés. Le maximum de la voisée /d/ est

allongé de 23 ms avec le B1 et le B3 et de 18,24 ms avec le B2. Le maximum de la non

voisée est allongée de 11,83 ms avec le B1 et le B3 et de 5,97 ms avec le B2. Sous

l’influence des bite-blocks les maxima des consonnes suivies de /i/ admettent une

évolution identique des durées.

/ti/ :B0 (30,03) ≤ B2 (48,27) ≤ B1 (53,92) = B3 (52,83)

/di/ : B0 (35,82) ≤ B2 (41,79) ≤ B1 (47,47) = B3 (47,63)

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160

L’effet seul des bite-blocks n’est pas significatif [F(3,188)= 2,522 ; p=0,592].

Cependant, on peut conclure que la nature de la voyelle peut jouer sur les effets des

bite-blocks [F(3,184)= 3,004 ; p=0,0317]. Les effets des bite-blocks dépendent aussi de

la nature de la séquence [F(9,176)= 2,217 ; p=0,0230]. Par contre, le voisement

n’influence pas les effets des bite-blocks. [F(3,184)=1,846 ; p=0,1404].

Maximum de YM26

,94

28,2

8

25,1

0

20,8

328,2

5

35,4

7

27,0

1 37,0

9

31,4

5

29,9

2

27,6

9

31,8

8

18,7

0

30,6

8 35,7

4

36,3

5

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n° 7.24 : Durées relatives des maxima du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

En B0, on peut évaluer la part du maximum de contacts à environ un peu moins d’1/3

de la consonne. Les données relatives indiquent aussi que seulement la séquence /da/

voit ses maxima raccourcis de 9,58% avec B3. Une tendance à l’allongement des

maxima sur les autres séquences se dégage plus clairement : + 8,53% entre B0 et B1

pour /di/ ; +10,64% entre B3 et B0 pour /ta/ et + 15,52% pour /ti/.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

161

7. 6 Durée des occlusions

7.6.1 Durée de l’occlusion du locuteur BL

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n°7.25: Les durées moyennes des occlusions du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, l’occlusion la plus longue est sur la séquence /tat/, la plus

courte est sur la séquence /dad/. Alors que les occlusions des séquences avec /i/ sont les

mêmes, indépendamment du trait de voisement : /ta/ (90,68) ≥ /di/ (76,24) ≥/ti/ (76,25)

≥ /da/ (68,27). Les occlusions des séquences avec /a/ racourcissent avec les bite-blocks.

L’occlusion de la voisée /d/ diminue de 27,17 ms entre B0 et B2 par contre, nous

n’observons pas de différence importante entre la production en B0 (68,28 ms) et avec

B3 (64,22 ms). L’occlusion de la consonne non voisée /t/ perd 24 ms entre B0 et B2 et

perd 11,37 ms entre B0 et B3.

/da/ : B0 (68,28) = B3 (64,22) ≥ B1 (59,05) ≥ B2 (41,63)

/ta/ : B0 (90,68) ≥ B3 (79,37) = B1 (75,34) ≥ B2 (66,67)

Les occlusions des séquences avec /i/, sont plus longues avec B3 que sans bite-block.

L’évolution des durées d’occlusion est la même pour les deux séquences avec /i/ : la

durée est stable en B0, B1 et B2 puis augmente de avec B3. L’occlusion de la voisée

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162

s’allonge de 9,98 ms entre B0 et B3 et l’occlusion de la non voisée s’allonge de 16,11

ms entre B0 et B3.

/di/ : B0 (76,24) = B1 (76,69)=B2 (79,45) ≤ B3 (86,22)

/ti/ : B0 (76,25) =B1 (73,36) =B2 (79,45) ≤ b3 (92,36)

Occlusion de BL

67,1

3

56,1

2

70,9

1

52,9

5

54,7

1

61,9

9

65,9

3

45,2

4

51,6

9

46,5

0

56,1

0

47,6

6

67,3

3

54,8

6

63,4

3

49,1

5

0102030405060708090

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n°7.26 : Les durées relatives des occlusions du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

Les occlusions représentent un peu plus de la moitié des consonnes. Les durées relatives

montrent peu de différences de durées des occlusions de /did/ et /tit/. Alors que les

durées absolues montraient un allongement, la proportion de l’occlusion reste constante

avec les bite-blocks. On notera une différence plus marquée avec la voyelle /a/.

/da/ : B0 (67,13) = B3 (67,33) = B1 (61,99) ≥ B2 (46,50)

/ta/: B0 (70,91) ≥ B1 (65,93) = B3 (63,43) ≥ B2 (56,10)

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

163

7.6.2 Durée de l’occlusion du locuteur YM

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n°7.27 : Les durées moyennes des occlusions du locuteur YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, l’occlusion de la non voisée suivie de /a/ est plus longue que

l’occlusion de la non voisée suivie de /i/ : /ta/ (77,71) = /di/ (73,51) ≥ /da/ (67,10) = /ti/

(65,58).

Avec les bite-blocks, les consonnes suivie de /a/ réagissent différemment. La voisée voit

raccourcir son occlusion de 7,99 ms entre B0 et B3, alors qu’il n’y a pas de différence

ente B0 et B2. Concernant la non voisée, les durées des occlusions sont identiques dans

les quatre conditions d’enregistrement : la durée de l’occlusion reste stable :

/da/ : B0 (67,01)= B2 (63,96) ≥ B1 (53,91) = B3 (59,02)

/ta/: B0 (77,71) = B2 (77,56) = B1 (74,33) = B3 (74,38)

Les occlusions des consonnes suivies de /i/, réagissent de manière contradictoire. Les

occlusions de /d / sont similaires en B0, B1 et B2 et s’allongent de 19,49 ms avec le B3.

Les occlusions de /d/ raccourcissent de 19,19 ms entre B0 et B1, B2, B3, elles sont de

même longueur dans les trois situations de perturbation.

/di/ : B0 (73,51) = B1 (72,44) = B2 (76,05) ≤ B3 (93)

/ti/ : B0 (65,58) ≤ B1 (82,27)=B2 (82,49) = B3( 84,77)

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164

Occlusion de YM

58,5

6

54,3

1

59,0

1

45,2

9

46,5

8

54,9

9

57,7

3

56,3

9

56,2

7

54,6

6

61,1

0

55,2

6

60,3

9

62,3

5

61,0

9

57,8

3

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n° 7.28 : Durées relatives des occlusions du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

En production normale, les durées relatives nous montrent que les occlusions occupent

bien la moitié de la consonne, et un peu moins pour /t/ suivi de /i/. Elles durent plus

longtemps que les maxima de contacts qui représentaient environ un tiers de la

consonne. Avec les bite-blocks, on note peu de différences sur la proportion de

l’occlusion de /d/ suivi de /i/ et /t/ suivi de /a/. Notons que les occlusions de /t/ suivi de

/i/ gagnent 12,54% avec B3. Les occlusions de /d/ suivi de /a/ perdent 11,98 % avec B1

et ensuite rejoignent la proportion sans bite-block.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

165

7.7 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP)

7.7.1 Influence générale des variables sur la durée de l’ouverture

linguo-palatale

2 0

3 0

4 0

5 0

6 0

7 0

8 0

9 0

1 0 0

1 1 0

Cel

l Mea

n

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3Ce ll

t itta td idd ad

C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d m a xe n dEf fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce

Figure n° 7.29: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de l’ouverture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et

b3). En ordonnée, la durée.

Pour les deux locuteurs confondus, les bite-blocks influencent les durées d’ouverture LP

[F(3,352)=3,205 ; p=0,0233]. Les effets des bite-blocks dépendent des locuteurs

[F(3,352)=2,821 ; p=0,0389] : nous remarquons effectivement que les valeurs

correspondantes à BL sont plus élargies, admettent plus de variabilité que celles de YM.

L’interaction entre <locuteur> et <cvc> est fortement significative [F(3,352)=22,864 ;

p<0.0001] puisque les locuteurs ont une façon différente de produire les séquences. Les

effets des bite bocks ne dépendent pas des séquences [F(9,352)=1,345 ; p=0,2120].

Nous détaillons maintenant les durées de l’ouverture LP de chaque locuteur

respectivement en fonction des variables.

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166

7.6.2 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur BL

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n°7.30 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, l’ouverture linguo-palatale est plus longue sur les séquences

avec la voyelle /i/ et la consonne non voisée. L’ouverture linguo-palatale des séquences

avec la voyelle /a/ a quasiment la même durée pour la voisée et la non voisée.

/da/ (41,47) = /ta/ (45,29) ≤ /di/ (54,9) ≤ /ti/ (66,06)

Avec les bite-blocks, l’ouverture linguo-palatale a tendance à s’allonger sur les

séquences avec /i/. L’ouverture de la voisée s’allonge de 10,41 ms entre B0 et B3, alors

qu’il n’y a pas de différence entre B0 et B2. L’ouverture LP de la non voisée /t/

s’allonge de 16,27 ms entre B0 et B3 mais nous n’observons pas de différence de durées

entre B1, et B2.

/di/ : B0 (54,90) = B2(54,79) ≤ B1 (60,07) ≤ B3 (65,31)

/ti/ : B0 (66,06) ≤ B2 (79,17) = B1 (80,51) = B3 (82,33)

Sur les séquences avec /a/, la voisée /d/ admet une ouverture LP plus courte de 12,04 ms

entre B0 et B3 alors que la durée l’ouverture en B0 est identique à celle en B1. En B3,

La durée de l’ouverture LP de la non voisée /t/ dure 3,83 ms en moins qu’en B0 et 7,86

ms en moins qu’en B1.

/da/ : B0 (41,47) = B1 (38,51) ≥ B3 (33,86) ≥ B2 (29,43)

/ta/ : B1 (41,26) = B2 (42,97) ≤ B0 (45,29) ≤ B3 (49,12)

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

167

En fait, ces différences entre les conditions sont minimes puisque l’ouverture LP ne

subit pas de changement significatif de durées sous mla ; seule influence des bite-blocks

[F(3,188)=0,851 ; p=0,4678]. La nature de la séquence ne joue pas un rôle particulier

sur les effets des bite-blocks [F(9,176)=1,633 ; p=0,1091], pas plus d’ailleurs que la

voyelle [F(3,184)=2,279 ; p=0,0810], et le voisement F(3,184)=0,727 ; p=0,5370]. Les

variations observées avec les bite-blocks, ne sont apparemment pas suffisantes pour

conclure à une véritable distinction entre les conditions d’enregistrement.

Ouverture de BL

45,4

5

35,1

1

41,2

3

39,9

7

50,7

1

36,6

9

43,8

7

40,2

0

48,0

3

36,0

9

37,2

2

33,7

334

,38

41,8

1

39,9

4

43,8

30

102030405060708090

100

dad did tat tit

%

B0B1B2B3

Figure n°7.31 : Durées relatives des ouvertures linguo-palatales du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

En B0, le mouvement d’ouverture linguo-palatale représente plus d’1/3 de la consonne.

Il semble que la proportion que l’ouverture linguo-palatale occupe dans la consonne

reste stable avec les bite-blocks : les fluctuations des valeurs ne semblent pas être dues

aux bite blocks.

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168

7.6.3 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur YM

020406080

100120140160180200220

Moy

. des

cel

lule

s

dad did tat titCellule

b3b2b1b0

Figure n° 7.32 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.

En production normale, l’ouverture linguo-palatale est plus lente sur les consonnes

voisées que les non voisées. Les séquences avec /i/ montrent une ouverture LP plus

lente que celles avec /a/. B0 : /da/ (42,39) ≤ /ta/ (50,59) ≤ /di/ (61,71) ≤ /ti/ (71,72).

Rappelons que nous avons fait la même remarque concernant le locuteur BL.

Avec les bite-blocks, l’ouverture LP des séquences avec /i/ est raccourcie. L’ouverture

LP de la voisée diminue de 12,95 ms entre B0 et B1 et de 7,22 ms entre B0 et B3. La

non voisée diminue de 20,18 ms entre B0 et B1 et diminue de 14,78 ms entre B0 et B2.

/di/ : B0 (61,71) ≥ B2 (53,96) = B3 (54,49) ≥ B1 (48,76).

/ti/ : B0 (71,72) ≥ B2 (61,57) ≥ B3 (56,94) = B1 (51,54).

Seule la consonne /d/ suivi de /a/ voit son ouverture LP allongée de 27,48 ms entre B0

et B3 alors que nous observons la même durée entre B0, B1 et B2.

/da/: B0 (42,38) = B1 (44,92) = B2 (43,33) ≤ B3 (69,86).

/ta/: B0 (50,59) = B1 (49,68) = B2 (50,12) ≥ B3 (44,55).

A l’inverse, l’ouverture linguo-palatale de la non voisée /t/ diminue avec le B3 bien

qu’aucune différence ne soit remarquée entre B0, B1 et B2.

La seule séquence qui ralentit de façon drastique le mouvement d’ouverture LP est la

séquence /d/ suivi de /a/ et encore l’écart type est beaucoup plus fort.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

169

Les durées de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM sont influencées par la

présence des bite-blocks [F(3,188)=3,410 ; p=0,0187]. Cette influence est donnée

surtout par les changements observés sur la consonne /d/ suivie de /a/. Les effets des

bite-blocks dépendent de la nature de la séquence [F(9,176)=6,246 ; p<0,0001]. La

nature de la voyelle influence aussi les effets des bite-blocks [F(3,184)=6,491 ;

p=0,0003]. Le voisement influence aussi les effets des bite-blocks [F(3,184)=5,579 ;

p=0,0011]. Nous observons un fort allongement de l’ouverture sur /d/ suivi de /a/ avec

seulement le B3, un raccourcissement sur les consonnes suivies de /i/.

Ouverture de YM

37,2

1

45,2

7

38,6

1

49,5

8

38,5

9

36,7

9

39,1

4

35,5

5

38,8

2

39,0

9

39,8

6

41,6

0

63,2

1

35,3

8

37,3

6

38,6

50

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

dad did tat tit

%

B0

B1

B2

B3

Figure n°7.33: Durées relatives de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.

En B0, l’ouverture représente environ un tiers de la consonne comme pour le locuteur

BL. Avec les bite-blocks ce rapport semble diminuer légèrement avec la voyelle /i/

excepté concernant la consonne /t/ suivie de /a/, pour laquelle il n’y a pas de différence

entre les conditions. Nous observons un allongement considérable de l’ouverture LP de

la consonne /d/ suivie de /a/ avec le B3, accompagné d’un fort écart-type qui traduit une

certaine instabilité des valeurs durant l’allongement de l’ouverture.

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170

7.7 Résumé des résultats temporels

Nous venons de confirmer que les perturbations n’ont pas un effet systématique sur

l’organisation temporelle de la constriction linguale duant la production des consonnes

/d/ et /t/. Les effets des bite-blocks sur le timing de la consonne peuvent dépendre

effectivement d’autres facteurs comme le contexte phonétique environnant au sens

large. Les différences bien marquées entre les réactions des deux locuteurs confirment

de fortes variations-interindividuelles. Chacun appréhende les perturbations à sa façon,

en fonction de sa moprphologie, de ses acquis et semble réagir de façon appropriée à ses

propres habitudes de production, ce que Zerling (1991) appelle la base articulatoire.

7.7.1 Les résultats temporels du locuteur BL

Les durées des consonnes occlusives observées ne sont pas modifiées par les bite-

blocks. Par contre les variations observées sont plutôt dues à la nature de la voyelle et à

la nature de la séquence. Les durées des consonnes voisées et non voisées sont plus

longues avec la voyelle /i/ qu’avec la voyelle /a/ ce qui n’est pas surprenant puisque la

voyelle /i/ est allongeante.

Les variations temporelles observées sur la durée de la fermeture linguo-palatale sont

vraiment dues aux bite-blocks, indépendamment des autres facteurs. Les fermetures des

consonnes, voisées et non voisées, avec /i/ et avec /a/, sont ralenties sous l’influence des

bite-blocks. L’établissement de la constriction nécessite plus de temps. Le locuteur a

surement besoin d'un délai plus long pour adapter la trajectoire de la langue vers la

constriction.

Les durées des tenues sont en partie influencées par les bite-blocks puisque la voyelle et

a aussi une influence. Comme pour les durées des consonnes /t/ et /d/, les durée des

tenues sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et raccourcies quand elles sont

suivies de /a/.

Les durées des contacts maximaux sont modifiées seulement par les bite-blocks, les

autres facteurs n’influencent pas les durées. La tendance est plutôt au raccourcissement

du maximum. La difficulté à tenir la constriction avec la mâchoire ouverte se fait

ressentir par le raccourcissement de la constriction maximale. Le locuteur atteint la

constriction mais a des difficultés à la tenir aussi longtemps qu’en parole normale.

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TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels

171

Les occlusions des consonnes voisées et non voisées avec /a/, sont raccourcies, les

occlusions des consonnes avec /i/ sont allongées, comme pour la tenue et la durée totale.

La durée de l’ouverture n’est pas changée de façon significative par les bite-blocks, ni

même par la voyelle.

La fermeture linguo-palatale et la constiction maximale de la consonne sont affectées

par les perturbations. La tenue est affectée aussi mais toujours en rapport avec la voyelle

qui suit. La phase de relâchement de la constriction ne semble pas influencée par les

perturbations.

7.7.2 Les résultats temporels du locuteur YM

Les durées des consonnes ne sont pas modifiées par les bite-blocks. Les variations

temporelles observées sont dues à la nature de la voyelle subséquente. Les consonnes /t/

et /d/ sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et raccourcies quand elles sont

suivies de /a/. Il est à noter cependant que les différences sont moins importantes que

chez le locuteur BL.

Les variations temporelles observées sur la fermeture linguo-palatale ne dépendent pas

significativement des bite-blocks, par contre, elles dépendent de la nature de la voyelle.

La fermeture est raccourcie pour les consonnes suivies de /a/ et pour /t/ suivi de /i/.

Seule la fermeture de la voisée /d/ suivie de /i/ est allongée.

La durée des tenues est changée sous l’influence seule des bite-blocks, elle est allongée.

La tenue dure plus longtemps avec les bite-blocks que sans : une tenue plus longue

traduirait un effort de contrôle plus précis de la part du locuteur.

La durée du maximum de contacts n’est pas modifiée significativement par la présence

des bite-blocks. Par contre, les variations temporelles observées seraient dues à la nature

de la voyelle subséquente : les maxima des consonnes suivies de /i/ sont allongés.

Le maximum de la consonne /d/ suivie de /a/ est diminué. Seul le maximum de la

consonne /t/ suivie de /a/ reste stable.

Les occlusions des consonnes voisées et non voisées avec /i/ sont allongées, comme la

durée de la consonne et de la fermeture.

La durée de l’ouverture linguo-palatale est influencée par les bite-blocks mais pas

entièrement puisque la nature de la voyelle joue aussi un rôle : l’ouverture des

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172

consonnes suivies de /i/ est diminuée et l’ouverture de la consonne /d/ suivie de /a/ est

allongée. Seule l’ouverture de la consonne /t/ suivie de /a/ reste stable.

La tenue articulatoire est la seule phase sur laquelle on observe des effets directs des

perturbations. Le geste d’ouverture est aussi modifié mais les effets des bite-blocks

dépendent de la voyelle. La phase d’établissement de la constriction et la phase médiane

(constriction maximale) de la consonne sont plus résistantes aux perturbations que les

autres phases.

En réponse aux perturbations, les points communs aux deux locuteurs sont le caractère

stable de la durée de la consonne et l’allongement de la tenue. Les autres phases de la

consonne évoluent différemment pour chacun d’eux.

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173

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174

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

175

QUATRIEME PARTIE

INTERPRETATION ET DISCUSSION

______________________________________________________________________

CHAPITRE 8

Les résultats spatio-temporels

Nous présentons dans cette partie les aspects spatio-temporels des mouvements

articulatoires des consonnes observées. Nous avons calculé les indices de pente

d’ouverture et de fermeture à partir des résultats spatiaux et des résultats temporels. La

pente de fermeture linguo-palatale correspond à l’établissement de la constriction. La

pente d’ouverture linguo-palatale correspond au relâchement de la constriction. Nous

nous demandons maintenant si la portée des pentes de fermeture et d’ouverture est

modifiée par la présence des bite-blocks.

Rappelons que pour avoir un indice de la pente de fermeture, nous avons déduit le

nombre de contacts relevés au début du geste de fermeture, du nombre de contacts

relevé au début de la constriction maximale. Pour calculer la portée de la pente

d’ouverture, nous avons déduit le nombre de contacts relevé à la fin de la constriction

maximale, du nombre de contacts relevé à la fin du geste de relâchement. (cet indice

sera donc négatif). A partir des indices des pentes, nous sommes en mesure de déduire

approximativement les vitesses d’ouverture (la langue se détache du point de

constriction et retourne en position basse) et de fermeture linguo-palatale (la langue va

atteindre la constriction maximale) de la consonne, d’après la formule traditionnelle du

calcul de la vitesse : Vitesse =Amplitude/Temps.

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176

8.1 L’amplitude des mouvements articulatoires

8.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale (LP).

0

,005

,01

,015

,02

,025

,03

,035

,04

,045

Cell M

ean

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3Cell

tittatdiddad

Courbe des interactions pour pinimaxEffet : loc * cond * cvcBarres d'erreur: 95% Intervalle de confiance

Figure n°8.1: Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la pente de fermeture linguo-palatale. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement

respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente.

Globalement, il semble que les bite-blocks ont un effet significatif sur l’amplitude des

pentes de fermeture LP [F(3,380)=4,650 ; p=0,0033]. L’effet des bite-blocks dépend

fortement des locuteurs [F(3,352)=11,498 ; p<0,0001] car l’interaction entre les deux

variables est significative. Nous pouvons constater que l’indice de pente de fermeture

du locuteur BL est sujet à la diminution avec les bite-blocks. Concernant le locuteur

YM nous notons plus de variabilité en fonction des séquences : les valeurs sont élargies

et les écart-types aussi. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la nature de la

séquence [F(9,352)=1,782 ; p=0,0634]. L’interaction entre la variable <locuteur> et la

variable <séquence> est significative [F(3,352)=7,303 ; p<0,0001], effectivement

chaque locuteur a sa façon de réaliser les séquences.

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

177

8.1.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale du Locuteur BL

0

,02

,04

Moy

. cel

l

dad did tat titCell

b3b2b1b0

Graphique des interactions pour pinimaxEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Déviation(s) standard

Figure n° 8.2 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En

ordonnée, l’indice de la pente.

Les pentes de fermeture du locuteur BL sont influencées par les bite-blocks

[F(3,188)=26,097 ; p<0,0001]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la nature

de la séquence, l’interaction entre ces deux variables n’est pas significative

[F(3,176)=1,192 ; p=0,3028]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas non plus de la

nature de la voyelle [F(3,184)=1,697 ; p=1,692]. Le voisement n’a pas plus d’influence

sur les effets des bite-blocks [F(1,184)=1,466 ; p=0,2253]. Pour ce locuteur et pour

toutes les séquences étudiées, les bite-blocks ont pour effet de réduire l’amplitude des

pentes de fermeture au fur et à mesure que leur épaisseur augmente. En même temps,

nous avons vu, dans le chapitre 7 (résultats temporels) que les bite-blocks ont pour effet

d’allonger de manière significative les durées des fermetures indépendamment des

autres variables considérées. Rappelons aussi que la constriction maximale était

également réduite par la présence des bite-blocks.

En conclusion, avec les perturbations, l’amplitude du mouvement de fermeture linguo-

palatale est réduite alors que sa durée est allongée. Le locuteur a besoin de plus de

temps pour réaliser la fermeture sans toutefois parvenir à atteindre la constriction

réalisée en parole normale comme s’il s’opérait une réduction spatiale et temporelle du

geste lingual; il semble alors que le locuteur réalise un « undershoot » de la constriction

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178

produite en parole normale. C’est surtout vrai pour la séquence /dad/. Pour les autres

séquences, les patrons moyens résistent plutôt bien, voire très bien pour /tit/.

8.1.1.2 La pente de fermeture linguo-palatale du Locuteur YM

0

,02

,04

Moy

. cell

dad did tat titCell

b3b2b1b0

Graphique des interactions pour pinimaxEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard

Figure n° 8.3 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur Y.M. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3).

En ordonnée, l’indice de la pente.

Les pentes de fermeture de ce locuteur YM, ne sont pas influencées par les bite-blocks

[F(3,188)=1,909; p=0,1295]. Cependant, les variations observées dépendraient de la

nature de la séquence [F(9,176)=1,945; p=0,0485] (la significativité n’est cependant pas

forte puisque le p est très proche du seuil de significativité p=0.05). L’interaction entre

les variables <voyelle> et <condition> n’est pas significative [F(3,184)=1,269;

p=0,2863], pas plus que l’interaction entre les variables <voisement> et <condition>

[F(3,184)=2,474; p=0,0630].

Nous pouvons dire que les variations des pentes de fermetures de ce locuteur

dépendraient plus de la nature des séquences que des bite-blocks seuls. En même temps,

nous avons vu (chapitre 7) que la durée de la fermeture linguo-palatale n’est pas

influencée de manière significative par les bite-blocks. Au moment de la fermeture LP

des consonnes, ce locuteur paraît moins sensible aux perturbations que le locuteur BL.

Concernant la consonne /t/, plus le bite-block est épais, plus la pente de fermeture est

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

179

abrupte. Nous notons que la pente de fermeture LP de la consonne /d/ suivie de /a/

augmente d’amplitude avec le B3 en même temps que la durée de la fermeture LP est

réduite (par la voyelle /a/). A l’inverse du locuteur BL, le mouvement de fermeture LP

est plus rapide avec les bite-blocks. Notre hypothèse de réalisation d’un « flap » paraît

être confirmée par l’observation des ces paramètres supplémentaires. Avec les

perturbations, nous supposons que la langue, par un mouvement plus rapide, va se

projeter sur la partie dentale, l’apex contacte directement les dents. Il se pourrait donc

bien que ce locuteur « overshoot » la constriction effectuée en parole normale. Nous

pourrions même imaginer que sans le barrage dental, la langue serait projetée en dehors

de la bouche. Le lieu d’articulation est bien déplacé vers les dents, et passe d’alvéolaire

ou dento-alvéolaire à dental.

8.1.2 La pente d’ouverture linguo-palatale (LP)

-,027-,025-,023-,02

-,018-,015-,013-,01

-,008-,005-,003

0

Cell M

ean

B, b

0

B, b

1

B, b

2

B, b

3

Y, b

0

Y, b

1

Y, b

2

Y, b

3

Cell

tittatdiddad

Courbe des interactions pour pmaxendEffet : loc * cond * cvcBarres d'erreur: 95% Intervalle de confiance

Figure n° 8.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la pente d’ouverture linguo-palatal. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement

respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente.

Pour les deux locuteurs confondus, l’analyse statistique ne montre pas d’effet

significatif des bite-blocks sur l’amplitude des pentes d’ouverture [F(3,380)=1,139 ;

p=0,3331],. Les effets des bite-blocks dépendent des locuteurs [F(3,352)=11,498 ;

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180

p<0,0001]. Nous observons, sur la figure 8.4 que les indices de pentes du locuteur BL

ont tendance à être plus élevés que ceux du locuteur YM. Les effets des bite-blocks

dépendent da la séquence étudiée [F(9,352)=8,773 ; p<0,0001]. L’interaction entre la

variable locuteur et la variable condition est significative [F(3,352)=21,742 ; p<0,0001].

8.1.2.1 La pente d’ouverture linguo-palatale du locuteur BL

-,02

-,01

0

Moy

. cell

dad did tat titCell

b3b2b1b0

Graphique des interactions pour pmaxendEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard

Figure n° 8.5 : Les pentes d’ouverture du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l‘indice de la pente.

Comme les pentes de fermeture, les pentes d’ouverture du locuteur BL sont influencées

par les bite-blocks, [F(3,188)=5,010 ; p=0,0023]. L’interaction entre les deux variables

<condition> et <séquence> est significative : les effets des bite-blocks dépendent de la

nature de la séquence [F(9,176)=2,954 ; p=0,0027]. Les effets des bite-blocks dépendent

de la voyelle [F(3,184)=7,850 ; p<0,0001]. Par contre le voisement n’a aucune

incidence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=0,026 ; p=0,9945]. On remarque

effectivement que les consonnes suivies de /a/ voient leur pente d’ouverture diminer de

façon beaucoup plus marquée que celles des consonnes avec /i/ au fur et à mesure que

l’épaisseur des bite-blocks augmente. Nous avons vu dans le chapitre 7 que la durée de

l’ouverture ne subit pas de changement significatif sous l’emprise des bite-blocks alors

que les pentes d’ouverture sont plus abruptes.

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

181

8.1.2.2 La pente d’ouverture linguo-palatale du locuteur YM

-,03

-,02

-,01

0M

oy. c

ell

dad did tat titCell

b3b2b1b0

Graphique des interactions pour pmaxendEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard

Figure n° 8.6 : Les pentes d’ouverture du locuteur YM. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l‘indice de la pente.

Les bite-blocks seuls n’influencent pas les pentes d’ouverture du locuteur YM

[F(3,188)=0,874 ; p=0,4554]. Par contre la nature de la séquence a une influence

significative sur les effets des bite-blocks [F(9,176)=3,321 ; p=0,0009]. La voyelle a

aussi influence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=3,060 ; p=0,0295]. Le voisement

a aussi une influence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=3,663 ; p=0,0134].

Rappelons que les durées du geste d’ouverture linguo-palatales du locuteur YM sont

influencées par la présence des bite-blocks (chapitre 7). Nous avons observé un

allongement du geste d’ouverture sur la séquence /dad/ en meme temps que l’amplitude

da la pente diminue et un raccourcissement sur les séquences avec /i/ en même temps

que l’amplitude des pentes augmente.

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182

8.2 Les vitesses d’élaboration des pentes

8.2.1 La vitesse de fermeture linguo-palatale

Vitesse de fermeture

0100200300400500600700800900

SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3dad did tat tit

BL

YM

Figure n° 8.7: La vitesse de fermeture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse, chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la vitesse en nombre de contacts par

ms.

Pour le locuteur BL (gris foncé), la tendance générale est au ralentissement. La

fermeture linguo-palatale est toujours plus rapide sans perturbation qu’avec les

perturbations et elle diminue régulièrement au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-

blocks augmente. L'exécution de la constriction est ralentie avec les bite-blocks sur

toutes les consonnes, avec un ralentissement plus marqué de la fermeture du /d/ suivi de

/a/.

Concernant le locuteur YM, aucun penchant général ne se dégage. Avec /a/, la

fermeture linguo-palatale accélère avec les bite-blocks. Notons une accélération plus

sévère sur la consonne /d/ avec le B3. Concernant les consonnes suivies de /i/, la

tendance est inversée selon le voisement : la fermeture de /d/ ralentit avec les bite

blocks et la fermeture de /t/ a tendance à accélerer.

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

183

8.2.2 La vitesse d’ouverture linguo-palatale (LP)

Vitesse d'ouverture

0100200300400500600700800900

SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3

dad did tat tit

BLYM

Figure n° 8.8 : La vitesse de l’ouverture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse, chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la vitesse en nombre de contacts par

ms..

La tendance du locuteur BL (en gris foncé) est au ralentissement de l’ouverture sous

l’influence des bite-blocks. Avec la voyelle /a/, la langue relâche la constriction de plus

en plus lentement au fur et à mesure que l’épaisseur du bite-block augmente. Avec la

voyelle /i/ la vitesse d’ouverture est similaire pour B1, B2 et B3 mais toujours inférieure

à la vitesse d’ouverture observée sans bite-block. Toutes consonnes confondues, avec la

voyelle /a/ l’ouverture est toujours plus lente qu’avec la voyelle /i/ : la langue doit

effectuer une trajectoire plus longue pour retourner à la position basse exige paour

produire un /a/.

Concernant le locuteur YM, seule la consonne /d/ suivie de /a/ admet un ralentissement

de l’ouverture comparable à celle de BL. Les autres séquences ne présentent pas de

différences aussi évidentes. Nous observons une nette accélération de la vitesse

d’ouverture sur la consonne /t/ suivie de /a/ avec le B3 et sur la consonne /d/ suivie de

/i/ avec le B1.

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184

En résumé, sous l’emprise de la perturbation, la stratégie du locuteur BL est de ralentir

ses mouvements articulatoires de fermeture et d’ouverture linguo-palatale. L’amplitude

des contacts diminue en même temps que la constriction est réduite. Il lui faut plus de

temps pour réaliser une constriction qui se trouve réduite spatialement et

temporellement et cette réduction est plus marquée sur la consonne /d/ suivie de /a/.

D’autre part, le locuteur YM accélère son mouvement de fermeture excepté pour /d/

suivie de /i/ : la vitesse de fermeture dépend des séquences étudiées. Une fermeture plus

rapide, ajoutée à un renforcement spatio-temporel de la constriction maximale traduirait

un comportement de renforcement articulatoire. La langue va rapidement sur le palais

pour trouver une constriction qui s’en trouve alors plus étendue. Il semblerait que pour

ce locuteur, les bite-blocks n’ont pas d’effet aussi nets et récurrents pour le locuteur BL.

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

185

8. 3 Résumé des résultats spatiaux et temporels

8.3.1 Le locuteur BL

Locuteur BL dad did tat tit

Durée totale

absolue

B0(104,11) ≥

B1 (95,78) = B3

(97,12) ≥ B2

(86,56)

B0 (135,31) =

B1 (137,71) ≤

B2 (149,54) ≤

B3 (155,12)

B0 (128,54) ≥

B3(122,87) =

B2 (119,02) ≥

B1 (113,84)

B0 (144,85) ≤

B1 (160,25) ≤

B2 (166,62) ≤

B3 (190,76))

fermeture B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤

B3

B0 ≤ B1 ≤ B3 ≤

B2

B0 =B1 ≤ B3 ≤

B2

B0 = B1 ≤ B2 =

B3

tenue B0 = B1 = B2 =

B3

B0 = B1 = B2

B3

B0 = B1 = B3 =

B2

B0 = B2 = B3 ≥

B1

maximum B0 ≥ B1 = B2 =

B3

B0 ≥ B1 = B2 =

B3

B0 ≥ B1 ≥ B3 ≥

B2

B0 = B3 ≥ B1 =

B2

occlusion B0 = B3 ≥ B1 ≥

B2

B0=B1=B2 =

B3

B0 ≥ B1 = B3 ≥

B2

B0 = B3 ≥ B1 =

B2

ouverture B0 = B1 ≥B2 =

B3

B0 = B1 =B3 ≥

B2

B0 = B1 = B2 ≥

B3

B0 = B3 ≤ B1 =

B2

Contacts totauxB0 ≥ B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≥ B1 = B2 ≥

B3

B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≥ B1 ≥ B2 =

B3

Contacts

alvéolaires

B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≥ B1 = B2 =

B3

B0 ≥ B1 ≥ B2≥

B3

B0 ≥ B1 = B2 =

B3

Contacts

vélaires

B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≥ B2 ≥ B1 =

B3

B0 ≥ B1 = B2 =

B3

B0 = B2 = B3 ≥

B1

Lieu

articulation Avancé Inchangé Inchangé Inchangé

Pente

fermeture B0≥B1≥B2≥B3 B0≥B1=B2=B3 B0≥ B1≥B2=B3 B0≥ B1≥B2=B3

Pente ouverture B0≥B1≥B2≥B3 B0=B1=B2=B3 B0≥B1≥B2≥B3 B0≥B1=B2=B3

Figure n°8.9 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur BL.

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186

La durée totale de la consonne n’est pas influencée de manière significative par les

bite-blocks. Une légère tendance à l’allongement de la consonne est due à la présence

de la voyelle /i/ allongeante.

Le nombre de contacts linguo-palataux sur la constriction maximale diminue de

manière significative sur la totalité du palais et dans les régions alvéolaire et vélaire.

Cette diminution se note sur toutes les séquences mais plus fortement sur les séquences

avec /a/. Plus la mâchoire est basse, plus il est difficile de tenir une constriction dans la

région alvéolaire du palais.

La fermeture linguo-palatale est réduite en amplitude par les bite-blocks de manière

significative et sur toutes les séquences. En même temps la durée de la fermeture est

allongée de manière significative sur toutes les consonnes avec les bite-blocks. La

vitesse d’établissement de la fermeture est ralentie sur toutes les consonnes

indépendamment du voisement et de la nature de la séquence.

La phase médiane : La tenue consonantique est allongée de manière significative par

les bite-blocks concernant les séquences avec la voyelle /i/, voyelle allongeante. La

nature de la séquence influence les effets des bite-blocks. La durée de la constriction

maximale est diminuée de manière significativement avec les bite-blocks. La durée de

l’occlusion totale augmente avec /i/ et diminue avec /a/.

L’ouverture linguo-palatale est diminuée en amplitude de manière significative par les

bite-blocks mais l’influence de la voyelle est importante puisque cette diminution se fait

surtout concernant les consonnes avec /a/. En même temps, la durée de l’ouverture n’est

pas modifiée de manière significative par la présence des bite-blocks. Elle est cependant

sujette à un allongement concernant la consonne de la séquence /dad/. L’ouverture

linguo-palatale est ralentie pour les consonnes suivies de /a/.

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QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels

187

8.3.2 Le locuteur YM

Locuteur YM dad did tat tit

Durée totale

absolue

B0 (114,21) =

B1 (116,13) =

B2 (113,20) ≥

B3 (108,13)

B0 (135,75) =

B1(133,26) =

B2 (138,098) ≤

B3 (153,36).

B0 (131,26) ≥

B1 (127,94)

=B2 (126,63) ≥

B3 (120,21)

B0 (144,56)=

B1(45,58) = B2

(148,91) = B3

(147,11)

Fermeture B0 = B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 = B1 ≤ B2 ≤

B3

B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤

B3

Tenue B0 = B1 = B2 ≤

B3

B0= B1 = B2 ≤

B3

B0 = B1 = B2 ≤

B3

B0 = B2 ≤ B1 =

B3

Maximum B0 = B1 = B2 ≥

B3

B0 ≤ B2 = B3 ≤

B1

B0 = B1 = B2 ≤

B3

B0 ≤ B2 ≤ B1 =

B3

Occlusion B0 = B2 ≥ B1 =

B3

B0 = B1 = B2 ≤

B3

B0 = B1 = B2 =

B3

B0 ≤ B1 = B2 =

B3

Ouverture B0 = B1 = B2 =

B3

B0 ≥ B1 ≥ B2

≥B3

B0 = B1 = B2 =

B3

B0 ≥ B2 ≥ B3 ≥

B1

Contacts totauxB0 = B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 = B2 ≤ B1 =

B3

B0 ≤ B2 ≤ B1 ≤

B3

B0 = B1 = B2 ≤

B3

Contacts

alvéolaires

B0 = B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 = B2 ≤ B1 =

B3

B0 ≤ B1 = B2 =

B3

B0 ≤ B1 = B2 =

B3

Contacts

vélaires

B0 = B1 ≥ B2 ≥

B3

B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤

B3

B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤

B3

B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤

B3

Lieu

articulation Avancé Inchangé Inchangé Inchangé

Pente

fermeture B1≤B2≤B0≤B1 B0=B1≥B2≥B3 B0≤ B1≤B2≤B3 B0≤B1≤B2≤B3

Pente ouverture B0≥B1≥B2≥B3 B0≤B1≤B2≤B3 B0≤B1≤B2≤B3 B0≤B1=B3≤B3

Figure n° 8.10 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur YM.

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188

La durée totale de la consonne est inchangée par la présence des bite-blocks. Il semble

que ce soit plutôt la nature de la voyelle qui joue un rôle dans les variations observées.

Les consonnes sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et sont raccourcies quand

elles sont suivies de /a/.

Le nombre de contacts linguo-palataux durant la constriction maximale n’est pas

changé de manière significative par les bite-blocks. Seul le /d/ de la séquence /dad/ perd

des contacts avec les bite-blocks. Les consonnes des autres séquences ont plutôt

tendance à conserver, voire à augmenter, l’aire de contact linguo-palatal. L’influence de

la voyelle sur le nombre de contacts linguo-palataux est plus importante que l’influence

des bite-blocks eux-mêmes.

La fermeture linguo-palatale n’est pas significativement influencée dans son

amplitude par les bite-blocks. Notons une baisse drastique d’amplitude avec le B3

seulement concernant la séquence /dad/. Avec les voyelles /i/, l’amplitude de la

fermeture des consonnes a tendance à être diminuée. La durée de la fermeture n’est pas

modifiée significativement par les bite-blocks, mais là encore c’est la nature de la

voyelle qui suit qui entraîne les variations. Avec la voyelle /a/, la fermeture dure moins

longtemps qu’avec la voyelle /i/. La fermeture est plus rapide sur les consonnes suivies

de /a/, notamment sur la séquence /dad/ chez qui le changement est très marqué. Par

contre avec la voyelle /i/ nous ne notons pas de changements aussi drastiques.

La phase médiane : La durée de la tenue est allongée de façon significative par la

présence de la perturbation. L’influence de la voyelle subséquence n’est pas impliquée

ici. La durée de la constriction maximale n’est pas influencée par la présence des bite-

blocks. Les variations observées sont dues à la nature de la voyelle : la constriction

maximale de la consonne /d/ suivie de /a/ est raccourcie. La durée de l’occlusion totale

augmente seulement sur les consonnes suivies de la voyelle /i/.

L’ouverture linguo-palatale n’est pas significativement modifiée dans son amplitude

par les bite-blocks. Les variations observées dépendent fortement de la séquence :

l’amplitude de l’ouverture du /d/ suivi de /a/ est très réduite avec le B3. La durée de

l’ouverture est influencée par les bite-blocks mais aussi par la nature de la voyelle :

l’ouverture de la consonne /d/ suivie de /a/ est fortement ralentie avec le B3.

L’ouverture est plus lente seulement sur le /d/ suivi de /a/.

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189

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190

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

191

CHAPITRE 9 : DISCUSSION

Au terme de notre étude, nous reprenons les questions de la problématique et au regard

des résultats, nous essayons d’étayer une discussion. Dans un premier temps nous

soulignerons les différences observées entre les deux locuteurs. Dans un second temps

nous reviendrons sur l’importance des contraintes en production de parole quand on

parle de compensation ou d’adaptation à une situation nouvelle. Puis, nous discuterons

nos résultats à la lumière des théories de production.

Nous pensons avoir réussi à discerner et à quantifier des effets de compensation linguale

durant la production des consonnes avec la mâchoire bloquée. La perturbation choisie,

bite-blocks, s’est révélée être efficace dans le sens où nous avons observé des

changements spatio-temporels dans l’organisation des mouvements linguaux. Nous

observons bien des différences entre les productions normales et les productions avec

les bite-blocks. Même si ces différences ne sont pas toujours statistiquement validées,

elles permettraient de confirmer l’existence de stratégies de compensation au niveau

articulatoire et d’en déduire de quelle façon les mouvements articulatoires sont

contrôlés.

9.1 Les variations inter-individuelles

Tout au long de l’étude, nous avons relevé, des différences entre les réactions des

locuteurs concernent la façon d’ajuster les mouvements de la langue en réponse aux

perturbations. Nous estimons qu’il y a peu de chance pour que ces différences inter-

individuelles soient expliquées seulement comme un résultat des effets des bite-blocks

sur les distances inter-incisives. Si c’était le cas on aurait systématiquement une plus

petite zone de contact linguo-palataux avec les bite-blocks, partant de l’hypothèse que

plus la mâchoire est basse, moins les contacts dans la région antérieure du palais sont

nombreux. Or dans la région alvéolaire, notre locuteur YM tend à augmenter ses

contacts alors que le locuteur BL tend à les diminuer avec les bite-blocks. Rappelons

que dans notre étude, nous avons pris soin de mesurer le même écart inter-incisif chez

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192

les deux locuteurs pour contrôler que les bite-blocks agrandissaient l’écart inter-incisive

de manière identique pour chacun.

Nous nous sommes volontiers rapprochée de l’étude de Flege et al. (1988). Leur travail

concerne la production des occlusives de l’anglais et de l’arabe avec des bite-blocks.

Leur investigation a porté essentiellement sur la phase de constriction maximale des

consonnes et montre que le /t/ arabe est plus antérieur que le /t/ anglais, et que plus la

production est antérieure, plus les contacts diminuent avec les bite-blocks. Nous notons

des similitudes avec nos résultats. Effectivement le nombre de contacts linguo-palataux

des consonnes du locuteur BL est diminué sous l’influence des bite-blocks, alors que

nous avons noté que ses occlusives sont plus antérieures que celles de YM pour qui le

nombre de contacts linguo-palataux est augmenté. La constriction maximale du /t/

arabe, plus antérieur, est raccourcie avec les bite-blocks (en même temps que le nombre

de contacts linguo-palataux diminue). La constriction du locuteur BL est aussi réduite.

Par contre, la constriction du /t/ anglais (plus postérieure) n’est pas raccourcie et les

contacts linguo-palataux sont plus nombreux. Dans notre étude, nous observons les

mêmes effets des bite-blocks sur la constriction du /t/ du locuteur YM. Flege et al.

(1988) ont conclu que les locuteurs anglais parviennent à compenser plus complètement

car l’articulation normale du /t/ est produite plus en arrière dans le palais. De la même

façon, le locuteur YM semble effectuer une compensation articulatoire plus complète

que BL dans la mesure où il présente moins de différences entre les productions

normales et bloquées, tant sur le plan spatial que temporel. Nos résultats confirment la

conclusion de Flege et al. (1988) sur des compensations incomplètes puisque ils ont

trouvé des petites différences mais significatives (sur la zone et la longueur de la

constriction) entre les consonnes produites avec et sans bite-blocks.

Les bite-blocks n’ont pas empêché nos locuteurs de faire une constriction, qu’elle soit

réduite, renforcée ou délocalisée. Dans la même situation de perturbation, nous avons

relevé une réduction de la consonne chez le locuteur BL et un renforcement chez le

locuteur YM.

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

193

9.1.1 Stratégie de compensation du locuteur BL

Les bite-blocks ont un effet sur les mouvements linguaux de ce locuteur. Cependant, la

durée de la consonne peut aussi être sujette à des variations qui dépendent de la nature

de la voyelle subséquente et non de la perturbation seule : la voyelle /a/ a tendance à

raccourcir la consonne et la voyelle /i/ à l’allonger.

La fermeture est ralentie par la perturbation, ce locuteur a besoin de plus de temps pour

élaborer la trajectoire vers la constriction. De plus, nous avons vu que le nombre de

contacts au moment de la constriction maximale est réduit, en même temps que la durée

de la constriction diminue : sa mâchoire étant différemment positionnée que de

coutume, nous pouvons penser que BL rencontre une réelle difficulté à réaliser et à

maintenir une constriction inhabituelle avec l’apex. La langue met plus de temps pour

contacter le palais : le locuteur a besoin de temps pour réorganiser son mouvement

lingual.

Seule la tenue articulatoire est plus longue avec les bite-blocks, au détriment de la

constriction maximale qui est réduite. Durant la tenue articulatoire il se peut que le

contrôle du mouvement soit plus minutieux et plus précis, du fait que c’est la phase

médiane essentielle de la consonne, de ce fait il lui faut plus de temps. Pour répondre à

la perturbation, BL déploie une manœuvre de réduction globale du geste consonantique,

réduction à la fois spatiale et temporelle. Cependant, il réalise quand même une

constriction linguo-palatale digne d’une occlusive mais avec des caractéristiques spatio-

temporelles différentes de celles observées en parole normale. En d’autres termes, il

« undershoote » la constriction en générant une autre trajectoire linguale que de

coutume.

9.1.2. Stratégie de compensation du locuteur YM

Avec les bite-blocks, la durée de la consonne reste inchangée et la durée de la tenue

varie en fonction de la voyelle : allongée avec /i/ et raccourcie avec /a/. La fermeture de

ce locuteur ne subit pas de modifications, ni temporelle, ni spatiale. Les contacts linguo-

palataux sur la constriction maximale sont conservés, la zone d’articulation est même

saturée, excepté sur la consonne /d/ suivie de /a/ pour qui le maximum est réduit

(spatialement et temporellement). La tenue est allongée par les bite-blocks, comme pour

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194

le locuteur BL, il semble que cette phase essentielle de la consonne soit contrôlée plus

singulièrement.

Ce locuteur YM ajuste immédiatement la trajectoire linguale pour atteindre la

constriction qu’il parvient d’ailleurs à garder de la même façon que sans bite-block,

excepté pour la consonne /d/ suivie de /a/. Nous avons relevé que les changements

observés sont davantage dus à la nature phonétique des séquences, notamment à

l’influence de la voyelle subséquente, que par les bite-blocks eux-mêmes. Il semble

donc que des compensations articulatoires soient opérées de façon plus complète. Nous

avons vu que la séquence /dad/ est la plus sujette aux variations de part les contraintes

de production qui gouvernent sa réalisation. Il apparaît que face à de fortes contraintes,

ce locuteur YM réagit de la même façon que le locuteur BL : la trajectoire linguale est

modifiée, mais la fermeture est accélérée, il est alors incapable de réaliser des

compensations articulatoires aussi complètes que sur les autres séquences. Gay en 1981

explique que la vitesse de mouvement des articulateurs varie en fonction de

l’articulateur et du locuteur. Il précise que les délais d’activation des muscles qui

contrôlent les différents articulateurs varient de manière non uniforme, ce qui pourrait

nous aider à comprendre pourquoi, avec les bite-blocks, sur /d/ suivie de /a/, la

fermeture de BL est plus lente et celle de YM est plus rapide.

9.1.3 Relations entre morphologie et articulation

Revenons aux conclusions de Flege et al. (1988) pour qui la stratégie utilisée pour

compenser dépendrait de la magnitude de l’augmentation. Ils suggèrent qu’il est bio-

mécaniquement plus facile pour les anglais que pour les arabes de maintenir des

contacts linguo-palataux normaux avec les bite-blocks car le /t/ anglais est plus

postérieur que le /t/ arabe. Plus la langue bouge vers l’avant, relevant l’apex et la lame,

plus les contacts linguo-palataux vont être augmentés. Pour les Anglais, l’étendue de la

constriction linguo-palatale augmente en même temps que la place de constriction

avance dans le palais. Nous observons l’inverse dans notre étude puisque seule la

séquence /dad/ qui montre un avancement de la place de la constriction montre en

même temps une réduction de la constriction à cause du voisement de la consonne et du

/a/. Pourtant nous observons des différences chez nos locuteurs dans la manière de

compenser : ces différences entre sujets de même langue maternelle confirment

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

195

l’existence de stratégies individuelles de compensation. Ces différences peuvent aussi

s’expliquer en fonction de la forme du palais, de la profondeur de la cavité buccale, plus

généralement des différences morphologiques.

Nous sommes consciente qu’il manque des mesures exactes de longueur, largeur et

profondeur des palais pour avoir une vue précise en trois dimensions de la morphologie

de chacun. Nous avons pu constater cependant que le palais de BL est plus large et

moins incurvé que celui de YM, qui est plus étroit et plus incurvé. Khuen et Moll

(1976) rapportent que la taille de la langue et de la mâchoire est positivement corrélée

avec les déplacements et la rapidité de ces mêmes articulateurs : les plus larges mesures

sont celles des hommes qui ont un plus large palais. Honda et al. (1996) ainsi que

Earnest et Max (2001) soulignent la relation existant entre l’anatomie et la taille des

structures et la cinématique des mouvements articulatoires. Avec la méthode des rayons

X, ils effectuent des mesures du crâne, du maxillaire, des incisives, de la lame de la

langue, durant la production de consonnes linguo-alvéolaires. Il en résulte qu’une large

mandibule est associée à une brève fermeture linguale, une brève phase d’accélération

de la fermeture. Ainsi, la production de la parole est caractérisée par des interactions

complexes entre l’anatomie oro-faciale et les mouvements de la mâchoire. Les variables

cinématiques (pics de vitesse de l’ouverture et de la fermeture) sont influencées par les

différences de genre et de morphologie dans les stratégies de contrôle propres à chaque

locuteur. La relation entre la morphométrie orofaciale et la cinématique articulatoire est

importante en production. Ajoutons que Tiede (1998) rapporte que la profondeur de la

cavité buccale et la forme du palais affecte l’axe de déplacement du corps de la langue

et de la place de la constriction linguo-palatale.

En résumé, nous devons concevoir ici le rôle des contraintes physiologiques et bio-

mécaniques qui se traduiraient par les limites de déplacement des organes phonatoires et

par les caractéristiques anatomiques de chacun. Ainsi, le lieu d’articulation de la

consonne et l’existence des limitations physiologiques du conduit vocal peuvent être

aussi à l’origine de la réalisation plus ou moins complète de la compensation.

9.1.4 Relations avec une perturbation dite ‘naturelle’

Les perturbations naturelles observables en parole donnent aussi des pistes dans l’étude

du contrôle moteur. De façon un peu moins directe, nous pouvons entrevoir des

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196

similitudes avec les études qui ont considéré un changement un débit de parole comme

perturbation naturelle. Vaxelaire (1994) ou encore Sock et Lofqvist (1995) et Sock et

Vaxelaire (2001) font varier le débit de parole comme une variable contrôlée. Ils

observent des réajustements dans l’action des articulateurs : les articulateurs font preuve

d’adaptation à un débit de parole plus rapide par des modifications spatio-temporelles.

Vaxelaire a souligné dans sa thèse (1993) la relation entre le débit de parole et le

schéma dynamique des articulateurs: plus le débit est rapide, plus le geste articulatoire

est temporellement réduit. Rappelons que nous avons constaté, dans notre étude, que la

présence de bite-blocks ralentissait le débit : la phrase porteuse est rallongée jusqu’à

100 ms avec le plus gros bite-block.

Un autre exemple de perturbation naturelle peut se retrouver dans une perspective

développementale. Les transformations anatomiques durant la croissance du conduit

vocal peuvent être envisagées comme une sorte de perturbation. En effet, chaque phase

de développement « brouille » la cartographie des liens sensori-moteurs déjà établis à

un stade antérieur. Les capacités de contrôle étant immatures, l’enfant doit

« compenser » avec des moyens limités et les compensations sont donc incomplètes.

Ménard et al. (2000) montrent que des stratégies permettant de compenser la différence

morphologique du conduit vocal du bébé donnent lieu à des commandes articulatoires

différentes. Les voyelles /i, u, y, a/ sont réalisées par des manœuvres visant à modifier le

lieu ou l’aire de constriction. C’est au moyen de l’imitation que l’enfant pourra calibrer

ce qu’il perçoit et ce qu’il produit afin d’ajuster l’étendue de ses mouvements

articulatoires, d’où l’importance du couplage entre la perception visuelle et auditive.

(comme par exemple le fait de montrer l’arrondissement des lèvres pour produire une

voyelle arrondie).

9.2 Phénomène d’apicalisation

Nous commentons ici le phénomène d’apicalisation observé lors de la produition du /d/

suivi de /a/, phénomène commun aux deux locuteurs. Avec les bite-blocks, nous avons

considéré que le mouvement lingual est différent de celui sans bite-block : nous sommes

confrontés à un autre geste articulatoire. En effet, seule la première rangée d’électrodes

est contactée par l’apex et non plus par l’apex et la lame comme on l’a remarqué sans

bite-block. Ainsi, sans bite-block, la partie antérieure de la lame supporte et

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

197

accompagne les mouvements de l’apex vers la région dento-alvéolaire du palais. Avec

les bite-blocks, la lame n’est plus le support de l’apex. En effet, la langue ne peut plus

monter autant dans la cavité buccale puisqu’elle est raccrochée à une mandibule trop

abaissée. La langue prend ainsi une forme plus incurvée et cela va permettre seulement

à l’apex, plus mobile et indépendant que le corps de la langue, d’être « projeté » et de

pouvoir s’étendre jusque vers la région dentale.

Nous proposons une validation de ces considérations par le calcul d’une régression

entre le centre de gravité des contacts qui indique la répartition des contacts sur le palais

sur l’axe avant-arrière (voir chaitre 5 : Méthode) et le taux de remplissage des zones de

contacts, alvéolaire et vélaire. Nous avons effectué une régression simple sur des

paramètres deux à deux, afin de voir s’ils étaient corrélés. Commençons par décrire la

relation entre le centre de gravité et le nombre de contacts dans la partie postérieure du

palais. Rappelons le sens de variation de l’indice du centre de gravité : plus l’indice est

négatif, plus le centre de ravité est avancé dans le palais.

-4

-3 ,5

-3

-2 ,5

-2

-1 ,5

-1

- ,5

0

,5

1

c d gm ax

- ,1 0 ,1 ,2 ,3 ,4 ,5 ,6 ,7 tx v e l

Y = -2 ,2 + 3 ,5 9 6 * X ; R ^2 = ,7 6 4

G ra p h e d e ré g re s s io n E x c lu s io n d e l ig n e s : p a ra m e tre s A _ n u itA .x ls ( im p o r té ) .s v d

Figure n° 9.1 : Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage des contacts dans la région vélaire. En abscisse, le taux de contacts vélaires. En ordonnée, le centre de

gravité

Dans la partie postérieure du palais, le taux de remplissage, est corrélé avec le centre de

gravité : plus le centre de gravité recule dans la partie postérieure du palais, plus le taux

de remplissage vélaire augmente. Plus l’articulation est postérieure, plus la zone de

contact (vélaire) est remplie. Ceci traduit que le corps de la langue ne peut dissocier ses

mouvements, le remplissage de la zone de contacts se fait progressivement. Observons

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198

maintenant les relations existant entre le centre de gravité et le nombre de contacts dans

la partie antérieure du palais.

-4 -3 ,5

-3 -2 ,5

-2 -1 ,5

-1 - ,5

0 ,5 1

c d gm ax

,1 ,2 ,3 ,4 ,5 ,6 ,7 ,8 ,9 1 1 ,1 txa lv

Y = -2 ,4 5 2 + 1 ,6 6 2 * X ; R ^2 = ,3 2 9

G ra p h e d e ré g re s s io n E x c lu s io n d e l ig n e s : p a ra m e tre s A _ n u itA .x ls ( im p o rté ) .s v d

Figure n° 9.2: Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage des contacts dans la région alvéolaire. En abscisse, le taux de contacts alvéolaires. En ordonnée, le centre de

gravité

Le taux de remplissage dans la partie antérieure du palais n’est pas corrélé avec le

centre de gravité : ces deux variables évoluent beaucoup moins dans un rapport de

proportionnalité comme on l’a vu précédemment sur la figure 9.1. Dans la région

antérieure, l’apex peut contacter directement les alvéoles sans forcément toucher les

bords du palais. Les contacts ne se font pas de façon progressive mais directement sur

les alvéoles du palais. La langue prend effectivement une forme incurvée ce qui permet

à l’apex de se déplacer seul. Ces résultats confirment que la partie antérieure de la

langue est plus mobile que la partie postérieure et attestent aussi de l’indépendance de

l’apex par rapport au corps de la langue.

Nos résultats spatiaux ont montré, qu’avec les bite-blocks, la trajectoire de l’apex est

dirigée vers une articulation plus en avant du palais lors de l’articulation de l’occlusive

/d/. Des résultats temporels, nous avons déduit que la tenue articulatoire et la

constriction maximale sont raccourcies et que l’amplitude du geste est diminuée.

Ladefoged et Maddieson (1998) définissent le tap alvéolaire comme “…a sound in

which a brief contact between the articulators is made by moving the active articulator

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

199

directly towards the roof of the mounth....Taps are more typically made by a direct

movement of the tongue tip to a contact location in the dental or alveolar region”

(p.231). Avec les bite-blocks, les locuteurs effectuent un geste articulatoire de type

‘tap’, différent de celui de /d/. Partant de cette définition, nous pouvons dire que le /d/

produit avec les bite-blocks par nos locuteurs est alors réalisé comme un /R/. Laver

(1994) ajoute à cette description une dimension dynamique en y incluant le concept de

vélocité “...in the case of a tapped stop, the tongue moves very fast through the onset

phase, the closure is extremely brief, and the tongue then retreats from closure in a very

fast offset phase. (p. 224). Nous avons vu que la fermeture du locuteur YM est accélérée

avec les bite-blocks. Si on considère cette définition nous pouvons aisément conclure

que ce locuteur réalise bien un « tap ». Par contre, ça ne semble plus être le cas du

locuteur BL pour qui l’établissement de la fermeture est plus lent avec les bite-blocks.

Les études de Duez (1995) sur la parole spontanée ont souligné que ce phénomène de

réduction peut avoir lieu sans perturbation extérieure. En effet, quand le poids des

contraintes de coarticulation se fait ressentir en parole continue, les occlusives peuvent

se réaliser comme des « taps » alvéolaires simplement par des procédés d’assimilation

et/ou de réduction indissociables de la parole continue.

D’un point de vue moteur, nous allons dans le sens des conclusions de Recasens (1991)

qui fournit une précision concernant la réalistion du “tap” alvéolaire : “Manner

requirements for the tap (i.e, the execution of a very short apico-alveolar closure)

suggest that the positioning of the tongue body does not involve much articulatory

control” (p. 279). Ainsi, les muscles intrinsèques qui relèvent l’apex, seraint moins

fortement activés pour produire un /R/ que pour produire un /d/. /R/ n’est pas un

phonème de la langue française, en l’occurrence il peut être une réalisation contextuelle

du /d/. L’action musculaire ne serait alors pas aboutie complètement à cause des

perturbations, quelles soient naturelles, comme un débit rapide, ou expérimentales,

comme les bite-blocks. Dans notre étude, avec les bite-blocks, la commande motrice a

toujours pour but de réaliser la constriction d’un /d/, mais la contraction musculaire est

plus faible et entraîne alors un changement de trajectoire des articulateurs, d’où une

réduction du geste articulatoire. Dans ce cas de figure, le système de production de

parole se trouve en hypo-activité à cause des contraintes de production, mais la viabilité

de l’acte linguistique est conservée.

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200

9.3 Hiérarchie de la compensation

Rappelons que nous avons utilisé le terme de compensation articulatoire lorsqu’il n’y a

pas ou peu de différence significative entre les productions normales et avec les bite-

blocks. Nous avons observé que certaines phases des consonnes sont touchées par la

perturbation, d’autres sont plus résistantes. Même si la durée de la consonne n’est pas

modifiée par les bite-blocks, les durées de certaines phases le sont. Il s’opère alors un

phénomène de compensation intra-gestuelle de manière sélective : les phases touchées

par la perturbation sont cachées dans le geste global de la consonne. Nous cherchons à

comprendre pourquoi certaines phases sont épargnées au profit d’autres. Nous

supposons que c’est grâce à l’existence de micro-gestes, au sens où l’entendent les

tenants des théories de contrôle orienté-système (Browman et Goldstein, 1989). Il existe

des micro-gestes pour structurer la coordination entre les articulateurs puisque la

génération d’un segment consonantique exige la coordination des mouvements de

plusieurs articulateurs.

Nous estimons que l’organisation hiérarchique des stratégies de compensation est en

fonction de la pertinence des évènements articulatoires et du poids des contraintes de

production.

9.3.1 En fonction de la pertinence des évènements articulatoires

Nous ne pouvons pas conclure à un simple ralentissement ou une accélération du geste

consonantique. Cela semble bien plus compliqué puisque on doit tenir compte de

l’évolution de chaque phase de la consonne. Sur les paramètres les moins critiques de la

consonne, le locuteur se permet des compensations incomplètes alors que sur la phase

critique, phase médiane (tenue et constriction maximale) les compensations sont plus

complètes (peu de différences observées entre les conditions d’enregistrement). Flege et

al. (1988) pensent que la phase médiane n’est pas une phase critique, mais redondante

de la consonne. Leur analyse a montré que les changements observés dans les

paramètres articulatoires suggèrent que l’information acoustique, basée sur une analyse

formantique, est suffisante pour la reconnaissance d’un /t/. Ils qualifient la phase

d’occlusion complète de paramètre redondant se refusant de la considérer comme un

paramètre critique de la consonne. La zone de rétrécissement maximal (constriction) est

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

201

jugée comme étant la plus significative au moins d’un point de vue acoustique mais pas

forcément d’un point de vue articulatoire.

En terme de cible articulatoire, ce n’est pas l’endroit dans le conduit vocal où la

constriction est la plus étroite qui prime, mais il semble que ce soit la trajectoire des

articulateurs et la tenue globale de la consonne qui importent. Finalement, la tenue

articulatoire globale résiste mieux que la constriction maximale puisque nous n’avons

pas observé de différence sur la tenue.

Nous nous référons à une autre définition de la tenue, fondée sur les contraintes. Pour

Zerling (1991 et 1993) la tenue articulatoire est caractérisée par le maintien d’un certain

nombre de contraintes sur tous les articulateurs pendant toute la durée de l’émission du

son. La tenue apparaît comme un passage obligé dans une zone déterminée de l’espace

acoustique qui serait perceptuellement identifiable. Cette zone correspond à ce que l’on

appelle généralement cible acoustico-perceptive. Le processus de décodage lors de la

perception permet de reconnaître une cible acoustique même lorsqu’elle n’est pas

atteinte complètement ou au contraire quand elle est dépassée. Cette définition

expliquerait que les overshoots et les undershoots puisent être reconnus

perceptuellement car ils sont directement en périphérie des cibles articulatoires.

Chaque phase évolue différemment et il semble que les phases d’attaque et de tenue de

la constriction bénéficient d’un contrôle plus précis permettant des ajustements

immédiats des articulateurs, sûrement par des manœuvres d’hyper-articulation. Alors

que la phase de relâchement ne semble pas être aussi pertinente dans le sens où le

contrôle de ce geste relèverait d’une manœuvre d’hypo-articulation, largement soutenue

par la loi du moindre effort. Le système privilégie la production par compensation des

caractéristiques les plus distinctives de la consonne : la compensation est à la fois

sélective et hiérarchique.

Le geste de fermeture volontaire serait contrôlé plus finement que le geste d’ouverture.

Le locuteur consacre plus d’énergie à adapter un nouveau mouvement de la langue, dont

la position initiale est changée par les bite-blocks, pour essayer d’atteindre une

constriction dans le conduit vocal même si elle est réduite. Le geste d’ouverture serait

moins parfaitement contrôlé puisque le locuteur a réalisé sa constriction. Le

relâchement est le chemin de retour à l’état initial et serait plus une trajectoire

balistique. A ce moment là, ce sont sûrement les propriétés visco-élastiques inhérentes

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202

au système de production qui entrent en jeu par le biais du relâchement de la contraction

des muscles élévateurs de la langue.

9.3.2 En fonction du poids des contraintes

De faibles contraintes de production permettent au locuteur de mettre en place plus

facilement des stratégies de compensation complète. Nous savons que le nombre de

contraintes qui œuvrent pour permettre la production de la parole est très grand, nous les

avons recensées sommairement dans la première partie de ce travail d’après Zerling

(1991).

9.3.2.1 Les effets du voisement

Les consonnes non voisées ont un plus grand nombre de contacts linguo-palataux que

les consonnes voisées. Nous avons pu constater, tout au long de cette analyse spatiale

que les consonnes voisées sont moins résistantes aux bite-blocks que les consonnes non

voisées. Sous l’influence des bite-blocks, les voisées perdent plus de contacts que les

non voisées : la différence de contacts entre les voisées et les non voisées s’agrandit au

fur et à mesure que l’épaisseur du bite-block augmente.

La production d’une consonne voisée est plus complexe que la production d’une

consonne non voisée dans le sens où elle engage plus de contraintes de production. Pour

qu’il y ait vibration des cordes vocales, il est difficile mais nécessaire de maintenir un

différentiel de pression entre les cavités sous-glottique et intra-orale puisque l’occlusion

a pour effet d’équilibrer les deux pressions de part et d’autre de la glotte. Cependant,

nos résultats montrent que le rôle du voisement ne parait pas autant influer les effets des

bite-blocks que celui de la nature de la voyelle. D’après l’analyse de l’ANOVA, la

variable <voisement> n’a pas eu d’influence significative sur les effets des bite-blocks,

au contraire de la variable <voyelle>

9.3.2.2 Les effets du contexte vocalique

Nous savons que sans perturbation, la voyelle /i/ fermée allonge les durées des

consonnes et la voyelle ouverte /a/ raccourcit les durées des consonnes. Nous rejoignons

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

203

les suppositions de Sock et Lofqvist (1995) concernant l’occlusion de /d/. L’occlusion

de la voisée /d/ est progressivement plus longue quand elle précède la voyelle /u/ puis /i/

puis /a/. Ce phénomène connu est confirmé ici en parole normale mais aussi en parole

perturbée. Les effets des bite-blocks sont plus mis en évidence sur les consonnes suivies

de la voyelle /a/. Les séquences avec la voyelle /i/ résistent mieux à la présence des bite-

blocks. Effectivement pour produire une consonne alvéolaire suivie d’une voyelle

fermée l’apex évolue dans un espace réduit puisque les deux segments ont le même lieu

d’articulation antérieur dans le conduit vocal. Seul l’apex doit modifier ses mouvements

et pas le corps de la langue qui reste en position élevée durant l’émission des deux

segments. Même avec la mâchoire bloquée en position ouverte, les mouvements de

l’apex et de la lame sont encore possibles et optimisés grâce à leur indépendance entre

elles et par rapport à la mâchoire.

Lorsqu’on produit une consonne alvéolaire suivie d’une voyelle ouverte /a/, ce n’est

plus l’apex seul qui modifie son mouvement mais aussi le corps de la langue. La langue

évolue dans un espace plus grand donc ses mouvements sont susceptibles de présenter

plus de variations. La langue doit effectuer une trajectoire plus ample pour passer d’une

articulation avant/fermée/apico-alvéolaire à une articulation arrière/ouverte/dorsale. Le

poids des contraintes de coproduction est plus lourd quand la voyelle adjacente requiert

l’action d’une autre partie de la langue. L’apex et la lame sont sollicités mais le corps de

la langue, très dépendant de la position de la mâchoire, favorise la production de la

voyelle ouverte /a/.

En résumé, nous proposons un classement des séquences observées dans notre étude en

fonction du poids des contraintes coarticulatoires : des contraintes les plus forte aux plus

faibles : Consonne Voisée et Voyelle Ouverte /da/ > Consonne Voisée et Voyelle

Fermée /di/ > Consonne Non Voisée et Voyelle Ouverte /ta/ > Consonne Non Voisée et

Voyelle Fermée /ti/.

D’autre part, nous avons calculé un indice de coarticulation pour chacune des séquences

de chaque locuteur. Cet indice est basé sur les mesures spatiales effectuées, notamment

le nombre de contacts linguo-palataux relevé sur la constriction maximale. La

différence de contacts linguo-palataux entre consonne + /a/ et consonne + /i/ nous donne

l’indice de coarticulation. Plus la différence de contacts entre /a/ et /i/ est grande plus

l’indice est élevé. Nous nous demandons quelle est l’influence des bite-blocks sur cet

indice de coarticulation.

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204

INDICE DE COARTICULATION

DE YM

INDICE DE COARTICULATION

DE BL

partie antérieure du palais partie antérieure du palais

cond /d/ /t/ cond /d/ /t/

b0 6,83 2,75 b0 5,42 4,08

b1 9,17 1,33 b1 10,00 4,00

b2 12,25 2,17 b2 11,83 5,17

b3 13,75 0,83 b3 12,42 8,67

partie postérieure du palais partie postérieure du palais

cond /d/ /t/ cond /d/ /t/

b0 8,50 6,25 b0 7,83 6,00

b1 8,92 6,67 b1 7,33 4,17

b2 13,17 6,33 b2 10,08 6,33

b3 13,50 7,25 b3 9,08 6,67

totalité du palais totalité du palais

cond /d/ /t/ cond /d/ /t/

b0 16,17 12,17 b0 13,25 10,00

b1 18,08 8,33 b1 17,42 8,17

b2 25,33 12,25 b2 21,08 11,33

b3 27,42 3,83 b3 21,33 15,25

Figure n° 9.3 : Tableau des indices de coarticulation des deux locuteurs.

L’indice de coarticulation est plus élevé sur les consonnes voisées que sur les non

voisées et l’augmentation est aussi plus marquée sur les voisées. La différence de

contacts entre /a/ et /i/ est plus grande concernant les consonnes voisées. Nous

remarquons que chez les deux locuteurs, plus la mâchoire est en position basse plus

l’indice de coarticulation augmente. Autrement dit, les bite-blocks ont tendance à faire

augmenter l’indice de coarticulation. donc il y a plus de différences entre les contacts

des consonnes suivies de /i/ et les contacts des consonnes suivies de /a/.

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

205

9.3.3 Une hiérarchie dans le contrôle moteur

Quand un sujet compense complètement, le contrôle des mouvements des articulateurs

est plus précis et l’ajustement est immédiat : le geste initial commandé semble être

conservé, avec toutefois une variabilité naturelle dans laquelle l’acte linguistique reste

viable. Pour éviter de faire des undershoots et les overshoots, il met en œuvre une

stratégie d’hyper-articulation directement réalisable grâce à la faculté d’adaptation du

système de production.

Inversement, plus les contraintes sont fortes, plus le locuteur a du mal à mettre en œuvre

des compensations complètes : les différences entre les productions normales et

perturbées sont alors plus marquées. Nous n’observons pas de compensation complète,

mais une recherche d’un trajet plus facile pour atteindre plus ou moins le même but

dans la zone cible, d’où un changement de mouvements des articulateurs. Le geste

devient trop difficile à cause du lourd poids des contraintes articulatoires et temporelles.

Le système opère donc une réorganisation spatio-temporelle totale qui donne lieu à un

autre geste articulatoire, réellement proche du geste exigé mais qui peut déplacer

légèrement son lieu d’articulation. Nous avons vu l’exemple du /d/ réalisé comme un

/R/. Les changements de mouvements des articulateurs sont relatifs aux contraintes

biomécaniques de production : le système ne peut aller contre les lois physiques et

mécaniques des contacts entre les articulateurs ni contre les limitations physiques et

physiologiques. Il n’a donc pas d’autre choix que de se soumettre à la loi du moindre

effort ou d’économie du geste soulignée par Lindblom (1983), et effectue des

undershoot en développant des manœuvres d’hypo-articulation. Nous proposons le

graphique ci-dessous pour résumer de manière globale ces dernières suppositions

appuyées par notre travail. Nous pouvons penser que le rapport entre le degré de la

compensation et le poids des contraintes est un rapport d’inversement proportionnel.

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206

Figure n° 9.4: La relation entre degré de compensation et poids des contraintes.

9.4 Adaptation immédiate ou apprentissage : rôle des feedbacks

Flege et al. (1988) n’ont pas observé de compensation instantanée. Dans leur deuxième

enregistrement, les patrons des contacts avec bite-blocks sont plus ressemblants aux

patrons des contacts sans bite-block que ceux du premier enregistrement. Le signal

d’erreur renvoyé par les feedbacks tactiles, proprioceptifs, kinesthésique, auditif semble

permettre de réaliser un patron « normal ». Les locuteurs usent le feedback afférent pour

améliorer leur réponse. Les valeurs spécifiques des paramètres articulatoires sont

encodées dans les représentations centrales. Seul le feedback proprioceptif est

responsable des réajustements immédiats, la mise en oeuvre des autres feedbacks est

plus longue. Une récente étude de Honda et al. (2002) confirme aussi que la

compensation articulatoire s’opère au fur et à mesure que l’on parle : ils observent un

temps de réponse adaptative à la perturbation dès la seconde syllabe, entre 75 et 200 ms.

La réponse rapide suggère que le feedback tactile entre la langue et le palais artificiel est

premièrement utilisé pour développer des compensations rapides alors que le feedback

auditif est finalement utilisé quand l’adaptation est insuffisante pour ajuster plus

finement l’articulation, alors avec un temps plus long.

Dans notre étude, il nous a semblé intéressant de voir si des effets adaptatifs se font

ressentir à long terme puisque les sessions sont espacées de dix mois environ.

Poids des contraintes

Hyperspeech

Hypospeech

compensation

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

207

Rappelons que durant chaque session, 4 répétitions du corpus ont été enregistrées, dans

les quatre situations expérimentales : B0, B1, B2 et B3. Nous avons comparé les

moyennes des contacts linguo-palataux maximaux durant chaque session. Nous posons

la question de savoir si un effet d’adaptation à long terme, un effet d’apprentissage, se

fait ressentir sur la réaction des locuteurs face aux perturbations. Inversement, si on

postule l’existence d'une adaptation instantanée, alors nous n’observerions que peu de

variations des valeurs entre les 3 sessions d’enregistrement.

dad BL

5

10

15

20

25

30

b0 b1 b2 b3

1

2

3

did BL

25

30

35

40

45

b0 b1 b2 b3

123

tat BL

15

20

25

30

35

b0 b1 b2 b3

1

2

3

tit BL

25

30

35

40

45

b0 b1 b2 b3

1

2

3

Figure n°9.5 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois sessions d‘enregistrement pour le locuteur BL. En abscisse, les conditions d’enregistrement. En ordonnée, les

contacts maximaux.

Nous remarquons que les courbes l’évolution des 3 sessions sont relativement similaires

et confondues pour le locuteur BL. Nous devons reconnaître que les variations sont

assez faibles. Seul le nombre de contacts de la consonne /d/ suivie de /a/ diminue sur la

2ème et 3ème session avec le B3. La consonne /t/ suivie de /i/ montre une perte de contacts

sur la 3ème session avec le B3. Ces résultats confirment, comme nous l’avons montré

dans les précédentes parties, la tendance de ce locuteur BL à perdre des contacts avec

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208

les bite-blocks mais il a aussi du mal à stabiliser ses productions à travers les sessions

avec le bite-block le plus épais.

dad YM

10

15

20

25

30

b0 b1 b2 b3

1

2

3

did YM

30

35

40

45

50

b0 b1 b2 b3

1

2

3

tat YM

30

35

40

45

50

b0 b1 b2 b3

1

2

3

tit YM

30

35

40

45

50

b0 b1 b2 b3

123

Figure n 9.6 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois sessions d‘enregistrement pour le locuteur YM. En abscisse, les conditions d’enregistrement. En ordonnée, les

contacts maximaux.

Les courbes représentant les trois sessions sont pratiquement confondues concernant

l’ensemble des séquences du locuteur YM. Ce locuteur a le même nombre de contacts

linguo-palataux à travers les trois sessions d’enregistrement. Cette stabilité dans

l’amplitude des contacts à travers les sessions dénote d’une adaptation directe. Ce

locuteur n’a pas besoin d’un temps d’apprentissage à long terme pour améliorer ses

productions : il apparaît que la tâche demandée est réalisée tout de suite. Ceci réaffirme

aussi le fait que ce locuteur soit moins sensible aux perturbations que le locuteur

précédent. Ce résultat confirme les théories qui s’attachent à la représentation d’un

système de production qui aurait sa propre auto-régulation interne permettant des

réajustements articulatoires instantanés, sans l’aide de l’apprentissage et de la mémoire

(chapite 2 sur les structures coordinatives).

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QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion

209

D’autre part, nous avons remarqué, dans les chapitres 6 et 7 de résultats, que les écart-

types calculés sur les moyennes sont plus élevés et irréguliers durant les productions

avec bite-blocks que durant les productions normales. Cela dénote de variations

spatiales et temporelles intra-individuelles plus importantes que sans bite-block. Nous

pensons que ces variations sont justement dues au fait que le système est en cours

d’auto-réorganisation, en référence au terme d’auto-régulation interne de Bothorel

(1989). Le système opère si rapidement puisqu’il n’a recours qu’aux informations

sensori-tactiles, que nous observons forcément des variations dans ses réalisations

phonétiques, variations déjà nombreuses en parole normale. Cependant, il faut que le

locuteur prenne le temps d’adapter les nouvelles trajectoires articulatoires générées par

la présence des perturbations même si cette adaptation se fait de façon automatique et

interne.

Concernant les deux locuteurs et par rapport aux bases théoriques que nous venons

d’évoquer, les répétitions ne paraissent pas constituer pas un facteur très influent sur le

nombre d’électrodes contactées. Il semble qu’il n’y ait pas d’effet d’apprentissage

marqué face à la présence des bite-blocks. A l’image des travaux de Abbs et al. (1984)

nous pensons que s’effectue une réorganisation sous-jacente du processus de contrôle,

grâce à une connaissance antérieure des muscles groupés en synergie. L’atteinte d’une

cible phonétique associée à chaque phone reste possible. Le système nerveux central n’a

pas le temps de recevoir l’information sensorielle et de renvoyer une autre commande.

L’adaptation est possible grâce à un système parallèle qui entrerait en jeu et permettrait

d’effectuer rapidement un mouvement automatique contrôlé d’une manière encore

inconnue, mais pas par le système nerveux central. Nos données appuieraient ici

l’existence de la boucle de « simulation prédictive » préconisée par Lindblom (1983,

1990) qui permet une facile adaptation à toutes les situations, et ce, le plus rapidement

possible. Le système de production possèderait bien une composante de simulation

interne qui lui permettrait d’opérer spontanément.

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210

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CONCLUSION

211

CONCLUSION

Cette étude, orientée sur la recherche des phénomènes de compensation, portait sur une

comparaison des mouvements de la langue en production normale et avec la mâchoire

bloquée. Nous savons que les deux articulateurs (langue et mâchoire) sont

mécaniquement liés, l’absence d’activité de l’un entraîne un changement d’activité de

l’autre. Nous avons montré qu’il s’opère bien un changement spatio-temporel des

mouvements de la langue quand la mâchoire est bloquée par des bite-blocks.

L’articulation de la consonne est donc différente en parole perturbée : nous avons

observé des réductions comme des consolidations de la consonne. Cette expérience

témoigne de l’existence de stratégies de compensation du système de contrôle dans la

production de la parole.

Sur le plan méthodologique, l’utilisation de l’EPG s’est avérée satisfaisante pour

observer les mouvements linguaux des consonnes occlusives alvéolaires sur les deux

plans spatial et temporel. Ces consonnes se réalisent en plusieurs phases bien distinctes

aisément segmentables avec l’EPG. Même si cet outil ne fournit pas un enregistrement

direct du mouvement lingual, cette technique nous a permis justement de restituer les

déplacements et le timing des gestes articulatoires. Les consonnes occlusives choisies

résistent aux variabilités inhérentes au processus de production, nous avons concentré

nos efforts pour distinguer l’influence des bite-blocks de l’influence d’autres facteurs

secondaires comme la nature de la voyelle, le voisement, le locuteur. Nous avons

cherché à baser nos interprétations le plus possible sur les effets seuls des perturbations

(bite-blocks), objets directs de notre étude. Grâce à l’analyse de variance par l’ANOVA,

nous pensons avoir pu faire cette distinction primordiale.

Sur le plan spatial, nous avons analysé la phase de constriction maximale de la

consonne. Les contacts linguo-palataux et l’amplitude du mouvement sont modifiés par

le présence des bite-blocks mais nous n’avons pas observé de régularités prégnantes. En

effet, les contacts peuvent tout aussi bien être renforcés que diminués, comme nous

l’avons observé chez nos locuteurs YM et BL, respectivement. Le geste articulatoire est

certes modifié mais pas de façon uniforme. Les raisons de cette différence dans les

résultats sont dues en partie au poids des contraintes phonotactiques et articulatoires, de

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212

la base articulatoire de chaque locuteur, à l’ensemble des nombreuses variables qui

régulent la production de la parole dans sa totalité.

Sur le plan temporel, nous avons comparé le timing inter-segmental et le timing intra

segmental des évènements articulatoires en parole normale et en parole perturbée. Nous

avons souligné que la durée de la consonne n’est pas influencée par les bite-blocks, par

contre le timing intra-segmental, ou la durée de chacune des phase de la consonne,

parait être sujet à des modifications temporelles. Les allongements et les

raccourcissements des phases sont en fait noyés dans le geste global de la consonne,

comme si ces phases répondaient à des micro-gestes qui constituent les différentes

parties de la consonne.

Cette étude a permis de souligner l’importance de la variabilité inter-individuelle dans

les études concernant la production de la parole. Les variations observées sont

largement soumises aux stratégies et à la variété inter- et intra-individuelle, comme tout

phénomène relatif à la parole et plus généralement à tous les processus naturels. Les

caractéristiques physiologiques individuelles, la base articulatoire, les stratégies de

production de chaque sujet peuvent expliquer certaines des différences observées.

Certes, nos résultats d’analyse inter-individuelle ne permettent pas de saisir des

stratégies de compensation articulatoire récurrentes puisque nos deux locuteurs

réagissent de façon opposée. Néanmoins concernant la réalisation de la consonne /d/

suivie de /a/, les deux locuteurs montrent le même affaiblissement articulatoire avec les

bite-blocks.

Ce phénomène articulatoire assez résistant à la variabilité inter-locuteur peut constituer

une information basique pour la conception des stratégies de compensation en rapport

avec le poids des contraintes de production et peut aussi faciliter la compréhension des

processus de production de la parole.

L’analyse de nos données articulatoires nous permet de confirmer certaines des

propriétés des compensations déjà exploitées par des protocoles expérimentaux

différents (chapitre 3). Les compensations sont sélectives, elles s’opèrent plus

complètement sur la phase médiane de la consonne. En effet, c’est sur l’attaque et la

tenue de la consonne que nous avons observé les plus faibles différences entre les

situations de parole normale et perturbée. La mise en place de la constriction et la tenue

articulatoire sont deux phases clés pour la réalisation des consonnes occlusives puisque

c’est sur elles que les locuteurs opèrent les compensations les plus complètes,

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CONCLUSION

213

certainement par une manœuvre d’hyperspeech, et ce toujours pour permettre la

viabilité de l’acte linguistique. La tenue de la consonne est très résistante au détriment

des autres phases. Le timing gestuel qui reste inchangé malgré la présence des

perturbations permet de compenser le timing inter-gestuel (la durée des différentes

phases de la consonne) qui est modifié.

Les compensations se mettent en place de façon hiérarchique. Cette hiérarchie de la

compensation est fonction de l’importance des contraintes de production en général. Le

phénomène d’apicalisation commun aux deux sujets (sur la consonne /d/ suivi de /a/),

s’avère être un exemple de compensation incomplète puisque le geste articulatoire est

différent. Rappelons que les locuteur produisent un tap alvéolaire en lieu et place de /d/.

La mise en place de stratégie de compensation est influencée par l’existence de

multiples contraintes de production innées et universelles qui influencent les

représentations phonétiques à tous les niveaux de traitement, de l’acquisition des

représentations mentales à la sortie acoustique. Plus les contraintes sont faibles, plus les

compensations peuvent tendre à être complètes.

Nous avons vu le classement des séquences étudiées en fonction du degré de

coarticulation, de la séquence la plus « contrainte » à la moins, ou d’une compensation

incomplète vers une compensation complète pour les deux locuteurs :

Consonne Voisée et Voyelle Ouverte /da/ > Consonne Voisée et Voyelle Fermée /di/ >

Consonne Non Voisée et Voyelle Ouverte /ta/ > Consonne Non Voisée et Voyelle

Fermée /ti/.

D’autre part, nous avons relevé, dans notre étude, que l’apprentissage ne semble pas

jouer un rôle fondateur. Le fait d’avoir réalisé l’expérience en plusieurs fois n’a pas

influencé les réponses de nos locuteurs. Contre toute attente, l’analyse spatiale des

évènements articulatoires a révélé une stabilité dans le nombre de contacts linguo-

palataux sur la constriction maximale, notamment chez le locuteur YM. Cette stabilité

dans l’amplitude des contacts à travers les sessions dénote d’une adaptation immédiate :

les compensations, complètes ou incomplètes, sont immédiates. Au niveau articulatoire,

les mouvements des articulateurs seraient bien auto-régulés dans le sens où l’entendent

Perkel et al. (1995), pour qui ces réajustements articulatoires immédiats confirment

l’existence des structures coordinatives. Dans la mesure où l’on soutient l’existence de

ces ré-ajustements prédictifs articulatoires, la présence d’un feedback externe auditif ne

serait alors plus essentielle. Pour éclairer cette décision, citons l’étude de Baum et al.

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(1997) qui ont observé les mêmes comportements compensatoires chez des sujets

aphasiques que chez des sujets sains. Leurs enregistrements sont réalisés avec des bite-

blocks et l’analyse repose sur des observations acoustiques et perceptives. Leurs

données suggèrent qu’un déficit au niveau moteur (exhibé par les patients aphasiques)

n’affecte pas leur capacité à compenser une perturbation articulatoire. Ces résultas

contribuent à suggérer que la capacité à s’adapter à une perturbation articulatoire serait

arbitrée de manière périphérique.

Les réajustements, ajoutés à la flexibilité requise pour réguler un système dynamique

complexe, comme le système articulatoire, permettent une bonne production de parole

dans n’importe quelle situation. Les locuteurs sont capables d’atteindre un but

programmé, vraisemblablement sur le plan spatial et sur le plan temporel lorsqu’on leur

impose des contraintes extérieures. Les mouvements articulatoires sont programmés

pour atteindre des cibles en terme de paramètres articulatoires et acoustiques. Ces cibles

sont alors influencées par un savant compromis entre les principes de contraste

suffisant pour la perception et d’économie de l’effort, si chers au paradigme hyper-

hypoarticulation.

Au terme de cette étude, nous présentons brièvement l’orientation du travail dans un

futur proche, les résultats obtenus ici n’étant qu’une partie de notre large projet. En

premier lieu, nous allons examiner les caractéristiques acoustiques des consonnes /t/ et

/d/ afin d’étudier quels sont les changements entraînés par les nouvelles configurations

linguales dans la cavité buccale, notamment par l’observation du V.O.T., des

trajectoires de formants.

Deuxièmement, un test de perception devrait être effectué afin de discerner si les

consonnes perturbées sont aussi bien reconnues que les consonnes normales. Nous

chercherons à monter un test qui permettrait de calculer le temps de réaction des

auditeurs

Troisièmement et de manière plus générale, nous aimerions exploiter la totalité du

corpus enregistré. A partir de la méthodologie développée dans ce présent travail et en

utilisant d’autres méthodes d’investigation (comme des images aux rayons x ou l’IRM),

il s’agira d’analyser les mouvements compensatoires de la langue lors de la production

des consonnes linguales fricatives /s/, /z/, /S/ et /Z/.

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Stevens K., N. (1972) The Quantal Nature of Speech : Evidence from Articulatory-Acoustic Data, in DAVID, Edward E., Jr.; DENES, Peter B. (eds), Human Communication: A Unified View, McGraw-Hill, New York, pp. 51-66. Stevens, K., N. & Blumstein (1991) Invariant cues for place of articulation in stop consonants. In MILLER, J. L. KENT, R. D. ATAL, Bishnu S. (eds), Papers In Speech Communication: Speech Perception, pp. 281-291. Stevens, K., N. (1989) On the quantal nature of speech, Journal of Phonetics, 17, pp.3-45. Stevens, K., N., (1998) Acoustic phonetics, MIT Press, Cambridge. Stevens, K., N., (1998) The basic stop consonants: bursts and formant transitions, in Acoustic phonetics, MIT Press, Cambridge, pp. 323-327. Straka, G. (1963) La division des sons du langage en voyelles et consonnes peut-elle être justifiée? Travaux de linguistique et de littérature, vol., Strasbourg, pp. 17-99. Stone M. (1997) Laboratory techniques for investigating speech articulation, In W. Hardcastle & J. Laver (eds), The Handbook of Phonetic Sciences, Oxford: Blackwell Publishers, pp. 11-32. Teston, B. & Galindo B. (1990a) Physiologia : un logiciel d'analyse des paramètres physiologiques de la parole. Travaux de l’Institut de Phonétique d'Aix en Provence 1989-1990, pp. 197-217. Teston, B. & Galindo B. (1990b) Design and development of a workstation for speech production analysis. Proceedings of VERBA 90 : International conference on speech technology, Rome, pp. 400-408. Tuller, B., Harris, K. S. & Gross, B. (1979) Electromyographic study of the jaw muscles during speech, Status Report on Speech Research, Haskins Laboratories, 59-60, pp. 83-102. Vaxelaire, B. (1993) Etude comparée des effets des variations de débit lent-rapide sur les paramètres articulatoires à partir de la cinéradiographie (sujets français). Thèse de Doctorat Nouveau Régime, Université des Sciences Humaines de Strasbourg. Vaxelaire, B. (1994) Variation de geste et débit. Contribution à une base de données sur la production de la parole, Mesures cinéradiographiques de groupes consonantiques en français. Travaux de l’Institut de Phonétique de Strasbourg, 24, pp. 109-146. Wajskop, M. (1972) Identification des occlusives intervocaliques en français, Rapport d’activité de l’Institut de Phonétique de l’Université Libre de Bruxelles, Janvier 1972, pp. 102-111.

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Warren, D.W., Nelson, G.R. & Allen, G. (1980) Effects of increased vertical dimension on size of constriction port and fricative sound intelligibility, Journal of the Acoustical Society of America,67, pp. 1828-1831. Warren, D.W., Allen, G. & King H.A. (1984) Physiologic and perceptual effects of induced anterior open bite, Folia Phoniatrica, 36, pp. 164-173. Zemlin, W.R. (1981) Speech and hearing sciences, anatomy and physiology, Prentice Hall Englewood Gliffs (eds), New Jersey, pp. 247-260. Zerling, J.P. (1991) Articulation, coarticulation et contraintes: quelques points de vue d’auteurs, Travaux de l’Institut de Phonétique de Strasbourg 22, pp. 87-104. Zerling, J.P. (1993a) Tenue, invariance et compensation, aspects articulatoires et acoustiques, Travaux de l’Institut de Phonétique de Strasbourg, 23, pp.155-176. Zerling, J.P. (1993b) Les contraintes en production de la parole, Travaux de l’Institut de Phonétique de Strasbourg, 23, pp.177-181.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure n°1.1 : Schéma simplifié de production de parole : de la planification aux

mouvements. ........................................................................................................... 21

Figure n° 2.1: Schémas comparant les contrôles en boucle ouverte, à gauche, avec le

contrôle en boucle fermée, à droite......................................................................... 47

Figure n° 2.2: Schéma du modèle de production de parole par simulation prédictive de

Lindblom et al.1977................................................................................................ 49

Figure n° 3.1 : Les muscles de la langue, d’après Zemlin, 1981 .................................... 72

Figure n°3.2 : Tableau comparatif de l’amplitude d’ouverture mandibulaire des

consonnes françaises. De haut en bas, des plus ouvertes aux plus fermées. (d’après

Bognar 1983). ......................................................................................................... 76

Figure n° 5.1: Tableau de toutes les consonnes enregistrées pour notre corpus............ 90

Figure n° 5.2 : Tableau des différentes épaisseurs des bite-blocks utilisés dans les études

antérieures. .............................................................................................................. 95

Figure n° 5.3 : Tableau des intervalles inter-incisives de nos locuteurs......................... 96

Figure n° 5.4 : Les trois épaisseurs de bite-blocks : de gauche à droite, des plus épais

aux moins épais....................................................................................................... 96

Figure n° 5.5: Un exemple d’un palais artificiel (modèle de Reading) moulé sur le palais

dur, d’après Meynadier (2003). .............................................................................. 97

Figure n° 5.6 : Un palais artificiel et sa représentation graphique à droite.En noir,nous

voyons les électrodes contactées pour la constriction maximale de /t/, d’après

Meynadier (2003). .................................................................................................. 98

Figure n° 5.7 : Illustration de différentes consonnes du français prises au moment de la

constriction maximale, en contexte a_a, d’après Meynadier (2003). ................... 102

Figure n° 5.8 : Evolution temporelle d’une courbe des contacts linguo-palataux sur une

séquence /tat/, locuteur YM. En abscisse, le nombre de contacts et en ordonnées, le

temps en secondes................................................................................................. 104

Figure n° 5.9 : Un exemple de segmentation manuelle d’une séquence /dad/, locuteur

BL. ........................................................................................................................ 105

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Figure n° 5.10 : Patron moyen pris au moment de la constriction maximale du /d/ de la

séquence /did/, locuteur YM. ................................................................................109

Figure n°5.11 : Patron de la différence de contacts entre B0 et B3, au moment de la

constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur BL. ..........................109

Figure n° 5.12 : Patron de coarticulation d’un /t/ du locuteur YM. ..............................110

Figure n°6.1: Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts.

Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions

d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts. .......................................116

Figure n° 6.2 : Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur BL. Les

barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le

nombre de contacts................................................................................................117

Figure n°6.3: Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur YM. Les

barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le

nombre de contacts................................................................................................118

Figure n° 6.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de

contacts alvéolaires. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les

locuteurs et les conditions d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.

...............................................................................................................................119

Figure n° 6.5: Graphique des moyennes des contacts LP alvéolaires du locuteur BL. Les

barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le

nombre de contacts................................................................................................120

Figure n°6.6: Graphique des moyennes de contacts alvéolaires du locuteur YM. Les

barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le

nombre de contacts................................................................................................121

Figure n° 6.7 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de

contacts postérieurs. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les

locuteurs et les conditions d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.

...............................................................................................................................122

Figure n°6.8: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur BL. Les barres

représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de

contacts..................................................................................................................123

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Figure n°6.9: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur YM. Les barres

représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de

contacts ................................................................................................................. 124

Figure n° 6.10 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur BL.

.............................................................................................................................. 127

Figure n° 6.11: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur BL. . 128

Figure n°6.12: Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did, locuteur BL. .. 129

Figure n° 6.13: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur BL.... 130

Figure n° 6.14 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur YM.

.............................................................................................................................. 131

Figure n° 6.15 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur YM. 132

Figure n° 6.16 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did/, locuteur YM.

.............................................................................................................................. 133

Figure n° 6.17 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur YM. 134

Figure n° 7.1 : Durée de la phrase porteuse dans les quatre conditions d’enregistrement.

En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée............................................... 140

Figure n° 7.2 : Durée de la voyelle centrale de CVC dans les quatre conditions

d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.................. 140

Figure n° 7.3 : Durée de la consonne C1 dans les quatre conditions d’enregistrement. En

abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée. ................................................... 141

Figure n°7.4 : La proportion de la consonne C1 ans la séquence CVC dans les quatre

conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, le

pourcentage de C1 sur CVC. ................................................................................ 141

Figure n°7.5: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée des

consonnes. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions

d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. .............. 142

Figure n° 7.6: Les durées moyennes des consonnes du locuteur B. En abscisse, chaque

séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.... 143

Figure n° 7.7: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voyelle>. En

abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée. ................................................... 144

Figure n°7.8: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voisement>.

En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée............................................... 144

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Figure n°7.9: Les durées moyennes des consonnes de YM. En abscisse, chaque

séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée. ...145

Figure n° 7.10 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du geste

de fermeture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions

d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..............146

Figure n°7.11: Les durées moyennes de fermeture linguo-palatale de BL. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée. .....................................................................................................................147

Figure n° 7.12: Durées relatives des fermetures du locuteur BL. En abscisse, les

séquences et en ordonnées les %...........................................................................148

Figure n° 7.13 : Durées moyennes de fermeture linguo-palatale de YM. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée. .....................................................................................................................149

Figure n°7.14 : Durées relatives des fermetures linguo-palatales du locuteur YM. En

abscisse, les séquences et en ordonnées les %. .....................................................150

Figure n°7.15: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de la tenue.

En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement

respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..........................................151

Figure n° 7.16 : Les durées moyennes des tenues pour le locuteur BL. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée. .....................................................................................................................152

Figure n° 7.17 : Durées relatives des tenues du locuteur BL. En abscisse, les séquences

et en ordonnées les %. ...........................................................................................153

Figure n° 7.18 : Les durées moyennes des tenues de YM. En abscisse, chaque séquence

dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée....................154

Figure n°7.19 : Durées relatives des tenues du locuteur YM. En abscisse, les séquences

et en ordonnées les %. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %............155

Figure n° 7.20 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du

maximum de contacts. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions

d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..............156

Figure n° 7.21: Les durées moyennes des maxima pour le locuteur BL. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée. .....................................................................................................................157

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Figure n° 7.22 : Durées relatives des maxima du locuteur BL. En abscisse, les séquences

et en ordonnées les %............................................................................................ 158

Figure n° 7.23: Les durées moyennes des maxima de YM. En abscisse, chaque séquence

dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée. .................. 159

Figure n° 7.24 : Durées relatives des maxima du locuteur YM. En abscisse, les

séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 160

Figure n°7.25: Les durées moyennes des occlusions du locuteur BL. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée...................................................................................................................... 161

Figure n°7.26 : Les durées relatives des occlusions du locuteur BL. En abscisse, les

séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 162

Figure n°7.27 : Les durées moyennes des occlusions du locuteur YM. En abscisse,

chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

durée...................................................................................................................... 163

Figure n° 7.28 : Durées relatives des occlusions du locuteur YM. En abscisse, les

séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 164

Figure n° 7.29: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de

l’ouverture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions

d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. .............. 165

Figure n°7.30 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale du locuteur BL. En

abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En

ordonnée, la durée................................................................................................. 166

Figure n°7.31 : Durées relatives des ouvertures linguo-palatales du locuteur BL. En

abscisse, les séquences et en ordonnées les %...................................................... 167

Figure n° 7.32 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale de YM. En

abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En

ordonnée, la durée................................................................................................. 168

Figure n°7.33: Durées relatives de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM. En

abscisse, les séquences et en ordonnées les %...................................................... 169

Figure n°8.1: Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la

pente de fermeture linguo-palatale. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs

conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de

la pente. ................................................................................................................. 176

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Figure n° 8.2 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur BL. En

abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement

respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente..........................177

Figure n° 8.3 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur Y.M.

En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement

respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente..........................178

Figure n° 8.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la

pente d’ouverture linguo-palatal. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs

conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de

la pente. .................................................................................................................179

Figure n° 8.5 : Les pentes d’ouverture du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs

(B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En

ordonnée, l‘indice de la pente. ..............................................................................180

Figure n° 8.6 : Les pentes d’ouverture du locuteur YM. En abscisse, les deux locuteurs

(B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En

ordonnée, l‘indice de la pente. ..............................................................................181

Figure n° 8.7: La vitesse de fermeture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse,

chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

vitesse en nombre de contacts par ms. ..................................................................182

Figure n° 8.8 : La vitesse de l’ouverture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse,

chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la

vitesse en nombre de contacts par ms.. .................................................................183

Figure n°8.9 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur BL.

...............................................................................................................................185

Figure n° 8.10 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur

YM. .......................................................................................................................187

Figure n° 9.1 : Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage

des contacts dans la région vélaire. En abscisse, le taux de contacts vélaires. En

ordonnée, le centre de gravité ...............................................................................197

Figure n° 9.2: Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage

des contacts dans la région alvéolaire. En abscisse, le taux de contacts alvéolaires.

En ordonnée, le centre de gravité ..........................................................................198

Figure n° 9.3 : Tableau des indices de coarticulation des deux locuteurs.....................204

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Figure n° 9.4: La relation entre degré de compensation et poids des contraintes......... 206

Figure n°9.5 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois

sessions d‘enregistrement pour le locuteur BL. En abscisse, les conditions

d’enregistrement. En ordonnée, les contacts maximaux....................................... 207

Figure n 9.6 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois

sessions d‘enregistrement pour le locuteur YM. En abscisse, les conditions

d’enregistrement. En ordonnée, les contacts maximaux....................................... 208

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : Tableau de recensement de quelques études utilisant des perturbations expérimentales.

Légende : EMG = électromyographie ; EPG = éléctropalatographie ; PIO = pression intra-orale

Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats

Fledge, Flecher et Homiedan, 1987

Les paramètres articulatoires devraient disparaître avec le BB

/s/ et /t/ dans phrases porteusesanglais et arabe

résine 5.8.9.14 et 15 mm

EPG Les BB élargissent le chenal fricatif du /s/ et tendent à postérioriser les contacts linguo palataux (LP)

Folkins 1981

Comment l’action d’élévation de la mâchoire est répartie entre les muscles ? Relation entre la synchronisation des muscles et les mouvements de fermeture de la mâchoire : organisation sous-jacente du contrôle moteur

/ip/ /Ip/ /ep/ /Ap/ /Qp/ /Qb/ /Qm/ /Qk/ /Qt/ /Qi/ /pI/, anglais

EMG masseter gauche, temporal antérieur, ptérygoïdes médial et latéral

Le ptérygoïde médial est présent dans tous les mouvements de fermeture, le masseter et le temporalis sont présents dans les mouvements plus larges; l’activité du ptérygoïde médial dure un peu plus longtemps. Dans un ensemble de syllabes, les muscles restent actifs au même niveau mais les pics EMG varient. Flexibilité dans l’utilisation de différentes combinaisons des muscles pour un même mouvement : structures coordinatives

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Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats

Folkins et Zimmerman 1980

Importance des mécanismes périphériques dans le contrôle des mouvements compensatoires de la langue et des lèvres

/pI/ et /pQ/ isolées; locution lente et rapide

résine 5 et 15 mm

EMG temporal antérieur, masseter, ptérygoïdes, bursts, timing, magnitude

Pas de différence pertinente avec les BB (concernant la présence des bursts, le timing, et la magnitude). Le processus neuromoteur périphérique n’est pas impliqué en simulation centrale. Il existe une procédure erreur-correction pour les compensations langue/lèvres.

Fowler et Turvey 1980

Calcul du temps de réaction, réponse générative ? Mesure de la perceptibilité des voyelles

/i E a ç u/ isolées. 2 groupes de locuteurs(1)sans et (2)avec temps de réaction

Bois 10 et 14 mm

F1 et F2 Les sujets sous l’emprise du temps sont plus affectés par les BB que les autres. Les sujets reconnaissent de 71 à 90% la qualité des voyelles produites avec les BB: l’intelligibilité est conservée au maximum.

Gay, Lindblom et Lubker, 1981

Quelles stratégies pour produire les compensations articulatoires ? Des mouvements de la langue exagérés peuvent-ils laisser la fonction d’aire inchangée par une équivalence acoustique ?

voyelles longues du Suédois /i/, /a/, /u/, /o/

BB 2,5 et 22,5 mm

F1 et F2 et rayons x

Réorganisation de la langue pour effectuer les voyelles. La compensation est au maximum sur la constriction maximale et elle est minimale quand l’aire du conduit vocal est plus large : compensation sélective. La cible de la voyelle est codée neurologiquement en terme de fonction d’aire relative au point de constriction maximale. Les différences inter-locuteurs sont obervées dans la manière de compenser. Le contrôle est sensoriel : excitation sensorielle des récepteurs lors d’une constriction, ce qui facilite l’atteinte d’une cible acoustique.

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Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats

Geumann, Kroos et Tillman, 1999

La parole forte est une forme de perturbation naturelle : ouverture plus grande de la mâchoire.

/s/, /S/, /l/, /n/, /d/, /t/,allemand avec /a/, /e/, /i/

EMG : 4 électrodes sur la langue, 3 sur la mâchoire

Interaction entre la hauteur de la mâchoire et la hauteur de l’apex.

Utilisation de la langue pour garder la constriction constante lors de la production des consonnes. La position de la mâchoire si précise sur lesfricatives qu’il n’apparaît pas de compensation linguale. Variabilité : fricative<stops<latérale<nasale. Equivalence motrice.

Horga Damir, 2002

Influence des BB sur la parole continue ? Rôle de l’épaisseur des BB, de l’entraînement, de la vitesse d’élocution.

/t/, /s/, /ts/, /n/, /i/ , /a/, /s/, Croate.

BB :3 et 25 mm Durées, F1 et F2, intensité.

Vitesse réduite avec gros BB, F1 plus haut, F2 plus bas. Pas influence de l’entraînement.

Les paramètres temporels sont immédiatement réorganisés grâce au feedback oro-sensoriel. Une plus grande perturbation est aussi compensée mais avec plus d’entraînement. L’articulation des consonnes est instable (beaucoup de variations) durant la phase d’adaptation et de réorganisation.

Kelso et Tuller, 1983

Pas besoin de feedback auditif pour produire une « bonne voyelle »

/i u a / isolées puis /pVp/ dans phrase porteuse

BB acrylique 5mm pour /a/, 17mm pour /i/, 23 mm pour /u/

F1 et F2 (1) anesthésie bilatérale de la jointure temporo- mandibulaire (2) anesthesie de la muqueuse orale (3) masquage auditif par bruit blanc

La compensation est immédiate grâce aux structures coordinatives, groupement fonctionnel des muscles (synergie) Chaque groupement est intrinsèquement équilibré pour atteindre ses cibles : régulation et contrôle du mouvement. Une source auditive n’est pas obligatoire à l’achèvement d’un état équilibré du collectif de muscles.

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Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats

Lindblom, Lubker et McAllister 1977

La compensation est immédiate, ni liée au feedback auditif à court terme, ni à l’apprentissage.

[i] et [ab:a] du suédois

Bouts de bois 6 et 21mm pour [i] 25 mm pour [ab :a] :

[i] : BB seuls puis couplés avec xylocaïne [ab:a] : masquage du feedback, puis xylocaïne, puis les deux. F1 et F2

Les BB et la xylocaïne n’ont pas empêché le locuteur de produire des patrons formantiques proches des valeurs sasn BB. Avec le BB de 21 mm et la xylocaïne : déviation des formants qui disparaît au bout de 6 répétitions. C’est la diminution du feedback tactile (récepteurs tactiles) qui a un effet sur le mode de compensation. La compensation reste possible sans feedback auditif ni musculaire.

Lindblom, Lubker, Gay, 1979

La compensation est un système instantané, pas lié au feedback auditif.

/i,u,o,a/ isolées suédois

Bouts de bois 2,5 mm pour /a, o/ et 22,5mm pour /i, u/.

F1 et F2 La déviation des formants est systématique : pas besoin d’apprentissage pour compenser. Rôle des informations tactiles dans les muqueuses mais pas du feedback auditif. La qualité de la voyelle est corrélée avec la forme du conduit vocal.

Putman, Shelton et Kastner, 1986

Relation entre la taille de l’ouverture orale et la PIO, perturbation du flux d’air oral : fuite par une plus grande ouverture.

/p√/ avec fuite d’air,/si/ avec BB

BB résine 2,4 et 6 mm

Amplitude de PIO Fuite orale correspond au pic de pression mesurée Flux oral pendant les voyelles /s/ calcul de la zone de constriction

La PIO baisse et le flux d’air oral augmente quand la fuite d’air augmente. Pendant la voyelle, le flux oral ne varie pas. Les valeurs des pressions différentielles sur /s/ varient peu. Les résultats sont en fonction des individus.

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Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats

Savariaux, Perrier et Orliaguet 1995, 1999

Flux d’air et ouverture en fonction des sujets, contexte phonétique

/u/ Tube en plexiglasse 20 mm de diam + BB 3,5 et 8 mm

RayonsX, coupes sagittales successives, F1 et F2

Les variations inter-locuteurs montrent que les changements articulatoires associés à l’ouverture des lèvres ne sont pas inhérentes à l’anatomie et la neurophysiologie de l’appareil de parole. La compétence articulatoire est en fonction de l’expérience de chacun.

Warren Nelson, Allen et Hall 1979

Les performances des locuteurs sont-elles altérées par les BB ?

/s v z S/ isolées, puis dans phrase porteuse.

Résine 1, 3 et 6 mm

Pression différentielle et flux d’air oral enregistré simultanément

L’aire de constriction est plus large sur consonnes isolées qu’en phrases porteuses, plus large aussi pour les alvéolaires et les non voisées.

Warren, Allen et Nelson, 1980

Quelles sont les conséquences du BB en conversation ?

/sat/ /zat/ /vat/ /fat/ phrases porteuses

Résine 1, 3 et 6 mm

Pression différentielle à travers ouverture orale et flux d’air oral enregistré simultanément

La différence d’ouverture mandibulaire est significative entre BB et sans BB. La capacité d’adaptation serait compromise avec une plus large ouverture. Relation linéaire entre taille de l’ouverture et taux du flux d’air

Warren, Allen et King 1984

Les conséquences des BB avec et sans contrôle auditif.

/s v z S/

Résine dentaire 1, 3 et 6 mm

Pt de constriction entre la langue et palais, pression différentielle, flux d’air oral.

La dimension de l’orifice vélo-pharyngé reste constante quelque soit le BB : adaptation articulatoire. Le contrôle continu de l’environnement buccal est satisfaisant. Les locuteurs anticipent et initient une tactique de compensation structurale. Le feedback auditif est nécessaire pour la qualité mais pas pour la réalisation des comepnsations.

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ANNEXE 2 : Les durées moyennes de la phrase porteuse, de la voyelle et de la consonne C1 dans les

quatre conditions d’enregistrement.

BL B0 B1 B2 B3

Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart

phrase 1293,13 85,30 1304,50 44,01 1342,13 65,28 1398,50 76,60

voyelle 91,13 10,30 102,25 7,76 106,38 8,98 115,00 9,38

consonne 113,50 14,05 121,25 26,86 121,38 19,94 113,88 14,57

c1/cvc 40,56 3,35 41,56 11,47 40,16 9,20 37,82 3,39

YM B0 B1 B2 B3

Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart

phrase 1264,38 45,58 1294,88 33,44 1312,50 29,31 1382,75 32,81

voyelle 92,63 1,41 95,50 2,12 98,00 13,44 99,25 4,24

consonne 109,13 17,68 108,63 13,44 108,13 16,26 112,25 1,41

c1/cvc 40,42 4,05 40,23 2,81 39,68 2,67 39,98 0,41

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ANNEXE 3 : Tableaux des durées moyennes de chaque phase de la consonne.

♦Durées consonnes BL puis YM.

12 104,109 17,915 5,17212 95,786 16,537 4,77412 86,557 18,415 5,31612 97,120 19,988 5,77012 135,307 20,641 5,95912 137,713 15,366 4,43612 149,537 22,899 6,61012 155,125 32,188 9,29212 128,547 15,487 4,47112 113,839 15,717 4,53712 119,021 12,292 3,54912 122,875 9,762 2,81812 144,844 19,225 5,55012 160,255 25,695 7,41812 166,620 26,886 7,76112 191,156 32,549 9,396

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0 dad, b1 dad, b2 dad, b3 did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dc1 BLEffet : cvc * cond

12 114,210 8,781 2,53512 116,134 13,625 3,93312 113,198 10,776 3,11112 109,204 13,799 3,98312 135,755 16,734 4,83112 133,267 12,437 3,59012 138,096 19,300 5,57112 153,361 13,760 3,97212 131,263 9,308 2,68712 127,939 14,487 4,18212 126,627 8,576 2,47612 120,214 11,672 3,37012 144,562 13,405 3,87012 145,583 7,317 2,11212 148,911 14,625 4,22212 147,113 14,591 4,212

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0 dad, b1 dad, b2 dad, b3 did, b0 did, b1 did, b2 did, b3 tat, b0 tat, b1 tat, b2 tat, b3 tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dc1 YMEffet : cvc * cond

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♦Durée fermeture de BL

12 26,056 8,644 2,49512 29,635 12,274 3,54312 29,797 12,020 3,47012 34,967 15,356 4,43312 44,197 13,958 4,02912 56,697 13,421 3,87412 75,032 24,448 7,05812 66,823 20,558 5,93512 38,979 16,572 4,78412 36,052 10,195 2,94312 49,728 8,841 2,55212 43,969 18,473 5,33312 50,906 11,761 3,39512 59,385 20,029 5,78212 66,259 22,539 6,50612 73,374 33,181 9,578

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dinimaxEffet : cvc * cond

♦Durée fermeture de YM.

12 39,349 13,563 3,91512 39,113 12,894 3,72212 34,325 16,902 4,87912 20,053 13,987 4,03812 38,230 18,085 5,22112 37,039 13,035 3,76312 42,346 14,331 4,13712 52,150 17,126 4,94412 47,605 12,502 3,60912 43,918 15,789 4,55812 41,134 13,904 4,01412 32,204 10,980 3,17012 42,803 12,418 3,58512 40,119 14,751 4,25812 39,203 10,626 3,06712 35,809 17,600 5,081

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dinimaxEffet : cvc * cond

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♦Durée tenue BL.

12 69,896 8,491 2,45112 62,724 11,954 3,45112 60,917 14,794 4,27112 68,208 17,945 5,18012 90,463 12,269 3,54212 89,714 17,116 4,94112 104,995 21,393 6,17612 109,984 29,445 8,50012 90,792 8,604 2,48412 75,687 14,760 4,26112 80,432 13,499 3,89712 86,604 13,423 3,87512 98,151 16,080 4,64212 95,932 15,149 4,37312 113,177 23,021 6,64612 122,542 38,113 11,002

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dtenuc1Effet : cvc * cond

♦Durée tenue YM.

12 71,885 10,012 2,89012 71,678 8,833 2,55012 71,869 10,656 3,07612 81,492 15,260 4,40512 88,953 10,564 3,05012 91,559 9,060 2,61512 92,757 17,905 5,16912 110,456 14,035 4,05212 86,218 8,098 2,33812 84,315 9,125 2,63412 82,726 11,514 3,32412 84,790 15,048 4,34412 95,737 15,984 4,61412 102,941 9,314 2,68912 101,119 13,229 3,81912 105,494 13,051 3,767

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dtenuc1Effet : cvc * cond

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♦Durée maximum de contacts BL.

12 36,583 6,651 1,92012 27,635 12,319 3,55612 27,328 10,870 3,13812 28,286 14,822 4,27912 36,208 11,424 3,29812 20,948 7,679 2,21712 19,708 10,769 3,10912 22,984 9,615 2,77512 44,281 16,761 4,83912 36,521 18,178 5,24712 26,323 12,068 3,48412 29,781 15,656 4,52012 27,875 13,824 3,99112 20,365 10,048 2,90112 21,188 10,616 3,06512 37,500 30,686 8,858

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dmaxc1Effet : cvc * cond

♦Durée maximum de contacts YM.

12 32,474 16,049 4,63312 32,102 10,915 3,15112 35,543 16,037 4,63012 19,998 17,537 5,06312 35,819 16,626 4,80012 47,468 19,760 5,70412 41,790 18,673 5,39012 47,629 18,125 5,23212 33,071 8,906 2,57112 34,336 10,296 2,97212 35,369 20,567 5,93712 43,459 21,631 6,24412 30,036 9,232 2,66512 53,921 18,235 5,26412 48,275 17,910 5,17012 52,826 18,774 5,420

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dmaxc1Effet : cvc * cond

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♦Durée occlusion BL.

11 68,278 9,541 2,87712 76,245 16,017 4,62412 90,682 8,381 2,41912 76,255 15,920 4,59612 59,047 12,560 3,62611 76,688 18,498 5,57712 75,339 13,659 3,94312 73,359 18,213 5,25810 41,631 19,272 6,09412 79,448 31,847 9,19312 66,667 20,141 5,81411 81,642 22,758 6,862

9 64,222 18,167 6,05610 86,219 18,533 5,86110 79,375 11,154 3,527

9 92,361 29,531 9,844

Nombre Moy. Dév. Std Err. Stdb0, dadb0, didb0, tatb0, titb1, dadb1, didb1, tatb1, titb2, dadb2, didb2, tatb2, titb3, dadb3, didb3, tatb3, tit

♦Durée occlusion YM.

12 67,010 8,409 2,42812 73,515 8,765 2,53012 77,707 13,052 3,76812 65,580 10,655 3,07612 53,911 11,712 3,38111 72,444 13,478 4,06412 74,327 16,680 4,81512 82,274 18,878 5,450

7 63,959 8,969 3,39012 76,054 17,149 4,95012 77,576 11,618 3,35412 82,488 13,316 3,84410 59,020 28,512 9,01611 93,007 13,324 4,01712 74,380 19,988 5,77012 84,768 12,945 3,737

Nombre Moy. Dév. Std Err. Stdb0, dadb0, didb0, tatb0, titb1, dadb1, didb1, tatb1, titb2, dadb2, didb2, tatb2, titb3, dadb3, didb3, tatb3, tit

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♦Durée ouverture BL.

12 41,469 8,700 2,51112 38,513 8,736 2,52212 29,433 9,238 2,66712 33,866 16,201 4,67712 54,901 8,649 2,49712 60,069 7,692 2,22012 54,795 16,479 4,75712 65,315 27,995 8,08112 45,287 9,138 2,63812 41,266 6,199 1,79012 42,968 7,393 2,13412 49,125 15,687 4,52812 66,064 18,773 5,41912 80,505 10,076 2,90912 79,172 10,971 3,16712 82,327 26,730 7,716

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dmaxendEffet : cvc * cond

♦Durée ouverture YM.

12 42,387 7,008 2,02312 44,918 9,153 2,64212 43,328 11,186 3,22912 69,748 29,688 8,57012 61,707 12,847 3,70812 48,759 9,708 2,80212 53,963 9,641 2,78312 54,495 11,792 3,40412 50,588 7,410 2,13912 49,686 5,017 1,44812 50,122 7,582 2,18912 44,551 9,722 2,80612 71,721 12,257 3,53812 51,544 11,173 3,22512 61,568 8,682 2,50612 56,944 9,875 2,851

Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3

Tableau de moyennes pour dmaxendEffet : cvc * cond

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ANNEXE 4 : Les moyennes des contacts linguo-palataux

♦Les contacts linguo-palataux de BL

contacts alvéolaires contacts vélaires

dad did tat tit dad did tat tit

b0 19,58 25,00 21,50 25,58 6,50 14,33 8,50 14,50

b1 13,17 23,17 18,17 22,17 3,33 10,67 7,67 11,83

b2 10,42 22,25 17,00 22,17 2,58 12,67 7,67 14,00

b3 8,92 21,33 13,33 22,00 1,67 10,75 7,50 14,17

Contacts LP sur la totalité du

palais

dad did tat tit

26,08 39,33 30,00 40,00

16,42 33,83 25,83 34,00

13,00 34,08 24,83 36,17

10,58 31,92 20,83 36,08

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251

♦Les contacts linguo-palataux de YM :

contacts alvéolaires contacts vélaires

dad did tat tit dad did tat tit

b0 19,00 25,83 23,67 26,42 7,17 15,67 9,33 15,58

b1 18,75 27,92 26,92 28,25 7,75 16,67 10,25 16,92

b2 14,17 26,42 26,00 28,17 2,83 16,00 11,00 17,33

b3 13,75 27,50 27,42 28,25 2,58 16,08 12,08 19,33

Contacts LP sur la totalité du palais

dad did tat tit

26,17 42,33 33,00 45,17

26,50 44,58 37,17 45,50

17,08 42,42 35,33 47,58

16,17 43,58 39,42 43,25

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ANNEXE 5 : Les moyennes des contacts linguo-palataux à chaque session d’enregistrement.

répétitions de dad du locuteur BL

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 25,00 3,46 26,75 1,50 26,50 1,41

b1 16,75 2,12 14,75 4,79 17,75 1,41

b2 13,00 4,95 10,25 3,77 15,75 3,77

b3 15,00 9,19 8,50 3,11 8,25 3,54

répétitions de did du locuteur BL

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 39,50 0,71 40,50 2,65 38,00 1,41

b1 34,00 4,24 34,25 1,41 33,25 4,95

b2 31,75 0,71 35,50 4,43 35,00 2,12

b3 29,25 7,78 32,00 0,71 34,50 4,95

répétitions de tat du locuteur BL

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 29,00 1,41 30,75 1,5 30,25 0,71

b1 24,25 2,83 26,5 2,08 26,75 0,00

b2 23,50 0,00 25,25 2,5 28,00 1,41

b3 20,50 1,41 20,5 6,19 23,50 0,71

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répétitions de tit du locuteur BL

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 41,50 0,71 40 0 38,50 0,71

b1 31,75 2,12 34 4,24 36,25 1,41

b2 34,75 9,90 37,25 2,83 36,50 0,00

b3 38,75 5,66 37,25 10,6 32,25 0,71

répétitions de dad du locuteur YM

de 1 à 4 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy ecart moy écart

b0 25,25 3,77 27,75 0 25,50 0,00

b1 25,50 3,54 27,25 2,09 25,00 0,00

b2 18,00 6,36 16,75 3,59 16,50 4,24

b3 16,75 12,73 15,5 3,87 16,25 4,24

répétitions de did du locuteur YM

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 42,00 2,83 43,00 2,45 42,00 0,71

b1 43,25 0,00 45,75 2,36 44,75 0,71

b2 42,75 0,00 42,50 1,00 42,00 2,83

b3 44,25 1,41 43,50 1,00 43,00 1,41

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répétitions de tat du locuteur YM

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 33,75 2,83 32,25 5,06 33,00 3,54

b1 39,50 3,11 35,75 0,50 36,25 0,71

b2 37,50 1,41 34,25 2,87 34,25 2,12

b3 40,00 9,90 39,25 3,86 39,00 0,00

répétitions de tit du locuteur YM

de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12

moy écart moy écart moy écart

b0 42,50 0,00 42,25 0,50 42,50 0,00

b1 45,50 2,12 45,00 1,41 45,00 0,72

b2 45,00 0,00 45,75 2,22 45,75 0,00

b3 49,50 0,00 48,00 2,94 45,25 1,53

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ANNEXE 6 : Les patrons de coarticulation dans les quatre

conditions d’enregistrement.

Locuteur BL.

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Locuteur YM.

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ANNEXE 7 :Les mesures des palais des locuteurs.

La prise de mesures s’est faite électrode par électrode sur un axe orthonormé (x’x ; y’y)

afin de pouvoir réaliser les patrons de contacts propres à chaque locuteur.

Locuteur BL

Locuteur YM

x y x y

e1 20 85 14 79

e2 27 86 20 80

e3 34 87 26 81

e4 42 87 34 82

e5 50 86 42 81

e6 58 85 50 81

e7 16 79 10 73

e8 22 80 15 74

e9 27 81 21 75

e10 35 82 27 75

e11 43 82 34 76

e12 50 81 41 75

e13 57 80 48 75

e14 64 78 54 74

e15 16 72 9 65

e16 21 75 15 67

e17 27 77 22 69

e18 35 78 27 70

e19 42 78 34 70

e20 50 77 42 70

e21 57 75 49 69

e22 65 72 57 68

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e23 15 64 9 58

e24 20 69 15 61

e25 27 73 22 63

e26 35 75 27 66

e27 43 75 35 66

e28 51 73 43 64

e29 58 69 50 62

e30 66 63 57 61

e31 11 51 6 45

e32 18 59 11 49

e33 25 66 20 55

e34 35 67 28 58

e35 44 67 36 58

e36 57 64 45 56

e37 63 59 53 52

e38 70 49 59 49

e39 10 35 6 32

e40 15 42 13 38

e41 24 49 18 44

e42 35 52 29 49

e43 46 50 36 49

e44 60 47 46 47

e45 65 40 54 42

e46 71 36 61 37

e47 5 20 5 16

e48 12 22 11 23

e49 22 31 17 28

e50 33 35 29 34

e51 46 34 39 34

e52 63 32 49 31

e53 69 26 56 26

e54 77 19 65 21

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e55 0 0 0 0

e56 8 8 9 7

e57 17 13 16 14

e58 31 17 28 20

e59 50 17 40 19

e60 64 13 52 15

e61 72 6 60 8

e62 84 0 68 0

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ANNEXE 8 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/ sans

bite-block, locuteur BL.

Séquence /dad/

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ANNEXE 9 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/ avec

le B3, locuteur BL

Séquence /dad/

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ANNEXE 10 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/

sans bite-block, locuteur YM

Séquence /dad/.

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ANNEXE 11 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/

avec le B3, locuteur YM

Séquence /dad/

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ANNEXE 12 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ sans

bite-block, locuteur BL.

Séquence /tat/

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Annexe13 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ avec

B3, locuteur BL.

Séquence /tat/

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ANNEXE 14 : Courbe de contacts linguo-palataux de /t/ sans

bite-block, locuteur YM.

Séquence /tat/

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ANNEXE 15 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ avec

le B3, locuteur YM.

Séquence /tat/

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Compensation Articulatoire dans la Production des Occlusives du Français.

La production de la parole se caractérise par une organisation spatio-temporelle hautement complexe des articulateurs. De nombreux travaux visent encore aujourd'hui à mieux comprendre la façon dont le système articulatoire est gouverné. L'une des méthodes utilisables consiste à perturber de manière artificielle les mouvements articulatoires. Les études basées sur ce paradigme ont démontré que le système articulatoire présente une plasticité fonctionnelle remarquable en s’adaptant rapidement à ces perturbations. Nous présentons les résultats d'une étude centrée sur la mise en relief des mouvements compensatoires de la langue quand la mandibule est bloquée par des bite-blocks dans une certaine position ouverte. Un corpus de 12 répétitions de séquences CVC (occlusives linguo-palatales /t/ et /d/ et /a/, /i/) dans phrases porteuses, est enregistré avec l'électropalatographie par deux sujets français avec et sans bite block. Les mesures sont prises sur la base d’une segmentation manuelle des évènements articulatoires et permettent une analyse spatiale et temporelle des mouvements linguaux. Nous avons effectivement constaté des modifications spatio-temporelles: le geste articulatoire est modifié par la présence des bite-blocks et constitue un témoignage de la mise en place de stratégies de compensation articulatoire. Les résultats font apparaître que ces stratégies diffèrent selon le locuteur. Les compensations sont immédiates et sélectives. Les réajustements ont lieu de suite et les variations temporelles intra-segmentales sont cachées dans le geste global de la consonne. Une hiérarchie de la compensation existe et semble régir la production de la parole : quand les contraintes de production sont fortes, la compensation est incomplète, quand elles sont faibles, la compensation tend à être complète. D'une manière générale, cette étude confirme que la variabilité articulatoire est une caractéristique inhérente au système de production, et qu'elle lui confère la capacité de produire les sons désirés dans une grande variété de situations. _____________________________________________________________________________________ Articulatory Compensation in the Production of French Stop Consonants.

The production of speech is caracterized by a hightly complex spatio-temporal organization of the articulators. Lot of work still aim at understand better how the articulatory system is governed. One of method consists on perturbing artificially articulatory movements of the production of speech. Studies based on this paradigm proved that the articulatory system presents a noteworthy plasticity fonctional to reinstate a rapid adapted response. We know, according to studies on bite blocks, that it is possible to retain the intelligibility of the consonants by producing unusual configurations of the vocal tract in order to overcome the removal of the activity of an articulator. So, we neutralised the jaw activity by means of bite blocks in order to observe the movements of the tongue (with Reading’s EPG system). A corpus of twelve repetitions of CVC sequences, of /t/ and /d/ with /a/ or /i/ vowels was recorded with the EPG system by two French native speakers, with and without bite blocks. Measures are taken on the basis of a manual segmentation of articulatory events, allowing a spatial and temporal analysis of the tongue movements. Therefore, spatial and temporal changes of the tongue configurations palliate the immobilization of the mandibule: duration and amplitude of the articulatory gesture are modified by the bite-blocks to compensate the jaw immobility. Compensations are immediate and selective. A hierarchy of compensation could exists and seems to govern the production of speech: strong constraints involve incomplete compensation, weak constraints allow complete compensation. The nature of the compensation seems to depend on interspeaker variability. Implications of these results for studies on motor control in speech production can be discussed. Also, results confirm that the articulatory variability is an inherant characteristic of the speech production system. Formation Doctorale : Langage et Parole Discipline : Phonétique Mots Clés : production, occlusive, compensation, électropalatographie, contrôle moteur, gestes articulatoires. Contact : [email protected] Laboratoire Parole et Langage, UMR 6057 CNRS, Université de Provence, 29, avenue Robert Schuman, 13621 Aix en Provence.