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COMMISSION DES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LA SITUATION ET L’AVENIR DE LA LANGUE FRANÇAISE AU QUÉBEC
Université McGill, 2 février 2001 Professeur Denise Lussier, Ph.D.
L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
RÉSUMÉ DE LA PRÉSENTATION
L’enseignement du français langue seconde au Québec pourrait faire l’objet d’une étude de cas puisqu’ilcomprend des problématiques qui lui sont propres et qu’il peut s’avérer parfois difficile de concilier les attentessociétales, politiques et pédagogiques. De là, l’importance en premier lieu de faire un bref historique del’évolution de l’enseignement du français langue seconde au Québec et d’en dégager les éléments bénéfiques etperturbateurs. Ce premier portrait nous amènera à mieux comprendre l’état actuel de cet enseignement et detracer un portrait des régimes pédagogiques privilégiés par les organismes scolaires, c’est-à-dire les programmesd’immersion et les programmes de français régulier de base. Nous aborderons les diverses approchesd’enseignement mises de l’avant en lien avec le développement de la discipline. Nous nous attarderons à situerl’apport des programmes d’enseignement au primaire, au secondaire et au collégial avant et avec la réforme. Ence qui concerne le milieu universitaire, deux aspects sont matières à réflexion : la formation initiale des maîtresen regard des programmes actuels et de leur remise en question pour des fins d’arrimage avec la réforme duMinistère de l’Éducation, et la formation continue des enseignants laissée en suspens depuis la disparition descertificats d’enseignement. Plusieurs réalisations méritent d’être soulignées, d’autres considérations méritentd’être discutées.
Professeur Denise Lussier, Ph.D.Éducation en langues secondesE-mail : [email protected]élé. : (514) 398-6727
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THÈME : L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
TABLE DES MATIÈRES
1. CONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES EN L’AN 2000
2. ATTENTES SOCIÉTALES, POLITIQUES ET ÉDUCATIONNELLES
3. RÉSULTATS ATTENDUS EN ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
4. MODÈLES ORGANISATIONNELS
A) Le Français de baseB) Le Français immersifC) Les Classes d’accueil
5. ORDRES D’ENSEIGNEMENT ET ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
A) Éducation préscolaireB) Enseignement au primaireC) Enseignement au secondaireD) Enseignement en classes d’accueilE) Enseignement au collégial
6. ENSEIGNANTS ET ENSEIGNANTES : FORMATION, RECRUTEMENT, AFFECTATION ET ENCADREMENT
A) Formation initiale universitaireB) Formation continueC) Recrutement et affectationD) Encadrement dans les écoles
7. ÉLÉMENTS BÉNÉFIQUES ET PERTURBATEURS / PISTES D’INTERVENTION
A) Responsabilités du ministère de l’ÉducationB) Responsabilités des commissions scolairesC) Responsabilités des universitésD) Rôles des associations professionnelles
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COMMISSION DES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LA SITUATION ET L’AVENIR DE LA LANGUE FRANÇAISE AU QUÉBEC
Université McGill, 2 février 2001 – Prof. Denise Lussier, Ph.D.
THÈME : L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
Monsieur le Président de la Commission
Membres du Comité
Nous sommes très heureux de vous décrire l’état des lieux de l’enseignement du français langue
seconde au Québec. Le texte que je vous présente est le fruit d’une réflexion de diverses personnes que
j’ai voulu consulter. Il comprend aussi des données tirées d’un rapport d’enquête produit en 1990 par le
ministère de l’Éducation auquel nous avons ajouté des données plus récentes pour rendre ce texte
conforme à la situation actuelle.
Je tiens à remercier plus particulièrement mes collègues Louise Savoie de l’Université McGill, Robert
Bourassa et Ghislaine Coutu-Vaillancourt de l’Association des enseignants de français langue seconde
et Marcel Perez du CEGEP Vanier pour leur collaboration.
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1. CONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES SECONDES EN L’AN 2000
Pour débuter, nous vous offrons cette citation adaptée d’Aude Lancelin dans le Nouvel Observateur
(#1883, décembre 2000) : « De nos jours, on protège aujourd’hui les pandas et les loups marins en
péril. On pétitionne pour classer les vieux cinémas et les arbres menacés par les appétits immobiliers,
mais, pour les langues et les cultures en danger, que fait-on ?» L’importance de se poser la question est
cruciale même si elle ne devait servir qu’à se donner une vision de sa propre identité, à se questionner
pour mieux saisir quel projet de société nous voudrions bâtir ensemble pour les québecois, de toutes
souches, de toutes races, de toutes ethnies et de toutes religions.
En ce qui concerne l’enseignement du français langue seconde au Québec, celui-ci peut faire l’objet
d’une étude de cas puisqu’il comprend en soi des problématiques et des interrogations qui lui sont
propres. Au départ, il serait utile de s’interroger sur la nature de la communication en enseignement d’une
langue seconde. Souhaitons-nous le développement d’une compétence de type «linguistique», axée
principalement sur l’apprentissage des systèmes grammaticaux, lexicaux, phonétiques et sémantiques d’une
langue ? Où voulons-nous pour nos élèves le développement d’une véritable compétence de communication,
d’une compétence langagière intégrant les dimensions sociolinguistiques, discursives et culturelles de la langue
cible ? La réponse est évidente, mais sa mise en application n’est pas aussi simple et demande une vision et une
volonté d’agir.
Depuis plus de vingt ans maintenant, l’enseignement d’une langue seconde a misé sur le développement
d’une compétence de communication considérant la langue comme un acte social et une activité
mentale. Nous savons que de véritables relations sociales ne sauraient exister sans le langage. L’inverse
est aussi vrai. Pour Vygotsky (1962), chaque mot est déjà en soi un acte verbal de la pensée et un
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«microscome» d’un monde contextuel plus vaste. La pensée verbale n’est pas une forme innée; elle est
déterminée par un processus historique et culturel (p.51). La langue est un phénomène socio-historique.
Elle repose sur un ensemble complexe de considérations sociales, historiques et politiques de formation.
Aussi, comme le souligne Bourdieu (1982, 1994), la langue est plus qu’un instrument de
communication. Elle est aussi une autre culture à apprivoiser. Son infinie capacité de générer des
rapports de forces symboliques façonne les perceptions des gens, leurs représentations culturelles et leur
vision du monde social. Aussi, il importe de ne plus considérer les actes langagiers simplement comme
des éléments linguistiques, mais bien en tant que véhicules de la culture et des représentations que l’on
se fait de l’Autre et des autres cultures (Bourdieu, 1982). De toutes les dimensions en jeu dans la
relation xénophilie/ xénophobie, outre la dimension sociale, la dimension éducative, et plus précisément
la dimension langue, semble constituer un axe majeur d’influence.
Où en sommes-nous au Québec ? Quelle vision avons-nous de l’apprentissage des langues et plus
particulièrement du français langue seconde ? Avons-nous à l’esprit le développement d’une
compétence linguistique ? Le développement d’une compétence de communication «formule touriste» ?
Pourrait-on envisage le développement d’une compétence culturelle, voire même interculturelle ? Nous
pensons à une compétence qui permettrait aux élèves de briser les barrières entre leur propre culture et
celle de l’autre, qui leur permettrait de mieux connaître la culture de l’autre, de s’en enrichir et de se
l’approprier. Nous ne pouvons plus restreindre l’enseignement de la langue seconde à des éléments
folkloriques, des artefacts ou même de stéréotypes comme on le retrouve trop souvent dans le matériel
pédagogique. Il est temps de délaisser les unités d’apprentissage portant sur le Carnaval de Québec, la
cabane à sucre et les Acadiens. Nous pensons à une compétence culturelle davantage axée sur la
compréhension de l’Autre, sur l’ouverture à l’autre culture. Nous avons une discipline qui, de par sa
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nature, devrait favoriser l’ouverture aux autres cultures, à l’altérité, voire même à l’empathie. Mais, cet
aspect de l’enseignement / apprentissage d’une langue est encore trop peu exploré ou comme nous le
disions limité à des événements, des faits, des artefacts.
2. ATTENTES SOCIÉTALES, POLITIQUES ET ÉDUCATIONNELLES
En enseignement du français langue seconde au Québec, les enjeux sont importants et il peut s’avérer
parfois difficile de concilier les attentes sociétales, politiques et éducationnelles. Nous connaissons tous
l’importance d’un tel enseignement auprès de la population anglophone et des populations nouvelles,
immigrant au Québec. Avec l’enseignement du français langue seconde, nous avons la discipline par
excellence pour susciter l’ouverture à la culture québecoise et faciliter la communication entre les
cultures. De là, l’importance en premier lieu de faire un bref historique de l’évolution de l’enseignement
du français langue seconde au Québec et d’en dégager les éléments bénéfiques et perturbateurs.
Attentes sociétales
Le Québec dans ses politiques mise sur l’intégration à la vie québecoise de tous les membres et de tous
les groupes, et ce toujours en vue d’assurer une meilleure cohésion sociale et de susciter le
rapprochement des différentes cultures au sein de la société québecoise.
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Attentes politiques
Le Québec a des attentes politiques visant à favoriser une participation de plus en plus évidente des
divers membres et groupes de la société québecoise et visant à susciter une contribution active au
développement du Québec. Le but ultime est certes d’impliquer tous les individus dans certaines des
multiples activités qui leur sont proposées. Il s’agit même de les amener à postuler pour des emplois
relevant des institutions gouvernementales dans le but de multiplier les échanges et de mieux servir les
divers éléments de la société québecoise.
Attentes éducationnelles
Les attentes éducationnelles sont donc d’importance capitale puisqu’elles servent de tremplin à
l’atteintes des objectifs d’ordre social et politique. Nous vous rappelons que l’enseignement du français
langue seconde débute en 1ère année, primaire et que cet enseignement est obligatoire jusqu’en 5ème
secondaire. De plus, la réussite des élèves à l’épreuve ministérielle de 5ème secondaire est obligatoire
pour l’obtention du Diplôme d’études secondaire décerné par le Ministère de l’Éducation du Québec.
Les attentes sont élevées. Nous pourrions dire qu’elles sont même plus exigeantes que pour d’autres
disciplines et tout aussi balisées, politiquement parlant, que l’enseignement du français langue
maternelle. Face à ses attentes, il importe de souligner que le milieu anglophone a été très réceptif. Les
commissions scolaires ont misé sur des programmes d’immersion pour faciliter l’enseignement du
français langue seconde et pour amener les élèves anglophones et allophones à développer une véritable
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compétence langagière dans cette langue. Le temps d’enseignement préconisé par le régime
pédagogique a été largement dépassé par l’ensemble des commissions scolaires. Certains diront que
cela s’est fait au détriment de l’enseignement des autres matières et de l’enseignement de l’anglais
langue maternelle.
Le soutien à l’enseignement des langues
Il faut aussi mentionner que, pour l’enseignement des langues, le milieu anglophone tout comme le
milieu francophone d’ailleurs, a pu bénéficier d’une enveloppe budgétaire spéciale. Le ministère de
l’Éducation, en collaboration avec le Secrétariat d’État, a pu offrir aux commissions scolaires la
possibilité d’organiser des activités de perfectionnement à l’intention des enseignants et des conseillers
pédagogiques. Plusieurs Programmes de perfectionnement collectif en didactique des langues (FLS,
ALS, classes d’accueil ou de francisation, du primaire et du secondaire) ont vu le jour dans les années
90. Huit modules de perfectionnement collectif ont été élaborés à cet effet. Ils étaient le résultat de
propositions de formation continue suggèrées par l’Association québecoise des enseignants de français
langue seconde. Ces modules suivaient une progression logique allant de l’étude des processus
d’apprentissage d’une langue à l’évaluation de la compétence de communication ; une place importante
y était accordée aux applications pratiques et méthodologiques de l’enseignement et de l’apprentissage
du français langue seconde. Ils impliquaient la tenue de sessions d’une durée approximative de cinq
jours chacune. Ils ont permis aux commissions scolaires d’inscrire leurs projets de perfectionnement
dans le cadre d’une démarche planifiée et cohérente. Comme ils étaient conçus pour permettre à tout
enseignant ou conseiller pédagogique, ayant une formation en didactique des langues, d’animer une
session de perfectionnement avec un travail de préparation minimal, le recours à des ressources
matérielles ou humaines externes était très limité.
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Module 1 : Apprentissage d’une langue seconde
Module 2 : Méthodes axées sur la communication 1
Module 3 : Méthodes axées sur la communication 11
Module 4 : Évaluation en langue seconde
Module 5 : Enseignement de la grammaire
Module 6 : La lecture au secondaire
Module 7 : Immersion en langue française – L’enseignement de la langue parlée
Module 8 : La communication orale au primaire.
Nous avons aussi connu les Programmes de bourses de perfectionnement individuel en anglais ou en
français langue seconde, également subventionné par le ministère de l’Éducation en collaboration avec
le Secrétariat d’État. Ces programmes ont profité aux enseignants de français langue seconde en
exercice qui souhaitaient poursuivre des études à temps partiel en vue de l’obtention d’un certificat ou
d’un baccalauréat en enseignement du français langue seconde.
3. RÉSULTATS ATTENDUS EN ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
La question qui brûle les lèvres est évidente. Quel est le niveau de compétence en français langue
seconde des élèves qui ont reçu un tel enseignement pendant ces onze années d’études ? Peut-on dire
qu’ils sont devenus bilingues ? Qu’ils peuvent comprendre le français et s’exprimer avec facilité dans
cette langue pour participer activement à la vie québecoise ? Nous n’avons aucune donnée récente pour
répondre directement à cette question. De même que nous ne pouvons affirmer avec des statistiques à
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l’appui du degré de satisfaction ou d’insatisfaction des parents et des élèves quant à l’enseignement du
français langue seconde en milieu scolaire. Par contre, les investissements ont été énormes.
L’enseignement du français langue seconde était déficitaire il y a une quinzaine d’années. Depuis, les
programmes d’immersion ont pris de l’expansion. Limités très souvent au primaire seulement, on les
retrouve au secondaire maintenant. Les élèves ont diverses options. S’ils ont déjà atteint les exigences
du programme de français langue seconde, ils se dirigent dans un cheminement de français langue
maternelle ou effectuent un transfert dans une école française. Une grande majorité des élèves utilisent
cette prérogative. En ce sens, nous pouvons croire que le milieu anglophone a pu recevoir un
enseignement de qualité en français, dans le respect de leurs droits. C’est un très bel exemple d’une
collaboration qui a servi les intérêts des uns et des autres. Certains croiront comme le dit l’expression «
qu’on se tire dans le pied» puisque les anglophones parlent maintenant français. L’inverse n’est pas
aussi vrai.
4. MODÈLES ORGANISATIONNELS
L’enseignement du français langue seconde au Québec profite de la mise en œuvre de divers modèles
organisationnels en milieu anglophone. Chacun de ses modèles contribue à fournir un enseignement du
français adapté aux diverses clientèles, Nous pensons aux programmes de français de base en classes
régulières pour les anglophones vivant au Québec et aux programmes d’immersion pour tous les
anglophones qui voudraient offrir un apprentissage bilingue à leurs enfants. Nous avons des classes
d’accueil pour les enfants des populations immigrantes au Québec. Nous avons même des classes de
francisation pour les enfants anglophones vivant au Québec depuis plus de cinq ans et qui doivent
intégrer les classes francophones. Pour mieux situer l’état des lieux de l’enseignement, nous vous
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présentons en premier lieu, une description de ces programmes. En deuxième lieu, nous traiterons de
leur application aux ordres d’enseignement préscolaire, primaire et secondaire et collégial. Nous
aborderons par la suite la formation des enseignants et leur encadrement en milieu scolaire. En
conclusion, nous présentons des pistes d’intervention pour conserver les éléments bénéfiques qui ont
prévalu jusqu’à maintenant et pour diminuer, pour ne pas dire éliminer, les éléments perturbateurs.
a) Le français de base
L’enseignement du français de base se fait dans le cadre d’une structure traditionnelle d’enseignement.
La langue cible y est enseignée comme matière pendant X minutes par jour, pendant Y jours par
semaine et en commençant à un niveau Z. L’enseignement se fait uniquement en fonction de
l’apprentissage du français comme langue de communication dans le cadre du cours de français, langue
seconde. Cet enseignement relève des Programmes de français de base – nommé Core French en
anglais.
Pour le français, langue seconde, l’enseignement débute en 1ère année et est obligatoire à tous les
niveaux d’enseignement primaire et secondaire.
- Au primaire, ce modèle offre de 90 à 150 minutes par semaine, pour un total d’environ 300 à 500
heures, au cours des six années du primaire. On trouve donc 16% des effectifs scolaires.
- Au secondaire, le temps pivot est de 125 heures par année. L’ensemble des élèves, environ 73%,
reçoit entre 125 à 150 heures par année. On y trouve 21,5% des effectifs scolaires.
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b) Le Français immersif
Le français immersif offre des modèles où il y a enseignement du français langue seconde, et
enseignement d’autres matières en français. Nous parlons alors des programmes d’immersion. Ces
programmes ont débuté au cours de l’année 1963 alors qu’un groupe de parents de langue anglaise à
voulu offrir à des enfants de cinq ans un programme scolaire entièrement donné en français. Plusieurs
parents déploraient la pauvreté de l’enseignement des langues au Québec et voyaient dans le
bilinguisme individuel de leurs enfants des bienfaits culturels, intellectuels et sociaux. Depuis, diverses
options sont offertes aux élèves du secteur anglophone :
L’immersion précoce est une première option. L’enfant débute l’apprentissage du français langue
seconde en 1ère année du primaire. Elle est totale lorsque l’école y consacre 100% du temps à
l’enseignement en français. Le temps d’enseignement diminue par la suite pour atteindre un ratio de 50
/ 50. L’immersion devient alors partielle.
La post immersion ou l’immersion tardive est une deuxième option. On y consacre quelques matières
(de 2 à 3 environ) à chaque année du secondaire. Le choix des matières enseignées en français est
conditionnel à l’expertise des enseignants.
En 1989, dans une étude effectuée par le ministère de l’Éducation, plus de 80 000 élèves, dont 46 744
au primaire et 34 788 au secondaire étaient inscrits dans des programmes d’immersion. Nous avons pu
recenser 57 modèles organisationnels différents de l’enseignement du français langue seconde, allant de
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l’enseignement d’une seule matière en français à toutes les matières d’enseignement en français. Vous
trouverez à l’annexe 1 du document un tableau du temps d’enseignement du français langue seconde
dans le milieu scolaire anglophone. Présentement, sur l’île de Montréal, la tendance est d’offrir un statut
égal aux deux langues tout au long du cursus scolaire.
À ce moment-ci, nous ne pourrions pas passer sous silence le fait que pendant toutes ces années le
milieu anglophone ait réclamé du ministère de l’Éducation le droit de disposer de programmes d’études
pour ses classes d’immersion. Le ministère s’y est toujours refusé préférant développer des programmes
d’études de tronc commun alors que contrairement aux autres matières, l’enseignement du français
langue seconde en classe régulière ne représentait que 25% de la population, l’autre 75% des élèves
fréquentant les classes d’immersion. Les commissions scolaires ont donc pallier le rôle du ministère et
chacune d’elle s’est donnée des programmes d’études pour le français immersif, par le biais des
conseillers pédagogiques dont elles disposaient grâce au Plan Cloutier, lequel plan était axé sur le
développement de l’enseignement du français langue maternelle et des langues secondes au Québec.
Malgré l’expansion des programmes d’immersion et le dynamisme des enseignants, plusieurs reproches
adressés au modèle organisationnel des programmes d’immersion demeurent. Les élèves ne sont pas
«immergés» dans un milieu francophone. Ils sont regroupés dans une même classe, en vase clos, et
développent une compétence davantage linguistique que langagière, et ce uniquement grâce à la
présence d’un maître qui leur enseigne la langue par le truchement de certaines matières, et à la
condition toutefois que celui-ci soit un véritable locuteur francophone.
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c) Les Classes d’accueil
Devrions-nous parler des classes d’accueil dans un mémoire faisant l’état des lieux en français langue
seconde ? Où les situer ? Quels sont les apprentissages visés ? Pour y arriver, il faut définir la clientèle.
Les élèves qui fréquentent les classe d’accueil sont en grande partie des enfants nouvellement arrivés au
Québec. Ils ne parlent pas le français ou très peu. Ils doivent faire un séjour en classe d’accueil pour
leur permettre de développer le français comme langue de communication. Lorsqu’ils y parviennent, ils
intègrent les classes régulières. Leur passage en classe d’accueil peut durer de quelques mois à une
année scolaire entière. Certains qui accusent des retards d’apprentissage pourront y rester deux ans.
Pour L’Association québecoise des enseignants de français langue seconde, les enseignants des classes
d’accueil partagent les mêmes préoccupations, les mêmes responsabilités et les mêmes compétences
qu’un enseignant de langue seconde puisqu’il s’agit d’apprendre à ces enfants une langue seconde qu’il
ne possède pas ou si peu. Nous parlons ici du développement d’une certaine compétence de
communication qui débouche rarement sur l’apprentissage d’une langue analytique comme c’est le cas
pour l’enseignement du français langue maternelle à l’école. Aussi, dans le contexte des classes
d’accueil, nous voudrions rappeler qu’il s’agit davantage de l’enseignement du français langue
seconde. À ce titre, les approches, les méthodologies et les programmes d’études doivent s’inspirer du
développement des langues secondes. Nous croyons également que les enseignants qui oeuvrent en
classes d’accueil devraient recevoir prioritairement une formation en enseignement du français langue
seconde.
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De plus, nous regrettons que l’affectation des enseignants ne tienne pas compte de la particularité de ce
type de clientèle et que les conventions collectives permettent l’accès à de tels postes à des enseignants
en fin de carrière ou à des enseignants qui désirent avoir de plus petits groupes d’élèves. Nous
devrions, au contraire, leur accorder une attention plus particulière pour les amener à se développer au
maximum de leur potentiel afin qu’ils deviennent des citoyens à part entière lorsqu’ils intégreront le
marché du travail. Les classes d’accueil sont importantes pour assurer une meilleure intégration des
élèves en classes régulières. Elles sont essentielles pour les élèves qui présentent des retards scolaires.
Une étude visant le développement d’un Projet de scolarisation pour les élèves des classes d’accueil du
secondaire présentant des retards d’apprentissage de plus de deux ans réalisé par D’Anglejan, Lussier
et Bénez de 1990 à 1992, nous a permis de constater qu’il était possible de récupérer ce type d’élèves.
Considérés comme de futurs décrocheurs, ces élèves ont pu réintégrer les classes régulières après deux
ans et se sont classés par la suite pour l’ensemble des matières selon la moyenne de la classe.
Malheureusement, les commissions scolaires n’ont pu développer ces programmes, faute de budget. Il
faut aussi ajouter que les classes d’accueil sont difficilement réalisables dans des écoles trop petites,
même si les commissions scolaires ont le droit d’ouvrir une classe avec un ratio d’élèves de 15 à 17
élèves. Parfois, on place les classes d’accueil dans des salles très petites, séparées de l’ensemble des
autres classes, voire même dans les sous-sols. Certains diront qu’ils sont les «enfants pauvres du
système» si le directeur n’en fait pas une priorité dans son école.
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5. ORDRES D’ENSEIGNEMENT ET ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE
SECONDE
Nous allons donc considérer chaque ordre d’enseignement – éducation préscolaire, éducation primaire
et éducation au secondaire. Pour chacun des ordres d’enseignement, nous allons aborder. 1) les modèles
organisationnels qui sont privilégiées, 2) l’approche d’enseignement, 3) les programmes d’études, 4)
les méthodologies d’enseignement, 5) le matériel didactique, 6) et les effectifs scolaires.
a) Éducation préscolaire :
Il n’existe aucune règle ministérielle quant à l’enseignement de matières spécifiques en éducation
préscolaire. Il n’y a donc aucune obligation, voire même aucune restriction, quant à l’enseignement du
français langue seconde par le biais d’une approche innovatrice, axée sur les jeux, les comptines et
toutes autres activités favorisant l’apprentissage du français.
Comme vous le savez déjà, nous avons pu observer à travers les siècles que les jeunes enfants semblent
apprendre une seconde langue plus facilement que les adultes. Plusieurs éducateurs, nous pensons à
Eramus, Montaigne et Locke, recommandaient déjà l’apprentissage d’une langue seconde dès le bas
âge. Depuis, plusieurs recherches ont situé l’âge optimal en deça de l’âge de la puberté, comme étant
une période active biologiquement pour le développement du langage. Certains chercheurs comme
Krashen, (1973, 1975, 1981) ont même suggéré comme âge optimal la période avant l’âge de cinq ans,
soit la période avant que la latéralisation corticale ne soit terminée. D’autres recherches ont depuis
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apporté un meilleur éclairage quant aux facteurs tout aussi importants qui peuvent favoriser
l’apprentissage d’une langue seconde. Il n’en reste pas moins que les enfants semblent répondent plus
facilement et plus rapidement à l’acquisition du langage dans des situations de communications
sociales.
Se basant donc sur les diverses recherches en acquisition des langues qui préconisent l’apprentissage
d’une langue en bas âge, plusieurs commissions scolaires anglophones ont cru important d’intégrer des
activités de français langue seconde dans les classes du préscolaire. Comme il n’y a pas de programmes
disciplinaires spécifiques, l’enseignement du français langue seconde s’avère un moment privilégié
pour introduire l’enseignement d’une deuxième langue, compte tenu de la capacité des enfants de cet
âge et le contexte non formel de l’enseignement, davantage axé sur les jeux et le développement
personnel et social. En 1992, 94% des enfants de cinq ans représentés dans l’étude du ministère avaient
des activités de FLS et 46% d’entre eux y consacraient 50% et plus du temps disponible. De nos jours,
plus de 50% y consacrent de 90% à 100% du temps disponible.
En ce qui concerne les programmes d’études, le ministère de l’Éducation a produit un programme
d’études Éveil au français langue seconde fort pertinent pour rendre compte des besoins des
commissions scolaires anglophones. Ce document dort sur une tablette au ministère alors qu’il serait
d’une très grande utilité pour les enseignants qui sont présentement sans aucune ressource.
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b) Enseignement au primaire :
L’enseignement du français langue seconde est obligatoire de la 1ère à la 6ème année inclusivement, à
raison d’un temps indicatif de 2 heures (120 minutes) par semaine pour un total de 72 heures par année
ou de 432 heures pour les 6 années du primaire. Selon le dernier sondage (cf. annexe 1), 93% des élèves
recevaient plus de 120 minutes/semaine. Parmi eux, 22% recevaient entre 125 et 180 minutes, 38%
entre 185 et 300 minutes; 14% entre 305 et 420 minutes alors que 19% recevaient plus de 420
minutes/semaine.
Pour les élèves admis à recevoir l’enseignement en anglais, la commission scolaire peut, avec
l’autorisation des parents, utiliser le français comme langue d’enseignement pour d’autres matières que
le français langue seconde, conformément aux modalités établies par le ministre. Au moment du
sondage, 54% recevaient une ou plusieurs autres matières en français ; les arts, les sciences humaines et
les sciences de la nature étant les matières données le plus souvent en français. Déjà en 1989, plus de 46
000 élèves suivaient ces programmes, le temps d’enseignement variant de 3 heures/semaine à plus de
50% du temps d’enseignement pour l’immersion intensive et les programmes bilingues (10 000 élèves).
Cet état de fait, nous amène à constater que l’enseignement du français langue seconde a été fortement
favorisé par le milieu anglophone puisqu’il a toujours dépassé le temps préconisé de 2 heures/semaine
dans le régime pédagogique.
En ce qui concerne le programme d’études, depuis déjà plusieurs années, le milieu anglophone
demandait une révision du programme de français langue seconde parce que celui-ci ne répondait plus à
la situation socio-démographique du Québec. Jusqu’à maintenant, avant la réforme scolaire, le ministère
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de l’Éducation n’avait toujours pas développé de programmes d’études pour les élèves inscrits dans les
programmes d’immersion. Une telle situation, comme nous l’avons mentionné précédemment, devait
amener les conseillers pédagogiques des commissions scolaires anglophones à développer leur propre
programme d’études.
Il est heureux que le Ministère ait finalement accédé à la demande du milieu et développé avec la
nouvelle réforme scolaire un programme d’études d’immersion en plus d’un programme de français de
base. Il est aussi heureux que ces programmes aient été enrichis en privilégiant tout autant la lecture et
l’écriture que l’oral.
c) Enseignement au secondaire :
Le français langue seconde est obligatoire à chaque classe du secondaire. Les élèves qui démontrent par
la réussite d’une épreuve imposée par la commission scolaire, qu’ils ont atteint les objectifs du
programme d’études de français de base peuvent en être dispensés dans les dernières années du
secondaire ou se diriger vers les programmes de français langue maternelle. Par contre, les règles pour
la sanction des études en formation générale des jeunes précisent que le ministre décerne le diplôme
d’études secondaires à l’élève qui réussit les épreuves de 4ème et de 5ème secondaire.
Le régime pédagogique du secondaire jusqu’à maintenant prévoyait quatre unités en français langue
seconde, par année, chaque unité correspondant à 25 heures d’enseignement. 99% des élèves reçoivent
plus de 100 heures de français par an. La majorité des élèves se retrouvent autour de deux temps
d’enseignement : 47% ont environ 130 heures/année et 42% environ 150 heures/année. De ces élèves,
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25% reçoivent une ou plusieurs autres matières en français. Les sciences humaines représentent les
matières les plus choisies.
En ce qui concerne les programmes d’études au secondaire, les enseignants du 2ème cycle du secondaire,
bénéficiaient, avant la Réforme scolaire, d’un programme complémentaire, le Programme à option de
4ème et 5ème secondaire. Ce programme axé sur l’initiation à la culture francophone a fait le
ravissement de tous les enseignants dès sa mise en oeuvre. Il s’est avéré un complément nécessaire au
programme de base. Les enseignants d’expérience l’utilisent toujours avec les élèves qui ont dépassé les
exigences des programmes de base. Malheureusement, il est maintenant impossible d’obtenir des
exemplaires du programme d’études et du guide d’accompagnement de 150 pages. Il est dommage que
ce type de programme ne soit pas développé pour l’enseignement au primaire et au secondaire. En
Europe, présentement, plusieurs programmes dits d’Éveil aux langues visent à sensibiliser les élèves dès
leur jeune âge à vivre les ressemblances, les différences et les antagonismes d’une culture à l’autre afin
de les habituer très tôt à la tolérance, à l’altérité, voir même à l’empathie envers les autres cultures.
d) Enseignement en classes d’accueil :
Les classes d’accueil existent au primaire et au secondaire. Heureusement, il existe des programmes
d’études pour les classes d’accueil. Mais le matériel est désuet. Le matériel Intermède produit dans le
début des années 80 grâce à une subvention du ministère de l’Éducation à la maison d’édition est
désuet. Impossible d’espérer obtenir un nouveau matériel. Aucune maison d’édition ne peut s’offrir ce
luxe étant donné la clientèle restreinte. Sans une aide spécifique du gouvernement, le nouveau
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programme d’études ne retrouvera aucune application pratique en salle de classe. À cela, nous devons
ajouter le manque ou l’absence de formation des enseignants pour l’enseignement du français langue
seconde au secteur de l’accueil.
e) Enseignement au collégial
Au collégial, il existe un nouveau programme d’enseignement du français langue seconde depuis 1994.
Ce programme a causé bien des remous à l’époque puisqu’il proposait déjà une approche par
compétence. Avec le temps, les méthodologies d’enseignement se sont ajusté à cette approche. Les
professeurs ont appris à travailler les stratégies de lecture et d'écriture et travaillent souvent par
résolution de problème. Ils se sont donné une bonne formation au cours des années d'application sur
l'approche par compétence, sur l’élaboration de plans de cours cadre et en évaluation. Il se fait du travail
en commun comme jamais auparavant (à cause de la nature de l’approche sous-jacente). De plus, les
modalités d’évaluation sont maintenant appropriées à l’approche par compétence et elles sont plus
rigoureuses qu'auparavant.
Les étudiants inscrits au collégial ont maintenant l’obligation de suivre deux cours de français langue
seconde. Le passage du statut de cours optionnel à celui de cours obligatoire ne s’est pas fait sans heurt.
En salle de classe, les étudiants ont montré beaucoup de résistance. Il y avait beaucoup de discipline à
faire. De nos jours, ces résistances sont moins nombreuses. Dans les rapports avec les administrations :
le statut de statut officiel (“Core”) est bien entré dans les esprits et les responsabilités des collèges vis à
vis celles du département sont bien établies.
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Les cours obligatoires sont répartis de la façon suivante : 1 cours de formation générale commune (Bloc
A) et 1 cours de formation générale orienté vers le programme de l'élève (Bloc B). Il y a 4 voies
possibles correspondant à 4 niveaux d’entrée déterminés par l’étude du dossier de Secondaire V de
l’élève ou par test de classement. Il existe aussi un cours de mise à niveau qui précède le niveau A0.
A0 : Langue française 1
A1 : Langue française et communication
A2 : Langue française et culture
A3 : Culture française et littérature
Le cours A0 de Langue française 1 (602-100-03) comprend beaucoup d’étudiants trop faibles par
rapport aux objectifs à atteindre. Le ministère de l'Éducation pousse les collèges à y placer tous les
étudiants ayant réussi l’examen provincial du Secondaire V. On impose aux collèges de réserver le
cours de mise à niveau (001) à ceux qui viennent de l’extérieur du Québec. Mais ceux qui viennent du
système québécois et qui réussissent avec la note de passage ne sont pas assez bien préparés à l’écrit. Le
ministère rétorque que le cours de mise à niveau peut être suivi par ces étudiants à la condition qu'ils
paient l'inscription au cours (environ 100. $). Les cas d'étudiants qui acceptent sont des exceptions.
Tous les ans, le comité provincial des enseignants réclame à la DGEC que ce cours devienne gratuit
pour les étudiants du Québec, mais c’est sans succès.
Un fait est à souligner, les technologies nouvelles (Tic) ont fait une entrée en force dans les
établissements. Certains se détachent nettement du peloton dans leur utilisation d'internet et de
laboratoires informatisés et dans l'utilisation de systèmes auteur pour créer du matériel pédagogique
visant à aider les étudiants faibles. Les centres d'aide en français langue seconde sont nombreux.
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Dans l'ensemble, la réforme de Cégeps a donné des résultats positifs malgré les difficultés dues à
l'approche employée par le ministère de l'Éducation: urgence, opacité, approximation sur le plan des
concepts directeurs, délais impossibles à respecter. Toutefois, les besoins en formation restent
importants. Les professeurs veulent encore de la formation en évaluation (surtout pour la lecture). Il faut
souligner que dans plusieurs milieux le français langue seconde se porte mieux que jamais au niveau
collégial. Les statistiques en termes de réussite sont bonnes dans tout le réseau.
6. ENSEIGNANTS ET ENSEIGNANTES : FORMATION, RECRUTEMENT,
AFFECTATION ET ENCADREMENT
Nous vous présentons notre réflexion sur la formation initiale des futurs maîtres et la formation
continue des maîtres en exercice, le recrutement et l’affection des enseignants en milieu scolaire,
et, en dernier lieu, l’encadrement des nouveaux enseignants dans les écoles.
a) Formation initiale universitaire
Les éléments positifs des nouveaux programmes de baccalauréat en enseignement du français langue
seconde sont à souligner :
- le passage de la formation initiale de 3 ans à 4 ans.
- l’augmentation du nombre d’heures (700 heures) pour les stages en milieu scolaire
- l’obtention du brevet d’enseignement à la sortie de l’université sans une période de probation de
deux ans
- le programme favorisant un équilibre entre les composantes académique, professionnelle et
formation pratique
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Parmi les éléments perturbateurs, nous voulons mentionner :
- le manque de professeurs à temps plein, remplacé par des chargés de cours
- le manque de professeurs francophones dans les universités anglophones. Ceux-ci peuvent parler
français très bien et ne pas connaître la culture francophone ou même éviter de la côtoyer.
- dans certaines universités anglophones qui offrent la formation initiale, les étudiants se plaignent de
recevoir leurs cours en anglais. Par exemple, avant les coupures budgétaires, l’Université McGill
offrait beaucoup plus de cours en français au baccalauréat. Depuis, on supprime les cours qui se
donnaient en français pour regrouper les étudiants francophones avec les étudiants anglophones.
Deux raisons peuvent justifier ce geste de la part de certains intervenants : les étudiants
francophones parlent anglais et peuvent suivre les cours en anglais alors que l’inverse n’est pas vrai.
Les professeurs francophones peuvent enseigner en anglais alors que l’inverse est rarement le cas.
Remarquez que tous ces changements se passent au sein des départements et que les plus hautes
instances universitaires pourraient s’offusquer d’un tel état des choses. Mais, sans budget et sans la
volonté de protéger les programmes de français langue seconde et l’enseignement des cours en
français, ce ne sont pas de simples professeurs de français langue seconde qui arriveront à faire
valoir leur vision de la nécessité d’un tel enseignement pour les futurs maîtres au sein de leur
département, en majorité anglophone.
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- Le placement des étudiants en stage est une autre difficulté. Le ministère de l’Éducation a fait un
effort considérable en reconnaissant le travail des enseignants comme maîtres de stage Celui-ci a
alloué des enveloppes budgétaires spécifiques pour le déroulement des stages. Ces enveloppes sont
non transférables à d’autres postes budgétaires. Malgré tout, on a constaté que certaines
commissions scolaires ne respectent pas toujours ces règles. Souvent, l’école ne reçoit pas sa part
de l’enveloppe budgétaire. Quant aux enseignants, il arrive qu’ils ne reçoivent aucune compensation
en temps et en disponibilité pour accompagner les étudiants en stage. Comment ceux-ci peuvent-ils
jouer leur rôle de mentor alors qu’ils ont une tâche complète et que la grille-horaire ne laisse place
à aucune période libre.
- Les professeurs universitaires sont toujours les derniers à être informés par les responsables du
ministère de l’Éducation des changements à venir dans leur discipline de formation. Pour la
Réforme scolaire, nous avons eu droit à une rencontre d’une journée pour tous les professeurs en
formation des maîtres de la région de Montréal. Pour le programme de français langue seconde,
nous avons eu une rencontre, en fin de parcours. Quant à l’envoi des documents officiels en milieu
universitaire, il est généralement prévu d’envoyer un document officiel au bureau du décanat.
Cependant, il faut dire que pour la Réforme scolaire, nous avons reçu les documents en plus grande
quantité.
- Il nous faut aussi parler du diplôme, ce parchemin écrit tel que produit par le ministère de
l’Éducation qui atteste que les étudiants ont obtenu un Baccalauréat en sciences de l’Éducation,
enseignement primaire et secondaire. Tel que spécifié, ce diplôme est une source de difficulté pour
les étudiants de français langue seconde qui suivent une concentration en immersion. On ne fait
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aucune mention sur le diplôme de leur formation en langue seconde, encore moins de leur
concentration en pédagogie immersive. La confusion existe en milieu scolaire puisque l’embauche
des futurs enseignants ne tient pas compte de leur formation en immersion. On les engage pour
enseigner la morale, les arts plastiques alors que des enseignants non qualifiés se retrouvent à
enseigner les programmes d’immersion.
b) Formation continue
Pendant des années, les universités ont pu offrir des programmes d’enseignement du français langue
seconde menant à l’obtention d’un Certificat d’enseignement. Ces programmes visaient à assurer une
formation continue aux enseignants de français langue seconde en exercice ou aux enseignants qui
devaient changer de champ d’enseignement pour des raisons de disponibilité ou de complément de
tâches. La reconnaissance de ces certificats a été abolie par le ministère de l’Éducation il y a quelques
années. Comme il y a de moins en moins de conseillers pédagogiques uniquement en français langue
seconde dans les commissions scolaires pour assurer la formation continue et que l’université ne peut
plus offrir des cours dans cette voie, que reste-t-il comme possibilité de formation continue pour les
enseignants de français langue seconde ? Très peu. Sept ans sans formation continue laisse des
séquelles. Comment espérer mettre en œuvre une nouvelle Réforme scolaire dans de telles conditions ?
Que penser d’un médecin qui ne recevrait pas de formation pendant plus de cinq ans ? Il serait dépassé,
diriez-vous. Pourquoi n’en serait-il pas de même en éducation ? Nous avons connu un net recul. Il
faudrait agir dès maintenant et aider les enseignants qui veulent parfaire leur formation ou élargir leurs
compétences pour les adapter au renouveau pédagogique. Le lieu importe peu. Par contre, la structure
universitaire existe et il serait facile de jumeler l’expertise des universitaires avec celles des praticiens
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pour offrir des programmes qui répondent aux attentes des enseignants. Il faut se donner des
programmes cohérents et non pas saupoudrer le milieu scolaire de cours dispersés pour ne pas dire
disparates ne menant à aucune reconnaissance des acquis en formation continue. Pourquoi ne pas
susciter davantage la recherche-action ? Nous pourrions asseoir nos réformes scolaires sur des assises
empiriques et dans la continuité.
Certains prônent un projet de professionalisation ou un conseil de déontologie. Même si l’on peut juger
de telles mesures bénéfiques pour l’ensemble de la population, elles ne sont pas dirigées vers une aide
pédagogique aux enseignants. Dans cette perspective, chacun de ces deux volets répond à des valeurs
sociétales tout aussi louables l’une que l’autre. Nous croyons que plus les enseignants deviendront
meilleurs et efficaces, moins le conseil de déontologie aura à étudier de cas litigieux.
b) Recrutement et affectation
Certains diront que l’on peut enseigner les mathématiques, l’histoire ou certaines matières sans parler
correctement la langue d’enseignement. Mais, comment pourrait-on enseigner le français sans le parler
correctement, sans en connaître les éléments de culture et sans être un francophile dans l’âme. Ce sont
autant de qualités professionnelles que les commissions scolaires devraient retenir dans leur politique
d’embauche, de recrutement et d’affectation. Hélas, il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous avons
souvent l’impression que n’importe qui peut enseigner n’importe quoi, n’importe où. Même si nous
manquons d’enseignants en français langue seconde, il ne faudrait pas aller chercher dans la facilité.
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d) Encadrement dans les écoles
Grâce au Plan Cloutier dans les années 70, les enseignants de français langue seconde en milieu
anglophone se sont regroupés autour de leur conseiller pédagogique ; celui-ci devenant leur
ambassadeur et leur porte-parole auprès des autorités anglophones. Il était aussi la personne-ressource
sur laquelle il pouvait compter en tout temps. L’élaboration de modules de perfectionnement en
enseignement du français langue seconde par le ministère et les sessions de perfectionnement offerts par
les conseillers pédagogiques dans leur milieu respectif ont permis de créer un réseau de ressources
humaines et pédagogiques importants. C’est à ce réseau que nous devons la qualité des programmes de
français langue seconde en milieu anglophone. Cette période est révolue. Il ne reste que très peu de
conseillers pédagogiques. Ceux qui demeurent se voient confier quatre ou cinq matières scolaires à
gérer. On leur confie de plus en plus des tâches administratives au détriment de la pédagogie et de
l’assistanat qu’ils devraient exercer auprès des enseignants. Comment songer à la mise en œuvre de la
réforme scolaire sans le soutien des conseillers pédagogiques ?
7. ÉLÉMENTS BÉNÉFIQUES ET PERTURBATEURS / PISTES D’INTERVENTION
7.1 Responsabilités du ministère
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a) Les programmes d’études
. Pour l’éducation préscolaire, il faudrait prévoir un programme d’éveil aux langues ou demander au
ministère de réviser le programme existant et de le mettre à la disposition des enseignants.
. Pour le primaire, le secondaire et le collégial, il faudrait développer des programmes d’études mettant
davantage l’accent sur le développement d’une compétence culturelle comme le faisait le programme
des classes d’accueil avec sa section portant sur l’Initiation à la vie québecoise et à la culture
francophone. Ou encore, il faudrait prévoir un complément aux programmes d’études en remettant un
Programme d’option de 4ème et de 5ème secondaire intégrant langue, littérature et culture.
b) Les modèles organisationnels
Il serait approprier de procéder à une étude des divers modèles organisationnels en usage dans le milieu
scolaire anglophone. 57 modèles sont offerts. Est-ce pertinent ? Lesquels sont les plus pertinents ? Il
serait utile de fournir des pistes aux commissions scolaires et de proposer certains modèles à la lumière
des nouvelles recherches, dont celle notamment de mon collègue, Claude Germain de l’UQAM qui sera
présent à la table ronde et qui j’espère nous parlera des fruits de sa dernière recherche.
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c) L’élaboration d’un matériel pédagogique adéquat
Le matériel en place est périmé ou déficitaire selon les ordres d’enseignement et les programmes.
Nous savons qu’il n’y a aucun intérêt pour les maisons d’édition de produire du matériel en français
langue seconde, le nombre d’élèves étant trop restreint. Sans une aide financière du ministère auprès de
maisons d’édition responsables, il est inutile de mettre en place de nouvelles approches et
méthodologies d’enseignement, encore plus difficile de prétendre à une Réforme scolaire réussie.
d) L’immersion
Il faudrait favoriser les échanges linguistiques entre les élèves anglophones des classes d’immersion
et les élèves francophones. Ces programmes sont trop peu développés et ne s’inscrivent pas dans une
continuité avec les programmes d’études. Nous ne voulons pas de camps de vacances, mais bien de
programmes parascolaires avec des résultats d’apprentissage très précis. Pourquoi ne pas développer
des réseaux de communication en tenant compte des nouvelles technologies ?
. Comme l’ensemble du milieu scolaire anglophone favorise l’implantation des programmes
d’immersion, le ministère devrait allouer plus de place dans les programmes de formation initiale pour
une formation accrue en immersion par les universités.
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e) Les mesures de soutien
Toutes les mesures de soutien mises en place – pour les élèves nouvellement arrivés - pour les élèves
ayant besoin de récupération - pour les élèves en difficulté d’apprentissage sont essentielles en
enseignement du français langue seconde puisqu’elles facilitent l’intégration de ces élèves à la société
québecoise tout en diminuant considérablement le taux de décrocheurs potentiels dans les années du
secondaire.
f) La Réforme scolaire
La Réforme scolaire attendue de plusieurs années doit se faire. Mais, il faut compter sur la formation et
le perfectionnement des enseignants. Or, celui-ci est laissé aux écoles. Celles-ci sont déjà sans
ressource. Quant aux conseillers pédagogiques, ils doivent gérer plusieurs matières. Qu’advient-il ? Le
perfectionnement se fait souvent de façon hétéroclite. Il est ponctuel et sans suivi. Il faut trouver des
modalités de perfectionnement continue qui permettent aux enseignants d’évoluer en douceur.
Ex : dans une commission scolaire, le conseiller pédagogique a dû donner un atelier de formation sur la
mise en place du dossier d’apprentissage / le portfolio. Comme la commission scolaire avait réuni des
enseignants de langue maternelle et de langue seconde, toutes les informations fournies ont dû être
données dans les deux langues.
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g) La formation continue
Les Certificats en enseignement des langues, source de formation continue pour les enseignants, ont
disparus. Les enseignants ne peuvent plus recevoir aucune reconnaissance et aucune revalorisation en
milieu scolaire. Il semble donc que l’éducation soit un des rares domaines où le fait de se perfectionner
ne soit pas reconnu. Qui oserait regarder la télévision en noir et blanc de nos jours ? Je suis sûre que
certains techniciens ont dû se recycler pour apprendre à gérer les nouvelles technologies. Il en est de
même en informatique et dans les autres domaines. Nous ne pouvons plus attendre en éducation pour
nous donner des Diplômes d’études professionnelles qui répondent aux besoins de formation continue
des enseignants et qui facilitent le transfert des compétences en lien avec l’évolution des sciences
fondamentales et des pratiques pédagogiques. S’ils existaient, nous aurions une plate-forme des plus
pertinentes pour assurer la mise en oeuvre de la Réforme scolaire actuelle.
7.2 Responsabilités des commissions scolaires
a) L’engagement des enseignants de français langue seconde
Il faudrait établir des critères d’embauche et protéger le champ d’enseignement des langues secondes.
Comment peut-on enseigner une langue que l’on ne parle pas correctement ? Avec la mise en place de
politiques plus rigoureuses d’embauche, nos étudiants francophones n’auraient plus besoin de s’exiler
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dans les autres provinces du Canada ou d’enseigner des matières hors du champ de leurs compétences.
Pour le moment, ils sont sollicités dès le mois de mars par les autres provinces et ils ont déjà un emploi
en avril ou en mai.
b) L’affectation des enseignants de français langue seconde
Il faudrait décrier auprès des commissions scolaires l’affectation aveugle - axée sur la mobilité des
enseignants dans l’école et non sur leur expertise. On vise la pleine utilisation pour combler toutes les
parties de tâche – plutôt que de recruter des spécialistes de la matière – le pourcentage ( %) de la tâche
importe davantage.
c) L’encadrement des enseignants en exercice et des nouveaux enseignants
Nous recommandons d’utiliser les enseignants en fin de carrière pour transmettre leur savoir et leur
savoir-faire aux nouveaux enseignants. Serait-il pensable de leur offrir une retraite progressive durant
les dernières années en poste pour leur permettre de devenir de véritables mentors auprès des autres
enseignants et des futurs enseignants ?
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7. 3. Responsabilités des universités
a) La formation initiale
. Les nouveaux programmes du baccalauréat en éducation ne sont en place que depuis quelques années
et il faut déjà les repenser en fonction de la Réforme scolaire. Les délais alloués pour refaire ces
programmes sont trop courts. Il ne reste que quelques professeurs en poste et ils ne suffisent plus à la
tâche si l’on tient compte des exigences universitaires de recherche, d’enseignement et de rayonnement
dans le milieu.
. Il faudrait inciter les universités à offrir les cours de formation initiale dans la langue d’enseignement
des futurs enseignants pour assurer un meilleur temps d’exposition et la qualité de cette langue.
. En enseignement du français langue seconde, il faut axer le recrutement des professeurs universitaires
sur leur expertise dans la matière certes, mais aussi sur leur connaissance du milieu francophone si non
ils transmettent des connaissances livresques.
b) La formation continue
.Il faut se donner des mécanismes qui permettent aux enseignants de suivre des cours de formation
lorsqu’ils passent d’un autre champ à celui de l’enseignement du français langue seconde. Il faudrait
aussi inciter les commissions scolaires à recourir à ces mécanismes lorsqu’elles autorisent un tel
transfert.
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. Il faudrait remettre en place la formule gagnante des années antérieures., c’est-à-dire les Programmes
de perfectionnement collectif et de Bourses individuelles pour des études à temps partiel. Ces types de
programmes permettent un perfectionnement plus approfondi (plus de trois jours ) et demandent le suivi
d’une personne ressource. Pour ce faire, les conseillers pédagogiques demeurent toujours les personnes
les plus efficaces. Leur rôle pédagogique devrait être amplifié et leurs tâches administratives diminuées.
. Nous croyons qu’il devient impératif de donner une formation soutenue en enseignement des
techniques informatiques pour une utilisation efficace de l’ordinateur (enseignement correctif, meilleur
suivi de la progression des apprentissages, correction des erreurs, communication en réseau).
c) Rôle des associations professionnelles
Une enquête auprès des bénévoles qui oeuvrent au sein des associations professionnelles nous montre
que les gens y travaillent depuis plusieurs années, que le leadership est essouflé et qu’il est difficile de
trouver du recrutement. Les nouveaux enseignants eux aussi ne suffisent plus à la tâche avec la Réforme
scolaire.
Nous voudrions rappeler à la Commission que les associations ont été depuis toujours des locomotives
essentielles et efficaces pour le développement de l’enseignement des langues au Québec. Ce ne sont
pas des lieux d’information, mais bien de formation. Ils maintiennent de peine et de misère la parution
des bulletins ou des revues pour leurs membres et l’organisation de colloques ou de journées d’études.
À cet effet, nous vous invitons à feuilleter le programme du prochain congrès de l’Association
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québecoise des enseignants de français langue seconde, ayant pour thème « Si on se parlait… de
constructivisme, de compétences et d’évaluation authentique». Il est facile de constater que les
associations ont un rôle complémentaire important à jouer. Ils sont des partenaires importants au
perfectionnement continu des enseignants. Je crois qu’elles mériteraient d’être davantage soutenues
dans leur travail par le ministère.
Merci, Monsieur le Président et les Membres du comité, de votre oreille bienveillante à cet état des
lieux de l’enseignement du français langue seconde au Québec.
BIBLIOGRAPHIE
Bourdieu, P. 1994. Language & Symbolic Power. Cambridge, Ma.: Harvard University Press.Bourdieu, P. 1993. Sociology in Question. London : Sage PublicationsBourdieu, P. 1982. Ce que parler veut dire. Paris: FayardBruner, J. 1996. L’éducation, entrée dans la culture. Paris: Éditions Retz . (Trad.de «The Culture of Education»)Germain, C. & Netten, J. (in press). Transdisciplinary approach and intensity in second language learning/teaching.Lussier, D. 1984. Les effets des activités d’échanges interlinguistiques et interculturels sur le développement de la compétence de communication en langue seconde dans un système traditionnel d’enseignementé. Thèse de doctorat non publiée. Québec: Université Laval.Lussier, D. 1997. Domaine de référence pour l’évaluation de la compétence culturelle en langues. Revue de didactologie des langues-cultures. Études de linguistique appliquée. 106: 231-246. Paris: Didier Érudition.Ministère de l’Éducation du Québec (1990). Programme de perfectionnement collectif en didactique à l’intention des enseignants de français ou d’anglais langue seconde, et des enseignants des classes d’accueil ou de francisation, du primaire et du secondaire 1990-1991.Gouvernement du Québec, doc. 28-2495; 9091-0072.Ministère de l’Éducation du Québec (1990). Français langue seconde – Situation de l’enseignement du français langue seconde, dans les écoles anglophones du Québec. Direction des services éducatifs aux anglophones, doc. 72-0025.Ministère de l’Éducation du Québec (1990). Français langue seconde – Mesures de soutien pédagogique 1990-1992. Gouvernement du Québec :Direction des services éducatifs aux anglophones, doc.16-2436.
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