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613 © 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Rev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 613-616 1 Pneumologie adulte, Centre Universitaire de Santé Mc Gill, Montréal, Canada 2 Service de Pneumologie, CHU de Toulouse, France Correspondance : Marie-Cécile Pierre [email protected] Conflit d’intérêts : M.-C.P. : aucun J.B. : aucun Alvéole 2010 Non-répondeurs à la réhabilitation respiratoire chez les BPCO Comment améliorer la réponse à la réhabilitation ? D’après la communication de J. Bourbeau 1 Article rédigé par M.-C. Pierre 2 Résumé Les axes permettant l’amélioration de la réponse à la réhabilitation sont au nombre de 3 : (i) amélioration de la connaissance, de la reconnaissance, de l’accessibilité, (ii) amélioration de l’efficacité des programmes et (iii) amélioration de l’observance à long terme. Les moyens mis en œuvre peuvent être multiples comme le développement du réentraînement à domicile, l’amélioration et la diversification des techniques de réentraînement, l’utilisation des programmes d’éducation visant à favoriser l’auto-gestion par les patients de leur maladie et de leurs traitements. Mots-clés : Réhabilitation respiratoire • Observance • BPCO. Rev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 613-616 Introduction La réhabilitation respiratoire fait partie intégrante des stratégies de soins des BPCO mais elle reste sous-prescrite et la réponse à ce traitement peut être absente à court, moyen ou long terme. Pour améliorer la réponse à la réhabilitation trois axes peuvent être développés. L’amélioration de la connaissance, de la reconnaissance et de l’accessibilité de la réhabilitation Une récente publication dans la revue des maladies res- piratoires [1] retrouve une prescription de réhabilitation de

Comment améliorer la réponse à la réhabilitation ?

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Page 1: Comment améliorer la réponse à la réhabilitation ?

613© 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésRev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 613-616

1Pneumologie adulte, Centre Universitaire de Santé Mc Gill, Montréal, Canada2Service de Pneumologie, CHU de Toulouse, France

Correspondance : Marie-Cécile [email protected]

Conflit d’intérêts : M.-C.P. : aucunJ.B. : aucun

Alvéole 2010Non-répondeurs à la réhabilitation respiratoire chez les BPCO

Comment améliorer la réponse à la réhabilitation ?

D’après la communication de J. Bourbeau1

Article rédigé par M.-C. Pierre2

RésuméLes axes permettant l’amélioration de la réponse à la réhabilitation sont au nombre de 3 : (i) amélioration de la connaissance, de la reconnaissance, de l’accessibilité, (ii) amélioration de l’efficacité des programmes et (iii) amélioration de l’observance à long terme. Les moyens mis en œuvre peuvent être multiples comme le développement du réentraînement à domicile, l’amélioration et la diversification des techniques de réentraînement, l’utilisation des programmes d’éducation visant à favoriser l’auto-gestion par les patients de leur maladie et de leurs traitements.

Mots-clés : Réhabilitation respiratoire • Observance • BPCO.

Rev Mal Respir Actual 2010 ; 2 : 613-616

Introduction

La réhabilitation respiratoire fait partie intégrante des stratégies de soins des BPCO mais elle reste sous-prescrite et la réponse à ce traitement peut être absente à court, moyen ou long terme. Pour améliorer la réponse à la réhabilitation trois axes peuvent être développés.

L’amélioration de la connaissance, de la reconnaissance et de l’accessibilité de la réhabilitation

Une récente publication dans la revue des maladies res-piratoires [1] retrouve une prescription de réhabilitation de

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D’après la communication de J. Bourbeau

seulement 10 % en France, moins de 5 % au Canada. Ceci est le reflet d’une réalité concernant d’une part les médecins et d’autre part les patients : éloignement des centres, mécon-naissance médicale, absence de formation à la prise en charge de malades chroniques [2]. Les médecins ne connaissent pas bien la réhabilitation, et manquent souvent de formation sur comment, à qui et quand la prescrire. Également, la commu-nication entre les centres de réentraînement et les structures médicales hospitalières ou ambulatoires pourrait être favorisée afin de faciliter la démarche et de la rendre plus efficace. Pour les patients, il s’agit souvent d’un éloignement de la structure par rapport à leur domicile, un détachement de leur envi-ronnement habituel qu’ils appréhendent. La réhabilitation à domicile a donc été développée ces dernières années. Elle est également plus économique qu’un stage de réhabilitation en centre que l’on pourra réserver pour des patients plus sévè-res ou plus dépendants. Les études qui évaluent le réentraîne-ment à domicile sont encourageantes [3].

Sur les bases d’une analyse Cochrane de 2002 reprenant neuf essais [4] qui retrouvent un bénéfice sur la dyspnée après réhabilitation, un essai québécois [3] montre la non infério-rité de la réhabilitation en ambulatoire versus en structure, en terme de bénéfice sur la dyspnée. Également, les études com-parant l’intensité de l’exercice à domicile ne retrouvent pas de différence significative.

Améliorer l’effi cacité de la réhabilitation

L’amélioration de l’efficacité de la réhabilitation passe par une diversification et une personnalisation des program-mes. Pour chaque patient l’objectif est différent. En fonction de ses déficiences et des paramètres optimisables, le patient va avec le médecin définir ses objectifs, les cibles étant l’amé-lioration de la performance physique, de la qualité de vie, la diminution des exacerbations, la diminution du déclin de la fonction respiratoire (bénéfices sur la santé).

Pour augmenter le volume de réentraînement, il faut en augmenter l’intensité plus que la durée.

Il faut aussi prendre en compte la synergie possible avec certains traitements médicamenteux. Par exemple, une étude a montré la majoration de l’amélioration du temps d’endurance après réhabilitation chez des patients traités de manière concomitante par tiotropium versus placebo (fi g. 1) [5].

Il est également possible de diminuer l’exigence cardio-pulmonaire. Pour cela, plusieurs moyens ont été envisagés. L’entraînement d’un groupe musculaire en particulier versus un entraînement général de plusieurs groupes à la fois per-met de diminuer la dépense d’oxygène, la dépense énergéti-que, et le travail maximal [6, 7] : par exemple l’entraînement d’une seule jambe plutôt que les deux en même temps ; ou l’extension du genou plutôt que l’exercice en vélo. Également,

favoriser le travail musculaire en excentrique permet de réduire l’exigence métabolique et d’augmenter la force mus-culaire par rapport au travail concentrique [8-10].

Le troisième moyen s’adresse à la limitation ventilatoire. Des études proposent l’évaluation dans ce sens du travail en hyperoxie ou de l’utilisation d’un gaz de faible densité comme l’hélium. On retrouve en effet une diminution de l’hyperin-flation dynamique et une majoration de la capacité à l’effort sous hélium [11]. Les études associant l’hyperoxie à l’hélium ou utilisant l’hyperoxie seule, retrouvent une majoration du travail maximal [12, 13]. O’Donnell [14], dans son étude sur l’hyperoxie, met en évidence une diminution de la dyspnée et de la fatigue des membres inférieurs et une diminution de la demande ventilatoire et de la fréquence respiratoire chez des BPCO sévères hypoxique de base. L’hyperoxie permet aussi une réduction de l’hyperinflation dynamique, qui est un fac-teur limitant primordial chez ces BPCO sévères.

La majoration de la masse musculaire périphérique peut aussi constituer un facteur d’amélioration de la réponse au réentraînement. Dans cette optique, les médicaments ana-bolisants ont été testés pendant le réentraînement. L’étude de Casaburi [15] étudie la testostérone versus placebo asso-ciée ou non à un entraînement ciblant les jambes. Sous tes-tostérone, la masse des différents muscles étudiés augmente dans les deux groupes (entraîné ou non). Le groupe non entraîné, sous testostérone, augmente sa masse musculaire sur tous les muscles et de manière plus importante que le groupe entraîné avec placebo. La testostérone semble donc faire mieux que le réentraînement en matière de masse mus-culaire. L’association des deux augmente encore le gain de masse musculaire mais pas de manière significative par rap-port à la testostérone seule (fig. 2).

Fig. 1. Eff et combiné de la réhabilitation et du tiotropium sur le temps d’endurance. D’après [5].

1 29

0

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20

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* *

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patient et leur importance à ses yeux, ainsi que les barrières qu’il perçoit, externes ou internes, qui devront être surmon-tées pour réaliser l’exercice. Cette approche comportemen-tale nécessite une équipe multidisciplinaire. En prenant en compte ces éléments, Soicher [19] individualise des sujets à risque de faible observance. Certains facteurs sont non modi-fiables comme les antécédents de faible exercice, une mala-die sévère, une dyspnée sévère et un TM6 réduit. Mais il y a aussi des facteurs modifiables qui vont être l’objet du coa-ching comme la faible confiance ou « auto-efficacité », l’en-vironnement médical, social et familial, l’interaction avec le personnel soignant, le nombre d’exacerbations.

Conclusion

Il existe de multiples pistes pour améliorer la réponse à la réhabilitation respiratoire. Mais l’enjeu revient tout d'abord pour le médecin à prescrire ou réferer le patient à un pro-gramme de réhabilitation. L’enjeu majeur revient à l’obser-vance et surtout son maintien dans la durée. Cela nécessite des moyens c’est-à-dire une prise en charge multidisciplinaire, des plages de temps dédiées pendant la réhabilitation, une approche spécifique de chaque patient dans le but d’optimi-ser sa confiance, de comprendre ses barrières pour mieux les réduire.

Références Jebrak G pour Initiatives BPCO : Recommandations et prise en charge 1

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Une autre thérapeutique possible, de plus en plus utilisée notamment dans le réentraînement précoce chez les patients de réanimation, est l’électrostimulation. Les études retrouvent une majoration de la force musculaire, de la capacité à l’effort, et une diminution des besoins ventilatoires, de la dyspnée et de la fatigue musculaire [16, 17].

Améliorer l’observance

L’observance de chaque patient dépend de pré-requis propre à chacun, qui vont évoluer au cours du temps et du réentraînement. La difficulté est l’individualité de ces sché-mas, ce qui nécessite une démarche particulière pour cha-que patient et donc une logistique adaptée comprenant du personnel et du temps thérapeutique. Le deuxième défi est le maintien d’une bonne observance après obtention des premiers effets. Une étude de 2003 [18], a comparé deux groupes de patients ayant bénéficié d’une réhabilitation de 3 mois, un groupe ayant eu en outre un coaching visant l’observance pendant 12 mois. On constate une différence significative de gain de MET, non pas en fin de réhabilita-tion mais à un an. Cependant, la réévaluation un an plus tard ne retrouve plus de différence. Il existe donc un effet « coaching-dépendant ».

Les déterminants de l’observance sont en premier lieu les antécédents d’activité physique du patient, ses habitudes. Le concept d’auto-efficacité a été développé dans les années 1990, il s’agit de la confiance du patient dans le fait qu’il puisse acquérir des attitudes spécifiques face à l’exercice. Il s’agit d’une démarche active qu’il doit apprendre puis main-tenir. Il faut également évaluer les résultats attendus par le

Fig. 2. Eff et de la testostérone et du réentraînement sur la masse musculaire. D’après [15].

Groupe 1 :Non entraînéPlacebo

Groupe 2 :Non entraînéTesto

Groupe 3 :EntraînéPlacebo

Groupe 4 :EntraînéTesto

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Figure 1.Groupe 2 et 4 : majoration de la masse musculaire de tous les musclesGroupe 3 : majoration de la masse musculaire des jambesGroupe 4 : *Response significativement supérieure par rapport aux groupe 3Groupe 2 et 4 : ‡ Response significativement supérieure au groupe 1. : gain semble plus important pour le gp 4 que pour le gp 2 mais NS

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D’après la communication de J. Bourbeau

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