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Classes Critiques étrangères Le prix Allemagne est attribué à : Caroline SIEBERT, Élève au lycée Romain Rolland de Dresde Pour sa critique sur : Il était une ville de Thomas B.Reverdy L’étrange charme de la ville mourante Il était une fois un jeune homme qui fut envoyé à un endroit que d’autres quittent, qu’ils fuient. Là, il fut confronté à des épreuves et à des mystères. Et il connut sa princesse. C’est Eugène, jeune ingénieur français que son entreprise d’automobile envoie à Detroit aux États-Unis pour qu’il s’occupe d’un projet de construction d’une nouvelle voiture. Tâche difficile à Detroit où la plupart des entreprises et des commerces ont déjà fait faillite, où les quartiers se délabrent et les gens perdent de plus en plus l’espoir. Mais Eugène essaye de comprendre cette ville bizarre. Il se mêle aux gens et fait la connaissance d’une femme qui lui donne de l’espoir, une vertu rare à Detroit. Là, des bandes de gamins traînent dans les rues à la recherche de perspectives qu’on trouve à peine dans la ville. Parmi eux, Charlie, un garçon d’environ treize ans vit avec sa grand- mère Georgia, pour laquelle il est tout. Sa vie s’effondre quand son petit-fils disparaît un jour. Mais où trouver le petit qui a le même sort que tant d’autres garçons que la police de Detroit n’arrive pas à trouver ? Avec « Il était une ville », Thomas B. Reverdy nous emmène dans l’univers de la ville de Detroit qui, à l’époque, était le centre de l’industrie de l’automobile. Aujourd’hui elle ne l’est plus et elle n’a même pas un centre de ville, puisque les commerces, ainsi que les habitants ont quitté la ville. C’est donc dans des rues et des quartiers entiers désertés que l’action se déroule. La grisaille domine le tableau de la ville et l’auteur arrive à le peindre d’une telle manière qu’on croit pouvoir voir ces ruines, ces rues désertées. À ce tableau un peu déprimant s’ajoute le froid d’hiver qui renforce la tristesse régnant à Detroit. Encore une fois, on a l’impression de sentir le froid qui surgit des pages où des plaines interminables couvertes de neige autour de la ville sont décrites. Le tableau de Detroit se compose de différentes narrations, de différentes perspectives, par exemple d’Eugène, de Charlie ou sa grand-mère. Les histoires ne sont pas toutes liées au premier regard, ce qu’elles ont toutes en commun c’est la ville de Detroit, presque un personnage autonome. La description de cette dernière prend beaucoup d’espace, ce qui peut fatiguer un peu. Quelquefois, la narration de l’auteur peut sembler à peu près aussi grise et ennuyante que la ville elle-même. Par exemple quand la description des rues est encore répétée. « Il était une ville » est un roman calme. Un roman avec une histoire sans grandes surprises ou moments de suspense extrême. Mais c’est une histoire qui est marquée par ces détails semblant insignifiants au premier regard et un peu d’espoir au milieu des buildings abandonnés. Recommandé pour une lecture pas trop difficile pour des après-midis en hiver quand il fait vraiment froid dehors.

Classes Critiques étrangères Le prix Allemagne est ... · Il était une fois un jeune homme qui fut envoyé ... pauvre d'une ville à l'abandon où les usines ont toutes fermé

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Classes Critiques étrangères

Le prix Allemagne est attribué à : Caroline SIEBERT, Élève au lycée Romain Rolland de Dresde Pour sa critique sur : Il était une ville de Thomas B.Reverdy

L’étrange charme de la ville mourante

Il était une fois un jeune homme qui fut envoyéà un endroit que d’autres quittent, qu’ils fuient.Là, il fut confronté à des épreuves et à desmystères. Et il connut sa princesse. C’estEugène, jeune ingénieur français que sonentreprise d’automobile envoie à Detroit auxÉtats-Unis pour qu’il s’occupe d’un projet deconstruction d’une nouvelle voiture. Tâchedifficile à Detroit où la plupart des entrepriseset des commerces ont déjà fait faillite, où lesquartiers se délabrent et les gens perdent deplus en plus l’espoir. Mais Eugène essaye decomprendre cette ville bizarre. Il se mêle auxgens et fait la connaissance d’une femme qui luidonne de l’espoir, une vertu rare à Detroit.Là, des bandes de gamins traînent dans les ruesà la recherche de perspectives qu’on trouve àpeine dans la ville. Parmi eux, Charlie, ungarçon d’environ treize ans vit avec sa grand-mère Georgia, pour laquelle il est tout. Sa vies’effondre quand son petit-fils disparaît un jour.Mais où trouver le petit qui a le même sort quetant d’autres garçons que la police de Detroitn’arrive pas à trouver ?Avec « Il était une ville », Thomas B. Reverdynous emmène dans l’univers de la ville deDetroit qui, à l’époque, était le centre del’industrie de l’automobile. Aujourd’hui elle nel’est plus et elle n’a même pas un centre de ville,puisque les commerces, ainsi que les habitantsont quitté la ville. C’est donc dans des rues etdes quartiers entiers désertés que l’action se

déroule. La grisaille domine le tableau de la villeet l’auteur arrive à le peindre d’une tellemanière qu’on croit pouvoir voir ces ruines, cesrues désertées. À ce tableau un peu déprimants’ajoute le froid d’hiver qui renforce la tristesserégnant à Detroit. Encore une fois, on al’impression de sentir le froid qui surgit despages où des plaines interminables couvertes deneige autour de la ville sont décrites. Le tableaude Detroit se compose de différentes narrations,de différentes perspectives, par exempled’Eugène, de Charlie ou sa grand-mère. Leshistoires ne sont pas toutes liées au premierregard, ce qu’elles ont toutes en commun c’estla ville de Detroit, presque un personnageautonome. La description de cette dernièreprend beaucoup d’espace, ce qui peut fatiguerun peu. Quelquefois, la narration de l’auteur peutsembler à peu près aussi grise et ennuyante quela ville elle-même. Par exemple quand ladescription des rues est encore répétée.« Il était une ville » est un roman calme. Unroman avec une histoire sans grandes surprisesou moments de suspense extrême. Mais c’estune histoire qui est marquée par ces détailssemblant insignifiants au premier regard et unpeu d’espoir au milieu des buildingsabandonnés. Recommandé pour une lecture pastrop difficile pour des après-midis en hiverquand il fait vraiment froid dehors.

Classes Critiques étrangères

Le prix Pologne est attribué à : Anna Spychala, Élève au Lycée n◦1, Karol Marcinkowski de PoznańPour sa critique sur : Il était une ville de Thomas Reverdy

Une lueur d’espoir

« Il était une ville » est le nouveauroman de Thomas B. Reverdy, l’écrivainfrançais qui connaît de plus en plus de succès.Sa dernière œuvre est un roman entre romanceet polar qui soulève en même temps unedimension psychologique.

2008. Eugène, un jeune ingénieurfrançais, embauché pour diriger une équipe,arrive à Detroit aux États-Unis. Ce qu’il y trouvel'effraie - faillite des banques, licenciements,maisons abandonnées. La ville s'est, pour ainsidire, vidée. Là-bas grandit Charlie, un gamin de12 ans élevé par sa grand-mère Georgia. Il n’ad'yeux que pour les amis de sa bande, aveclesquels il fait les 400 coups. Heureusement, lelieutenant Brown est là pour faire régner l'ordreet garder les gamins à l’œil. Enfin, c’est iciqu’Eugène rencontre Candice, une serveuse ausourire lumineux encadré de rouge.

Dans ce roman, il y a plusieurs trameset chacune d'elles est très développée.Cependant les chapitres ne se suivent pas et neracontent pas une histoire, mais les fragmentsde l'histoire sont dispersés dans tout le livre.Cela peut donner une impression de chaos,mais c’est juste une apparence. Cetarrangement attire la curiosité du lecteur.

Lorsque je lisais « Il était une ville », je voulaistout le temps savoir ce qui se passera ensuite, cequi me poussait à dévorer le livre.

Reverdy nous emmène dans une villecomplètement délaissée, négligée et dévastéepar la mondialisation dont on s’éloignerapidement. Il nous montre un lieu où il n’y aplus de vie - c'est un « cauchemar américain ».Je trouve que l'auteur nous décrit avec brio etréalisme la reconstruction du chaos. Malgré leclimat sombre qu’il introduit, Reverdy donneensuite une lueur d’espoir et pas seulement unepetite lueur, mais une immense puissance –l’amour. Il transforme la vie d’ Eugène et luipermet de regarder Detroit à travers un regardnouveau.

L'auteur nous présente une certainevérité à propos de la vie : même dans les piressituations, il y a toujours une lueur d’espoir. Ilfaut seulement l'apercevoir et la suivre afin deretrouver le bonheur.

Je recommande ce livre à tous ceux quisont curieux, et qui aiment apprendre les chosesde la vie. “Il était une ville” ne va pas laisser sonlecteur indifférent.

Classes GoncourtLe 1er prix est attribué à : Léna TOUDRET, Élève en 1re L au Lycée Dupuy de Lôme à LorientPour sa critique sur : Discours d'un arbre sur la fragilité des Hommes d'Olivier Bleys

Il était un arbre...

De l'histoire qui va suivre, un arbre a été témoin.C'est par ces mots que commence le romand'Olivier Bleys, Discours d'un Arbre sur lafragilité des hommes. Un titre que beaucoupd'entre nous, jeunes lecteurs, avons appréhendé,de peur de nous retrouver à lire un livrephilosophique avec des termes impossibles àcomprendre. Mais j'ai voulu donner une chance àce livre et ce fut une sage décision.

Dans cette œuvre, l'auteur nous conte l'histoirede la famille Zhang, dans la Chine capitaliste duXXIe siècle. Les Zhang vivent dans un quartierpauvre d'une ville à l'abandon où les usines onttoutes fermé. Dans la cour de la maison se trouveun trésor : le dernier arbre à laque du pays. Leurplus grand rêve serait de devenir propriétaire deleur maison, une promesse faite aux grands-parents paternels inhumés entre les racines del'arbre. Mais la bâtisse est vouée à la destructionpour laisser place à un site minier. Il ne reste quecette famille lambda pour résister contre ladestruction de ses biens. Irréductibles hommes.

Si le souffle poétique du Discours d'un Arbre surla fragilité des hommes est indéniable, la portéesociale de ce roman est, elle aussi, indiscutable.

Le lecteur se laisse embarquer dans ce voyage aucœur de cette Chine inégalitaire, où la modernitéet le profit sont les maîtres-mots, méprisant lessentiments d'une famille, foulant du pied sestraditions et ses promesses. L'Arbre et la Natureen général observent les changements sociétauxet historiques de ce monde en mouvement.L'arbre s'étend toujours avec ses racines et sesbranches, tout comme le fait l'histoire familiale :elles sont toutes deux les témoins de l'évolution etdu progrès, elles survivent pour pouvoir leraconter aux générations futures. Les arbresmême morts demeurent, comme les garants de laMémoire. Prendre racine. Trouver ses racines.

C'est bien le lien unique entre l'Homme et laNature que met en scène ce beau roman qui m'afait penser au poème de Victor Hugo, « AuxArbres » dont j'aimerais citer les derniers vers enguise d'adieu au livre d'Olivier Bleys :

Forêts ! C'est dans votre ombre et dans votre mystère,C'est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,Et que je veux dormir quand je m'endormirai.

Classes Goncourt

Le 2e prix est attribué à : Amandine BRIGE, Élève en 1ère S au Lycée Joseph Loth à PontivyPour sa critique sur : Soudain, seuls d'Isabelle Autissier

Nature ou Société : laquelle est la plus impitoyable ?

Qui, de la Nature ou des médias, a le plus imposésa loi sur la vie de Louise Flambart ?

Soudain, seuls débute par une histoire assezclassique, une reprise moderne et réaliste deRobinson Crusoé. Mais Isabelle Autissier nousdévoile ce que l'on oublie souvent : si une tellehistoire devait se produire dans le monde actuel,le point final de l'épopée du malheureux naufragéne serait pas son sauvetage. De retour au pays,l'attend une épreuve peut-être aussi ardue quecelles qu'il a vécues : la confrontation avec lesmédias et la société.

Voyez-vous, cette histoire, on ne la souhaite àpersonne. On la préfère dans un roman plutôtque dans notre vie. Mais on retrouvemalheureusement très souvent cette avidité, cetteaddiction à l'information dans le monde réel. Onpense notamment aux otages libérés, prisd'assaut par la presse alors qu'ils descendent àpeine de l'avion, et que l'on oublie ensuite.N'importe qui peut vivre quelque chose desemblable, même vous...

Imaginez-vous : vous êtes naufragé sur une îlesauvage, glaciale, isolée. Vous réussissez àsurvivre huit mois, grâce à cet instinct animalenfoui au fond de chacun, héritage des premiershommes, qui a repris le dessus. Vos sentiments,les codes et les règles de la société actuelle nesont plus de mise. Cet instinct vous oblige mêmeà abandonner à la mort la personne que vousaimiez, car elle a arrêté de se battre. C'est la loi dela Nature.

Quand enfin on vient vous sauver, vous pensezque le cauchemar est fini. Mais la Société peutfaire pire que la Nature… Vous aspirez au retour

à une vie normale, calme. Mais vous n'êtes plusmaître de vous-même. Les médias s'emparent devotre vie, la décortiquent et la réinventent,détournent la réalité. Vous devenez le hérosd'une histoire passionnante et émouvante, quiplaît au gens qui vous regardent depuis leurcanapé.

Vous êtes obligé de vous plier à la dictature de lapresse, même si vous ne voulez pas de cettefausse réalité. En effet, si vous rétablissez lavérité, vous ne serez plus un héros mais unmenteur, un traître. Et vous qui aurez résisté àhuit mois de froid et de faim extrêmes, serezdétruit par des gens, tranquillement installés surleur canapé. Aucune des deux solutions n'estplaisante, et pour se remettre de ce drame étaléau grand jour, le mieux est de se cacher enattendant un retour à l'anonymat lorsque lesmédias auront trouvé une autre victime. Vousfinissez presque aussi isolé que sur cette île decauchemar. La solitude, que vous vouliez fuiraprès l'avoir trop côtoyée, vous a rattrapé...

Avec un style simple et agréable, l'auteuremontre la difficulté de se réintégrer dans lemonde d'aujourd'hui après un événement quimet la presse en ébullition. Elle remet en cause lasociété actuelle, avide d'informations audétriment de la vie privée, et même de la vérité.En suivant l'histoire de Louise lors de son retouren France, on plonge dans l'envers du décor desmédias. On s'interroge : comment sont traités lestémoins qui ont vécu une expériencetraumatisante ? Le journaliste détourne-t-il leurspropos pour que l'histoire soit au goût de seslecteurs ? Après avoir refermé le livre, on regardele journal d'un œil méfiant et l'on s'interroge surla vérité de ce qu'on nous raconte...

Classes Goncourt

Le 3e prix est attribué à : Jessica LAVERNHE, Élève en 1ère L au Lycée La Pérouse Kérichen à BrestPour sa critique sur : Discours d'un arbre sur la fragilité des Hommes d'Olivier Bleys

À propos des arbres

Bienvenue en Chine contemporaine, la Chinede nos jours, un pays où « Les marchands ontpris les rênes de la société et les paysans sontretournés là où fut leur place, hier etaujourd'hui ». La Famille Zhang partage avecnous son quotidien, au cours d'un hivers'annonçant rude et glacial. Le charbonmanque cruellement pour réchauffer lamaison familiale ; cette maison qui va devenirla source du roman et alimenter l'intrigue.Depuis plusieurs générations de Zhang, unarbre, maigre et avachi tel un vieillard, vitdans leur jardin. Il a assisté à tous les grandsmoments de la famille, les naissances, lesdécès, les fêtes ; il en est maintenant unmembre à part entière. Sous ses racinesreposent les parents de Wei Zhang, l'hommede la famille. Ce dernier, soucieux de lapromesse faite à ses défunts parents,économise depuis des années dans l'espoir dedevenir un jour le propriétaire de ce fameuxterrain. Mais arrivé tout près du but, ladécouverte d'un gisement de minerais sous leterrain va faire voler en éclats tous les espoirsde la famille : menacés par les grues et lespelleteuses, c'est une lutte pour la préservationnon seulement de l'arbre mais de l'esprit defamille qui commence.Nourri de ses voyages, notamment de son tourdu monde à pied en 2010, Olivier Bleys nous

offre dans Discours d'un arbre sur la fragilitédes hommes un aperçu de la société chinoiseactuelle. On ne croule pas sous les faitspolitiques, au contraire : la narration claire etraisonnée de l'auteur nous emporte facilementet nous procure une sensation de légèreté, lalecture en devient agréable et plaisante. Ilnous happe dès le début et nous plonge danscet univers, cette partie du monde qu'on neconnaît que trop peu. On s'y laisse entraînersans effort, et on ne le regrette pas : OlivierBleys réussit à susciter en nous la curiosité,l'envie de découvrir les aventures que lespersonnages vont pouvoir vivre. En effet, cettemodeste famille Zhang ne cesse de nousintriguer, du début à la fin, avec sespersonnages aux tempéraments multiples etaux mille convictions. Confrontés au réalismesocial, ils gardent la tête haute : « Voilà lasagesse, quand on est petit et vulnérable ».Mais par dessus tout, on se heurte à certainesquestions et on s'attarde sur nos réflexions.Les petites communautés, comme la familleZhang, sont-elles condamnées à se soumettreà la loi du plus puissant ? Sommes-nous sur lepoint de délaisser nos derniers liens avec lanature ? Que représente réellement cet arbre,autant pour nous que pour la famille Zhang ?« La nature est pleine de mystère. Nesommes-nous pas de la nature ? ».

Classes Goncourt

Le 4e prix est attribué à : Marie BRIOT, Élève en 1ère L au Lycée Dupuy de Lôme à LorientPour sa critique sur : Un amour impossible de Christine Angot

Un homme, une femme, une enfant... un inceste

Un amour impossible ? Comment l'amour peutil être impossible ? Rien n'est impossible enamour. Mais un père qui viole sa fille, c'est del'amour ? Nous sommes tous d'accord sur cepoint : un roman sur l'inceste, c'est un universdouloureux et triste, ponctué de scènes à lalimite du soutenable… J'ouvre donc ce livreavec une certaine appréhension, qui,aujourd'hui, s'est envolée.

Christine Angot fait de son roman une œuvrecentrée sur sa mère. La romancière l'affirmeencore et toujours au gré des rencontres et desinterviews. Chaque fin d'écriture, chaque livreterminé, se rapporte à une unique question : Etma mère ? Aussi Un amour impossible est-il lepremier roman de l'auteure qui accorde tantd'importance au personnage de la mère. Ouil'histoire, au début du moins, est simple.Châteauroux dans les années 50, un homme etune femme, Pierre Angot et Rachel Scharwtz, serencontrent et s'aiment. Ensemble, ils aurontChristine Scharwtz née de père inconnu. Mais...il y a ce fameux mais... il y aura toujours cefameux mais...

Un amour impossible n'est pas qu'unesuccession de pages tachetées d'encre...

C'est une fine analyse de l'instabilité et de ladifficulté de relations humaines complexes.

C'est un amour fou né d'une relation touchante,plus que fusionnelle entre une mère et sa fille.Une passion débordante, démesurée, émane deChristine pour sa mère, de Rachel pour sa fille. L'Amour entre une mère et son enfant. Il nemeurt jamais. Il ne finit jamais. C'est unamour éternel.

C'est la dégradation d'un amour, un lien qui sebrise, qui s'efface. La relation mère/fille devientdistante, douloureuse, froide. Rachel ne voitrien.

Maman. [...]Au début, la fréquence du motavait baissé. Comme s'il n'était plus nécessaire.Ensuite, il avait pris une tonalité gênante. Ilétait devenu bizarre, décalé. Puis il avaitdisparu. Totalement. Il m'était devenuimpossible de le prononcer.

C'est Christine qui ne dit rien et qui se construitdans le silence tel un jouet qui aurait un défautde fabrication et qui, adulte, ne retrouvera pasles pièces manquantes, souffrant de l'absencede son père et de l'omniprésence de sa mère.On est une mère et sa fille, voilà c'est tout.Deux personnes dans une maison, c'est pas unefamille.

C'est la révulsion pour un père. Christine ne lefréquente qu'à l'adolescence. Elle en aurait faitun être plus doux si elle avait pu, mais c'est unhomme braque et violent. Il repoussesèchement tout ce qui se rapporte à l'amourqu'il a entretenu avec Rachel ainsi qu'à sa fille, Une vaste entreprise de rejet. Et admis partout le monde [...] ce qu'il m'a fait à moi, c'estquelque chose qu'il t'a fait à toi avant tout, c'estla continuation de ce rejet.

C'est un homme, Pierre Angot, qui viole sa filledepuis des années,Des relations sexuelles avec son enfant [...] ilrefuse de reconnaître cet interdit. Parce quec'est encore une manière pour lui de dire, jesuis le plus fort.

D'un style simple et percutant, d'une plumeacérée, l'écrivaine avec son écriture maîtriséeparvient à nous faire ressentir tant d'étatsdifférents : la colère, le bonheur, le dégoût etl'amour. Christine Angot exprime ce qu'ellesouhaite sans formules interminables, sansdéballage superficiel. Ce roman n'est pas unethérapie de l'écriture sur une expériencetraumatisante, c'est un moyen de dire les chosestelles qu'elles sont. Impossible n'est pas Angot.

Classes Goncourt

Le 5e prix est attribué à : Lauranne OUZIEL, Élève en 1ère L au Lycée Dupuy de Lôme à LorientPour sa critique sur : Soudain, seuls d'Isabelle Autissier

Bouteille à la mer

Cher toi,

Je n'ai aucune idée de qui lira cette lettre. Peut-être personne. Quelle importance, de toutefaçon je ne serai sans doute plus de ce mondeavant que cette bouteille atteigne la côte la plusproche.

Je crois que je savais dès le début que cevoyage était une mauvaise idée. Mais je nepouvais résister. Rien que l'idée de ce tour dumonde à la voile m'offrait une décharged'adrénaline. Tu sais, je me voyais déjà,voguant sur les mers, seule comme le vent. Etpuis je m'étais renseignée, j'étais prête, j'avaisabsolument tout prévu. Du moins c'est ce que jecroyais.

J'avais lu un tas de livres, relatant desrobinsonnades. L'un deux m'aparticulièrement marquée, il est écrit par unenavigatrice qui plus est. Il s'agit de Soudains,seuls d'Isabelle Autissier. Elle a vécu beaucoup,elle aussi, elle s'est retrouvée dans dessituations périlleuses, mais elle s'en esttoujours sortie. Son livre évoque deux jeunes enquête d'aventures et de nouveaux horizons,mais qui, malheureusement, à force d'audaceet d'insouciance, finiront par être pris au pièged'une île déserte.

Louise, l'héroïne du livre s'en sortira, toutcomme l'a fait l'auteure. C'est un personnagetrès intéressant, elle garde la tête froidemalgré la situation dramatique dans laquelleelle se trouve. J'ai aimé son courage et sa

détermination, sa rage de vivre qui l'a fait s'ensortir. Elle porte cependant en elle une honte etune douleur sourde à son retour en France,quelque chose qui la ronge de l'intérieur : elle alaissé Ludovic mourir.

Et, derrière cette course contre la mort, cetultime combat pour la vie, il y a une portéeécologique très appréciable. L'auteure décritune terre rare, totalement dépourvue de safaune originelle, annihilée par des annéesd'industrie du massacre.

Isabelle Autissier a un style léger. Une épure.Tout détail superflu est éliminé. Une belleplume qui se savoure tout en se lisant vite.Mais au delà, ce récit dégage une certaineforce, et sonne très vrai. Ce livre et d'autres,mais surtout celui-ci, m'ont donné le goût del'aventure, je me suis embarquée dans uneépopée palpitante. Je suis heureuse d'avoir vuautant de choses même si cela m'a menée à unemort certaine. Cette histoire fait réfléchirautant qu'elle fait voyager. En effet comme ledit l'auteure, ce livre tend un miroir à notresociété sophistiquée, mais où le déclassement etle dénuement guettent chacun. Elle rejointcertaines théories de retour à la nature, forcéou consenti, qui refont aujourd'hui surface.

Après avoir trouvé de quoi écrire dans ce qu'ilme restait, maintenant que j'étais soudain,seule, je me suis mise à la rédaction de cetteultime lettre, qui je l'espère trouvera unlecteur. Ce sera la dernière trace de monpassage sur La Terre. Seule.

Classes Concours de critiques

Le 1er prix est attribué à : Zoé SAUNIER, Élève en 1re L au Lycée Amiral Ronarc'h à BrestPour sa critique sur : 2084: la fin du monde de Boualem Sansal

Karma police

Comment se construire un avenir, si notrehistoire n'existe pas ? Commment aller del'avant, lorsque l'on n'a rien derrière soi ? Unpays peut-il renaître de ses cendres, s'il n'a pasconscience du feu qui le consume ? « Oùtrouver des idées nouvelles dans un mondeancien ? ». Voici les questions auxquelles nousconfronte Boualem Sansal, dès les premièrespages de son roman, dès le premier souffle, dèsla première prière.

C'est à ces questions qu'Ati, notre guide àtravers le vaste Abistan, tentera de répondre.Ati le tuberculeux, Ati le petit Abistanais, Ati leparfait croyant, qui a juré fidélité au dieuunique, Yölah, et à Abi son délégué, Ati qui n'ajamais rien connu d'autre que son quartier duS21, quelle chance a-t-il, seul contre une sociétédélatrice, seul contre un gouvernementimpitoyable, seul contre les terribles V, contreAbi, contre Yölah ? Aucune, on pourrait lecroire. Et pourtant, isolé au fond de sonsanatorium, à l'autre bout du pays, son espritcommence à le trahir, à lui parler de liberté.

Mais la liberté ne peut exister dans un mondecomme le sien, contrôlé par la religion et parune poignée d'hommes au pouvoir incontesté.Pour gouverner cette société passive etignorante, ceux-ci ont pris le parti de réécrirel'Histoire. Une date fictive, de nouvellestraditions, de nouvelles valeurs, et voici lepeuple privé de racines.

Et quoi de mieux pour emprisonner l'Histoireque de verrouiller la langue ? Ainsi naîtl'abilang, ce nouveau langage aux pouvoirs sigrands. Raccourcir les mots pour amputer lapensée, n'est-ce pas là une idée magnifique ?Victor Hugo l'avait bien compris : « Qui délivreles mots délivre la pensée », qui les raccourcit lamuselle.

Mais contrôler l'Histoire, dominer les pensées,ce n'est pas encore assez pour les Honorables de

la Juste Fraternité, heureux gouverneurs de cemonde étriqué. Il faut maintenant disciplinerles esprits, traquer les Mécréants, anéantir lemoindre embryon révolutionnaire. Seule lareligion est capable d'un tel prodige. « Lareligion, c'est vraiment le remède qui tue », labase de l’Abistan. Impossible d'ailleurs de s'ydérober, car le pays des croyants possède sapropre « Karma Police » : les terribles V,auxquels nul acte, nulle pensée n'échappe. Voicicontre quoi Ati se révoltera. « Ce que son esprit[rejette], ce n'[est]pas tant la religion quel'écrasement de l'homme par la religion ». Etc'est bien contre cela qu'aidé de sescompagnons, Koa le révolté et Toz lenostalgique, Ati lancera son combat. À armesinégales.

Pourtant cette société avec laquelle il se débatn'est pas invulnérable. Elle a aussi ses failles,elle aussi a ses faiblesses. Car en effaçant sonHistoire, l'Abistan a aussi gommé ses erreurs,au risque de les répéter. Son système lui-mêmeest d’ailleurs fondé sur les décombres d'uneautre civilisation, une civilisation qui dans lepassé a commis l'imprudence de le défier, et quia perdu. Cette autre terrible nation n'est autreque l'Angsoc, l'empire de Big Brother. Depuis ladestruction de la langue jusqu'au remaniementde l'Histoire, toute l'organisation du pays descroyants s'appuie sur ce régime totalitaireinventé par Georges Orwell, le célèbre auteur de1984.

Plus qu'un hommage, c'est une véritable suiteque Boualem Sansal nous fait découvrir àtravers l'Abistan, ses habitants et sescontradictions. C'est aussi un avertissementcontre l'islamisme de plus en plus présent enAlgérie, son pays natal. Pour nous prédire ainsil'avenir, 2084 avait besoin de racines : 1984n'était pas une fin, c'était un commencement.

Classes Concours de critiques

Le 2e prix est attribué à : Alice RISACHER, Élève en 1ère L au Lycée La Mennais à PloërmelPour sa critique sur : Les Prépondérants d'Hédi Kaddour

Le récit d'un monde au bord de l'explosion

Les Prépondérants est un grand roman. Passeulement par son volume, que l'auteur jugeimportant pour faire acquérir au livre sonautonomie propre. Mais surtout par son proposoriginal et pertinent. Ce « roman-monde »parvient à capter ce qui précède la catastrophede la Seconde Guerre Mondiale.

Nahbès, petite ville de Tunisie, ou du Maroc,1922. Ville tranquille avec ses habitants, sescommerces, ses traditions. Une équipe detournage hollywoodienne déboule et bouleversecette société régie par les Prépondérants,groupe de colons omnipotents (d'où le titreironique). Des liens se créent entre starsaméricaines, jeunes Arabes et Français cultivés.Des amours naissent, des amitiés se font et sedéfont. Dans la période agitée des années 20,alors que le protectorat menacé par un projet deloi refuse de céder, ces personnages attachantstentent de se faire une place.

Raouf, jeune homme idéaliste et fils du caïd, estapprécié des Américains. Il vit une passiontumultueuse avec Kathryn, actrice et épouse duréalisateur. Ganthier, « le seul Français que ladomination n'a pas rendu idiot », se chamailleavec Raouf – qu'il adore – ou essaie de séduireGabrielle, journaliste parisienne engagée.

D'une écriture inspirée et vivante, HédiKaddour nous embarque dans une fresquebrillante, évitant l'ennui et les clichés. Dans levertige de cette époque mouvementée, lesdestins se croisent et font surgir une réflexionfoisonnante. Comment un peuple gagne-t-il sonindépendance ? Quel rôle a joué la France dansla décolonisation ? L'auteur d'une plume tantôtacérée ou nerveuse, nous fait part de sa visionnuancée de cet univers. Jusqu'à la fin tragique,qui évoque Madame Bovary par la présenced'un destin inexorable et par l'oubli queprovoque la mort.

Kaddour a certes effectué de nombreusesrecherches pour s’approcher de la véritéhistorique. Le tournage du « Guerrier dessables » s'inspire de la mode du cinémaorientalisant. La révolution avortée, bien queméconnue, a aussi eu lieu. L'auteur expose lesfaits avec un réalisme presque journalistique.

Cependant, au-delà de la dimension historique,l'auteur nous livre un récit collectif qui mêleavec brio plusieurs destinées. L’épopée enEurope du quatuor principal les mène nonseulement hors de leurs frontières, mais aussiface à leurs désirs et leurs ambitions. Il les faitprogresser à travers des paysages enneigés, deParis à Berlin en passant par l'Alsace. Des lieuxde plus en plus marqués par la défaite de laGrande Guerre, gangrénés par la misère quiprovoquera la montée du nazisme.

Le style vif et précis de Kaddour, ses phrasesrythmées, et le maniement de plusieurs languesrappellent qu'il a d'abord été poète. De mêmeque Raouf, qui cite ses auteurs arabes favoris etRania, jeune veuve érudite, dont la pensée« peut aller jusqu'à ce nuage ».

La scène la plus saisissante relate la projectiond'un film sur la révolution française, dans lequelcertains américains ont joué. Le public estvarié : Arabes, Français, Italiens ouCaliforniens, tous réagissent à leur manière.Dans cette véritable Babel, réalité et fiction,personnages et acteurs se confondent. LaRévolution Française fait écho à la soif deliberté du peuple colonisé, certains crient même« Tahyia atthaoura ! », « Vive la révolution ! ».Cette séance de cinéma, magnifique, témoignedu pouvoir de l'art. Celui d'animer les esprits,de regrouper les hommes. Et, pourquoi pas, dechanger le monde ?

Classes Concours de critiques

Le 3e prix est attribué à : Audrey PINEL, Élève en 1ère S au Lycée la Touche à PloërmelPour sa critique sur : Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes d'Olivier Bleys

L'Arbre à paroles

Ouvrez le livre d'Olivier Bleys et chut !…Écoutez le Discours d'un arbre sur la fragilitédes hommes. Il raconte que dans un monde oùs'affrontent le pouvoir de l'argent et lestraditions sacrées, le combat est permanent.

Allez ainsi à la rencontre de Wei, personnagehumble et sans fioriture. La voix narrative, eneffet, ne triche pas, ne cherche pas à faire dansl'esthétique. Partagez le rêve de Wei et de safamille : devenir propriétaire d'une petitemaison bordée d'un jardin où pousse un arbrecentenaire dont l'importance est considérablepour la famille Zhang. Mais ce rêve est mis enpéril par un grand projet minier qui menace dedétruire la maison. Wei et les siens vont devoirse battre non seulement, pour leur terrain, maissurtout, pour respecter une ancienne promessequi lie la famille.

Lire le Discours d'un arbre sur la fragilité deshommes, c'est prendre un billet pour« l'ailleurs » car les œuvres d'Olivier Bleys sontimprégnées de ses nombreux voyages. CommeRimbaud, l'auteur de Le Maître de café ou dePastel, ouvrages salués par de nombreusesrécompenses, l'écrivain cherche l'inspiration surles chemins qui conduisent vers les grandsespaces : il a ainsi entrepris, en 2010, un tourdu monde à pied par étapes.

Dans son nouveau roman, il privilégie ladescription et raconte l'histoire de chaquepersonne et de chaque objet. C'est comme si leschoses les plus insignifiantes devenaientfondamentales. Rien n'est laissé de côté, et biensûr l'histoire du vieil arbre à laque est auxprémices de l'intrigue : « À cet arbres'attachaient autant de souvenirs que de feuilleset comme les feuilles séchaient et tombaient,s’éparpillait aussi la mémoire balayée par levent ». Certains verront là le souci du détail, d'autresau contraire déploreront le manque d'action,car si Olivier Bleys a un style d'écriture assezsouple, facile à lire, il peut paraître parfoismonotone. Toutefois, l'émotion dissipe vitecette impression. Pas seulement la nôtre enlisant ce livre, mais aussi les émotions, lessentiments des personnages. Ces derniersacquièrent, par leur simplicité, une dimensionuniverselle dans laquelle le lecteur ne peut quese reconnaître : par exemple, l'amour de Weipour sa femme et sa fille ou le désir de lesprotéger de la froideur de l'hiver. Dans ceroman, retrouvez des valeurs malmenées parnotre société : les liens familiaux, leurscroyances et le respect d'une promesse.

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Le 4e prix est attribué à : Lucille CHAUSSOY, Élève en 1ère L au Lycée de l'Elorn à LanderneauPour sa critique sur : Au pays du p'tit de Nicolas Fargues

Au pays d'la provocation

Voilà de quoi calmer la mauvaise humeurfrançaise ! Après son avant-dernierroman Tu verras qui a reçu le prixFrance Culture, Nicolas Fargues revientplus déterminé que jamais et construitune véritable bombe à retardement. Sonlivre choque avec humour les Français« coincés » qu'il décrit parl'intermédiaire de son héros et du livrede ce dernier qui nous est habilementdonné à lire petit bout par petit bout.Espérons pour l'auteur que ce récit nesoit pas autobiographique !

« J'étais adaptable à peu près partout,mais nulle part moi-même ». À 44 ans, lesociologue Romain Ruyssen traverse sap'tite crise de la quarantaine. Il publie unessai sur la France intitulé Au pays dup'tit. Caricature du Français, le narrateurest un grossier personnage, fort decaractère mais très attachant. Tout aulong du livre, on le découvre en père

absent, en odieux macho, en mariinfidèle... Il est obsédé par son âge et savirilité, son orgueil de grand séducteur vad'ailleurs être particulièrement écrasé parsa nouvelle maîtresse, la jeune etséduisante Janka.

Partagé entre des débats en sociologie ouautres conférences, des scènes quelque peuprovocatrices et une fin absolumentdéjantée, c'est pour l'auteur une très belleoccasion de tisser des liens avec son lecteuren abordant des thèmes et habitudes denotre vie courante.

Beaucoup d'humour, très peu d'amour. Celivre est à prendre avec légèreté. Alors, allezvous (malheureusement) vous reconnaîtredans cette histoire ? Une histoire crue,agréable et dynamique, Au pays du p'tit estune étonnante représentation de la vie quifait du bien !

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Le 5e prix est attribué à : Marine NORMAND, Élève en BTS au Lycée Tristan Corbière à MorlaixPour sa critique sur : Un amour impossible de Christine Angot

Un amour impossible, un pardon possible

Entre Rachel et Pierre l'amour est fulgurant,passionné. Ils se sont rencontrés à Châteaurouxà la fin des années 50. Elle vient d'un milieupopulaire, campagnard, employée à la SécuritéSociale tandis que lui est originaire d'un milieubourgeois, intellectuel. Il est cultivé, parleplusieurs langues. Quand il y a une telledifférence sociale, on se dit que c'estmerveilleux, mais il y a déjà un sentimentd'infériorité dans l'histoire amoureuse. Malgréleur différence sociale et les difficultés qu'ilsrencontrent, ils ne cessent de se retrouver etd'être attirés l'un par l'autre, jusqu'à lanaissance de Christine, que Pierre refuse dereconnaître comme sa fille. Dès lors, lesrelations entre les deux amants se font plusespacées. Pierre refait sa vie, se marie, a denouveaux enfants, tandis que Rachel élève seulesa fille, l'entourant de tout l'amour possible.Aveuglée par les sentiments qu'elle ressentencore pour Pierre, elle le laisse revenir demanière épisodique dans sa vie et s'immiscerdans celle de Christine. À l'adolescence, lesrelations mère-fille se distendent, se font plusheurtées, plus douloureuses jusqu'à ce queRachel apprenne enfin ce qu'il se passe derrièreson dos depuis des années entre Pierre etChristine.

Sa mère et Christine vivent ensemble et mêmesi « un et deux, ça ne fait pas une famille », il y abeaucoup d'amour entre elles. C'est avec unegrande simplicité et une grande force queChristine Angot décrit cette relation fusionnelle,comme lorsque Rachel console Christine parcequ'elle ne peut pas lui offrir de bijoux pour sa

fête. Elle décrit ainsi une jeunesse heureuseavec une mère aimante, généreuse et forte qui aeu le courage de s'affranchir du qu'en dira-t-onpour élever seule sa fille et qui s'est battue pourla faire reconnaître par son père. Malgré larancœur et les reproches face à l'aveuglement,certains passages sont bouleversants d'amour etde tendresse entre les deux femmes.

Un père absent : « Dis-leur que ton père estmort, ou qu'il voyage beaucoup », idéalisé àtravers le discours maternel, il s'incarne alorsen père violant en paroles, et violeur, ultimetransgression. Ces abus sexuels sur sa fille sontprésentés ici comme un outil d'humiliationsupplémentaire en vue d’anéantir cette mère.Amour absent puis déviant, du père pour lafille. C'est un mystère, l'amour inconditionnelque porte Christine à cet homme qui ne larespecte pas, mai qui reste toujours très bienélevé, comme en témoignent les lettres que l'onvoit tout au long du roman.

Avec le temps, les rancœurs et la culpabilitéaccumulées entre l'auteur et sa mère se sontestompées. L’œuvre se termine d'ailleurs surdes retrouvailles apaisées entre les deuxfemmes. Christine Angot est de celle qui font deleur souffrance une œuvre l'écriture la raison deleur vie. L'inceste a bâti son adolescence. Lerécit est chronologique, sans haine, apaisé,implacable. Son roman sonne comme uneréconciliation, et c'est bouleversant. ChristineAngot, narratrice de sa propre vie, ne réécrit pasl'histoire. Elle peint le silence, c'est un affreuxsilence.