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L’Antiquité Classique Chronique mégarienne Àpropos d'un livre récent portant sur les cités mégariennes de Sicile Author(s): Adrian Robu Source: L’Antiquité Classique, T. 75 (2006), pp. 205-212 Published by: L’Antiquité Classique Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41665290 . Accessed: 16/09/2013 18:21 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . L’Antiquité Classique is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L’Antiquité Classique. http://www.jstor.org This content downloaded from 150.216.68.200 on Mon, 16 Sep 2013 18:21:21 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Chronique mégarienne À propos d'un livre récent portant sur les cités mégariennes de Sicile

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L’Antiquité Classique

Chronique mégarienne Àpropos d'un livre récent portant sur les cités mégariennes de SicileAuthor(s): Adrian RobuSource: L’Antiquité Classique, T. 75 (2006), pp. 205-212Published by: L’Antiquité ClassiqueStable URL: http://www.jstor.org/stable/41665290 .

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Chronique mégarienne À propos d'un livre récent portant sur les cités mégariennes

de Sicile

L'ouvrage de Franco de Angelis dont il va être question est la publication d'une thèse de doctorat réalisée sous la direction de Robin Osborne et soutenue à Oxford en 19961. Elle était déjà annoncée en 1994 par un article sur la vexata quaestio des causes de la fondation de Sélinonte, publié dans un volume dédié à Sir John Boardman2.

L'analyse de Franco De Angelis se fonde surtout sur les sources archéo- logiques, car les sources littéraires ou épigraphiques offrent très peu d'informations sur l'histoire des deux cités mégariennes de Sicile à l'époque archaïque. Son livre débute par une formule assez pessimiste : « Archaic Sicily has no history » (p. xiv). Bien entendu, il s'agit dans ce cas d'une histoire narrative. À vrai dire, la Sicile occupe peu de place dans les récits, ce qui fait que les études sur la Sicile archaïque reposent en grande partie sur les découvertes archéologiques. L'idéal pour le cher- cheur serait de pouvoir utiliser simultanément les sources littéraires et les données archéologiques.

L'introduction contient une courte présentation des problèmes méthodolo- giques qui apparaissent pour les études concernant la Sicile archaïque. L'auteur évoque les principales études sur Mégara Hyblaea et Sélinonte et nous fait part de l'évolution des découvertes archéologiques. Sa critique porte particulièrement sur l'ouvrage publié en 1948 par Dunbabin, The Western Greeks , qui a beaucoup influencé les études ultérieures sur les villes grecques de la Grande Grèce et de la Sicile. Marqué par le modèle moderne de colonisation en vigueur dans l'Empire britannique, cet ouvrage mettait l'accent d'une manière anachronique sur l'unité culturelle existant entre les colonies de l'Ouest et leurs métropoles, en minimisant le développement économique, social et culturel propre de ces colonies et les rapports des Grecs avec les indigènes3.

1 F. De Angelis, Megara Hyblaia and Selinous. The Development of Two Greek City- States in Archaic Sicily. Oxford, Oxbow Books, 2003, 1 vol. 17,5 x 25 cm, xxil + 247 p. ; 34 pl. (Oxford University School of Archaeology, Monograph 55). Prix : 48 £. ISBN 0- 947816-56-9.

2 Id., "The Foundation of Selinous : Overpopulation or Opportunities ?", dans G.R. Tsetskhladze et F. de Angelis (eds.), The Archaeology of Greek Colonisation. Essays dedicated to Sir John Boardman , Oxford, 1994, p. 87-1 10. 3 Pour l'influence du modèle britannique de colonisation sur l'œuvre de Dunbabin, voir également : F. de Angelis, "Ancient Past, Imperial Present : the British Empire in T.J. Dunbabin's, The Western Greeks ", Antiquity 72 (1998), p. 539-549.

L'Antiquité Classique 75 (2006), p. 205-212.

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L'auteur ne se lance pas dans de longs débats sur les dates de fondation des colonies grecques de Sicile, tout en marquant les différences qui existent entre les historiens et les archéologues quant à l'interprétation des données. Il préfère s'appro- cher de la démarche de Michel Gras, qui écrivait dans un article publié en 1986 : « L'archéologie a fait connaître la réalité des implantations ; il est secondaire de savoir si Syracuse a été fondée quelques années avant ou après Mégara ; mieux vaut tenter de comprendre, pour le moment, les caractères du développement des sociétés coloniales du haut archaïsme »4. En ce sens, De Angelis note d'emblée qu'il insistera dans son étude « on historical geography, with special attention devoted to the deve- lopment of settlement, society, and economy » (p. XV).

Le livre a deux parties principales, l'une qui porte sur l'histoire de Mégara Hyblaea, l'autre sur celle de Sélinonte. Chaque partie est divisée en quatre chapitres : « The Setting » (chapitres 1 et 5) ; « Settlement Development » (chapitres 2 et 6) ; « Society and Politics » (chapitres 3 et 7) ; « Environment and Economy » (chapitres 4 et 8). L'intention de l'auteur est de présenter en parallèle les deux sites pour mieux observer les similitudes et les différences entre l'évolution urbanistique, territoriale, démographique et économique de ces deux cités mégariennes de Sicile pendant l'époque archaïque.

De Angelis met l'accent sur la culture indigène rencontrée par les Mégariens au moment où ils fondèrent leurs colonies, et il montre de façon convaincante que les relations entre les Grecs et les indigènes sont fondamentales pour comprendre l'évolu- tion de Mégara Hyblaea et de Sélinonte5. En ce sens, par opposition à certains cher- cheurs (comme Dunbabin, Finley, Graham), qui excluent la cohabitation entre les Grecs et les indigènes, il estime que le développement rapide et la croissance démo- graphique de Mégara Hyblaea pendant le VIIe siècle av. J.-C. s'expliquent par l'influx des indigènes, menacés par l'expansion de Syracuse. L'arrivée des indigènes dans la polis de Mégara Hyblaea rend compte également de la disparition des sites indigènes de l' arrière-pays de Mégara vers le milieu du VIIe siècle av. J.-C. et une série de pra- tiques funéraires, considérées comme indigènes, qui apparaissent dans les nécropoles mégariennes (la position rannicchiata , la décapitation des cadavres, l'inhumation multiple) (p. 52-54). À ce propos, sa conclusion est que « more and more evidence strongly suggests or unequivocally demonstrates that Greeks and natives lived along- side one another in the Greek polis not as master and slave, but as equals » (p. 54).

En ce qui concerne les causes de la fondation de Sélinonte (surpopulation, commerce ou recherche des métaux), qui ont fait l'objet de débats intenses parmi les chercheurs, De Angelis croit que « the foundation of Selinous was part of a process of acquisition, stimulated by the Megarian desire for a bigger share of power in Sicily ». Et il ajoute à ce raisonnement le fait que la croissance de la population mégarienne entre 675 et 625 est aussi responsable du départ des Mégariens : « What population

4 M. Gras, "Aspects de la recherche sur la colonisation grecque. À propos du Congrès d'Athènes : notes de lecture", RBPh 64 (1986), p. 16.

Pour les rapports entre les Grecs et les indigènes de Sicile, voir l'article publié récemment par F. de Angelis, "Equations of Culture : the Meeting of Natives and Greeks in Sicily (ca. 750-450 BC)", Ancient West & East 2/1 (2003), p. 19-50.

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growth may have done is to induce social stress, creating a desire amongst certain individuals to branch out elsewhere in Sicily. I suggest that the population growth detectable at Megara Hyblaia around the mid-seventh century may have similarly played some part in creating a need for expansion, a need for certain individuals to break away and acquire new resources and space elsewhere » (p. 61-62).

Dans le dernier chapitre, De Angelis résume les conclusions principales de son étude (p. 200-208). Il évoque ainsi les rapprochements existant entre le développe- ment de Mégara Hyblaea et celui de Sélinonte. D'abord, les deux poleis ont une origine mégarienne. Ensuite, elles présentent les caractéristiques des colonies grecques de Sicile : des territoires étendus qui peuvent offrir un surplus de céréales susceptible d'être exporté ; le caractère ethniquement hybride du corps civique ; l'influence ionienne sur l'art et l'architecture (p. 202).

En revanche, les différences sont plus prononcées (p. 202-204). En premier lieu ont joué les facteurs géographiques : à Sélinonte, il y a des fleuves qui facilitent la pénétration des colons grecs vers l'intérieur. De plus, le territoire de Sélinonte (estimé à 1500 km2) est quatre fois supérieur à celui de Mégara Hyblaea.

En deuxième lieu, du point de vue politique, si l'expansion de Mégara Hyblaea était limitée par le voisinage avec Léontinoi et Syracuse, Sélinonte est fondée dans une région où les Grecs n'étaient pas encore arrivés ; sa voisine Agrigente sera fondée seulement vers 580 av. J.-C. Le commerce avec les Puniques apporte à Sélinonte de grandes richesses, perceptibles dans l'édification des temples de Sélinonte.

En ce qui concerne les rapports entre les Grecs et les indigènes, Mégara Hyblaea, fondée suite à un accord avec le roi indigène Hyblon, maintient de bonnes relations avec la population indigène. En revanche, s'appuyant sur le fait que certains habitats indigènes d'une région proche de Sélinonte (Montagnoli) remontant au VIIIe siècle furent détruits par des incendies vers le milieu du VIIe siècle av. J.-C., De Angelis estime que les contacts avec les indigènes, pacifiques au début, deviennent ultérieurement violents (voir aussi p. 151-152).

Par ailleurs, l'auteur considère que l'écart chronologique entre les fondations de ces deux cités mégariennes de Sicile explique les différences visibles dans leur architecture et leur système de fortifications.

À la fin de son ouvrage, De Angelis s'interroge sur l'utilité de son travail pour les études sur la polis grecque. En ce sens, il insiste sur la diversité culturelle de la Sicile archaïque et sur l'hétérogénéité du corps civique des villes grecques de cette région, en soulignant qu'il ne convient plus de considérer « Sicily and other regions on the "periphery" of Greece as secondary to the study of the polis » (p. 206).

Qu'il nous soit permis, maintenant, de nous interroger sur certaines des opi- nions défendues dans cette œuvre, en émettant aussi quelques hypothèses personnelles.

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De Angelis accepte l'opinion de Legón sur la division territoriale de la Mégaride par cinq kômai à l'époque archaïque6. Il souscrit aussi à l'hypothèse de Svenbro quant à la représentation de la division mégarienne par cinq kômai dans l'espace de Mégara Hyblaea (p. 47-49, 67). Selon Svenbro, le fait que les axes de l'organisation urbaine délimitent dans le quartier de l'agora cinq zones a soulevé l'hypothèse selon laquelle la division par cinq kômai de la Mégaride se trouve repro- duite dans le plan du quartier de l'agora de Mégara Hyblaea7. De Angelis reste fidèle à ce point de vue, puisqu'il écrit : « Accordingly, we may presume that all five villages of Megara had a hand in establishing the new settlement » (p. 49).

À notre avis, il est très probable que l'on a affaire à une induction erronée. D'abord, il convient de dire que l'hypothèse de la présence de cinq kômai à Mégare de Grèce se fonde sur une traduction fautive du texte de Plutarque (QG, XVII = Moralia 295 B). Plutarque ne dit nullement qu'il y ait une division territoriale de la Mégaride en cinq villages. En réalité, selon lui, les Mégariens, qui habitaient autrefois xaxà xcbpiaç, étaient divisés en cinq parties (s Iç 7iévxs piégr]) : les Héraïens, les Piraïens, les Mégariens, les Cynosouriens et les Tripodisciens8. Rien n'indique dans ce passage qu'il faille identifier les kômai avec les cinq mérè en question, ainsi que l'ont proposé la plupart des auteurs modernes qui ont examiné ce passage9. Il est fort possible, comme Mauro Moggi l'a déjà souligné, que plusieurs kômai aient appartenu à un méros10. Au surplus, au milieu du VIIIe siècle av. J.-C., Mégare Nisaea a une « expérience urbaine » limitée et la cohésion interne de la société n'est pas encore complètement réalisée11.

6 R.P. Legon, Megara. The Political History of a Greek City-State to 336 B.C., Ithaca- London, 1981, p. 47-48. 7 J. Svenbro, "À Mégara Hyblaea : le corps géomètre", Annales E.S.C. 37 (1982), p. 958-960. Cette possibilité a été acceptée par G. Vallet, F. Villard, P. Auberson, Mégara Hyblaea 3. Guide des fouilles. Introduction à l'histoire d'une cité coloniale d'Occident , Rome, 1983, p. 145-146 et n. 1, p. 146, mais les archéologues français ont contesté le fait que le plan de Svenbro ait été le même que le leur. À ce sujet, voir aussi : G. Vallet, "Topographie historique de Mégara Hyblaea et problèmes d'urbanisme colonial", MEFRA 95, 2 (1983), p. 643 ; P. Auberson, Kokalos 14-15 (1968-1969), p. 426-427. L'hypothèse de Svenbro est acceptée aussi par T. Fischer-Hansen, "The Earliest Town Planning of the Western Greek Colonies, with Special Regard to Sicily", dans M.H. Hansen (ed.), Introduction to an Inventory ofPoleis, Actes of the Copenhagen Polis Centre 3, Copenhagen, 1996, p. 345. 8 Un chapitre de ma thèse, qui porte sur la cité de Mégare et les établissements mégariens de Sicile, de la Propontide et du Pont-Euxin, concerne les subdivisions civiques mégariennes. Dans le cadre de ce chapitre, j'essaye de démontrer le manque d'historicité de ce passage fameux de Plutarque. 9 Sur la présence d'une division par kômai à Mégare, voir de même les critiques de N.F. Jones, Public Organization in Ancient Greece. A Documentary Study , Philadelphia, 1987, p. 95-96. 10 M. MOGGI, Sinecismi Interstatali Greci , Pisa, 1976, p. 30.

A. Muller, "De Nisée à Mégare. Les siècles de formation de la métropole méga- rienne", MEFRA 95, 2 (1983), p. 628 ; G. Vallet, "Topographie historique de Mégara Hyblaea et problèmes d'urbanisme colonial", MEFRA 95, 2 (1983), p. 646-647 ; cf. Cl.

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En ce qui concerne l'espace urbain de Mégara de Sicile, les dernières recherches archéologiques montrent qu'il existe probablement plus de cinq orienta- tions et qu'il n'existe pas cinq quartiers contigus à l'agora12. Par ailleurs, on ne sait pas encore très bien quel est, à l'époque des premiers colons, le rapport entre la zone d'habitat du plateau nord et celle du plateau sud de Mégara Hyblaea du point de vue de la répartition des terres13. Il est dangereux également d'appliquer des spéculations d'arithmétique sociale à une organisation urbaine qui ne s'est définitivement accomplie que deux ou trois générations après l'arrivée des premiers colons14.

Suivant De Angelis, les silos datant du VIIIe siècle av. J.-C. de Mégara Hyblaea attestent « the presence of individuals of a higher social class » (p. 67), et ils peuvent représenter ainsi « an élite element at Megara Hyblaia attempting to set up a grain trade network between Sicily and Megaris » (p. 51)15. À cet égard, nous croyons qu'il est bien difficile de prouver que les silos de Mégara Hyblaea - dont les dimensions sont variées, pouvant atteindre jusqu'à un diamètre de 1 m environ et une profondeur de 2,70 m - appartiennent aux aristocrates et non pas aux citoyens de condition sociale beaucoup plus modeste.

Au demeurant, l'hypothèse de l'exportation des céréales depuis Mégara Hyblaea vers la Mégare de Grèce est fragile. Nous ne comprenons ce qui, chez De Angelis, justifie un renvoi à l'ouvrage de Legon quant à la possibilité de l'importation des céréales par Mégare à l'époque classique (p. 202). En effet, après avoir analysé les possibilités économiques du territoire de Mégare, Legon note seulement : « It also suggests that Megara came to rely in some mesure on grain imports, though she was

Bérard, "Urbanisation à Mégara Nisaea et l'urbanisme à Mégara Hyblaea", MEFRA 95, 2 (1983), p. 634-640. 1 M. Gras, H. TrÉZINY et H. Broise, Mégara Hyblaea. 5, La ville archaïque : l'espace urbain d'une cité grecque de Sicile orientale , Rome, 2005, p. 556-557. Il est dommage que ce volume récent qui rassemble et réexamine toutes les données archéologiques de Mégara ait paru trop tard pour qu'il soit utilisé par De Angelis. 13 M. Gras, "Ricerche sul pianoro meridoniale di Megara Hyblaea", Kokalos 30-31 (1984-1985), p. 802, souligne que sur le plateau nord de Mégara Hyblaea le rapport entre l'organisation de l'habitat et une possible division par cinq kômai reste encore à démontrer.

14 R.R. Holloway, The Archaeology of Ancient Sicily , London/New York, 1991, p. 52 ; F. de Polignac, "L'installation des dieux et la genèse des cités en Grèce d'Occident, une question résolue ? Retour à Mégara Hyblaea", dans La colonisation grecque en Méditerranée Occidentale. Actes de la rencontre scientifique en hommage à Georges Vallet organisée par le Centre Jean-Bérard, l'École française de Rome, l'Istituto universitario orientale et l'Università degli studi di Napoli «Frederico II » ( Rome-Naples , 15-18 novembre 1995), Rome, 1999, p. 225. 15 Pour cette thèse, voir surtout : F. de Angelis, "Trade and Agriculture at Megara Hyblaea", OJA 21 (2002), p. 299-310. G. Vallet, F. Villard, P. Auberson, Mégara Hyblaea I. Le quartier de l'agora archaïque , avec la collaboration de M. Gras et H. Tréziny, Rome 1975, notent la présence des silos 38, 13, p. 101 ; 47, 6, p. 118, et 58, 18, p. 144, qui ont une terre de remplissage contenant des fragments céramiques du vili6 et du VIIe siècles. Il existe aussi deux silos du VIIe siècle, situés sur la place et la stoa qui borde l'agora au nord (les silos 41, 2-3, p. 110-111), qui ont probablement une fonction publique.

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always capable of producing the greater part of her supply »l6. À la vérité, au moins pour l'instant, les sources antiques ou les découvertes archéologiques ne confirment pas l'existence d'un commerce de céréales entre Mégare et ses colonies de Sicile ou de Pont-Euxin pour le VIIIe siècle ni pour les siècles suivants.

La théorie de l'appartenance initiale de la péninsule de Pérachora à Mégare Nisée et sa conquête ultérieure par Corinthe vient de Hammond17 (que De Angelis ne cite pas) et elle a été critiquée par Salmon18, ce qui n'apparaît pas à la lecture de la note 85 à la page 69. Plus récemment, cette théorie, que nous ne voulons pas discuter ici, a été complètement abandonnée par les chercheurs, en raison du fait que les sources archéologiques et littéraires soutiennent l'appartenance de la péninsule de Pérachora à Corinthe, bien plutôt qu'à Mégare19. Du point de vue géographique, cette péninsule est étroitement liée à Corinthe et non pas à Mégare20. Il est d'ailleurs sur- prenant que De Angelis n'insiste pas sur la question de la possession de Pérachora, puisque aussi bien Legon considère la perte de Pérachora comme la cause principale du départ des Mégariens vers l'Ouest21.

En ce qui concerne l'analyse des deux traditions concernant l'abandon de Mégara Hyblaea après sa prise par Gélon vers 483/2 av. J.-C. (p. 66-67), transmises par Hérodote (VII, 156, 1-2) et Polyen (I, 27, 3), nous croyons utile de signaler l'article de Bruno Sunseri (non cité par De Angelis). Celui-ci accorde en effet plus de crédit au texte de Polyen et il souligne que la politique de Gélon vis-à-vis des cités grecques de Sicile est inspirée par la volonté d'établir une médiation entre l'aristocratie et le démos afin que ce dernier accomplisse mieux son expansion militaire22.

L'opinion de Guarducci23 selon laquelle la dédicace à l'Hécate, trouvée dans le sanctuaire de la Malaphoros (SEG XIV, 594) appartient à un Arcadien de Géla, opi- nion gardée par De Angelis (p. 191), a été abandonné par les savants car elle se fondait sur une lecture erronée24.

16 R.P. Legon, op. cit. (n. 6), p. 24. N.G.L. Hammond, "The Heraeum at Pérachora and Corinthian Encroachment", ABSA

49 (1954), p. 93-102, notamment p. 62. 18 J. Salmon, "The Heraeum at Pérachora and the Early History of Corinth and Megara", ABSA 67 (1972), p. 159-204. 19 C.A. Morgan, "Corinthe, the Corinthian Gulf and Western Greece during the Eighth Century BC", BSA 83 (1988), p. 335 ; B. Menadier, The Sixth Century BC Temple and the Sanctuary and Cult of Hera Akraia, Pérachora , UMI Dissertation, Cincinnati, 1995, p. 125- 226 ; D. Novaro-Lefèvre, "Le culte d'Héra à Pérachora (vnie-vie s.) : essai de bilan", REG 113(2000), p. 55-56. 20 B. Menadier, op. cit. (n. 19), p. 145-146. 21 R.P. Legon, op. cit. (n. 6), p. 69-75. 22 G. Bruno Sunseri, "Aristocrazia e democrazia nella politica di Gelone", in OiXíaç Xocgív. Miscellanea di studi classici in onore di Eugenio Manni , tome I, Rome, 1980, p. 295- 308.

23 M. Guarducci, "Arcadi in Sicilia", PP 8(1 953), p. 209-2 1 1 . 24 Sur cette dédicace, voir les remarques de W.M. III Calder, "Further Notes on IG XIV 268 and Other Tufa Inscriptions from Selinous", GRBS 5 (1964), p. 120, et de L. Dubois (éd.),

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CHRONIQUE MÉGARIENNE 2 1 1

Une dernière remarque concerne l'influence de Sélinonte sur les sites élymes de Sicile. Comme Denis Knoepfler a bien voulu nous le signaler, il paraît tentant de supposer que la mention d'un hiéromnamon comme éponyme dans les décrets d'En- tella25 pourrait être due à l'influence de Sélinonte. Dans ce cas, l'apparition d'un hiéromnamon probablement en tant que magistrat éponyme à Ségeste sera aussi due à une influence sélinontine26. Il est vrai qu'on ne connaît pas encore le titre de l'épo- nymie en fonction à Sélinonte, mais il convient de rappeler que l' éponyme de Byzance, la grande colonie mégarienne de Propontide, était précisément le hiérom- namon , comme l'attestent Polybe27 ainsi qu'un grand nombre d'inscriptions28. Le hiéromnamon occupe la deuxième place dans la hiérarchie des magistrats d'une autre colonie mégarienne de Propontide, à savoir Chalcédoine29. Par ailleurs, à Mégare on rencontre le mnamon 30 et à Chersonèse Taurique apparaissent les symmnamones , donc un collège constitué de plusieurs mnamones 31 .

Les contacts entre Entella et Sélinonte sont aussi attestés par l'inscription en alphabet sélinontin découverte à Entella, qui mentionne peut-être des émigrés venus de Sélinonte dans cette cité32. Un autre lien entre Entella et Sélinonte est visible dans le culte des Eumênides attesté dans les deux cités. En ce sens, les décrets d'Entella citent le mois d'EupiBviôsioç33 et la loi sacrée de Sélinonte confirme le culte rendu par les Mégariens aux Eumênides et à Zeus Eòfievrjç34. Sélinonte joua de même un rôle important dans l'introduction de l'écriture dans l'aire élyme. À cause de l'influence de l'alphabet sélinontin, il existe une ressemblance entre les lettres des inscriptions

Inscriptions grecques dialectales de Sicile. Contribution à l'étude du vocabulaire colonial , Rome, 1989, no. 55, p. 62-63. 25 U. Fantasia, "Le instituzioni", dans Da un 'antica città di Sicilia. I decreti di Entella e Nakone , Pisa, 2001, p. 59-68. 26 IG XIV, 291; L. Dubois, op. cit. (n. 24), n° 216, p. 273-274 ; F. Cordano, "Le istituzioni delle città greche di Sicilia nelle fonti epigrafiche", in Sicilia Epigraphica. Atti del convegno (Erice, 15-18 Ottobre 1998), ASNP, serie IV, Quaderni 1 (1999), p. 155. 27 Polybe IV, 52, 4.

A. Lajtar (ed.), Die Inschriften von Byzantion, /. Die Inschriften , Bonn, 1980, 2 ; 19 ; 22 ; 30 ; 31-36 ; 37 ; 38 ; 39 ; 40 ; S 23. 29 R. Merkelbach, F.K. Dörner, S. Sahin (eds.), Die Inschriften von Kalchedon, Bonn, 1980, 4 ; 7 ; 42. 30 IG VII, 18. 31 B. LatyŠEV (ed.), Inscriptiones antiquae orae septentrionalis Ponti Euxini Graecae et Latinae , I2, St.-Pétersbourg, 1916 (rep. Hildesheim, 1965), 344 ; 349 ; 352 ; 353 ; Kr. Hanell, Megarische Studien , Lund, 1934, p. 154. 32 G. Nenci in M.G. Canzanella et al., "Entella. Relazione preliminare della campagna di scavo 1988", ASNP 20 (1990), p. 548, no. 2 ; SEG 40.786.

33 L. Dubois, op. cit. (n. 24), nos. 204, p. 254-256 ; 205, p. 256-257 ; 207, p. 262-264. 34 M.H. Jameson, D.R. Jordan, R.D. Kotansky, A lex sacra from Selinous {Greek, Roman, and Byzantine Monographs 11), Durham, 1993, colonne A, 1. 8 (Zeus EòfjLSvrjç) et 1. 9 (EufieviSeç) ; L. Dubois, "La nouvelle loi sacrée de Sélinonte", C&4/(2003), p. 113.

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Page 9: Chronique mégarienne À propos d'un livre récent portant sur les cités mégariennes de Sicile

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ségetines et sélinontines, et le bêta de Sélinonte, à la forme d'un nu inversé ( V' ), apparaît aussi à Ségeste35.

Il en ressort clairement ainsi que des échanges cultuels et institutionnels se sont produits entre Sélinonte et les cités élymes de Sicile. À cet égard, la relation entre Sélinonte, Entella et Ségeste pouvait être semblable à celle qui existait entre Byzance et Périnthe. De même que Périnthe, la colonie samienne de Propontide, reçut de Byzance le hiéromnamon comme magistrat éponyme36, Entella put tenir son éponymie de Sélinonte.

Assurément, ces quelques remarques ne remettent pas en question la valeur du livre publié par De Angelis, qui constitue sans aucun doute une étude très riche en informations sur l'histoire des deux colonies mégariennes de Sicile et qui se distingue aussi par sa méthode novatrice. Il reste à espérer que de futures découvertes archéo- logiques viendront confirmer - ou infirmer ! - certaines des opinions exprimées dans cet ouvrage, enrichir du même coup nos connaissances encore limitées sur l'histoire des villes grecques de Sicile à l'époque archaïque. Nous pensons, à titre d'exemple, à l'hypothèse selon laquelle l'espace libre se trouvant entre le quartier de l'acropole et celui situé au sud-ouest de Manuzza représente l'agora de Sélinonte (p. 133), hypo- thèse entièrement confirmée par les fouilles archéologiques menées par D. Mertens et ses collaborateurs37.

Universités de Neuchâtel et du Maine, Suisse Adrian Robu

35 Pour la mention de ce type de bêta par les graffites élymes, voir L. Agostiniani, Iscrizioni anelleniche di Sicilia. I. Le iscrizioni elime , Firenze, 1977, n° 289, p. 77, et n° 317, p. 85. À propos de l'influence de Sélinonte sur l'écriture élyme, et surtout sur l'écriture de Ségeste, L. Agostiniani, "L'epigrafia elima", in Sicilia Epigraphica. Atti del convegno (Erice, 15-18 Ottobre 1998), ASNP , serie IV, Quaderni , 1 (1999), p. 5, note « e decisivo, il fatto che Segesta usa, per l'occlusiva bilabiale sonora, un beta a N rovesciato che, in Sicilia, è solo di Selinunte (dove rappresenta, presumibilmente, un retaggio megarese) ».

36 L. Robert, Hellenica. Recueil d'épigraphie, de numismatique et d'antiquités grecques , vol. X, Paris, 1955, p. 19, n. 1 ; L.D. Loukopoulou, Contribution à l'histoire de la Thrace propontique durant la période archaïque , Athènes, 1989, p. 146-148 ; R.K. Sherk, "The Eponymous Officials of Greek Cities. IV", ZPE 93 (1992), no. 150, p. 240. 37 D. Mertens, "Die Agora von Selinunt. Neue Grebungsergebnisee zur Frühzeit der griechschen Kolonialstadt. Vorbericht mit Beiträgen von Christine Dehl-von Kaenel, Nicola Hoesch, Agnes Henning, Anke Seifert und Simone Vogt", MDAI(R) 1 10 (2003), p. 389-412.

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