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CHATEAU DE VAUX-LE-VICOMTE. DOCUMENTS SUR LO ARTISTES PEINTRES, SCULPTEURS, TAPISSIERS ET AUTRES, QUI ONT TRAVAILLE POUR LE SURINT'TNDANT FOUQUET, PAR M. EUGÈNE cnÉsv, r . At1 Membre iéSidanL le la Société impériale des Antiquaires de France. MELUN. Il. MICIIELIN, IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE. 1861. (J0LWTHÈQU. '- •-' Document I I II I Il lI 1111 II III II 0000005548248

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CHATEAU

DE VAUX-LE-VICOMTE.

DOCUMENTSSUR LO

ARTISTES PEINTRES, SCULPTEURS, TAPISSIERS ET AUTRES,

QUI ONT TRAVAILLE

POUR LE SURINT'TNDANT FOUQUET,

PAR M. EUGÈNE cnÉsv,

r. At1

Membre iéSidanL le la Société impériale des Antiquairesde France.

MELUN.

Il. MICIIELIN, IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE.

1861.

(J0LWTHÈQU.'-•-'

Document

I I II I Il lI 1111 II III II0000005548248

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CHATEAU DE VAUX-LE-VICOMTE.

DOCUMENTS

SUR LES ARTISTES PEINTRES ) SCULPTEURS, TAPISSIERS ET AUTRES

QUI ONT TRAVAILLÉ Air CI!ATEAU DE VAUX-LE-VICOIITE

POUR LE SURINTENDANT FOUQUET,

D'APRÈS 1.98 RRCI$T5 DLlflOIE DE MAI !CT.

Au lever de l'astre radieux qui personnifie Louis XIVapparut un météore dont le scandaleux éclat éblouit UII

instant la France. Pour ne pas être éclipsé par le surin-tendant Fouquet, le grand roi crut devoir flOUS donnerVersailles, et il fallut un Colbert pour rétablir les financesde l'Etat, ruinéespar les monstrueuses dilapidations deson prédécesseur. Tout le monde sait (lue, pour créerVaux, ce génie de la prodigalité démolit et rasa trois vil-lages (1), aplanit les montagnes, creusa des canaux et mit

contribution tous les arts de son temps; il eut à sa soldeles inspirations (le Molière et de La Fontaine; ce fut à luique les le Brun et les le Nôtre consacrèrent les prémicesde leurs immortels talents. Néanmoins on ne possédait au-tant dire pas de documents sur les artistesqui ont prêtéleur concours à la décoration de l'oeuvre de Levau; le

(1) Vaux-le-Vicomte, avec une église et un moulin, les ha-meaux de Jumeau et de Maison-Rouge.

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maître avait tout intérêt à dissimuler les millions qu'ilengouffrait dans l'enfantement de. ces merveilles. Deuxnotes saisies à Vaux ne le prouvent que trop; M. P. Clé-ment les a le premier publiées dans sa remarquable Eludesur Fou que

« Son Erninence ira mercredi coucher à Vaux ; faudracongédier les journaliers et massons du grand canal, ensorte qu'il y en ait peu; faut les employer pendant cctemps-là dans les fermes (1) et à Maiticy. »

« Le roy va dans huiet ou dix jours à Fontainebleau;faites oster tous les tesmoings (le terre partout et laissésaller les Hérissois (2) aux vendanges qui ont demandé d'yaller. s

Le coffret trouvé û Vaux lors du procès contenait troiscent vingt et une lettres de Fouquet, ou de ses commis etagents, « sur le fait des bâtiments et décorations (le lamaison de Vaux; » niais malheureusement les pièces ori-ginales ont été probablement détruites, et le procès-verbaldes commissaires n'analyse succinctement que neuf piècesau point (le vue de l'accusation. Aucun nom (l'artiste célè-bre n'est cité; on trouve seulement: 1 0 un ordre de Fou-quet àTalot (l'achever promptement la grande terrasse (3);

(I) M. P. Clément écrit par erreur les frumes; ce lieu m'é—tant inconnu , j 'ai vérifié sur le manuscrit original où j'ai tules fermes, évidemment Fouquet voulait désigner les fermesdes Granges, de Pouilly, de Maiupineieo, de Sivry et de Maison-Rouge. dont il a énuméré tes acquisitions au Procès. (lnlerro-galion XiV, P. 5 et 8).

() lléricv, canton du Châtelet, arrondissement de Melun.

(31 C'est ait pied de l'escalier conduisant à cette terrasse quel'on voit encore aujourd'hui les restes (l'une sculpture queMile de Scudéri, dans le boue X de la Clélie (p. 1 151), dit êtrede l'invention (te le Brun. C'est un lion plein de fierté, sous lagriffé duquel se réfugie un écureuil Poursuivi par une couleu-vre, tes aimes parlantes de Fouquet,et (le Colbert; car il y aencore certaines provinces où l'oui dit un fouquet pour un écu-reuil, et le nom latin de coluber n'a pas besoin de plus ampleexplication; c'était donc pour signifier la protection royale quele surintendant croyait avoir contre son rival, allégorie éphé-mère que la fortune devait bientôt transformer eu un monumentd'éternelle ironie, car la couleuvre étouffa l'écureuil et le lionn'en lit qu'une bouchée.

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-5-0 trois comptes de Pierre Gittaril (1), qui, en trois années,

a fourni 47,420 L 17 s. de charpenterie; 30 un ordre,donné le 13 mars 1660, de faire disparaître les terres etroches qui étaient en vue du côté (le la basse-cour (e).

Une particularité fort curieuse,qui était restée jusqu'iciignorée, nous a été révélée par M. Lacordaire dans saNotice sur les Gobelins (3), c'est que la royale manufactureest tille aussi des oeuvres féeriques de Fouquet, puisqu'ellea été fondée avec l'héritage dune manufacture de tapis-serie que le surintendant avait établie dans son domaine âMaincv. Là, sur les dessins de le Brun, on exécuta lesChasses de Méléagre et cinq pièces (le l'Histoire de Cons-tantin,' ces dernières, qui composaient ce qu'on appelait latroisième tenture, furent apportées et complétées aux Go-belins, et même, pour en dissimuler la provenance, onexécuta « cinq bordures qui furent rentraittes, quatrearmes du roi, huit couronnes et quatre soleils, qui furent

(1) Le charpentier du surintendant appartenait à une familleoriginaire de Blandy ; Son frère, Daniel Citiartl, qui y est né le14 mars 1615, est devenu nu eéièhre architecie, ainsi qu'on levoit dans vite intéressante notice publiée par M. Tailtandierdans les Archives de L'art français, IXe aimée, tue livraison,1859, p. 97. Nominé nuenulure de l'Académie de peiuulutre et desculpture à sa création, cet artiste est cité à Paris pour sa par-ticipation à la construction de l'église Saint-Sulpice et pour leportail de l'église Saiuum-Jacques-ulu-llaut- Pas. C'est sur sesdessins qu'ont été Construits l'hôtel de lu Force, rue Taranmue,l'hôtel de la Meilleraye, rue des Saluts Pères, et la maison dumusicien Luth, qu'on montre encore au COifl (le la rue Saiuite-Aune et de la rue des Petits-Chunups. Pierre Giitard , lus ailléde Daniel, suivit la même carrière que sou père; devenu ingé-nieur des bfutumuicnts du roi à Lille. il luit aussi reçu mueuuubre del'Académie uh'arcluiieot ure et nuulinué chevalier du Saint-Louis.Il lut mandé à Paris, en 1719, pour donner les dessins du por-tail méridional de Sailli -Sul iice. Oauiel Gut tard, union quadrisueulmaternel, possédait, à lilarudy, une maison de campagne et uneferme qui SO Sont conservées pués d'un siècle et demi dans sadescendance, alliée aux Guérin et aux Iloudet, avocats distin-gués du Parlement de Paris.

() Ce travail gigantesque n'était pas encore ternhiné le 19 aoûtsuivant, jour où eut lieu un éboulement de roches qui coûta lavie à un ouvrier limousin. (Actes mortuaires de Maincy.)

3) 3e édition, 1855, in-80 , P. 65.

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appli((uts (1) » probablement à la place de l'écureuil, dudouble phi et (le la devise ambitieuse de Fouquet, telsqu'on les retrouve sur les livres provenant de sa biblio-thèque (), sur les jetons frappés en soit et surles lambris tic son château.

Ce renseignement nous suggéra l'idée de compulser lesactes de l'état civil de la paroisse de Maincy. D'abord unpremier examen nous parut contredire la déposition dusurintendant, qui, dans ses interrogatoires, dit avoir faitcommencer les travaux (lés 1640, « y faisant faire (ltl(1uechose tous les ans. » Péreite, au bas d'une de ses gravures,prétend que les travaux fui-eut commencés en 1653, et ce-

(1) Mémoire de Mesrnyn, premier secrétaire des bàti w e ut t.s.(Arch . de l'empire, section domaniale.)

() Les bibliothèques publiques de Paris conservent beaucoupde livres avec les armes de lii famille Fouquet. Ils sont lOujoulSde reliure pleine et en veau fauve ; je n'en connais pas eut luta-requin ; niais aucun ne doit être considéré roinnie ayant lait par-lié (te la bibliothèque peson n elle du suri ritend a lut. En elFe t. siles armes sont frappées sur le plat et si le dos offre aussi lesarmes et le double phi entrelacé, oui y trouve cia niétiic tempsla marque des Jésuites, c'est-à-dire l'lllS dans une couronned'épines surmontée de trois dons. L'explication (le ce fait setrouve dans Piganiol ( y , 43), et beaucoup mieux dans teSejotirà Paris de M. dc Neinciiz, article de la bibliothèque du collégetics Jésuites ou de Louis-le-Grand (Leyde , 177 , I, tnI )

Monsieur Fouquet, ci-devant ministre d'Euat de France, a lé-gué une pension annuelle de 1,000 écus pour sa conservationet augmentation. Les livres qu'on achète pour cet argent Sontni-arquez au (les de deux phi grecs, qui doivent signifier tesLettres initiales du nom de François I"rruquet. Ainsi tes livres quiperlent à la fois les armes de Fouquet et la marque des Jésuitessont ceux achetés avec la rente donnée par le pète du surinten-dant et relues à ses armes pour en garder (e souvenir. Peut-être même les fers, une fois faits, ont-ils été employés indistine-tentent. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ont servi iouqtenups, car onConulait (les livres dut xviw siècle qui les portent. - J'ai SOUSles yeux un rare petit volume i Menroire ries uuuanuseripts de labibliothèque de Monsieur Fouquet qui se vendent à Paris chezl)envs Thierry, Frederic Leouiard, Jean Dupuis, rite Saint-Jacques, et Glande liarijin, au palais. MJIC.LXVII , in-1 de62 pages. Les 4!& premières sont occupées par le détail durecueil ou, pour mieux dire, tic la collection de M. de Loménie.Tons ont du reste trait à des matières historiques et surtout àl'histoire moderne de ta France. A. de M.

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pendant les registres de Maincy n signalent pas traced'ouvriers étrangers au jays avant 1657.

C'est le 8 février 465 1 qu'un gentilhomme du voisinage,M. ViUevessin (1), raconta â la reine qu'il avait compténeuf cents hommes travaillant aux ateliers de Vaux. Si l'onrapproche ce témoignage de la note écrite par Fouquet le21 novembre 1660, par laquelle il exigeait qu'on en doublâtle nombre, on n sujet (le croire qu'il y a eu une époque oùVaux occupait dix-huit cents ouvriers.

On sait pal' l'interrogatoire (le Fouquet que Watel etCourtois étaient les gens en qui il avait mis toute sa con-fiance; aussi leur protection était-elle fort recherchée âMaincy, où nous les voyons plusieurs fois priés pour desparrainages, ainsi que I11e et M"° Courtois.

« Noble homme » François Watel avait l'intendance (lela maison (le Vaux ; il se qualifiait seulement maître d'hôtelde Mgr le surintendant. Ce fut lui qui découvrit que Colbertétait venu en secret visiter les travaux, et (lés ce momentil se concerta avec Courtois et son maître pour qu'unevisite aussi importune ne pûtpas se renouveler; mais endépit (le leurs précautions l'affaire faisait grand bruit à lacour, car on rapporte que « Monsieur estant avec le roy àvisiter les hastiinents du Louvre, avant la disgrâce deM. Fouquet, le roy se plaignoit qu'il n'avoit point (l'argentpour la continuation de ce grand édifice ; sur quoi Monsieurrespondit galamment Sire, il faut que Votre Majesté sefasse surintendant des finances seulement un an, et elleaura de quoy liastir (2). »

Il a éte constaté que, pour sa dépense de maison, Fou-quet donnait à \Vatel quatre millions par an, la dépensepour les domestiques seulement s'élevant à 371,40] livres.lans le programme (le la tète de Vaux, la collation dresséepar WTatel fut évaluée à cent vingt mille livres, ce qui doitéquivaloir à près de trois fois la même somme de notremonnaie actuelle (3).

(1) Le procès, IV, 265, l'appelle Villeseriut.

(2) Porlrails de la cour, w série, t. VIII, t. 415, Archivescurieuses de Ciniber et Daujou.

(3) Je dois i la gracieuse libéralité de M. P. Viénot, anciennotaire à Melun, un manuscrit fort intéressant c'est le registredes revenus (le la vicomié de Melun et du domaine de Vaux

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Une lettre coin pro tneuante de Watel â Courtois prouvaqu'il trempait dans le projet de rébellion de son maître;aussi, lors (le son arrestation, Watel se pressa-t-il depasser en Anglelerre, où il demeura quelques années avantde revenir olfl'ir ses services au roi et de couronner sa find'une manière digne de ses débuts.

Quant â Benigne Courtois, il parait que le surintendantl'avait pris sans façon au roi, car on le trouve sur les re-gistres de Maincy portant encore, en 1658, le titre demaître d'hôtel ordinaire du roy, et, en 4659, il ne prendque celui (l'aide (le la maison de M g' le procureur général.8a femme se nommait Marie Coulant, En 1658, leur filleMarie eut pour compère, dans un baptême, GuillaumeMusnier (I), qualifié prévôt de Vaux-le-Vicomte et baillide la vicomté (le Melun, acquise par Fouquet. Ce fut cemême Musnier, conseiller (lu roi, président en l'électionde Melun, qui reçut dans cette ville le fameux chargementdes caisses et ballots contenant des statues et des monu-ments antiques () venant par terre (le Lyon, sans nom

réunis, tenu en 1658 et 1659 par G. Musnier, avec notes et re-commandations de la main même de Fouquet. Il est piquant dede pouvoir meure en regard des folles prodigalités du surin-tendant le chiffre réel de ses ressources personnelles. Un dé-pouillement scrupuleux mii'a prouvé que ces revenus ne ilion-talent en total qu'à 48,501 livres 15 sols 6 deniers, auxquels ilfaut ajouter 67 muids 5 setiers (le blé, 50 cordes (le bois,54) minois de sel, nu porc gras estimé 18 livres, une demi-douzaine de chapons. une douzaine de poulets ci c un gtsteauau jour des Roys. , C'est le meunier des Prrz de Maincy quiavait le privilège de servir ce plat de sou métier sur la tablefastueuse de sou seigneur.

(1) G. Musnier mourut en juin 1675, âgé de cinquante-huitans. Il avait marié, le 20 novembre 1668, sa fille aînée, Arme, àFrançois-Paul Lefebvre des Boulleamix, conseiller du roi , pre-muier président du siége présidial de Melun; sa seconde fille,Marguerite, épousa, en 1678. Simon d'Alençon, écu yer, sieurde Moutarand, gentilhomme de lm la duchesse d'Orléans. Lesarmes de Musuier étaient de gueules à (l(ux jumelles ondéesd'argent et un poisson rmniirmé iminsmiier, d'or, brochant en palsurie tout. (Registres de l'état civil de Melun).

() Au nombre étaient deux sarcophages ég y ptiens, dont lavue inspira dc jolis vers à Lahiutairme. M lle de Seudéri nous ap-prend (l ue , ROUF tes loger dans les jardins de Vaux, Méléandre,

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de destinataire, mais qu'il pi-il soin de diriger clandestine-ment sur Vaux.

En face de toutes ces extravagances de la vanité, repo-sons-nous un instant sur un trait qui honore la générositéde \lgr le procureur généralles actes mortuaires deMaincy nous révèlent qu'il avait fondé un hôpital, appeléla Charité, pour recevoir le personnel de ses ateliers; dèsle 1 2 octobre 1060 il en est l'ait mention.

Les archives de ce modeste village nous donnent en ou-tre les noms de trois artistes peintres, de deux sculpteurset de dix-neuf tapissiers haut-lissiers; elles nous font faireconnaissance avec le maître fontainier et avec le jardinieren chef du surintendant.

1 e même qui a peint te cabinet de la généreuse Mélinilie, -éandre , l'homme noir, c'est-à-dire le Brun,lit hastir, enun petit coin de terre assez irrégulier, deux pyramides ô l'imi-tation de celles qui sont auprès de Memphis. ' Ces monuments,d'une haute antiquité, puisqu'ils remouleitl i la venu vie dnas-Lie, sont les premiers de ce genre qui aient été apportés enFrance. li parait que, dans sa disgrôee, Fouquet en lit don auxreligieuses de Longchamps. Plus tard, on ne trouva rien deiiiieux que de les enfouir dans l'ancien cimetière, niais nous nesavons ô quelle époque. Lors de la suppression (le l'abbaye. ô larévolution, ils auraient été. plutôt enlevés ou brisés qu'enfouis.Ne pourrait-on pas supposer, qu'après avoir été exposés dans lé-lise on aura trouvé que ces dépouilles funèbres et païennes n'y

etaient pas ô leur place, et (lire,, par un setitiment bizarre de leurenqualité funéraire , on les aura terrés pour les rendre à leur

première destination? Quoi qu'il en soit, c'est derrière le chevetde l'église abbatiale qu'en 184 le hasar,l les fit découvrir aunouveau propriétaire. M. tic Chatabre, en présence d'un archéo-logue parisien, M Bouijaidot, auquel je dois Ces curieux détails.C'est après avoir subi ces tristes vicissitudes, après avoir étéexposés quelque temps dans une maison de la rue du Dragon,que, grâce ô la générosité de M. de Chalabre, ces monumentssont venus, en 1t4, prendre un rang important (laits la collec-tion (lu musée du Louvre (nOs 5 et 7 de la section des sarco-phages, dans le livret de M. de itougé, 2 e édition, 185g). - Ilfaut rappeler aussi la Statue antique de l'Aulinous cii bronze,haute dc quatre pieds et demi, qui, des mains (lu fils de Fou-quet, passa dans celles du prince Eugêne cL du prince deLichtenstein, et ensuite dans celles (lu grand Frédéric, qui la 1hmettre ô Sans-Souci; on peut au reste eu voirplus au longl'histoire dans 1',Uecedario (le Manette, t. Il I- 5q-(iI.

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tr1I1es pelnlrc.

Le Brun parait n'être venu s'ttahlir s Mainc' avec safemme que dans les derniers mois (le l'année 1658, à l'é-poque où la manufacture (le tapisserie fut mise en acti-vite (1). Dans l'espace de trois ans, Mme le Brun (Suzanne

Porte de l'ancienne manufacture le tapisserie établie à Maincypar Fouquet et habitée par te célèbre peintre le Brun.

(I) L'installation de cette manufacture se fit dans un couventcri ruine que les Carmes de Melun avaient vendu au surinten-dant le 14 aoùt 1658, mo yennant 23 livres de rente et 5 ar-pents de terre en échange. Le procès-verbal d'expertise, dressépar Daniel Gittard, architecte et entrepreneur ordinaire desbâtiments du roi, et Pierre Cittard , maître charpentier, déjànominés, constate qu'il y avait une chapelle au milieu de lacour, trois portes cochères de graisserie (dont une existe en-core), un ancien t l)astiluent destiné à faire dortoir pour reli-gieux, ainsi qu'il appert par des ouvertures en forme d'arcadessous murs du pourtour d'iccluy bastiment. Toute la physio-nomie extérieure de cette construction n'a presque pas changédu côté du jardin, les arcades et les fenétres sont seulementbouchées, mais les lucarnes eut les mêmes fermetures despetits volets assemblés en point de Hongrie. Le 6novembre 1695,un fils du surintendant, Louis-Nicolas Fouquet, chevalier, comtede Vaux, vicomte de Mcluim et seigneur (te Maincy, a revendula grande maison appelée encore la Manu faclure û Noël Git-tard, naître charpentier à Melun. Cette maison, située au bas

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Butay) y fut cinq fois marraine : en 1658 avec M. Vaidor,résident de l'électeur, évêque deLiége (1); en 1659 avecWatel et avec M. Beaudra.in , peintre; enfin en 1661 M. etMmc le Brun tinrent sur les fonts de baptême, mais parfondés de procuration, le fils du sculpteur Legendre, quiétait né â Mainey.

Nous voyons aussi que, le 1 - octobre '1660, le Brun,qu'on qualifiait alors directeur (les peintures du château deaux, fit célébrer à Maincy un service pour ses deux

frères (), morts à Paris trois jours auparavant, le 27 sep-tembre.

C'est ici le lieu de rapporter un document piquant, quise rattache au séjour (le 'e Brun à Maincy, et que nousavons trouvé dans l'Epilaphier de fIle-de-Fronce (3) , àl'article de l'église Saint-Etienne de Maincy; la note estainsi Conçue : « On y voit sur le maître-autel un S. Es-tienne lapidé faict par feu Ni. le Brun. 1er peintre du roy,dont l'original est â N. D. (le Paris (4); et au-dessus du

du village, au coin de L'entrée du Petit-Parc, appartient aujour-d'hui en partie i M. Lero y, qui a eu l'obligeance de me com-muniquer les anciens titres où j'ai puisé ces renseignements.

(1) C'est Le Jean \'aldor dont il a été question dans le premiervolume des Àrchirrsde l'art francais; Documents, L. I, p. 224-250, et aussi t. III, p. 206-208.

(2) Nicolas le Urun, peintre de paysages, et Gabriel le Brun,peintre et graveur, étaient alors âgés, l'un de quarante-cinq311S, et l'autre de trente-cinq. On ignorait jusqu'ici la date deces (ICUX morts simultanées. Elles furent le résultat d'un crime;j'en ai retrouvé la preuve à la bibliothèque impériale, dans unecollection de portraits des fameux criminels. Au bas d'une eau-forte, exécutée avec pins de talent que n'en comportent d'or-dinaire les portraitures de cette Sorte, une main contemporainea écrit cette curieuse mention : Louis Lebrun, peintre, a estépendu pour avoir empoisonné La famille de M. CharLe Le Brunpremier peintre du roy. ' On n'a pas pu encore retrouver leprocès criminel aux archives de L'empire. G. le Brun a gravé,d'après un dessin de son frère Charles, une allégorie sur lemariage de M. et 51 rue Fouquet, dont tes armoiries sont couron-nées par le génie de l'Abondance et déposées sur un autel aupied duquel s'enlace une syrène, avec huit vers au bas.

(5) Mss de la BibI. impér., fonds du Saint-Esprit.(4) Peint pour les orfèvres de Paris en 1651, et gravé par Au-

dran Cf. Mémoires des Académiciens, 1, 15.

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premier autel à gauche dans la nef (1) est une Madelène,qui est, à cc qu'on dit, le vray portraiet de mad e Fouquet,f' (lu surintendant des finances , alors seigneur (le Vaux leVicomte. s C'est en vain que nous avons fait des rocher-ches dans le pays pour retrouver cette peinture, disparueen 1793 et regrettable à double titre, car jusqu'ici on neconnaît pas de portrait de « haute et puissante daineMarye ?dagdaleinc Janin de Castille () , » circonstanced'autant plus étonnanle que sa beauté a été chantée parla Fontaine et que tous les burins de l'époque se sontoccupés â portr;ure son mari.

On admire encore à Vaux trois belles pages (lu pinceaude le Brun: l'Apothéose d'Hercule, au plafond de l'ancienneantichambre de M me Fouquet (3); le Triomphe de la Fidé-lité, au plafond (le la 5011e de compagnie, et Morphéi', sousles traits d'une femme ravissante, au plafond du cabinetdu surintendant. C'est évidemment celui-ci que l'artiste avoulu glorifier (tans les cieux premières compositionsmontésur un chai', qu'entraînent (le fougueux coursiers,le demi-dieu entre (tans l'Olympe, guidé par la Sagesse etcouronné par l'immortalité; clans sa course rapide il écraseun serpent, toujours cette malicieuse allusion aux rivalitésdont nous avons parlé. Quant à la Fidélité, elle est r'epi'é-sentée sous les traits (l'une belle femme ayant umi épagneulendormi sur ses genoux; elle tient une clef (l'or, (lui sem-ble rappeler l'attribut des finances, et a pour cortège laPrudence, la Raison et la Force; Apollon la protège contreles attaques de l'Envie et des mauvaises Passions, en lé-cochant ses fléchies sur les monstres qui les personni-fient (4).

(I) L'ancienne chapelle seigneuriale.

() Acte (je baptême de la paroisse de Vaux-le-Vicomte, G20mai 1635. (Mairie de Maiimcy.)

(3) Aux deux extrémités de cette salle, des anges SOUtieflI]Cfltles animes de la famille Janin de Castille. - b'azur au chà-tCaiI sommé de trois tours d'or; pour devise : Surgit radicibusallis.

(4) Dans une note de l'Abecedario de Manette (article le Brun,111, • 94) j'indiquais mine lettre anonyme de trente et une

pages in-40 , relative à Vaux, et à propos de laquelle je pronon-çais te nom de Félibien comme celui de son auteur possible

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La rapide disgrâce (le Fouquet a privé les arts rl'iincpeinture capitale que te iJrrin devait exécuter au plafoiiddu dôme , dans le grand salon. Les ducs (le Praslin iu'ontassuré n'avoir jamais trouvé trace (lu plafond des Quatresaisons; Carte Avdran n'adonc pu graver ses quatrel)elles planches que d'après les cations ou une esquisse dumaître. Il existe deux états de ces gravures avec et sans ladédicace de le Brun â Louis XIV.

en remarquant que cette lettre n'était pas la seule, et que, SiFélibien ne les avait pas plus tard reluises dans ses ouvres , ilétait facile de comprendre qu'il eût, après la chute du ministre,laissé dans l'otahre les descriptions de ces magnificences quiavaient humilié Louis XIV. Depuis, j'en ai vit autre; ilreste à retrouver la première, (lui, d'après le commencementde la seconde, pourrait n'èirc qu'une revue générale (lu ch1eati.Dans la seconde (iii - 40 sans titre de vingt-sept pages), il entailleJe détail des peintures et décrit le plafond du Triomphe de laFidélité et tous les tableaux, accessoires et ornements qui l'ac-conipagnent et servent à la décoration de lit La troisié-nie lettre (in-40 sans titre de SI pages) est consacrée à décrire leplafond de l'Apolliéo.se d'Hercule et le portrait de M'° Fouquet,dont les cheveux étaient noirs (p. '27), et qui était peinte sousla figure (le la Beauté accompagnée (le Minerve, qui l'aide àretenir l'Amour dans les lieus de l'Hyménée. Il devieut de pluscertain que ces lettres sont de Félihien, faisant partie d'unvolume exclusivement composé (l'éditions séparées et originalesde différents opuscules de Félibicu, même le dernier, Lettred'un gentilhomme de province à une dame de qualité, sur leSujet de la contéte (Paris, Michallti, t68 P, (lui porie a la mainpar monsieur Félihien. Ce volume appartient à M. Duplessis,qui l'a acquis à la vente de M. Boisselier. Si l'oit retrouvait lapremière lettre, m aurait le tout, car la troisième se Lerimiinepar le mot fin, qui n'est pas à la seconde, et alors il coiivieu-drait de les réimprimer, à cause du curieux détail mie toutesles intentions du peintre. Jajouterai que dans la Chue il estfait allusion à cet ouvrage de Félibieu dans les ternies les puisélogieux (Cf. X, p. 111 ) - - Enfin, sur la question des portraitsde Mme Fouquet, je rappellerai ce passage de Guillet (le Siiit-Georges, dans sa Vie de Michel itnqu.ier: Il fit pour lecabinet de l'orangerie, à Saint-Mandé, une Charité qui, serrantentre ses bras un enfant endormi, en a un autre à ses pieds etdeux qui eu sont tout proches, pour représenter madameFouquet et ses enfants et marquer la tendresse et l'union quirégnoient dans cette famille. (Mémoires ine'4ils des Académi-ciens, t. I, p. 441.) A. mie M.

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Enfin « M. Bnu!rain (1) , Me peintre à Paris, et s ho-norable homme Philippe Lallentent ( a), maistre peintre, »ont fait acte de présence â Mainey, l'un en 1658, et l'autreen 1661; ils ont donc dû concourir â la décoration duchâteau.

Sculpteur.

Parmi les créanciers opposants qui figurent au procès deFouquet (3), il y avait déjà à noter un sculpteur, MichelMagnan; il faut ajouter à ce nom celui de Nicolas Legen-dre, maître sculpteur (4), qui eut un fils t Maiiicy, nomméCharles par M. et Mre te Brnn, et celui de Nicolas Lemort,Breton et sculpteur de vacation, qui mourut à Vaux quatrejours avant la fameuse fêle; il ne (levait guère être em-ployé que pour sculpter les ornements et l'architecture,car le mot de sculpteur (le vacation tic se peut entendreque dans le sens de payé à la journée.

Architecte.

Après Levau, dont l'oeuvre s'est conservée intacte, nousn'avons trouvé â enregistrer que le nom d'Antoine Berge-rûn, « juré (les massonneries du roy, » qui travaillait âVaux en 1660.

(1) On a déjà vu ce nom; ne serait-ce pas celui de Beaubrun,écorché par l'inattention de celui qui tenait le registre ?

(2) 11 ne faut pas confondre ce peintre avec le Lallernant deLorraine, qui fut le second niaitre du Poussin, et qui s'appelaitCeorges ; le premier tableau du Mai , donné par les orfèvres àNotre-Darne de Paris eu 1630, était de sa main. PhilippeLallemand était de Reims; il fut reçu de l'Académie le 11 juin1672, et mourut à quatre-vingts ans, le 22 iuiars 1716. (Archives,Documents, I, 367.) Il était peintre de paysages, et Von saitleur rôle dans la décoration des galeries ; il suffit d'en citer pourexemple la galerie de Ronianelli, au palais Mazarin, et celle del'hôtel Lambert.

(3) Tome IV, in-18 (Paris, la veuve Cramoisy. 1601), p. 186.14) Il était né à Elaunpes; il est mort à cinquante-deux ans,

en 1671, et fut enterré dans l'église Saint-Nicolas-du-Chardon-net. (Cf. Florent, le Comte, édit. de Paris, t. lIE, p. 157-158, et laliste des académiciens, Documents, 1, 365, et celle des morceauxde réception, Il. 576.)

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Graveur en médzilhIv.

Le surintendant avait aussi â son service, en qualité depremier secrétaire, un très-habile graveur en médailles,nommé Bertinetti. Le cabinet des médailles, à la biblio-thèque impériale, possède trois magnifiques médaillons (lecet artiste, qui a francisé son nom en tes signant: Berlin et.Ce sont (les représentations (le Louis XIV, portant pourlégendes (les éloges emphatiques. Comme jusqu'ici on n'a-vait pu recueillir aucun renseignement sur un médaillisteaussi distingué, nous donnerons quelques détails sur savie, qui fut des plus romanesques; elle a été publiée parun avocat de ses amis, mais dans un petit livre très-in-connu, l'Heureux chanoine de Borne, nouvelle galante, oula Résurrection prédestinée, N" C. M. E). R., avocat en lacour (1O7, in-1 2 de 194 pages), rare et curieux volume,dont nous (levons la communication â l'obligeance de notrehonorable confrère M. Taillandier, et où, d'après le titre,on ne se serait guère avisé d'aller chercher la vie (l'unartiste. Sans les médailles que nous signalons, le livre n'é-tait qu'un roman; sans le livre , l'une tics médailles étaitincompréhensible; ainsi les deux choses non-seulement secomplètent l'une par l'autre, mais se donnent réciproque-ment une authenticité qui leur manquerait sans cela.

Bertinetti était né â Ostie, à quelques lieues de Home. Lanature l'avait doué (l'une très-belle voix; aussi, (lès l'âge(le dix ans, fut-il reçu enfant de choeur à Sainte-Marie-Majeure, et â vingt ans il y obtenait un canonicat; mais ildevint si passionnément épris de la fille d'un célèbre avo-cat de Reine , nommé l3orromeï, qu'il quitta la soutane etse battit en (luel avec le chevalier Urbini , son rival , qu'ilfit plus tard assassiner par (les sicaires. Pour échapper auxpoursuites de la justice , Rertinelli sortit de Home déguiséen pèlerin, et alla, eu compagnie d'autres pèlerins , éaise, où l'ambassadeur de Franco , qui était l)ar'eIIl (leFouquet, lui fit accueil à cause de son grand talent musi-cal, car notre beau chanteur jouait en outre de plusieursinstruments avec une rare perfection. Amené en Francepar son protecteur, il eut occasion de s'entretenir avec lesurintendant, qui fut frappé de ses capacités et l'attachade suite â son service pour aller traiter des négociations àl'étranger. Il était â Cologne lorsque la belle Antonia Bot'-romeï, que ses parents tenaient enfermée dans un couvent,

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apprit la nouvelle fortune tic son amant; elle trouva moyende s'échapper de Home , munie d'un sac tic 12,000 pistolesqu'elle avait dérobé fi son père , et arriva ê Paris déguiséeen gentilhomme ; informée chez Fouquet de la nhission queremplissait Ber!fiieUi, elle repartit de suite pour Cologneoù elle le trouva fi son auberge. Sans plus attendre, ils semarièrent dans cette ville, et revinrent ensuite obtenir l'a-grèmnent du surintendant, qui lui-même devint éperdumentamoureux (le MilLe Bci'tinotti L'auteur tic la relation assureque c'était une des plus belles créatures qu'il y eût auinonde, niais que cette vertueuse épouse sut résister auxpuissantes séductions de Fouquet, qui ne tarda pas ê latraiter avec la plus grande estime, ainsi que son mari,devenu dépositaire de tous les secrets de son maître. Com-promis lors du procès, Bertinetli subit, ê la Conciergerie(lu Palais, une détention de huit années , pendant lesquel-les sa femme ne l'abandonna pas d'un instant. Le cabinetdes médailles possède même un joli médaillon en bronzede 0e64, acquis depuis peu, et représentant Fouquet encostume de surintendant, avec la calotte et la simarre.C'est clans sa prison que Ber!ine!ti l'a modelé (le souvenir,en datant et signant courageusement son oeuvre, témoi-gnage d'une fidélité (liii l'honore , un an après la condam-nation de son maître. Celui-ci , par conséquent, était déjàtransféré Pignerolles, et la légende porte néanmoinsNICOL.F'OVCQVET.Pii .CNAL.SYRINTENI) ,r. DES. FIN. ET .MINE.l)ESTAT, et fi l'exergue : JOEIITINET. IDÉE 1605. Lepauvl'e diable en était à sa huitième aunée de détentionlorsqu'il eut la pensée, plus fructueuse que la précédente,(le modeler un peut portrait du roi, « pas plus grand quel'ongle, » mais d'une ressemblance telle qu'il fit l'admira-tion (le la cour et valut au prisonnier sa liberté, ce qui ex-plique la reconnaissance enthousiaste de l'artiste et les lé-gendes si louangeuses dont il entourait les portraits deson royal bienfaiteur. Ces flatteries ne paraissent pas avoirdéplu au grand roi, car il lui aurait accordé graduellementjusqu'à douze mille livres de pension, tant sur sa tête quesur celle de son fils. Herlinetti a dù mourir à Rome, où ilalla se retirer dans la famille de sa femme, vers la fin desa carrière.

Est-ce aussi ê Bertinetti qu'il faut attribuer une dizaine(lejetons ou médailles frappées en l'honneur de FouquetcL de sa famille? Nous ne voyons pas de raisons de lecroire : la plupart sont purement héraldiques trois seule-

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- 17 -ment présentent une signification historique, qu'il est diffi-cile de rattacher exclusivement à la vie (lu surintendant.Ainsi deux de ces jetons portent au droit un châteausommé de trois tours , et sur celle du milieu un écureuilassis. La légende NIIIIL. ALTIYS. AMBI1' semble bienavoir été adoptée commue correctif â la devise ambitieuseQuo non ascendet que l'on a reprochée à Fouquet, et1)0 111' exprimer que son alliance avec Marie-Madeleine deCastille comblait tous ses désirs. Sur le revers (le l'un deces jetons sont représentées deux figures allégoriques laPaix ramenant par la main la Justice, avec cette inscrip-tion TANDEM.ECCE.TAN0EM, ce qui pourrait être uneallusion â l'entrée en charge du surintendant, en 1653,l'année où finit la guerre de la Fronde. Sur le revers d'unautre jeton on voit un baril rempli de pièces d'artifice enfeu avec la légende : NVNC.LVDICRA et la date de 1660 âl'exeigue. La grande fête donnée en l'honneur du roi, iiVaux, n'eut lieu qu'en 1661 ; celte devise ne pourrait doncs'appliquer qu'à une fête qui eut lieu le 3 mai 'I 660, âl'occasion du mariage de Gifles Fouquet, frère du surinten-dant et premier écuyer de la grande écurie du roi, avec MmmcAnne d'Aumnoiit, fille de César d'Aumont, chevalier des or-dres du roi, gouverneur de Touraine, les registres de Maincynous apprenant que la célébration de ce mariage se fit enla chapelle de Vaux-le-Vicomte. Mais ne serait-ce pas plu-tôt en mémoire des fêtes qui eurent lieu, la même année,pour le mariage de Louis XIV, et dont le surintendantndû être l'ordonnateur'? Nous sommes d'autant plus porté âaccepter cette dernière explication qu'il existe un troisièmejeton, aux armes et à la devise de Fouquet, représentant,ail revers , un arc de triomphe à trois portiques surmontéd'un trophée, avec la date de 1661 â l'exergue et cettelégende au pourtour : PACI.iETERN;EJC'l ISQVE.IIY-MENEIS, CC qui ne peut s'appliquer qu'au mariage deLouis XIV, qui, comme l'on sait, fut la conséquence de lapaix conclue avec l'Espagne et l'Empire. Le surintendantavait probablement la prétention d'avoir beaucoup travailléà la conclusion de ces traités.

Nous remarquerons aussi qu'il existe deux médailles por-tant les armes de France an droit, avec les mêmes reversque nous avons décrits : Tandem ecce landem et Paci r(er-nœ pactis que hyrneneis; la première paraît se rapporter àla paix des Pyrénées (1658); l'arc de triomphe figuré surla seconde représente celui qui fut élevé au faubourg

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Saint-Antoine (660), et sous lequel passa Louis XIV âl'occasion de son mariage. Fouquet ne s'est donc pas faitscrupule de s'arroger ces deux revers royaux.

Ma.iiifaeturc de tapisserie.

La présence des tapissiers haut-lissiers è Maincy est si-gnalée par les registres un mois après l'arrivée dc le Brun,qui, comme nous l'avons vu, s'était chargé tic fournir lescartons. A cri juger d'après des documents aussi laconi-cues et aussi incomplets, près de la moitié du personnelde la manufacture se composait d'artistes que Fouquetavait fait venir de Flandres; cependant le conducteur enchef de la tapisserie était un Français, Louis Blaoeard, quimourut dans la deuxième année de l'établissement, le13 août 1660; il obtint les honneurs (le la sépulture dansla nef de l'église (le Maincy, près du choeur. Reste â décou-vrir par qui il fut remplacé. Le premier acte où il soit faitmention d'un Lapisssier est du 44 décembre 1658, et ledernier (lu U avril 166e (1), d'où résulte la preuve quela manufacture a fonctionné au moins trois ans et troismois. Si l'on devait s'en rapporter aux calculs ordinaires(le la statistique, qui compte un décès par an sur quatre-vingt-dix-sept habitants, la constatation de dix décès detapissiers, répartis sur trois années et trois mois, porteraitapproximativement le nombre des artistes è deux cent qua-tre-vingt-dix. Pour cela il faut écarter toute supposition defléau épidémique; et au contraire, il y ri tout lieu de croireâ quelque invasion de ce genre (); car il est â remarquer(111e, dans les deux premières années, il n'y a eu que troisdécès de tapissiers, tandis que, dans le cours seul (le la der-nière année, il en est mort sept, dont quatre Flamands;ajoutez en outre sept enfants de tapissiers.

Voici la liste des dix-neuf tapissiers qui figurent dans les

(1) L'acquisition du terrain des Gobelins par Louis XIV estiruniédiaternent postérieure; elle est du 6 juin 466. (Lacor-daire, p. 58.)

() Pans les deux invasions du choléra, la commune de Main-cv a été une des plus maltraitées du département de Seine-et-Marne, et, depuis, la fièvre typhoïde y a fait plusieurs fois degrands ravages.

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- 19 -actes (le Maincy, avec les qualifications que leur donne lecuré de la paroisse et en suivant l'ordre chronologique

4658. - 1° MaUre Antoine Colpert ou Colpaert, Fla-mand, marié à Maincy avec Anne Fontaine, (le Brie-Comte-Robert,le 44 décembre 1658; ils eurent trois enfantsAntoine, Pzègre (?) et Guillaume, et perdirent successive-ment les deux aînés le 43 décembre 4660 et le 11 décem-bre 1661.

4658. - 2° Jean Bontemps, maître tapissier, décédé àMaincv le 17 avril 1661.

4658. - 30 Nicolas Beaufaiet, tapissier.1659. - 4° Jacques Cordier, Flamand (le nation, natif

de Hachemander, évêché de Gant!, décédé le 20 octo-bre 1659.

1660. - 50 Honorable homme Gille Boutredol, tapis-sier, eut pour femme Christine Boffremont, décédée àMaincy le 27 mars 1660, et pour fils Pierre Boutredol,baptisé à Maincy le 19 janvier 1660.

1660. - 60 Honorable homme Pierre Bresnu, tapis-sier.

4660, - 1° Honorable homme maistre Louis Bkxmard,tapissier et conducteur de la tapisserie de M g, Fouquet,procureur général, décédé à Mamcy le 13 août 4660.

1660. - 80 Jean Zègre (4), tapissier, natif d'Enghien,en Flandre, décédé à la Charité de Maincy, le 16 novem-bre 4660.

1661. - 9° Josse Boulanger, natif de Voemon, enFlandre, tapissier, décédé â la Charité de Maincy le 5 jan-vier 1661, saprè avoir abjuré la religion protestante.

1661. - 40° Nicolas Bambauli, tapissier, décédé le 31mai 1661.

4661. - 11° François de Bussg, tapissier, décédé le31 mai 1661.

1661. - 420 Jean VieviUe, Flamand, tapissier, décédédans la Charité de Maincy le 21 juillet 1661.

1661. - 43° honorable homme Guillaume Lenfant,maître tapissier, qui perdit à Maincy deux filles Margue-rite, décédée le 26 juillet 1661, et Marie-Isabelle, morte le4 septembre 1661.

(I) Ne serait-ce pas le nom de Seghers ou Zeghers, et le nomde Pzègre, qu'on a vu plus haut, ne serait-il pas encore uneforme encore plus écorchée?

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- -1661. - 440 Glande Lefebvre, dit S. Claude, tapissier,

qui perdit sa fille Marguerite le 42 août 1601.1661. - 15 1, Pierre Ifermand, tapissier, dont les deux

filles, Marguerite et Loth, moururent â quelques joursde distance, le 31 août et le 14 septembre 4601, et furentinhumées dans l'église.

1661. - 160 Maître Lourdet, tapissier, perdit aussi unefille le S octobre 1661 (1).

1661. - 17 0 Matthieu Bouche (2), natif de Bruxelles,tapissier, mourut â la Charité de Maincy le 28 novembre166 1.

1662. - 180 Maître Jean Perclas, tapissier, qui se ma-ria, le 13 février 1662, avec une fille de Maincy, PaquettePasse-sur-la-Rue.

1662. - 190 Jacob Troel, natif de Bruxelles, tapissier,décédé à Mairie .), le 24 avril 1662.

Enfin, un autre tapissier, Jean Pérart, est nommé dansle procès (tome IV, p 186) parmi les créanciers qui s'op-posèrent it la levée des scellés; mais ce n'est peut-êtrequ'un marchand.

Mai*rc menuisier.

Comme â cette époque la menuiserie des lambris exi-geait une décoration (lui rentre tout à fait dans le do-maine de l'art, n'oublions pas de mentionner Jacques Prou,menuisier du château, dont le fils, né en 1059, eut pourparrain et marraine Watel et Mifie le Bruit.

Fontainier.

Un (les employés qui est resté le plus longtemps é Vaux,c'est le fontainier en chef, qui avait son logis spécial à

(1) 11 mourut avant 11685. (Cf. Lacordaire, p. '71, note 2.)Dès l67, le nom de Lourdet était déjà en réputation parmiles artistes tapissiers. Louis XIII avait mis i la tête de la sa-vonnerie Simon Lourdet et lui avait accordé des lettres dan-noblissement. En 168'7, la veuve Lourdet était encore à cettemanufacture. Vers la iiième époque, OU Voit figurer, aux Gobe-lins, Pierre et Jean Lefebvre, tapissiers baut-lissiers.

(2) Aux Gobelins, le tioni de Bouche ou Boiibouche est un so-briquet qui s'est conservé dans les ateliers. L'origine cii re-monterait-elle au tapissier de Fouquet ou à l'un des siens?

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- -gauche de la chapelle, Claude flobiliart, que nous rencon-trons dès 1659; il fut encore parrain en 1667, avec nia-daine Fonteny de la Tour, femme du receveur général deVaux. Sa charge exigeait évidemment une grande habiletédans l'art hydraulique, et son expérience devait l'avoirrendu l'homme indispensable , car on nepeut oublierque les eaux de Vaux-le-Vicomte pouvaient rivaliser aveccelles de Versailles. Grâce aux grandes planches de détailgravées par Israél Silvestre, j'ai pu évaluer à cent cin-quante au moins le nombre des jets d'eau qui jaillissaientdans les cours et les parterres du surintendant; ils étaientensuite distribués de manière â retomber en nappes dansplus de cent vasques, ou à être vomis par une infinité demascarons. C'est l& qu'on admirait la fontaine (le la Cou-ronn, les grandes elles petites cascades, le bassin (le Ga-lalée au milieu du canal, la grotte rustique, du dessin de leN6ire, et la Colonne, ou gerbe d'eau qui, derrière, couron-nait la terrasse en amphithéâtre. Quand le fils du maréchal(le Villars voulut mettre fin aux dépenses exorbitantesqu'exigeait l'entretien de ceseaux, il vendit pour 490,000 I.dc plomb en provenant.

Jardinier en chef.Nous citerons aussi AntoineTrumel, (lui était déjà jardinier

de 'Vaux en 1660; il avait épousé Françoise des Margotiers,soeur ou fille de Charles des Margotiers, concierge du châ-teau depuis 1658. Deux mois après l'arrestation de leurmaître, nous les voyons implorant déjà une nouvelle pro-tection et demandant pour parrain de leur enfant s noblegentilhomme Mathieu d'Angcville, exempt des gardes ducorps du roy, puis escuier, seigneur de Pressy Nostre-Dame(Aube), escuier du roy dans sa grande escurie, capitaineexempt des gardes, servant près la reyne mère, comman-dant pour Sa Majesté au château de Vaux-le-Vicomte. »Nous avons retrouvé le mémo officier occupant encore mi-litairement le château en 1665.

En ouvrant ces cahiers, dont les pages fatiguées et flé-tries semblent appartenir à (les livrets de blanchisseur plu-tôt qu'à des registres municipaux, nous ne nous attendionsguère â trouver, sous l'empreinte de pouces roturiers,des noms si aristocratiques et d'intéressants documents,

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rehaussés par 41e si précieux autographes; car, à côté (lesFouquet, figurent les Maupeou, les Béthune-Charost, lesCatelan, les Simiano; â côté (le la signature de Mmc leBrun vient celle de Watel; et si cc n'était pas sortir denotre sujet, nous pourrions faire succéder au luxe artisti-que du financier, le faste militaire (lu maréchal de Villars,escorté (l'un capitaine des gardes et d'un capitaine du châ-teau, ou se faisant représenter â l'église, lui par unécuyer, et Mmc la maréchale par une demoiselle d'honneur.Mais terminons par une remarque qui n'a pas encore étéfaite â l'occasion du procès de Fouquet : la plupart deshistoriens, séduits par les vices dorés du surintendant, ontmontré trop d'indulgence pour le crime (lui en était laconséquence inévitable. Un dilapidateur de la fortune pu-Pique méritait le sort d'Enguerrand de Marigny et de Jean(le Moritaigu, et c'était un devoir sacré pour le chef de lE-tat do veiller à ceque la marche de la justice ne fût pasentravée par cette foule de créatures que le coupable s'é-tait faites à prix (l'or. Le reproche fait à Louis XiV d'avoirmanqué (le générosité envers Fouquet nous semble doncinjuste, quand pas un de ses biens n'a été confisqué, quandpas un seul membre (le sa famille n'a été enveloppé danssa disgrâce. Il y a plus on n'a pas oublié qu'un des prin-cipaux chefs d'accusation coutre Fouquet était un plan (lerébellion trouvé écrit de sa main et suivi de l'acquisition dela forteresse de Belle-Isle faite en vue de ce complot. Fitbien! non-seulement Belle-Isle na pas été repris, mais iln été érigé en marquisat en faveur (lu petit-fils (le Fouquet,qui n'en a pas moins obtenu le bâton de maréchal deFrance. C'est par ce glorieux baptême que le nom (le Fou-quet n été effacé du front de sa postérité et que son sanga été régénéré. Aussi ne se doute-t-on pas qu'il existe en-core (le flOS jours un descendant du surintendant dans lapersonne de M. le comte de Belle-Isle, issu du maréchalpar la branche cadette, mais privé malheureusement d'unhéritier de son nom.

Eugène Giusv.

Pans ces registres, il n'y n, comme on voit, aucune tracedu grand nom de Pagel, ce qui d'ailleurs ne serait pas une

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preuve qu'il ne fût pas venu à Vaux. Pourtant, et quoi qu'ilen coùte, en s'en tenant aux données fournies par le pèreBougerel dans ses Mémoires pour servir d l'histoire deshommes illustres de Provence, - et il faut les accepter jus-qu'à ce qu'elles soient modifiées ou confirmées par les do-cuments trouvés à Marseille par M. Léon Lagrange, - ilsepourrait que Puqet n'ait point eu (l'ouvrages à Vaux.Voici ce qu'on trouve dans le P. Bougerel Puget restajusqu'au 12 mai 1660 au château (le Vaiidreuil en Nornian-die, pour lequel il avait lait deux statues tic pierre et lemodèle d'un bas-relief; ( M. Lepautre, architecte renommé,trouva ces ouvrages si beaux qu'il conseilla à M. Foucquet(Ceci n'indique-t-il pas que Lepautre n travaillé pour lesurintendant?) (Fein ploer uti si habile homme pour lesornements (le Vaux-le-Vicomte. Comme le marbre étaitalors extrêmement rare à Paris, ce fameux ministre envoyaPugel à Gênes pour choisit' autant (le blocs dc marbre qu'iljugerait 1 propos, et c'est lui qui le premier n rendu lemarbre si commun dans le i'ovaume. Tandis qu'il se prépa-rait à son voyage (le Gênes, le cardinal Mazarin lui envoyaplusieurs fois M. Coihej't pour l'engager â son service (ceciimplique un séjour à Paris pendant lequel Puget a pu visiterVaux pour voir ce qu'il y pourrait faire ) , mais il était tropattaché è M. Foucquet pour consentir aux désirs de cetteEminence, ce qui l'obligea à hâter son voyage. » A Mai'-seule, il lut les dessins de l'embellissement du cours« ce qui l'arrêta plus longtemps qu'il ne croyoit.....Il serendit ensuite à Gênes, et, dans le temps qu'il travailloit àfaire charger tic blocs de marbre trois bâtiments, il fit pourM. des Noyers l'Hercule gaulois. Cet ouvrage lui acquit unesi grande réputation que, la nouvelle de la disgrâce deM. Foucquet étant parvenue dans la ville, les plus noblesh'oublièrent rien pour l'arrêter et y réussirent. » C'est doncsurtout, sinon même uniquement, à Gênes que Puget a serviFouquet. A Vaux, les cariatides qui portent les signes tinzodiaque sous le couronnement tin dôme, sont, à ce queme dit M. Grésy, d'un grand goût, et les seize Termes quisoutiennent la grille d'honneur, et que surmontent lesbustes adossés d'Apollon et (le Minerve, de Mercure et ticFlore, d'hercule et (le Cérès, entremêlés de faunes et desatyres, ont, quoique ébauchés à la hâte et presque ina-chevés, de l'ampleur, de la fierté et de la fougue. Mais, sil'on réfléchit d'un côté que ces figures, étant de pierre,ont par là dû être exécutées sur place, et de l'autre que le

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- -Brun demeurait sur les lieux et avait la conduite généralede tous les travaux de décoration (1), il y a tout lieu decroire que, comme pour le lion dont parle M ile de Scuiléri,et comme plus tard pour les travaux de Versailles, c'est leBrun qui a donné aux sculpteurs les motifs (le leursfigures.

D'ailleurs, nous connaissons maintenant le nom d'autressculpteurs qui ont réellement travaillé â Vaux, et auxquelsil serait plus raisonnable de les attribuer, par exemple àThibaut Poissant, puisqu'on lit dans sa vie par Guillet deSaint-Georges () : il travailla aussi pour M. Fouquet etfit (le pierre (le Tonnerre, au château de Vaux-le-Vicomte,une Renommée couchée dans le fronton de la façade (lusalon du côté (lu parterre. Il y fit aussi les modèles de stucpour faire huit Termes de grès qui ont chacun huit piedsde hauteur. Quant à Legendre, le seul dont les registresde Maincy aient gardé la trace, il fut emmené à Vaux parle Brun, qui était son ami et qui l'employa â tous les orne-ments de stuc qui sont aux plafonds des appartements deVaux (3). Mais le sculpteur qui y avait le plus travaillé,c'est Michel Anguier : « En 1655, M. Fouquet employaM. Anguier pour toute la sculpture qui se voit dans la bellemaison de Saint-Mandé, et, après l'y avoir occupé pendanttrois années, il lui fit commencer, en 1658, plusieurs ou-vrages â Vaux-le-Vicomte, dont voici les Plus considéra-bles : trois figures vêtues à l'antique, chacune de six piedsde hauteur, représentant trois philosophes de l'antiquitédeux figures qui ont aussi chacune six pieds de hauteur,l'une représentant Apollon et l'autre Rhea; douze Termesqui figurent les douze dieux principaux; une figure de laClémence et une (le ta Justice, avec leurs hiéroglyphes, cha-cune de sept pieds et demi (i). »

Voilà donc trois sculpteurs au moins entre lesquels onaurait à choisir sans avoir besoin de recourir au Puget. liest pourtant singulier que, s'il a passé tant de temps à ré-unir des marbres pour Fouquet, - et l'envoi reçu par

(I) Cf. la vie de le Brun; Mémoires des académiciens, I, 9-1.() Mémoires des académiciens, I, p. 5t7.(3) Ibid., p. 411.4) ibid., p. 440.

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Guillaume Musnier à Melon avait peut-être été expédiéPar lui (1),— Puget n'ait rien sculpté pour celui qu'il con-sidérait comme un maître. Voilà sur ce point ce que jesupposerais. L'Apot/uose d'Hercule, de le Brun, était ladéification de Fouquet; hercule est partout dans les orne-ments de Vaux; au bout (lu jardin , et pour couronner lesgrottes et le gros jet d'eau, il y avait un Hercule colossal;on le devine dans la grande planche de Silvesire, et l'onpeut s'en assurer par cette phrase de la description de Val-terre dans la Clelie () s Et comme P OU F marquer quec'est la dernière pièce de ce grand et beau travail, on alais proche (le là une belle figure d'hercule qui se reposede tous ses labeurs, qu'on voit représentés en basse-taillesur le piédestal. s C'était la statue la plus en vue du parcet comme le couronnement de toutes les autres, de mêmeque dans le palais la montée d'Hercule au ciel était aussila plus importante des peintures. Pour Saint-Mandé, An-guier en avait fait aussi un (le six pieds (3). La sculptureet la peinture se réunissaient donc t l'envi pour personni-fier dans le héros fabuleux la fortune et le mérite du mi-nistre tout-puissant. Alors, pourquoi l'hercule gaulois, cetHercule ait auprès (les fleurs (te lis, ne serait-il pasune oeuvre faite par Puget pour le surintendant? Celui-citombé en disgrâce, M. des Noyers l'achète, et elle passepour lui avoir été destinée dès l'origine. Bien n'est plussimple, surtout quand on voit, non-seulement M. de Sei-gnelai, acheter à Anguier, pour sa maison de Sceaux, troisfigures (le pierre (le Vernon, hautes de dix â onze pieds,qui avaient été faites pour Vaux (4), niais Louis XIV hé-riter dit surintendant, en prenant après lui le Brun, le

(1) A propos de ce chargement « de ballots et caisses de i-gares de marbre i venus de Lyon par terre, la défense (Pro-cès, 1V, 266) met en marge : i Que M. le Tellier m'a donnéesgratuitement, provenant d'une démolition de quelque vieillemaison en ce tenips-l. i Le fait allégué peut et doit être vrai;mais n'y avait-il que cela?

(2) Clélie, t. X, 1660, 5 et dernière partie, liv. III, p. 1090-1142.

(5) Mémoires des académiciens, J, p. 441.(4) Ibid., p. 441, mite 2.

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- -Nôtre, Puget, et ne créer les Gobelins qu'avec les tapissiersde F'ouquet.; il n'y a rien (l'étonnant â ce que l'herculeeût pu être destiné â Fouquet; c'était un bien autre sei-gneur que M. (les No yers, et Dangu n'avait pas la préten-tion de rivaliser avec Vaux.

A. DE M.

(Extrait, avec additions, des Archives de l'artfrançais, 4 re série, tome fl, n0 du 15 no-vembre 1858.)