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Charente Libre LGV TOURS-BORDEAUX Le grand chantier de l’emploi S u p p l é m e n t a u j o u r n a l d u m e r c r e d i 1 0 s e p t e m b r e 2 0 1 4 Photo Phil Messelet C O M M U N I C A T I O N

Charente Libre LGV Tours-Bordeaux

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Le Grand Chantier de l'Emploi

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Page 1: Charente Libre LGV Tours-Bordeaux

Charente Libre

LGV TOURS-BORDEAUX

Le grand chantier de l’emploi

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LGV le chantier de l’emploi

Le gros œuvre du chantier de LGV Tours-Bordeaux touche à sa fin. C’est l’heure de la reconversion pour quelque 1 800 personnes recrutées tout le long de la ligne

Plus de 300 km de double voie à grande vitesse, pour un coût de 7,8 milliards d’euros.

Le titanesque chantier de la LGV Tours-Bordeaux a aussi été un ex-ceptionnel levier pour l’emploi sur les territoires que la ligne traverse. En charge de sa construction, Co-sea a recruté environ 1 800 per-sonnes, dont 500 intérimaires, dans les six départements concer-nés. Un recrutement effectué en lien étroit avec Pôle emploi, les services de l’Etat ainsi que les ré-gions et qui a été accompagné d’un vaste plan de formation (voir ci-dessous). Avec l’entrée du chan-tier dans sa phase ferroviaire, les tâches de ces conducteurs d’en-gins, coffreurs et autres foreurs arrive toutefois à sa fin. «Environ 300 personnes sont déjà sorties du projet, de Tours à Bordeaux. Entre septembre et dé-cembre, il y en aura environ 600», résume Erik Leleu, directeur des ressources humaines de Cosea. Chef d’orchestre d’un recrutement qui avait été préparé de longue date, il veille aujourd’hui à la re-conversion de ces salariés, embau-chés en Indre-et-Loire, Vienne, Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime et Gironde, sous le ré-gime du contrat à durée déter-

minée de chantier (CDIC) et qui retournent, progressivement sur le marché de l’emploi. Un redé-ploiement que Cosea prépare de-puis des mois avec ses partenaires publics et privés. Compte tenu des enjeux, il a été classé parmi les treize plateformes d’anticipation des mutations économiques (Mu-teco) prévues dans le pacte de compétitivité arrêté en 2013 par le gouvernement. Ce dispositif ren-force les moyens et les finance-ments déployés pour répondre au mieux aux besoins des TPE et PME locales en termes d’emploi. De nombreux réseaux «Les personnes sont qualifiées, el-les ont de l’expérience», souligne Erik Leleu. Reste que sur un mar-ché du travail atone, le défi est de taill: «Un poste, ça m’intéresse. On passe de une fois mille à mille fois un.» Internes au groupe Vinci, la mai-son mère de Cosea, ou externes, ses services ont donc tissé de nombreux réseaux. Une partie du redéploiement se fait ainsi «dans le périmètre du projet». En premier sur le ferroviaire. Opérations de terrassement et construction d’ouvrages d’art

achevées, la pose de rails va com-mencer octobre et va durer douze à quinze mois. Cosea s’est fixé pour objectif de former 400 de ses salariés répartis pour moitié sur sa plateforme de Villognon, en Charente, et pour l’autre sur celle de Nouâtre, en Indre-et-Loire. Piste d’avenir, estime Erik Leleu: «Dans le neuf ou la mo-dernisation, il y a du travail dans le ferroviaire. Pour peu que les

gens soient un peu mobiles, il y aura des possibilités de CDI.» Une dizaine d’autres salariés sont ap-pelés à travailler pour la signalisa-tion et les télécommunications. Hors périmètre LGV, les filiales Vinci Construction Franc, Vinci

Autoroutes et Eurovia ont, elles aussi, été mises dans la boucle et transmettent régulièrement leurs ouvertures de postes sur les terri-toires traversés par la LGV et les départements limitrophes. Un comité Muteco coordonne, sous l’égide de la Dirrecte (direc-tion régionale des entreprises, de la concurrence, de la consomma-tion, du travail et de l’emploi), le travail de comités départemen-taux où siègent notamment Pôle emploi et les réseaux consulaires, pour la recherche d’emplois. Un speed-dating de l’emploi est d’ores et déjà programmé d’ici la fin de l’année en Charente, département le plus concerné, avec la Vienne, par les reconversions. Groupement local d’employeurs pour l’industrie, organismes du bâtiment et employeurs du terri-toire, pour les métiers liés à l’agri-culture, les réseaux régionaux ont eux aussi été approchés et, pour beaucoup, attentifs à cette appro-che du marché du travail qui se veut au plus près des besoins des entreprises locales. Quitte à ex-plorer des solutions innovantes, comme l’emploi partagé. Erik Leleu s’en réjouit: «C’est ex-ceptionnel ce qui est en train de se passer et qui va réussir.»

1 800 recrutés, et après ?

Dans le neuf ou la modernisation, il y a du travail dans le ferroviaire. Pour peu que les gens soient un peu mobiles, il y aura des possibilités de CDI.

Cosea a recruté 800 personnes, dont 500 intérimaires, dans les six départements concernés par les travaux de la LGV. Photo Phil Messelet

Qui fait quoiL’Etat a confié la concession de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux à Lisea (ligne sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux), filiale du groupe Vinci. Cosea est la filiale de ce même groupe qui est e n charge de sa construction. Une troisième filiale, Mesea sera en charge de sa maintenance.

Un travail colossal de génie civil

Le chantier du tronçon Tours-Bordeaux de la LGV Sud Europe Atlantique restera dans les annales des travaux publics: «On a coulé en béton l’équivalent de trois centrales EPR. Les mètres cubes de terre déplacés représentent vingt-cinq pyramides de Khéops.»

De Tours à Bordeaux, environ mille personnes sont passées par les neuf plateformes de formation pour la conduite d’engins ou pour le génie civil, préalablement à leur recrutement, dans le cadre du dispositif de préparation opérationnelle à l’emploi.

Un important plan de formation

8 000 travailleurs mobilisés au plus fort du chantierAu plus fort du chantier, Cosea précise que plus de 8 000 personnes ont travaillé à la construction de la ligne. L’entreprise souligne qu’au 31 décembre 2013, «2,8 millions d’heures ont été réalisées par des personnes retournés à l’emploi.»

La méthode utilisée pour le re-classement des personnes re-crutées en contrat à durée in-

déterminée de chantier (CDIC) s’inscrit dans le droit fil de celle qui a été suivie pour les embau-ches. «Il faut bien mobiliser pour bien redéployer», résume Erik Leleu. Les recrutements pour les travaux qui ont débuté à l’été 2012 ont été préparés dès la fin de l’année 2010 en lien avec l’Etat, Pôle emploi, les collectivités au premier rang desquelles le conseil régional de Poitou-Charentes, territoire le plus concerné par le chantier: «Il faut constituer une équipe qui permette d’accéder à tout le sour-cing à partir du moment où l’on a

la volonté d’intégrer un maxi-mum de personnes du territoire. Il faut aussi associer les prescrip-teurs qui n’ont pas forcément l’ha-bitude de passer par Pôle Emploi, comme l’armée, les structures d’insertion par l’activité économi-que ou les entreprises d travail temporaire. Après, c’est une ques-tion de confiance.» Cosea s’était notamment engagé à réservé 10% du volume d’heure de travail à des personnes en si-tuation de retour à l’emploi. Ob-jectif dépassé: «On a complète-ment ouvert notre recrutement.» Des plateformes de formation ont été créées au plus près des bas-sins de recrutement et de la ligne: neuf en tout, de l’Indre-et-Loire à

la Gironde, dont cinq pour les conducteurs d’engins et quatre pour le génie civil: «La première raison d l’échec du retour à l’em-ploi, après la formation, c’est la mobilité.» Sur 1 300 personnes directement recrutées en CDIC, 1 000 ont ainsi été formées. Par-cours validé par de titres ou certi-ficats d’aptitudes. Ceux qui ont organisé ces embau-ches et ces formations sont les mêmes qui, aujourd’hui, tra-vaillent pour l’accès des personnes en fin de contrat à d’autres em-plois. Embauches, formations qualifiantes, accompagnement pour la création d’entreprise… L’objectif affiché est de faire du sur-mesure.

«Bien mobiliser pour bien redéployer»

Erik Leleu, DRH de Cosea. Photo B. C.

500 ouvrages d’art

Les 302 km de ligne à grande vitesse comportent 500 ouvrages d’art, dont 24 viaducs et 6 tranchées couvertes.

Repères

2 Charente Libre Mercredi 10 septembre 2014

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Ils étaient conducteurs d’engins, terrassiers, sur la trace de la LGV Ils étaient en fin de CDI chantier Ils viennent de sortir de l’école de la base de Villognon, reconvertis aux métiers du ferroviaire.

Jean-François BARRÉ [email protected]

Les ingénieurs de travaux publics et les «pousse-cailloux» ont déserté. Les Caterpillar ont disparu. Les stagiaires ont pris la place.

Les douze premiers d’une longue lignée (lire ci-contre) sont sortis, fin juillet, un peu plus affûtés de la première session de formation re-conversion des travailleurs de la trace. Ils ont passé sept semaines sur la base de Villognon, studieux comme des écoliers, derrière leurs pupitres. Des «pionniers» qui ont pour la plupart découvert l’univers des travaux publics avec le lance-ment du chantier, qui s’y sont trou-vés une seconde opportunité. Georges Guilloteau était commer-cial dans la pub à Angoulême, puis chômeur. Et à 57 ans, il a décou-vert le chantier. Conducteur d’en-gins. «Une drôle d’évolution et un métier qui m’a appris beaucoup de choses». Thierry Armand-Maligne, c’était l’hôtellerie. Dans tous les domai-nes. Et il a saisi l’opportunité du chantier LGV qui démarrait. Il est devenu «aide-topographe chez Razel-Bec à Sauzé-Vaussais». «J’ai planté beaucoup de piquets» et appris un nouveau métier à l’occa-sion.» Redéploiement Il avait une entreprise de coursier médical qu’il a revendue en 2010. et Éric Pognon, qui vit à Luxé, s’est retrouvé à faire la circulation puis à conduire des mini-pelles sur le chantier. Tous les autres, aussi, étaient conducteurs d’engins, inté-rimaires ou, pour la plupart, sous contrat avec Cosea ou ses sous-traitants. Ils sont désormais «agents du parc» sur la base. De-

puis un peu plus d’un mois, ils as-semblent, soudent, percent de la ferraille, préparent les supports de caténaires que la vague de techni-ciens formés à leur suite a com-mencé à poser sur la trace de la LGV. Ils ont quitté l’école fin juillet. Ils ont laissé la place sur les bancs de l’école de Cosea à ceux qui vien-dront apprendre à poser les rails. Et puis à ceux qui seront affectés à la sécurité des voies. C’est ce qu’Érik Leleu, le directeur des ressources humaines (DRH) de Vinci, appelle le «redéploie-ment» quand «sur un gros chan-

tier de ce type, on parle de démo-bilisation à la fin des contrats». C’est sa méthode et sa marque de fabrique revendiquée. Et c’est ce qui permet à 400 salariés en fin de CDI chantier de bénéficier d’une nouvelle formation, d’un nouveau contrat. «On fait la même chose sur le fer-roviaire que sur le terrassement, explique-t-il. On avait une com-mande pour 400 personnes pour les rails et les caténaires. Elles exis-

tent parmi celles qui ont fait le gé-nie civil et le terrassement. On s’est dit: formons-les. C’est un conti-nuum.» Deux cents à la base de Villognon Deux cents d’entre eux auront, au final, été formés sur la base tra-vaux de Villognon, autant sur la base jumelle de Nouâtre, en In-dre-et-Loire. C’est la particularité de cet énorme chantier. «En temps normal, concède Érik Leleu, sur les terrassements déjà, on aurait fait venir des intérimaires de toute

la France et on n’aurait pas ramené à l’entreprise des gens du secteur. Là encore, sur un projet classique, le génie civil aurait arrêté tout le monde.» Là, l’aventure continue pour une bonne partie d’entre eux. Et comme pour le recrutement ini-tial, Érik Leleu a fait appel à Pôle emploi. C’est aussi l’une des parti-cularités de ce chantier. «C’est no-tre interlocuteur unique, rappelle le DRH. C’est ce qui a permis de recruter un millier de salariés en

insertion ou en reconversion pour la première phase du chantier.» Peu de ces «locaux» connaissaient en fait le monde des travaux pu-blics qu’ils ont découvert, à l’image des premiers stagiaires. «De leur métier d’origine, qu’ils aient été artisan, maçon ou coif-feur, confirme Nicolas Moreau, le directeur territorial pour la Cha-rente, ils ont évolué vers un nou-veau métier de chantier. Puis vers un troisième métier, totalement différent. Il a fallu déterminer les profils, organiser les sélections, monter les dossiers de finance-ment.» D’autres chantiers Le parcours est balisé. «Les candi-dats ont tous été recrutés très tôt, bien avant le début des formations. On a défini les parcours de forma-tion et composé les équipes», sou-ligne Thierry Fayoux, le directeur de la formation et du recrutement chez Cosea. Dans cinq semaines, les premiers seront opérationnels sur les ateliers de la base. Les au-tres suivront sur les voies d’appro-visionnement de la base travaux puis le long de la trace. L’enjeu, c’est de leur apporter da-vantage que dix-huit mois de répit supplémentaire, à travers un nou-veau contrat de chantier. «C’est un nouveau métier.» Un bagage com-plémentaire. Ceux qui sont passés par le chantier et ont appris la con-duite d’engins savent qu’il y aura d’autres chantiers à terrasser ailleurs, des routes à construire plus tard. Ceux qui auront monté les caténaires de Tours-Bordeaux savent qu’il existe des chantiers à venir, comme l’électrification de la voie Niort-Saintes. Et d’autres contrats. C’est le pari d’Érik Leleu. «Dans les travaux publics, l’ascen-seur social fonctionne encore.»

Cinq semaines de formation. Les terrassiers équipent désormais les poteaux caténaires. Photos Phil Messelet

Sur le chantier, c’est presque la parité. «On essaie de composer des équipes mixtes», explique Sophie Bonnefoy, DRH sur la base de Villognon. Un salarié confirmé de l’entreprise et un «local». «L’idée, c’est avant tout de les faire progresser». Ils ont tous été recrutés selon le même processus pour la formation. Puis, à l’issue de leur semaine de stage, de «période d’application en entreprise», ils ont été embauchés par leurs nouveaux employeurs. Ainsi, les premiers agents du parc caténaires ont-ils signé leur contrat, un CDI chantier chez TSO Caténaires ou ETF. Depuis le 10 juin, près de 150 stagiaires ont été formés sur la base de Villognon. Les premiers ont commencé le 28 juillet à monter les poteaux caténaires sur le parc de Villognon. A la même date, les premières équipes de poseurs de rails sont entrées en formation. Après sept semaines de théorie et de pratique, ils vont commencer à dérouler la voie en direction du nord, jusqu’à la jonction avec leurs homologues de Nouâtre, avant de repiquer au sud. À la mi-août, les premières équipes de pose de poteaux caténaires ont à leur tour fait leur rentrée scolaire. Les dernières sessions débuteront ensuite le 15 décembre prochain. Elles seront constituées de poseurs de caténaires, cette fois en mode ferroviaire, puisque les rails seront eux aussi déjà posés.Il s’agira de dérouler et de régler les derniers câbles électriques, avant de livrer, en 2016, la voie aux essayeurs.

Des équipes mixtes

Leur nouvelle vie de chantier

Les monteurs ont tous connu une première vie de terrassiers sur le chantier avant de passer aux métiers du ferroviaire.

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Jean-François BARRÉ [email protected]

Pour Jérémy Garcia, c’est maintenant le grand saut. A 27 ans, le jeune homme de Saint-Yrieix vient de créer son entreprise de

maçonnerie paysagiste. Et sur ses futurs chantiers, les graviers ne de-vraient pas s’affaisser. Jérémy a ap-pris sur le chantier de la LGV. Son CDI de chantier arrivé à terme, il a décidé de monter sa propre entre-prise. Il avait un peu de bases, tout de même. «Un père entrepreneur dans le bâtiment, un CAP, un BP, maçon et tailleur de pierre». Le chantier de la LGV s’est présenté en opportunité. «J’ai fait une for-mation coffreur bancheur de deux mois.» Et il est entré chez Razel-Bec comme… compacteur. «J’ai passé mes Caces [ndlr: certificats d’aptitude à la conduite en sécu-rité], mes permis engin», et il s’est retrouvé à tasser des cailloux. «J’ai beaucoup appris», dit-il au-jourd’hui. Il a découvert «un monde à part», celui des TP, «qui ne correspondait plus à celui des copains de mon père, il y a vingt ans». Il a découvert les techniques de remblaiement, «des principes

que je ne connaissais pas. cela n’a vraiment plus rien à voir. Pas une goutte d’huile par terre».» Jérémy aurait pu continuer dans les TP. «Cela m’a apporté le sens des responsabilités, la confiance en soi. J’ai bien aimé, ce climat. c’est une bonne expérience». Et juste un regret, celui de «ne pas être passé par les bureaux d’études. Techni-

cien d’étude, ça, ça m’aurait bien plu». Mais Jérémy ne regrette pas d’avoir renoncé à la formation «prix du bâ-timent» qu’il s’apprêtait à intégrer si Razel-Bec ne lui avait pas ouvert ses portes sur «le plus gros chantier du moment». Le jeune homme conservera «le souvenir d’un beau chantier». Et il a décidé de tourner

Terrassier sur le chantier, devenu maçon paysagisteA 27 ans, Jérémy Garcia a quitté le chantier et son compacteur. Il a décidé de rester dans la partie. Il vient de créer son entreprise.

Gilles Jolivet aura eu de nombreuses vies. Tour à tour pâtissier pendant

quinze ans, puis responsable de magasins, chef d’exploitation logistique, coach thérapeutique et enfin chef magasinier sur le chantier LGV, la reconversion ne lui fait pas peur. Il a donc décidé, au sortir de son expérience ferroviaire, de créer son entreprise de service pour particuliers et professionnels en milieu rural et plus particulièrement dans un rayon de 60 à 70 km autour de Montendre, sa commune de résidence. Cette idée, il l’avait déjà avant de se lancer le défi LGV. Une très bonne expérience pour lui, même si «je savais que cela se terminerait rapidement», dit-il. Recruté en juillet 2012, il a quitté le chantier en février dernier. Après avoir peaufiné son idée d’entreprise il s’est lancé petit à petit. Il a notamment suivi une formation pour créer des sites internet via Pôle emploi. Ainsi, depuis quelques semaines, Tranquil Services a pris vie. Gilles Jolivet propose entre autres la garde d’animaux domestiques, l’intendance de maisons de vacances et de résidences principales lors de vacances ou enco re des petits travaux de bricolage. «Il n’y a pas de limites dans le service (…) Je ne sais pas tout ce dont ont besoin les gens alors je me rends disponible», poursuit-il. L’organisation d’un déménagement, la surveillance

d’une maison, le changement d’une boîte aux lettres ou encore débarrasser une cave de ses 500 bouteilles sont quelques exemples de prestations qu’il a acceptées. Et il entend poursuivre sa diversification sans pour autant marcher sur les plates bandes des professionnels à qui ils proposent d’ailleurs son expérience de cariste ponctuel. Pas concurrent des artisans «Je ne veux pas être un concurrent des artisans. Je ne vais pas casser les prix. Il y en a assez qui coulent, je pense qu’il y a du travail pour tous et je peux aider les artisans s’ils ont besoin», affirme Gilles Jolivet. Il se positionne donc sur du petit service. Pas question donc de lui faire construire sa maison ou un gros mur d’enceinte. «Il faut être conscient de ses compétences et de ses limites», dit l’auto-entrepreneur qui entend créer une véritable entreprise à l’avenir. Pour autant, il le sait, il a une concurrence importance. Celle du travail au noir. «C’est le jeu», relativise-t-il. D’autant que le service en milieu rural va souvent de pair avec le social. «Les gens, et notamment les personnes âgées, ont besoin de parler. Il faut leur accorder du temps», pense cet ancien coach. Ce qui ne devrait pas poser de problème à Gilles Jolivet qui dit aimer «être au service des gens».

Gilles JolivetDu service rural à la carte

Pour cet « autodidacte qui a soif d’apprendre », le service est « le métier idéal », estime Gilles Jolivet. Photo T. G.

Paysagiste, ouvrier ostréicole, conducteurs d’engins pour la LGV

(ligne à grande vitesse) et désormais poseur de rails. Du haut de ses 37 ans, Romain Duc est un touche à tout. Pourtant, il admet qu’il a tout de même été surpris lorsque son conseiller Pôle emploi lui a proposé de se positionner sur une formation de conducteurs d’engins pour intégrer le chantier de la LGV. «Agréablement surpris», sourit-il. «J’étais intéressé par l’idée de passer mon permis poids lourds», ajoute-t-il. Finalement il obtiendra des

«Caces» ou Certificats d’aptitude à la conduite en sécurité, sésames indispensables pour conduire des engins de chantier. C’est ainsi qu’au terme d’une formation de quatre mois et demi, il intègre le chantier en avril 2013 avant de le quitter en octobre de la même année. «Cela s’est très bien passé même si ce n’était pas assez long», explique Romain Duc. A tel point qu’il vient d’achever, il y a un mois, sa formation de poseur de voies, afin de retourner sur le chantier de la LGV.

Romain DucPaysagiste poseur de voies

Sur la rive de la Creuse, à la frontière de la Vienne et de l’Indre-et-Loire, Nicolas Fro-

ger, bientôt 50 ans, aligne ses certificats d’aptitude à la con-duite d’engins et de grues. Des titres dont il tire une légitime fierté et qui sont ses passeports pour l’emploi. Son premier Caces, Nicolas Fro-ger l’a passé lorsque Pôle emploi lui a proposé de se former pour travailler sur le chantier de la LGV. C’était en 2012. Comme il n’a été recruté par Cosea que sept mois plus tard, il a mis ce temps à profit pour effectuer une mission d’intérim dans un centre d’en-fouissement de déchets et passer un autre Caces. A la fin de ses neuf mois de travail sur le chantier de la LGV, sous contrat avec Cosea, Pôle emploi lui a également per-mis d’actualiser ses certificats d’aptitude à la conduite de grues. Le métier qu’il avait exercé pen-dant cinq ans, en Touraine. Nouvel élan ? Nicolas Froger l’es-père, avec la lucidité acquise au fil des nombreux métiers qu’il a exer-cés, de chauffeur-livreur à manu-tentionnaire et grutier, en passant par employé de dépôt de presse: «La LGV, ça m’a fait connaître pas mal de choses, comme la conduite

d’engins. C’était intéressant comme boulot. C’était tout nou-veau mais je me suis adapté. Ca me faisait pas mal de route mais je n’ai jamais manqué une journée.» Aujourd’hui encore, il veille à être toujours ponctuel: «Réveil 4 h pour embaucher à 6 h. Je n’aime pas être en retard.» Après la fin de son contrat avec Cosea, en décem-bre 2013, il a rapidement retrouvé du travail en intérim. Voici bientôt un semestre qu’il conduit des en-gins sur le site de compostage de SEDE Environnement, à Ingran-des-du-Touraine. «Je suis mobile j’ai la caravane» Ses contrats de mission sont re-nouvelés de mois en mois. Pre-mier pas vers un CDI ? Nicolas Froger pèse ses chances: «J’ai un copain qui a été deux ans intéri-maire et qui, maintenant, est em-bauché définitif». Sur un marché de l’emploi com-pliqué, il envisage toutes les éven-tualités: «Je suis mobile. Si je n’avais pas eu ce travail, à SEDE, j’aurai postulé pour le chantier de Center Parcs, à Loudun. 50 km, ce n’est pas loin. Je peux même aller plus loin. J’ai la caravane.»

Permis de rebondir en pocheNicolas Froger a multiplié l’obtention de certificats d’aptitude à la conduite d’engins grâce aux travaux de la LGV. Autant de passeports pour l’emploi

Nicolas Froger a passé 9 mois sur le chantier de la LGV. Photo DR

À Saint-Yrieix, Jérémy Garcia est passé du CDI de chantier à sa petite entreprise. Photo Phil Messelet.

LGV le chantier de l’emploi6 Charente Libre Mercredi 10 septembre 2014

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Cela m’a apporté le sens des responsabilités, la confiance en soi. J’ai bien aimé, ce climat.

”A l’heure où la croissance marque le pas, les outils d’emploi partagé et de parcours individualisés créés par les industriels de Poitou-Charentes entrent dans le dispositif mis en place pour la reconversion des salariés du chantier de la LGV. D‘un côté des besoins de compétences. De l’autre un contexte économique tendu peu favorable aux embauches. Le constat ne date pas d’hier, dans l’industrie. A la fin des années quatre-vingt-dix, il a conduit les industriels picto-charentais de l’agroalimentaire à créer un groupement d’employeurs, le GLE, dont l’activité s’est progressivement étendue à d’autres métiers. Implanté à Châtellerault et, depuis 2005, à La Rochelle, le GLE fédère aujourd’hui plus de 130 entreprises, dans 21 secteurs. Des ingénieurs aux agents de production en passant par les métiers supports, il emploie 146 équivalents temps plein. Huit sur dix sont en CDI et travaillent en moyenne chaque année pour deux à cinq entreprises. Cette palette de services s’est plus récemment élargie à la formation. La démarche a été la même. Constatant qu’ils avaient du mal à trouver ou faire venir en Poitou-Charentes les compétences dont ils avaient besoin, les industriels de la métallurgie ont décidé de répondre à cette demande en organisant des parcours individuels de formation en alternance adaptés aux profils

recherchés par leurs adhérents. Du sur mesure qui s’est concrétisé par une vingtaine de contrats, dans la Vienne, en 2013. La démarche est désormais élargie à la Charente-Maritime et aux Deux-Sèvres. Complémentaires, le groupement local d’employeurs et le groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification sont aujourd’hui unis sous une même bannière, la marque employeurs Solutions Compétences. «On est devenu une passerelle», résume son directeur, Thierry Chevallereau. Sous sa houlette, Solutions Compétences s’est vite intéressé au dispositif mis en place par Cosea et Pôle emploi pour le reclassement des salariés employés sur le chantier de la LGV Tours-Bordeaux: «Ils formalisent ce que nous faisons depuis quinze ans.» Solutions Compétences a donc décidé de diffuser à Pôle emploi toutes les offres qui lui parviennent: «Jusqu’à cinq par mois». Elle programme aussi à la rentrée des informations collectives à l’attention des salariés en fin de contrat: «Il y a des compétences diverses, au sein de Cosea. Ce sont des personnes qui ont des capacités d’adaptation. Aux gens de se positionner.» A la charnière de juillet et d’août, le groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification avait déjà enregistré vingt-trois offres, pour des recrutements à effectuer entre septembre et décembre.

La piste de l’emploi partagé

Chef de file des recrutements en 2011, Pôle Emploi Poitou-Charentes se retrouve également en première ligne, pour le reclassement des salariés dont les CDI de chantier s’achèvent ou vont s’achever. «Au 19 août, nous avons déjà accompagné 236 personnes. Octobre va être une période extrêmement importante», précise Gwenaël Prouteau, directeur régional de l’agence en Poitou-Charentes. L’accompagnement des conducteurs d’engins et autres terrassiers, dont les contrats avec Cosea arrivent à échéance, s’inscrit dans la continuité d’un partenariat public-privé original et que beaucoup considèrent comme exemplaire. L’implantation d’une antenne permanente de l’agence au siège de Cosea, à Poitiers, en est le symbole. «L’équipe LGV» animée par Patricia Carli, sous la houlette de Pascale Malé, a pris ses quartiers dans les locaux même de l’entreprise, près de l’aéroport de Poitiers, dès 2011. «Avec autant d’attention, autant de moyens, un dispositif de pilotage partagé et un guichet unique, c’est une première.» Vouée à évoluer au fil du chantier, l’équipe LGV de Pôle emploi compte aujourd’hui six conseillers qui travaillent ainsi au plus près du constructeur de la LGV et des problématiques d’emploi de long de la ligne. «Ils sont dédiés à 100 % à cette activité. Jusqu’en 2015, cette équipe sera solidement installée. Ensuite, au fur et à mesure de l’évolution des besoins, on ira decrescendo.» Pour l’heure, toute l’attention de Patricia Carli est mobilisée sur l’accompagnement des personnes qui sont en fin de contrat. Recherche d’un nouvel emploi dans le périmètre de la ligne ou à l’extérieur, formation, valorisation des acquis de l’expérience, aide à la création d’entreprise… l’objectif est que «tout le monde retrouve un travail ou une activité», souligne Gwenaël Prouteau. «Après le recrutement et

le suivi dans l’emploi, nous les accompagnons dans la recherche d’un nouvel emploi.» Approche retenue: les compétences. «Nous nous sommes rendus compte que beaucoup en ont acquis qui sont transférables. Il existe des niches d’emploi sur la conduite d’engins agricoles. Il y a des transferts possibles vers la conduite de bus… On peut transposer vers les métiers du bâtiment les savoir-faire développés lors des travaux de terrassement. S’il y a un problème de mobilité géographique, il faut penser à la mobilité professionnelle. Toutes les idées peuvent amener quelque chose d’extrêmement concret.» Dans cette perspective, le maître mot est de fédérer tous ceux qui, à un titre ou à un autre, peuvent faciliter la reconversion des salariés. «C’est essentiel pour que nous ayons la meilleure en relation possible.» S’ils sont uniques, comme l’est le chantier de la LGV Tours-Bordeaux, et difficilement transposables, le travail en réseau et l’approche partenariale développés par Pôle emploi ouvrent des voies d’avenir, pour Gwenaël Prouteau. «C’est un modèle pour nous. L’environnement économique est en pleine mouvance. Il faut que Pôle emploi soit en pleine mouvance.»

Pôle emploi à l’aiguillage

Patricia Carli et deux des membres de son équipe qui travaillent dans les locaux de COSEA. Photo NR

la page. «Désormais, je préfère créer ma propre entreprise». Il a amassé 50 000 euros pour démar-rer. Il va aménager, paysager, ter-rasser, clôturer, tailler la pierre s’il le faut et monter des murets avec une nouvelle expérience. Son premier chantier ne sera pas celui de la LGV, pas le chantier du siècle, mais ce sera le sien.

Neuf mois. Kevin Bichon, 26

ans, ne cache pas qu’il aurait volontiers travaillé plus longtemps pour Cosea. Un boulot qui consistait à conduire un tombereau de 35 tonnes: «Chargé, ça en faisait 80.» Entamé en mars 2013, ce contrat s’est achevé en décembre de la même année. Pour Kevin Bichon, c’était un nouveau métier. Contacté par Pôle emploi en 2012, il l’a appris au centre de formation à la conduite d’engins créé spécialement pour le chantier à Saint-Georges-les-Baillargeaux, aux portes de Poitiers. Deux mois après lesquels il a obtenu l’indispensable certificat d’aptitude pour se mettre au volant des tombereaux et autres compacteurs utilisés sur le chantier de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux. Puis il lui a fallu être patient: «J’ai attendu sept mois avant d’être appelé. Je commençais à m’inquiéter !» Il en a profité pour effectuer une mission de trois mois, comme livreur, en région parisienne. La LGV, il en a ensuite arpenté le chantier cinq jours sur sept au nord de Poitiers. Habitant aux Portes de la Haute-Vienne, il a longtemps fait 80 km chaque jour pour se rendre sur son lieu de travail: «Lever 4 h 30 pour être au travail à 6 h. Trajets inclus, ça faisait dix heures de conduite

par jour. Je me suis finalement arrangé avec un collègue. On a pris une colocation.» De retour sur le marché du travail peu avant Noël dernier, Kevin Bichon n’aura pas attendu longtemps pour s’orienter vers un nouveau métier. Comme il depuis longtemps tenté par le métier de plombier chauffagiste, Pôle emploi lui a permis de faire un stage chez un entrepreneur voisin. Conforté dans ses choix, il a entamé une formation dans un centre AFPA proche de son domicile. Cette formation s‘achèvera dans trois mois. En février 2014, Cosea lui a bien offert un nouveau contrat. Mais il n’a pas donné suite à cette proposition. «Si je n’avais pas fait ma formation, j’y serais allé. Je suis content de cette expérience sur le chantier de la LGV. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ce métier, même si c’est difficile. Mais plombier chauffagiste, c’est un métier d’avenir. On ne pourra pas le remplacer par la machine… J’envisage même de m’associer avec mon voisin.»

Kevin BichonConducteur d’engins et bientôt plombier

Kevin Bichon: «J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ce métier». Photo DR

Le chantier LGV aura eu le mérite de

lui mettre le pied à l’étrier. Pourtant Florian Georges ne garde pas le meilleur des souvenirs de l’organisation et des conditions de sécurité. Malgré cela, «je ne regrette pas d’avoir fait ce chantier», affirme ce jeune homme de 25 ans. Il y sera resté dix-neuf mois en tant que conducteur d’engins avant de partir le 24 mai dernier. Initialement formé à l’agriculture, il a pu bénéficier d’une formation de deux mois et demi avant d’intégrer le chantier. Depuis, il a décidé de rester dans le domaine des travaux publics. Seul, il a réussi à décrocher du travail en intérim. Il a notamment participé au nettoyage du canal de La Rochelle. «Un bon

chantier qui m’a montré d’autres horizons», commente-t-il. Il a de bons contacts avec trois entreprises qui lui proposent du travail en Charente-Maritime. Il projette de passer son «certificat d’aptitude à la conduite en sécurité pour pelle» et de peut-être créer sa micro-entreprise de conducteur d’engins.

Florian GeorgesDes projets dans le BTP

La formation était bien et j’ai beaucoup appris même s’il y a des différences entre la théorie et la pratique », selon Florian Georges. Photo T. G.

Nicolas Froger a multiplié l’obtention de certificats d’aptitude à la conduite d’engins grâce aux travaux

Nicolas Froger a passé 9 mois sur le chantier de la LGV. Photo DR

LGV le chantier de l’emploi 7Charente Libre Mercredi 10 septembre 2014

Page 8: Charente Libre LGV Tours-Bordeaux

Charente Libre PUBLICITÉ32 mercredi 10 septembre 2014