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CHAPTIRE IV LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT CONFRONTÉS AU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ INTRODUCTION En mettant en corrélation des grandeurs différentes qui doivent restées proportionnelles entre elles, la proportionnalité se rapporte à un concept d’ordre dans sa détermination numérique. Elle relève dans ce sens du quantifiable. En droit, par contre, la proportionnalité revêt des contours plus qualitatifs. Elle ne se borne pas à une simple corrélation entre deux objets. Elle rapporte cette corrélation à une finalité d’ordre non quantitatif 449 . La proportionnalité relève ici plus de la téléologie que de la logique. Au cours de ces dernières décennies, le principe de portionnalité est parvenu à s’imposer dans pratiquement tous les ordres juridiques (droits international, communautaire et nationaux), ainsi que dans toutes les matières juridiques (droit pénal, administratif, constitutionnel, ...). Le principe a trouvé droit de cité dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et occupe dans la hiérarchie des normes communautaires, la même place que les dispositions du traité. Il a reçu une consécration explicite dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et a également pénétré le contentieux objectif tant au niveau des cours constitutionnelles que des tribunaux administratifs ... Malgré cette "irrésistible ascension" 450 , le débat sur la nature même du principe de proportionnalité n’a pourtant La documentation Française : Essai sur la genèse des principes du droit de l’environnement : l’exemple du droit communautaire

CHAPTIRE IV LES PRINCIPES DU DROIT DE … · portionnalité est parvenu à s’imposer dans pratiquement tous les ordres juridiques (droits international, ... jurisprudentielles où

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CHAPTIRE IV

LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT CONFRONTÉS AU

PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ

INTRODUCTION

En mettant encorrélation desgrandeursdifférentes quidoivent restéesproportionnelles entre elles, la proportionnalité serapporte à unconcept d’ordredans sadétermination numérique.Elle relève dans ce sens duquantifiable. Endroit, par contre, laproportionnalité revêt descontoursplusqualitatifs.Elle ne se bornepas à une simplecorrélation entre deuxobjets.Elle rapportecettecorrélation à une finalité d’ordre non quantitatif449. Laproportionnalitérelève iciplus de latéléologie que de lalogique.

Au cours de cesdernières décennies, leprincipe deportionnalité estparvenu às’imposerdans pratiquementtous lesordres juridiques (droits international,communautaire etnationaux),ainsi que dans toutes lesmatières juridiques (droitpénal, administratif,constitutionnel,...). Le principe atrouvé droitde cité dans la jurisprudence de la Cour dejustice desCommunautés européennes et occupedans la hiérarchie desnormescommunautaires, la mêmeplace que lesdispositions dutraité. Il a reçu uneconsécration explicitedans la conventioneuropéenne de sauvegarde desdroits del’homme et des libertésfondamentales et aégalementpénétré lecontentieuxobjectif tantau niveau des coursconstitutionnelles que destribunauxadministratifs ...Malgré cette "irrésistible ascension"450, le débatsur la naturemême duprincipe deproportionnalité n’a pourtant

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jamais étévraiment clôturé. Principe dejustice sous-jacent audroit, véritable principe général dudroit, standardjuridique outechnique jurisprudentielle ducontrôle de la légalité desnormes,instrument de mesure ducaractère excessif del’intrusion d’unecompétencedans le domaineréservée à unautre pouvoir ?Principeméta-juridique se situant audessous des normes ounorme depondération àl’intérieur d’institutions juridiquesdéterminées ?Comme on l’aperçoit, les qualifications abondent et ne fontqu’alimenter les controverses sur lanatureexacte deceprincipe.

Le principe deproportionnalité seréclamefondamentalementd’unerègle supérieured’équilibre, d’une préoccupation d’harmonieentredifférents intérêts451. Il a pour objetd’arbitrer et detrancherles conflits qui peuvent surgir, à l’occasion de l’exerciced’unpouvoir déterminé, entre,d’une part, la poursuite del’objectif etd’autre part, d’autresintérêts généraux ou privésdignes deprotection.Ainsi autorise-il le contrôle desmoyensemployés parrapport au but poursuiviafin de ménager lemieux possible lesautresintérêts légitimes. Il conduit lejuge àinvalider l’acte qui,bien quelicite, s’avère excessif parrapport auxobjectifspoursuivis.Le principe condamne de la sortetoute forme d’abus oud’excès.

Si l’on peut se mettred’accord surl’essencemême duprincipe,il en va autrement des modalités de son application. Ces modalitéssont restéeslongtempsimprécises étant donné quenombre dejuridictions ont appliqué le principepresque naturellement sans enavoir vraiment pris conscience de son existence452. Certes,plusieursjuridictions onttenté de dégager des critèresd’applicationmais elles nesont paspour autant parvenues à les appliquer demanière systématique. Il reste néanmoins possible de systématiserà partir descritères énoncés par lajurisprudence ou sous-jacents àcelle-ci, lesmodalités essentielles ducontrôle deproportionnalité.Celui-ci recouvrirait plusieursexamens distincts, lesquelspourraientêtreregroupés endeux tempsdistincts.

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Tout d’abord, unpremier contrôle sesitue en amont de laprise dedécision. Il consistedansl’examen de l’adéquation de ladécision parrapport à sesmotifs. Un lien de causalitédoit eneffetpouvoir existerentre la situation defait et lanécessitéd’intervenir.Ce contrôle,parfois appelé "contrôle de lanécessité",restedans laplupart des ordresjuridiques relativement marginalétant donnéque les juridictions ne sanctionnent que leserreurs manifestesd’appréciation.

Ensuite, un secondcontrôle reposant sur unedoubleappréciationprend place en aval de la prise dedécision. Il s’agit,d’une part, de confronter ladécision à son résultat.La questionsuivante sepose.Est-il indispensable d’adopter lamesurepourparvenir à cerésultat ou ne serait-il pas possible d’yparvenir enadoptant uneautre mesure quiléseraitmoins lesintérêts affectés ?Le principe deproportionnalité implique que l’on mette ici enbalance desavantages et desinconvénients présentés parchacunedes mesures qui permettraientd’atteindre lerésultat envisagé etque l’on retienne celle dont les avantagessurpasse lesinconvénients. Ils’agit, d’autrepart, decohfronter ladécision à seseffets objectifs, c’est-à-dire à sesconséquences effectives sur u nréférentiel subjectifconsistantdans unintérêt privé oupublic 453.Le principe deproportionnalité requiert àce niveau-ci nonplus lamise en balance desavantages et desinconvénients de lamesureprojetée par rapport à des mesuresalternatives mais bien lamiseen balance del’objectif poursuivi avec lesintérêts destiers quiseraientaffectés par la décision.

Cette succession de tests - parfoisappliqués de manièrefortdésordonné -permetd’ajuster, de concilier, de faire coexister lesintérêtsdivergents.Le principe impliqueainsi un façonnagecontinud’exigencesantagonistes.Il ne peut doncjamais offrir dessolutionstoutesfaites.Ceux-ci focalisent les conflitsd’intérêts qui ne peuvent êtretranchés que par unsavant dosage.

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Aux yeux de nombreux commentateurs, leprincipe deproportionnalité aindiscutablement le mérite de permettre auxjuridictions d’abordersereinement dans uncadre deréférencejuridique communément admis reposant sur desélémentscontrôlables, les conflits récurentsentre lesintérêts généraux et lesintérêts privés 454. L’essor du principe de proportionnalités’explique aussi par l’importance croissanteoccupée par lesprincipesdans lescontentieux juridiques. Cetteévolution mériteune explication. L’on sait que lesprincipes présentent unecaractéristiquedont les autresrèglesjuridiques sontdépourvues, àsavoir leur poids respectif. Lorsque lejuge tranche un conflitopposant desrèglesconcurrentes, ilécarte celle qui nes’appliquepas à l’hypothèse qui lui estsoumise alors que lorsquecesont desprincipes qui entrent enconflit, il ne pourra plusaussifacilement lesécartercomme il estautorisé à le fairepour lesrègles. En effet, à ladifférence des règlescontraignantes, des principesdifférents sontsusceptibles en raison de leurgénéralité decouvrir une hypothèseidentique455. Le juge vadonc devoirfaçonner les règles en conflitvue de concilier,voire defaire coexisterdans la mesure dupossibleles principes antagonistes. Le recours au principe deproportionnalité lui facilitera la tâche456. De la sorte, laproportionnalité apparaît-ellecomme un principeméthodologiquepar excellence lié auraisonnement par principes,raisonnement quidomine deplus en plus lapensée juridiquecontemporaine.

Il devenait donc incontournable quenousexaminionsdans lecadre de notrerecherche, lesrapports -parfois étroits - que lesprincipes du droit del’environnemententretiennentavec leprincipede proportionnalité. Maisleurs relations sontpour le moinsambigues.

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A première vue, le principe de proportionnalité pourraitconstituer unobstacle à unemise en oeuvreefficace des règles d udroit de l’environnement quiheurte, enraison de soncaractèretransversal, de nombreuxintérêts généraux et privés. En effet,cedroit est confronté enpermanence à unekyrielle d’intérêtsdivergents et à des politiques publiques quirelèventtout autant del’intérêt général. Ainsi restreint-il, en raison de sesdifférentsmécanismes decontrainte, leslibertés économiques,condamne-t-ill’abusus dans lechef du propriétaire, accorde-t-ilplus granded’importance à la conservation des res communesqu’à la défensedes res propriae.Aussi, la résolution de ces conflits d’intérêtssuppose-t-ellel’examen du caractèreraisonnable ouexcessif de larègle deprotection de l’environnement àl’aune du principe deproportionnalité. Conçu pour sanctionnerl’excès, ceprincipepourrait dèslors fort bien ménager les différentsintérêtspublics etprivés au détriment d’une application stricte de la règleenvironnementale. De la sorte, la politique de l’environnement seretrouverait sacrifiée surl’autel de la protection desintérêtsgénéraux et privésauxquelselle s’opposerait. Il en résulterait dèslors que le principe deproportionnalité, enencadrant la mise enoeuvre du droit del’environnementdans deslimites établies par lanécessité de protéger les intérêts qui luisont antinomiques, agiraitcomme unstandard derégulation à la baisse.

Il est toutefois possible de voir les choses toutautrement, leprincipe deproportionnalité pouvantégalementvoler ausecoursdes intérêts environnementaux. L’on sait que cesintérêtsparticipent del’intérêt général et qu’ilsméritent par conséquent uneprotection tout aussisérieuse quecelle accordée àd’autrescatégories d’intérêts. De cefait, les atteintes qui leur seraientcausés nedevraient être admises que dans la mesure oùellesseraient dûment proportionnés. Aussi, les riverains des installationsclassées nedevraient-ils subir que les nuisances quisontindispensables à l’exploitation des installationsautorisées, lesespacesnaturelsprotégés nedevraient-ilsêtre sacrifiés que si lesatteintes sontjustifiées par une nécessitéimpérieuse etsontproportionnés à cettenécessité, l’eau etl’air ne devraient-ilsêtrepollués que d’une manière proportionnée àleur capacité auto-épuratrice.... En fin de compte, toutempiètementexagéré sur les

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intérêts environnementaux devraitêtre condamné au nom de laproportionnalité.

Ces deux mouvementsmanifestent le rôle ambigu quepeutrevêtir leprincipe deproportionnalité àl’égard de lapolitique del’environnement :tantôt, il viendra limiter sonessor au nom de laprotection desintérêts privés etpublics menacés, tantôt, il laprotégera contre lesvelléités desautrespolitiques.

L’on s’attacheradans cette troisième partie de l’étude àmettre enévidence le rôle que les différentsprincipes du droit del’environnementpeuventexercer sur la mise enoeuvre du principede proportionnalité.Nous examineronsdans unepremièresectiondifférentes décisions jurisprudentielles où le principe deproportionnalité a étéutilisé pour résoudre des conflitsopposantdes intérêtsenvironnementauxavec d’autres catégoriesd’intérêtspublics ou privés. Cetteétude de jurisprudence quin’a certes pas laprétention d’être exhaustive pour unsujetaussi vaste quevarié,fera à tout le moinsapparaître des divergencesd’appréciationimportantes quant à laprimauté ou à lasubordination desintérêtsenvironnementaux àl’égard desautrescatégories d’intérêts.Noustenterons à chaqueoccasion de mettre enexergue laforce et lafaiblesse desraisonnementstenus. Dans une secondesection,noustenterons demanièrenettement plusprospective, de voircommentles principes du droit del’environnementpourraientprécisémentinfléchir les rigueurs du principe deproportionnalité. Cet exercicemettra enlumière le rôleimportant que ces principespourraientassumer ausein du système juridique.

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SECTION 1er.Le principe de proportionnalité comme moyen d’arbitrage des

conflits opposant lesintérêts environnementauxà d’autrescatégoriesd’intérêts publics et privés : examencritique de

jurisprudence

Introduction

Les deuxpremiers paragraphes duprésent titre serapportentà l’incidence favorable du principe de proportionnalité sur laprotection deslibertés fondamentales de natureéconomique et surdes autresintérêtspublics lorsqueceux-cisontmenacés par la miseen ouvre derègles deprotection de l’environnement. Dans letroisième paragraphe, nousnous pencherons enrevanche surl’incidencefavorable que le principe de proportionnalitépeutavoirlorsqu’il s’agit dejuguler lesexcès desautresintérêts sur les intérêtsenvironnementaux.

Nous demeuronsconscients que cetexercice s’avèrepérilleuxen raison de laprésenced’ordres juridiques relativement distinctsoù le principe deproportionnalité a étéaccueilliavecplus ou moinsde bonheur. En outre, iln’est guère aisé detracer une ligne dedémarcation précise parmi lesdifférents intérêts affectés par lapolitique de l’environnement entre lasauvegarde desintérêtsgénéraux et laprotection deslibertés économiques. Lesdeuxsituationsévoquées seprésententsouventconjointement etdanscertains cas sont fortementimbriquées l’unedansl’autre. A titred’exemple,l’on observeraqu’en droit communautaire, le principede la libre circulation desmarchandises est à lafois considérécomme une liberté économique fondamentaleaccordée auxopérateurs économiques et comme un desprincipaux instrumentsde l’achèvement du marché intérieur.Dans cecas,l’intérêt général- la réalisation du marché intérieur - se confond avecl’intérêt privé- la liberté de fairecirculer des biens au sein dumarché -.

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§1er. Le principe de proportionnalité au secours des libertéséconomiques

Animé par ses différentsprincipes, le droit de l’environnementest capable de restreindre unnombre important delibertés libertéséconomiques telles que laliberté decommerce et d’industrie, laliberté de fairecirculer sesbiens au seind’un marché économiqueintégré, ledroit de propriété.Nousverrons que ceslibertéspeuventtoutefois trouver dans leprincipe deproportionnalité, unrempartcontre lesexcès quiseraient commis au nom del’environnement.

A. La proportionnalité des mesures de protection del’environnement par rapport au principe de libre circulation desmarchandises

Le principe deproportionnalités’estaffirmé de la manière laplus manifestedans ledroit communautaire, où iloccupe une placeclé dans la jurisprudence de la Cour dejustice. Il a toutspécialement été développé en vue de contrôlerl’exercice par lesEtatsmembres decertainspouvoirs portantatteinte à deslibertéséconomiquesfondamentales consacrées par letraité, notamment lalibre circulation desmarchandises.L’on sait que les Etatsmembresde la Communauté européennepeuvent déroger auxarticlesfondamentaux dutraité de Rome interdisant les mesuresd’effetéquivalent à des restrictionsquantitatives aux importations ou auxexportations, dispositions consacrant le principe de lalibrecirculation des marchandises, à condition que lesmesuresnationalesrelèventd’un des motifs de dérogationvisés àl’article 36du traité ousoientjustifiées par desexigences impérativesd’intérêtgénéral457. Pour éviter que cesdérogationsvident le principe de lalibre circulation desmarchandises de sa substance, la Cour dejustice a mis aupoint un certain nombre decritères relevant duconceptgénérique de laproportionnalité afin demettre en balance

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d’une part, les entraves auxéchanges etd’autre part, l’objectifgénéral que la mesure nationale poursuit458. Ce contrôle sedécompose en une succession detests quipeuventêtre schématisésde la façonsuivante.

En premier lieu, lamesurenationale doitêtre nécessaire.Elledoit présenter un lien decausalité avecl’objectif poursuivi.Elle doitêtre apte à réaliser son objectif. Unemesure nationale quin’empêcherait enrien la pollution qu’elle est censée combattreserait à cetitre inadmissible459.

En second lieu, lamesurenationale doitêtre indispensablepour atteindrel’objectif poursuivi. Acestade ducontrôle, lamesurelitigieuse estconfrontéeavec d’autresmesures envisageables et estécartée sil’on parvient àdémontrer qu’uneautre mesurepermetd’atteindre lemême but avec lamême efficacité.L’idée de base estque la règle lamoins entravantedoive recueillir la préférence sipour l’essentiel, ellesatisfait aumême degré deprotection. Cecirevient àexiger que lamesurecontestée s’avèreplus efficace quedes mesures moinsrestrictives pour les échanges intra-communautaires.

Enfin, à l’instigation de ses avocatsgénéraux, laCour d ejustice aparfois énoncé un troisièmetest, mais elle n’a jamais eul’occasion del’appliquer tel quel, se contentant de censurer lamesurelitigieuse au motif de soncaractère nonindispensable460.Cette troisième étape du contrôle deproportionnalité consisterait àexiger, aprèss’êtreassuré du caractèreadéquat etindispensable dela mesure, que lesinconvénients auxquelscelle-ci aboutit nedépassent pas inglobo ses avantages461. Ce test reviendrait, end’autres termes, àanalyser la mesurelitigieuse en elle-même et nonplus à lacomparer avec d’autres mesures.Le recours à cetroisième

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test est susceptible de limiter sensiblement laportée decertainesactions environnementales puisquecelles-ci nedevraient pasêtredisproportionnés parrapport auxinconvénients qu’ellesentrainentpour l’économie. Ainsi, une mesure nationale de protection del’environnement restreignant leséchangesdevrait-elleêtre jugéeillicite non seulementlorsqu’on peut lui substituer une mesuremoins préjudiciable pour leséchanges (violation dusecondtest)mais également par lesimple fait qu’elle nuirait de manièreexcessive auxintérêts commerciaux(violation dutroisième test).Ceci devrait conduire la jurisprudence à neretenir que lesmesuresqui sont à la fois indispensables(second test) etraisonnables(troisième test).

Les affaires tranchées par laCour concernant lavalidité desmesuresnationales de protection de l’environnement, projetent unéclairage intéressant sur les virtualités deceprincipe.Nous verronsque la Cour dejustice se focalise apriori sur leur caractèreindispensable.Mais une analyseapprofondie de sa jurisprudenceen matièred’environnementfera apparaître que soncontrôle -quidevrait à un tel stadedemeuré relativement objectif revêt descontoursplus discrétionnaires.Nous commenterons lesarrêts lesplus significatifs parordrechronologique.

Dans sonarrêt Nertsvoederfabriek,la Cour de justice avérifié la validité d’une législation néerlandaiseobligeant lesfermiers à faire traiter les cadavres de certainsanimauxdomestiquesdans desclos d’équarrissage situés aux Pays-Bas.Cette obligations’opposaitbien entendu deplein fouet auprincipede libre circulation demarchandises en vertuduquel detels déchetsdevraient pouvoirêtre exportéspour être éliminés sur leterritoiredes autresEtatsmembres. La Cour atoutefoisadmis que la mesured’interdiction d’exporter était non seulement pertinentemaisqu’elle était aussi "indispensablepour préserver l’efficacité del’ensemble du régime institué ...dans le butd’assurerl’enlèvementet l’élimination de tous lesdéchetsanimaux"462. Elle semble avoiradmisqu’il n’était paspossiblepour garantir l’efficacité du régimenéerlandais d’adopter desmesures alternatives.

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La Cour dejustice a enrevanchecensuréplusieurs mesuresnationales comportant desinterdictions d’importer des bienspourdes raisons dedéfense del’environnement au motif que cesmesuresn’étaient pasindispensables. Dans sonarrêt Bouteilles danoises,elle a été appeléepour la première fois àmettre enbalance leprincipe de libre circulation desmarchandises et le principe deprotection de l’environnement entant qu’exigence impératived’intérêt général463. En l’espèce, laCommission contestaitl’obligation imposée par les autoritésdanoises de consigner et deréutiliser desemballagespour liquides alimentaires aumotif quecette mesure restreignait les importations au Danemark deproduitsemballés à l’étranger.L’avocat général SirGordon Slynnestimait quemême si lamesurelitigieuse pouvait relever d’uneexigence impérative,encore devait-il "y avoir une pondérationd’intérêts entre la libre circulation desmarchandises et laprotection de l’environnement,même sipour atteindre lepointd’équilibre le degré élevé deprotection recherché devait êtreréduit"464. Aux de l’Avocat général, desmesures moinsefficacestelles qu’un régime deconsigne volontaire ou d’amendespoursanctionnerl’abandon des emballagesauraient duêtre préférées àla mesure optimale mais disproportionnée queconstituaitl’obligation de reprise. Ceraisonnement conduisait enréalité àaligner le niveau de protectionrecherché à unpoint raisonnable oùla libre circulation desmarchandisesn’était pas sérieusemententravée. La Cour de justice s’estcependant écartée desconclusions de son avocatgénéral. Elle aestimé que lamesuredanoise constituait un"élémentindispensable d’unsystèmevisant àassurer laréutilisation desemballages etnécessairepour atteindreles buts poursuivis par laréglementation litigieuse".Elle en a déduitque la mesureétait proportionnéesans pour autants’interroger surles implications de lamesuredanoisepour le commerce intra-communautaire. Eneffet, l’objectif - la réutilisation des bouteilles-ne pouvaitêtre atteint demanière efficace que sil’on obligeait lesopérateurs économiques àréutiliser lesbouteilles. Unemesure

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alternative (par exemple, des campagnes d’encouragement...)n’aurait paspermisd’atteindrecebut avec la mêmeefficacité.

Elle tint, par contre,dans le même arrêt, un tout autreraisonnement àl’égard du régime d’agrément auquel lesemballages devaientêtre soumis pourpouvoir être commercialisésau Danemark.Elle estima que sil’Etat danois disposait"d’un choixentre différentes mesures aptes àatteindre lemême but, il luiincombait dechoisir lemoyen quiapportait le moinsd’obstacles à laliberté des échanges"465. Elle en adéduit que le régime d’agrémentadministratif danoisétait disproportionné du fait que le système deconsigne et de reprise limitaitdéjà sensiblement les risques de voirl’environnementsouillé par desemballages abandonnés.Aussil’obligation très générale dereprendre des emballages nonagréés"de nature àprotéger l’environnement" devait-elleprendre le passur l’obligation plus précise defaire agréer lesemballages quioffrait "uneprotectiontrès sensible de l’environnement".

Ce raisonnement estpour le moins criticable. Toutd’abord,l’on observera que la Cour acomparé deux mesures qui neprésentent pas lemême degréd’efficacité466 et qui, de surcroîtétaient interdépendantes, la seconde obligationconstituant lecorollaire de la première.Ensuite, la Cour n’aplus confronté lasecondemesurelitigieuse - l’agrément administratif- à l’objectiffixé par le législateur national - laréutilisation desemballages -commeelle l’avait fait pour lapremièremesure.Elle s’estcontentéde confrontercelle-ci à un objectifbeaucoupplus général qui est laprotection del’environnement467. Les termes de la comparaisonétant modifiés, lamesure apparaissait à sesyeux commenettementplus disproportionnée que sielle avait étémise en relation avec son

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objectif initial468. En revanche, sil’objectif retenu avait bien étécelui de la réutilisation des emballages, ilaurait étéplus délicat deconclure aucaractèredisproportionné de lamesure.

Utilisé de la sorte, le secondtest de proportionnalité seconfond avec letroisième test qui, comme nous l’avons déjàsouligné, revient àhiérarchiser les différentstypes devaleurs enconflit469. Une telle confusion est regrettable car encomparant lesmérites d’une procédure administrativeavec les inconvénientscausés aucommerce intracommunautaire, la Cour dejustice a misen balance lesintérêts de laprotection de l’environnement avecceux du marché intérieur etfait prévaloir des intérêtsd’ordreprivé(le droit d’exporter sans restrictions administratives desemballages vers le Danemark) sur desintérêtspublics (le droit descitoyensdanois dejouir d’un environnement quin’est pas souillépar des déchets d’emballages)470.

Comme le montred’autresdécisionsrendues par la Cour, lecritère du caractèreindispensable de la mesurelimite fortementl’autonomie des Etatsmembres en ce qui concerneleur niveau deprotection de l’environnement. Deux affaires enmatièred’interdiction de commercialiser desanimaux sontrévélateurs decettetendance.

Dans l’affaire Gourmetterie vanden Burg, la Cour avait étésaisie d’unequestionpréjudicielle portant sur le point de savoir siles Pays-Baspouvaient valablement auregard del’article 36 dutraité interdire l’importationd’espèces d’oiseaux qui nevivaientpas à l’étatsauvage sur sonterritoire mais quipouvaient êtrechassées sur leterritoire des Etatsmembres oùl’espèce serencontrait471.

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La mesurelitigieuse a étépassée au crible du contrôle deproportionnalité parl’avocat général W. VanGerven dont lesconclusions sontparticulièrementéclairantes. L’avocat général aadmis que la mesureétait adéquate en raison del’existenced’unlien de cause àeffet entre la mesure etl’objectif poursuivi. Eninterdisant l’importation sur son territoire d’uneespèce d’oiseauchassée auRoyaume-Uni, lesPays-Bas limitaient nécessairement lapression cynégétique exercée surcette espèce. Lamesured’interdiction a été ensuite soumise aucritère de l’alternative lamoins restrictive. La Commissionsoutenait à cetégard qu’il nepouvait pas yavoir d’autresmesuresalternatives quel’interdictionde commercialiserpuisquel’espèced’oiseau nevivait pas àl’étatsauvage sur leterritoire de l’Etat légiférant. Cetargumentn’apourtant pas étéretenu parl’avocat général.Considérant que cetteespèce n’était pas menacéepuisqu’ellepouvait être légalementchassée, cedernier aconsidéré que lamesured’interdictionn’étaitpas indispensable. Entroisièmelieu, l’avocat général a confronté lamesured’interdiction au regard ducritère deproportionnalitéentrel’entrave qu’elle institue etl’objectif qu’elle poursuit. Ilconclut, ense référant à l’arrêt Bouteilles danoises que la mesured’interdiction est disproportionnéeavec lacontribution mineurequ’elle pourra apporter à laréalisation del’objectif poursuivi, àsavoir la conservationd’uneespèce d’oiseau non menacée.

La Cour de justice a suivi les conclusions de son avocatgénéral et a censuré lamesurelitigieuse 472473. La lecture de cetarrêt nous donnel’impression qu’enl’absenced’alternative, letroisième testvient se subsituer au second,confusion qui apermis à

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la Cour de mettre en balancel’objectif national poursuivi - laréduction de lapressioncynégétiquedans lesautresEtatsmembres- avecl’intérêt affecté - lalibre circulation des marchandises-.Cecimontre unefois encorel’éminente fragilité, la superficialité mêmedu clivageentre le second et letroisième test.

Mais la simpleprésence demesures alternativespermet à laCour dejustice decensurer la mesurelitigieuse.Aussi,n’a-t-elle pasadmis dans sonarrêt Ecrevisses indigènes, que la Républiquefédérale d’Allemagne puisse prohiberl’importation d’écrevissesexotiquespour protéger sapopulationd’écrevisses indigènes aumotif que l’Etat allemand aurait pu adopter des mesuresmoinsdraconiennes pour protéger sa populat ion d’écrevissesindigènes474.

Cette analyse de la jurisprudence de laCour dejusticeappelleà ceque nous formulions lespremières observations surl’utilisationdu principe deproportionnalité. Lerecours au principe deproportionnalité pour valider unerestriction au principe de librecirculation desmarchandises revient indiscutablement àopérer unepesée des intérêts quisont sous-jacents à chacune desnormes enconflit. Est-ce criticable?Nous lepensons car le principe doit, selonnous, se cantonner aucontrôle de l’adéquation dumoyen parrapport à la finqu’il poursuit et ne devrait pass’étendre à laconfrontation d’unobjectif par rapport à un autre. Etce pour uneraison biensimple : lepremier raisonnementrepose sur descritèresobjectifs - lacomparaison des avantages et desinconvénients desmesures alternatives enprésence -tandis que le second autorise enrevanche uncontrôlenettement plussubjectif se concrétisant par lamise en balance desdifférents intérêts en présence.Le risque estalors grand devoir le juge s’investir dupouvoir d’apprécier lecaractère légitime des objectifspoursuivis par leslégislateursnationaux etd’en évaluer lesavantages par rapport àl’entraveaux échangescommerciauxqu’ils créent.L’on viendra alors à se

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demanders’il es sain que lejuridique viennecôtoyer un contrôlequasimentpolitique del’opportunité de lamesure475.

B. La proportionnalité des mesures de protection del’environnement par rapport à la liberté de commerceet d’industrie

Inspirées par lesprincipes deprévention ou de précaution, lesréglementations environnementales apportent desrestrictionssouventsignificatives à laliberté d’entreprendre desopérateurséconomiques. Confrontées à des conflitsopposant desintérêtsenvironnementaux à desintérêts éccnomiques, les juridictions onttendance à mettre enbalance lanécessité d’intervenir pourprotéger l’environnement avec la liberté de commerce etd’entreprise.Le principe deproportionnalité occupe uneplaceessentielle dans le règlement de cetype de conflit. Nousexaminerons ici la jurisprudence de la Courd’arbitrage et duConseil d’Etat.

En Belgique, envertu de la loi deréformesinstitutionnelles du8 août 1980, les Régionssont tenuesdans l’exercice de leurscompétences - portant notamment sur laprotection del’environnement - de ne pasporter atteinte au principe de lalibertéde commerce et d’industrie476. La Courd’arbitrage eut à connaîtreplusieurs recours intentés par desparticuliers àl’encontre deréglementationsrégionalesdans ledomaine de l’environnement.Dans cesdifférents contentieux, laCour ad’abord rappelé que laliberté decommerce et d’industrie nepouvait être conçue commeune libertéabsolue.Elle a ensuitenoté quedans detrès nombreuxcas, une loi-que ce soitdans un secteuréconomique oudansd’autres secteurs -limite la liberté d’action despersonnes ou desentreprisesconcernées et aainsi nécessairement une incidence surla liberté de commerce et d’industrie. Toutefois, les limitationsapportées àcette liberté nepeuventêtreadmises quedans lerespectdu principe deproportionnalité. Mais ladisproportion doitêtremanifeste car aux yeux de laCour, unepolitique publique de

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l’environnement ne porterait atteinte àcette liberté quedans lamesure où"elle serait totalementdisproportionnéeavec le butpoursuivi". Comme leconfirme la jurisprudencecommentée ci-dessous, la Cour se montre eneffet relativement timoréequant aucontrôle deproportionnalitédanscette matière.

Des exploitants agricoles poursuivaientl’annulation d’undécret flamand relatif à la gestion du lisier au motif que cettelégislation portait atteinte à laliberté decommerce et d’industrie,pour laquelle seul lelégislateurnational serait compétent. LaCourd’arbitrage a d’abordrappelé que lorsqu’ellesexercent leurscompétences en matière depolitique économique, les régionssonttenues derespecter leprincipe de la liberté de commerce etd’industrie. Toutefois cetteliberté nepeut être conçuecomme uneliberté absolue. Lesrégions nevioleraient cetteliberté, d’après laCour d’arbitrage, que "si elles la limitaientsansqu’existe unequelconquenécessité pour se faire ou si cette limitation étaittotalement disproportionnée avec le butpoursuivi..." 477. Auregard de cet enseignement, la Cour a admis que lelégislateurrégionalpuisse, "pourrégler de manière adéquate le problème de lapollution de l’environnement par les engrais",imposer auxpersonnes et aux entreprisesconcernées uncertain nombred’obligations contraignantes du moment quecette interventionlégislative étaitproportionnée parrapport au butpoursuivi".

Le mêmeraisonnement futadopté par laCour dansdifférentsarrêtsrendus à propos de la loi sur lesécotaxes où desopérateurséconomiquesarguaient que le montantélevé destaxes violait leprincipe de la liberté du commerce et de l’industrie. LaCourd’arbitrage ajugé que les écotaxes sur lepapier journal 478 ainsique sur les pesticides et lesproduits phytopharmaceutiques479

n’étaient pasdisproportionnées parce que lelégislateuravaitprévuune application progressive et unrégime d’exonération desnouvelles mesuresfiscales. En atténuant lasévérité de lamise en

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oeuvre des mesuresfiscales adoptées, ces différentes modalités dela mise en oeuvre de lataxe ménageaient laliberté menacée.

La Courd’arbitrage aparfois procèdé à unelecture originaledu principe deproportionnalité. Tel est le cas d’unarrêt rendu àproposd’un décret de la Régionflamande du 14juillet 1993"portantcréation d’un Fonds de gravier etréglant l’exploitation dugravier".Cette législation répondait ausouci affirmé par le législateur de"procéder au démantèlement progressif del’exploitation du gravierdans laprovince de Limbourg,afin de mettre fin aux atteintes àl’environnementrésultant de la multiplication des excavations etdes plansd’eau quisont laconséquence de cetteexploitation...". Lejuge constitutionnel rappella ànouveau que laliberté decommerceet d’industrie nepouvaitêtre conçuecomme uneliberté absolue. Ilprécisa toutefoisqu’il appartenait aulégislateur décrétal "deposerles avantages et lesinconvénients que représente,pourl’environnement,l’exploitation desgraviers, lelégislateur décrétalpouvait doncseul apprécier si l’impact decette exploitation surl’environnement devaitêtre ou nontenupour globalementnégatifet, le cas échéant, de décider qu’ildevait y être mis fin dans lesmeilleursdélais,commecelaavait déjà été décidépour lapartie dela même plaine située aux Pays-Bas. Il en estd’autantplus ainsiqu’à supposer que ledébat relatif à l’environnementaboutisseplustard à unerévision desconclusions actuelles, il lui seratoujoursloisible de revenir sur cettemesure aulieu que lapoursuite del’exploitation desgraviers risque de conduire à des dégradationsirréversibles"480. L’on notera ici que leprincipe deprécaution faitirruption dans la mise en balance desavantages et desinconvénients suscités par l’interdiction d’exploiter les gravières.En effet, la Cour estime quedevant un risque dedégradationirréversible de l’environnement, il estpréférable que lelégislateurinterviennemême si sonintervention met fin à certainesactivitéséconomiques etporte atteinte demanière conséquente à lalibertédu commerce et d’industrie.

Il n’en demeure pas moins quedanscertainesdécisions leprincipe deproportionnalité vient à larescousse de laliberté de

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commerce et d’industrie. Dans unarrêt du 15 mai1996, laCourd’arbitrage eut à répondre à unequestion préjudiciellel’interrogeant sur lepoint desavoir si unelégislation anti-bruit quirendait impraticablel’exercice decertainesactivités dechantierrespectait laliberté decommerce et d’industrie. LaCour, surbasedes rapports techniques transmis, avaitconstaté que lesentrepreneursn’avaient pas d’autreschoix pour seconformer à laréglementation litigieuse que de renoncer àl’exécution de leurschantiers.Compte tenu de cesconséquences, laCour aestimé que ladisposition en causeaffectait la liberté ducommerce et d’industriede façon disporportionnée parrapport àl’objectif poursuivi481.C’est donc ici l’impossibilité d’accomplir une activité économiqueessentielle qui estjugée disproportionnée. Ainsi même sil’objectifpoursuivi par lelégislateur est apriori légitime - protéger la santédes riverains contre desbruits assourdissants - le moyen d’yparvenir est excessif en terme de restrictions deslibertéséconomiques.

Une autre illustration del’incidence du principe d eproportionnalité sur la protection de laliberté de commerce etd’industrie peut être trouvéedansl’important contentieuxrelatifaux autorisationsd’exploitation des établissementsclassés. Lesréglementationsayant trait à ce sujet, tel leRèglement général surla protection du travail, essayent deconcilier dans la mesure d upossible la liberté du commerce et de l’industrie avec lespréoccupations de protection del’environnement. Lajurisprudencebelge apporte unéclairage intéressant sur laproportion devantexister entre l’autorisation d’exploiter et lescontraintes qui endécoulent pour l’exploitant. Elle tend àaccorder uneimportancerelative à l’objectif poursuivi par l’autoritéadministrative qui estmis en balance avec lesintérêts économiques de l’exploitant.Ainsi,les autorités délivrant lesautorisations d’exploiter "doiventprendre lesmesuresindiquées par la science etl’expériencepourréduire lesnuisances à un niveau telqu’elles n’excèdent pas lesinconvénientsnormaux duvoisinage,sans imposer aux entreprisesune charge quirendrait leur exploitation impossible"482. Les

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autorisations qui entendent"ramener les inconvénients etincommodités del’établissement projeté endessous des chargesnormales duvoisinage" 483 ou "qui ne mettent pas en balancel’incommodité de l’établissement projetéavec les chargesnormalesdu voisinage" 484 sont à cetégard jugées illicites. En revanche,lorsquel’autorité compétenteconcilie "raisonnablement", auregardde l’intérêt général, les intérêtsprivés de l’exploitant et ceux desvoisins, l’autorisation nepeutêtre critiquée485. Il ressort de cettejurisprudencequ’une justeproportion doitexisterentre ladécisionadministrative(l’autorisation d’exploiter), safinalité (la limitationdes inconvénientsnormaux duvoisinage) et ses répercussions surles intérêts privés protégés (la liberté ducommerce et d’industrie).Iln’en demeure pas moins que lajurisprudencecontemporainereconnaît que l’autoritédispose,pour l’examen decertainesdemandesd’autorisations, "d’ungrand pouvoird’appréciation enopportunité, qui luipermet notamment dedécider àpartir de quelleintensité lesrisques del’exploitation dans unsite donnéobligentl’autorité à sacrifier la commodité de l’exploitant de procéder à sonactivité économique.Cette barrière estfranchie "lorsqu’il estraisonnablementperçu, quecessantd’être négligeables, lesrisquessont intolérablespour laqualité dumilieu et desconditions de viedes hommes"486. A contrario,l’on pourraitsupputer quelorsqu’elleest confrontée à desrisquesnégligeables, l’autoritéadministrativene pourrait exiger de la part de l’exploitant un sacrificedisproportionné parrapport auxenjeuxenvironnementaux.

Il ressort decet examen de jurisprudence quela liberté decommerce et d’industrieloin d’être absolue, conditionnepourtant leniveau de protection voulu tant par lelégislateur que parl’administration. De principes-tels celui deprécaution - peuventtoutefois apporter un éclairage nouveau sur l’éventuelledisproportion de la mesureenvironnementale.

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C. La proportionnalité des mesures de protection del’environnement par rapport au droit depropriété

Participant de l’intérêt général, la protection d el’environnement est susceptible de conditionner le droit depropriété487. Les exemples abondent.Ainsi, un arrêté debiotope oul’édiction deservitudesdestinées à protéger desespèces de lafauneet de la flore empêchent-ils le propriétaire de jouirnormalement deson bien, laréglementation de l’usage desressourcesnaturelleslimite-t-elle le droit des propriétaires... Maischacune de cesinterventionsrisque d’entrer enconflit avec ledroit de propriéténon seulementprotégé par laplupart des Constitutionseuropéennes488, mais également envertu de l’article 1er duProtocoleadditionnel à la Conventioneuropéenne desauvegardedes droits del’homme 489. Certes, enaucun cas ce droit depropriétéest absolu. Il doitcéder devant l’intérêt général mais dans des

cond i t ionsbien particulières.Ainsi, en vertu de la convention, lasimpleatteinte aux biensn’est régulièrequ’à trois conditions:- que la servitude ait étéétablie par un texte légal;- qu’elle réponde à un véritable butd’intérêt général, tel que laprotection de la nature;- qu’il y ait un "juste équilibre" entre lesimpératifs del’intérêtgénéral etceux de lasauvegarde des droits fondamentaux del’individu.

Ainsi, au regard de latroisièmecondition, doit-il exister unrapportraisonnable de proportionnalité entre lesmoyensemployéset le but visé,ce qui peut danscertains casrendrenécessaire uneindemnisation. Cetteexigence, quipourrait conduire à uncontrôletrès poussé desmesuresprises par les pouvoirspublics, est

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néanmoins largementvidée de sasubstance car la Cour estimequ’une largemesured’appréciationdoit être laissée auxEtats490.

A propos de la légalité de planter certainesespèces etl’interdiction d’en planter d’autres, la Cour reconnaitqu’il y a làune ingérencedans ledroit de propriété, mais celle-ci demeurejustifiée par des raisons d’intérêt général, sans êtredisproportionnée491. De même, en ce qui concerne, leretrait d’uneautorisationd’exploitation d’unegravière accordéeinitialementpour unedurée detrente ansafin de protéger les poissons, laCoura vérifié si la décisionavait ménagé un "justeéquilibre" entre lesimpératifs deconservation de la nature et la sauvegarde dudroitau respect des biensdans lechef de l’exploitant de la gravière.Ellea estimé que leretrait de l’autorisation incriminée n’était pasdisproportionné étant donné que les requérants nepouvaientnourrir l’espoir de poursuivre leur exploitation en raison dedifférentes modifications apportées à la législation et enraisond’un délai defermeturefort avantageuxdont ilsbénéficièrent et cemalgré l’importance du préjudice financiersubi parl’exploitant d ufait de l’impossibilité decontinuer son exploitation492. La Cour aaussi jugé que l’abrogation d’un certificatd’urbanisme sansqu’aucune indemnité n’ait été prévue n’est pas nonplusdispropotionnée dufait que la mesure a "eupour résultatd’empêcher deconstruire dans une zone agricoledestinée àpréserver uneceinture verte"493. Cette mesureconstituait, auxyeux de la Coureuropéenne, unmoyenapproprié - voireunique -de garantir que lalégislationpertinente enmatière d’aménagementdu territoire serait correctementappliquée. Relevant que lesrequérants setrouvaientengagésdans uneentreprise commercialeet qu’ils connaissaient leplan dezonage, laCour n’a pasestimépouvoir tenir pour disproportionnée l’annulation dupermissansaucunemesure de redressement en leurfaveur .

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Il ressort de ces troisarrêts que laCour admetfacilement lanécessité de lamesure etqu’elle se montre peuexigeantequant àson degré deproportionnalité étant donné qu’elleprend enconsidération tous les avantagesofferts auxpartieslésées.L’onnotera quedans uneaffaire tranchée par laCommission, lecontrôle du "justeéquilibre" peut s’avérerquasimentficfif 494. Cetteréserve de lapart de la Cour et de laCommission doivents’expliquerplus par lavolonté de ménager lepouvoir desEtatsParties au Protocole derestreindre le droit de propriété que par uneméthodologie spécifique.

D. La proportionnalité des mesures de protection del’environnement par rapport aux principes de l’égalité et de lanon-discrimination

Le principe deproportionnalité apris uneplace croissantedans le contrôle du respect des principed’égalité et de nondiscrimination495. Selon la jurisprudence de laCour d’arbitrage, ilpeut être admis que lesdistinctionsopérées par le législateur sejustifient par l’intention desauvegarder unintérêt public supérieur,pourvu que lesmesures prises puissentêtre raisonnablementconsidérées comme étantproportionnées à l’objectifpoursuivi496.Toute disproportiondans letraitement descatégories

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distinctes de citoyens entraîne enrevanche une discrimination quidoit être sanctionnée.

La jurisprudence de la Courd’arbitrage est particulièrementinstructive en ce qui concerne laproportionnalité de différentesmesures fiscales destinées à assurer la protection d el’environnement par rapport aux objectifs poursuiv is.Conformément auprincipe d’égalité, la taxeenvironnementale doitêtre proportionnelle à la pollutionémise. L’établissementd’unetaxedont le tauxserait tropélevé parrapport audegré depollutionaboutirait àcréer desdifférences non justifiéesentre lesdifférentescatégories decontribuables et serait parconséquentcontraire auprincipe d’égalité497. Dans le même ordred’idées, un régime detaxation forfaitairepeut également violer leprincipe d’égalitéétant donné que ce régime fiscalimposera des obligationsdisproportionnées à charge des redevablespolluant plus ou moinsque la moyenne. Le principe du pollueur-payeurprojette unéclairage tout particulier sur cecontrôle, comme les arrêtscommentés ci-dessous le font apparaître.

Une première affaire portait sur laconformité d’une taxeforfaitaire sur laproduction dedéchets. Lasection delégislation duConseild’Etat avaitestimédansl’avis qu’il avait remis àpropos dela législation enprojetqu’il seraitcontraire au principe dupollueur-payeur -dont la fonction première est d’inciter lespollueurs àréduire leurs nuisances - defaire supporter parl’ensemble descontribuables unetaxe forfaitaire sur laproduction desdéchetsménagersalors que laquantité de déchetsproduits estsusceptiblede varier sensiblementd’un ménage à l’autre498. Un tel régimefiscal risquait de surcroît, selon le Conseild’Etat, de violer leprincipe de non discrimination en raison de soneffetdiscriminatoire àl’égard desménagesproduisantmoins dedéchets

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que la moyenneretenue comme base detaxation forfaitaire. LaCour d’arbitrage saisie d’unrecours àl’encontre de lanouvelletaxea jugé que "dèslors qu’elles’inspire duprincipe du pollueur-payeur,une fisclalié en matière dedéchets n’obéit au principe de non-discrimination que sielle atteint ceux quipollueunt et que sielletient compte de la mesuredanslaquelle cahque redevable contribueà la nuisancecontre laquelle la taxations’efforce delutter"499. Enreconnaissant de la sorte que lataxation n’appliquaitqu’imparfaitement le principeenvironnemental500, la Cour aestimé qu’elle n’était pasparfaitementadéquate au but recherché.Sousprétexte de ne pas sesubstituer aulégislateur, elle atoutefoisrefusé decensurer lerégime fiscal controversé501. Cet arrêtmontrecomment, lors du contrôle de laproportionnalité d’une taxeenvironnementale, la Cour constitutionnelleapprécie l’adéquationde la mesure par rapport au principe du pollueur-payeur quiconstitue enl’espècel’objectif de la mesurefiscale.

Une secondeaffaire atteste ànouveau del’importance ducontrôle de l’adéquation de la taxe parrapport à sonobjectif. Desproducteurs derécipients en PVCinvoquaient devant la Courd’arbitrage la violation du principed’égalité des Belgesdevant laloi en ce que le tauxd’uneécotaxe sur cetype d’emballagesvisant àappliquer leprincipe du pollueur-payeurétait disproportionné car ilavait pour effet dedoubler le prix de vente de la boisson contenuedans le récipient. LaCour d’arbitrage a d’abordreconnu quelorsque la taxe sevoulait dissuasive etqu’elle tendait à unemodification du comportement duproducteur et du consommateur,elle devait nécessairementêtre importante. Elle a ensuitejugéqu"’en prévoyant une taxed’un montant tel qu’il a un effetprohibitif, le législateur apris une mesureconforme àl’objectif qu’ilpoursuit.Apprécié parrapport à cetobjectif, lemontant de la taxen’est manifestement pasdisproportionné"502. La Courd’arbitragese contente ici de confronter la mesureadoptée par le législateur -

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adoption d’une taxe dont le taux estfort élevé - avec l’objectifpoursuivi - lamodification du comportement duproducteur et d uconsommateur -. Ladistinction opérée entre les brasseurs etd’autresproducteursd’emballagesn’est pasdiscriminatoireétantdonné que lemoyencolle ici avecl’objectif poursuivi. L’on pourraittoutefois reprocher à laCour de ne pasavoir examinés’il n’étaitpas possible de parvenir au mêmerésultat d’unefaçon moinscouteuse. Mais netombe-t-il passous le sensqu’un taux detaxationmoins élevén’aurait paspermisd’atteindrel’objectif fixépar le législateur qui était demodifier demanièreaussi significativeles comportements des consommateurs et des producteurs?

§2.Le principe de proportionnalité au secoursdesintérêts publics denature socio-économiques

Dans toutesociétémoderne, laprotection de l’environnementne constituequ’un intérêt généralparmi d’autres503. Lorsque lesvaleurs propres audroit de l’environnementsont confrontées àd’autres intérêts généraux, lesjuridictions tententd’évaluer lepoids respectif des uns et desautres enrecourant au principe deproportionnalité. Dansbien descas,commenousl’observerons, laspécificité despremiersintérêts lesrendvulnérables à lagénéralitédes seconds.

A. La proportionnalité des mesures de protection del’environnement par rapport au principe de l’exclusivité descompétences

Dans lesEtatsfédéraux, l’interventiond’un législateur peutempiéter sur les compétencesréservées auxautresentités fédérées.De tels débordementssont contrôlés auregard du principe de

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proportionnalité. Dans lamesure oùl’empiètement est nécessaire àla poursuite del’objectif poursuivi et ne porte pas atteinte àl’essence des compétences de l’autre entité, ilseraconsidérécommesuffisammentproportionné.

De la sorte, la politiquemenée en matière d’environnement enplus d’être limitée par les compétences qui luisont expressémentattribuées,pourrait également êtrerestreinte de son forintérieurpar le principe deproportionnalité alors même que lesactionsentreprisess’inscriventdans leslimites formelles de sa compétence.

Lorsque la Courd’arbitrage estconfrontée à des conflits decompétencesentre les entités régionales et fédéralesdans ledomaine del’environnement, ellejaugel’intervention des uns et desautres àl’aune du principe deproportionnalité. Ainsidansl’arrêtrendu sur lavalidité du décretflamandrelatif au lisier, laCour a-t-ellerejeté lemoyen desrequérants selon lequel lamesurerégionaleempiétait sur la compétenceréservée au législateurfédéral enmatière agricole. La Cour a fait une application duprincipe deproportionnalité en jugeant que "lefait que lesobligations imposéespar le décretaient desrépercussions sur lesecteur agricole nesignifie cependant pas que lelégislateur décrétal aitexcédé sacompétence. Ce neserait le cas que si les restrictionsimposéesétaient tellesqu’il serait impraticablepour lelégislateurnational deconduire à une politiqueefficacedans unematière qui relève de sacompétence,notamment lapolitique agricole" 504. A proposd’unetaxe sur l’exportation desdéchets ménagersproduits enRégionflamande, la Cour ajugé quebien ques’agissant d’uneentrave auxéchangessusceptible de compromettrel’union économique etmonétaire belge, "lamesurecritiquée apparaît nécessairepourassurer la bonneexécution duprogramme detraitement dedéchets"505.En ce qui concerne l’intervention du législateurfédéraldansl’établissement d’écotaxes destinées à réduire laproduction de

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déchets - relevant de lacompétence régionale -, elleestimequ’ellen’est pasdisproportionnéedans lamesure où lesRégions ont étéassociées en fait àl’introduction de cestaxes506.

Le contrôle opéré par la Cour d’arbitragedans cestrois arrêtsest tout sauftéméraire.Dans lepremierarrêt, laCour estime queseules des restrictions quirendraient impraticablesl’exercicede lacompétence del’entité fédéréeseraient disproportionnées.Dans laseconde décision, la nécessité devient synonyme d eproportionnalité. Dans le troisième arrêt, cesont desélémentspurementfactuels - la conclusion d’un accord de cooépration - quipermet à laCour de soutenir quel’intervention de l’autoritéfédérale dans le domaine decompétence régionale n’est pasdisproportionnée.

§3.Le principe de propotionnalité au secours des intérêtsenvironnementaux

Nous examineronsci-dessous comment leprincipe deproportionnalitépermet dejustifier ou decondamner des mesurespoursuivant ledéveloppement économique au détriment desintérêts environnementaux.

A. La proportionnalité des mesures de développementéconomique par rapport au-respect de la vie privée etfamiliale etdu domicile

La Convention de sauvegarde des droits del’homme et deslibertés fondamentales contient des droits quisont susceptiblesd’avoir des"prolongementsenvironnementaux"507. Parmi ceux-ci, le droit dechacun au respect de sa vieprivée et familiale et de

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son domicile, consacré par l’article 8 de laConvention estprobablement leplus souventinvoqué par des justiciablespours’opposer à desmesuresportant. atteinte à leurenvironnement.Nous examinerons ici lesdécisions et arrêts rendus par laCommission et laCoureuropéenne desdroits del’hommedans desaffaires qui concernent la protection de l’environnement.

La Commission européenne desdroits del’homme a admis que laconstruction d’un barragepouvait constituer uneingérencedans lavie privée desmembresd’un groupe minoritaire - enl’occurrencedes Laponsfaisant déplacerleurs troupeaux sur des distancesimportantes et protestantcontre l’immersion d’unepartie de lavallée où ils étaient nés etavaientl’intention de vivre - mais quecette ingérencepouvait être considéréecomme raisonnablementjustifiée auregard del’article 8, par. 2 parcequ’autorisé par la loid’une part et nécessaire au bien-être économique,d’autrepart 508.Dans l’affaireS. c. France mettant encausel’exploitation- d’unecentrale nucléaire, laCommission aexaminé laproportionnalitédes ingérences étatiquesdans la vieprivée de riverains pourdéterminer si ellespouvaientêtre considéréescomme"nécessairesdans unesociétédémocratique au bien-êtreéconomique"509. Elle a

jugé quelorsqu’un Etat est autorisé àrestreindre des droits ou deslibertés garantis par la Convention, larègle deproportionnalitépouvait l’obliger à s’assurer que ces restrictions ne forcaient pasl’intéressé àsupporter unecharge déraisonnable.Compte tenu descompensationsallouées aux requérants par lesjuridictionsnationales, la Commission aestimé que l’ingérence n’allait pas au-delà decequi était nécessairedans unesociétédémocratique.Ellene pouvait dèslors être disproportionnée au butlégitime lié àl’exploitation nucléaire510.

La Cour a, quant àelle, eu à connaître d’une affairedanslaquelleles requérants,voisins de l’aéroport international deHeathrow,

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reprochaient auxautorités britanniques de ne pasavoir pris demesuresréduisant à suffisance lebruit, jugé excessif,engendré parle trafic aérien de l’aéroport. Rejetant la requête, laCour anotammentdéclaré que, dansl’appréciation du juste équilibre àménagerentre lesintérêts concurrents en lamatière, il y avaitspécialement lieud’avoir égard, d’unepart, aufait que l’existencede grandsaéroports internationaux etl’emploi croissant desavionsà réactionsont devenusnécessaires au bien-être économiqued’unpays et,d’autre part, à la nécessité delaisser aux Etats uneimportante latitudepour déterminer la manièreoptimale de traiterles problèmes dus aubruit des avions511. En revanche,dansl’affaire Lopez Ostra, la Cour a jugé qu’en dépit de lamarged’appréciation reconnue àl’Etat défendeur, celui-ci n’avait pasréussi à ménager un juste équilibreentre l’intérêt du bien-êtreéconomique de lacollectivité - enl’espècele fonctionnement d’unestationd’épuration- et la jouissanceeffective par larequérante dudroit au respect de son domicile et de sa vieprivée etfamilialeauquel ilavait été gravementporté atteinte en raison de lanocivitédes pollutions512.

Dans lestrois premièresaffaires,la Commission et laCouront estimé que les ingérences sejustifiaient, notamment, parcequ’elles étaient "nécessairesdans unesociétédémocratique aubien-être économique du pays".La faible taille dubarragecomparée auxgrandsespacessauvages environnants,l’indemnisation acordée àla victime de la gêneacoustiqueprovoquée par l’exploitation de lacentralenucléaire etl’adoption des mesures deréduction desnuisances acoustiquesadoptées par les autoritésbritanniques sontautant d’éléments qui ontpermis à la Commission et à laCourd’affirmer que les ingérences sesituaient dans leslimites d uraisonnable. Par contre,dans l’affaire Lopez Ostra, la Cour areconnu quel’équilibre était bel etbien rompu513.

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B. La proportionnalité des mesures développementéconomique par rapport au mesures de conservation dela nature

La plupart deslégislationsdans ledomaine de la conservationde la natureimposent uneprotectionintégrale des espècesanimaleset végétalessauvages les plusmenacées et deleurs habitats. Detelles mesures reposent sur uneapproche deprécaution. Danscertains cas les juridictionssontconfrontéesdevant le dilemnesoitd’appliquer cesréglementations à la lettre et, parconséquent, decondamnersévèrementd’autres intérêts soit de les assouplir enadmettant lesdérogations.Pour être admises,celles-cidevraienttoutefois être suffisammentproportionnées. Le principe deproportionnalité joue ici une fois deplus un rôle clé dans larésolution de tels conflits.L’analyse de différentes décisionsjudiciaires est ànouveauexemplative d’un certainmanque derigueurdans lecontrôle de proportionnalité.

Dans son arrêt Tennesse ValleyAuth. v. Hill, la Coursuprême des Etats-Unis a étéappelée à jugerl’interdictionprononcée par un jugefédéral depoursuivre la construction d’unbarrage qui devait provoquerl’extinction une espèce depoissonendémiquedont l’habitat était intégralementprotégé envertu del’Endangered SpeciesAct. Le bilan "coût-bénéfice"aurait dû faireapparaître quel’arrêt de laconstruction du barrageaurait eu desrépercussions socio-économiques considérablesalors que ladisparition del’espècemenacée qu’aurait entrainé laconstructiondu barragen’avait pas d’incidences économiques immédiates.LaCour suprêmen’a pourtant pasadmis quecetteprotection puissefaire l’objet de la moindre dérogation même si les intérêts socio-économiques en jeuapparaissaient a prioricommebeaucoupplusimportants que lasurvie du poisson. Lesattendus del’arrêt sontparticulièrement intéressantsquant aurôle joué par lanotion deprécaution. Selon laCour, "la valeur du patrimoinegénétique estincalculable. Il estdansl’intérêt de l’humanité delimiter les pertesdues auxvariationsgénétiques.La raison est simple,cesont lesclésd’énigmes quenous sommesincapables de résoudre, et ellespeuventfournir desréponses aux questions quenousn’avons pasencoreappris ànous poser. Le plussimple égocentrismenous

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commanded’être prudent"514. Ainsi la balance penche-t-elle enfaveur du poisson, sa disparition apparaissantdisproportionnéeaux yeux de la Coursuprême parrapport auxgainséconomiquesimmédiats procurés par la construction dubarrage.

Dans différentes affaires concernant la protection deshabitats d’espèces menacéesd’oiseaux, laCour de justice desCommunautés européennes aégalement faitpencher labalance enfaveur de la protection desintérêts environnementaux audétriment desintérêts socio-économiques.Dansl’affaire Leybucht,la Cour dejustice fut appelée àexaminer lavalidité de travauxd’aménagements apportées par les autoritésallemandesdans unezone spécialement destinées à laprotection desoiseaux. Lestravaux quialtéraient leshabitatsprotégés étaient,entre autres,justifiés par la nécessité demieux protéger les villagesavoisinantscontre lesraz-de-marée. LaCommission européennechargée ducontrôle dudroit dérivé contestait cetteargumentation et attaquala Républiquefédéralepour ne pasavoir garanti la protection de lazoneclassée. Aprèsavoir constaté que ladirectivecommunautaireinstituait un régime deprotection des habitats naturels qui nepouvait faire l’objet de dérogation, laCour anénamoinsadmis que"le dangerd’inondations et la protection descôtesconstituent desraisons suffisammentsérieuses pour justifier les travauxd’endiguement et de renforcement de structurescôtières"515. Maiselle a aussi tôtsouligné quel’on ne pouvaitdéroger aux règles deprotection édictées par ladirective que defaçon strictementproportionnée. A cet égard, lesmesures devaient selimiter au strictminimum et necomporter que laréduction lapluspetite possible dela zone classéepour sauvegarder leprincipe essentiel de lasauvegarde de la viehumaine516. La proportionnalité exigeaitdonc que lestravaux soient enrapport avec lanécessité de dérogerau régime deprotection del’habitat naturel. Lesintérêts d’ordresocio-économique qui ne relevaient pas de"l’intérêt supérieur" queconstituait la protection dela vie humaine ne pouvaient dela sorte

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être invoquéspour justifier certains des travauxlitigieux. Parconséquent, lestravauxdestinés àlutter contre les raz-demaréefurent jugés suffisammentproportionnées àl’objectif de sécuritéalors que les travaux qui nerépondaientqu’à desintérêts socio-économiques nefurent pas admis enraison de leurcaractèredisproportionné517. La Cour ad’ailleurs confirmédans sonarrêtMarismas de Santonasa jurisprudence enrejetant les justificationssocio-économiques avancées par les autoritésespagnolespourautoriser la construction dedifférentesinfrastructures qui avaientcausé ladestructiond’une zone importantepour la conservationd’espèces d’oiseaux d’eau518.

Un arrêt Ligue royale belge pour la protection des oiseaux,rendu par le Conseil d’Etat de Belgiqueretient égalementl’attention en ce qui concerne la balance desintérêts519. En l’espèce,un rochersurlequel se trouvait ladernièrestationd’une espèce defleur endémique, la Joubarded’Aywaille, risquait des’effondrer. Lesautorités communales se disantsoucieuses deprotéger la vie deleurs administrés, avaientordonné ledynamitage durocher aumépris de différentes réglementations relative à laprotection de lanature.LeConseild’Etat fut appelé àtrancher un recours introduitpar des associations de protection de l’environnement quipoursuivaient la suspension del’ordonnancecommunale.Bien quecette dernière étaitavanttout justifiée par desraisons économiques(nécessité de réouvrir uneroute touristique à la circulation,coûtexcessif desmesures alternatives,...), la Haute juridictionadministrative a mis enbalance lepréjudicegrave etdifficilementréparable quesubirait la floremenacée enraison du dynamitage durocher avec lepéril grave qui pesait sur lesvieshumaines dufait depotentielles chutes derocher et rejeta lerecours enprenant biensoin d’opposer un simple"risque" (la disparition d’espècesprotégées) à un véritable"péril" (la chute de pierres).

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L’on restetoutefois perplexedevantcettejurisprudence.Alorsque dansl’arrêt Leybucht,la Cour dejustice n’avaitadmis que lesmesures suffisammentproportionnées àl’objectif de protection desvies humaines, leConseild’Etat dans sonarrêt Ligue royale belgepour la protection des oiseaux, n’a pas examiné si ledynamitageétait proportionné parrapport auxobjectifs deprotection de la viehumaine alors que lesétudes scientifiquescitées dans l’arrêtfaisaientpourtantétat demesures alternatives qui ne mettaient pasen péril lesite. En omettantd’examiner lecaractèreproportionnéde la mesurelitigieuse,l’arrêt estvenu conforter lesintérêts socio-économiques qui sous-tendaient ladécision litigieuse.

Cecinousconfortedansl’idée que toute balance desintérêtsmettant en jeu desprincipes antagonistesdoit s’inscrire dans lecadred’une méthodologierigoureuse reposant sur une applicationcorrecte duprincipe de proportionnalité.

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SECTION 2.L’apport des principes dudroit de l’environnement au principe de

proportionnalité

Introduction

Toute décisionprise par lespouvoirs publicspour protégerl’environnement est susceptible de serépercuterfavorablement oudéfavorablement sur lesintérêts étrangers à sa finalitépropre. Cesintérêts quipeuventaussi bienappartenir à des tiersqu’au sujetmême dudroit que larègle consacre,sont pour la plupart aussilégitimes et respectables quel’objectif environnementalpoursuivipar les pouvoirspublics. La mise en oeuvre dudroit del’environnement débouchera dèslors d’unefaçon oud’uneautre surdes conflitsd’intérêts quidevrontêtre résolus en conformitéavecl’intérêt général. Ilressort de laplupart desdécisions commentéesque le principe deproportionnalité constitue bel etbien la clé devoute. de la résolution de tels conflits. En sanctionnant ledébordement, en corrigeantl’excès, ce principe intervientindiscutablementcomme unélémentmodérateur des tensions quiparcourent le droit del’environnement.

Pourtant, lebilan durôle duprincipe de proportionnalitédansle règlement des conflits en matièred’environnement estpour lemoinsmitigé. Sous le couvert de laproportionnalité, certainsjugesn’hésitent pas à hiérarchiser lesvaleurs enconflit et à faireprévaloir lesintérêtspublics etprivés affectés par laprotection del’environnement.La protection de l’environnement ne ressort pasnécessairementgagnante d’unetelle confrontation (voy. lajurisprudence administrative enmatière d’établissementsclassés),la jurisprudence de laCJCEen matière de conservation deshabitatsnaturels).

Faut-il pour autant remettre encause le principe deproportionnalité ?Avant derépondre à cettequestion, il convient desouligner que les principes du droit del’environnement ne

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s’opposent pas entant quetels au principe de proportionnalité.Nous sommes eneffet en présence deprincipes denaturefondamentalementdistincte. En cristallisant lesvaleurstranscendant le droit del’environnement, lespremiers s’inscriventdans unrapport étroit avec cettematière. Ilssont susceptiblesd’affronter d’autres principes transcendant desintérêtsantagonistes,tels que le principe de laliberté du commerce etd’industrie ou le principe de lalibre circulation desmarchandises.Le principe de proportionnalité constitue en revanche unméta-principe propre à larésolution des conflitsd’intérêts. Il n’est passpécifique à unebranche juridiqueparticulière même sil’on décèleaisément sa présencedans bonnombre d’institutions juridiques.Appelé à resterau-dessus de lamêlée, il intervient toujours auseconddegré. Il soupèse lesintérêts antagonistes les uns parrapport aux autres ettente de lesconcilier dans lamesure dupossible en restreignant leséventuels débordements.Il s’agitdonclà d’un principe qui seréclamed’unidéal d’équilibre, d’harmonie quiest propre àl’ensemble dudroit. Il domine de cefait les règles dedroit et les principes qui les sous-tendent. Dès lors, lesrapportsentre les principes dudroit de l’environnement et le principe deproportionnalité nedoivent pasêtre perçus entermes d’oppositionmais doivent être projetésdans uneperspective nettementpluslarge, celle du règlement des conflits d’intérêts où la balance estréglée enfonction de la proportionnalité.

La question centrale qui seraabordéedans cette secondesection portera surl’incidence des principes du droit d el’environnement sur le contrôle de proportionnalité.

A premièrevue, cesprincipes quenous avonsétudiésemblentremplir un rôle non négligeable dans le contrôle de laproportionnalité desmesures environnementales.Aussi, le principe

de précaution et leprincipe du pollueur-payeursont-ils pris enconsidération par le jugedans lecadre de la balance desintérêts(arrêt de la C.A. gravières de laMeuse etécotaxes, arrêt de laCoursuprême des Etats-Unis Snail Darter). Mais,ceux-ci pourraientsans aucun doute,jouer un rôle encoreplus significatif dans lapesée des intérêts.Etantdonné que le contrôle deproportionnalitérecouvre, àvrai dire, plusieurstests de lavalidité d’une mesure,

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l’on tentera d’identifierpour chacune de cesétapescomment lesprincipes pourraient assouplir la rigueur dece contrôle.

§1er. L’incidence du principe de précaution sur le contrôle dela nécessité del’intervention de l’autorité publique en matièred’environnement

Lorsqu’il examine la proportionnalité d’unemesure, lejugevérifie tout d’abord l’adéquation decelle-ci par rapport à lasituation defait. La nécessitéd’intervenir au nom dela protectionde l’environnementdoit doncêtre établie. Un lien decause à effetdoit exister entre ladégradation environnementale et lamesured’intervention quiporte incidemmentatteinte à d’autresintérêts.

Les mesuresadoptées par lespouvoirspublics enmatière deprotection de l’environnementsont normalementdestinées àremédier ou à prévenir la dégradation du milieu.Dans bien descas,l’état de dégradation estplus suspectée que clairementétablie d’unpoint de vuescientifique. Soucieuxd’éviter toute -disproportion, lejuge regardera avecscepticisme les mesures qui ne seraient pasjustifiées sur desbasessolides. Il se posera les questionssuivantes.Est-il admissible quel’on porte atteinte, parfois demanièresubstantielle, à desintérêts protégésalors que la mesuren’est paspleinementjustifiée dupoint de vuescientifique? Ne faudrait-il pasmieux attendre uncomplément d’informationsavantd’intervenir?

Or le principe deprécaution est susceptible d’assouplir cepremier test : il permet dejustifier une intervention despouvoirspublics alors même que lelien de causalité entre l’activitédommageable et la pollutionn’est pasclairementétabli520. C’estd’ailleurs ens’appuyant sur ce principe que la Cour administrativefédérale allemandeadmet lanécessité demesures administrativesportant atteinte à laliberté d’entreprendre, alorsmême que leliende causalitéentrel’activité et le dommageenvironnementaln’estétabli que de manièreabstraite. Ainsi,dans unarrêt de principe du14 février 1984,cetteCour confrontée à la proportionnalitéd’une

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autorisation d’exploiter imposant àl’exploitant la combustiond’une huiledont le contenu en souffreétait peu élevé, juge-t-elleque "la précaution estrenduenécessairedans lamesure où ilexistedes raisons decroire que les émissions depolluants aurontprobablement uneffet nocif sur l’environnementalorsmême quedans le casconcret le lien decausalité n’était pasencoreétabli" etque, parconséquent, la proportionnalité devaitêtre calculéeentreles mesuresadoptées et"l’étendue du potentiel de risqued’émissions"521. En conséquence, lamesure a étéjugé nécessaire,doncproportionnée.

De même,leprincipe est susceptible deconduire à unvéritablearbitrage entre lesintérêts encause.L’on a vu que dans uneaffairecommecelle de laJoubraded’Aywaille, la pesée des intérêts nes’estpas faiteentre les vies humaines etl’environnement,mais bienentre laprotection del’environnement et des coûts économiques.Commentant cetarrêt, Gilles Martin fait observer quecette peséen’aurait pu sefaire, auregard du principe deprécaution, qu’aprèsque l’autorité eut étémise "en mesure deconnaître et decomprendre lesintérêts enprésence"522. Il en conclut quepour sedonner le temps derécolter lesinformations utiles à ladécision, leConseil d’Etat aurait du suspendre ladécision ordonnant ledynamitage durocher. Ainsi, c’est l’ensemble de la pesée desintérêts qui, à la lumière decette nouvelle exigence deprudence,devraitêtre repensée.

§ 2. L’incidence desprincipes sur l’adéquation de la mesurepar rapport à l’objectif poursuivi

Le principe de proportionnalité exigeégalement que lamesuresoit exactement adaptée au butvisé. Celle-cidoit doncêtreapte àatteindre l’objectif fixé; elle ne peut serévéler par sonampleurdéplacée parrapport auproblème posé car il nesert à rien

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de tirer sur des moineaux avec un canon oud’écraser des mouchesavec unmarteau-pilon523.

De nombreuses mesures peuventparaître à première vueinadéquates parrapport à l’objectif qu’elles sont censéespoursuivre.Faut-il, pour garantir un niveauélevé deréutilisationdes bouteilles,adopter destaxes à un taux prohibitif, quiempêcheront la commercialisation des emballages nonréutilisableset porteront sévèremmentatteinte au principe de laliberté decommerce et d’industrie et au principe de non-discrimination? Neserait-il paspréférable d’atteindre cetobjectif en organisant descampagnes depublicité, en adoptant des mesuresfacultatives..?Letaux prohibitif est-il vraiment adapté au butvisé? La Courd’arbitrage,confrontée à la validitéd’un tel régime detaxation,estime que lelégislateur apris unemesureconforme àl’objectif qu’ilpoursuit etqu’apprécié parrapport à cetobjectif, la taxen’est pasdisproportionnée524. Et pourtant, l’on pouvait valablements’interroger sur lanécessité en l’espèced’instaurer une taxeprohibitive qui avait pour effet de fairedisparaitre dumarché lebien taxable alors que l’objectif classique de lafiscalité vise àdégager desmoyensfinanciers. Au regard de cetobjectif fiscalclassique, la mesurefiscaleapparaissait comme disproportionnée.Mais cettecritique aurait fait fi du rôle rempli par le principe d upollueur-payeur quirevient àinciter lespollueurs àréduire leurpollution. Il convenaitdonc devérifier l’adéquation dumoyen - lataxe prohibitive - avec l’objectif de ce régime fiscaléclairé à lalumière duprincipe quil’inspire, àsavoir le principe dupollueur-payeur. Au regardd’une telle comparaison, lamesure fiscaleapparaissait comme suffisammentproportionnée.

Ainsi, les principes dudroit de l’environnementpeuventégalementaider lejuge à replacerl’objectif poursuivi par la mesurelitigieusesdans soncontexte.

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§3. L’incidence desprincipes sur le contrôle du caractèreindispensable del’intervention de l’autorité publique

La mesure doit aussiêtre indispensablepour atteindrel’objectif poursuivi. Ainsi, pour être justifiée autitre del’article 36du traité l’obligation detraiter auxPays-Bas des déchetsanimauxdoit-elle être indispensable au fonctionnement durégimed’élimination de cesdéchets525. Dans lemême ordre d’idées,pourêtre admise en tantqu’exigence impératived’intérêt général, ilfautque l’obligation dereprise des emballages de liquides alimentairess’avèreindispensable au fonctionnement durégime de réutilisationde ces emballages526.

Cependant, sil’on parvient à démontrer qued’autresmesures compromettentmoins les intérêts publics et privésprotégés tout en permettantd’atteindre l’objectif poursuivi demanière aussiefficace, cesont ces dernières quidevraientêtreprivilégiées. Le débat sesitue donc ici entermes de comparaison dedifférents types demesures, cequi ne va passansposer desdifficultés méthodologiques majeures.

L’on aura constaté quetrop souvent, lesjuridictions mettentsur le mêmepied des mesuresenvironnementales ne présentantpas.le même degréd’efficacité. La Cour de justice desCommunautéseuropéennes a ainsi mis sur unpied d’égalité l’obligation deremettre des huilesusagées à des collecteurstenus de lesrecycleravec la possibilité des lesremettre à descollecteursétrangersautorisés à lesbruler527, l’interdiction d’importer desespècesanimales domestiquespour protéger des espècesanimalessauvagesavec l’institution decontrôlessanitaires528, l’obligationd’obtenir un agrément administratif pour commercialiser desbouteillesavecl’obligation de réutiliser ces mêmes bouteilles529.Dans chacune de ces affaires, laCour a conclu que lamesure

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nationalelitigieuse était disproportionnéepour lesimple fait queles mesures alternatives permettaientd’atteindre lemêmeobjectiftout en étant plus favorables auxéchanges communautaires. Orchacune des mesuresquerellées s’avéraient auxyeux des autoritésnationalesplusefficaces que lesmesures alternatives.

L’on ne manquera pas toutd’abord dereprocher au jugecommunautaire,surtout dans ledomaine del’environnement, sonabsence decompétence techniquepour pouvoir valablementcomparer desméthodes différentes parrapport au résultatenvisagé. En effet,l’on peut sedemander sicelui-ci estvraiment àmême decomparer différents types de mesures alorsqu’il nedispose pasnécessairement detous lesélémentstechniquespoureffectuer cettecomparaison. Comment pourrait-il alors censurer lelégislateur oul’administrateur alorsqu’aucun savoir ne ledésignecommeplusexpert que celuiqu’il contrôle?530 Ne revient-on pasen fin de compte àpermettre au moinscompétent dedire que lepluscompétents’est trompé?531. L’on auraobservé que les arrêts de laCour dejustice condamnant lecaractère nonindispensable de lamesurenationale prêtent leflanc à la critique car ilsreposentplussur des affirmations que sur des démonstrations. Aaucun moment,la Cour parvient àétablir clairement en quoi la mesure alternativeest aussi avantageuse que la mesurelitigieuse.

En outre, lecontrôle du caractèreindispensable de lamesuremasquedans ces cas uncontrôle nettementpluscontroversé sur lecaractèreproportionné ou disproportionné même de lamesure. Eneffet, ne maitrisant pas leséléments techniquespour pouvoirvalablement comparerl’efficacité réelle desmesures concurrentes,le juge sera tenté de selaisser guider par la valeurqu’il estimesupérieure. Pour un juge soucieux de garantirl’intégrationéconomique, lesmesures alternatives devrontêtre privilégiéestoutsimplement parcequ’elles présententmoins d’entraves auxéchanges etcelaindépendamment du souci demaintenir la mesurela plus efficace. Dans cescirconstances, la mise enbalance desavantages et desinconvénients de mesuresdivergentesprésente le

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danger defaire prévaloir àtous les coups la mesure laplusraisonnable sur la mesure laplus rigoureuse et ce audétriment del’objectif poursuivi.

Nousdevonsformuler les critiquessuivantes. Cetteméthoded’analyse fait fi, ànotreestime, de la prise en compte du principed’un haut niveau deprotection de l’environnement. Commenousl’avons vu, ceprincipe commande en droit communautairemaisaussidans uncertainnombre de droits nationaux que les mesuresde protection poursuivent unniveau optimal. Uncontrôle deproportionnalité quiviendrait àrabasser systématiquement leniveau deprotection à un niveauintermédiaire ou à unniveaufaible serait contraire àceprincipe.

Le principe environnemental devrait commander à ce que lecontrôle du caractèreindispensable de la mesure seposeuniquement enterme de comparaison demesuresprésentant u ndegréd’efficacité identique.Ceci necompromet en rien lecontrôlede proportionnalitépuisque de toutemanière lamesure la moinsrestrictive devra être retenue.Mais ce contrôleserareplacédansdes limitesplusobjectivables.

Certes, ledoute peutexister àpropos ducaractèrenettementplus avantageux de la mesurequerellée parrapport àd’autresmesuresconcurrentes. A cet égard,l’on tiendra compte du principede précaution quijustifie l’intervention despouvoirspublics alorsque la lumière n’est pas entièrement faite sur lanécessitéd’intervenir.

§4. Les principes du droit de l’environnement aux prises avecle bilan "coût-bénéfice"

La pondération desintérêts en présence s’avèreencoreplusdélicate lorsqu’il n’y a pas demesurealternative. Le contrôle deporpotionnalité s’avèredansce cas beaucoupplus tranché pourdeuxraisons. En premier lieu, la comparaison nepourra sefairequ’entre l’action et l’inaction. Le principe deproportionnalité serésumera àl’examensuivant : lesinconvénientsauxquels aboutit

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l’action dépassent-ils ou nedépassent-ils pas ses avantages?Dansl’affirmative, l’action devra être condamnée au nom de lapréservation del’intérêt affecté. Dans la négative, la mesurepourra être validée et leslimitations apportées auxintérêts destiersdevrontêtresupportés. En second lieu, la sanction prise par lejuge sera plus lourde de conséquences, lamesure jugéedisproportionnée nepouvant plusêtre remplacée par uneautre.Lejuge seraalors conduit àprendre partisoit en faveur del’intérêtsous-jacent à la mesured’ingérence soit en faveur del’intérêtmenacé.

Cette étape du contrôle deproportionnalité estincontestablement laplus controversée : enautorisant lejuge àprocéder à cebilan "coût-avantage", ne luidonne-t-on pasl’instrument capable de recalibrer latotalité de l’oeuvrenormative,qu’elle soit réglementaire oulégislative"532?

Le bilan "coût-avantage" de lamesure varie enfonction de laperspectivedans laquel le seplace le juge. Une mesure fortavantageuse du point de vue del’environnement risqued’être toutà fait incomprise . Demême, les inconvénients suscités par unemesurerisquent deparaître bégninsdans lechef de sonauteurmaisexaggérésdans lechef destiers concernés. L’appréciation est iciavant tout subjective.La balancerisque donc de pencherdans dessens différents sélon les sensibilités desjuges. Ainsi, le jugepréoccupé dudevenir de la gentailé trouvera disporportionnél’empiètementd’un parc national par uneautoroute tandis que lejuge amateur devitessepenchera en faveur de la solutionopposée.Le souci de protection del’environnementpourra tantôt êtreprivilégié, tantôt, aucontraire,être placé enretrait.

A. Critique de la nature discrétionnaire du test deproportionnalité

Une partie de la doctrinen’a jamaiscaché soninquiétude devoir le juge usurper laplace qui revient aulégislateur ou àl’administrateur. Unauteurécrit danscetteveine que "le recours

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systématique au principe deproportionnalitén’estpas sans danger,parce que larègle esttrop subjectivepour offrir au justiciable unegarantieabsolue. La démarcherisque de remplacerl’arbitraire de lapuissance publique parl’arbitraire du juge ou, en d’autrestermes,de substituer lejuge au législateur ou à l’administration dansl’exercice du pouvoir d’appréciation discrétionnaire. Ils’agit làd’une latitude redoutable quiutilisée par unmagistrat malinspiré,conduira à des solutionsn’entraînant pas l’adhésion, et que nul nepourrait alorssanctionner"533.

Il est vrai que lorsqu’il estime qu’unemesure depoliceenvironnementale estexcessiveparce qu’elle va au-delà dunécessaire, ou encorelorsqu’il considère que lesinvonvénients de lamesure environnementalepour l’économie sont plus importantsque les avantagesqu’elle procure entermes de protection del’environnement, le juge administratif se rapproche de très prèsd’une appréciation d’opportunité534. De même lorsque laCour dejustice estime qu’unagrément administratif est disproportionnépour assurer laprotection de l’environnement,elle procède à unjugement de valeur qui a priori nerelève pas de sacompétencejuridictionnelle. Ce qui esttrop rigoureuxrelèvealors del’excessiftandis que ce qui est raisonnabledemeureproportionné.Examinésous cetangle, le principe deproportionnalitépourrait avoir deseffetsredoutables sur la politique del’environnement.

Ce pouvoir doit-il pour autant être qualifié d ediscrétionnaire? De nombreux auteurs tempèrent cetteappréhensionmêmes’ils demeurentsconscients que le contrôle deproportionnalité constitue unearme redoutable. Pourcette raison,l’on conseille de lamanipuleravecprudence.,l’on rappelle à cetégard que le jugen’est là que poursanctionner"l’excèspatent","lesgravesdisproportions"535, qu’il va naturellement pratiquer"l’auto-limitation" et que sa "fonctionpacificatrice" lui ordonne de ne

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jamais s’aventurertrop loin dans soncontrôle 536. Le juge n’est-ild’ailleurs pasnaturellementenclin à se montrerprudent? Unedécision trop sévère nereceuillera nil’adhésion de ladoctrine nicelle des justiciables.L’on fait aussi remarquerqu’en n’étant pasplongé dans lestourments del’action politique ou administrative, ilpeut trancherdans lasérénité 537. En revanche,s’il agit avectropde circonspection, on lui reprochera alors sonmanqued’audace, saservilité devant les pouvoirspublics....

En fin de compte,le contrôle de ce quipeutparaître démesuréest une question de mesure.Voilà donc lamodération exclure ladiscrétion.

Mais ces réponses nenousconvaincent pas entièrement.Est-ilvraimentpossible, comme se ledemandecommeStéphane Rials,de concilier l’intérêt de l’environnement et celui de ladéfensenationale, tous deuxéminents, "si ce n’est parl’exercice d’unpouvoir discrétionnaire"?538 Ne serait-il paspréférable d’avouerque tout bilan"coût-bénéfice" recèlenécessairement unedose dediscrétionnaire? Ne faudrait-il pasconsidérerqu’il y a là "un choixparfaitement dogmatique, unarbitrage quidemeure, au sensneutreet ancien de ce terme,arbitraire"539. C’estbien arbitrairement quele juge considère quetant d’unités de bien-êtrepour lestouristesvalent tantd’unités derecul pour lanature540.

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B. Ojections in concreto et in abstracto du bilan "coûts-avantages"

L’intérêt général comprend unepluralité d’intérêts publicsparmi lesquels l’on retrouve laprotection de l’environnement.L’intérêt porté à laprotection del’environnement estcependantrelativementrécent. Ildemeurefragile et lepoidsqu’on lui accordeest faible. Lorqu’ellessontmises enbalanceavec d’autrescatégoriesd’intérêts, les règlesenvironnementales ne peuventaboutirqu’à descompromis quirépondent imparfaitement auxdéfis posés.

L’application du principe deproportionnalité afait l’objet defortes objections de lapart decertainsauteurs.

In concreto, iln’est guère aisé decomparer les avantages etles inconvénients présentés par unemesure de protection del’environnement. Peut-on eneffet démontrer que desmesuresrelatives à la gestion- desdéchets procurent des avantagesdisproportionnés en raison desinconvénientsqu’ils créent entermed’échangescommerciaux? Il seraitpeut-être possible de calculer lesperteséconomiques des opérateurséconomiques concernéspuisquecelles-ci s’expriment en termesmonétaires.L’on éprouvera parcontre, un malaise certain à évaluer lajustevaleuréconomique desavantagesprocurés par une tellemesure. En effet,quelle valeurpeut-on accorder à la préservation des ressources naturelles, à lasalubruité de l’environnement, à laqualité de vie? Ces donnéesforcément subject ives ne sont pas quant i f i ab leséconomiquement541. Le bilan "coût-avantage" nepeut dece faitreposer sur une simple comparaison dechiffres; il ne peut serésumer à une évaluationpurementmathématique.Le principerevêtalors une dimension beaucoupmoins objectivable.

In abstracto, ilnoussembleextremêment délicat demettre enbalance des mesures environnementalesinspirées par lesprincipesque nousavonsdécrit et lesdroits de natureéconomique. Cesdroits- tels le droit de propriété, le droit de libre circulation des

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marchandises ou le droit d’entreprendre - portent avant tout surdes intérêts d’ordre privé alors que la protection d el’environnement serapporte à unintérêt collectif.Tout le monde aintérêt àpouvoir respirer un airpur, àboire une eau nonpolluée, àjouir d’un paysagepréservé .... L’intérêt général justifie que desintérêts individuelscèdentdevant lanécessité deprotéger unbiencollectif. Enoutre,dans lesEtats où ledroit de l’environnement areçu une consécration constitutionnelle, les mesuresenvironnementales participent àl’exécution de cedroit. Dans le casoù les droitséconomiques nesont pasconsacrés par laConstitution,le principe de lahiérarchie desnormes devrait pouvoirêtreutilement invoqué 542. La mesure environnementalejustifiée autitre du droit de l’environnement devraitrecevoir un préjugéfavorable de lapart dujuge dans lamesure où les droitsaffectésoccupent une positioninférieure dans lahiérarchie desnormes.Cependant, uncertain nombre de droitséconomiques ontégalement une portée constitutionnelle543. Nousnousretrouvons-alors enfaced’un conflit denormes de valeurégale où leprincipede proportionnalité paraît particulièrement adaptépour apporterune solutionraisonnable. Lejugeseratentéd’instaurer un équilibreentre ces normesantagonistes.

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CONCLUSIONS

Confrontés à des conflitsopposant des principes concurrents,les juges se réfugient derrière lecontrôle deproportionnalitépourtenter de les fairecoexister, le caséchéant, encensurantleurséventuelsexcès. Ledroit del’environnementn’est pasépargné parce phénomène.Etantdonné que samise en oeuvre seheurte à desrésistances deplus en plusfortes de lapart desmultiplesintérêtspublics etprivés, leprincipe deproportionnalité estapparu auxyeux de beaucoup comme lapanacéepour régler cetype deconflits.L’analysed’une jurisprudence fort diversetant du point de vue dessources que de la nature ducontentieux, a d’ailleursfait ressortir lerôle proéminentrempli dans cetype deconflits par leprincipe deproportionnalité quiagit par unmécanisme d’affinement desconflits d’intérêts, enremontant desintérêts en conflit auxvaleursreprésentées par eux544.

L’on reste toutefois dubitatif devant l’utilisation de ceprincipe dans lesconflits mettant encause lapolitique d el’environnement. Le recours à la proportionnalité est loin de semontrer toujours favorable auxintérêtsenvironnementaux. Aussiaura-t-on beau jeu demettre enévidence que leprincipemasque lecaractère discrétionnaire deplusieursdécisionsjurisprudentielles.Aussi pourra-t-on regretter lasévérité dujuge censuranttropsystématiquement lesdécisionsenvironnementales au nom de laproportionnalité. De manièreplusépisodique lorsqu’ilcondamneune ingérence d’ordre socio-économiquecomme disproportionnée,pourra-t-on vanter satémérité. La multiplicité des enjeux etl’hétérogénéité desvaleursauxquelles lejuge est confrontéfont duprincipe une notion àgéométrievariable quipermet lemeilleurcomme lepire. Le principeforce le juge à procéder à une hiérarchiedes valeurs encause et à en jauger lepoids respectif eu égard àchacun desintérêts concernés.C’est précisément cette mise enbalance des valeurs quiposeproblème en matièred’environnement,

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non pas seulementparce que lasubjectivité risque dedétronerl’objectivité, maiségalement enraison de lanaturejuridique desintérêts encause. Mais le principe de proportionnalité, enrestantun gaged’harmonie, remplit unefonctionindispensable. Il estdoncpréférable de réfléchir,quelles que soient les critiques quel’on seraitprêt à formuler à titreindividuel, auxaméliorations quipourraientlui être formulées en vue de mieuxobjectiver la démarche du juge.Le recours aux principes du droit del’environnementpourrait êtreici d’un grandsecours.

Sans aucun doute, ces principes longtempsrelégués à l’arrièreplan, réclament uneattention bienplus accusée de lapart dujugelorsqu’il est appelé àmettre enbalance desintérêts. Nous noussommesattachés, aucours de ce dernier chapitre, àmontrercomment ces principes permettraient,chacun àleur façon, demieuxprendre encompte laspécificité desmesures environnementales etde leur accorderplus depoids lorsqu’ellessont mises en balanceavec desintérêts divergents.Ainsi, c’estchacune des étapes de lanécessité et de laproportionnalité de lamesure qui devraitêtreréévaluée à la lumière de cesprincipes.

En étantsusceptiblesd’occuper l’avant-scène du contrôle deproportionnalité, ces principespourrontalors contribuer àaccroîtrel’effectivité du droit del’environnement.

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CONCLUSIONS DU TITRE II

En raison de la placequ’ils occupentdans lesystèmejuridique,les principes du droit del’environnementsontappelés à jouer u nrôle essentieldansl’ordonnancement desrègles qui lecomposent enun tout cohérent. A lalisière du droit positif, ils synthétisent,systématisent etdynamisent ainsil’ensemble des règles dedroitpositif. Ils orientent letravail du législateur ainsi que despouvoirssubordonnés et inspirent lejuge (chapitre 1er), ils facilitent lerapprochementd’ordres et de branches juridiquescloisonnés(chapitre 2), ils agissent, enexprimant larationalité fondamentaledu droit dans lequel ils opèrent, sur sastructure et sur sonorganisation interne et accentuentl’autonomie decelui-ci parrapport aux autresbranches de droit(chapitre 3), ilspermettentenfin une meilleure prise en compte desintérêtsenvironnementauxdans lapesée des intérêts enobligeant à procéder à unelectureoriginale du principe deproportionnalité (chapitre 4). Lesvirtualités des principessont doncbienréelles.

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CONCLUSIONS GENERALES

Le droit del’environnementest-il à cepoint fragile qu’il faille leconsolider en recourant à desinstrumentssouples, à desstandardsjuridiques, à des principes ? Les abondantesrègles techniquesauxquelles leslégislateurs ontrecouru depuisplus de troisdécennies nesuffissent-elles pas à contenir lesaltérationsécologiques ? Sont-elles à cepoint inefficaces quel’on doive trouverrefuge dans un"droit à texture ouverte",dans un"droit mou" ?

Une chose estpourtantsûre. Lesprincipes ontréussi à occuper enun tempstrès bref uneplaceessentielledansl’essor dudroit del’environnement. Ainsi trouvent-ilsleur placedans denombreusesdéclarations et conventionsinternationalesdont le traité deRomequi en énoncecinq d’entreeux; plusieurslégislateursnationauxs’attachent-ilsdans leurs efforts decodification à donner uneossature à leursréglementations en lesreprenant. Laconsécrationdes principes du droit del’environnement segénéralisedonc.L’onne saurait y voir là le produit d’une quelconque alchimiejuridictionnelle ou lefruit d’unerecherche intellectuelle débridée.

Ceci nous aconduit, dans lapremièrepartie del’étude, ànousattarder auxprincipes lesplus courammentinvoqués par leslégislateurinternational, communautaire et nationaux, àsavoir lesprincipes du pollueur-payeur, deprévention, de précaution, de lacorrection à la source et del’intégration. L’on nousreprocherasansdoute lecôté arbitrairece de ce choix .Noussommes bienentenduconscients quenous avons toutjuste commencé àexplorer lesrivages d’un vaste continent quiabrite sans doute de nombreuxautres principes quiméritent encored’être identifiés. Toutefois,noussommes parvenu àdégager un véritable filconducteur quiunit les cinq principes quenous avons cerné. Leprincipe dupollueur-payeurconditionne le principe deprévention qui renvoitlui-même àtrois principes : la précaution, la correction à la sourceet l’intégration. Lesprincipes permettentainsi de balisertous lesaspects de la politique de l’environnement. Ils enforment

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l’ossature. Ungrand nombre demécanismesjuridiques trouventappui surlesdits principes. Souvent, des sous-principes viennent enétayer lecontenu : laprévention se combineavec le principe d useuil, la précautionavec le principe del’évaluation durisque. Leprincipe de laréduction de la pollution à la sourceengendrepour ledomaine desdéchets lesprincipes deproximité et d’autosuffisance.

L’on a pu se demander se quipouvaitsusciterl’intérêt du mondejuridique pour desprincipes souventassimilés à desguidesd’orientation politique etdont l’influence sur ledroit est largementdifférée. Il estcertain que les principes ne s’apparentent pas à desrègles dedroit positif au sensclassique du terme. Enraison deleurcaractèreabstrait, ils nereçoivent jamais uneformulationunivoqueet tout à fait précise. De cefait, ils se situent à la lisière desdifférents ordres juridiquesqu’ils ordonnent. Ils sont leproduitd’une dialectique constante entre lesrègles de droit positifcontraignantesqu’ils inspirent et les valeursqu’ils véhiculent. Cettedialectiquen’empêchetoutefois pas queleur portée juridique soitréelle même sileur intensité demeurevariable. Cettenormativitédes principes est constante : lesrègles dedroit positif doivents’interpréter conformément auxprincipes, les principesvontfaciliter la recherche desfinalités que sedonne le droit del’environnement, en cas de conflitentre desintérêtsdivergents, lesprincipespourront aider lejuge à trancher.C’estdans lecadre de laseconde partie del’étude quenoussommesparvenus àcaractériserau moyen dedifférents anglesd’approche lavéritable naturejuridique de ces principes et de lesdifférencier d’autresconcepts,tels lesstandardsjuridiques ou les principesgénéraux dudroit.

Enfin, il nous restait à démontrer quelleutilité cesprincipespouvaientprésenterpour le fonctionnement dusystèmejuridique.Nous nous ysommesattachésdans unetroisièmepartie quiauramis en relief le rôleimportant que cesprincipespeuventexercer surles techniques d’interprétation,l’émergenced’une nouvelle branchedu droit et lapondération desintérêts. Certes,nous demeuronsconscients quenousavons entrouverts quecertaines portes et que lesujet est loin d’être épuisé. D’autres que nous, espérons-le,prendront sans doute larelève etenrichirontnotre propos.

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Faut-il pour autantconclure?Peut-on vraiment tirer un trait surune tendance normative qui vient àpeine d’émerger? Cecinousparait déraisonnable.Nous terminerons donc ceslignes par laconstationsuivante :l’émergence deprincipes dans ledroit del’environnement s’inscrit dans une évolution plus généraleaffectant ledroit tout entier. La sciencejuridique areposépendantlongtemps,dans uneperspective positiviste, sur une séparationtrèsnette faite entre ledroit, la morale et la politique. Or ledroit seconçoit aujourd’huidifférement. Il s’organiseautourd’un faisceaude principes entrelesquelsdifférents arbitrages doiventêtreréalisés. Lesprincipes dudroit de l’environnementsont fortementimprégnés de cettenouvelle image dudroit moderne. Dans unordrejuridique où à lahiérarchie formelleentre les normess’estsubstituée une interactiondélicate entre le droit,l’éthique et lapolitique, les principessontappelés à remplir une fonctioncruciale :celle d’inspirer le législateur etl’administration active etcelle deguider le juge. L’avenir du droit del’environnementsera doncmarqué par cette tendance.Dans lamesure oùl’application desprincipes quenousavonsdécrit ci-dessus est susceptibled’accroîtrela cohérence, la cohésion et larigueur de ce droitparvenupéniblement àl’âge de lamaturité, l’on oseespérer que ses règlesgagneront eneffectivité. Dans ce casseulement, l’environnementsera gagnant.

Bruxelles, le 29 novembre 1996

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TABLE DES MATIERES

TITRE Ier - LA GENESE DE CERTAINS PRINCIPES DU DROIT DEL ’ E N V I R O N N E M E N T

INTRODUCTION

CHAPITRE IER - LE PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEUR

INTRODUCTION

SECTION I. LA RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEURCOMME UN PRINCIPE DE DROIT INTERNATIONAL

§1er. Les recommandations de l’O.C.D.E.§ 2. Le droit communautaire§3. Reflexions sur la signification du principe

SECTION II. LES REPERCUSSIONS DU PRINCIPE DU POLLUEUR-PAYEUR SUR LA FISCALITER ENVIRONNEMENTALE

§1er. L’identification du redevable§2. L’assiette de la redevance§ 3. L’affectation du produit de la redevance

CONCLUSION

CHAPTIRE II- LE PRINCIPE DE P R E V E N T I O N :

SECTION I. GENERALITES

§ 1. Introduction§ 2. La genèse duprincipe§ 3. Les différentes facettes duprincipe

SECTION II. APPLICATION DU PRINCIPE EN DROITCOMMUNAUTAIRE

§ 1. Historique§ 2. La prévention, objectif politique de certaines politiques sectorielles§ 3. Les différents instruments juridiques du droit communautaire de l’environnementmettant en oeuvre le principe de prévention

SECTION III. LES ENSEIGNEMENTS DU ROLE DU PRINCIPE DEPREVENTION DANS LE DEVELOPPEMENT DU DROIT COMMUNAUTAIRE

CHAPITRE III - LE PRINCIPE DE PRECAUTION

SECTION I. GENERALITES

§ 1er . Introduction§ 2. Genèse du principe§ 3. Les fondements éthiques du principe de précaution§ 4. L’émergence du principe de précaution en droit international§ 5. Les différentes facettes que peutrevêtir le principe de précaution

SECTION II. LES APPLICATIONS DU PRINCIPE DE PRECAUTION DANSL’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

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§ 1er. Historique§ 2. Les illustrations du principe de précaution dans le droit communautaire dérivé

SECTION III. ENSEIGNEMENTS SUR LE ROLE DU PRINCIPE DEPRECAUTION DANS L’EVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DEL’ENVIRONNEMENT

§ 1er. Le principe de précaution, un principe encore en gestation§ 2. Le principe de précaution et la place des scientifiques dans le processusdécisionnel§ 3. Les avancées timides duprincipe de précaution en droit communautaire

CHAPITRE I V - PRINCIPE DE LA CORRECTION, PAR PRIORITE A LASOURCE, DES ATTEINTES A L’ENVIRONNEMENT

SECTION I. GENERALITES

SECTION II. LE PRINCIPE DE CORRECTION, INTERPRETE A LALUMIERE DES PRINCIPES DE PROXIMITE ET D’AUTOSUFFISANCE

§ 1er. L’arrêt "Déchets wallons" et le recours au principe de correction§ 2. Les rapports entre le principe de correction, d’une part, et les principesd’autosuffisance et de proximité, d’autre part.

CHAPITRE V - LE PRINCIPE D’INTEGRATION

SECTION I. GENERALITES

§ 1er. Introduction§ 2. Genèse duprincipe§ 3. Les différentes facettes que peut revêtir le principe d’intégration§ 4. L’émergence du principe d’intégration en droit international

SECTION II. LES APPLICATIONS DU PRINCIPE D’INTEGRATION DANSL’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

§ 1er. L’émergence du principe dans le traité de Rome et les programmes d’action enmatière d’envir onnement§ 2. La mise en oeuvre du principe d’intégration dans le droit communautaire dérivé

SECTION III. ENSEIGNEMENT SUR LE RÔLE DU PRINCIPED’INTÉGRATION DANS L’ÉVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DEL’ENVIRONNEMENT

§ 1. La reconnaissance de l’exigenced’intégration§ 2. Les écueils rencontrés lors de la mise en oeuvre du principe§ 3. Les remèdes

CONCLUSIONS DU TITRE Ier

TITRE IIESSAI DE CARACTERISATION DES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

INTRODUCTION

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C H A P I T R E IER. - REFLEXIONS LIMINAIRES SUR LA NATURE DES PRINCIPES DUDROIT DE L’ENVIRONNEMENT

SECTION I. - L E S PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT NESONT PAS DES REGLES IMPERATIVES

SECTION II. - LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT NESONT PAS DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT

SECTION III. -LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT NESONT PAS DES STANDARDS JURIDIQUES

CHAPITRE II- LA DIMENSION ORGANIQUE DES PRINCIPES DU DROIT DEL’ENVIRONNEMENT

SECTION I. - LA PLURALITE DES SOURCES

SECTION II. - LES PRINCIPES PROCLAMES PAR LE LEGISLATEUR

SECTION III. - LES PRINCIPES ENONCES PAR LE JUGE

SECTION I V . - LES PRINCIPES REVELES PAR LA DOCTRINE

CHAPITRE III. - D I M E N S I O N FORMELLE DES PRINCIPES DU DROIT DEL’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE IV.- D I M E N S I O N MATERIELLE DES PRINCIPES DU DROIT DEL’ENVIRONNEMENT

SECTION I. - LE CARACTERE AXIOLOGIQUE DES PRINCIPES

SECTION II. - LA GENERALITE DU CHAMP D’APPLICATION DESPRINCIPES

SECTION III. - LA NATURE DISCRETIONNAIRE DES PRINCIPES

SECTION IV - LA PLACE SPECIFIQUE OCCUPEE PAR LES PRINCIPESDANS LA HIERARCHIE JURIDIQUE

CHAPITRE V - DIMENSION FONCTIONELLE DES PRINCIPES DU DROIT DEL’ENVIRONNEMENT

SECTION I. - LES PRINCIPES FORMENT L’ASSISE DU SYSTEMEJURIDIQUE

SECTION I I . - LES PRINCIPES GARANTISSENT LA COHERENCE ETACCENTUENT L’HOMOGENEITE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

SECTION I I I . - LES PRINCIPES IMPRIMENT UNE DIMENSIONTELEOLOGIQUE AU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

SECTION I V . - LES PRINCIPES DYNAMISENT LE DROIT DEL’ENVIRONNEMENT

SECTION V. - LES PRINCIPES APPORTENT UN ELEMENT DESOUPLESSE DANS L’APPLICATION DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

CONCLUSIONS DU TITRE II

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TITRE III

L’INCIDENCE DES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT SUR LEFONCTIONNEMENT DU SYSTEME JURIDIQUE

INTRODUCTION

CHAPITRE Ier - LES PRINCIPES, INSTRUMENTS NOVATEURS DEREGULATION

INTRODUCTION

SECTION I - LES PRINCIPES COMME GUIDE D’ORIENTATION AULÉGISLATEUR

SECTION I I . - LES PRINCIPES COMME CRITERE D’APPRECIATION DUPOUVOIR DISCRETIONNAIRE DE L’ADMINISTRATION

SECTION III - LES PRINCIPES COMME INSTRUMENTD’INTERPRETATION AU SERVICE DU JUGE

§. 1er. Le recours aux principes comme méthode d’interprétation§. 2. La pratique judiciaire§. 3. La crainte du gouvernement des juges

CONCLUSIONS

CHAPITRE II - LES PRINCIPES ET LEUR EFFET DE LISIERE

INTRODUCTION

SECTION I. - L’INTERACTION ENTRE LES PRINCIPES ET LESVALEURS EXTRA-JURIDIQUES

SECTION II -L’INTERACTION ENTRE LES PRINCIPES ET LES REGLESDE DROIT

§1er. L’ambigüité des rapports entre les principes et lesrègles de droit§2. Le modèle de la pyramide§3. Le modèle de lapyramide renversée§4. Des hiérarchies enchevêtrées

SECTION I I I - L’INTERACTION ENTRE LES DIFFERENTS ORDRESJURIDIQUES

SECTION III. - L’INTERACTION ENTRE LES DIFFERENTS BRANCHESJURIDIQUES

SECTION IV - L’INTERACTION ENTRE LES PRINCIPES SUPERIEURSET LES PRINCIPES PARTICULIERS

CONCLUSIONS

CHAPITRE I I I - LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT EN TANTQU’INDICATEURS DE L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE BRANCHE DU DROIT

INTRODUCTION

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SECTION I - LES OBSTACLES RENCONTRES PAR LE DROIT DEL’ENVIRONNEMENT EN TANT QUE NOUVELLE BRANCHE DU DROIT

§ 1. Un droit déstructuré§ 2. Un objet évanescent rétif à une appréhensionjuridique§ 3. L’absence de catégories juridiques homogènes§ 4. L’absence d’instruments juridiques spécifiques

SECTION II - LES PRINCIPES EN TANT QUE VECTEURS DEL’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE BRANCHE DU DROIT

§ 1. Les principes contribuent à dégager l’objet du droit de l’environnement§ 2. Les principes suscitent l’apparition de nouveaux cadres juridiques pour résoudreles problèmes d’environnement§ 3. Les principes transforment les règles existantes dans le sensd’une meilleureprotection de l’environnement§ 4. Les principes constituent une étape préalable de la codification

CONCLUSIONS

CHAPTIRE IV - LES PRINCIPES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT CONFRONTÉS AUPRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ

INTRODUCTION

SECTION I. LE PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ COMME MOYEND ’ A R B I T R A G E D E S C O N F L I T S O P P O S A N T LES INTÉRÊTSENVIRONNEMENTAUX A D’AUTRES CATÉGORIES D’INTÉRÊTS PUBLICS ETPRIVÉS : EXAMEN CRITIQUE DE JURISPRUDENCE

Introduction§1er. Le principe de proportionnalité au secours des libertés économiques§2. Le principe de proportionnalité au secours des intérêts publics de nature socio-économiques§3. Le principe de propotionnalité au secours des intérêts environnementaux

SECTION II.- L’APPORT DES PRINCIPES DU DROIT DEL’ENVIRONNEMENT AU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ

Introduction§1er. L’incidence du principe de précaution sur le contrôle de la nécessité del’intervention de l’auto rité publique en matière d’environnement§ 2. L’incidence des principes sur l’adéquation de la mesure par rapport à l’objectifpoursuiv i§3. L’incidence des principes sur le contrôle du caractère indispensable del’intervention de l’au torité publique§4. Les principes du droit de l’environnement aux prises avec le bilan "coût-bénéfice"

CONCLUSIONS

CONCLUSIONS DU TITRE II

CONCLUSIONS GENERALES

TABLE DES MATIERES

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