20

Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2

Page 2: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 2

Page 3: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 3

Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms

d’une partie des personnages ont été modifiés.

Page 4: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 4

Page 5: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 5

« Ce que l’homme ne veut pas apprendre par la sagesse, il l ’apprendra par la souffrance. »

(Melkisedech)

« La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents. »

(Confucius)

Page 6: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 6

Page 7: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 7

Chapitre 1

Une brise légère agitait la cime des arbres, les nuages épars, favorisant les odeurs généreuses de la terre, loin des champs de maïs, des terres dont des oliviers verdâtres étaient plantés de ci-de là et d’un bruissement de feuilles qui laissaient deviner que des couleuvres rampaient dans les fourrés.

Tous les ans, nous partions un mois en famille au Portugal pendant les vacances d’été, toujours au mois d’aout. Le voyage se déroulait en voiture et durait trois jours, dans un fourgon familial qui tractait une caravane. Il régnait à l’intérieur une cacophonie. Les livres et les jeux de magazine ne suffisaient pas à nous occuper. On chantait, on jouait à tue tête à la barbichette et à d’autres jeux qu’on pouvait se permettre en voiture. Souvent, je persécutais mon père de questions auxquelles il ne répondait jamais. Mon visage faisait la moue chaque fois je trouvais le temps trop long.

– Quand est-ce qu’on arrive ? Où est-ce qu’on est ? Hormis certaines sollicitations, mon père

répondait.

Page 8: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 8

– J’ai envie de faire pipi, quand est-ce qu’on s’arrête ?

– Est-ce vraiment urgent ? Demandait-il sans quitter des yeux la route.

– Oui, rétorquai-je avec exultation. La nuit, on dormait dans la caravane sur une aire

de repos appropriée. Une fois arrivée, on s’installait au camping pour y découler des jours heureux sur la plage. Dans les rues de Nazaré, mon parrain et ma marraine tenait une librairie. En fin de journée, on remballait les affaires de plage pour aller voir mon parrain qui ne pouvait s’empêcher de me couvrir d’un présent chaque année, entourant mon épaule de son bras tel que le ferait un meilleur ami, il me présentait diantrement à chacun de ses clients comme étant sa filleule. J’avais été baptisée à l’âge de huit mois en haut de la falaise, lieu qu’on surnommait « sitio » dans le sanctuaire de Nossa Senhora de Nazaré.

A trente-cinq kilomètres, mon père possédait un terrain sur les terres Portugaises. Déchiré par la construction d’une maison, il nous entrainait à l’occasion là-bas pour avancer dans les travaux afin de la terminer un jour, habitation qu’il termina peu de temps après sa retraite. Mon plus jeune frère aidait mon père au bricolage, apprenant ainsi les rudiments de plusieurs métiers utiles. Lorsque mon père faisait couler le béton, j’aimais à grimper dans la brouette qu’il transportait jusqu’à la bétonnière lorsqu’il devait récupérer ensuite le ciment. Non loin de la maison, dans la ville adjacente au village, nous allions visiter une de mes tantes dans son grand appartement dans lequel vivaient ma grand-mère et mes six cousins. Ma tante avait tenté une énième fois d’avoir une fille, mais en vain. Mon oncle m’avait scrutée étrangement dans

Page 9: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 9

les yeux pour me dire une phrase qui me dérouta, n’ayant rien compris au sens de ses paroles : « tu as de très beaux yeux, tu rendras les hommes fous. ».

Que venait faire la folie des hommes avec la couleur des yeux ? Avais-je songé.

Ma grand-mère nous offrait une fois dans l’année un gâteau au choix pour le petit déjeuner, parfois un billet pour acheter une glace. Ma grand-mère avait le même visage que ma mère, les mêmes yeux marron. Elle avait de courts cheveux argentés dont la coiffure était souvent négligée, et elle portait de grandes lunettes à monture noire.

Parfois, nous allions voir la marraine de ma mère sur les terres intérieures, bien plus loin que la maison dont construisait mon père. De préférence, c’était le week-end. Nous ne connaissions personne de la famille de mon père. Enfin si, nous avions vu la maman d’une mes cousines dont j’ignorais l’affiliation. La sœur de mon père nous faisait la bise en nous ignorant totalement et personne ne nous l’avait présentée comme telle.

N’ayant pas assez de temps pour visiter tout la famille, nous voyions rarement un oncle qui travaillait dans une ville à quinze kilomètres de Nazaré. Il était un des frères ainé de ma mère.

Au beau milieu d’une cour, mes parents discutaient avec un homme aux courts cheveux noirs ondulés en tenue blanche de travail.

– Vous restez ici combien de temps ? Questionna mon oncle en Portugais.

Mon père haussa les sourcils, et grimaça de la bouche en soufflant. Il répondait toujours en faisant des grimaces.

Page 10: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 10

– Oh, quatre semaines, répondit mon père. – Un mois, répondit ma mère au même instant. Mon oncle hocha la tête les bras croisés, et ma

mère jeta un regard noir à mon père. – On passera certainement une semaine sur les

terres pour y construire la maison, continua mon père. – Ah, bon, très bien. Il marqua une pause en

regardant le sol, puis releva les yeux. Vous allez sans doute visiter Alice ?

Alice était ma tante qui avait mis au monde six garçons dont ma grand-mère s’occupait, vivant chez elle.

– Possible, reconnut mon père. – Bien sûr, monsieur, rétorqua ma mère en écho,

dévisageant mon père d’un air hostile. Mais il ne me laisse pas parler. Il est terrible cet homme, fustigea ma mère en fronçant les sourcils.

Mon oncle eut un gloussement. – Ah, c’est moi qui t’empêche de parler ? Eh bien

parle, femme, répliqua mon père d’un ton placide, mais cynique.

Je ne me focalisai guère sur les conversations des adultes, encore moins à la subtilité des disputes en public de mes parents. A la maison, ils se disputaient souvent. Quand ils ne le faisaient pas, ils ne se parlaient plus. Jamais je n’avais aperçu mes parents avoir un moment de tendresse l’un envers l’autre. La seule fois où je les avais vus s’embrasser, c’était sur les photos de leur mariage. Un jour, mon frère découvrit leur contrat de mariage déchiré. Dans leur dispute, ma mère avait souvent menacé mon père de divorcer. Leur couple était loin d’être une parfaite idylle.

Page 11: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 11

Tous deux bruns, mes deux frères se cherchaient et se chamaillaient discrètement derrière mes parents. Le plus grand portait un polo bleu marine à manche courte, un short gris, et des sandales en cuir marron. Le plus petit portait un teeshirt bleu marine, un short noir, et les mêmes sandales que son frère. Dans l’asile psychiatrique, des hommes âgés pour la majorité, traversaient le sol en béton de la cour avec désinvolture. Les deux grandes grilles par lesquelles on était entré étaient grandes ouvertes. Il y avait deux longs bancs tels que ceux qu’on retrouvait dans les parcs. Certains hommes nous toisaient étrangement, et d’autres étaient tellement perdus dans leur pensée qu’ils semblaient ne pas nous voir. C’était une visite surprise donnée en faveur de notre oncle qui y travaillait comme infirmier. Tout le monde disait que moi et mes frères nous nous ressemblions. Pincer nos joues avait le don de nous agacer. Mes cheveux et mes yeux étaient les plus clairs de la fratrie. Mes yeux étaient noisette, et mes cheveux courts avaient des reflets similaires à celles de mes prunelles.

– Viens embrasser ton oncle ! M’invita jovialement l’inconnu.

Agée d’à peine deux ans, je me retranchai derrière les jambes de ma mère. Je portais une robe claire dont les motifs en fleur étaient rouges. Mon oncle Mario que je voyais pour la première fois tentait de m’approcher pour me faire des embrassades, mais il me parue tellement grand que j’en fus intimidée, alors je gardai mes distances.

Nous croisâmes d’autres hommes excentriques tandis que mes parents discutaient en Portugais avec mon oncle, une langue duquel j’assimilais déjà mais que je n’appliquais pas.

Page 12: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 12

L’un d’entre eux nous scruta en hochant la tête, ralentissant le pas lorsqu’il passa près de nous. Sa langue pendait en travers de ses lèvres. Celui-ci faisait partie de ceux qui ne parlaient pas. Un autre vieil homme passa devant nous, nous salua et gloussa sans raison apparente. Après avoir traversé la cour, mon oncle nous invita à entrer dans un des bâtiments, une pièce dans laquelle il y avait un grand comptoir, quelques guéridons en marbres et deux chaises autour, mais pas assez de places pour accueillir du monde. C’était un petit café miteux ouvert toute la journée. Il y avait un homme coiffé d’une casquette ancienne qui sirotait un café au comptoir, et un autre assis devant un guéridon qui regardait la télévision, qui visiblement avait fini de consommer son café. Les deux hommes nous dévisagèrent lorsque nous arrivâmes sur les lieux. Mon oncle arriva le premier au comptoir en s’appuyant dessus. Mes parents adressèrent un bonjour à l’homme qui se tenait derrière le comptoir, qui leur rendit un sourire. Il portait une chemise blanche sous un gilet noir et une cravate bleu marine.

– Trois cafés s’il vous plait, commanda mon oncle à l’homme. C’est ça, vous voulez du café tous les deux ?

Mes parents hochèrent la tête. – Et les enfants, que veulent-t-ils ? Questionna

mon oncle. Mon père était brun. Il avait les yeux d’un marron

très clair, proche du vert. Il sortit ses lunettes pour essuyer les verres, faisant de la buée en expirant de la bouche ouverte. Ma mère se tourna vers mes deux frères.

Page 13: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 13

– Que voulez-vous boire les enfants ? Pédro ? Mes deux plus jeunes frères balayaient du regard la

pièce dans l’espoir de faire de nouvelles découvertes et expériences, mais qui s’apparentaient à des bêtises pour les adultes.

– Du coca, exulta mon frère Pédro du haut de ses six ans.

Paulo, lui avait trois ans et demi. Pédro ne pouvait pas s’empêchait de le malmener pour le faire crier et pleurer, prenant même un malin plaisir.

– Coca, répéta mon plus jeune frère Paulo. – Copieur, méprisa Pédro à l’adresse de son frère. Paulo poussa un gémissement et se cacha dans les

jupes de ma mère. Ma mère soupira, et me regarda. – Toi, tu n’auras rien du tout. Tu n’as pas voulu

dire bonjour à ton oncle. Tournoyant sur moi-même dans la pièce, je fis

comme si la remarque ne me touchait pas. Je ne prêtai plus attention aux hommes étranges présents dans la pièce. Lorsque l’homme apporta les cafés et les boissons, ma mère ramena les cocas sur le guéridon le plus proche. En passant près de mes frères, elle leur adressa ses conditions.

– Allez-vous asseoir pour boire ! Mes frères se précipitèrent en trombe sur les

chaises. – Doucement ! Morigéna ma mère. Je cessai mes pirouettes lorsque ma mère rejoignit

le comptoir pour savourer son café, et je me plaçai derrière elle. Personne ne faisait attention à moi. Cela ne me plaisait pas. Près de ma mère, mon oncle se

Page 14: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 14

retourna subrepticement et tenta de m’attraper. Au pied levé, je tressautai puis m’éloignai illico en l’évitant de justesse.

Après quoi, je surveillai mon oncle du coin de l’œil. Lorsqu’il s’élança vers moi, je fis demi tour pour courir dans l’autre sens afin qu’il ne m’attrape pas, puis riant aux éclats, je revenais vers lui pour qu’il recommence. Pour moi, c’était un jeu très plaisant, mais mon oncle se lassa trop vite à mon goût. C’était un manège auquel je me vouais corps et âme, souhaitant recommencer encore davantage.

En zone rural situé dans le nord de la France en Picardie, j’habitais une grande maison avec un étage, deux grandes chambres, une petite chambre, une grande cuisine, et une grande salle à manger avec l’espace salon. Le jardin contenait des arbres fruitiers. Tous les ans, nous avions des noix, des prunes, des cerises, des pommes et des poires. Nous avions aussi deux animaux domestiques. Un chien bâtard dont la fourrure était rousse et une chatte siamoise. L’espace de vie se situait dans la cuisine dans laquelle se trouvait une table où tout le monde mangeait et regardait la télévision. A l’entrée de la cuisine, il y avait un foyer sur la gauche qui nous réchauffait l’hiver. Le poêle à bois servait parfois à réchauffer des soupes dans une marmite. Une fois, je m’étais brulée le coude en le posant dessus, et une autre fois le coté droit du pied gauche à l’emplacement des veines en jouant avec le tisonnier encore brulant, mais les blessures étaient restées superficielles. Près de la cheminée étaient installés le four à gaz et un évier. Mon père avait acheté le terrain pour y construire lui-même la maison. Il y avait un grand garage et un grand jardin dans lequel mon père avait installé un

Page 15: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 15

poulailler derrière le garage, pour y élever ainsi des poules, des canards, des oies, et des lapins. Mes frères et moi nous amusions à provoquer le coq et les canards qui nous chargeaient à coup de bec. Dès que les poules caquetaient à la moindre contrariété, le coq courait aussitôt à leur rencontre pour les protéger. Parfois les poules couvaient des œufs et nous assistions à l’éclosion pour y découvrir des poussins. Il arrivait que des œufs ne contiennent aucun poussin. C’était une erreur de la nature selon ma mère. On s’attachait à ses petites bêtes, ma mère aussi qui elle s’en occupait beaucoup. C’était d’autant plus cruel lorsque la plupart d’entre eux finissaient dans nos assiettes, notamment après avoir assisté à l’égorgement de chacun d’entre eux qui se débattaient même lorsqu’ils n’avaient plus tête. Je croyais ma mère insensible lors des mises à mort, mais je me fourvoyais. Quand un de mes frères était assez grand, elle lui avait supplié d’abattre un lapin. La chatte s’appelait Criquette. Chaque fois, Criquette accouchait dans un endroit différent pour qu’on ne touche pas à ces petits. Elle était allée jusqu’à mettre bas près du chemin de fer. Lorsque naissait des chatons de race siamoise, ma mère les vendait facilement. Lorsqu’un chaton partait, Criquette le savait et rodait à la porte d’entrée en miaulant. Une fois, Criquette avait donné bas à des bâtards, mais ceux-là ressemblaient beaucoup à des siamois, mis à part l’un d’entre eux qui était tigré noir et blanc. Sa particularité m’avait beaucoup plu, ainsi qu’aux enfants d’amis à mes parents qui avaient récupéré le chaton. Cette fois, j’avais imploré et insisté auprès de ma mère pour en gardant un, et elle avait accepté. Le chaton me suivait partout tel un chien. Je m’étais

Page 16: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 16

beaucoup attaché à cet animal, mais son côté trop malléable la perdit alors qu’elle avait à peine un an, renversée par un train.

Depuis toujours, j’avais une telle joie de vivre. Pétillante, intelligente et intrépide, j’avais toutes les conditions réunies pour réussir dans la vie tant j’étais en avance pour mon âge. Etait-ce le fait d’être la plus jeune d’une fratrie ? Probablement. En tout cas, je comprenais les choses très vite.

A l’aube, je descendis les marches de la maison avant tout le monde. J’avais à peu près deux ans. Il était bien trop tôt pour les autres. Tout le monde dormait à poing fermé, et le silence régnait dans la maison. Il n’y avait qu’une télévision et elle était très prisée par la famille dès le réveil. En pyjama, je tenais un ours en peluche bleu que je surnommais Bouba. L’ours en peluche d’une main, je m’appuyais au mur d’une main tout en descendant les escaliers d’un pas léger. Je traversai le couloir, puis la cuisine qui était plongée dans la pénombre. Sur la pointe des pieds j’allumai la lumière de la cuisine. La grande télé était posée sur un plan de travail qui faisait tout le long du mur. C’étaient des placards aménagés, il y avait une rangée en haut et une en bas. – Boubaaaa, murmurai-je en posant la peluche près de la télévision.

Méticuleusement, je trainai une chaise pour la placer face à la télévision en faisant le moins de bruit possible, puis je me hissai dessus. Enfin à la hauteur de la télévision, j’appuyai sur le gros bouton du bas qui allumait l’appareil. Lorsque l’image apparue, je perçus un son violent, un vacarme tonitruant de deux secondes alors je coulissai aussitôt le bouton vers le bas de la colonne. Repérant les petits boutons en

Page 17: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 17

colonne qui représentaient les chaines dont à gauche celle du son, j’actionnai le deuxième bouton en partant du haut, puis un petit voyant rouge illumina la touche. A l’image, je constatai que c’était le générique du début de mon dessin animé préféré, Bouba. La télévision était plongée dans un silence oppressant. Très lentement, je poussai délicatement le bouton du volume vers le haut. Le volume était parfait, ni trop fort pour réveiller les autres, ni trop bas, audible selon moi. Enchantée, je frappai deux fois dans mes mains en guise d’applaudissement. Le sourire aux lèvres, je descendis de la chaise et je reculai la chaise. Je récupérai ma peluche et m’installai dessus pour contempler ma série jusqu’à la fin. Mes gestes avaient été mécaniques. Ce n’était pas la première fois que je faisais cela. Ecoutant le générique de fin avant de gagner mon lit comme si de rien n’était, je chantonnai tout en me dandinant.

« Bouba, Bouba, fais bien attention. Ne t’éloignes pas du chemin de ta maison, disait la chanson. »

Ne sachant dire que « Bouba », je ne faisais que murmurer la mélodie, accompagnée de ce mot, ignorant encore que j’aurais dû attentivement écouter ce conseil. Mais j’étais une petite fille comme les autres. Innocente et insouciante, je pensais que rien ne pouvait m’arriver, avant que le bonheur de mon enfance ne vacille.

Page 18: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 18

Page 19: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 19

Chapitre 2

Mon cœur battait tel un tambour, si fort qu’il pouvait réveiller tout le monde. La chute m’avait prise au dépourvu. C’était le noir complet. Sans fin, vertigineuse, elle me glaçait le sang. Il n’y avait rien autour de moi à part le néant. J’étais seule et je n’avais même pas la force de hurler. A mes pieds, il n’y avait même pas de sol sur lequel atterrir. Je n’avais qu’une hâte, que la dégringolade cesse quitte à m’écraser plus bas.

Brutalement arrachée de mon sommeil, je bondis du lit au milieu des ténèbres étouffantes. La tension me quittait peu à peu, emportant la douleur dans son sillage. J’ouvris les yeux en grand non sans émoi, et je restai un instant désorientée avant de comprendre que cela n’avait été qu’une illusion : j’étais bien réveillée. Je n’avais pas le souvenir de m’être couché la veille. Ma chambre me parue aussi glaciale que mon cauchemar, dès lors un frisson me parcouru l’échine. Il y avait des chauffages installés dans les chambres, mais ils n’étaient jamais allumés. Par-delà le mur qui séparait ma chambre de celle de mes parents, il y avait un conduit de cheminée de l’autre

Page 20: Cette histoire est basée sur des faits réels. Les noms d

2 20

côté qui permettait de réchauffer quelque peu leur pièce. Le tapage du vent du nord s’acharnait contre les volets de ma chambre. Le rythme de mon cœur affolé s’estompa peu à peu lorsque j’étais rassurée de voir que j’étais dans ma chambre. Cela m’avait semblée pourtant terriblement réel. Mon cœur avait pâti tel qu’il l ’aurait fait dans la réalité.

Mon lit à barreaux était un berceau en bois merisier qui commençait à devenir trop grand pour de grandes jambes telles que les miennes. N’ayant ni pleuré, ni crié, ni gémi, je n’éprouvai pas le besoin d’appeler ma maman. Et cela n’aurait servi à rien. Je savais qu’elle ne viendrait pas me consoler et qu’à la place mon père viendrait maugréer en intimant de me taire. Je connaissais très bien les rituels. Je ne songeai même pas à regarder vers le lit de ma sœur. Le silence régnait dans la maison. Tout le monde dormait à poing fermé. Je mis un certain temps à comprendre ce qui m’arrivait avant de me rallonger. Ce type de rêve renvoyait une signification éloquente auquel je n’étais pas en mesure de comprendre. C’était le premier signe de ma descente aux enfers. Tout se dérobait à mes pieds comme si c’était la fin du monde. Ma vie telle que je l’avais connue était terminée, impossible de faire marche arrière. Ce rêve était le présage d’un avenir funeste et incertain. Mais à cet âge si jeune, j’étais loin de m’en rendre compte.

A l’école maternelle, j’étais dans un dortoir parmi d’autres enfants. Les lumières étaient allumés car les rideaux ne laissaient pas filtrer la lumière du soleil. C’était un endroit que j’abhorrais déjà tant je ne me sentais pas à ma place. C’était certainement ma première année en maternelle. Assise sur un pot, j’observai en silence les enfants qui s’installaient