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La culture robotique, entre fiction et réalité
Palais de la robotique3 Avenue du Général Einsenhower75008 Paris Cedex 03Tel: 01 53 01 82 00www.palaisdelarobotique.fr
Ouvrage réslisé sous la direction de Somogy éditions d’artConception graphique : Justine Soulié
ISBN 978-2-7572-0590-7Dépôt légal : juin 2014
Sommaire
Préface
Une exposition pour l’avenirAu fur et à mesure que les robots effectueront des tâches
habituellement dévolues aux hommes, le doute s’installera:
aura-t-on affaire à un robot ou à un être humain?
L’automate et le robot, hier et demainFantasmes quant à ses capacités, aux intentions cachées
de ses créateurs ou même à ses propres intentions quand
on imagine, et appréhende, le risque de le voir échapper au
contrôle de ses concepteurs et maîtres. Alors, qu’est-ce qui
différencie l’automate du robot?
Des robots et des hommesL’homme est le produit de l’évolution biologique, mais pas
seulement. Grâce entre autres au langage et à l’écriture, il a
su, de génération en génération, transmettre et mémoriser
ses connaissances, ses savoir-faire, son expérience, pour
constituer un bagage non biologique (qui prend toutefois
support sur le biologique) qui déplace en partie les
frontières entre l’inné et l’acquis.
Les robots au cinémaIl y a dans les deux cas une démarche de démiurge qui
touche au blasphème: l’homme peut-il vraiment recréer
son alter ego? L’être humain peut-il rivaliser avec le
Créateur de l’univers?
Robots; enjeux dans la sociétéPar définition, un robot mobile doit pouvoir se déplacer.
Cette simple compétence requiert la mise en œuvre de
plusieurs fonctions qui peuvent s’avérer très difficiles à
obtenir dès que l’on quitte les cas d’école.
Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?
Il y a quelques années, Apple avait chargé une agence de
concevoir la publicité de son nouvel ordi nateur, l’iMac.
On y voyait un passant dans une rue de New York s’arrêter
devant la vitrine d’un magasin, intrigué par un ordinateur
qui le suivait du regard.
L’expositionModèles et projections présentent à l’exposition.
Vous y trouverez des secrets de tournages dont vous
n’avez jamais entendu parler.
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Préface
Le mot « robot », imaginé par l’écrivain tchécoslovaque Karel Capek en 1921, signifie « travailleur » ou « esclave ». Ce concept a donné lieu au développement d’une mythologie débridée pendant tout le xxe siècle, inspirant la littérature, le théâtre et surtout le cinéma, de Metropolis, de Fritz Lang, à Terminator, de James Cameron, en passant plus récemment par, Robot, d’Alex Proyas. Ces visions de robots anthropomorphes ont plutôt engendré la crainte et la méfiance de la part du grand public. Pourtant, au même moment. une véritable révolution technique faisant entrer les robots dans notre quotidien s’était discrètement mise en place sans que nous nous en rendions compte. Ces robots-là ne ressemblent ni à Maria, ni au Terminator T-800, ni même à NS-5, mais prennent l’aspect banal d’une machine à laver, d’un tableau de bord automobile, d’un ordinateur, d’uri téléphone, d’un bistouri ou même d’une pompe à essence!Au moment où certains craignent une invasion de l’humanité par les robots, il nous a semblé que le Musée des arts et métiers devait faire un état des lieux de la robotique. L’exposition « Robots » rappelle ainsi que c’est l’homme qui a conçu et introduit les robots dans son quotidien, pour le seconder dans des
Les auteurs de science-fiction annoncent l’arrivée des
robots depuis de nombreuses années. Ils vont parfois
jusqu’à nous faire douter de leur réalité et n’hésitent pas
à les caricaturer en oscillant entre déni et fantasmes.
Les robots peuvent aussi bien se mettre au service de
l’homme, comme le héros japonais Astroboy, constituer
un danger mortel pour l’humanité, comme les T-800 de
Terminator, ou se révéler de sympathiques compagnons
comme R2-D2 ! La réalité est pourtant moins romantique
et plus complexe.
Après l’outil, extension de sa main, et la machine, qui
a décuplé sa force, l’homme a inventé des machines
auxquelles il peut transmettre une partie de son
intelligence pour déléguer certaines de ses décisions.
Les robots font déjà partie intégrante de notre quotidien:
nous voyageons dans des métros sans conducteurs, nous
utilisons des appareils autonomes qui aspirent la moquette
ou tondent le gazon, et nous envoyons des engins
robotisés aux confins de l’univers.
Le faire savoir, le faire comprendre est une mission
essentielle pour préparer les générations futures à une vie
qui promet d’être bien différente de la nôtre.
À l’heure d’Internet et des médias de masse, dans un
monde saturé d’images, de vidéos et d’informations
virtuelles tous azimuts sur le perpétuel zapping
technologique, l’exposition « Robots » permettra aux
visiteurs de toucher du doigt les technologies robotiques
depuis leurs balbutiements jusqu’aux innovations les plus
récentes, de comprendre leur impact sur le monde et
sur nos vies. La « robolution » est un nouveau territoire
dont l’exposition « Robots » est une des premières cartes
accessibles à tous.
tâches domestiques, dans les processus de production industriels, dans les opérations chirurgicales les plus délicates ou sur les champs de bataille, mais également dans des milieux particulièrement hostiles aux humains comme les hauts fonds marins, les installations nucléaires ou les confins de l’univers. Cette exposition est l’occasion d’illustrer la filiation des robots avec la mécanique traditionnelle, l’électronique et l’informatique, entre autres par la présentation d’objets exceptionnels issus des collections du Musée des arts et métiers comme des automates, des horloges anciennes, des tableaux animés ou encore des prototypes de robots ou des robots industriels, récemment acquis. En plus de ce patrimoine unique, de nombreux objets ont été prêtés par plusieurs grandes institutions de recherche et des entreprises; qu’elles en soient ici chaleureusement remerciées. À terme, ces objets pourront peut-être entrer dans les collections pour former un patrimoine à transmettre aux générations futures. Une exposition pour que chacun puisse prendre conscience de l’intégration des robots dans la vie de tous les jours, au travail ou à la maison, esquissant les formidables perspectives d’avenir pour le secteur de la robotique, mais interrogeant également les citoyens sur la place que nous souhaitons laisser aux robots dans la société de demain.
SERGE CHAMBAUD
Directeur du Palais de la robotique
Malgré ces premiers exemples, la révolution
robotique, la « robolution », reste obscure voire
inquiétante pour le grand public et nécessite
d’être expliquée plus largement. C’est en effet
une source d’innovations, d’émerveillement,
porteuse de valeurs nouvelles, qui mérite d’être
révélée. Notre vie quotidienne va être bouleversée
par des inventions pérennes: voitures autonomes,
robots compagnons d’assistance ou de loisir, robots
de téléprésence pour se téléporter à l’autre bout
de la planète, robots chirurgiens, drones volants
sans pilote...
Fort heureusement, la plupart des robots
actuellement en service ne sont pas
anthropomorphes. Ce type de robots est
pourtant déjà à l’œuvre, que ce soit pour
faire la conversation à des personnes âgées
ou pour tenir la réception d’un hôtel. Au
fur et à mesure que les robots effectueront
des tâches habituellement dévolues aux
hommes, le doute s’installera: aura-t-on
affaire à un robot ou à un être humain?
Cette question se posera dès lors que
la présence, dans la société, de robots
anthropomorphes sera telle que nous ne
serons plus en mesure de distinguer les
machines des êtres vivants. Quel avenir pour
les hommes si des machines sont capables
de réaliser des tâches où « l’humanité » est
essentielle?
Une exposition pour l’avenir
• La constitution d’un savoirComment est-on arrivé à cette situation, alors que pendant longtemps, de l’Égypte ancienne jusqu’aux années 1950, l’objectif visé par les scientifiques et les ingénieurs était de réaliser un homme parfait?Le premier acte de ce drame historique se déroule entre les années 1920 et 1940. En 1924, le public de la Comédie des Champs-Élysées entend pour la première fois le mot « robot » lors d’une représentation de la pièce R.U.R. ( Rossum’s Universal Robot ), de Karel Capek ( 1890-1938 ). L’imagination fertile de l’écrivain avait forgé un mot nouveau pour interpeller les spectateurs, mais aussi et surtout pour marquer la distance avec les rêves anciens de l’homme-machine parfait. Dans sa pièce, Capek montre en effet le caractère utopique de tous les projets anciens qui cherchaient à reproduire l’homme sans défaut. On peut par exemple y lire : « Le jeune Rossum [ l’ingénieur-concepteur des robots ] a mis au point l’ouvrier qui a le minimum d’exigences. li l’a simplifié. li l’a débarrassé de tout ce qui n’est pas absolument nécessaire pour qu’il travaille. Ainsi, à force de simplifier l’homme, il a créé le robot. [...] Du point de vue mécanique, [ les robots ] sont plus parfaits que nous, ils ont une intelligence rationnelle mais ils n’ont pas d’âme. » ( Karel Capek, « Prologue », R.U.R. ) On connaît la suite: la révolte des robots... En s’organisant et en se révoltant, ces derniers surprennent les humains. Le concepteur et le constructeur, personnages clefs de la pièce, n’avaient pas prévu cela. On dirait une révolte à la Spartacus, thème récurrent dans l’Allemagne de l’après Première Guerre mondiale où le parallèle entre le célèbre gladiateur et les « esclaves modernes » a été repris par le socialisme de Weimar. C’est probablement en s’inspirant de cette pièce qu’Isaac Asimov ( 1920-1992 ) imagina les trois lois de la robotique, instaurant une barrière entre les hommes et les robots. Mais est-elle infranchissable? Une lecture atten tive des autres romans d’Asimov permet d’en douter. Si Capek peut effrayer, Asimov ras sure en rappelant que c’est toujours l’homme qui fabrique et donne les règles. Ces deux « pôles » résument tout ce que la littérature, le théâtre ou le cinéma ont imaginé au sujet des robots, à partir de situations nouvelles qui exploitent toujours les mêmes peurs ou des visions futuristes exaltantes.
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.
Une exposition pour l’avenir
Mais qu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres.
Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi-ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). L’objectif est la recherche interdisciplinaire.
Portrait de Karel Capek. est l’un des plus importants écrivains tchécoslovaques du xxe siècle. Le mot robot, apparaît pour la première fois dans sa pièce de théâtre de science-fiction R. U. R. (Rossum’s Universal Robots), roboti, a été inventé par son frère Josef à partir du mot tchèque robota, qui signifie « travail » ou « servage ».
Portrait de Warren McCulloch. Neurologue. McCulloch est l’initiateur des rencontres interdisciplinaires, dites Conférences Macy, qui réunirent certains des plus grands esprits de l’époque entre 1942 et 1953 et qui furent à l’origine de la cybernétique.
EN 1924, LE PUBLIC DE LA COMÉDIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES ENTEND POUR LA PRE-MIÈRE FOIS LE MOT « ROBOT » LORS D’UNE REPRÉSENTATION DE LA PIÈCE R.U.R. ( ROSSUM’S UNIVERSAL ROBOT ), DE KAREL CAPEK ( 1890-1938 ).
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I, robot. Sonny
Par la suite dans les sciences cognitives.Les premières tentatives de fabrication d’organismes artificiels sont Elmer et Elsie (Electro Mechanical Robots, Electro Light Sensitive). C’est ainsi que William Grey Walter (1910-1977) nomma ses deux premières tortues, ou Machina Speculatrix. Elles font par tie des premiers robots et sont également considérées comme une des premières réali sations contribuant au développement de la cybernétique. Elles sont enfin les ancêtres des robots de terrain et des armes dites «intelligentes». De nombreuses autres créa tures sont nées à la suite de ces deux machines, dont la tortue d’Armand Delsemme (né en 1918) et le renard électronique d’Albert Ducrocq (1921-2001), visible dans l’exposi tion. William Ross Ashby (1903-1972) a introduit un autre concept fondateur: l’homéo stasie, ou équilibre des fonctions vitales. Un appareil, l’homéostat, présente cette notion
nouvelle dans les années 1950, en montrant comment combattre des perturbations externes exercées volontairement pour déranger le fonctionnement d’une machine. Le robot, comme tout être vivant,
réagit à son nt poursuivi depuis longtemps. Héron d’Alexandrie (1er siècle apr. J.-C.).
Une exposition pour l’avenir
parler de cerveau électronique, et les scientifiques se sont d’ailleurs intéressés dans leurs recherches au parallèle entre cerveau et ordinateur. Ces travaux confluent vers un nouveau domaine de recherche appelé « intelligence artificielle ». Ce nom lui a été donné lors d’une conférence organisée pendant l’été 1956 sur le campus du Dartmouth College à laquelle ont assisté les principaux acteurs de cette discipline. Marvin Minsky (né en 1927) définit le projet comme«la construc tion de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que: l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique ». Peut-on copier le raisonnement humain? Nombreux étaient, et sont encore aujourd’hui, ceux qui pensent que le plus difficile est de reproduire des raisonnements abstraits. N’est-on pas fasciné devant un ordinateur qui gagne aux échecs face à des champions bien humains? Pourtant, les raisonnements les plus difficiles à reproduire sont bien ceux relatifs à la vie de tous les jours. Autrement dit, il est plus facile pour un ordinateur de trouver la solution à un problème de mathé-matiques que de passer l’aspirateur!
Portrait d’Isaac Asimov. Ecrivain et biochimiste, Asimov est l’auteur des «trois lois de la robotique»
AsimovNé vers le 2 janvier 1920
à Petrovitchi (en Russie) et mort le 6 avril 1992 à New
York aux États-Unis, est un écrivain américano-russe.
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Héphaïstos dieu du fer et du métal construisit des esclaves tout de métal et
d’or pour en faire des êtres intelligents
Portrait d’Isaac Asimov. Ecrivain et biochimiste, Asimov
est l’auteur des «trois lois de la robotique». Il est surtout
connu pour ses œuvres de science-fiction et ses livres
de vulgarisation scientifique. Asimov a écrit plusieurs
dizaines d’ouvrages de vulgarisation, sur des sujets
aussi variés que les trous noirs, la Bible ou Shakespeare.
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I, robot. Sonny
Un robot qui ne soit pas à notre imageVoici ainsi résumés les trois actes de la grande pièce de la recherche scientifique, technique et artistique avant l’avènement du robot. Le plus grand défi sera d’assembler ces diverses composantes en y ajoutant des dispositifs mécaniques et une source d’éner gie pour construire des machines qui réalisent des actions bien plus complexes qu’il n’y paraît. Tout cela constitue le décor d’une nouvelle pièce de théâtre: la robotique.
Les ordinateurs ont donné l’autonomie à ces machines, autonomie qu’il fallait exploiter à fond et transformer en capacité de décision. Les robots peuvent acquérir et élaborer des informations et s’en servir au cours des mis sions qui leur sont confiées. Ils peuvent ainsi trancher entre deux ou plusieurs actions, ce qui leur permet, par exemple, de soigner mais aussi de tuer un être vivant. Bref, ils se comportent comme des êtres humains. Mais jusqu’à quel point?L’histoire a marqué le domaine d’une autre manière. Jusqu’aux années 1940, on s’in-téresse à l’androïde, comme Elektro, le
robot présenté à l’Exposition universelle de 1939. À partir des années 1970, on cherche à réaliser une action. Pour ce faire, on privilégie la forme la plus adaptée. Fini l’aspect humanoïde. Ingénieurs et scientifiques se servent du matériel à disposition dans leurs laboratoires ou de composants bon marché: le châssis est emprunté ici, les
capteurs sont volumineux et récupérés sur d’autres machines, les roues sont «piratées» ailleurs... Bref, ces robots ont plutôt l’aspect de machines faites de bric et de broc, comme certaines œuvres d’ar tistes élaborées avec des matériaux de récupération. À première vue, on ne peut pas les confondre avec des êtres en chair et en os. Ainsi construites, ces machines peuvent accomplir les mêmes tâches que les humains, mais pas de la même manière.
Elles imitent plus qu’elles ne repro duisent à l’identique, qu’il s’agisse d’opérations chirurgicales ou d’inspection dans les centrales nucléaires. Au cœur de la robotique se trouve cette notion d’imitation
qui vient de la philoso phie de l’intelligence artificielle. John Searle (né en 1932) s’était déjà posé la question: quand pourrai-je savoir que je m’adresse à un Chinois et non pas à un ordinateur qui imite parfaitement un Chinois? C’est exactement la même situation avec les robots. Il ne faut pas oublier que cette idée de l’imitation découle directement de la fiction, du théâtre, du cinéma. Les robots jouent sur la scène du monde réel une action qui peut appartenir à la vie de tous les jours, comme recevoir les clients d’un hôtel de luxe.
Pourquoi une exposition?Voilà résumée à grands traits la réflexion qui nous a guidés dans la conception et la réa lisation de cette exposition sur les robots. Le Musée des arts et métiers, musée national des techniques, a considéré qu’il devait proposer des éléments illustrant le dévelop pement technique actuel pour que les visiteurs puissent avoir une idée des débats en jeu aujourd’hui et qui, sans doute, seront demain au cœur du rapport entre science, technique et société. C’est pourquoi l’exposition se veut informative mais aussi critique vis-à-vis d’opinions qui circulent et ne sont pas fondées. C’est ainsi le cas de tous les discours qui établissent la continuité entre les automates e t les robots. Il suffit d’observer les horloges, symboles des automates d’autrefois, ou les fontaines des jar dins baroques. Il s’agit de machines à « mouvement perpétuel », si l’on fait abstraction de la source d’énergie
1939L’histoire a marqué le domaine d’une autre
manière. Jusqu’aux années 1940, on s’in-téresse à l’androïde,
comme Elektro, le robot présenté à l’Exposition
universelle de 1939.
Mais qu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). L’objectif est la recherche interdisciplinaire ur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi-ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson ( 1904-1980 ), Arturo Rosenblueth ( 1900- 1970) ou Margaret Mead ( 1901-1978 ).
IL NE FAUT PAS OUBLIER QUE CETTE IDÉE DE L’IMITATION DÉCOULE DIRECTEMENT DE LA FICTION, DU THÉÂTRE, DU CINÉMA. LES ROBOTS JOUENT SUR LA SCÈNE DU MONDE RÉEL UNE ACTION QUI PEUT APPARTENIR À LA VIE DE TOUS LES JOURS, COMME RECEVOIR LES CLIENTS D’UN HÔTEL DE LUXE.
R2-D2Robot de forme ovoïde de petite taille
qui s’exprime dans un langage sonore
électronique ressemblant à des sifflements.
Il est généralement accompagné de son
compère C-3PO qui le comprend et avec qui
il forme un duo comique.
Une exposition pour l’avenir
•
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Martin effectuent toujours la même tâche, tandis que les robots, grâce à leurs capacités d’interaction et de prise de décision, peuvent aller jusqu’à surprendre leurs utilisateurs et même leurs créateurs. Ces derniers doivent donc tout mettre en œuvre pour éviter que les robots ne s’écartent du « droit chemin ».La partie centrale de l’exposition montre à quel point les robots font déjà partie de notre vie. De leur présence dans des milieux hostiles,comme le fond des océans ou les centrales nucléaires,à leur envoi dans des lieux lointains,comme les planètes du système solaire,en particulier Mars, des jouets qui peuplent les maisons aux robots qui opèrent dans les hôpitaux, en passant par les lieux de travail, les robots sont partout. On n’y pense jamais, sauf à entrer en contact avec eux. Preuve supplémentaire que le jeu de l’imitation est en marche.
La dernière partie est consacrée à la littérature et au cinéma. Ces domaines artis tiques témoignent de la culture d’une époque profondément « imbibée » de science et de technique. On n’évolue pas seulement à partir des connaissances scientifiques et techniques, mais en créant de nouvelles images de la société et du monde qui nous entoure. Le développement de la robotique a été ainsi accompagné par l’imagination d’écrivains,d’artistes ou de cinéastes. Et comment faire autrement, si l’objectif n’est pas de copier, mais d’imiter? Les créateurs peuvent générer
peurs et espoirs, mais tout cela aussi fait partie de la culture. Dans quelques çinnées, quelle idée de l’homme s’imposera dans nos sociétés? Pour tenter de se définir,l’homme devra se confronter à l’animal et aux robots,ces derniers modifiant d’ailleurs l’idée que nous nous faisons de l’animal. Pourra-t-on le penser toujours comme un être à part? Les chantres du posthumanisme entonnent déjà les hymnes à la gloire du nouvel homme,tout comme les artisans de l’intégration dans le corps de composants électroniques. Le cyborg, cyberhomme, sera-t-il l’étape intermédiaire entre le robot et l’homme? Les nouvelles prothèses s’inspireront-elles des robots? La technique, qu’on l’aime ou qu’on la déteste, n’est pas neutre et nous obligera à prendre position. Le Musée des arts et métiers apporte une contribution à ce questionnement en participant à la création de la mémoire par la sauvegarde des objets,des robots. Un objectif loin d’être simple, car en plus de l’habituelle question « Que faut-il sauve garder? », nous sommes confrontés au « bricolage » des concepteurs. Les robots sont en effet déconstruits pour construire d’autres machines, les anciennes machines sont « can nibalisées », terme sans doute désagréable mais qui reflète la réalité de l’emprunt de composants. Comment, dans ces situations, constituer un patrimoine et le transmettre.
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I diots ( BLR_VFX, Spot publicitaire, Espagne 2013) Les robots sont les héros d’un spot publicitaire satirique
pour une voiture de sport de luxe.
InnovationUn mannequin robotisé bardé de capteurs va permettre au ministère de la Défense britannique de mieux tester les équipements de protection contre les armes non-conventionnelles qu’il développe pour ses troupes. Le ministère de la Défense du Royaume-Uni vient de présenter un modèle de mannequin de test dédié au développement d’équipements de sécurité pour ses soldats. Il est baptisé «Porton Man», en référence à la ville de Porton Down qui héberge le DSTL (Defence Science and Technology Laboratory), le laboratoire qui l’a conçu. Il possède plus de 100 capteurs intégrés et sera utilisé pour tester des combinaisons de protection.
Une exposition pour l’avenir
11
Hugo Cabret Film de Martin Scorsese,Le jeune Hugo est un orphelin de douze ans qui vit dans une gare. Son père, il ne lui reste qu’un étrange auto-mate dont il cherche la clé.
L’automate et le robot, hier et demain
L’automateD’abord une définition... peut-être un peu décevante parce qu’elle rompt le charme de la féerie. Un automate est un dispositif fonctionnant de manière automatique, c’est à-dire sans intervention de l’homme. Il est actionné par des éléments mécaniques, l’éner gie pneumatique ou encore l’électricité, et produit des mouvements, des sons ou même des souffles selon une séquence préétablie. Ce comportement est figé, le système fait toujours la même chose.Mais c’est là justement que pointe le génie de l’homme. La gageure de l’automate, c’est l’élégance, la finesse des gestes et des actions. Il exige une grande maîtrise des mouvements et des rythmes mécaniques, poussant loin les exigences de l’horlogerie de précision. Il y a aussi la subtile sélection des atti tudes naturelles et leur reproduction méticuleuse et, enfin, le talent de l’artisan qui a façonné l’automate.
L’ensemble atteint parfois des sommets. L’apparence de l’automate et l’imitation des gestes et postures sont parfois si réalistes que l’on en est saisi. Le Rieur du superbe musée de l’Automate de Souillac en est un exemple éclatant. Cette maîtrise devient
féerique quand elle anime un personnage et lui fait exécuter des tâches dont bien des hommes sont incapables. Ainsi, certains automates musiciens jouent véritablement de la flûte ou de l’orgue; que l’on songe ici aux célèbres Flûteur et Joueur de tambourin de Jacques Vaucanson, étonnantes réalisations et chefs d’œuvre de mécanique des années
1730. La séquence, disions-nous, est fixée et peut être répétée. Mais certains concepteurs d’automates sont allés plus loin. Ils ont créé des machines « programmables ». Des dispo sitifs de codage des mouvements et des actions permettent ainsi aux automates Jaquet Droz de jouer plusieurs morceaux de musique ou d’écrire différents textes. De même, la Joueuse de tympanon,automate de Pierre Kintzing offert en 1784 à la reine Marie Antoinette, peut exécuter huit airs de musique dont « l’aria de la bergère », extrait de l’Armide de Gluck. Les ordinateurs ont donné l’autonomie à ces machines, autonomie qu’il fallait exploiter à fond et transformer en capacité de décision. Les robots peuvent acquérir et élaborer des
informations et s’en servir au cours des mis sions qui leur sont confiées. Ils peuvent ainsi trancher entre deux ou plusieurs actions, ce qui leur permet, par exemple, de soigner mais aussi de tuer un être vivant. Bref, ils se comportent comme des êtres humains. Mais jusqu’à quel point?L’histoire a marqué le domaine d’une autre manière. Jusqu’aux années 1940, on s’in-téresse à l’androïde, comme Elektro, le robot présenté à l’Exposition universelle de 1939. À partir des années 1970, on cherche à réaliser une action. Pour ce faire, on privilégie la forme la plus adaptée. Fini l’aspect humanoïde. Ingénieurs et scientifiques se servent du matériel à disposition dans leurs laboratoires ou de composants bon marché: le châssis est du théâtre, du cinéma. Les robots jouent sur la scène du monde réel une action qui peut appartenir à la vie de tous les jours, comme recevoir les clients d’un hôtel de luxe.
Le robotCe concept de programmation nous conduit au robot. En effet, la notion de programme et plus généralement de logiciel est essentielle. Comme l’automate, le robot est, et surtout sera multiforme. C’est une machine phy sique capable de se mouvoir et d’agir sur son environnement. Mais, et c’est là que l’on met le doigt sur la principale différence avec l’automate, l’environnement du robot autonome est changeant. Le robot doit donc s’adapter au contexte dans lequel il évolue, ce qui constitue le principal défi auquel il est confronté. La capacité d’adaptation, si elle suppose des caractéristiques mécaniques particulières, pose également le problème de la production d’une action dépendante du contexte. On se trouve ici confronté à la fameuse « boucle» bien connue des roboticiens: en effet, on peut dire qu’un robot déroule indéfiniment un cycle perception-décision-action. On parle d’autonomie quand le robot réalise cette boucle sans qu’aucun «système» extérieur, l’homme par exemple, n’intervienne. Si elle est facile à exprimer sous cette forme, cette boucle est extraordinairement comme, entité artificielle qui intègre à la fois des capacités sensori-motrices et cogni tives. Le grand défi des roboticiens est de pouvoir mettre en œuvre des solutibns à la fois efficaces et «généralisables».
1738Les ancêtres des robots
sont les automates. Un automate très évolué fut présenté par Jacques de Vaucanson en 1738 : il représentait un homme jouant d’un instrument
de musique à vent.
Robocop. Les services de police inventent une nouvelle arme
infaillible, Robocop, mi-homme, mi-robot, policier
électronique de chair et d’acier qui a pour mission de
sauvegarder la tranquillité de la ville.
AutonomieLes robots sont devenus des auxiliaires indispensables sur les champs de bataille. Leur mode de mise en oeuvre est l’objet d’études approfondies et de progrès constants. Les robots de demain ne seront ni totalement autonomes ni totalement téléopérés, mais permettront d’associer l’homme et la machine dans le rôle de pilote. Effectuer des tâches pénibles ou répétitives. L’introduction des systèmes robotisés répond généralement à trois objectifs principaux : réaliser les travaux dangereux (tout en limitant l’exposition de l’homme), accroître l’efficacité des forces et effectuer.
Les hommes ont conçu des automates depuis
l’Antiquité, qu’il s’agisse de statues animées devant
les temples égyptiens ou de certaines machines
hydrauliques d’Héron d’Alexandrie. Mais quand on
parlera ici d’automates, notre pensée ira vers ceux qui
ont marqué notre enfance, d’abord dans les vitrines
de Noël mais aussi dans les musées ou dans nos livres
d’histoire. L’automate d’art est un exploit: exploit du
point de vue de la réali sation, exploit également au
niveau de l’observation des mouvements humains qu’il
reproduit. L’automate est aussi illusion. Il est construit
pour susciter l’étonnement ou l’émerveillement.
Le robot que nous évoquerons ici est le robot
autonome. Lui aussi peut être consi déré selon
différents angles. Il représente de grands défis pour
les chercheurs, défis que nous allons examiner. Mais
le robot est aussi porteur de fantasmes. Fantasmes
quant à ses capacités, aux intentions cachées de ses
créateurs ou même à ses propres intentions quand on
imagine, et appréhende, le risque de le voir échapper
au contrôle de ses concepteurs et maîtres.
Alors, qu’est-ce qui différencie l’automate du robot?
L’automate et le robot, hier et demain
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L'autonomie de déplacementPar définition, un robot mobile doit pouvoir se déplacer. Cette simple compétencerequiert la mise en œuvre de plusieurs fonctions qui peuvent s'avérer très difficiles à obtenir dès que l'on quitte les cas d'école.Tout d'abord, le robot ne doit pas« se perdre », c'est-à-dire qu'il doit être
en mesure de se repérer dans l'environnement dans lequel il opère. Une fois son but fixé, il doit pouvoir déterminer par lui-même le chemin à suivre. La génération du mouvement suppose également une adaptation au contexte selon, par exemple, que le sol est dur, meuble ou glissant. Enfin, le robot
doit coordonner son mouvement avec les autres agents mobiles qui partagent son environnement. Toutes ces fonctions ne peuvent évidemment correspondre au déroulement d'une séquence d'action préprogrammée. Elles nécessitent une perception à l'aide de multi capteurs et une activité de planification et de décision « en temps réel », puisqu'elle est prise sur place, en réaction à une situation qui ne peut être prédéterminée par le programmeur.
La manipulation d'objetsLa manipulation est un autre type d'action, directement lié au mouvement, et qui est réalisé par certains automates. Là aussi, dès qu'on s'affranchit des situations prédé finies, on s'aperçoit que cette fonction nécessite des capacités de perception (vision, toucher) pour la reconnaissance, de localisation de l'objet à manipuler et d'appréhen sion du contexte, de prise de décision pour produire l'action à réaliser, et des capacités sensori-motrices au niveau de l'organe préhenseur. Toutes ces caractéristiques sont hors de portée des automates. Le simple choix d'une prise d'objet dans un environnement contraint nécessite de tenir compte d'un grand nombre de paramètres. D'ailleurs, la manipulation dextre est loin d'être maîtrisée et constitue actuellement l'un des princi paux défis de la recherche en robotique. Notons enfin qu'il peut aussi arriver que les fonctions, a priori indépendantes, de déplacement et de manipulation soient utilisées de manière
conjointe. Par exemple, il peut s'avérer nécessaire, dans un contexte donné, qu'un robot ait à saisir et à écarter un objet qui empêche ou gêne son déplacement. De même, pour maintenir son équi libre, un robot humanoïde sera amené à se déplacer pour saisir un objet lourd, encom brant ou difficilement accessible et le manipuler.
L'interaction avec l'hommeDernier aspect essentiel de la robotique et qui n'est pas présent chez l'automate: l'interaction avec l'homme. Elle nécessite des fonctions encore plus évoluées pour le robot: perception de l'homme et de son activité, communication multimodale (verbale ou gestuelle), action partagée et/ou en synergie avec l'homme, décision interactive et partagée et, enfin, manipulation d'objets coopérative.L'adaptation permanente au contexte estévidente, l'homme étant par nature chan geant. Le challenge est ici de doter le robot de la capacité de prendre en compte de manière explicite son partenaire humain, son état mental, ses besoins, ses préférences. Ainsi, le robot devra dis poser d'un modèle de l'homme et de son comportement afin de mieux le servir.À ce propos, modèle de l'homme et/ou de l'animal? Il est intéressant de rappeler que le Canard digérateur de Vaucanson était destiné à reproduire une fonction pure ment animale, la digestion. Aujourd'hui, le robot est utilisé, notamment en neuro science, pour tester des modèles élaborés par les chercheurs pour mieux comprendre les fonctions humaines, qu'elles soient d'ordre physiologique ou psychique.On pourrait peut-être conclure en disant que l'intelligence dans l'automate est « hors ligne » : elle est uniquement présente au moment de la conception de la machine, et il s'agit d'une intelligence exclusivement humaine. Le robot, quant à lui, représente le défi de l'intelligence « en ligne », c'est-à-dire au moment de la réalisation de la tâche:c'est l'intelligence de la machine.Ils arrivent, ils seront bientôt parmi nous, ces robots autonomes assistants ou équi piers qui vont nous servir ou travailler à nos côtés. Mais demain, tout comme hier, il y aura encore et toujours des illusionnistes. Des robots pilotés à distance, des machines qui donnent l'apparence de capacités plus grandes que celles qui sont véritablement les leurs, parfois pour le plaisir, la beauté.
AutonomieSituation d’une collectivité, d’un organisme
public dotés de pouvoirs et d’institutions leur permettant de gérer les affaires qui leur
sont propres sans interférence du pouvoir central. Capacité de quelqu’un à être
autonome, à ne pas être dépendant d’autrui ; caractère de quelque chose qui fonctionne ou évolue indépendamment d’autre chose. L’autonomie d’une discipline scientifique.
Les réflexions sur les HRI (Human-Robot Interactions en anglais) ont principalement pour origine les romans du célèbre auteur et inventeur du mot robotique Isaac Asimov qui en publie en 1941 « I robot ». Ce roman développe les 3 lois de la robotique qui, dans le contexte du roman, régissent le comportement des robots vis-à-vis de l’homme. Depuis, les robots ont colonisé l’espace industriel sans que des systèmes tels que ceux décrits dans les romans de science fiction n’apparaissent dans la vie réelle. Néanmoins la communauté scientifique a établi une réflexion sur l’impact sociologique et psychologique de l’intégration de telles machines montrant la capacité d’exercer des tâches complexes habituellement réservées à l’homme comme par exemple faire le ménage d’une pièce encombrée, plier du linge, promener un chien, jouer au billard, etc.
La communauté mène également des recherches sur comment améliorer la conception de ces machines afin qu’elles intègrent les contraintes liées à leur interactions avec l’homme. Cette réflexion est menée par la communauté robotique (au sein de la communauté des sciences de l’ingénieur) avec le concours des psychologues principalement mais également des neuro-scientifiques, anthropologues etc.
L’autonomie et la complexité des systèmes robotiques sont croissantes notamment grâce aux progrès des composants matériels et logiciels de ces systèmes. Les avancées en intelligence artificielle notamment permettent d’imaginer que de tels systèmes puissent évoluer et partager des tâches dans le travail et la vie quotidienne avec l’homme. Des problématiques propres sujettes à leurs interactions avec l’homme émergent donc posant des questions liées à la sécurité et à la gêne que peuvent provoquer de tels systèmes. Le but principal des HRI est de comprendre les mécanismes qui permettent de rendre ces machines plus sûres et plus amicales afin quelles intègrent l’environnement humain de manière efficace.
Une méthode d’investigation particulière :Le mode d’établissement de nouvelles connaissances en HRI à la particularité de reposer sur des expériences où des systèmes robotiques réels sont mis en œuvre pour valider des hypothèse sur telle ou telle sensation et réaction que peut induire la présence et le comportement du robot sur l’homme. Une des difficultés de la discipline réside dans la subjectivité liée aux métriques utilisées sur ces expériences.
DANS LE DOMAINE DE LA MÉCANIQUE, ON NOMME AUTOMATE UN APPAREIL RENFERMANT DIVERS DISPOSITIFS MÉCANIQUES ET/OU ÉLECTRIQUES, QUI LUI PERMETTENT D’EXÉCUTER UNE SÉQUENCE DÉTERMINÉE D’OPÉRATIONS DE MANIÈRE SYNCHRONISÉE.
L’automate et le robot, hier et demain
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
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Jimmy Fallon.Accueille nos nouveaux suzerains de robot. Photo: Peter Yang
Des robots et des hommes
Par définition, un robot mobile doit pouvoir
se déplacer. Cette simple compétence
requiert la mise en œuvre de plusieurs
fonctions qui peuvent s'avérer très difficiles
à obtenir dès que l'on quitte les cas d'école.
Tout d'abord, le robot ne doit pas « se
perdre », c'est-à-dire qu'il doit être en
mesure de se repérer dans l'environnement
dans lequel il opère. Une fois son but
fixé, il doit pouvoir déterminer par lui-
même le chemin à suivre. La génération
du mouvement suppose également une
adaptation au contexte selon, par exemple,
que le sol est dur, meuble ou glissant.
Enfin, le robot doit coordonner son
mouvement avec les autres agents mobiles
qui partagent son environnement. Toutes
ces fonctions ne peuvent évidemment
correspondre au déroulement d'une
séquence d'action préprogrammée.
Elles nécessitent une perception à l'aide
de multi capteurs et une activité de
planification et de décision dite « en temps
réel », en réaction à une situation qui ne peut
être prédéterminée par le programmeur.
Amélioration de la vie au quotidienLà aussi, dès qu'on s'affranchit des situations prédé finies, on s'aperçoit que cette fonction nécessite des capacités de perception (vision, toucher) pour la reconnaissance, de localisation de l'objet à manipuler et d'appréhen sion du contexte, de prise de décision pour produire l'action à réaliser, et des capacités sensori-motrices au niveau de l'organe préhenseur. Toutes ces caractéristiques sont hors de portée des automates. Le simple choix d'une prise d'objet dans un environnement contraint nécessite de tenir compte d'un grand nombre de paramètres. D'ailleurs, la manipulation dextre est loin d'être maîtrisée et constitue actuellement l'un des princi paux défis de la recherche en robotique. Notons enfin qu'il peut aussi arriver que les fonctions, a priori indépendantes, de déplacement et de manipulation soient utilisées de manière conjointe. Par exemple,
dans un contexte donné, qu'un robot ait à saisir et à écarter un objet qui empêche ou gêne son déplacement. De même, pour maintenir son équi libre, un robot humanoïde sera amené à se déplacer.
Nouvelle humanitéDernier aspect essentiel de la robotique et qui n'est pas présent chez l'automate: l'interaction avec l'homme. Elle nécessite des fonctions encore plus évoluées pour le robot : perception de l'homme et de son activité, communication multimodale ( verbale ou gestuelle ), action partagée et/ou en synergie avec l'homme, décision interactive et partagée et, enfin, manipulation d'objets coopérative. L'adaptation permanente au contexte est évidente, l'homme étant par nature chan geant. Le challenge est ici de doter le robot de la capacité de prendre en compte de manière explicite son partenaire humain, son état mental, ses besoins, ses préférences. Ainsi, le robot devra dis poser d'un modèle de l'homme et de son comportement afin de mieux le servir.
À ce propos, modèle de l'homme et/ou de l'animal? Il est intéressant de rappeler que le Canard digérateur de Vaucanson était destiné à reproduire une fonction pure ment animale, la digestion. Aujourd'hui, le robot est utilisé, notamment en neuro science, pour tester des modèles élaborés par les chercheurs pour mieux comprendre les fonctions humaines, qu'elles soient d'ordre physiologique ou psychique.On pourrait peut-être conclure en disant que l'intelligence dans l'automate est « hors ligne »: elle est uniquement présente au moment de la conception de la machine, et il s'agit d'une intelligence exclusivement humaine. Le robot, quant à lui, représente le défi de l'intelligence « en ligne », c'est-à-dire au moment de la réalisation de la tâche:c'est l'intelligence de la machine.Ils arrivent, ils seront bientôt parmi nous, ces robots autonomes assistants ou équi piers qui vont nous servir ou travailler à nos côtés. Mais demain, tout comme hier, il y aura encore et toujours des illusionnistes. Des robots pilotés à distance, des machines qui donnent l'apparence de capacités plus grandes que celles qui sont véritablement les leurs, parfois pour le plaisir, la beauté.On pourrait peut-être conclure en disant que l’intelligence dans l’automate est « hors ligne »: elle est uniquement présente au moment de la conception de la machine, et il s’agit d’une intelligence exclusivement humaine. Le robot, quant à lui, représente le défi de l’intelligence « en ligne ».
1982Nous les robots, The
Complete robotPierre Billiona ( 1982 )
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TechnologieQu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978).
Une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ).
L’homme est le produit de l’évolution biologique, mais pas seulement. Grâceentre autres au langage et à l’écriture, il a su, de génération en génération, transmettre et mémoriser ses connaissances, ses savoir-faire, son expérience, pour constituer un bagage non biologique (qui prend toutefois support sur le biologique) qui déplace en partie les frontières entre l’inné et l’acquis. Le contenu de ce bagage s’enrichit à une vitesse qui dépasse largement celle de l’évolution biologique. S’il influence la représentation que l’homme se fait du monde ou de sa place dans l’univers, ce bagage lui a également permis de comprendre, et dans certains cas de modifier, l’environnement dans lequel il évolue et ses relations avec ses semblables. Il lui a donné les moyens de mieux connaître le fonctionnement du corps humain, d’agir sur lui, principalement pour lutter contre la
maladie. Dès le néolithique, l’homme a cherché, d’abord dans la sphère du sacré, à soigner. La médecine s’est ensuite émancipée du sacré, s’est enrichie d’autres disciplines pour mieux comprendre afin de mieux soigner. Cette convergence peut aussi dépasser le cadre du soin. Ce chapitre traitera de la volonté des hommes de «corriger» des dysfonctionnements grâce aux avancées de la recherche scientifique et technologique dont les usages pourront aboutir (et aboutissent déjà) au dépassement d’une certaine normalité.
Une hybridité humain-machineAlors que le terme soigner intègre les notions de soignant et de soigné, sous-tendues par la relation particulière fondée sur la confiance qui les relie, le terme réparer fait référence à la machine, aux pièces détachées qui la constituent, à 1.’absence de relation (ou plutôt à l’existence d’un autre mode relationnel), le «mécanicien» se substituant alors au soignant. La combinaison ou la convergence complexe de différents secteurs scientifiques conduisent à des progrès technologiques permettant de soigner l’homme comme jamais auparavant. Cette convergence aboutit en effet à la mise au point de nouveaux outils thérapeutiques fondés sur des matériaux ou des machines qui, adjoints à l’homme ou implantés dans son corps, peuvent corriger des handicaps et traiter des maladies. Mais cette convergence permet également à un homme «sain» un mieux vivre qui pourrait aboutir à un vivre autrement, et questionne par là même les concepts de handicap, de norme et de performance. La définition de la santé par l’OMS (« un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ») laisse planer cette incertitude.Il est intéressant de mentionner certains soins visant à réparer des déficits moteurs. Le cœur artificiel de la société Carmat offre par exemple des perspectives pour pallier le manque de greffons et les problèmes de tolérance soulevés par les greffes. Mise au point par des chercheurs universitaires et des ingénieurs d’EADS, cette bioprothèse
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Robocop (Joel Kinnaman, États-Unis, 2014)
Composé de différentes pièces assemblées,
le costume de Robocop n’a pas été une mince
affaire pour Joel Kinnaman.
Des robots et des hommes
Des calculateurs pour faire réagir le prototype en conséquence. Une autre voie consiste à utiliser des cellules souches pour régénérer certains organes à façon. Voici un autre exemple qui dépasse le cadre du soin au sens strict du terme. Aimee Mullins, amputée des deux jambes à l’âge d’un an, a par ticipé aux jeux Paralympiques de 1996 puis a battu les records du monde du 100 mètres, du 200 mètres et du saut en longueur. Mannequin et comédienne, elle fait sortir les prothèses du seul but thérapeutique pour les faire entrer dans celui l’esthétique et de la performance sportive. Elle peut décider de mesurer 1,85 mètre en choisissant parmi ses «douze paires de jambes2». Mais qui aura accès à ces améliorations, et à quel prix?Les «transhumanistes» ou les posthumanistes, chez lesquels coexistent de nombreux courants, sont rassemblés autour d’un, dénominateur commun, la volonté d’exploiter la convergence des sciences et des techniques pour changer la condition humaine. Cette modification aboutirait à une rupture anthropologique, à une nouvelle étape dans l’évo lution humaine, conduite pour et par l’homme, à une vitesse supérieure à celle de son Fort heureusement, la plupart des robots actuellement en service ne sont pas anthropomorphes. Ce type de robots est pourtant déjà à l’œuvre, que ce soit pour faire la conversation à des personnes âgées ou pour tenir la réception d’un hôtel. Au fur et à mesure que les robots effectueront des tâches habituellement dévolues aux hommes, le doute s’installera: aura-t-on affaire à un robot ou à un être humain?
Un rapport au corps« La génération spontanée est une chimère », disait Louis Pasteur, toute vie est une histoire. Il en est de même pour les courants de pensée. Cependant, dans ce cas, l’arbre généalogique est toujours complexe à reconstituer, les ramifications sont nombreuses, les apports externes divers et les relations de cause à effet souvent indirectes. En pleine Renaissance humaniste, un personnage a joué un rôle majeur dans la représentation moderne du corps humain. André Vésale a étudié à l’école de médecine la plus rêpu tée de l’époque en Europe, à Padoue. Cette institution avait la particularité de ne pas obéir à !’Inquisition,
HybrisL’histoire a marqué le domaine d’une autre manière. Jusqu’aux
années 1940, on s’in téresse à l’androïde, comme Elektro, le robot présenté à l’Exposition
universelle de 1939. L’histoire a marqué le domaine d’une autre
manière. Jusqu’aux années 1940, on s’in téresse à l’androïde,
comme Elektro, le robot présenté à l’Exposition universelle de 1939. L’histoire a marqué le
domaine d’une autre manière.
Le terme «augmenté» fait généralement référence à une amélioration des performances physiques des individus, sensorielles, et cognitives.
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te. 19
position propice à la transgression des interdits d’alors et au développement des sciences comme l’anatomie, discipline de prédilection de Vésale. Contrairement à ses prédécesseurs, il disséquait lui-même les corps humains. Ce lien direct avec le corps et son sens aigu de l’observation ont permis à Vésale de corriger les erreurs de Galien, de décrire avec précision de nombreux organes, mais surtout d’avoir pour la première fois une connaissance rationnelle du corps humain fondée sur l’observation. En 1543, il a publié le livre fondateur de l’anatomie moderne, De humani corporis fabrica (Sur la structure du corps humain, plus communément appelé La Fabrica), une œuvre monumentale en sept volumes de sept cents pages comprenant un texte animé par une réelle méthodologie, accompagné d’une iconographie excep tionnelle de plus de deux cents planches. L’œuvre de Vésale a permis de rompre avec les visions antérieures du corps humain, transformant une structure naturelle figée en une structure assemblée, et donc modifiable par l’homme. L’homme se réapproprie ainsi son propre corps. Vésale n’est pas le seul à participer à ce changement majeur de paradigme et l’impact de son œuvre n’aurait pas été le même dans un autre contexte. En effet, toujours en 1543, Nicolas Copernic publie De Revolutionibus Orbium Coelestium (Des révolutions des sphères célestes), œuvre qui remet en cause la place de l’homme dans l’univers. Désormais, les hommes se voient comme étant perfectibles, arrachés au déterminisme de la nature. Bien sûr, l’imprimerie sera l’outil de diffusion essentiel de ces nouvelles thèses. La porte était ouverte pour les suivants.
Ainsi, William Harvey, formé également à l’université de Padoue, ne s’est pas contenté de décrire : il a expéri menté et détaillé les lois de la circulation sanguine, reléguant le cœur au rôle de simple Voici ainsi résumés les trois actes de la grande pièce de la recherche scientifique, technique et artistique avant l’avènement du robot. Le plus grand défi sera d’assembler ces diverses composantes en y ajoutant des dispositifs mécaniques et une source d’éner gie pour construire des machines qui réalisent des actions bien plus complexes qu’il n’y paraît. Tout cela constitue le décor d’une nouvelle pièce de théâtre : la robotique.
Les ordinateurs ont donné l’autonomie à ces machines, autonomie qu’il fallait exploiter à fond et transformer en capacité de décision. Les robots peuvent acquérir et élaborer des informations et s’en servir au cours des mis sions qui leur sont confiées. Ils peuvent ainsi trancher entre deux ou plusieurs actions, ce qui leur permet, par exemple, de soigner mais aussi de tuer un être vivant. Bref, ils se comportent comme des êtres humains. Mais jusqu’à quel point? L’histoire a marqué le domaine d’une autre manière. Jusqu’aux années 1940, on s’in téresse à l’androïde, comme Elektro, le robot présenté à l’Exposition universelle de 1939. À partir des années 1970, on cherche à réaliser une action. Pour ce faire, on privilégie la forme la plus adaptée. Fini l’aspect humanoïde. Ingénieurs et scientifiques se servent du matériel à disposition dans leurs laboratoires ou de composants bon marché le châssis est emprunté ici, les
Selon James Cameron, l’idée de Terminator lui est venue dans son sommeil, alors qu’il était fièvreux. C’est en Europe que le réalisateur américain fit le rêve d’un robot émergeant d’une mer de flammes. La majeure partie du script fut alors écrite à partir de ce postulat de départ, à l’exception faite que l’action du film, par faute de moyens, fut transposée au temps présent et non dans le futur comme dans le rêve du cinéaste.
1543Publication du livre fon-dateur de l’anatomie mo-derne, De humani corporis fabrica (structure du corps humain, communément appelé La Fabrica)
Terminator (James Cameron, États-Unis, 1984)
Un Terminator, cyborg surgi du futur,
a pour mission d’exécuter Sarah Connor,
une jeune femme dont l’enfant à naître doit
sauver l’humanité.
Des robots et des hommes
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Les robots au cinéma
Le cinéma a d’abord été inventé pour
recréer la vie, pour reproduire le monde réel,
pour analyser et synthétiser les mouvements
humains. Ces mêmes ambitions animent
depuis toujours les créateurs d’automates et
de robots. C’est pourquoi tant de pionniers
du cinématographe étaient passionnés
par les automates, par la biomécanique
ou par la magie. Il y a dans les deux cas
une démarche de démiurge qui touche au
blasphème: l’homme peut-il vraiment recréer
son alter ego? L’être humain peut-il rivaliser
avec le Créateur de l’univers? La Bible est
formelle à ce sujet: dès que l’homme tente
d’égaler Dieu dans ses pouvoirs de création,
il est sévèrement puni.
Il y a dans les deux cas une démarche
de démiurge qui touche au blasphème:
l’homme peut-il vraiment recréer son alter
ego? L’être humain peut-il rivaliser avec le
Créateur de l’univers?
Les premiers robots du septième artHeureusement, il y a eu des pionniers philosophes qui n’ont pas eu peur du châtiment divin. Prenons d’abord l’exemple du médecin et physiologiste Étienne-Jules Marey, créa teur de la chronophotographie, réalisateur des premiers films de l’histoire du cinéma dès 1889. Marey, grand expert en mécanique, propagateur de la méthode graphique, est un positiviste cartésien qui considère l’homme comme une machine animée de jeux de ressorts, de rouages, poulies, cordages, soupapes, leviers, contrepoids, tuyaux où circulent des liquides. C’est déjà une idée ancienne que l’on trouve chez le physiologiste italien Giovanni Alfonso Borelli (De Motu Animalium, 1680), (Traité de l’homme, 1664) et bien sûr Julien Offray de La Mettrie (L’Homme-Machine, 1747). Mais dès 1857, Marey innove concrètement en construisant ses premiers « schémas artifi ciels » mécaniques qui tentent de reproduire d’une façon abstraite certaines parties du corps humain, par exemple la circulation du sang, les battements du cœur, le saut de l’homme, le vol de l’insecte et de l’oiseau. Ces machines à ressorts, à échappement, à capsules d’air, imitent un mouvement existant à l’aide de systèmes mécaniques, hydrau liques, pneumatiques, parfois inventés pour l’occasion. Ce sont les premiers cœurs arti ficiels, les premiers essais de robots imitant la marche de l’être humain, les premiers pas de l’aérodynamique et de l’aviation. Que Marey, grand explorateur de la « machine animale » (selon le titre de l’un de ses ouvrages publiés en 1873), ait aussi donné nais sance à la figure humaine animée artificiellement via la chronophotographie, future cinématographie, signifie beaucoup dans ce contexte: le désir de perpétuer
Portrait de Étienne-Jules Marey né à Beaune le 5 mars 1830 et mort à Paris le 15 mai 1904, est un médecin et physiologiste français. Considéré à son époque comme un touche-à-tout atypique, il est un pionnier de la photographie et un précurseur du cinéma.
Portrait de Julien Offray de La Mettrie né à Saint-Malo le 12 décembre 17091 et mort le 11 novembre 1751 à Potsdam, est un médecin et philosophe matérialiste et empiriste français.
Giovanni Alfonso Borelli ( Jean-Alphonse Borelli ) ( 28 janvier 1608, Naples - 31 décembre 1679, Rome ) est un mathématicien, philosophe, astronome, médecin et physiologiste italien.
René Descartes né en 1596 à La Haye et mort en 1650 à Stockholm, est un mathématicien, physicien et philosophe français. Il est considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie moderne.
Le travail de Marey sur la locomotion humaine et animale a engendré des disciples parfois très doués. Les Allemands Wilhelm Braune et Otto Fischer, par exemple, ont perfectionné jusqu’à l’extrême les méthodes graphiques et chronophotographiques. En 1895, ils multiplient les repères électriques sur le corps d’un homme en train de se déplacer. L’analyse de ces repères permet de reconstituer le corps en mouvement en trois dimersions, sous la forme d’un « modèle spatial », une statue métallique de forme futuriste. On ne peut s’empêcher de voir en ce « modèle spatial » de 1895 une œuvre précoce de pure abstraction mécaniciste, une préfiguration géométrique du très célèbre Nu descendant un escalier n°2 de Le travail de Marey sur la locomotion humaine et animale a engendré des disciples parfois très doués. Les Allemands Wilhelm Braune et Otto Fischer, par exemple, ont perfectionné jusqu’à l’extrême les méthodes graphiques et chronophotographiques. En 1895, ils multiplient les repères électriques sur le corps d’un homme en train de se déplacer. L’analyse de ces repères permet de reconstituer le corps en mouvement en trois dimersions, sous la forme d’un « modèle spatial », une statue métallique de forme futuriste. On ne peut s’empêcher de voir en ce « modèle spatial » de 1895 une œuvre précoce de pure abstraction mécaniciste, une préfiguration géométrique du très célèbre Nu descendant un escalier n°2. En 1895, ils multiplient les repères électriques sur le corps d’un homme en train de se déplacer. L’analyse de ces repères permet de reconstituer le corps en mouvement en trois dimersions, sous la forme d’un « modèle spatial », une statue métallique de forme futuriste. On ne peut s’empêcher de voir en ce « modèle spatial ».
Les robots envahissent notre quotidien un petit peu plus chaque jour. Ils nettoient notre sol, impriment des objets en 3D, s’envolent pour l’espace. Au cinéma, il en va tout autrement. Cyborgs, humanoïdes, inventions 100% métalliques ou extraterrestres incarnent la milice d’un gouvernement tyrannique, des clones meurtriers et détournent les héros de leur destinée. Ils vont parfois jusqu’à s‘entretuer et n’assistent l’homme que lors de rares occasions, qu’il s’agisse de préserver l’avenir écologique de la Terre, de s’engager dans l’armée, d’être le fruit d’une passion amoureuse ou de s’improviser compagnon bienveillant d’un voyage initiatique. Pour le spécialiste des nouvelles technologies Daniel Ichbiah, contacté par Le Figaro, les robots sont ancrés dans l’imaginaire collectif comme des « machines super-puissantes douées d’une conscience » alors qu’ils ne sont constitués que de «simples boulons». Souvent présentés aux spectateurs comme des entités perfides et aux motivations néfastes, ils font office de redoutables menaces pour l’humanité... pourtant totalement irréalistes. « Cet engouement des réalisateurs et du public pour les films de robots s’explique par une fascination, un vieux fantasme liés à la Bible. »
Les robots au cinéma
L’ANALYSE DE REPÈRES ÉLECTRIQUES SUR LE CORPS D’UN HOMME PERMET DE RECONSTITUER LE CORPS EN MOUVEMENT EN TROIS DIMENSIONS, SOUS LA FORME D’UN « MODÈLE SPATIAL », UNE STATUE MÉTALLIQUE DE FORME FUTURISTE.
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20
Les robots au cinéma
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L’odysée de l’espace (Stanley Kubrick, États-Unis, 1968), Les astronautes David Bowman et Frank Poole font route vers Jupiter à bord du Discovery. Les deux hommes vaquent sereinement à leurs tâches quotidiennes sous le contrôle de HAL 9000, un ordinateur exceptionnel doué d’intelligence et de parole.
parfois des accents et sentiments humains, se mêlent sans peine à la population très bigarrée, humaine, animale et robo tisée imaginée par Lucas. R2-D2, droïde doté d’un bras télescopique, filme et projette des images holographiques, tandis que C-3PO, polyglotte et plus délicat (voire peureux), s’inspire esthétiquement du robot Maria de Metropolis.Déjà, dans le magnifique Planète interdite (Fred McLeod Wilcox, États-Unis, 1956), tourné en Cinémascope et en Technicolor, le robot domestique, véritable star du film,fait office de serviteur et de service d’ordre. L’action se passe en 2200: un vaisseau d’humains provenant des « planètes unies » se pose sur Altair-4, habitée par le survivant d’une ancienne expédition qui a su développer de nouvelles technologies, dont la construc-tion de ce robot surdoué prénommé Robby. Cette machine parle cent quatre-vingt-sept langues, fabrique de la nourriture artificielle, du whisky ou des diamants, fait la cuisine, sait créer des robes sur mesure, possède une force énorme - le rêve de toute ménagère à l’époque, en quelque sorte. Robby, sorte de Bibendum Michelin en métal, devient telle ment populaire qu’on construit sur ce modèle des jouets mécanisés à ressort. Planète inter dite, vraiment réussi, a ensuite inspiré un grand nombre de séries B ou Z où l’on voit de malheureux figurants recouverts de plaques de tôle, évoluant à grands pas mécaniques, témoins de la pauvreté du budget (et du manque d’imagination du réalisateur). L’essor dans les années 1970 de l’électronique et de l’informatique rend les robots beaucoup plus inquiétants. Hal, le robot de 2001, l’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, États-Unis, 1968), finit par prendre la maîtrise du vaisseau spatial. L’ action de Robot d’Alex Proyas (États-Unis, 2004) se déroule en 2035 : les robots sont pro grammés pour vivre en parfaite.
Une vision critique du robotLa méfiance envers la science et les savants qui vont trop loin est le thème dominant du XXe siècle cinématographique et aussi déjà, sans conteste, du xx1e siècle. Que ce soit Rotwang, le savant fou qui crée le robot de Metropolis, ou le docteur Frankenstein, le médecin qui pense perpétuer la vie en reconstituant des cadavres, tous seront punis sévèrement pour avoir osé défier Dieu, selon la loi biblique. Ce schéma scénaristique constitue un thème récurrent au cinéma, surtout américain, permettant d’une part de rappeler qu’il n’y a qu’un seul Créateur, et d’autre part que la science ne doit pas s’éga rer sur des terrains jugés dangereux.Le robot de Terminator (James Cameron, États-Unis, 1984) est un cyborg d’appa rence humaine Du sang semble circuler dans ses veines, mais des rouages, des pistons, des circuits animent ce corps herculéen. Il extermine systématiquement tout sur son passage, presque invincible, avant de se faire écraser par une presse, à la fin du pre mier épisode, comme une vulgaire casserole. Les effets spéciaux du premier épisode de Terminatorsont encore un peu malhabiles, avec notamment des trucages réalisés image par image pour faire marcher le robot, comme au temps de Ray Harryhausen. En revanche, Terminator Il (James Cameron, États-Unis, 1991) marque une étape dans la technique cinématographique: les premiers algorithmes de morphing y sont en effet
utilisés. Le robot policier de RoboCop (Paul Verhoeven, États-Unis, 1987) est inventé pour faire régner l’ordre à Detroit. RoboCop est en fait une créature hybride constituée par un corps cybernétique en métal et un ex-policier blessé dans l’action et dont le cerveau a été nettoyé. La mémoire purgée, RoboCop
exécute ses premières missions avec succès(ses méthodes sont expéditives) mais, peu à peu, l’humain recouvre sa mémoire et réap paraît sous son armure de métal... Dans Spiderman de Sam Raimi (États-Unis, 2004), un scientifique devenu fou se transforme en une sorte de pieuvre mécanique et destructrice, mi-robot, mi-humaine. À l’inverse, les deux robots R2-D2 et C-3PO de Star Wars (George Lucas, États-Unis, 1977), utilisés comme des objets utiles et domestiques, avec
1956Planète interdite est
l’un des premiers films de science-fiction
ayant bénéficié de la couleur et du format
cinémascope.
Un « robot-psychologue » découvrent qu’un savant a été assassiné par un robot: « Il y a des fantômes dans la machine » encore une autre sorte de sérieux bug, autrement dit. Chicago et l’univers se retrouvent alors sous la dictature d’un ordinateur surpuissant qui commande des milliers de robbts agressifs. L’ humanité est menacée, punie par sa folle audace techno logique. Finalement, un happy end étrange transforme le robot principal, qui a sauvé le héros, en une figure quasi christique.
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CritiqueQue ce soit Rotwang, le savant fou qui crée le robot de Metropolis, ou le docteur Frankenstein, le médecin qui pense perpétuer la vie en reconstituant des cadavres, tous seront punis sévèrement pour avoir osé défier Dieu, selon la loi biblique. Ce schéma scénaristique constitue un thème récurrent au cinéma, surtout américain, permettant d’une part de rappeler qu’il n’y a qu’un seul Créateur, et d’autre part que la science ne doit pas s’éga rer sur des terrains jugés dangereux. Le robot de Terminator (James Cameron, États-Unis, 1984) est un cyborg d’appa rence humaine. Du sang semble circuler dans ses veines, mais des rouages, des pistons, des circuits animent ce corps herculéen. Il extermine systématiquement tout sur son passage, presque invincible, avant de se faire écraser par une presse, à la fin du pre mier épisode, comme une vulgaire casserole. Les effets spéciaux du premier épisode de Terminatorsont encore un peu malhabiles, avec notamment des trucages réalisés image par image pour faire marcher le robot, comme au temps de Ray Harryhausen. En revanche, Terminator Il (James Cameron, États-Unis, 1991) marque une étape dans la technique cinématographique.
Planète interdite (Fred McLeod Wilcox, États-Unis, 1956), Au XXIIe siècle, le vaisseau spatial C 57 D
se pose sur la lointaine planète Altair 4.
Une expédition dirigée par le commandant
Adams vient enquêter sur la disparition,
du navire spatial Bellérophon et de son
équipage. Les explorateurs sont accueillis
par Robby, un robot ultra perfectionné.
Les robots au cinéma
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23
Les Les robots mis en scèneToute une esthétique spécifiquement hollywoodienne a pris forme depuis Planète interdite autour du thème du robot. Cette esthétique - de plus en plus à la mode - s’ex prime dans un mélange de haute technologie informatique et de rouages mécaniques à l’ancienne: l’acier (rouages en rotation avec reflets métalliques, crémaillères, roues dentées, énormes machines en rotation), l’électronique la plus sophistiquée (touches tactiles sur écrans invisibles, gadgets numériques, commandes à reconnaissance vocale, armes automatisées à laser) et parfois la chair humaine artificielle (Terminator) font bon ménage visuellement. Dans un générique de Batman, la caméra se promène avec sensualité sur la carapace métallique du héros. On joue à la fois sur le
modernisme futu riste et sur la peur de l’avenir technologique. Dans de rares cas, le robot, très sympa thique, exprime au contraire des sentiments rassurants qui peuvent sauver l’humanité en péril (Wall-e, Andrew Stanton, États-Unis, 2008). L’anthropomorphisme, l’hybridation des machines
avec l’être humain ou avec des objets de la vie quotidienne, est un sujet sur lequel joue avec bonheur le cinéma des années récentes, essentiellement grâce à la technique numérique qui pérmet de réaliser des effets spéciaux inédits. A.I. Intelligence artificielle de Steven
Spielberg (États-Unis, 2001) est à ce titre remarquable: un enfant androïde capable de sentiments humains est créé pour consoler un couple qui vient de perdre son fils. La mère ne cesse d’être troublée par cet enfant beau, délicat et délicieux, mais qui parfois rencontre quelques bugs inquiétants. Lorsque David, l’enfant-robot, veut manger des épinards pour imiter l’être humain, son doux visage se détruit instantanément, devant les yeux terrifiés des pseudo-parents. L’autre androïde du film est un jeune homme à l’aspect sédui-sant: ce « Méca d’amour » sert à donner du plaisir aux femmes esseulées. Dans ce film plein d’inventions visuelles, il y a une belle réflexion sur les sentiments humains: une machine pourra-t-elle un jour les reproduire? Les extra-terrestres de Men in Black (Barry Sonnenfeld, États-Unis, 1997) repré sentent un autre genre d’anthropomorphisme: ils se cachent à l’intérieur de robots sophistiqués dont l’apparence imite parfaitement l’homme ou la femme. Dans les Transformers, les héros de métal Optimus Prime et Bumblebee se métamorphosent en quelques secondes en voitures de course. Tony Stark, le héros d’lron Man (Jon Favreau, États-Unis, 2008), a incorporé dans son propre corps une énergie nouvelle qui le trans forme à volonté en homme de fer, et donc en super robot justicier. On organise des combats de boxe avec des robots-colosses (Real Steel, Shawn Levy, États-Unis, 2011). Et puis bien sûr il y a le délicieux héros d’Edward aux mains d’argent ( Tim Burton, États Unis, 199 1), une créature
mi-humaine mi-robotisée, lâchée sans précaution au milieu d’une petite ville de la pire bourgeoisie américaine. Ses mains en forme de ciseaux lui permettent au moins de coiffer les dames et de tailler les haies. Au fond, ce qui fait peur dans le robot, c’est justement sa trop grande proximité anthropomorphique avec l’être humain. Vivons-nous sans le savoir à côté d’androïdes? La machine va-t-elle finir par dominer l’homme, comme dans Terminator où la Terre, après une explosion nucléaire, est ravagée par des robots guerriers?Il ne faut pas oublier que le taylorisme de la fin du XIXe siècle, avec ses dérivés fascistes, a marqué les esprits. Jules Amar dans Le Moteur humain (1914) ou son Essaid’hominiculture (1927) considère les ouvriers comme des « machines humaines ». Amar décrit a.insi les « matériaux » de cette machine :le squelette, les os, les muscles, nerfs, tendons, cartilages, articulations, etc., et de son « moteur »: contraction musculaire, excitation nerveuse, augmentation de la température, alimentation.
Les robots au cinéma
A.I Intelligence artificielle (Steven Spielberg, États-Unis, 2001), Dans un XXIe siècle, où la fonte des glaces a submergé la majorité des terres
habitables et provoqué famines et exodes, les robots sont devenus une composante
essentielle de la vie quotidienne et assurent désormais la plupart des tâches domestiques.
Edward aux mains d’argent ( Tim Burton, États-Unis, 1991 ), Création d’un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer, un
cerveau pour comprendre. Mais son concepteur est mort
avant d’avoir pu le terminer et il se retrouve avec des lames
de métal et des instruments tranchants en guise de doigts.
La dénoncia tion du travail chronométré et « scientifiquement organisé » apparaît très clairement dans Metropolis, où les ouvriers travaillent mécaniquement, à des rythmes d’automates, pour alimenter une gigantesque machine-Moloch. Les Temps modernes de Charlie Chaplin (États-Unis, 1936) constituent une critique féroce du travail à la chaîne. De nos jours, cette menace d’asservissement semble se préciser. En ce moment, de l’autre côté de l’Atlantique, des scientifiques sont en train de lancer des programmes d’envergure afin de créer une version numérique de l’organe le plus complexe de l’évolu tion, le cerveau. Dès aujourd’hui, les outils scientifiques peuvent reproduire l’activité de trois cent soixante mille neurones, ce qui représente trois cent soixante mille processeurs en marche. Numériser un cerveau humain suppose d’avoir une machine capable de faire un milliard de milliards d’opérations par seconde. Cette machine va sortir des labora toires d’IBM en 2018, réalisant peut-être ce que Stanley Kubrick avait imaginé dans 2001, l’odyssée de l’espace: un ordinateur qui puisse distancer le cerveau humain. Kubrick nous a pourtant démontré qu’il y avait des risques dans ce type d’expérimentations... La dénoncia tion du travail chronométré et « scientifiquement organisé » apparaît très clairement dans Metropolis, où les ouvriers travaillent mécaniquement, à des rythmes d’automates, pour alimenter une gigantesque machine-Moloch.
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2008Le film WALL-E est émaillé d’allusions ou références à de
nombreux éléments culturels des sociétés
contemporaines.
20
Les robots au cinéma
Robots; enjeux dans la société
Par définition, un robot mobile doit pouvoir
se déplacer. Cette simple compétence
requiert la mise en œuvre de plusieurs
fonctions qui peuvent s'avérer très difficiles
à obtenir dès que l'on quitte les cas d'école.
Tout d'abord, le robot ne doit pas « se
perdre », c'est-à-dire qu'il doit être en
mesure de se repérer dans l'environnement
dans lequel il opère. Une fois son but
fixé, il doit pouvoir déterminer par lui-
même le chemin à suivre. La génération
du mouvement suppose également une
adaptation au contexte selon, par exemple,
que le sol est dur, ou glissant. Enfin, le robot
doit coordonner son mouvement avec
les autres agents mobiles qui partagent
son environnement. Toutes ces fonctions
ne peuvent évidemment correspondre
au déroulement d'une séquence d'action
préprogrammée. Elles nécessitent une
perception à l'aide de multi capteurs et une
activité de planification et de décision dite
« en temps réel », puisqu'elle est prise sur
place, en réaction à une situation qui ne
peut être prédéterminée.
Amélioration de la vie au quotidienLà aussi, dès qu'on s'affranchit des situations prédé finies, on s'aperçoit que cette fonction nécessite des capacités de perception (vision, toucher) pour la reconnaissance, de localisation de l'objet à manipuler et d'appréhen sion du contexte, de prise de décision pour produire l'action à réaliser, et des capacités sensori-motrices au niveau de l'organe préhenseur. Toutes ces caractéristiques sont hors de portée des automates. Le simple choix d'une prise d'objet dans un environnement contraint nécessite de tenir compte d'un grand nombre de paramètres. D'ailleurs, la manipulation dextre est loin d'être maîtrisée et constitue actuellement l'un des princi paux défis de la recherche en robotique. Notons enfin qu'il peut aussi arriver que les fonctions, a priori indépendantes, de déplacement et de manipulation soient utilisées de manière conjointe. Par exemple, il peut s'avérer nécessaire, dans un contexte donné, qu'un robot ait à saisir et à écarter un objet qui empêche ou gêne son
déplacement. De même, pour maintenir son équi libre, un robot humanoïde sera amené à se déplacer pour saisir un objet lourd.
Nouvelle humanitéDernier aspect essentiel de la robotique et qui n'est pas présent chez l'automate: l'interaction avec l'homme. Elle nécessite des fonctions encore plus évoluées pour le robot: perception de l'homme et de son activité, communication multimodale (verbale ou gestuelle), action partagée et/ou en synergie avec l'homme, décision interactive et partagée et, enfin, manipulation d'objets coopérative. L'adaptation permanente au contexte est évidente, l'homme étant par nature chan geant. Le challenge est ici de doter le robot de la capacité de prendre en compte de manière explicite son partenaire humain, son état mental, ses besoins, ses préférences. Ainsi, le robot devra dis poser d'un modèle de l'homme et de son comportement afin de mieux le servir.
À ce propos, modèle de l'homme et/ou de l'animal? Il est intéressant de rappeler que le Canard digérateur de Vaucanson était destiné à reproduire une fonction pure ment animale, la digestion. Aujourd'hui, le robot est utilisé, notamment en neuro science, pour tester des modèles élaborés par les chercheurs pour mieux comprendre les fonctions humaines, qu'elles soient d'ordre physiologique ou psychique.On pourrait peut-être conclure en disant que l'intelligence dans l'automate est « hors ligne » : elle est uniquement présente au moment de la conception de la machine, et il s'agit d'une intelligence exclusivement humaine. Le robot, quant à lui, représente le défi de l'intelligence « en ligne », c'est-à-dire au moment de la réalisation de la tâche:c'est l'intelligence de la machine.Ils arrivent, ils seront bientôt parmi nous, ces robots autonomes assistants ou équi piers qui vont nous servir ou travailler à nos côtés. Mais demain, tout comme hier, il y aura encore et toujours des illusionnistes. Des robots pilotés à distance, des machines qui donnent l'apparence de capacités plus grandes que celles qui sont véritablement.
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EnjeuxQu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978). L’objectif est la recherche interdisciplinaire
Une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens.
Real humans, 100% Humains
Les robots à l’école des émotions Le nombre et les performances des robots croissent régulièrement depuis de nom breuses années. lnitialement limités à certains domaines industriels automobile,Dans tous ces développements se pose la question de la similitude entre le robot et l’humain. Faut-il chercher la plus grande ressemblance possible? Faut-il attribuer au robot un caractère, une personnalité compatibles avec la personne qui l’utilise? Est-il souhaitable qu’un humain ne puisse pas faire de différence entre un autre humain et un robot humanoïde? Peut-on doter un robot de facultés surhumaines en renonçant à l’anthropomorphisme - un troisième œil à l’arrière du crâne par exemple, pour embrasser la totalité d’une scène?
La ressemblance du robot avec l’humain peut toucher l’apparence physique, les capacités sensorielles et cognitives ou encore les habitudes comportementales. Elle se situe également dans les aptitudes du robot à interagir avec son environnement et à communiquer avec les humains. Cette interface peut recourir aux modes de communica tion naturels (langage, gestes, perception d’expressions faciales ou corporelles...), voire à une relation directe avec le cerveau. La capacité d’un robot à générer et analyser les aspects affectifs et émotionnels apparaît comme primordiale dans cette communication.
Trop souvent considérés comme des machines uniquement douées de mouvement, les robots seront demain de futurs compagnons à notre service. Ils devraient pouvoir saisir des échanges en langage courant, mais également nous comprendre à demi-mot et interpréter nos émotions. Ils seront conçus pour que ce ne soit pas à l’homme de s’adapter à une interface-machine primitive, mais à la machine de s’adapter à l’homme.
Donner aux robots et aux ordinateurs les moyens de percevoir les émotions que nous ressentons et les
L’aptitude à produire ces signaux et à les comprendre permet à l’humain d’interagir avec ses semblables. Des études montrent que les personnes adaptent leur comportement en fonction de l’interprétation des émotions de leurs interlocuteurs. La transmission des signaux de communication emprunte différents canaux, parmi lesquels le contenu sémantique d’un énoncé oral, la posture du locuteur, la distance entre les interlocuteurs, la direction du regard et les indices contenus dans la voix. Les informations non verbales constituent donc une part du message qu’il est essentiel de ne pas négliger. Les ignorer lors de l’analyse ou la génération de comportements dans l’interaction entre un humain et une machine dégraderait la qualité de l’échange. L’interprétation de ces signaux et leur production (ton de la voix, expressions faciales, mouvements, gestes, posture...) sont un des enjeux actuels dans le développement de systèmes robotiques doués d’intel ligence sociale et affective. Ce que le linguiste et anthropologue Edward Sapir souligne pour les gestes (« Nous réagissons aux gestes avec une sensibilité extrême, et on pour rait presque dire en accord avec un code secret très complexe qui n’est écrit nulle part, connu de personne, mais compris par tous ») est également vrai pour les signaux audio. Le psychologue Klaus Scherer renforce l’importance du canal vocal: « La voix et la parole jouent un rôle fondamental dans les interactions sociales, par rapport à d’autres aspects des échanges sociaux, tels que, par exemple, les expressions du visage ou des gestes. »
Les applications de systèmes doués d’intelligence sociale et affective sont poten tiellement très vastes, de la téléphonie mobile aux dispositifs de surveillance, des jeux vidéo à l’assistance aux malades et aux personnes âgées. Les premiers « agents com pagnons interactifs », comme le fameux chien robot Aibo de Sony, le jouet Furby ou les Tamagotchis, ont fait fureur il y a quelques années, mais ils n’étaient pas suffisam ment performants pour percevoir les signaux affectifs et sociaux de leur propriétaire. Les projets de robots compagnons pour aider les personnes dépendantes sont très nombreux à l’heure actuelle, en particulier en France avec Romeo, Armen ou Roba dom. Ils servent à développer et à tester les différentes fonctionnalités d’un robot humanoïde ou à tête humanoïde destiné à devenir un véritable assistant des per sonnes.
signaux sociaux que nous émettons en y apportant une réponse intel ligente, voire émotionnelle, est un objectif de recherche ambitieux, qui peut être perçu, comme dérangeant car très intrusif. Plus de 80 % de nos interactions avec les autres passent par la communication non verbale industrie aéronautique et spatiale, nucléaire...), les robots ont à présent forte-ment investi la sphère domestique et ont trouvé diverses applications militaires. À côté des robots matérialisés, anthropomorphes, zoomorphes ou autres, sont apparus des agents artificiels, intelligents, pouvant tenir une conversation. Ils prennent le plus souvent forme humaine et peuvent servir d’avatars dans les mondes virtuels ou de compagnons artificiels dans la vie de tous les jours. À cela s’ajoutent les robots prothèses, destinés à augmenter les capacités de l’homme .
Une partie de « pierre, feuille, ciseaux » entre une jeune fille et le robot Berti, février 2009. Ce robot a été développé par un laboratoire du Science Museum de Londres en vue d’étudier les interactions entre les hommes et les robots ou par le langage du corps. L’interaction sociale est caractérisée par un échange continu et dynamique de ces signaux, porteurs d’un contenu informatif, émotionnel et communicatif. La majeure partie de ces expressions est pilotée par notre subconscient. Ce sont des signes importants de ce que nous ressentons.
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I robot (Alex Proyas, États-Unis, 2004), Sonny
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L’INFORMATIQUE ÉMOTIONNELLE EST UN CHAMP DE RECHERCHE RÉCENT, À LA FRONTIÈRE DES SCIENCES DE L’INFORMATION ET DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES. CE DOMAINE EST CONCERNÉ PAR LA THÉORIE ET LA CONSTRUCTION DE MACHINES QUI PEUVENT DÉTECTER, RÉPONDRE ET SIMULER DES COMPORTEMENTS ÉMOTIONNELS HUMAINS.
LE TERME«AUGMENTÉ» FAIT GÉNÉRALEMENT RÉFÉRENCE À UNE AMÉLIORATION DES PERFORMANCES PHYSIQUES DES INDIVIDUS, SENSORIELLES , COGNITIVES
Robots; enjeux dans la société
En perte d’autonomie: capa cités motrices (se déplacer dans un environnement domestique connu, reconnaître et saisir un objet et l’apporter à l’endroit désiré auprès. Personne âgée caressant le robot Para, juillet 2010. Robot thérapeutique prenant les traits d’un bébé phoque, Para-apaise, tient compagnie et distrait les personnes âgées. Grâce à ses différents capteurs, il est capable d’interagir avec ses utilisateurs.de la personne) mais aussi perceptives et cognitives (notamment faculté de communiquer de façon natu relle au moyen de la parole et des gestes, d’adapter le comportement du robot en fonction du profil émotion nel et interactionnel détecté). Le bénéfice offert par un robot à tête humanoïde expressive apportant des services cognitifs et psychologiques adaptés est égale ment évalué. Ces projets intègrent des recherches sur l’interaction sociale et affective qui sont aussi prises en compte dans les réseaux d’excellence européens comme Humaine et SSPNET, ou dans le projet Robot Compa nions for Citizens. L’approche interdisciplinaire des phénomènes affec tifs constitue un nouveau domaine de recherche: les sciences affectives. L’informatique émotionnelle (Affec tive Computing) est un champ de recherche récent, à la frontière des sciences de l’information (intelligence artifi cielle, interaction homme-machine) et des sciences humaines et sociales. Ce domaine est concerné par la théorie et la construction de machines qui peuvent détecter, répondre et simuler des comportements émotionnels humains. Les signaux affectifs et sociaux per mettent de déduire des informations sur les états mentaux et émotionnels, sur l’atten tion et l’état de santé, et, à plus long terme, sur la personnalité et les habitudes du sujet. Tous ces signaux sont présents de façon plus ou moins imbriquée dans les canaux verbaux et non verbaux. Katherine lsbister souligne l’importance des deux questions que l’on se pose de façon quasi inconsciente lors d’une première prise de contact avec un interlocuteur, et qui permettent de se situer socialement par rapport à lui: est-il
ami ou ennemi? Est-il socialement plus puissant que moi ou pas? Les premiers travaux dans le domaine de l’interaction sociale humain-machine font pressentir que de nombreuses recherches et observations sont encore nécessaires pour mettre en œuvre quotidiennement, dans notre société, des robots compagnons socialement et affectivement intelligents.
Les enjeux majeurs des robots sociaux émotionnels mis en évidence par l’expérienceDans les labotoires, les recherches sont menées pour concevoir des applications inter actives et intuitives capables de détecter les signes émotionnels émis par les utilisateurs, de les comprendre et de les reproduire de manière intelligente. Pour employer des systèmes automatiques de communication, il est fondamental d’étudier les interactions avec des utilisateurs potentiels mais aussi de comprendre l’engagement des sujets vis à-vis des robots. Voici quelques recherches menées au laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (LIMSl-CNRS). Un des résultats d’une étude récente menée par l’association Approche montrait par exemple que les personnes âgées interrogées dans un EHPAD souhaitaient être tutoyées par la machine. Celle-ci avait pour elles une place bien définie: elle devait tout d’abord être utile, rendre des services type agenda-mémoire et ne devait pas ressembler à un humain adulte mais plutôt à un « majordome compagnon ». L’engagement serait sans doute différent selon les classes d’âge, le niveau d’éducation et la familiarité avec les machines, mais il manque encore des études dans ce domaine pour le confirmer.Des recherches sont également conduites depuis une dizaine d’années pour décrypter et codifier les émotions véhiculées par la voix et les utiliser dans un système d’inter action. Principale difficulté: décoder les situations émotionnelles complexes, celles qui combinent des sentiments différents, parfois contradictoires, beaucoup plus riches que les simples émotions primaires.
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« Nous réagissons aux gestes avec une sensibilité extrême, et on pour rait presque dire en accord avec un code secret très complexe qui n’est écrit nulle part, connu de personne, mais compris par tous »
Portrait de Klaus Scherer. Né en en 1943.Professeur de psychologie à l’université de Genève (depuis 1985). Directeur du Labora-toire d’évaluation psychologique. Il dirige un groupe de recherche spécialisé dans l’étude de l’émotionnalité, du stress, de la personna-lité et de la communication.
Portrait de Spike Jonze. Déjà producteur et scénariste des anciennes réalisations au cinéma des casse-cou Jackass, Spike Jonze remet le couvert en 2013 avec Bad Grandpa. Tandis qu’il passait ses nuits sur le plateau de cette comédie irrévérencieuse, il tournait la journée son quatrième long-métrage
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Her (Spike Jonze, États-Unis, 2014), (Joaquin Poenix) Dans un futur
proche, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à
une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique
ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur.
En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha, une voix féminine
intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de
Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à
peu, ils tombent amoureux…
Robots; enjeux dans la société
Les chercheurs se font chasseurs d’émotions et ana lysent des enregistrements audio et vidéo « spontanés », collectés parmi un nombre important de voix (adultes, enfants, personnes âgées), de qualité variable. Qu’il s’agisse de conversations téléphoniques dans des centres d’appels, d’interviews télévisées, d’interactions dans le cadre de jeux ou encore d’interactions homme-robot pilotées par des Wizards of Oz, ces données présentent rarement des émotions prototypiques, combinant des changements physiologiques, expressifs, comportementaux ou cognitifs. La majorité des travaux scientifiques sur la détection des émotions se focalisent encore sur des données artificielles. La richesse des données « de la vraie vie » rend leur classifica tion extrêmement complexe. En l’absence de standard pour commenter les émotions, il s’agit de trouver une métho dologie d’annotation puis de classification des données. Il faut tout d’abord définir et détecter automatiquement des indices porteurs d’émotions, notamment de nature acoustique ou linguistique, puis étudier des indices lexicaux, le timbre de la voix, l’intensité, le rythme, la qualité vocale, les marqueurs affectifs (par exemple le rire) et des indices contextuels comme le rôle de la personne dans l’interaction. Des systèmes à base d’apprentissage statistique sont utilisés pour apprendre à la machine les correspondances entre les indices et les états émotionnels.De façon à interagir le plus naturellement possible avec l’utilisateur, le système de détection des émotions du robot développé au LIMSI effectue un traitement multi niveaux des indices non verbaux issus de la parole. Ces indices permettent de fournir des informations de type « émotion positive ou négative », « dimension active ou pas sive » et des étiquettes d’émotions telles que « joie », « tristesse », « colère », « neutre ».
À un plus haut niveau d’analyse, ces informations renseignent le profil émotionnel et interactionnel de l’utilisateur avec des informations telles que: « Le locuteur est-il globalement à l’aise ou pas? » ; « Est-il très loquace? » ; « Semble-t-il sûr de lui ou plutôt timide? » ; « Prend-il la discussion en main ou pas? ». Un système d’identification sert au robot à déterminer la tranche d’âge et le sexe de son interlocuteur afin de compléter le profil de l’utilisateur. On peut alors sélectionner dynamiquement le type de comporte ment du robot (encourageant, empathique, directif, etc.) afin qu’il puisse répondre aux attentes sociales de l’utilisateur.
Traverser Ia « vallée dérangeante », quand l’homme veut faire le robot à son imageLes robots anthropomorphes sont donc développés pour ressembler aux humains, avec des capacités propres aux êtres humains. Dans cette quête d’un anthropomorphisme absolu est apparu un phénomène paradoxal, qui fait qu’au-delà d’un certain niveau de ressemblance avec l’humain, une réaction psychologique émerge et conduit à considérer le robot non plus comme une machine merveilleuse bien qu’imparfaite, mais comme un humain imparfait et monstrueux, et donc à le rejeter. Ce phénomène a été appelé « vallée dérangeante ». On le retrouve de fait dans d’autres domaines de la relation humain machine. Ainsi, les systèmes de dialogue oral apparaissent de plus en plus utilisables grâce aux progrès scientifiques accomplis pour chacune de leur composante. Mais lorsque ce dialogue devient proche du naturel, l’utilisateur ne supporte plus que le système fasse des erreurs, et « l’utilisabilité » du système se met à décroître. Par exemple, une voix de syn thèse » de qualité suggère une intelligence semblable à celle d’un humain dans la conduite d’un dialogue, ce que la machine est encore loin d’atteindre. Franchir cette « vallée déran-geante » peut alors nécessiter une remise en question de l’approche scientifique qui avait permis l’amélioration des résultats jusqu’au point de rupture. De nombreuses questions éthiques se posent.
• • Droits de l’homme et devoirs des robotsLes progrès de la composante cognitive des robots les ont rendus davantage auto nomes. Au lieu d’exécuter une tâche répétitive, les robots sont capables d’apprendre à réagir en fonction du contexte dans lequel ils se trouvent, qu’ils peuvent analyser à partir de leurs capteurs, et des ordres qui leur sont communiqués, plus ou moins directifs. Les robots et les objets communicants feront de plus en plus partie intégrante de notre environnement. Leur arrivée a modifié la relation de l’humain au monde physique mais également entre humains. De nombreuses questions éthiques se posent, que ces robots soient militaires ou civils, notamment en cas de dysfonctionnement ou d’utilisa tion malveillante. Dans le domaine civil, l’introduction de robots à qui seraient confiés enfants, malades ou personnes âgées nécessite la prise en compte des nombreuses défaillances possibles, sans compter la question de la responsabilité juridique. Qui est responsable des conséquences des actes du robot: est-ce son propriétaire, comme s’il s’agissait d’un animal ou d’un esclave, son fabricant ou son concepteur?
CollectifMais qu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Imaginons un robot social affectif assistant l’homme au quotidien:
Quelle place lui donner? Quelle doit être la personnalité d’un robot compagnon? Faut-il que le robot ait une conscience? Quelle est sa marge d’autonomie et de liberté? Autant de ques tions encore trop complexes pour pouvoir y répondre simplement mais qu’il faut envi sager dès à présent.
Real humans ( Lars Lundström , Suède, 2012 ), « les véritables humains » se situe
dans un monde parallèle où les robots
humanoïdes (Hubot) sont devenus des
machines courantes dans la société.
Real humans,Ces Hubots très réalistes
sont configurés de telle
sorte à remplir une large
demande. S’adaptant à
tous les besoins humains,
de la simple tâche
ménagère à des activités
plus dangereuses voire
illégales, la société semble
en dépendre. Une partie de
la population refuse alors
l’intégration de ces robots
tandis que les machines
manifestent des signes
d’indépendance et de
personnalité propre.
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Robots ; enjeux dans la société
Imaginons un robot social affectif assistant l’homme au quotidien: quelle place lui donner? Quelle doit être la personnalité d’un robot compagnon? Faut-il que le robot ait une conscience? Quelle est sa marge d’autonomie et de liberté? Autant de ques tions encore trop complexes pour pouvoir y répondre simplement mais qu’il faut envi sager dès à présent. Les premiers éléments de réponse indiquent qu’il faut inventer une place dans la société pour les machines douées d’une certaine forme d’intelligence et cherchant à reproduire des comportements humains. Il faut leur donner des règles de conduite, des droits. Il est certain qu’une trop grande autonomie n’est pas souhaitable et qu’un lien particulier entre le robot, son propriétaire et ses proches (famille, personnel soignant, thérapeutes...) doit être construit pour que ceux-ci puissent être, dans une certaine mesure, maîtres d’agir sur le comportement du robot. C’est également le cas dans le domaine de la défense, la tendance étant d’envoyer au combat des machines plutôt que des hommes. Se pose alors la question d’autoriser un robot autonome à détruire une entité (qui peut être un objet, une installation ou un être vivant, animal ou humain) alors que le problème scientifique de la reconnais sance automatique des êtres humains n’est pas encore résolu et que les capacités d’apprentissage du robot peuvent le placer dans un état non prévu. Dans le cas où le robot est commandé à distance, l’absence de risque pour le pilote peut aussi le conduire à privilégier et à généraliser les actions de destruction, et l’éloignement du théâtre des opérations élimine les sentiments de compassion « qui font perdre des batailles ». Mais on peut aussi penser que l’absence de danger permettra d’éviter des réactions de peur pouvant entraîner
des bavures, tout en donnant au pilote les moyens de mener sa mission à son terme, dans le calme. Bref, une guerre « propre », au moins d’un côté des belligérants.Certains pensent même qu’il sera plus facile d’éviter des bavures en utilisant des robots programmés ( correctement! ) avec un code de bonne conduite ou respectant la Déclaration universelle des droits de l’homme, plutôt que des humains manipulables ou corrompus, pouvant céder à des charges émotives... L’éthique étant la façon de « bien vivre ensemble », comment la considérer quand cet « ensemble » inclut non seulement des êtres humains mais aussi des robots? La Corée du Sud a élaboré une charte visant à ce que les humains ne se fassent pas abuser par les robots, et inversement...Les robots, et plus généralement les agents artificiels, « travaillent » pour leur pro-priétaire sans que celui-ci ait à s’inquiéter de leurs revendications sociales ou de leurs droits à la retraite... Des syndicats japonais ont ainsi exigé de leurs employeurs une contrepartie à l’utilisation de robots manufacturiers qui ont remplacé des manuten tionnaires humains qui, eux, auraient été syndiqués.Selon le rapport Autonomous Systems: Social, Legat and Ethical Issues de la Royal Academy of Engineering (Royaume-Uni) paru en août 2009, il apparaît que le cadre légal permettant de traiter d’éventuels problèmes liés à l’utilisation des systèmes autonomes, qu’il s’agisse de véhicules sans conducteur, de compagnons artificiels ou d’agents intelligents, est insuffisant et que les questions éthiques n’ont pas été encore suffisamment étudiées.Il est donc nécessaire qu’une plus grande réflexion éthique accompagne le déve-loppement scientifique et technologique. D
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Prometheus (Ridley Scott, États-Unis, 2012), Sans reprendre totalement le design de l’artiste suisse H.R.
Giger (créateur du fameux Xénomorphe de la saga Alien),
Neal Scanlan et Conor O’Sullivan, les superviseurs de la
création des prothèses et du maquillage de Prometheus,
avouent que l’ADN esthétique du premier film est présente.
Les deux créateurs ont voulu donner une cohérence et une
crédibilité à leurs créatures, en partant constamment du
principe que les éléments constitutifs de ces êtres doivent
être logiques d’un point de vue de l’évolution biologique.
Pour cela, ils se sont beaucoup inspirés des plantes, des
créatures marines et d’autres animaux.
Prometheus (Ridley Scott, États-Unis, 2012),Prometheus marque le grand retour de Ridley
Scott au genre qui a fait sa renommée.science-
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Robots; enjeux dans la société
Quelle est la différence entre un ordinateur
et un robot? Il y a quelques années, Apple
avait chargé une agence de concevoir la
publicité de son nouvel ordi nateur, l’iMac.
On y voyait un passant dans une rue de New
York s’arrêter devant la vitrine d’un magasin,
intrigué par un ordinateur qui le suivait
du regard. La surprise cédait vite le pas à
l’expérimentation et nous voyions notre
passant tourner la tête et son corps, amusé
par les mouvements de cette machine qui,
malgré une apparence bien peu humaine, le
singeait. Pris par le jeu, le passant finissait
par tirer la langue à l’appareil comme pour
défier cet ordinateur sans visage. En réponse
à la grimace, le lecteur de CD s’ouvrait.
Le passant était conquis. Lorsque j’ai vu
cette publicité pour la première fois, j’ai tout
de suite voulu cet ordinateur taquin qui
savait imiter les gestes et interagissait avec
son utilisateur sans souris ni clavier, avec
un naturel confondant. Enfin un ordinateur
vivant dans le même monde que nous,
avec lequel nous pourrions communiquer
directement par le corps, sans passer par
le clavier et la souris, interfaces primitives,
si pauvres comparées à nos savoir-faire
sociaux. Malheureusement, cette machine
merveilleuse n’existait que dans l’imagination
fertile des publicitaires: l’iMac ne faisait rien
de tout ça. C’était juste un ordinateur au
design réussi. Rien qu’un ordinateur.
des expériences avec des chiens. Comment ces animaux allaient-ils réagir face à une machine quadrupède qui s’approcherait de leur repas? La verraient-ils comme un objet inanimé ou comme un potentiel compétiteur pour le morceau de viande placé devant eux? Y a-t-il une intersection entre le monde du robot et celui du chien? La réponse est oui. À plusieurs reprises, de jeunes chiens attaquèrent violemment le robot pour défendre leur nourriture. Bien évidemment, le robot était seulement attiré par la couleur de la viande. Même s’ils étaient mus par des motivations différentes, robots et chiens partageaient bien le même espace, dans ce cas, de manière conflictuelle. Après ces premiers travaux, je consacrai mes recherches dans les années qui suivirent à tenter d’élargir la zone d’intersection entre le monde de ce robot et celui des hommes et des animaux. Avec mon collègue Pierre-Yves Oudeyer, nous tentâmes de lui apprendre à reconnaître et à nom mer des choses courantes. Nos recherches portèrent sur des algorithmes le poussant à s’intéresser, comme un petit enfant, à des choses toujours nouvelles, une forme de curiosité. De jour en jour, cet espace d’échange et de partage entre l’homme et le robot devenait plus grand.Quand Sony décida d’arrêter la commercialisation de cette merveilleuse machine, je partis en Suisse à l’École polytechnique fédérale de Lausanne pour conti nuer à faire de la robotique, mais d’une autre manière. Mes expériences avec Aibo m’avaient convaincu que ce n’était pas la forme quadrupède du robot qui était fon damentale dans les échanges que nous avions avec lui. Au contraire, dans bien des cas, ce « robot-chien » était perçu comme un simple jouet, alors que c’était une des machines les plus sophistiquées de son temps. J’étais persuadé que quand les robots entreraient dans nos maisons, ils ne prendraient pas la forme de petits chiens ou de petits hommes; ils auraient comme tous les autres objets technologiques la forme la plus appropriée à leur fonction.
Un même espaceL’iMac, comme n’importe quel autre ordina teur personnel, est une machine immersive. Vous regardez son écran et vous êtes ailleurs. Comme quand vous lisez un livre, vous quit tez notre univers pour plonger dans un autre espace. L’ « iMac robotique » de la publicité vivait a contrario dans le même espace social que le passant qui découvrait naturellement ses possibilités. C’était un robot. J’ai travaillé dix ans pour Sony, entre autres sur le robot Aibo. Je m’intéressais parti culièrement à la manière dont les enfants réa gissaient lors d’une première rencontre avec cet appareil. Contrairement aux adultes, les enfants ont très peu d’a priori sur la techno logie. Ils portent en général un regard très juste sur ce qu’une machine peut ou ne peut pas faire. Dans les cinq premières minutes de la rencontre, la plupart des enfants mettaient en place une véritable procédure expé rimentale. Il s’agissait pour eux d’évaluer ce que le robot percevait ou pas. Pouvait-il interagir avec une balle? Pouvait-il les reconnaître? Pouvait-on lui parler? Au terme de tests improvisés mais qui suivaient toujours une logique assez rigoureuse, les enfants estimaient l’intersection entre leur monde et celui de la machine. Parmi toutes les choses sur lesquelles notre attention s’arrête, quelles sont celles qui intéressent aussi le robot?En collaboration avec des éthologues de l’université Lorand Eôtvôs de Budapest, j’ai également mené durant ces années
Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?
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L’avancée mathématique; L’étude des machines à calculer se poursuivait. On construisit des machines destinées à une utilisation particulière: ainsi, en 1919, le lieutenant d’infanterie E. Carissan (1880-1925) conçut et réalisa une merveilleuse machine à factoriser les entiers. L’Espagnol Leonardo Torres y Quevedo (1852-1936) construisit plusieurs machines électromécaniques, dont l’une qui jouait des fins de parties d’échecs. En 1928, le mathématicien David Hilbert (1862-1943) posa trois questions au Congrès International des Mathématiciens : Les mathématiques sont-elles complètes ? (tout énoncé mathématique peut-il être soit prouvé, soit réfuté ?
Gamer (Mark Neveldine, États-Unis, 2009), Dans un
futur proche, les nouvelles
technologies ont fait évoluer
le jeu vidéo. Le principe
créé pour le jeu «Les Sims»
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Ender’s Game (Gavin Hood, États-Unis, 2013), Ecrivain
et biochimiste, Asimov est
l’auteur des « trois lois de
la robotique » Machina.
Ecrivain et biochimiste,
Asimov est l’auteur des
« trois lois de la robotique »
Machina. Ecrivain et
Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?
De nouvelles interfacesRevenons à notre iMac dans la vitrine. Depuis le milieu du xxe siècle, les interfaces informatiques ont évolué dans une direction uniforme: vers plus de « physicalité » et moins d’abstraction. Il était indispensable de comprendre l’électronique pour faire mar cher les ordinateurs des années 1950 qui occupaient facilement une salle entière. Pour programmer ces instruments, il fallait contrôler directement chaque étape du fonc tionnement de leurs circuits physiques. L’arrivée des premiers langages de program mation, en introduisant des niveaux d’abstraction intermédiaires, permit peu à peu de se détacher des détails architecturaux de chaque ordinateur pour commencer à écri(e des programmes capables de fonctionner sur plusieurs machines à la fois. Concevoir un programme n’était pas à la portée de tous, mais ce type de savoir-faire faisait appel à des compétences plus générales: apprendre et maîtriser la syntaxe et la sémantique de nouvelles langues.
Plus tard, la transition entre cet univers essentiellement textuel et le monde graphique a ouvert l’informatique au plus grand nombre, en particulier à l’enfant d’une dizaine d’années que j’étais alors. J’ étais trop jeune pour maîtriser la rigueur syntaxique des dialogues homme/machine, il me faudrait encore attendre quelques années; mais j’étais prêt pour découvrir un monde en deux dimensions où il s’agissait essentiellement de saisir, de déplacer, de manipuler, d’organiser l’espace et de comprendre la signification de symboles graphiques. L’ interface graphique était un monde de métaphores et la souris permettait de traduire le geste physique dans cet espace symbolique. Dès notre plus jeune âge, nous apprenons à reconnaître des configurations spatiales, à planifier nos actions dans l’espace, à porter notre attention sur certaines choses et pas sur d’autres. Lorsqu’un enfant va prendre un jouet dans sa chambre, il utilise ses compétences de manière fluide et efficace. Les interfaces graphiques per mettent de réutiliser ces savoir-faire pour interagir avec la machine. Il suffit de traduire le
monde symbolique représenté à l’écran en son équivalent physique. Dans ce monde, comme dans le monde réel, des outils peuvent être appliqués à des objets, des objets peuvent être placés dans des contenants. Il y a bien sûr un certain nombre de concepts à comprendre (comme les fenêtres ou les menus). Mais avec un peu d’entraînement, un enfant de dix ans peut facilement les maîtriser. Le plus difficile
est de réussir à faire cette « traduction » métaphorique. Le modèle de l’interface graphique associée à la souris et au clavier, inventé il y a une trentaine d’années, a été un succès sans précédent, puisqu’à quelques variantes près, il a conquis tous les types d’ordinateurs et de systèmes d’exploitation. Claviers et souris ont continué à évoluer pour devenir plus agréables à utiliser, mais les principes d’interaction sont quant à eux restés dans l’ensemble assez similaires. Les interfaces graphiques « tra ditionnelles » proposent un monde qui correspond métaphoriquement au monde phy sique. Il semblerait intéressant de faire venir l’interactivité jusqu’à nous et d’interagir directement dans
et avec le monde réel plutôt que de nous plonger dans un univers vir tuel dont les règles de trouvaient les personnes et les objets, et en comprenant grossièrement ce qu’ils étaient en train de faire. Un peu comme dans la publicité d’Apple, notre premier prototype prenait la forme d’un écran placé sur un cou articulé. L’écran était programmé pour rester toujours en face de l’utilisateur le plus actif dans une pièce. Ce dernier voyait son image dans l’écran entourée par des éléments d’interface (boutons, etc.) placés tout autour de lui en « réalité augmentée ». De cette manière, il devenait possible d’agir à distance depuis n’importe quel point de la salle, que l’on soit debout ou assis, que l’on marche ou que l’on discute avec des amis. Plus besoin de s’adapter à la machine, la machine s’adaptait à nous. Nous avions créé un
ordinateur sans clavier ni souris, contrô lable par de simples gestes: l’informatique à portée de mains. Plutôt qu’une coque en plastique, Martino d’Esposito décida de travailler avec une couturière à la confection d’un vêtement capable d’envelopper toutes les pièces du prototype et surtout ce fluidifier ses mouvements. Au final, même si rien n’avait été fait pour le rendre anthropomorphique, notre prototype ressemblait à un petit être en habits noirs réactif et curieux de son environnement. Le principe de cette machine séduisit Paola Antonelli, conservatrice au département design et architecture du musée d’Art moderne (MoMA) de New York. Elle nous invita à venir présenter notre prototype dans ce prestigieux temple du design. L’exposition Design and the Elastic Mind fut décisive pour la suite du projet. Nous étions dans un musée d’art, pas dans une exposition scientifique. Il n’y avait aucun texte didactique pour expliquer comment la machine fonctionnait. Les visiteurs - plusieurs milliers par jour - allaient devoir le découvrir par eux-mêmes. Nous profitâmes de cette occasion unique pour étudier attentivement la manière dont ces rencontres inédites avaient lieu.L’approche se déroulait presque toujours en trois étapes. Au milieu de cette large collection d’objets évocateurs mais inertes, les mouvements de la machine attiraient l’attention. Le visiteur s’approchait. Il observait alors d’autres personnes qui gesticu laient en face de l’écran motorisé et comprenait assez rapidement que ces derniers inter agissaient avec leur propre image affichée sur l’écran. C’était une invitation à participer à leur tour. Quand le moment se présentait, ils tentaient, un peu hésitants, de saisir par fonctionnement sont simplement inspirées du monde que nous connaissons. Malgré le caractère intuitif des métaphores utilisées dans les interfaces graphiques, interagir avec un ordinateur demande une concentration qui nous empêche souvent de continuer parallèlement d’autres activités, même aussi coutu mières que tenir une conversation. L’interface, si loin de notre corps, n’est jamais tout à fait incorporée. Depuis une quinzaine d’années, de nombreux
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DialogueL’aspirateur robot Roomba est un exemple remar quable de succès
commercial dans ce domaine. Sa forme est parfaitement adaptée à son usage et
un grand nombre de familles s’en sont équi pées. Avec mes collègues Julia Fink
et Valérie Bauwens, nous avons mis en place une étude pour comprendre ce
qui se passait quand on introduisait un robot de ce genre dans un foyer suisse.
Quelle serait l’intersection du monde de ce robot nettoyeur avec l’écosystème
complexe constitué par une famille? Au fur et à mesure des interviews et des observations sur place, c’est toute la
complexité d’une relation sociale que nous avons mise au jour. Certains foyers modifiaient complètement l’organisation
de leur intérieur pour permettre au robot de mieux travailler. De nombreux
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Ender’s Game (Gavin Hood, États-Unis, 2013), Ecrivain et biochimiste, Asimov est l’auteur des « trois lois de la robotique »
Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?
chercheurs travaillent à la construction d’interfaces qui nous permettent d’interagir dans le monde réel selon des approches variées: introduire de l’électronique dans les vêtements, construire des télécommandes sophistiquées, des pièces intelligentes qui interprètent nos comportements, etc. Les solutions qui supposent que l’utilisateur porte un nouvel objet posent des problèmes pratiques. Nous perdons les télécommandes et les souris sans fil. Nos poches sont déjà trop pleines. Pour pouvoir abandonner l’idée d’un instrument qui servirait d’intermé diaire entre notre monde et celui de la machine, il faut résoudre un vrai paradoxe: faire une interface qui permette de saisir et de manipuler des objets aussi directement que dans le monde physique sans qu’il y ait pour autant d’objet physique à manipuler.C’est précisément sur cette question que le savoir-faire des roboticiens peut être utile. En 2006, j’ai commencé à travailler avec le designer industriel Martino d’Esposito à la construction d’un ordinateur « robotisé ». L’idée était que l’on puisse interagir avec cette machine par de simples gestes, où que l’on soit dans une pièce.
Créer des applications « grandeur nature »La grande innovation des ordinateurs robotiques consiste en un changement de réfé rentiel. Avec un ordinateur robotique, l’interaction n’a plus lieu dans le référentiel de l’écran, mais dans le nôtre. Les applications sont « grandeur nature ». Les échanges se déroulent dans notre espace. Nous ne sommes pas obligés de nous adapter à la machine. Pour la première fois, c’est elle qui s’adapte à nous.Une fois qu’un ordinateur robotique vous a vu, il peut vous suivre du regard même si vous vous déplacez. Contrairement à un ordinateur classique, qui nécessite l’arrêt d’une activité pour être utilisé, un ordinateur robotique se fond dans l’environnement humain. Il n’y a ni souris, ni clavier. Vous ne touchez rien. Vous n’avez même pas à parler. Il suffit de bouger la main ou de lui montrer un objet pour interagir avec lui. Si vous êtes avec un ami, il vous suit tous les deux et peut tenter de deviner les liens qui vous unissent. Parce qu’il fonctionne dans notre espace physique, il peut comprendre notre espace social. Dans le salon, vous n’avez besoin que d’un geste pour lancer ou arrêter une musique. Si vous organisez une soirée, il fera non seulement le Dl mais pourra aussi prendre les photos de vos invités, puis leur envoyer un « montage souvenir ». Dans la cuisine, il vous permet de suivre une recette tout en vous déplaçant, sans jamais toucher l’écran. Montrez-lui un pot de sauce tomate vide et il l’inclura dans votre prochaine liste de courses. Dans la chambre des petits, il offre une multitude de jeux dans lesquels les enfants ne sont plus « collés » devant l’écran, mais où ils peuvent laisser libre cours à leur imagination corporelle. Au bureau, il donne une autre dimension aux conférences en portant son attention alternativement sur chacun des intervenants. L’absence de contact avec l’écran le rend particulièrement adapté pour choisir des produits dans un magasin, ou obtenir des informations dans un musée.Parce qu’un ordinateur robotique « vit » dans le même espace que nous, il entre dans notre intimité comme aucun appareil ne l’a fait jusqu’alors. Il est non seulement capable de reconnaître les personnes présentes dans une pièce, mais il peut aussi apprendre leurs habitudes: les moments de la journée où il est le plus probable de les voir, le type de musique qu’elles aiment écouter selon le contexte, etc. Cette intimité inédite avec une machine suscite
évidemment de nombreuses questions sur les transformations de notre vie privée à l’heure des ordinateurs robotiques. Elle ouvre également la voie à de nouvelles possibilités d’apprentissage reposant sur l’intelligence artificielle. Chaque moment passé avec un ordinateur robotique doit lui donner l’occasion de mieux nous connaître. Enfin et surtout, cette intimité annonce de nouveaux modèles économiques où nos données biographiques seront échangées contre des services. Ainsi, les ordina teurs robotiques n’inaugurent pas simplement des services nouveaux mais peut-être une économie nouvelle.Même si plusieurs signes nous indiquent qu’une lignée technologique est en train d’apparaître, dessiner les contours précis d’un ordinateur d’un genre nouveau reste un travail de longue haleine. Il a fallu de nombreuses années avant que tous les concepts introduits par les interfaces graphiques s’intègrent de manière cohérente les uns avec les autres. Il faudra de même de longs mois pour que le travail des ingénieurs et des designers s’imbrique pour s’approcher d’une nouvelle machine qui pourra trouver une place pérenne dans nos vies. Concluons sur une métaphore éclairante. Au cours des dernières années de recherche en robotique, nous avons appris qu’une bonne interface physique et sociale devait suivre un principe directeur fondamental: celui de la danse. La machine devra être une cavalière facile fi inviter, attendant juste un petit signe discret, mais clair, pour nous rejoindre sur la piste. Comme une bonne danseuse, elle saura prédire où nous serons à l’instant d’après. Chaque danse sera l’occasion de mieux se connaître, et l’interac tion deviendra progressivement si fluide qu’elle ne nécessitera plus aucune attention consciente. Pour autant, interagir ne doit pas signifier partir dans un monde virtuel, personnel et inintelligible pour les autres personnes qui nous observent. Il faut crever la bulle dans laquelle la technologie aime à nous enfermer. Comme pour la danse, homme et machine devront adopter un comportement qui fasse sens, idéalement composé de gestes et de mouvements gracieux.
Certains étaient plus ou moins doués que les autres. Surtout, chacun avait sa propre stratégie d’interaction, inventait en quelques secondes sa grammaire gestuelle adaptée à cette situation inédite. Nous avions reproduit le scénario interactif de la publicité d’Apple.D’année en année, ce premier prototype s’améliora. Il fut équipé d’une caméra à infrarouge pulsé permettant de percevoir l’espace en trois dimensions. Son design fut plusieurs fois entièrement repensé. Il a été produit en petites séries, et nous l’avons vendu à plusieurs laboratoires de recherche, notamment à ceux de Samsung et Logitech. Plusieurs équipes dans le monde travaillent en ce moment à ce qui est, sans aucun doute, une nouvelle lignée technologique: les ordinateurs robotiques.
Ender’s Game, Sans l’héroïsme de Mazer
Rackham, le commandant de la Flotte
Internationale, le combat aurait été perdu.
Depuis, le très respecté colonel Graff et les
forces militaires terriennes entraînent les
meilleurs jeunes esprits.
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Ender’s Game (Gavin Hood, États-Unis, 2013), Dans un futur proche, une espèce
extraterrestre hostile, les Doryphores, ont
attaqué la Terre.
Développement L’aspirateur robot Roomba est un exemple remar quable de succès commercial dans ce domaine. Sa forme est parfaitement adaptée à son usage et un grand nombre de familles s’en sont équi pées. Avec mes collègues Julia Fink et Valérie Bauwens, nous avons mis en place une étude pour comprendre ce qui se passait quand on introduisait un robot de ce genre dans un foyer suisse. Quelle serait l’intersection du monde de ce robot nettoyeur avec l’écosystème complexe constitué par une famille? Au fur et à mesure des interviews et des observations sur place.
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Quelle est la différence entre un ordinateur et un robot?
Ce que vous allez découvrir
L’expositionVoilà résumée à grands traits la réflexion qui nous a guidés dans la conception et la réa lisation de cette exposition sur les robots. au Palais de la découverte, a considéré qu’il devait proposer des éléments illustrant le dévelop pement technique actuel pour que les visiteurs puissent avoir une idée des débats en jeu aujourd’hui et qui, sans doute, seront demain au cœur du rapport entre science, technique et société. C’est pourquoi l’exposition se veut informative mais aussi critique vis-à-vis d’opinions qui circulent et ne sont pas fondées. C’est ainsi le cas de tous les discours qui établissent la continuité entre les automates e t les robots. Il suffit d’observer les horloges, symboles des automates d’autrefois, ou les fontaines des jar dins baroques. Il s’agit de machines à « mouvement perpétuel », si l’on fait abstraction de la source d’énergie. Qu’il s’agisse de Capek ou d’Asimov, avant la mise au point de robots dans des laboratoires, dans des garages ou dans des startups, la prise de distance critique vis à-vis du projet est déjà en place. Étonnante situation dans laquelle la mise en garde précède la réalisation. En ce sens, les deux œuvres semblent conformes à ce qui fait aujourd’hui partie du débat sur la technique: la prévision des effets non voulus. Un principe de précaution avant la lettre, en somme. Pourtant, on peut affirmer que le premier acte de la fabrication des robots a été joué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le deuxième acte s’ouvre sur une tout autre scène: entre 1942 et 1953 se tiennent annuellement des conférences, connues sous le nom de conférences Macy, du nom de la fondation américaine qui finançait ces rencontres. Autour du neurologue Warren McCulloch ( 1898-1969 ), à l’origine de ces séminaires, des mathématiciens, des physi ciens, des logiciens, des anthropologues, des psychologues et des économistes, tels que Norbert Wiener ( 1894-1964 ), Gregory Bateson (1904-1980), Arturo Rosenblueth (1900- 1970) ou Margaret Mead (1901-1978).
Blade Runner, Ridley Scott
Objet technique fascinant à la fois miroir et prolongement de l’homme, le robot peuple les rêves les plus fous dessavants et des ingénieurs depuis des générations. Du mythe fondateur de Prométhée aux automates androïdes du siècle des Lumières, des trois lois fondamentales de la robotique édictées par Isaac Asimov aux robots compagnons dotés d’intelligence articielle, le Palais de la robotique a choisi de mettre ces machines à l’honneur dans une grande exposition associant collections partimoniales et produits industriels de pointe. Héritiers de la mécanique de précision traditionelle, de l’ électronique et de l’informatique, les robots sont aujourd’hui omniprésents dans notre monde. Encaissant stoïquement les cadences de la grande industrie, ils font preuve de robustesse dans les situations les plus dangeureuses, sur les champs de bataille ou au fond des océans, mais peuvent également porter secours aux êtres humains lors de délicates interventions chirurgicales ou les assister dans les tâches les plus quotidiennes. Capables à présent de percevoir et d’interpréter nos gestes et nos émotions, les robots sont plus que jamais à notre service, mais quelle place leur laisser dans la société de demain ?