Cassien - Institutions

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    LIBRARY^onto, OnlM^o

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    INSTITUTIONSDE

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    INSTITUTIONDE

    CASSIENTRADUITES

    PAR E. CARTIER

    PARIS "'-^ 'w"^x. ^LIBRAIRIE POUSSIELGUE FRRES ' ^-c

    RUE CASSETTE, 271872

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    JUNl 1972

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    AVANT-PROPOS

    Les Institutions de Cassien sont moins clbresque ses Confrences : elles n'en ont pas retendue ,la Tarit, ni cette mise en scne qui nous initie la vie des anciens solitaires et nous fait assister leurs entretiens. Elles offrent cependant aussiun grand intrt tous ceux qui dsirent ac-qurir la perfection chrtienne; elles conviennentmme peut-tre un plus grand nombre par le ca-ractre plus gnral de leur enseignement , et nousconnaissons des directeurs qui les prfrent auxConfrences, qui n'en sont que le dveloppement.

    Ce premier ouvrage de Cassien fut crit versl'anne 416. Son but est clairement expliqu dansla prface. L'vque d'Apt voulait tablir un mo-nastre dans sa province, et il rclame de Cassienles conseils et les traditions ncessaires pour for-mer ses religieux. Cassien obit et rsume dansson travail tout ce que lui ont appris ses voyages

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    VI AVANT-PROPOSet son exprience. Il profite des rgles anciennes,des crits de saint Basile et de saint Jrme, ilajoute ce que ses devanciers ont pass sous si-lence, et il le fait simplement, renonant auxchoses extraordinaires qu'il pourrait raconter ,pour se borner ce qui lui semble le plus utile etle plus pratique. Il admire ce qu'il a vu observeren Egypte et en Palestine ; mais il propose lesadoucissements que ncessite la diffrence de nosclimats.

    Les Institutions de Cassien se divisent en douzelivres et en deux parties trs-distinctes. Lesquatre premiers livres sont trs -intressants aupoint de vue des origines monastiques. Ils nousfont connatre les rglements primitifs des mo-nastres, et nous montrent d'abord la vie ext-rieure des religieux, la simplicit et le symbolismede leurs vtements (i), puis les offices du jour etde la nuit^ le nombre des psaumes et la manirede les rciter, les diffrentes heures pendant lasemaine et le dimanche, les veilles et les jenesen usage en Orient et Rome (ii, m). Enfin lequatrime livre nous apprend la vie intrieuredes monastres, les conditions et les preuves del'admission des religieux, l'organisation du tra-

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    AVANT -PROPOS VIIqui punissent les fautes, les degrs d'humilitqu'il faut parcourir pour arriver la perfection.

    C'est sur ce livre principalement que fut r-dige la rgle de Cassien que nous possdons , etqui fut suivie par un grand nombre de religieuxdans les Gaules \Les huit derniers livres des Institutions traitentdes vices principaux que les athltes du Christ

    ont combattre ^ On y retrouve toutes les qua-lits si justement admires dans les Confrences:une tude profonde du cur humain , une finessed'observation admirable, une logique victorieuseet les conseils les plus solides pour vaincre lesennemis du salut. 11 y a et l des pages qu'onpourrait comparer aux passages les plus cits deThophraste et de la Bruyre. Mais ce n'est pas lephilosophe spirituel qui se moque des travers del'espce humaine; c'est le mdecin compatissantqui tudie les maladies de nos mes, et nous in-dique les meilleurs remdes pour les gurir. Il y

    1 Cette rgle, que mentionne saint Grgoire de Tours (1. X,Hist., c. XVII ) , fut rdige, selon Gennadius, par saint Eucherde Lyon. Cassiani quadam opuscula lato tensa^ eloquio an-gusto , revolvens verbi tramite , in imo coegit volumine.

    2 Cassien compte huit vices principaux, parce qu'il dis-tingue la vaine gloire de l'orgueil. Il met aussi la tristesse la place de l'envie, qu'il range cependant parmi les vicesprincipaux. Confr., xviii, 17; Inst.,Y, 21, 22; vu, 5.

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    VIII AYANT - PROPOSa, par exempb^, sur les excuses de Tavare et sur lesK^oyens que prend le paresseux pour tuer letemps, des remarques d'une vrit tonnante etqui pourraient profiter bien des gens du monde.Du temps de Cassien, les monastres taient sou-vent envahis et troubls par des gens grossiers quirendaient ncessaires des avertissements que per-sonne ne songerait adresser aux religieux denotre poque \Nous avons dit, dans Tavant-propos des Con-

    frences^ ce que nous connaissions de la vie etdes voyages de Cassien. Nous insisterons , en*donnant au public les Institutions^ sur le principalmrite de leur auteur : celui d'avoir rsum lesenseignements et les traditions des anciens soli-taires, d'avoir servi de trait d'union entre 1 Orientet l'Occident; enfin et surtout d'avoir t, par sesouvrages, le principal inspirateur de la rgle desaint Benot, qui fut le vritable fondateur de lavie monastique en Europe.La vie religieuse est la pratique rgulire et

    complte des conseils vangliques, et nous lavoyons fleurir ds les premiers temps de l'glise,lorsque les fidles apportaient leurs biens auxpieds des Aptres, et n'avaient, sous leur direc-

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    AVANT -PROPOS IXtien, qu'un cur et qu'une me K Cassien citervangliste saint Marc, envoy par saint Pierre Alexandrie , comme le premier lgislateur de lavie religieuse en Orient ^ Les dserts de la Th-bade et de la Palestine se peuplrent rapidement.Saint Antoine , saint Pacme, saint Basile, enfan-trent des lgions de solitaires dont les vertus ton-nrent le monde autant qu'avait pu le faire la con-stance des martyrs.

    Cassien fat le tmoin de toutes ces merveilles.La Providence le conduisit dans les plus clbresmonastres de l'Orient pour qu'il en tudit lesrgles et nous en rapportt les traditions. Ce futaprs avoir sjourn Constantinople et Rome,qu'il vint se fixer en Provence ; et non-seulementil y crivit ses Institutions et ses Confrences, maisil y fonda de nombreux monastres. Celui deSaint-Victor de Marseille runit jusqu' cinqmille religieux.La rgle de Cassien fut un rsum, une am-

    lioration des rgles antrieures ; elle en adoucitles svrits trop grandes ; elle en prcisa les dis-positions trop vagues; mais ce fut prs d'un sicleplus tard que saint Benot la complta et fit cettergle sainte et parfaite qui fut si fconde pour

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    X AVANT-PROPOSl'glise , et que les conciles imposrent longtemps tous ceux qui se vouaient la vie religieuse.

    Saint Benot dclare avoir crit sa rgle pourles commenants, et il indique ceux qui tendentaune vie plus parfaite, non-seulement l'tude deslivres de l'Ancien et du Nouveau Testament , maisencore la lecture des Confrences et des Institu-tions, comme le droit chemin pour parvenir auCre'ateur. Sa rgle, dit -il, n'est qu'une faiblebauche; mais, en l'accomplissant d'abord avecJ'aide du Christ, on arrive ces hauteurs sublimes .de doctrine et de vertu qu'il vient d'indiquer ^

    Lors mme que le saint patriarche n'et pasrendu Cassien ce glorieux tmoignage, il seraitfacile de montrer par le rapprochement des textescombien il a puis lui-mme aux sources qu'il re-commande. Il n'y a pas un article de sa rglequ'on .ne puisse expliquer ou confirmer par unpassage des Institutions ou des Confrences. Lesrapports sont si vidents , que les citations devien-nent inutiles. Qu'il suffise d'indiquer, dans les r-glements des monastres, ce qui concerne lenombre des psaumes et les heures de l'office ^ , lesilence, la prire^, la lecture au rfectoire ^ , le

    1 Reg., xLii, Lxxiii. ^ Reg-^ viii, x, xvi; Tnsl., ii, 13, m.

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    AVANT - PROPOS XIservice de la cuisine ^ , les pnitences publiquesdes fautes ^ , les preuves de Tadmission ^ , le tra-vail des mains et la promptitude de l'obissance K

    L'vidence est encore plus grande pour tout cequi regarde les vertus de la vie religieuse , l'obis-sance, la soumission aux suprieurs, mme dansles choses qui paraissent impossibles ^, les diff-rents degrs d'humilit ^, le dtachement desbiens du monde ^, les devoirs de l'hospitalit ^,celte vertu antique qu'on ne ne retrouve plusgure qu'en Orient, mais qui fleurit encore dansles monastres de l'ordre comme au temps du saintpatriarche, cette hospitalit qui fait recevoir l'-tranger comme Jsus-Christ lui-mme et suspen-dre, pour le mieux accueillir, les rgles de l'absti-nence.

    Mais la vertu que saint Benoit semble avoir leplus got dans les uvres de Cassien, est sanscontredit la discrtion. Cette vertu , que Cassienappelle la source et la racine des autres vertus ,saint Benot la nomme la mre des vertus ^, et il

    1 Reg.y xxxy; Inst., iv, 19. 2 Reg,, xxiii, xxvi , xxvii ;Inst., II, 15; IV, 31. 3 Reg., lvii ; Inst,, iv, 3, 5. -^ R^g-,Y y xLviii; Inst., Il, 15; iv, 29; x, 14, 22. ^ R^g-, v, lxviii ;Inst., IV, 25-26. 6 Reg., vu; Inst. y iv, 39, 7 Reg., xxxiii ;Inst., IV, 13. 8 Reg,, lui; Inst.^ v, 24, 27. 9 Reg., lxiv;

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    XII AVANT -PROPOSpuise dans la seconde coiifrence, qui lui est con-sacre, Tesprit de toute sa rgle. Cette rgle enest tellement imprgne, sature, que saiot Gr-goire le Grand, dans Tloge magnifique qu'il enfait, la proclame admirable surtout par sa discr-tion : discretione prcipuam. La discrtion est, eneffet, la base de la vie religieuse : elle est la sain-tet ce que la mesure, le modus, est au beau dansles uvres d'art. Dieu a tout fait avec discr-tion dans la cration, puisqu'il a tout fait avecnombre, poids et mesure, et c'est parce que saintBenoit a tout ordonn avec discrtion qu'il a m-rit d'tre considr comme le fondateur de la viemonastique en Occident. Il a suivi les conseils etles exemples de Cassien, en adoucissant les ri-gueurs des rgles anciennes. Ces rigueurs pou-vaient tre utiles pour vaincre les natures ardentesde l'Orient, et ragir contre certaines corruptionsdu monde; mais ce qui est violent ne dure pas:l'effort qui ne peut ^e soutenir, augmente la fai-blesse et prcipite la dcadence.

    Dans le prologue de sa rgle, saint Benot dit qu'il veut constituer une cole o on apprenne le ser-vice du Seigneur; il espre bien n'y rien tablirde trop rigoureux ni de trop pnible; si cependant

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    AVANT -PROPOS XIIIde fuir, par crainte, la voie du salut dont l'entreest toujours troite; car, mesure qu'on avancedans la bonne voie et dans la foi , le cur se dilateet se met courir la voie des prceptes de Dieuavec une ineffable douceur d'amour. En effet, toutes les prescriplions de sa rgle

    sont tempres par la plus tendre discrtion. Ilveille sur les besoins de tous, proportionne letravail aux forces de chacun , et recommanded'viter tout excs dans la joie comme dans lapeine. Lorsqu'il est oblig de punir, il fait souteniret consoler en secret ceux qu'il frappe. Il veutque l'abb use de son autorit avec discernementet modration, se rappelant la discrtion du pa-triarche Jacob qui disait : Si je fatigue mes trou-peaux en les faisant trop marcher, ils prironttous en un jour. Il faut qu' son exemple ladiscrtion , qui est la mre des vertus , tempretellement toutes choses , que les forts dsirentfaire davantage, et que les faibles ne se dcoura-gent pas ^

    Saint Benoit non -seulement perfectionna lesrgles anciennes en les adoucissant par la discr-tion, mais il les complta en y ajoutant un l-ment nouveau. La vie religieuse existait certaine-

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    XIV AVANT - PROPOSment avant lui ; les conseils vangliques qui entaient Tinspiration lui avaient fait produire degrands saints. Elle n'avait pas encore cependantsa forme dfinitive et rgulire. Les vertus de pau-vret et de chastet , qui en sont l'essence , n'-taient pas soutenues par une obissance absolueet irrvocable. On revlait l'habit religieux commeautrefois le manteau de philosophe; on s'attachaitpour un temps une communaut, qu'on pouvaitquitter par inconstance ou par dsir d'une plushaute perfection.Cassien, dans sa dix-huitime Confrence, comme

    saint Benot dans le premier chapitre de sa rgle,parle de quatre diffrentes sortes de religieux :les cnobites, vivant en communaut dans unmonastre sous la rgle et l'autorit d'un abb;les anachortes , qui, aprs s'tre forms dans unmonastre , s'enfonaient dans la solitude pour yvivre d'une vie plus parfaite et se livrer unecontemplation plus leve ; les sarabades , quis'associaient en petit nombre pour vivre ensem-ble , mais dans l'indpendance , sans renoncer auproduit de leur travail et au bien-tre qu'ils pou-vaient en retirer; les gyrovagues enfin, sortesde religieux vagabonds, choisissant la libert des

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    AVANT-PROPOS XValler sans cesse , de monastre eh monastre ,abuser du bienfait de l'hospitalit.

    Cet tat de choses tait nuisible aux vrais reli-gieux qui vivaient en communaut; car il taitune tentation pour les faibles qui pensaient trou-ver ailleurs une vie plus facile ou plus sainte. Iltait aussi une cause d'affaiblissement pour lesmonastres, en permettant aux plus parfaits d'allercacher leurs vertus dans la solitude.La vie religieuse tait une ville ouverte o tout

    le monde pouvait entrer et sortir, et dont rennemi,par consquent, pouvait entraner facilement ladcadence et la ruine. Saint Benot en fit une villefortifie, une citadelle , en la dfendant au dedanset au dehors par le vu de stabilit et par cer-taines dispositions qui empchait les fcheusesinfluences. Le religieux, pour tre admis, doits'engager, en prsence de Dieu et des saints, lastabilit , en mme temps qu' la conversion desmurs et l'obissance. Les religieux trangersvenus des contres lointaines peuvent tre reuscomme htes, s'ils ne sont pas exigeants; maiss'ils viennent d'un monastre connu, ils doiventtre munis du consentement de l'abb ou de lettresde recommandation , car il est crit : Ne fais pas

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    XVI AVANT -PROPOSmme *. Ces prescriptions de la rgle de Saint-Benot sont capitales, et marquent vraiment unere nouvelle dans la vie religieuse.

    Cette rgle , que le saint patriarche prsente ses disciples comme une faible bauche , ne semblepas, en effet, avoir une forme dfinitive et parfaite.On y trouverait difficilement un plan gnral , etles chapitres semblent distribus au hasard. Noslgislateurs modernes procderaient sans douteavec plus de mthode. Que doivent cependantpenser le philosophe et l'homme d'tat en voyant-celte petite lgislation durer tant de sicles etproduire de si merveilleux rsultats. C'est surtoutpar l'ordre de Saint- Benot que l'glise a luttcontre les corruptions du monde ancien, sauv lacivilisation, disciplin les barbares, dfrich lesforts et cultiv les intelligences. Cette source b-nie , sortie du clotre , arrosa toute la terre et sedivisa en grands fleuves comme ceux du paradisde dlices, pour fertiliser le royaume du Christ.Ses abbayes innombrables ont t des foyers descience et de vertus; elles ont donn tous lespeuples de l'Occident des saints et de grandshommes.

    L'ordre de Saint- Benot a eu le gnie de la co-

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    AVANT -PROPOS XVIIIonisation, comme l'avait la puissance romaine.Il ne remporta pas seulement ces victoires de Ta-postolat, brillantes et souvent passagres commecelles des conqurants ; mais, ds qu'il avait plantquelque part la Croix, il btissait un monastrequi devenait une citadelle de la vrit. Les popu-lations, attires par les enseignements et les vertusde ses religieux, accouraient en foule et lui four-nissaient bientt de nouvelles lgions qui allaientfonder au loin d'autres monastres ; et il s'ta-blissait, par ces monastres, des relations, descourants d'ides, qui profitaient grandement lacivilisation et l'glise.Une des causes principales des grandeurs de

    l'ordre de Saint-Benot est sa constitution essen-tiellement monarchique. Chaque abbaye est unpetit tat dont l'abb est souverain. Il tient laplace du Christ, et porte le nom de f*re. En luirside la plnitude de l'autorit. Dans les affairesimportantes, il doit prendre les conseils de tous ;mais la dcision suprme lui appartient. Il dis-tribue les charges , et le droit d'lection est trs-limit. Il y a, dans l'exercice de ce droit, un l-ment de trouble et de dcadence pour les commu-nauts. Les religieux les plus parfaits peuventavoir, sur les hommes et les choses, des apprcia-

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    XVIII AVANT -PROPOSlions bien diffrentes qui affaiblissent souvent lacharit, et celui qui est nomm ne se sent pas ap-puy dans ses fondions par la confiance de tous.

    Dans la rgle de Saint-Benot se trouve la vraiethorie du pouvoir. L'abb le reoit de Dieu pourle salut des mes. Il est responsable de ses ensei-gnements et de ses disciples ; il doit prcherd'exemples et de parole; reprendre, supplier,menacer, selon les besoins de chacun; montrertantt la svrit d'un matre, tantt la tendressed'un pre. Il a la pleine administration du mo-nastre; aucun dtail ne doit lui chapper.

    Mais il est, avant tout, le juge, le ministre de ladiscrtion. Il mesure chacun son travail et sonfardeau ; il doit faire prvaloir la misricorde surla justice, afin d'obtenir pour lui-mme un traite-ment pareil. Qu'il agisse dans ses corrections avecprudence et sans excs, et qu'il craigne de briserle vase, en voulant ter la rouille \

    L'ordre de Saint-Benot n'a pas un but spcial;mais il suffit tout en formant le vrai religieux.Si un frre a un talent, s'il exerce un art, il s'yappliquera sur l'ordre de l'abb ; mais s'il en tirequelque vanit, il cessera de s'en occuper, lorsmme que le monastre y trouverait son avan-

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    AVANT -PROPOS XIXtage, parce qu'il faut avant tout sauver son me.L'intrt ne doit pas tre le mobile du travail, etla loyaut doit prsider toutes les transactions.Les religieux seront moins exigeants que les au-tres KLa rgle organise le travail manuel et intellec-

    tuel. Elle recommande qu'il soit tabli dans lesmonastres tout ce qui peut tre ncessaire lavie: un moulin, un jardin, une boulangerie etdes ateliers o pourront s'exercer toutes les pro-fessions , en sorte que les moines n'aient aucunencessit de courir au dehors, ce qui n'est aucu-nement avantageux pour leurs mes ^ Cette re-commandation , qui semble avoir seulement pourbut de prserver les religieux du contact dumonde, a eu sur la civilisation, au moyen ge,une influence immense. Elle a t la cause la plusfconde des progrs de l'agriculture et de l'indus-trie. Les monastres bndictins devinrent desfermes -modles, des coles professionnelles , oles mthodes se perfectionnrent par un dvelop-pement traditionnel et continu , qu'il tait impos-sible de trouver dans la vie prive.

    Cette communaut et cette perptuit de travailfut aussi fconde dans l'ordre intellectuel et scien-

    1 Reg.^ Lvii. 2 lxvi.

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    XX AVANT-PROPOStifique. Les monastres bndictins recueillirentles paves de l'antiquit. La patience de leurs co-pistes nous conserva les chefs-d'uvre de la litt-rature profane , multiplia les crits des saintsPres, et forma ces bibliothques incomparablesqui fournirent la Congrgation de Saint- Maurles matriaux de ses immenses publications. Pour-quoi louer la science bndictine , puisqu'elle estdevenue proverbiale?

    Cette gloire de Tordre de Saint-Benot n'est-elleplus qu'un souvenir, et son action est- elle finiedans l'glise? Loin de nous une pareille pense. 'Lorsque, sur les ruines faites par la Rvolutionfranaise , la Providence voulut prparer les ger-mes d'un meilleur avenir et les forces capables dersister aux dernires crises dont Fathisme et lesocialisme nous menacent, il fit renatre parminous les ordres religieux. L'ordre de Saint-Benotreparut au premier rang. Non-seulement les trap-pistes revinrent arroser notre sol de leurs sueurset donner notre socit corrompue l'exemple dela pnitence, mais la sainte Bgle refleurit danssa discrtion primitive.On attribue gnralement au Pre Lacordaire

    la rsurrection des ordres religieux en France.

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    AVANT-PROPOS XXINotre-Dame prsenta rincrdulit du dix-neu-vime sicle rhabit dtest de Saiot- Dominique,il remporta certainement, pour la libert reli-gieuse, une audacieuse et brillante victoire; maisdepuis bien des annes dj, de gnreux cham-pions avaient engag la lutte. Le 11 juillet 1833

    ,

    ils taient venus s'enfermer Solesmes et affronterles clameurs des prjugs populaires. En 1837,leurs efforts taient couronns de succs. Ils rece-vaient Rome la tradition bndictine et la sanc-tion pontificale. L'ordre de Saint-Benoit repre-nait parmi nous ses glorieuses destines.

    Aprs plus de trente ans d'existence , beaucoupencore ignorent qu'il y a des bndictins en France;et pourtant les services qu'ils ont dj rendusne sont-ils pas assez nombreux, assez clatants !Tandis que Sainte Elisabeth plaidait la cause dumoyen ge , Sainte Ccile n'clairait- elle pasde sa gloire les origines de l'glise romaine*?D'o vient celte grande rforme liturgique, siheureusement conquise, cette unit qui nous rat-tache Home par la prire comme par la doctrine?O la vrit historique a-t-elle trouv de plus vail-lants dfenseurs contre les mensonges sculaires,

    i Ce fut Solesmes, en 183o, que M. le comte de Montalem-ert crivit l'histoire de sainte Elisabeth, qui parut en 1836.

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    XXII AVANT -PROPOSles hrsies caches, les alliances dangereuses etles perfidies du naturalisme? N'est-ce pasSolesmesqui a fourni la Monarchie pontificale son plusintrpide chevalier contre les attaques du gallica-nisme, au concile du Vatican?

    Parmi les services rendus l'glise et laFrance, comment ne pas citer YAnne liturgique?Quel ouvrage pouvait tre plus utile pour sauverla pit vritable, au milieu de ce dluge de petitslivres et de dvotions individuelles qui rappellentles fantaisies changeantes de la mode? Cette ini-tiation la prire publique , la prire de l'glisen'est-elle pas le moyen le plus efficace de renou-veler parmi nous la vie chrtienne? La liturgienourrit vraiment Tme de doctrine , de lumire etd'amour. Elle l'lve dans ce monde surnatureldont Notre-Seigneur est le soleil et le centre ; ellelui fait parcourir ce cycle tout tincelant de mys-tres et de ftes , ces saisons de l'anne cleste quioffrent notre dvotion leurs travaux varis, leursfleurs et leurs fruits.VAnne liturgique a fait couler ce fleuve majes-stueux, sorti des fontaines du Sauveur, ce fleuvequi part de Eome pour fconder toute la terre ,qui reoit les affluents de tous les sicles et de

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    AVANT - PROPOS XXIIIles trsors de la posie la plus vraie et la pluspure.La liturgie est la sve de Fart chrtien , et nous

    croyons que Dom Guranger a plus fait pour sa re-naissance en France, que les archologues dontles travaux ont sans doute glorifi justement lepass, mais n'ont provoqu jusqu' prsent quedes imitations plus ou moins intelligentes. Il fautque les artistes se passionnent pour les beauts dela liturgie, s'ils veulent crer des uvres vrai-ment originales et chrtiennes.Non -seulement Dom Guranger a publi de

    grands et d'utiles ouvrages , mais il a form desdisciples et prpar ces gnrations qui renouvel-leront les merveilles d'autrefois. L'abbaye de So-lesmes reprend la publication des spicilges et desin-folio, et elle a eu dj la gloire de donner,dans le cardinal Pitra, un des plus savants princesde l'glise.

    Qu'il me soit permis, en terminant, d'acquitterune dette de gratitude envers Tordre de Saint-Benot, au nom de tous ceux qui sont attachs l'ordre de Saint-Dominique. Il est un fait peuconnu et cependant bien constat par rhistoriendu Pre Lacordaire ^ : c'est par l'exemple et les

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    XXIV AVANT -PROPOSconseils de Dom Guranger, que Dieu donna augrand orateur la pense et le courage de rtablirTordre des Frres Prcheurs. Ce fut en 1837 quel'abb de Solesmes dposa dans le cur de sonami le premier germe de sa vocation religieuse ;il lui proposa de ressusciter Tordre de Saint-Dominique en France, et il lui en fit tudier lesconstitutions. La retraite faite par le Pre Lacor-daire Saint-Eusbe n'eut pour rsultat qu unprojet vague que rendit encore plus incertain lesuccs des prdications de Metz et de Lyon.A la fia d'avril 1838 cependant, le Pre La-cordaire parla de son projet M. le comtede Montalembert, qui le combattit, tandis queDom Guranger, au contraire, le pressait de leraliser et de partir pour Rome. Au mois de juin,le Pre Lacordaire vint faire une retraite sous ladirection de Tabb de Solesmes, et ce fut dansune cellule de Tabbaye que fut dcid le rta-blissement de Tordre des Frres Prcheurs, pourle salut de tant d'mes.

    Je suis heureux d'en rendre un reconnaissanttmoignage.

    E. Cartier,Amboise, 24 juin 1872.

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    LETTREDU BIENHEUREUX CASTOR, VQUE D'APT

    A GASSIEN, ABB DE MARSEILLE

    Castor, le dernier des hommes, salue aussi hum-blement qu'il peut le faire l'abb Cassien, si clbrepar sa saintet, sa vie entire et sa science admirable.

    C'est avec raison , vnrable Pre , qu'on procurele secours d'un matre ceux qui ne savent pas encores'exprimer et se conduire. Puisque, dans les dfail-lances de notre nature , tous n'ont pas les lumiressuffisantes, le seul remde est de recourir ceux qui'sont capables de nous servir de guides. Personne nepeut tout faire, et il y en a qui ne savent pas com-battre C'est quand un malheur nous menace, qu'ilfaut apprendre les meilleurs moyens de le supporter;et ceux qui sont appels diriger les autres, doivents'y exercer longtemps et s'y prparer de toute ma-nire.

    Souvent un suprieur prsomptueux se trompe mal-heureusement en appliquant, sans discernement et

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    2 LETTRE DU BIENHEUREUX CASTOR A CASSIENd'autres circonstances, et nous pouvons tre facilemententrans par sa faute dans de graves erreurs.

    Aussi nous vous en supplions, trs-cher Pre, nerefusez pas notre ignorance les lumires de votreinpuisable charit. Faites-nous connatre les saintsexercices qui ont lev votre me et dvelopp vosvertus, afin de nous encourager dans la bonne voie,nous qui voulons la suivre et qui subissons encorel'entranement des vanits du monde. Nous savonsque vous tes trs -instruit de tout ce qui se pratiquedans les monastres d'Orient, surtout dans ceux del'Egypte et de la hbade, et que vous avez habitmme les lieux sanctifis par la naissance du Sauveur.Puisque vous en avez rapport une science si prcieuse,vous devez enrichir notre pauvret. Nous vous conju-rons de vouloir bien crire simplement les institutionsmonastiques que vous avez vu tablies et florissantesen Egypte et en Palestine, ainsi que les traditions desanciens Pres. Vous serez ainsi utile notre commu-naut naissante, et la douceur de vos enseignements(lsallrera des curs qui les dsirent depuis long-temps; notre strilit cessera, et nous porterons enfindes fruits de justice. Soyez persuad que si vous nousfaites ce bien, vous en serez rcompens; car vos en-fants dociles profiteront de vos leons pour mieux ho-norer leur Crateur. Adieu, Pre des serviteurs duChrist, et ne nous oubliez pas.

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    PRFACE DE CASSIENA L'VQUE CASTOR

    L'Ancien Testament rapporte que Salomon avaitreu d'en haut une sagesse si grande, une prudencesi consomme, un cur si vaste, que les rivages de lamer n'taient pas plus tendus, et qu'au tmoignagede Dieu mme, nul homme dans le pass ou l'avenirne pouvait lui tre compar. (III Reg., iv.) Et cepen-dant , lorsqu'il voulut lever au Seigneur un templemagnifique, il demanda Faide du roi de Tyr, qui taitun tranger. Le roi lui envoya Hiram , le fils d'uneveuve, et Salomon s'en servit pour raliser l'inspira-tion divine, pour btir le temple et l'orner de vasessacrs.

    Si ce prince , qui tait au - dessu de tous les roisde la terre, si le plus noble et le plus illustre des en-fants d'Isral, si celui dont la sagesse surnaturelle

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    4 PRFACE DE CASSENsurpassait les sciences et les arts de l'Egypte et derOrient, n'a pas ddaign consulter le fils d'une veuveet un tranger, faut -il s'tonner, trs -saint vqueCastor, qu' son exemple vous vous adressiez moi ,malgr ma faiblesse et ma pauvret, pour vous aiderdans un projet plus grand que le sien? Car ce n'est pasavec des pierres insensibles, mais avec des saints quevous voulez btirun temple Dieu ; ce n'est pas un dificetemporel et destructible, c'est un monument ternelet immuable; les vases que vous y voulez consacrer,ce ne sont pas des vases de mtal, d'or et d'argent, quele roi de Babylone doit prendre pour les faire serviraux dbauches de ses princes et de ses concubines ,ce sont des mes saintes, toutes brillantes d'innocence,de justice et de puret, des vases que doit remplir leChrist mme, leur Roi et leur Epoux.

    Votre province n'avait pas de monastre, et vousvoulez en tablir un semblable ceux de l'Orient, etsurtout de l'Egypte. Vous possdez toutes les vertus,la science et les richesses spirituelles qui sont nces-saires, et, dfaut de vos leons, votre vie et vosexemples suffiraient pour diriger ceux qui aspirent la perfection. Et cependant, pour accomplir votre des-sein , vous vous adressez moi , si pauvre de scienceet de talent, et vous rclamez le concours de monindigence. Vous dsirez que, malgr mon incapacit,je mette par crit les institutions que j'ai vues prosp-rer dans les monastres d'Egypte et de Palestine, et les

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    A l'vque castor 5commandez de le faire, non pas dans ce beau langagequi est un de vos mrites, mais dans un syle simplequi fasse comprendre plus facilement la vie des saints tous les religieux que vous avez reus dans votrenouveau monastre.

    Je voudrais pouvoir rpondre voire pieux dsir;mais combien d'obstacles m'pouvantent ! Ma vie d'a-bord est -elle assez pure pour oser approfondir digne-ment des choses si leves, si obscures et si saintes?J'tais bien jeune d'ailleurs lorsque j'tais parmi cessaints religieux qui me soutenaient et m'encourageaientpar leurs paroles et leurs exemples, et ce que j'essayaisalors, ce que j'ai appris, ce que j'ai vu, il me seraitbien difficile de me le rappeler parfaitement, aprsavoir t priv depuis tant d'annes de leur prsenceet de leurs enseignements. Cet inconvnient est d'au-tant plus grand , que ces choses ne peuvent tre ex-poses , comprises et retenues , et en parlant et en lestudiant: l'exprience seule en donne l'intelligence. Sicelui qui les explique doit les avoir pratiques, il fautaussi que ceux qui les entendent, s'y exercent avecardeur pour les comprendre ; et encore est-il nces-saire de s'en entretenir souvent avec des personnesclaires, pour ne pas les oublier promptement.

    Outre cette difficult, je sens que je suis incapable debien exprimer ce que je me rappelle encore. Ajoutez quedj bien des hommes illustres par leur vie, leur savoiret leur loquence, ont crit des livres sur ce sujet.Je citerai, entre autres, saint Basile et saint Jrme.Le premier, la demande de ses disciples, a trait de

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    6 PRFAGE DE CASSIENlent et une grande abondance de textes des saintescritures. Le second, non- seulement a compos plu-sieurs livres sur la vie religieuse, mais encore en atraduit du grec en latin ^ Ne serait-ce pas bien pr-somptueux de vouloir ajouter quelques gouttes cesfleuves d'loquence? Et cependant je me laisse per-suader par la confiance que votre saintet m'inspire ,et par la promesse que vous me faites que vous re-cevrez avec plaisir mon pauvre travail et que vous lemontrerez seulement aux religieux de votre nouveaumonastre. S'ils y trouvent des choses qui ne soientpas bien dites, que leur charit me le pardonne, qu'ilssoient indulgents, et qu'ils cherchent dans mes critsplutt la vril que la beaut du langage.

    Ainsi je me rends vos prires, vnrable Pre^qui tes vraiment un modle de religion et d'humilit.J'entreprends, selon la mesure de mes forces^ l'ou-vrage que vous me demandez. Je traiter'ai surtout cequ'ont pass sous silence ceux qui m'ont prcd,parce qu'ils parlaient plus de ce qu'ils avaient entendudire que de ce qu'ils savaient par eux-mmes, et jetcherai d'instruire votre communaut naissante, quia soif de la vrit. Je ne chercherai pas raconter desmiracles et des faits extraordinaires , nos anciens m'en

    1 Un grand nombre de lettres de saint Jrme traitent de lavie religieuse. Plusieurs de ses ouvrages en parlent longue-ment, et ses Vies des Pres du dsert en offrent les plus par-faits modles. Quant ses traductions du grec, on peut citercelle de saint Antoine par saint Athanase, et la rgle de saint

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    A L EVEQUE CASTOR 7,ont appris un grand nombre et d'incroyables, beaucoupmnne se sont accomplis sous mes yeux; mais je pas-serai sous siience tout ce qui exciterait Fadmirationde mes lecteurs, sans leur enseigner une vie plus par-faite. Je m'appliquerai exposer, aussi fidlement queDieu m'en fera la grce, les institutions et les rglesdes monastres, les huit vices principaux qu'on y re-connat, leur origine, leurs causes et les remdes quela tradition indique pour les combattre*Mon dessein n'est pas de publier les merveilles deDieu , mais de dire en peu de mots les moyens de cor-riger nos murs, et d'arriver la perfection, selonles enseignements que nous avons reus des anciens.Je me conformerai aussi vos recommandations, enne m'arrtant pas ce qui serait tranger la rgleprimitive , ou ce qui aurait t retranch ou ajoutpar ceux qui tablissaient ou dirigeaient des monas-tres ; mais je ferai un rcit fidle et complet de ceque j'ai vu pratiquer dans les couvents les plus an-ciens de rgypte et de la Palestine. Je ne crois pasque les rgles des nouvelles fondations de l'Occidentpuissent tre plus sages et plus parfaites que cellesqui datent du temps des Aptres, et que des hommessi spirituels et si saints ont tablies dans des monas-tres qui prosprent encore de nos jours. Je serai mo-dr cependant, et si je trouve, dans la rgle des so-litaires de l'Egypte, quelque chose que la rigueur duclimat ou la ditlrence des murs rendrait trop dure,trop dilficile, ou m.me impossible dans ces contres,je l'adoucirai par les tempraments adopts dans les

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    8 PRFACE DE CASSIEN A L'VQUE CASTORmonastres de la Palestine et de la Msopotamie; cards qu'on fait tout ce qui est raisonnable et possible,l'observance est aussi parfaite, malgr l'ingalit desforces.

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    INSTITUTIONSDECASSIEN

    LIVRE IDU VETEMENT DES RELIGIEUX

    1. Dessein de Fauteur.

    Notre intention tant d'exposer, avec la grce deDieu, les institutions et les rgles monastiques, pou-vons-nous mieux commencer qu'en parlant du vte-ment des religieux? Il nous sera plus facile de montrerleur pit intrieure, lorsque nous aurons expliqul'habit qu'ils portent extrieurement.

    2. De la ceinture.Un religieux est un soldat du Christ : il doit toujours

    tre prt, et se ceindre les reins pour combattre. C'estainsi que marchaient ceux qui dans l'Ancien Testa-

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    40 LIVRE Iment, furent les fondateurs de la vie religieuse, lie etElise, dont nous parle la sainte criture, et nousvoyons les Princes et les Aptres de la loi nouvelle ,saint Jean, saint Pierre, saint Paul et leurs disciples,agir de la mme manire. lie, qui reprsentait, avantrvangile, la puret des vierges et les vertus de lacontinence, fut envoy de Dieu pour reprocher auxambassadeurs d'Ochosias le sacrilge de ce roi d'Isralqui avait consult Belzbub , le dieu d'Ascaron , surTtat de sa sant, et il leur annona que ce prince nese relverait pas du lit o il tait couch. Le roi re-connut le prophte la manire dont il tait vtu ; carses ambassadeurs tant revenus lui apporter sa sen-tence, il leur demanda comment tait l'homme quileur avait ainsi parl. C'est un homme, rpondirent-ils , qui est couvert de poil et qui a une ceinture depeau autour des reins. Alors le roi reconnut l'hommede Dieu et dit : C'est lie de Thesb. (IV Reg.,I, 8.) Cette ceinture et cet extrieur nglig firent re-connatre le prophte, parce qu'au milieu de tout lepeuple d'Isral, il tait le seul qui portt ce vtementcomme un signe spcial.

    Saint Jean-Baptiste, qui spare, comme une bornesacre, l'Ancien et le Nouveau Testament dont il estla fin et le commencement, nous apparat ainsi dansl'vangile. Jean, y est -il dit, avait un vtement depoil de chameau et une ceinture de cuir autour desreins. (S. Matth., m, 4.)

    Lorsque saint Pierre tait dans la prison d'Hrode,

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    DU VTEMENT DES RELIGIEUX 11parut et lui dit : Prenez votre ceinture et mettez vossandales. ( Act., xii , 8.) Si Fange du Seigneur lui ftcette recommandation, c'est qu'il avait un peu dlisa ceinture pour mieux reposer, pendant la nuit , sesmembres fatigus.De mme, lorsque le prophte Agabus rencontra,

    Csare, saint Paul qui allait Jrusalem, o les Juifsdevaient le charger de chanes , il prit la ceinture del'Aptre^ s'en lia les pieds et les mains pour figurer surson corps ce que saint Paul devait souffrir, et il luidit : Voici ce que dit l'Esprit- Saint : Celui qui ap-partient cette ceinture, sera ainsi li par les Juifs Jrusalem et livr entre les mains des gentils. (Act.,XXI, 11.) Le prophte n'et .pas pu dire : Celui au-quel appartient cette ceinture, si saint Paul n'avait paseu l'habitude d'en porter une.

    3. De ia simplicit du vtement. Du ciiice.Le religieux doit seulement chercher par ses vte-

    ments couvrir sa nudit et se prserver du froid,et non pas nourrir sa vanit et satisfaire son or-gueil. L'Aptre le recommande en disant : (( Ds quenous avons de quoi nous nourrir et de quoi nous cou-vrir, nous devons tre contents. (I Tim., vi, 8.) Ilse sert de ces termes pour indiquer que les vtementsdoivent couvrir le corps, sans lui servir d'ornement.Il faut qu'ils soient si simples, que rien ne les distin-gue, par la couleur et la forme, de ceux que portentles personnes de la mme condition. Mais il faut viter

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    12 LIVRE Iun dfaut contraire et ne pas se faire remarquer parune ngligence aflecle. Le vlement religieux doittre si loign des modes du monde, qu'il puisse tou-jours servir tous les serviteurs de Dieu. Car ce quiserait adopt par quelques-uns seulement et qui neconviendrait pas toute la communaut doit tre re-jet commesuperfluet nuisible, comme montrant pluttla vanit que la vertu. Il faut retrancher comme inutiletout ce que n'ont pas approuv les saints fondateurs dela vie religieuse, et les Pres qui, de notre temps,suivent fidlement leurs rgles et leurs exemples.

    Les plus sages n^approuvent pas le vtement de poilqu'on appelle cilice \ ils le trouvent trop singulier etplus capable de favoriser la vanit que d'aider la d-votion. Ils le croient d'ailleurs incommode pour le tra-vail auquel doit se livrer un religieux qui veut viterla paresse. Si quelques religieux, recommandablespar de grandes vertus, ont port le cilice, il ne fautpas ddaigner pour cela les coutumes des monastrer,et les prceptes des anciens, et s'autoriser de l'exempledu petit nombre pour violer une rgle gnrale. C'taitle privilge de leur rare mrite qui les excuse de n'a-voir pas fait conrme les autres ; mais nous devons sui-vre avec une confiance plus ferme et une obissanceplus entire les institutions qui n'ont pas t intro-duites par des volonts particulires, mais qui ont

    1 Ce nom venait de la Cilicie, o l'usage de ce vtementavait commenc. Le cilice des solitaires tait plus grand etd'une autre forme que celui qu'on porte maintenant par p-

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    DU VTEMENT DES RELIGIEUX 13pour elles la tradition de plusieurs sicles et la recom-mandation de tant d'illustres et saints personnages.

    N'allguons pas l'exemple de Joram , le roi coupabled'Isral, qui, entour d'ennemis, dchira ses vtementset fit voir le cilice qu'il portait sur sa chair (IV Reg.,VI, 30); ni celui des Ninivites, qui se couvrirent decilices pour apaiser la colre de Dieu que leur annon-ait le Prophte (Jonas, m, 5); car il est vident quele cilice de Joram tait cach , puisqu'on ne le voyaitpas avant que son vtement ft dchir. Quant auxNinivites, qui pleuraient la ruine prochaine de leurville, ils montraient tous leurs cilices, et personne nese singularisait en le portant. L'ingalit n'est bles-sante que quand elle est une singularit affecte.

    4. Du capuchon des religieux et de sa signification.

    Le costume des solitaires d'Egypte a des parties quisont moins pour la commodit du corps que pour l'en-seignement de la vertu. Leur forme figure l'innocenceet la simplicit que doivent avoir ceux qui les por-tent. Le petit capuchon, par exemple, qui leur cou-vre seulement la tte, en descendant jusqu'auxpaules, et qu'ils conservent nuit et jour, leur rappellequ'il faut imiter l'innocence et la simplicit des enfantsdont ils ont le voile. Ils sont revenus Tenfance duChrist, et doivent chanter sans cesse avec un amoursincre : Seigneur, mon cur ne s'enorgueillit paset mes yeux ne se sont pas levs. Je n'ai pas t ambi-

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    14 LIVRE ISi je n'ai pas d'humbles sentiments de moi-mme etsi mon me s'lve, que je sois comme l'enfant que samre a sevr. (Ps. cxxx, 1.)

    ."). De a tunique.

    Les solitaires ont aussi des tuniques de lin dont lesmanches arrivent peine aux coudes et laissent nule reste du bras. Ce raccourcissement des manchesleur apprend retrancher de leur vie les uvres dumonde, et cette toffe de lin * se priver de la socitdes hommes et entendre l'Aptre leur dire, tous lesjours : (( Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. (Coloss., m, 3.) Ce vtement leur crie toute heure :(( Vous tes morts et cachs avec le Christ en Dieu. (Ibid.) Et encore : Je vis, mais ce n'est pas moi,c'est le Christ qui vit en moi. Le monde est crucifipour moi, et moi pour lui. (Gai., ii, 29.)

    6. Le vtement ne doit pas gner le travail.

    Ils ont aussi un double cordon de laine qui descendde la tte, se divise sur les paules pour se rejoindresur l'estomac, en serrant l'ampleur du vtement et enlaissant les bras libres pour toutes sortes de travaux ,afin d'accomplir avec zle le prcepte de saint Paul : Ces mains ont travaill , non - seulement pour moi ,

    1 Cette toffe tait celle des pauvres en Egypte, et servait

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    DU VTEMENT DES RELIGIEUX 15mais aussi pour ceux qui sont avec moi. Nous n'avonsmang, sans payer, le pain de personne, mais nousavons travaill, nous nous sommes fatigus nuit etjour, pour ne pas vous tre charge. (Act., xx, 35.) Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger. (II.Thess., m, 10.)

    7. Du petit manteau.

    Ils portent par-dessus leurs vtements un petit man-teau fort troit et fort grossier qui couvre le cou et lespaules, et qui tmoigne de leur pauvret et de leurhumilit. Ils vitent ainsi la dpense et la vanit desbeaux et grands manteaux qu'on porte dans le monde.

    8. Du vtement de peau.

    Leur dernier vtement est une peau de chvre oude brebis qu'ils portent l'imitation des solitaires del'Ancien Testament, dont saint Paul a dit : Ils erraientcouverts de peaux de brebis et de chvres. Ils taientprouvs, affligs, perscuts. Le monde n'tait pasdigne d'eux, et ils vivaient dans les solitudes, lesmontagnes^ les rochers et les cavernes. (Hebr.,x, 38.) Le vtement de peaux de chvres leur rap-pelle qu'ils doivent avoir mortifi les mouvements dela chair, et rester fermes dans la vertu sans conserveren eux l'ardeur et la lgret de la jeunesse.

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    16 LIVRE I

    9. Du bton.Ils portent un bton , l'exemple d'Elise, qui disait

    Giesi, son serviteur, en l'envoyant ressusciter l'en-fant del veuve : Prends mon bton et hte-toi; tule placeras sur le visage de' l'enfant, et il vivra. (IV Reg., IV, 29.) Le prophte n'et pas donn ce b-ton porter, s'il n'avait eu l'habitude de s'en servirdans ses voyages. Ce bton nous avertit que nous de-vons tre toujours arms, au milieu des vices quiaboient, comme des chiens acharns, contre ces es-prits de malice invisibles dont David demande d'tredlivr, lorsqu'il dit: (( Ne livrez pas, Seigneur, auxbtes une me qui espre en vous. (Ps. lxxiii, 19.)Lorsqu'ils nous attaquent, il faut les arrter par lesigne de la Croix et les repousser loin de nous. Ontriomphe de leur rage par le souvenir continuel de laPassion de Notre-Seigneur et par l'imitation de sessouffrances.

    10. De la chaussure.

    Pour ce qui est des chaussures , ils s'en privent,selon le prcepte de l'vangile; mais lorsque la ma-ladie, les froids du matin pendant l'hiver, ou le soleilbrlant du midi pendant l't les y obhgent, ils pren-nent seulement des espces de sandales. Ils pensentque Dieu, en permettant cet usage, nous avertit que,

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    DU VTEMENT DES RELIGIEUX 17des inquiludes de la chair et nous en affranchir en-tirement, nous devons au moins nous efforcer de lesdiminuer et de n'accorder notre corps que ce qui luiest absolument ncessaire. Les pieds de notre medoivent tre toujours prts avancer dans la voie spi-rituelle et prcher la paix de l'vangile afin de couriraprs l'odeur des parfums de Jsus -Christ (Gant.,I, 3), et de dire avec David : a J'ai couru dans l'ar-deur de la soif (Ps. lxi, 8); ou avec Jrmie : Jen'ai pas de peine vous suivre. (Jrm., xvii, 9.) Ilne faut pas les envelopper des peaux mortes du sicle,en allant au del des besoins de la nature et en dsi-rant un bien-tre inutile et coupable; nous feronsainsi ce que dit l'Aptre : Nous ne prendrons passoin de notre chair selon nos dsirs. y> (Rom., xiii,14.)

    Mais si ces solitaires portent des sandales , commeNotre-Seigneur le permet, ils ne les gardent jamais ,lorsqu'ils vont communier ou clbrer les saints mys-tres ; ils croient qu'alors ils doivent observer lalettre ce qui fut dit Mose ou Josu , fils de Nave : Dliez votre chaussure, car le lieu o vous tes estsaint. )) (Exod., m, 5; Josu, v, 16.)

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    LIVRE IIDE l'office de nuit

    1. Objet du second livre.

    Aprs avoir montr le soldat du Christ ainsi re-vtu corporellement et spiriluellenient, nous feronsconnatre ce qui a t tabli en Orient par les anciensPres pour la rcitation des psaumes et de l'office ca-nonial.Pour ce qui est de la prire en elle-mme et de la

    recommandation de saint Paul de prier sans cesse,nous esprons, avec la grce de Dieu, en parler lort^quenous rapporterons les confrences des anciens Pres ^

    1 Cassien a trait ce sujet dans la IX Conf., ch. m et suiv.^et dans la X^ Conf., ch. vu.

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    DE l'office de nuit 19

    2. Du nombre des psaumes de Toffice selon les provinces.Nous voyons que, dans d'autres pays, beaucoup ont

    tabli ce sujet des usages et des rgles diffrentes ,parce qu'ils ont suivi leurs ides particulires et qu'ilsont, comme le dit saint Paul , le zle de Dieu sansen avoir la science. (Rom., x, 2.) Quelques-unsont pens qu'il fallait dire chaque nuit vingt ou trentepsaumes, en y ajoutant mme le chant de plusieursantiennes et de plusieurs autres prires. Quelques-unsmme ont voulu aller au del. D'autres, au contraire,se sont borns dix-huit psaumes. La rgle est dif-frente partout , et nous voyons, pour ainsi dire, autantd'usages qu'il y a de monastres et de cellules. Il y ena mme qui se sont imagin qu'il fallait dire, pourl'office du jour, autant de psaumes que les heures enindiquent, trois pour tierce, six pour sexte et neuf pournone ; d'autres en ont fix six pour chaque partie del'office. Je crois qu'il est ncessaire de faire connatrela coutume trs- ancienne des Pres, qui est encoreobserve dans toute l'Egypte par les solitaires, afin quel'enfance du nouveau monastre pour lequel j'cris ,se forme sur des institutions consacres par tant desicles et de vertus.

    o. De la rgle observe en Egypte.

    Dans toute l'Egypte et la Thbade, o les monas-

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    20 LIVRE IImais sont rests fidles jusqu' ce jour aux traditionsdes anciens, nous voyons adopts, pour l'office de nuit,les psaumes qui avaient t fixs par les premiers so-litaires. Car non-seulement on ne permet aucun re-ligieux de rien innover dans le monastre, mais on nele laisse pas mme libre de ses actions dans sa cellule, moins qu'il n'ait renonc tous ses biens et aussi sa propre volont, en reconnaissant qu'il doit obir entoute chose.

    Celui qui abandonne le monde pour vivre dans unecommunaut, ne doit pas, quelle qu'ait t sa positionet sa fortune , s'enorgueillir de ce qu'il a laiss ou ap-port au monastre. Il doit obir tous pour renatre,selon le prcepte de Notre -Seigneur, sans se rappelerson ge et les annes nombreuses qu'il a si inutilementperdues dans le monde. En commenant cette vie spi-rituelle, o il prend le joug du Christ et s'exerce sescombats, il faut qu'il se soumette tous, mme aux plusjeunes; il faut qu'il se livre au travail et la fatigue,afin de gagner de ses propres mains , selon la recom-mandation de l'Aptre , ce qui lui est ncessaire pourvivre et pour recevoir ses frres, et afin d'expier ainsile faste et les dlices de sa vie passe, en acqurant, la sueur de son front, la vritable humilit du cur.On ne choisit jamais pour suprieur d'un monastrequ'un religieux qui a appris, par l'obissance, ce qu'ildoit commander aux autres, et qui ait longtemps pra-tiqu les traditions qu'il doit enseigner ses plus jeunesfrres. Au dire de tous les anciens ^, c'est l le vrai

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    DE l'office de nuit 21autres, et c'est un don prcieux et une grande grcedu Saint-Esprit. Personne ne peut donner des conseilssalutaires ceux qui lui obissent, s'il ne sait par ex-prience la rgle de toutes les vertus, comme personnene peut obir son suprieur^ s'il n'est rempli de lacrainte de Dieu et d'une humilit parfaite.

    Si nous voyons aujourd'hui , dans les autres pro-vinces, tant de rgles et d'observances diffrentes,c'est que nous osons gouverner les monastres sansbien connatre les institutions des anciens et que nousdevenons, pour ainsi dire, suprieurs avant d'avoir tnovices. Nous avons plus de zle imposer nos idesparticulires, qu' faire observer la doctrine de nosprdcesseurs. Mais je m'aperois qu'au lieu de parlerde la rgle qu'il faut garder pour l'office, je me laisseentraner vous entretenir des traditions anciennes,dont il sera question plus tard. Revenons maintenant notre sujet.

    4. De l'office de la nuit.

    Toute l'Egypte et la Thbade, comme nous l'avonsdit, conservent, pour l'office du soir et de la nuit, lenombre de douze psaumes, aprs lesquels viennentdeux leons, l'une de l'Ancien Testament, l'autre duNouveau. Cette coutume, trs-ancienne, est observedepuis bien des sicles par presque toutes les pro-vinces, et si elle est arrive jusqu' nous, c'est qu'onassure qu'elle n'a pas t tablie

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    22 LIVRE IIhommes, mais qu'elle a t impose nos Pres parle ministre d'un ange.

    5. Le nombre des psaumes fix par un ange.

    Dans les temps de la primitive glise , les religieux' taient en petit nombre, mais d'une grande verlu. Ils

    avaient reu leur rgle de l'vangliste saint Marc, quifut le premier vque d'Alexandrie. Et non-seulementils observaient ce qui est rapport des fidles dans lesActes desaptres : La multitude de ceux qui croyaient,n'avait qu'un cur et qu'une me. Aucun ne disait lui ce qu'il possdait, mais tout tait commun entreeux. Ceux qui avaient des champs et des maisons, lesvendaient, et en apportaient le prix aux pieds desAptres, qui partageaient selon le besoin de chacun. i>(Act., IV, 26.) Ils pratiquaient encore des choses beau-coup plus parfaites. Ils se retiraient dans les endroitsles plus carts de la ville, et ils menaient une absti-nence si rigoureuse, que les infidles mmes admi-raient leur incroyable austrit.

    Ils s'appliquaient jour et nuit, avec tant d'ardeur, la mditation des saintes Ecritures, la prire et autravail des mains, qu'ils en perdaient le dsir et lapense mme de la nourriture, et c'tait aprs deuxou trois jours seulement, que la faiblesse de leurcorps les obligeait prendre quelque chose, plutt parncessit que par plaisir; et ils ne le faisaient pasavant le coucher du soleil, afin d'employer sa lumire leurs saintes tudes et de prendre soin de leurs

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    DE l'office de NUiT tScorps pendant la nuit seulement, tout en se livrant d'autres pratiques d'une admirable pit. Ceux quin'ont pas appris ces choses dans le pays mme, peu-vent les voir dans l'histoire ecclsiastique *.

    Lorsque la perfection de ces premiers chrtienstait encore prsente la mmoire de leurs succes-seurs, et que la foi ardente des religieux n'tait pasaffaiblie par le relchement des communauts tropnombreuses, nos Pres, dans l'intrt de ceux qui de-vaient venir aprs eux, se runirent pour fixer l'officequi serait clbr chaque jour dans les monastres ,afin de laisser leur postrit cet hritage de paix etde pit l'abri de toute discussion. Ils craignaientque la rcitation publique des prires ne ft une oc-casion de trouble et de division parmi ceux qui de-vaient avoir le mme but, et que la diffrence quis'introduirait dans les offices ne devnt, par la suite,une source dplorable d'erreurs , d'envie et de spa-ration.Dans cette sainte assemble, la ferveur de chacun

    lai faisait oublier la faiblesse des autres, et l'on pro-posait des choses que l'ardeur de la pit semblaitrendre faciles, sans s'inquiter si elles taient possibles la gnralit des frres parmi lesquels se trouventncessairement beaucoup d'infirmes. On voulait adop-ter un grand nombre de psaumes : les uns en propo-saient cinquante, les autres soixante; d'autres mme

    i On peut consulter sur ce sujet: Eusbe de Csare, l.II,ch. XV, xvi; Sozomne, I,xii, xiii; Cassiodore, Hist. iripart.,

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    24 LIVRE IIen demandaient davantage. Cette sainte contestationau sujet de la rgle dura jusqu'au soir, et quand vintl'heure de rciter les prires accoutumes, quelqu'unse leva au milieu de l'assemble pour chanter lespsaumes. Tous les religieux s'assirent alors, commec'est encore l'usage en Egypte, et regardrent celui quiofficiait, en s'unissant lui de tout leur cur. Lors-qu'il eut rcit onze psaumes d'un ton gal et sanss'arrter, en les sparant seulement par une prire, ilen ajouta un douzime qu'il finit par Valleluia, Puisil disparut tout coup aux yeux de tous, terminantainsi la discussion et l'office.

    6. Des psaumes et des leons.

    La vnrable assemble des Pres comprit que Dieuavait bien voulu leur donner, par le ministre d'unange

    , une rgle gnrale pour toutes les communautsde frres. Ils dcidrent donc qu'on adopterait cenombre de psaumes pour l'office du soir et de la nuit,en y ajoutant deux leons, l'une tire de l'Ancien, etl'autre du Nouveau Testament; mais comme ces le-ons taient tablies par eux en dehors de ce quel'ange avait fix, ils ne les proposrent qu' ceux quivoudraient bien les adopter, afin de mieux apprendreet mditer les saintes critures. Le samedi cependantet le dimanche , ces leons taient choisies toutes lesdeux dans le Nouveau Testament. L'une tait tire desptres de saint Paul ou des Actes des aptres , l'autredes Evangiles, et ceci est observ pendant tout le

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    26 IJVRE IIdoit dire l'oraison se lve, tous se lvent avec lui, etpersonne ne se permet de le devancer, lorsqu'il fait lagnuflexion, ou de rester prostern, lorsqu'il se re-lve. Ce serait paratre ne pas s'unir ses frres etvouloir prier seul.

    8. Du Gloria Patri la fin de chaque psaume.Nous voyons dans cette province , quand celui qui

    chante le psaume l'a fini, tous les autres se lever etchanter haute voix avec lui : Gloire au Pre , aitFils y et au Saint-Esprit; rien de semblable ne sefait dans tout l'Orient. Lorsque le psaume est termin,tous prient en silence, et c'est par l'antienne seule-ment qu'on rend gloire la sainte Trinit.

    9. De la tenue pendant la prire.

    L'ordre que nous suivons dans ces institutions nousa conduit parler de la prire, quoique notre inten-tion soit d'en traiter plus longuement dans les conf-rences de Pres, et d'en expliquer, par leurs entretiensmmes, la nature et les rgles. Mais nous avons pensqu'il tait bon d'en dire ici quelque chose , puisquel'occasion s'en prsentait, afin de former l'homme l'extrieur et de jeter les premiers fondements de laprire, pour le diriger ensuite Tintrieur et lui en-seigner la perfection. Si Dieu nous relire de la vie pr-sente, avant d'avoir pu crire ce hvre que nous nous

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    DE l'office de nuit 27nous dsirons du moins baucher, dans celui-ci , uneuvre si ncessaire et satisfaire ainsi un peu votre at-tente. Nous profiterons du temps que Dieu nous laisseencore, pour vous dire sur la prire quelque chose quipuisse tre utile tout le monde , mais surtout aux re-ligieux qui vivent dans les monastres. Ceux auxqu'^elsne parviendront pas les confrences des Pres, trou-veront ici quelques enseignements sur la prire, ets'ils apprennent rgler le vtement de l'homme ex-trieur , ils sauront galement ce qu'ils doivent faireen offrant Dieu leurs sacrifices de louange. Car ceque nous crivons maintenant regarde surtout la vieextrieure et les institutions des communauts, tandisque nos autres crits auront pour objet la science etla perfection spirituelle. Ils exposeront par consquentdavantage la vie et la doctrine des solitaires.

    10. Avec quel soin il faut viter le bruit.

    Lorsque les solitaires se runissent pour clbrerl'office, tout le monde garde le plus profond silence,et, dans cette multitude de frres, on n'entend quecelui qui se lve pour rciter les psaumes ; il sembleque l'glise est dserte. A la fin de la prire surtout,personne ne crache, ne tousse, ne se mouche et nebille; aucun gmissement, aucun bruit, aucuneparole ne trouble les assistants et ne couvre la voixdu prtre qui rcite l'oraison. A peine si quelquefois

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    28 LIVRE IIamour, quelque soupir enflamm qu'il n'a pu con-tenir en son cur.Ceux, au contraire, qui prient d'une manire

    bruyante, ou qui montrent, par leurs billements,leur peu de ferveur, sont reconnus coupables d'unedouble faute. Ils profanent d'abord la prire, puis-qu'ils l'oiTrent avec ngligence Dieu ; ils troublentensuite, par le bruit qu'ils font, ceux qui les entou-raient et qui priaient peut-tre sans eux avec plusde recueillement. Aussi nos Pres nous recomman-dent de terminer promptement la prire , de peurqu'en la prolongeant trop , nous ne soyons obligs del'interrompre pour nous moucher ou pour cracher. 11faut pouvoir la faire avec ferveur, en nous htant dela drober aux piges de l'ennemi. Le dmon sansdoute nous poursuit toujours ; mais c'est surtout pen-dant la prir^e qu'il nous attaque, lorsque nous de-mandons le secours de Dieu contre lui. Il cherchealors troubler nos sens et nous distraire , pouraffaiblir et teindre la sainte ardeur qui s*allumaitdans nos mes. Aussi les matres de la vie spirituellepensent qu'il vaut mieux faire des prires courtes etles rpter plus souvent. En multipliant ces prires,nous nous attacherons plus intimement Dieu, et, enles faisant courtes, nous viterons mieux les tr^iits quele dmon lance, surtout alors , contre nous K

    1 II ne s'agit pas ici des prires canoniques, qui sont r-gles par l'Eglise, mais des prires que les religieux font enparticulier. L'auteur recommande l'usage des oraisons jacula-

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    11. De l'attention la prire.

    C'est pour cette raison que ces saints solitairesn'ont pas voulu dire entirement quelques psaumesqui se rcitent en commun. Comme ils sont pluslongs que les autres , ils les divisent en deux ou troisparties qu'ils sparent et terminent par les petitesprires d'usage. Ce n'est pas la multitude des versetsqu'ils recherchent, mais l'intelligence des paroles , etils font tous leurs efforts pour dire comme l'Aptre : Je chanterai de cur les psaumes, je les chanteraiavec intelhgence. (I Cor., xiv, 15.) Ils trouventqu'il est plus utile de chanter dix versets avec l'ap-plication convenable que de rciter tout le psaume enlaissant garer sa pense. Les distractions viennentsouvent de la prcipitation de celui qui rcite lespsaumes lorsqu'il voit ce qui reste encore dire; ilne s'applique pas bien prononcer et bien se fairecomprendre de ceux qui l'coutent, mais il ne pensequ'au moment o sera termin l'office.

    Si quelqu'un des jeunes frres, par ferveur ou parignorance , veut dpasser le nombre des psaumes pres-crits, le suprieur l'arrte en frappant de la main surson sige, et alors tous se lvent pour l'oraison. Ilvite ainsi, avec tout le soin possible, que la longueurdes psaumes ne fatigue les assistants , et que le reli-gieux charg de l'office ne perde l'intelligence de cequ'il dit , et ne nuise de plus aux autres en le im-

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    30 LIVRE IIIls observent aussi scrupuleusement qu'au rpons

    allluia y on ne dise aucun psaume qui n'ait ce motpour titre K

    Les douze psaumes qu'on rcite se partagent decette manire: s'il y a deux religieux, ils en disentchacun six ; s'il y en a trois , ils en disent quatre , ets'il y en a quatre, ils en disent trois. Jamais un reli-gieux dans les runions n'en dit davantage, et ainsi,quelque nombreuse que soit la communaut , il n'y ajamais plus de quatre frres qui soient chargs de larcitation de l'office.

    12. Pourquoi les religieux sont assis pendant les psaumes, .

    Les solitaires , en acquittant ce nombre canoniquede douze psaumes, restent en repos. Ds. qu'ils serunissent pour clbrer l'office, celui qui doit rciterles psaumes se lve seul au milieu de l'assemble,les autres se tiennent assis sur des siges trs-bas , etl'coutent en s'unissant lui de tout leur cur. Leursjenes, leurs travaux du jour et leurs veilles les fa-tiguent tellement que, sans cet adoucissement, ils nepourraient rester debout jusqu' la fin. Car ils nes'accordent jamais un moment de repos, et non-seu-lement ils appliquent sans cesse leurs mains aux tra-vaux qu'ils peuvent faire pendant le jour, mais encoreils choisissent souvent des ouvrages qu'ils ne seront pas

    1 II y a vingt psaumes qui ont pour titre le mot allluia,et qui , ds le temps des Aptres , servaient exprimer les joies

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    DE l'office de nuit 31forcs d'interrompre pendant les tnbres de la nuit.Ils pensent que, plus ils seront occups , plus ils arri-veront la puret du cur et s'lveront la contem-plalion des choses spirituelles.

    Ils sont persuads que Dieu a limit ainsi le nombredes psaumes pour que les plus fervents puissent por-ter plus loin l'ardeur de leur zle sans que les faibleset les malades aient souffrir de la longueur de l'of-fice. Ds que les prires sont termines, chacunretourne sa cellule ; il y reste seul ou avec un com-pagnon qu'on lui a permis d'avoir, soit pour s'aiderdans leur travail, soit qu'ils aient t convertis ouforms ensemble, soit qu'il y ait entre eux un rapportde vertu. Les religieux rentrs dans leur cellule yoffrent Dieu de nouvelles prires et ne se laissentpoint aller au sommeil, jusqu' ce que la lumire dusoleil, venant paratre, fasse succder aux exercicesde la nuit et la mditation les travaux du jour.

    13. Pourquoi les religieux ne dorment pas aprs l'office.

    Outre le dsir au'ils ont d'offrir Dieu le travail deleurs mains , comme un sacrifice qui lui est agrable,ils ont deux raisons pour s'occuper ainsi avec persv-rance, et nous qui aspirons la perfection, nous devonsnous appliquer les imiter.

    Ils veulent premirement empcher l'ennemi quirde et nous attaque sans cesse , de troubler pendantnotre sommeil cette puret que nous avons acquise

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    32 LIVRE IIDieu pour nos ngligences et nos fautes involontaires;nous avons implor notre pardon par nos gmisse-ments, et le dmon, s'il nous trouvait endormis, cher-cherait nous faire perdre cette puret qu'il nous avu dsirer avec une plus grande ferveur ; et ce qu'iln'a pu faire pendant la nuit , il s'efforcerait de l'ac-complir pendant ces quelques instants de repos.

    Secondement, quand mme ce pige du dmon neserait pas craindre , ce paisible sommeil qui doitdurer si peu pourrait jeter le religieux, son rveil,dans un assoupissement capable d'affaiblir, pour toutela journe, la ferveur de son me, d'teindre la viva-cit de son esprit et d'puiser la gnrosit de soncur. Nous perdrions ainsi les moyens de rsisteravec plus de vigilance et de force aux embches del'ennemi. C'est pour cela que les solitaires joignentleurs veilles particulires celles que leur imposel'office , et qu'ils s'y appliquent mme avec plus desoin, afin de conserver cette puret qu'ils ont acquisepar la prire , et de prparer, par leurs mditations dela nuit, cette force et cette vigilance qui doivent treleur sauvegarde pendant le jour.

    14. Utilit du travail des mains pendant la mditation.

    Ils joignent aussi leurs veilles le travail des mains,pour que l'oisivet ne les livre pas au sommeil , et ilsne l'interrompent, pour ainsi dire, pas plus que lamditation. Ils exercent galement les facults de l'me

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    DE l'office de nuit 33rieur au progrs de l'homme intrieur. Le poids dutravail est comme une ancre ferme et immobile qu'ilsopposent aux mouvements dangereux de leurs curset aux flots tumultueux de leurs penses , afin d'enfixer les caprices et la lgret dans les murs deleurs cellules, comme dans un port assur, en veillantainsi sur eux-mmes et en s'appliquant la mdita-tion des choses saintes. Non-seulement ils vitent lestentations et les dsirs coupables , mais ils se pr-servent encore de toute pense oiseuse et superflue;et il est difficile de dire si c'est pour mieux mditerqu'ils s'occupent sans cesse de travaux manuels, ou sic'est par cette assiduit au travail qu'ils acquirenttant de pit , de science et de lumire.

    13. Du silence et de rapplication au travail.

    Lorsque les psaumes sont finis et que la runionest termine, comme nous l'avons expos, aucun re-ligieux ne s'arrte et ne se permet de causer avec unautre. Personne, mme pendant tout le jour, ne sort desa cellule et ne quitte l travail dont il s'occupe, moinsqu'il n'y soit forc par quelque devoir. Pendant lestravaux extrieurs, toute conversation est interdite.Chacun, en accomplissant la tche qui lui est donne ,rcite de mmoire quelque psaume ou quelque pas-sage des saintes critures. On vite ainsi, non-seule-ment les tentations du mal et les projets coupables,mais encore les entretiens inutiles , puisque la boucheet le cur des

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    3i LIVRE IIchoses saintes. Il est expressment dfendu , surtoutaux plus jeunes, de s'arrter mme un instant, de seretirer l'cart et de se serrer la main. Ceux quimanquent en quelque chose ce point de la rgle,sont dclars coupables d'une faute grave , et soup-onns d'avoir un esprit indocile et dangereux; ettant qu'ils n'ont pas fait une pnitence publiquedevant tous leurs frres, il ne leur est pas permisd'assister aux offices.

    16. De la sparation de ceux qui sont en pnitence.

    Si quelqu'un est retranch de la prire publiquepour une faute, il n'est permis personne de prieravec lui, avant qu'il se soit prostern par terre pourdemander pardon et qu'il ait t rconcili par l'abb,en prsence de tous les frres. Les religieux observentavec soin cette rgle, et se sparent de celui qui a tretranch de la prire publique et livr Satan, selonl'expression de l'Aptre. Et si quelqu'un, pouss parune charit indiscrte , priait avec lui avant qu'il aitt absous par le suprieur , il encourrait la mmecondamnation et se livrerait volontairement au dmoncomme l'autre a mrit de l'tre, et la faute seraitd'autant plus grande qu'en s'entretenant et en priantavec le coupable, il encouragerait son orgueil et le feraitpersvrer dans le mal. Cette consolation lui seraitpernicieuse, parce qu'elle endurcirait son cur et

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    DE l'office de nuit 35s'habituerait faire peu de cas des rprimandes deses suprieurs, et ne penserait bientt plus recon-natre ses fautes et en demander pardon.

    17. Avec quelle exactitude il faut rveiller les religieuxpour la prire.

    Celui qui est charg de rveiller les religieux etde les runir pour Toffice, ne suit pas son capricepour le faire , en coutant la disposition o il est lui-mme de dormir ou de ne pas dormir. Quoiqu'il aitrhabitude de rveiller, tous les jours , les frres lamme heure , il se tient sur ses gardes et consultesouvent le cours des toiles pour savoir s'il est tempsde commencer l'office. Il vite ainsi^ ou de laisserpasser l'heure , en cdant au sommeil , ou de l'avancerpar le dsir qu'il a de dormir son tour, en paraissants'inquiter moins de l'office et du sommeil de sesfrres que de son propre repos.

    18. Les religieux ne s'agenouillent pas le dimancheet pendant le temps pascal.

    Nous devons dire aussi qu'en Egypte, depuis lesvpres du samedi qui commencent le dimanche, jus-qu'aux vpres suivantes , l'usage est de ne pas s'age-nouiller, ainsi que pendant les cinquante jours dePques , et qu'on ne pratique pas non plus alors les

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    36 LIVRE IIcet usage dans les confrences des Pres, si Dieu nousaccorde la grce de les crire *.

    Noire intention maintenant est de dire brivementles choses, afin que ce volume par son tendue ne de-vienne pas fatigant et ennuyeux au lecteur.

    1 Conf,, xxTi.

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    LIVRE IIIDE l'office et des PSAUMES DU JOUR

    1. Objet de ce livre.

    Aprs avoir expos , autant que notre peu de talentnous l'a permis et selon la grce que Dieu nous afaite, la rgle qu'on observe en Egypte pour l'officeet les psaumes de la nuit, nous allons dire commentse clbrent tierce , sexte et none , dans les couventsde la Palestine et de la Msopotamie , afin d'adoucirpar leurs usages , ainsi que nous l'avons promis encommenant, ce qui semble trop parfait et trop ri-goureux dans la rgle des solitaires de l'Egypte.2. De Tusage des solitaires de l'Egypte pour les diffrentes

    heures du jour.Les prires que nous rcitons certains intervalles

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    38 LIVRE IIIl'Egypte les offrent Dieu sans interruption et s'yappliquent toute la journe, en y joignant le travaildes mains; car ils s'occupent toujours dans leurscellules, tout en mditant les psaumes et la saintecriture. Ils mlent ainsi chaque instant leurstravaux les prires que nous rcitons des heuresdtermines. Ils ne se runissent que pour l'office dusoir et de la nuit, et ne s'assemblent, pendant le jour,que le samedi et le dimanche, o ils viennent l'-glise pour recevoir la sainte Communion l'heure detierce. En effet , la prire continuelle que nous offrons Dieu lui est plus agrable que celle qu'on interromptde temps en temps. L'offrande volontaire que nousen faisons est plus mritoire que les exercices de pitqui nous sont imposs par la rgle. Et David s'en r-jouit et s'en glorifie, lorsqu'il dit: Je vous offrirai,Seigneur, un sacrifice volontaire. (Ps. un, 17.)(( Recevez favorablement, Seigneur, les louangesque ma bouche vous offre volontairement. (Ps.cxviii, 77.)

    3. Des psaumes et des prires qu'on rcite aux heuresde tierce, de sexte et de none.

    Dans les monastres de la Palestine, de la M&o-potamie et de tout l'Orient, on ne dit tous les joursque trois psaumes, aux heures que nous venons dedsigner. Ces prires qu'on offre Dieu , des m.o-ments dtermins, maintiennent l'me en sa prsence^^sans que leur longueur empche cependant de s

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 39Nous voyons que le prophte Daniel offrait rgu-

    lirement Dieu ses prires ces trois heures de lajourne, et qu'il ouvrait, pour le faire, les fentres desa chambre. (Daniel, vi, 10.) Ce n'est pas sans rai-son que ces heures ont t choisies pour clbrerl'office; car c'est ces heures qu'ont t accompliesles promesses divines et les grandes uvres de notresalut.

    C'est l'heure de tierce que l'Esprit-Saint, promispar les prophtes , est descendu sur les Aptres quitaient runis pour prier. Les Juifs incrdules s'ton-naient de leur entendre parler toutes les langues, etexpliquaient ce don du Saint-Esprit en disant, pardrision, qu'ils taient pris de vin. Pierre, se tenantau milieu d'eux , leur dit : Juifs , et vous tous quihabitez Jrusalem, coutez ce que je vais dire, etsoyez attentifs mes paroles. Ceux que vous entendezne sont pas ivres, comme vous le pensez, puisquenous ne sommes qu' la troisime heure. Mais c'estce qui a t annonc par le prophte Jol : Dans cesnouveaux jours, dit le Seigneur, je rpandrai monesprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophtise-ront, vos jeunes gens auront des visions, et vos vieil-lards des songes. En ces jours-l, je rpandrai monEsprit sur vos serviteurs et vos servantes, et ilsprophtiseront, d (Act., H, 14; Jol, ii, 28.) Toutesces choses s'accomplirent l'heure de tierce, et leSaint-Esprit, promis par les prophtes, descendit cemoment sur les Aptres.

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    40 LIVRE HTNotre 'Seigneur et Sauveur Jsus-Ciirist, s'offrit son

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    Pre pour le salut du monde , et monta sur la Croix oil effaa les pchs des hommes ; il dsarma les prin-cipauts et les puissances ennemies, et il en triomphapubliquement ; il nous dlivra de cette dette insolvableque nous avions malheureusement contracte ; il d-chira le titre que nous avions souscrit, et l'attachacomme un trophe sa croix. ( Coloss., ii , 14.)A la mme heure, saint Pierre, dans un ravisse-ment , eut la rvlation de la vocation des gentils fi-gure par le vase vanglique qui descendait du ciel ,et il comprit la purification des animaux qui y taientenferms, lorsqu'une voix d'en haut lui dit: Lve-toi, Pierre, tue et mange. (Act., x, 13.) Cettenappe descendant du ciel par les quatre coins luireprsentait videmment l'vangile. Les quatre rcitsdes vanglistes, qui semblent spars,

    ne font cepen-dant qu'un seul vangile, qui expose sans se contre-dire la naissance du Christ, sa divinit, ses miracleset sa Passion. Il n'est pas dit que c'tait une toile,mais comme une toile ; la toile est le symbole de hmortification K Notre -Seigneur, dans sa Passionn'a pas subi la mort comme une loi de la natuphumaine; mais il s'y est soumis lui-mme volontaire-ment. Il est dit que c'tait comme de la toile, parcqu'il est mort selon la chair et non selon l'esprit. Soime n'est pas reste aux enfers , et sa chair n'a pas vila corruption. (Ps. xv, 10.) Et il a dit : Personn

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 41ne m'te la vie, mais je la donne de moi-mme. J'aile pouvoir de la laisser, et j'ai aussi le pouvoir de lareprendre. (S. Jean, xi, 46.)C'est dans cette enveloppe des vanglistes des-cendue du ciel, c'est--dire inspire par le Saint-Esprit , que toutes les nations qui vivaient en dehorsdes observances lgales et qui passaient pour impures,ont t frappes par la foi et par la parole du Christpour les faire mourir au culte des idoles, et elles sontdevenues, par le ministre de Pierre, un aliment puret salutaire.A l'heure de none, Jsus-Christ descendit aux enferset en dissipa les paisses tnbres par la splendeur desa gloire. Il en brisa les portes d'airain et les serruresde fer ; il dlivra les saints qui s'y trouvaient captifset les conduisit avec lui dans le ciel ; il carta l'pede flamme et rendit l'homme le paradis qu'il avaitperdu.Ce fut la mme heure que le centenier Corneille,

    qui persvrait dans l'oraison , apprit d'un ange queses prires et ses aumnes taient montes devantDieu, et il eut ainsi, l'heure de none, la rvlationde la vocation des gentils , que saint Pierre avait euedans son ravissement l'heure de sexte. (Act., x.)On lit aussi dans un autre passage des Actes des

    Aptres que Pierre et Jean montaient au temple pourpriera la neuvime heure. (Act., m, 4.) Tout ceciprouve clairement que ce n'est pas sans raison queles saints des temps apostoliques ont consacr cesheures la clbration des offices et que nous devons

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    42 LIVRE IIIle faire leur exemple. Si nous n'tions pas forcs ,par une sorte de loi , de nous acquitter de ces exer-cices de pit des heures rgulires, nous pourrionsquelquefois , par oubli , paresse ou embarras des af-faires, passer tout le jour sans prier.Que dirai -je des vpres, de ces sacrifices du soir,

    que la loi de Mose prescrivait dans l'Ancien Testa-ment? Tous les jours, dans le temple, des holocaustestaient offerts le matin , et des sacrifices le soir^ etces offrandes taient des figures, comme le prouveDavid lorsqu'il dit : c( Que ma prire s'lve en votreprsence comme l'encens, et que mes mains leves^vers vous soient mon sacrifice du soir. y> (Ps. gxl, 2.)On peut cependant donner ce sacrifice du soir

    une interprtation plus profonde et y voir ce vrai sa-crifice que Notre-Seigneur offrit dans la dernire cne,avec ses Aptres, lorsqu'il institua les plus augustesmystres de l'glise ; ou encore le sacrifice du soirqu'il offrit le jour suivant et qui durera jusqu' la findes sicles , lorsqu'il leva les mains vers son Prepour le salut du monde entier. Il leva les mains enles tendant sur la Croix. Il nous retira des abmeso nous tions plongs, et nous leva vers le ciel,selon la promesse qu'il nous avait faite : (c Lorsqueje serai lev de terre, j'attirerai tout moi. ))(S. Jean, xiv, 21.)Pour ce qui est de l'office du matin ou des laudes ,j

    nous savons quoi nous en tenir, puisque nous chantons tous les jours : Mon Dieu, mon Dieu, j^vous cherche ds l'aurore... Je vous mditerai ds l

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 43matin. (Ps. lxii, 2, 5.) Je rrfe suis ht de criervers vous... Je vous ai regard avant le jour, pourmditer vos paroles. (Ps. cxviii, 147, 148.)C'est ces diffrentes heures que le pre de famillede rvangile conduisit les ouvriers dans sa vigne.(S. Matth., XX.) Il est dit qu'il alla les chercher aupoint du jour, c'est le moment o nous disons lesmatines

    ,puis la troisime heure , la sixime , la

    neuvime, enfin la onzime, qui reprsente l'officedu soir, o nous avons besoin de lumire.

    4. De rtablissement de Toffice de prime.

    Il faut savoir que cette premire heure du matin,qui s'observe particuhrement aujourd'hui dans lesprovinces d'Occident, a t tablie, pour la premirefois de notre temps, comme prire canonique, dansnotre monastre de Bethlhem,o Jsus-Christ Notre-Seigneur, qui y est n d'une vierge et a daign suppor-ter les faiblesses de l'enfance, a bien voulu aussi for-tifier et nourrir du lait de sa grce l'enfance de ma viereligieuse. Jusqu'alors, aprs l'office du matin qu'onrcite dans les monastres des Gaules, la suite despsaumes et des oraisons de la nuit, en les sparant parun intervalle de quelques instants, les heures qui res-taient avant le jour taient accordes par nos Pres ausoulagement du corps ; mais les religieux ngligentsprofitaient de cette indulgence pour prolonger leursommeil. Comme rien ne les obligeait quitter leurcellule ou mme se lever de leur lit avant l'heure

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    44 LIVRE mde tierce, ils perdaient le temps du travail et se ren-daient , en dormant trop , incapables de bien prierpendant le reste de la journe, surtout quand lesoffices de la nuit, en durant jusqu' l'aurore, leuravaient caus une plus grande fatigue. Quelques frresplus fervents se dsolaient de cette ngligence et s'enplaignirent aux suprieurs, qui, aprs un mr examenet de longues dlibrations, dcidrent qu'on laisse-rait reposer les religieux jusqu'au lever du soleilsans les obliger quelque lecture ou quelque tra-vail , et qu'on les rveillerait alors pour les faire asisister un nouvel office. On rciterait alors troiipsaumes et trois prires, comme on le faisait depuilongtemps , tierce et sexte , en s'humiliant ainstrois fois devant Dieu ; il ne serait plus ensuite permis de dormir, et tous devraient commencer en mmtemps leur travail. Quoique cette rgle paraisse avoit tablie dans cette circonstance et pour les motique nous venons d'indiquer, elle rpond parfaitemei ce que dit le saint roi David , en observant la lettile nombre mystrieux qu'il indique : Sept foisjour, je clbre vos louanges cause des jugemende votre justice. (Ps. cxviii, 164.) Il est videqu'en adoptant ce nouvel office , les religieux se rnissent sept fois pour louer le Seigneur. Quoique (usage, venu d'Orient, se soit trs-utilement rpandnou's voyons cependant que de trs -anciens monajtres de ces pays ne le suivent pas encore ,

    afin derien changer la tradition des Pres.

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 45

    5. Il faut viter le sommeil aprs les heures du matin.

    Quelques personnes qui ne savent pas pourquoi cenouvel office a t tabli dans la province, se recouchentau sortir de prime et retombent ainsi dans les incon-vnients que nos suprieurs avaient voulu viter par cemoyen. Ils se htent mme de terminer ces premiresheures, afin que les ngligents et les tides puissentdonner encore quelque temps au sommeil. C'est cequ'on ne devrait jamais faire, comme nous l'avonsexpliqu dans le livre prcdent en exposant lesusages des solitaires de l'Egypte. Car on court risquede perdre ainsi la puret acquise dans les pieusesveilles de la nuit; le bien-tre de notre corps ouquelques illusions du dmon pourraient la ternir; etd'ailleurs ce sommeil , lors mme qu'il ne serait pastroubl, suffirait pour affaiblir la ferveur de notreesprit et pour nous jeter dans la tideur et la mollessependant le reste de la journe. C'est ce que les soli-taires d'Egypte vitent avec le plus grand soin, quoi-qu'ils se lvent, en certains temps, de trs -bonneheure et mme avant le chant du coq. Lorsqu'ilsont clbr matines, ils prolongent leurs veilles jus-qu'au point du jour, et le soleil, en se levant, lestrouve dans cette ferveur d'esprit qu'ils conserventjusqu'au soir, parce qu'ils se sont prpars, ds lepremier instant, lutter contre le dmon par leursprires de la nuit et leurs saintes mditations.

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    46 LIVRE III

    6. Le nombre des psaumes n'a pas t chang parrtablissement de l'heure de prime.

    Nous devons remarquer que nos Pres, en ajoutantrheure de prime, n'ont rien chang aux psaumesqu'on avait coutume de dire. L'office de la nuit esttoujours le mme. Les psaumes qu'on a spars pourles laudes dans ces provinces se disent encore aujour-d'hui, aprs les matines, avant le chant du coq etles premires lueurs du jour. Ces psaumes sont lecxLViii, Laudate Domimim de clis , et les deuxqui suivent. Ils ont rserv pour le nouvel office deprime les psaumes l, lxii et lxxxix. Enfin, danstoute l'Italie, lorsque les prires du matin sont ter-mines, on chante dans les glises le psaume l, cequi vient videmment de l'usage dont nous parlons.

    7. Rgle pour ceux qui arrivent aprs l'office commenc.

    Le religieux qui, tierce, sexte ou none, n'ar-rive pas l'office avant la fin du premier psaume,n'ose plus entrer la chapelle et se mettre avec ceuxqui psalmodient; mais il attend que l'office soit achevet se tient la porte jusqu' ce que tous les frressortent ; il se prosterne alors pour demander pardonde son retard et de sa ngligence; il sait que c'est leseul moyen d'expier sa faute et qu'il ne serait pasadmis l'office suivant, s'il ne se soumettait pashumblement cette pnitence pour l'office de nuit.

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 47On permet d'entrer jusqu' la fin du second psaume,pourvu qu'on puisse prendre sa place avant que lesfrres se prosternent pour j la prire qui terminele psaume. Si quelqu'un arrive un moment aprs, ilne profite pas de cette tolrance , et il est oblig de sesoumettre la pnitence dont nous avons parl.

    8. Des veilles du samedi.Pour les veilles qui prcdent, chaque semaine, le

    samedi, nos anciens les ont adoucies. Surtout pendantrhiver, o les nuits sont plus longues, on doit lesterminer , dans les monastres , avant le quatrimechant du coq, afin que les frres qui ont veill toutela nuit puissent se reposer pendant les deux heuresqui restent peine, et que ce court sommeil rparesuffisamment leurs forces et les empche d'tre as-soupis pendant toute la journe. C'est ce que nousdevons observer leur exemple. Le sommeil qu'onnous accorde depuis les veilles de la nuit jusqu'aupoint du jour, c'est--dire jusqu' l'office du matin,nous permettra de bien employer ensuite tout le jourau travail et nos autres obligations. Sans cela, lesommeil dont nous nous privons la nuit, nous serionscontraints par la fatigue et la faiblesse de le rede-mander au jour, et il semblerait qu'au lieu d'avoirmortifi notre corps, nous n'avons fait que changerl'heure de son repos.

    Il est impossible que notre chair si fragile puisseveiller ainsi toute la nuit , et passer ensuite toute la

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    48 LIVRE IIIjourne sans que Tesprit succombe au sommeil, etque rame s'abandonne la tideur. Ne pas dormirun peu aprs les matines, serait plutt nous nuireque nous aider. En prenant au moins une heurede repos avant le lever du soleil, nous regagne-rons toutes les heures que nous avons consacres la prire ; nous donnerons la nature ce qui lui estncessaire, et nous ne serons pas forcs de lui rendre,pendant le jour, ce que nous lui avions retranchpendant la nuit. Celui qui, au lieu de retrancher avecdiscrtion au corps une partie de son repos , voudraittout lui refuser, serait ensuite oblig de tout luirendre ; il devait le priver du superflu , et non pas duncessaire.Pour que les veilles de la nuit ne causent pas une

    trop grande fatigue , on partage Toffice en trois par-ties , et cette division devient , par la varit , un vraisoulagement pour le corps. Aprs avoir chant debouttrois antiennes , les religieux s'assoient terre ou surdes siges trs-bas, et rpondent aux psaumes qu'unseul rcite. Chacun le fait son tour pendant queles autres restent assis , et on dit ensuite les troisleons. Le corps se fatigue moins de celte manire,et l'esprit est plus attentif l'office.

    9. De la raison des veilles du samedi, et pourquoi on ne jenepas ce jour-l en Orient.

    Ds les premiers temps de la prdication des Ap-tres, la pit des fidles avait tabli dans tout l'Orient

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    DE l'office et des PSAUMES DU JOUR 49ces veilles du samedi. Jsus-Christ, Notre-Seigneur,avait t crucifi le sixime jour de la semaine, etses disciples , consterns de sa Passion , avaient passtoute la nuit en prires sans s'accorder le moindresommeil. Depuis ce temps, jusqu' notre poque,cette nuit du vendredi au samedi a t consacre desaintes veilles dans FOrient. La fatigue de ces veillesy fait aussi suspendre le jene du samedi, et toutesles glises de ces contres suivent cet usage. Onpeut appliquer cet adoucissement pour le septimeet le huitime jour le passage de l'Ecclsiaste ^ qui acependant un autre sens mystique : Donnez-leur leseptime et mme le huitime. (Eccls., xi, 2.) Ilne faut pas croire que, s'ils lie jenent pas le sa-medi , c'est pour clbrer le sabbat des Juifs , car ilssont trs - loigns de leur observance; mais c'est,comme nous l'avons dit , pour rparer les forces ducorps. Ils jenent toute l'anne, les cinq premiersjours de la semaine, et ils ne rsisteraient pas lafatigue , s'ils ne suspendaient leur