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 Serge Veuve Cadrans solaires gréco-bactriens à Aï Khanoum (Afghanistan) In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 106, livraison 1, 1982. pp. 23-51. Résumé L'auteur publie deux cadrans solaires grecs trouvés dans le gymnase d'Aï Khanoum. Le premier est d'un type bien connu dans tout le monde grec et corresponde l'hemicyclium... ad enclima succisiim de Vitruve. Le second est un cadran équatorial d'un type nouveau : il est constitué d'un bloc parallélépipédique incliné sur sa base de façon à faire avec la verticale un angle équivalent à la latitude ; la projection de l'ombre du stylet se fait à l'intérieur d'une cavité cylindrique. Le tracé des lignes horaires est fait pour une latitude de 23°. L'auteur cherche les raisons de cette anomalie. Plutôt qu'à une malfaçon ou à une adaptation imparfaite d'un cadran apporté d'un site lointain, il songe à un instrument pour l'enseignement de la théorie des horloges solaires permettant de visualiser la différence horaire entre Aï Khanoum et la ville de Syène en Egypte, qui avait valeur de référence dans l'astronomie grecque. La Bactriane hellénisée a pu jouer un rôle de relais dans la diffusion vers l'Inde des connaissances de l'astronomie grecque et gréco-babylonienne. Citer ce document / Cite this document : Veuve Serge. Cadrans solaires gréco-bactriens à Aï Khanoum (Afghanistan). In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 106, livraison 1, 1982. pp. 23-51. doi : 10.3406/bch.1982.1902 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1982_num_106_1_1902

Cadrans Solaires Gréco-bactriens à Aï Khanoum

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Cadrans Solaires Gréco-bactriens à Aï Khanoum

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  • Serge Veuve

    Cadrans solaires grco-bactriens A Khanoum (Afghanistan)In: Bulletin de correspondance hellnique. Volume 106, livraison 1, 1982. pp. 23-51.

    RsumL'auteur publie deux cadrans solaires grecs trouvs dans le gymnase d'A Khanoum. Le premier est d'un type bien connu danstout le monde grec et corresponde l'hemicyclium... ad enclima succisiim de Vitruve. Le second est un cadran quatorial d'un typenouveau : il est constitu d'un bloc paralllpipdique inclin sur sa base de faon faire avec la verticale un angle quivalent la latitude ; la projection de l'ombre du stylet se fait l'intrieur d'une cavit cylindrique. Le trac des lignes horaires est fait pourune latitude de 23. L'auteur cherche les raisons de cette anomalie. Plutt qu' une malfaon ou une adaptation imparfaite d'uncadran apport d'un site lointain, il songe un instrument pour l'enseignement de la thorie des horloges solaires permettant devisualiser la diffrence horaire entre A Khanoum et la ville de Syne en Egypte, qui avait valeur de rfrence dans l'astronomiegrecque. La Bactriane hellnise a pu jouer un rle de relais dans la diffusion vers l'Inde des connaissances de l'astronomiegrecque et grco-babylonienne.

    Citer ce document / Cite this document :

    Veuve Serge. Cadrans solaires grco-bactriens A Khanoum (Afghanistan). In: Bulletin de correspondance hellnique. Volume106, livraison 1, 1982. pp. 23-51.

    doi : 10.3406/bch.1982.1902

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1982_num_106_1_1902

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_bch_1088http://dx.doi.org/10.3406/bch.1982.1902http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1982_num_106_1_1902

  • CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS

    A KHANOUM (AFGHANISTAN)

    Les deux cadrans solaires prsents dans cette tude1 proviennent d'A Khanoum, cit grco-bactrienne d'poque hellnistique dans la Bactriane orientale, o la Dlgation archologique franaise en Afghanistan a conduit de 1965 1978 une srie de campagnes de fouilles. Ils ont t dcouverts dans le gymnase de cette ville2

    (1) Les abrviations qui pourraient ne pas tre familires aux lecteurs du BCH sont les suivantes : BEFEO = Bulletin de l'cole franaise d'Extrme-Orient. JA = Journal Asiatique. JAOS = Journal of the American Oriental Society. JBORS = Journal of the Bihar and Orissa Research Society, Patna. Pensant qu'elle pourra tre utile ces mmes lecteurs, nous donnons la bibliographie de la fouille d'A Khanoum :

    a) Comptes rendus de fouille : D. Schlumberger, CRAI (1965), p. 36-46 ; P. Bernard et D. Schlum- berger, BCH 89 (1965), p. 590-657 ; CRAI (1966), p. 127-133 ; P. Bernard, CRAI (1967), p. 306-324 ; (1968), p. 263-279 ; (1969), p. 313-355 ; (1970), p. 301-349 ; (1971), p. 385-453 ; (1972), p. 605-632 ; (1974), p. 280-308 ; (1975), p. 167-197 ; (1976), p. 287-322 ; (1978), p. 421-463 ; (1980), p. 435-459 ; ProcBritAcad 1967, p. 71-95 ; P. Bernard et autres, BEFEO 63 (1976), p. 5-51 ; 68 (1980), p. 1-103 ; Fouilles d'A Khanoum I, Mmoires DAFA XXI (1973), 2 vol.

    b) tudes spciales : P. Bernard, Syria 45 (1968), p. 111-151 (chapiteaux corinthiens) ; Syria 47 (1970), p. 327-343 (meubles en ivoire) ; BullSocfrNum. 34/5 (mai 1979), p. 517-520 (inscriptions conomiques sur vases) ; P. Bernard et R. Audouin, RN 15 (1973), p. 238-289 ; RN 16 (1974), p. 7-41 (trsor de monnaies indiennes poinons multiples et de drachmes indo-grecques d'Agathocle) ; Cl.-Y. Petitot-Biehler, RN 17 (1975), p. 23-57 ; P. Bernard, ibid., p. 58-69 (trsor de ttradrachmes) ; P. Bernard et O. Guillaume, RN 22 (1980), p. 9-32 (monnaies indites) ; H.-P. Francfort, Arts Asiatiques 32 (1976), p. 91-98 (vases en schiste); P. Bernard, JA 1976, p. 245-275 (traditions orientales dans l'architecture grco-bactrienne) ; dans 150 Jahre Deutsches Arch'ologisches Institut (sous presse) ; P. Leriche, RA 1974, p. 231-270 (rempart Nord) ; P. Leriche et J. Thoraval, Syria 56 (1979), p. 171-205 (fontaine du rempart Ouest) ; pour les cadrans solaires cf. ci-aprs n. 2 ; P. Bernard, Scientiflc American (janvier 1982).

    (2) La dcouverte du cadran n 1 a t mentionne dans CRAI (1975), p. 193 ; CRAI (1976), p. 299 ; BEFEO 63 (1976), p. 45, pi. XVII, n 2. Le cadran n 2 a fait l'objet de trois tudes prliminaires : P. Bernard, CRAI (1976), p. 299-302 ; L. Janin, Un cadran solaire grec A Khanoum, Afghanistan , L'Astronomie 92 (1978), p. 357-362 ; R. R.-J. Rohr, A unique Greek Sundial recently discovered in Central Asia , JRoy AstronSocCanada 74 (1980), p. 271-278. Les cadrans ont t remis au muse de Caboul, o ils sont prsents dans la salle consacre aux trouvailles d'A Khanoum. A cette fin, ils ont t restaurs par Denis Piponnier, restaurateur de la DAFA. Pour une bibliographie de la gnomonique antique, cf. le livre de Sh. Gibbs cit la n. 13 et P. Bernard, CRAI (1975), p. 299, n. 7.

  • 24 SERGE VEUVE [BCH 106

    en compagnie d'autres fragments de pierres voues la destruction3. Bien qu'ils n'aient pas t trouvs leur emplacement d'origine, il est cependant fort vraisemblable qu'ils ont t utiliss dans le gymnase mme o ils taient bien leur place. La prsence de cadrans solaires dans ce genre d'tablissement est en effet bien atteste que ce soit Dlos par les inventaires4 ou Pergame galement par une inscription5. L'astronomie en tant que telle ne faisait pas partie de l'enseignement de base dispens dans les gymnases du monde hellnistique mais on l'abordait par le biais des commentaires d'Homre et surtout d'Hsiode et des Phnomnes d'Aratos, ouvrage qui jouit durant toute l'antiquit d'une immense popularit6. Platon avait recommand que l'on inculqut au futur citoyen suffisamment de notions d'astronomie pour qu'il pt comprendre le fonctionnement du calendrier7, mais le philosophe devait, quant lui, dpasser ce stade lmentaire, car l'astronomie comme la mathmatique constituait une sorte de propdeutique la pense philosophique8. Le gymnase tait en mme temps le lieu naturel o l'on pouvait acqurir ces connaissances plus pousses sur les phnomnes clestes. Les matres s'y tenaient la disposition des auditeurs assoiffs d'un plus grand savoir ou simplement curieux9. C'est ainsi qu'un dcret trouv Delphes et dat de 29 av. J.-G. nous apprend que le gymnase de cette ville avait accueilli un astronome romain en tourne dont les confrences avaient eu un beau succs10. Le matriel de dmonstration ncessaire cet enseignement que nous font connatre textes et documents figurs comportait une sphre cleste et un gnomon11 : sous ce dernier terme il faut comprendre non seulement la simple tige plante verticalement dans le sol mais aussi de vritables cadrans solaires. Mais la raison premire de la prsence de cadrans solaires dans les gymnases est directement lie l'existence d'heures d'ouverture et de fermeture

    (3) Sur l'activit de l'occupation tardive au gymnase, cf. CRAI (1968), p. 278-279 ; BEFEO 63 (1976), p. 43-45.

    (4) Inventaire de Callistratos (156-155 av. J.-C.) : ID 1417, AI, 1. 149 : parmi les objets et instruments garnissant les exdres et les pices d'angle est mentionn un sur une colonnette ; pour des reprsentations de cadrans juchs sur des colonnettes, cf. W. Deonna, Le mobilier dlien, EAD XVIII (1938), p. 187, n. 13 ; dans la sphairistra est mentionn un autre cadran sur lequel est juch un petit triton : ibid., 1. 140. Ces deux cadrans sont galement mentionns en ID 1412 a, 1. 23 (juste avant Callistratos) et 1423, Ba, 1. 4 (aprs Callistratos).

    (5) W. Drpfeld, AM 32 (1907), p. 267-268, n 8, col. I, 1. 35. (6) H. Weinhold, Die Astronomie in der antike Schule (Diss. Munich 1912), passim ; H.-I. Marrou,

    Histoire de Vducation dans Vantiquit (1950), p. 116, 244, 251-252; M. P. Nilsson, Die hellenistische Schule, p. 16.

    (7) Les Lois 809 c-d. (8) Rpublique 522 sq. (9) La matire de leur enseignement nous est parvenue par divers manuels composs l'intention de

    leurs auditeurs : ainsi le trait conserv sur le papyrus Letronne I qui se prsente comme un rsum des principes d'Eudoxe : Notices et extraits des manuscrits de la BN, XVIII, 2, p. 25-76 ; galement les traits de Clomde (sur ce dernier voir n. 74) et de Gminos sans parler de ceux auxquels donna lieu l'uvre d'Aratos : H. Weinhold op. cit., passim.

    (10) Syll3, 771 et L. Robert, tudes pigraphiques et philologiques (1938), p. 15. (11) H. Weinhold, op. cit., p. 41-45. Pour la reprsentation d'un astronome avec baguette, sphre

    et cadrans solaires sur une stle funraire de Byzance, date approximativement par son inscription du sicle av. J.-C, cf. N. Firatli, les stles funraires de Byzance grco-romaine (1964), n 33, pi. 8.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRECO-BACTRIENS A AI KHANOUM (AFGHANISTAN 25

    Fig. 1. Cadran n 1 : vue de face.

    fixes par des dcrets municipaux12. Ils devaient, en outre, servir rgler l'emploi du temps entre les diffrentes activits.

    Si la dcouverte de cadrans solaires dans un gymnase n'a donc rien en soi d'inattendu, ceux d'A Khanoum sont cependant les premiers, notre connaissance, qui aient t trouvs dans un difice de ce type. Leur intrt, toutefois, serait un peu court s'il s'arrtait l et ils iraient simplement grossir l'excellent corpus des cadrans solaires que vient de nous donner Sharon Gibbs13. Ils ont fort heureusement d'autres titres retenir notre attention. Ils nous font en effet connatre l'utilisation d'horloges solaires spcifiquement grecques aux confins extrmes du domaine de l'hellnisme oriental. Mieux encore, l'un d'eux nous rvle un type de cadran jusque l inconnu. Enfin la prsence A Khanoum de ces deux instruments pose le problme d'une possible transmission vers l'Inde des influences de l'astronomie grecque et grco- babylonienne ds l'poque hellnistique par l'intermdiaire des colonies grecques de l'Asie Centrale.

    (12) Eschtne, Contre Timarque, 9. (13) Greek and Roman Sun-dials (1976) ; un compte rendu intressant de Ph. Pattenden dans CIRev 28

    (1978), p. 336-339.

  • 26 SERGE VEUVE [BCH 106

    Fig. 2. Cadran n 1 : vue de trois quarts droit.

    I. CADRAN SOLAIRE iV 1 (fig. 1-6).

    Huit fragments de pierre faisant partie d'un cadran solaire et recollant entre eux ont t trouvs disperss en divers points de la zone nord de la palestre. Le bloc principal (fig. 1-3) se trouvait tout prs de l'angle Nord-Est de la cour, sa surface sphrique tourne vers le mur. Les deux parties les plus fragiles que constituaient les pattes de lion encadrant le cadran l'avant (fragments 2 et 8 sur la fig. 3) se trouvaient mles aux dcombres qui obstruaient la tranche rsultant du pillage du stylobate de l'exdre Nord 4. Les fragments 4 7 faisaient partie d'un amoncellement de pierres parmi lesquelles se trouvait galement le deuxime cadran accumul dans la pice 3 adjacente l'Ouest l'exdre 4 mme le sol grec sur lequel s'tait installe la premire phase de la roccupation tardive. Seul le fragment n 3, qui provient du mme endroit, mais est stratigraphiquement distinct, correspond l'ultime phase de l'occupation tardive, qui poursuit l'uvre de destruction prcdemment entreprise si l'on en juge par la prsence d'un four chaux proximit, creus dans l'paisseur des murs, un moment o la ruine de l'difice est dj considrablement avance.

    Le cadran fonctionnait donc au cours de la dernire priode de la ville, c'est--dire vers le milieu du ne s. av. J.-G. Mais rien ne s'oppose ce qu'il ait t excut une date plus haute, ds le iir3 s. av. J.-C, bien que sa surface ne porte pas de traces d'une usure importante. L'existence d'une rparation n'est pas de

  • Illustration non autorise la diffusion

    1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 27

    Fig. 3. Cadran n 1 : vues latrales droite et gauche (dessin de G. Samoun).

    nature, non plus, prciser la datation. La patte droite porte, en effet, incises dans la pierre, trois saignes de scellement en pi, vitant soigneusement la surface sphrique du cadran (fig. 1-3). A l'intrieur le scellement se logeait le long du plan de coupe de l'hmisphre, runissant les fragments 2 et 314. Sur la face latrale, l'extrieur, la cavit de scellement15 perpendiculaire la cassure 2-3 retient encore des fragments de la tige de fer applique dans le fond et partiellement recouverte d'un mortier de chaux. Le troisime scellement se trouvait sur le plan suprieur horizontal, implant sur les fragments 2, 3 et 4. Seuls les fragments 2 et 3 appartiennent la cassure primitive; les autres rsultent du dbitage postrieur la prsence grecque.

    1. Description.

    Le cadran, taill dans un bloc paralllpipdique (h. : 37,3 cm ; 1. : 52 cm ; pr. part. : 45,8 cm) d'un calcaire au grain fin et de couleur brun ple16, affecte la forme d'une portion de demi-sphre17 encadre l'avant par deux pattes de lion. Celles-ci prennent appui sur la base du cadran qui, rserve en contrebas de la partie sphrique, s'inflchit vers l'avant du cadran dont le bord est bris. L'ensemble voque une sorte de trne dont les pieds avant auraient la forme de pattes de lion. Celles-ci sont en fait des demi-pattes dont chaque moiti reprsente est tourne vers l'intrieur et l'avant du cadran. L'extrieur, situ dans le mme plan que les faces latrales, reste plat. Cette particularit explique le nombre rduit de griffes :

    (14) Longueur de la saigne : 110 mm ; deux trous circulaires aux extrmits, profondeur : 24 mm. (15) Longueur : 104 mm. (16) Rfrence G 61, d'aprs A. Cailleux, G. Taylor, Code Expolaire (1956). (17) C'est le type 2-lb, Cut spherical dials. Central gnomon point dans Sh. Gibbs.

  • Illustration non autorise la diffusion

    28 SERGE VEUVE [BCH 106

    20 cm.

    Fig. 4. Cadran n 1 : vue de dessus (dessin de G. Samoun).

    deux par patte18. La sculpture prsente un relief vigoureux mettant en valeur un membre muscl, couvert de poils et la surface duquel court un rseau de veines saillantes. La patte proprement dite s'tire vers l'avant comme pour mieux exhiber ses griffes acres. Ce type de dcor animalier associ un cadran solaire fut particulirement apprci dans l'antiquit si l'on en juge par les nombreux exemplaires qui ont t retrouvs et o la prsence de pattes d'animaux peut, ct de reprsentations ralistes comme celles-ci, faire appel un style

    (18) Les reprsentations de pattes de lion sur les cadrans solaires comprennent entre trois et cinq griffes, d'aprs Gibbs, op. cit. :

    3 griffes : 2 ex. (n 1004, 3060 G) ; 4 griffes : 10 ex. (n 1028 G, 1056 G, 2017 G, 2021 G, 2023 G, 3056 G, 3057 G, 3073, 3085 G, 3101) ; 5 griffes : 1 ex. (n 1057 G).

  • Illustration non autorise la diffusion

    1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BAGTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN)

    A 0

    29

    20 cm.

    Fig. 5. Cadran n 1 : coupe sur le plan mridien (dessin de G. Samoun).

    plus schmatique19. D'aprs le corpus de Gibbs, il apparat que ce dcor ne se rencontre que sur les cadrans de type sphrique et conique, dans une proportion suprieure pour ces derniers (41 % contre 14 %), et que sur les 208 cadrans appartenant ces deux catgories 59 repr-

    (19) D'aprs Gibbs, op. cit. :

    Type de cadran

    Sphriques Var. sphr Coniques Totaux

    Nombre d'exemplaires

    (1)

    76 23

    109 208

    Dcor animalier stylis ou non

    (2)

    9 5

    45 59

    Rapport 2/1

    12% 22% 41 % 28 %

    Dcor pattes lion (3)

    5 4

    22 31

    Rapport 3/2 .

    55 % 80 % 49 % 52%

  • 30 SERGE VEUVE

    c4 C3 C2

    [BCH 106

    H

    20 cm

    Fig. 6. Cadran n 1 : analemme partiel.

    sentent un dcor de pattes d'animaux, dont 31 figurent plus prcisment des pattes de lion. Il semble que la reprsentation de demi-pattes comme celles de notre cadran n'ait, pour l'instant, pas d'quivalent.

    A l'arrire l'arrachement du stylet a mis en vidence cinq trous de scellement verticaux20 dans lesquels venait se loger une sorte de griffe qui arrimait la tige mtallique la pierre. Le fond de l'une de ces cavits conserve encore un fragment de plomb, tmoin du mode de

    (20) Profondeur, de gauche droite (fig. 4) : 72, 72, 66, 64, 55 mm.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BAGTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 31

    scellement21. La face arrire porte un trait incis verticalement, situ dans le plan de la ligne horaire mdiane, souvenir de l'une des lignes de construction. Le lit de pose ne prsente aucune trace de scellement.

    2. Fonctionnement.

    Onze courbes horaires et sept journalires se dveloppent sur une surface concave. Les mesures des divisions horaires prises sur les courbes Cl G7 sont regroupes dans le tableau suivant o la mesure globale gauche est dcompose droite en ses diffrents segments :

    Cl = 490,5 mm... G2 = 527,5 C3 = 613 C4 = 697,5 G5 = 745,5 C6 = 766,5 G7 = 770

    42,5 46 55 62,5 64,5 64 64,5

    44,5 48,5 53 59 62,5 64 64,5

    40 43,5 51 57,5 61 64 64,5

    40 43 50 57,5 62,5 64 65

    39,5 42 49 56 61,5 64 64

    40 43,5 51 57,5 61,5 64 64

    40,5 43 50 57,5 62,5 64 64,5

    41 44,5 52 58,5 63 64,5 64,5

    41 43,5 50,5 57,5 63 64,5 65

    41 43,5 51 58,5 62 64,5 65

    41 43,5 50,5 57,5 61 64 63

    39,5 43 50 58 60,5 61 61,5

    Mesures sur la ligne horaire mdiane : T/G 1 =112; G1/C2 = 14; C2/C3 =36; C3/G4 = 43,5; G4/G5 = 44,5; G5/C6 = 36,5; C6/G7 = 12,5; G7/B = 20 (fig. 4). Ces relevs effectus sur le cadran (fig. 5 et 6) montrent l'vidence qu'il s'agit d'une portion d'hmisphre dont le centre 0 se situe sur le plan de l'horizon, une distance pratiquement gale de tout point pris sur ces courbes. La prcision de la taille est assez remarquable puisque, avec les restaurations anciennes et modernes, les carts n'excdent pas 1 mm. C'est ainsi que les mesures directes du diamtre de la sphre qui concide avec le plan de l'horizon donnent des valeurs comprises entre 443 et 445 mm. La construction de l'analemne par Vitruve22 concerne un cadran surface de rception sphrique dans le schma duquel pourrait s'inscrire la figure 6 qui reprsente la coupe du cadran sur le plan mridien. Sur cette figure les droites parallles numrotes de Cl C7 reprsentent la projection sur le plan mridien des sept courbes journalires. Les droites extrmes Cl et G7 correspondent respectivement aux solstices d'hiver et d't, la droite C4 tant celle de l'quinoxe. Tout comme dans l'analemne de Vitruve, le rayon de la courbe d'quinoxe concide avec le rayon de la sphre.

    Il s'ensuit que cette courbe est un demi-cercle de longueur gale la moiti de la circonfrence de la sphre, d'o :

    (21) Le scellement par crampons mtalliques noys dans du plomb tait rgulirement utilis dans la ville pour le montage des blocs de pilastre et l'assemblage des blocs des plinthes de colonnes.

    (22) Vitruve, De V architecture, IX, 7, 1-7.

  • 32 SERGE VEUVE [BCH 106

    longueur G4 = o C4 = longueur de la courbe quinoxiale,

    et D = diamtre de la sphre,

    longueur D = - = 444 mm23.

    L'extrmit du stylet concidait avec le centre 0 de la sphre et sa longuuer correspondait au rayon. L'heure et le jour taient donns par la projection de l'ombre de la pointe du stylet sur la surface sphrique. Celle-ci se dplaait tout au long de l'anne l'intrieur de la zone dfinie par les courbes solsticiales Cl et G7 et la ligne d'horizon AT. Sur le cercle mridien les angles G1OC4 et G4OC7 reprsentent les carts que fait la position du soleil aux solstices par rapport l'quinoxe, autrement dit l'obliquit de l'cliptique (). Le texte de Vitruve24 prconise pour le trac de ces rayons solsticiaux de porter sur le cercle mridien de part et d'autre du rayon quinoxial une distance gale au quinzime de la circonfrence et de joindre les points obtenus au centre 0. La valeur ainsi obtenue pour l'obliquit de l'cliptique est de 360/15 = 2425.

    Celle-ci est exprime dans le cadran par les angles G1OG4 et G4OG7 :

    D Gl G4 = avec = obliquit de l'cliptique ; 360 4 F h

    D = diamtre de la sphre ; Gl G4 = distance entre les courbes Gl et G4 sur le cercle

    mridien. G1G4X360 8 =

    Dxn 93,5x360 = 24,13o 444

    soit 24 7'

    La diffrence est minime. Elle l'est d'autant plus si Ton tient compte de la profondeur de la gravure (environ 1 mm) et des faibles irrgularits de taille signales plus haut.

    L'autre lment indispensable la construction d'un cadran est fonction du lieu pour lequel celui-ci est destin, c'est--dire sa latitude. Dans un cadran de ce type la section frontale de la surface de rception est taille selon un plan oblique

    (23) Dimension retenue pour les calculs ultrieurs. (24) Vitruve, De V architecture, IX, 7, 4. (25) En ralit l'obliquit de l'cliptique oscille entre 24 36' et 21 59'. Elle est actuellement de 23 26'

    30" ; l'poque hellnistique elle tait de 23 43'. D'aprs Thon de Smyrne, De Astronomia (d. Th. H. Martin, 1849), XL (p. 325), Eudme (iv* sicle av. J.-C.) l'avait fixe 1/15 de cercle soit 24. ratosthne (ine sicle av. J.-C.) et Hipparque (ne sicle av. J.-G.) en donnent une valeur plus prcise : 11/83 d'un demi-cercle soit 23 51'. 19"; cf. Ptolme, Mathmatik Syntaxis (d. Halma-Delambre, 1813), I, 12. Sur cette question cf. D. R. Dicks, The Geographical Fragments of Hipparchus (1960), p. 167-169 et le commentaire de l'ed. Soubiran du livre de Vitruve, p. 222-223.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BAGTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 33

    parallle celui de l'quateur, et les diverses courbes saisonnires appartiennent des plans galement parallles ce dernier. La latitude terrestre tant donne par l'angle que fait la verticale du lieu avec le plan de l'quateur, il sufft pour connatre la latitude exprime dans le cadran de mesurer l'angle que forme la verticale et l'un quelconque des plans des courbes saisonnires.

    Si l'on choisit par exemple la courbe des quinoxes G4, la latitude s'exprime par l'angle OG4H (fig. 6). Sa valeur est donne par la relation :

    HG4 1 78 cos = = = 0,80180 et = 36 42' OG4 222

    Une autre mthode pour le calcul de la latitude qui s'est rvle particulirement utile dans le cas de cadrans fragmentaires se fonde sur une double observation. Les Anciens avaient remarqu que le rapport entre la dure du jour des solstices et celui de l'quinoxe est une fonction de la latitude du lieu26. D'autre part les diverses courbes journalires qui rsultent de l'intersection de plans parallles celui de l'quateur avec la surface sphrique sont en fait des cercles27 dont les centres se situent sur une droite de direction polaire passant par le centre de la sphre. La mesure d'une division horaire, au minimum28, appartenant ces courbes fondamentales permet de retrouver la latitude exprime dans le cadran partir de la formule suivante :

    . 90. 12.1s .29 tg = cotg . cos (rr-rr; r)29 . OT . cos

    En utilisant la mesure de la courbe du solstice d'hiver on obtient :

    90 490 5 tg co = cotg 24. cos ( : ! ) = cotg 24. cos 69 17' e ' B Vn.222.cos24oy fe

    = 0,77861 = 37o 5' 43".

    En utilisant la mesure de la courbe du solstice d't on obtient : 180 90.l.G7x

    24( )

    * nAn ,1800 90.770. = coter 24 . cos ( ) v 697,5. 0,91355 ;

    = cotg 24. cos 71 14' = 0,72221

    = 35 50', soit un rsultat sensiblement infrieur ceux obtenus prcdemment.

    (26) Eudoxe de Cnide avait calcul pour Cnide le rapport entre la dure du jour le plus long et celle du jour le plus court : 5/3, et le rapport entre la longueur d'un gnomon et celle de son ombre le jour de l'quinoxe midi : 4/3 ; cf. Ptolme, Malhmalik Syntaxis, II, 6.

    (27) Cf. Gibbs, op. cit., fig. 1, p. 13. (28) Avec une rserve faire compte tenu des ingalits existant entre les diffrentes divisions horaires. (29) Pour la dmonstration de cette formule, cf. Dacia 14 (1970), p. 122-124 ; Gibbs, op. cit., p. 14-16.

  • 34 SERGE VEUVE [BCH 106

    La latitude relle d'A Khanoum est de 37 10'. Les rsultats des calculs prcdents prsentent des carts allant de moins 5' l20'. Il faut y voir des inexactitudes toujours possibles pour les mesures prises directement sur le cadran, mais aussi et surtout un lger manque de cohrence interne dans le trac des diffrentes courbes sur la pierre par le constructeur du cadran. L'cart est somme toute minime. Mme si l'on veut retenir le chiffre le plus faible, valable pour une localit situe 147 km au Sud d'A Khanoum, il est fort vraisemblable que le cadran a t construit A Khanoum et pour A Khanoum. De toute faon la prcision dans la mesure du temps n'avait pas la mme importance dans l'antiquit que de nos jours. C'est ainsi que Pline signale que les Romains mirent prs d'un sicle pour s'apercevoir qu'un cadran solaire transfr de Catane Rome en 263 av. J.-C. ne leur donnait pas des informations correctes30.

    Reste interprter la prsence des quatre courbes journalires ingalement espaces mais rparties symtriquement de part et d'autre de la courbe d'quinoxe (G2, C3, G5, C6) et dont il n'a pas t question jusqu' prsent. L'absence de toute inscription qui, sur certains cadrans, donne l'explication de ces courbes intermdiaires ou de lignes supplmentaires graves dans la pierre, nous ramne la construction de l'analemne de Vitruve. La figure 6 reprsente une partie de l'analemne du cadran permettant de calculer des dates exprimes par les diffrentes courbes et dont la construction est donne par Vitruve31. Soient G et H les deux points reprsentant l'intersection du mridien avec les plans solsticiaux (Cl et G7), la droite les reliant porte le nom de loxotomus ( qui coupe l'cliptique ) 32, et constitue le diamtre du cercle des mois, menaeus 33, dont le centre D se situe sur le plan quinoxial C4. Le texte de Vitruve s'en tient l quant l'pure de l'analemne. Ce cercle reprsente donc le dplacement apparent du soleil sur l'cliptique. Ainsi par les points d'intersection des plans des courbes saisonnires et du cercle des mois passent des rayons symtriques par rapport au diamtre HG. L'anne se dfinit comme l'intervalle de temps s'coulant entre deux passages successifs du soleil sur un mme point du menaeus. En considrant que 365 jours 1/4 sont reprsents par 360 degrs, la longueur de l'arc, mesure en degrs, entre deux courbes successives, donnera une approximation satisfaisante du nombre de jours correspondant cette priode.

    Distances sur le cercle Mesures en degrs es mois G1G2 C2G3 G3G4 G4G5 G5C6 C6G7

    = nombre de jours34

    32 30,5 29 30 32 29

    (30) Pline, Histoire naturelle, VU, 214. (31) Vitruve, De architecture, IX, 7, 6. (32) Cf. le commentaire de l'd. Soubiran du livre de Vitruve, n. 36, p. 228-230. (33) Cf. le commentaire de l'd. Soubiran du livre IX de Vitruve, n. 38, p. 232-233. (34) Valeurs arrondies.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BAGTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 35

    Compte tenu de l'approximation du calcul et des erreurs toujours possibles du relev, sans oublier une trs lgre inexactitude dans la ralisation du cadran, il semble bien nanmoins que son constructeur ait cherch diviser l'anne en douze parties sensiblement gales (la dure des mois exprime par l'analemne du cadran varie entre 29 et 32 jours). Or le texte de Vitruve35 stipule que le soleil parcourt l'tendue d'un signe du Zodiaque dans son dplacement au cours d'un mois et qu'il parcourt en douze mois douze signes successifs. De plus le rapprochement avec certains cadrans solaires prsentant sept courbes journalires rparties de faon identique, auxquelles est associe la mention des signes du zodiaque36, amne penser que les courbes journalires du cadran d'A Khanoum correspondent galement l'entre du soleil dans chacun des signes du zodiaque, mme si la correspondance entre les signes et les mois n'est, en fait, qu'approximative37.

    3. Identification.

    L'identification du cadran par rapport la liste des diffrents types que donne Vitruve38 soulve le problme de l'interprtation de ce texte qui a donn lieu des opinions divergentes39. Suivant le corpus de Gibbs, il s'agirait du hemicyclium excavatum ex quadrato ad enclimaque succisum 40, premier type de cadran solaire cit par Vitruve, auquel certains auteurs ont fait correspondre des cadrans de type cylindrique41. La difficult porte sur le terme d' hemicyclium assimil ici une surface de rception sphrique, alors que le type suivant prsent par Vitruve est justement un hemisphaerium et que le terme d' hemicyclium ne parat pas recouvrir ce sens dans les autres circonstances o il a t employ42. Cependant l'inclinaison de la paroi frontale selon la latitude ( ad enclimaque succisum ) est associe dans le texte de Vitruve hemicyclium et non hemisphaerium . De mme le volume que prsente un cadran de type sphrique une fois achev rappelle plus le cube dont il est issu ( excavatum ex quadrato ) qu'un cadran de type cylindrique.

    Le corpus de Gibbs offre deux exemples (nos 6001-6002) de cadrans cylindriques dont l'axe est inclin paralllement l'axe de la terre et cinq autres de cadrans cylindriques verticaux. A aucun d'eux ne peut s'appliquer la dfinition ad enclimaque succisum , alors que la plupart des cadrans surface de rception sphrique y rpondent parfaitement43. C'est pourquoi l'interprtation donne par Gibbs nous parat plus justifie. Vitruve attribue l'invention de l' hemicyclium Brose le

    (35) Vitruve, De architecture, IX, 1, 6. (36) Parmi les 10 exemplaires du corpus de Gibbs pourvus de sept courbes journalires, il en est 4 qui

    conservent l'inscription des signes du zodiaque : nos 1068 G, 4007, 4010, 7002 G. (37) Cf. le commentaire de l'd. Soubiran du livre de Vitruve, n. 32, p. 89. (38) Vitruve, De V architecture, IX, 8, 1. (39) Cf. le riche commentaire de Soubiran dans son d. du livre IX de Vitruve, p. 240-270 ; Gibbs,

    op. cit., p. 59-65. (40) Gibbs, op. cit., p. 59-60. (41) Cf. le commentaire de l'd. Soubiran, n. 1-2, p. 240-242. (42) Cf. le commentaire de l'd. Soubiran, n. 1, p. 240-241. (43) Gibbs, op. cit., p. 69.

  • 36 SERGE VEUVE [BCH 106

    Fig. 7. Cadran n 2 complt avec un stylet moderne.

    Chalden, clbre astronome babylonien qui sjourna sur l'le de Cos vers 270 av. J.-C.44, et auquel on serait donc redevable de la taille de la partie frontale suivant l'inclinaison du ple.

    II. CADRAN SOLAIRE N 2 (fig. 7-13).

    Parmi les fragments de pierre qui avaient t rassembls dans la pice 3, adjacente l'Ouest l'exdre 4, se trouvaient, outre quatre fragments du cadran prcdent, un autre cadran, d'un type cylindrique quatorial inconnu45. Celui-ci s'tait visiblement bris sur place lorsqu'il avait t projet au sol, aprs avoir t arrach de son socle. Il a donc fonctionn, tout comme le premier, au cours de la dernire phase de l'occupation grecque, vers le milieu du IIe sicle av. J.-C.46.

    1. Description.

    Il s'agit d'un bloc de calcaire fin de couleur gris clair47 aux faces bien dresses, long de 446 mm, large de 343 mm, pais de 150 mm. L'un des petits cts, taill en oblique, constituait le lit de pose, ainsi qu'en tmoigne l'arrachement d'un tenon qui, prolongeant le bloc, servait

    (44) Cf. P. Schnabel, Berossos und die babylonisch-hellenistische Literatttr (1923). (45) Aucun cadran de ce type ne figure dans le corpus de Gibbs. (46) De mme sa date de construction peut remonter au nie s. av. J.-C. (47) Rfrence 81, d'aprs A. Cailleux, G. Taylor, Code Expolaire (1956).

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 37

    Fig. 8. Cadran n 2 : face A. Fig. 9. Cadran n 2 : face B.

    l'ancrer sur sa base (fig. 7-9). I/arte infrieure de la face la plus longue est marque par un chanfrein large de 20 mm de part et d'autre de la naissance du tenon, mnageant une transition verticale avec la base (fig. 10, 11).

    Un trou de section cylindrique (diamtre : 220 mm), perpendiculaire aux deux faces du cadran, traverse la pierre de part en part. Le plan suprieur du cadran est perc en son milieu d'une mortaise conservant encore une tige de fer qui a rsist l'arrachement du stylet. Celui-ci se situait l'intrieur du cylindre. D'autre part une double srie de traits gravs dans la pierre se dveloppent dans la partie du cylindre l'oppos de la mortaise. Deux arcs de cercle parallles aux bords du cylindre 48 mm de ceux-ci et longs de 300 mm (arc de cercle Sh) et de 382 mm (arc de cercle Se) sont diviss chacun en 11 points approximativement quidistants (fig. 11, 12). Il en est de mme pour les deux arcs de cercle confondus avec les artes du cylindre et longs de 342 mm (arcs de cercle et E'). De part et d'autre d'une ligne mdiane EE' incise d'un bord l'autre du cylindre se rpartissent six traits runissant deux deux les points homologues, dans l'espace compris entre les bords du cylindre et les arcs de cercle intrieurs. Douze zones se trouvent ainsi dlimites. La figure n 12 prsente un relev de cette surface ralis l'aide d'un papier estampage. Toujours l'intrieur du cylindre, mais l'oppos de la ligne horaire mdiane EE', sont gravs, sur une longueur de 8 et 10 mm partir de chacun des deux bords du cylindre, deux traits de construction dont le rle consistait bien centrer le stylet lors de sa mise en place.

    2. Fondionnemenf.

    En disposant le lit de pose sur une surface horizontale, les faces A et du cadran se trouvent inclines selon un angle de 37 4' avec la verticale. Cette valeur correspond

  • Illustration non autorise la diffusion

    38 SERGE VEUVE [BCH 106

    20 cm.

    Fig. 10. Cadran n 2 : face A (dessin de G. Samoun).

  • Illustration non autorise la diffusion

    1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 39

    20 cm.

    Fig. 11. Cadran n 2 :, coupe sur le plan mridien (dessin de G. Samoun).

    fort peu de chose prs la latitude d'A Khanoum (37 10') : il et suffi en effet d'une diffrence de 0,2 mm sur l'une des dimensions servant au calcul de l'angle pour obtenir le chiffre exact.

    En orientant le cadran vers le nord, ou plus prcisment en tournant sa face A dans cette direction, la pierre se trouve, du fait de son inclinaison, sur un plan parallle celui de l'quateur. De cette position dcoule l'explication du double agencement des divisions horaires.

    Dans son dplacement apparent le soleil oscille d'environ 24 de part et d'autre de l'quateur48, donc du plan du cadran. Au moment des quinoxes le soleil se trouve sur le plan de l'quateur et ses rayons effleurent les faces A et sans projeter aucune ombre l'intrieur du cylindre. Tout au long de la priode conduisant de l'quinoxe de printemps l'quinoxe d'automne, les rayons du soleil vont clairer la face A ainsi qu'une partie de l'intrieur du cylindre adjacente cette mme face. Le mme

    (48) Cf. n. 25.

  • Equinoxe '

    Solstice d't

    Solstice d'hiver

    Equinoxe

    20 cm.

    Fig. 12. Cadran n 2 : dveloppem

    ent des lignes horaires (dessin de G. Samoun).

    ta OS

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 41

    r J Fig. 13. Cadran n 14 : expression de la latitude.

    10 J

    phnomne se reproduit sur l'autre face entre l'quinoxe d'automne et l'quinoxe de printemps. L'cart maximum par rapport au plan du cadran est atteint les jours des solstices d't et d'hiver et avoisine thoriquement les 24.

    Cette valeur se retrouve dans les angles E'O'Se et EOSh (fig. 11) : OE = ' = rayon du cylindre = 110 mm. ESh = E'Se = distance entre les arcs de cercle de chacun des deux systmes de graduations = 48 mm.

    tg E'O'Se = tg EOSh = = = = 0,43636. feOE O'E' 110

    EOSh = E'O'Se = 23o,6 ou 23 34'.

    Cette approximation tout fait satisfaisante de l'obliquit de l'cliptique confirme deux points :

    1) et 0' correspondent aux deux extrmits du stylet. Celui-ci, confondu avec l'axe du cylindre et long de 150 mm, faisait avec l'horizontale un angle gal celui de la latitude. Il tait maintenu en place par une tige de fer perpendiculaire scelle dans l'paisseur suprieure du cadran. Le stylet visible sur la fig. 7 a t mis en place pour la prsentation du cadran au muse de Caboul;

    2) les arcs de cercles intrieurs correspondent bien aux solstices d'hiver (Sh) et d't (Se).

    Les traits inciss l'intrieur du cylindre reprsentent donc un systme 4 courbes saisonnires (quinoxes, solstices) et 12 divisions horaires. Celles-ci divisent la dure du jour comprise entre le lever et le coucher du soleil en 12 heures de longueur gale malgr quelques irrgularits dues la gravure.

  • 42 SERGE VEUVE [BCH 106

    Mesures de la longueur des divisions horaires:

    quinoxe (face A) : 342 (28-28-30-28-29-29 ; 27-28-28-29-30). quinoxe (face B) : 342 (32-28-28-27-28-28 ; 28-28-28-29-29-29) Solstice d't : 382 (32-32-32-31-32-32- ; 32-31-32-32-32-32). Solstice d'hiver : 300 (25-23-25-26-26-25 ; 26-25-25-26-25-23). La longueur de l'arc diurne est une fonction de la latitude du lieu () et de l'obliquit

    de l'cliptique (S). H tant l'amplitude de l'arc semi diurne, on a :

    Cos H = tg tg Avec + 23, 6 au solstice d't (valeur exprime dans le cadran).

    0 aux quinoxes. 23, 6 au solstice d'hiver.

    et 37, 17 on obtient H = 70, 56 pour le solstice d'hiver, H = 90 pour les quinoxes, H = 109, 44 pour le solstice d't.

    JLT La longueur d'un arc diurne de 2H degrs tant gale . R. , il est possible de calculer

    les longueurs thoriques et de les comparer celles exprimes dans le cadran. Arc diurne Solstice d't quinoxes Solstice d'hiver

    Longueur mesure 382 342 300 Longueur thorique 420 345 271 Diffrence 38 3 +29

    La concordance aux quinoxes (1 %) est satisfaisante. En revanche, lors des solstices, les carts avoisinent 10 %, en plus (solstice d't) ou en moins (solstice d'hiver), pour les longueurs thoriques. Cette anomalie se confirme galement l'il nu dans le fait que, le cadran tant inclin correctement, les premire et dernire heures du jour ne sont pas horizontales, alors qu'elles devraient ncessairement l'tre. En effet, le lever et le coucher du soleil se situent, quelle que soit la saison, sur le plan de l'horizon et la projection de l'ombre d'un point du stylet se fait sur le mme plan. Pour obtenir l'horizontalit des premire et dernire lignes horaires il suffirait de changer l'inclinaison du cadran, ce qui revient exprimer une latitude diffrente. Tout se passe comme si le cadran tait correctement inclin selon la latitude d'A Khanoum, tout en prsentant un systme de divisions horaires intrinsquement cohrent mais valable pour une latitude diffrente.

    Celle-ci peut tre calcule en considrant l'angle que font les premire et dernire lignes horaires (LN) avec la perpendiculaire (LM) aux faces A ou (fig. 13). Dans le triangle rec-

    NM tangle LMN la latitude correspond l'angle NLM ; or tg = . J_i JVl

    Avec NM = 20,5 (valeur moyenne), LM = E'Se = ESh = 48, tg = 0,42708 et 23, 12,

    soit 23o 49.

    (49) Pour un calcul diffrent de la latitude exprime l'intrieur du cylindre, cf. R.-J. Rohb, loc. cit., p. 275 : = 23 30'.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BAGTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 43

    Ainsi nous trouvons-nous en prsence d'une contradiction dans la construction de ce cadran : nous avons d'une part une inclinaison correcte de la pierre compatible avec la latitude d'A Khanoum qui est de 37 10', mais d'autre part un ensemble cohrent de divisions horaires valable pour une latitude lgrement suprieure 23. Une erreur due la gravure parat peu probable car les carts sont la fois trop grands et systmatiques. De plus, malgr le caractre exceptionnel du cadran, il parat difficile d'invoquer un problme technique que n'aurait pu surmonter le constructeur : les notions astronomiques mises en uvre dans l'analemne du cadran taient parfaitement connues et correctement appliques aux ine et ne sicles av. J.-C.

    3. Origine.

    Ces donnes contradictoires posent le problme de l'origine du cadran. Deux hypothses peuvent tre premire vue avances :

    1) le cadran aurait pu tre ramen tel quel d'une localit situe une latitude voisine de 23 o il aurait fonctionn dans un premier temps50. La seule transformation qu'il aurait subie une fois install A Khanoum aurait t la modification de l'inclinaison de la pierre pour la rendre compatible avec la latitude de 37, opration qui ne laissait aucune trace sur le cadran : il suffisait de rduire l'angle que faisait le lit de pose avec la face A en retaillant celui-l. En revanche il tait plus difficilement envisageable de modifier le systme de lignes horaires; il et fallu pour cela en inciser de nouvelles tout en effaant les anciennes, ce qui aurait port prjudice l'aspect du cadran. On se serait donc accommod de l'-peu-prs qui en rsultait, les carts entre l'heure annonce par le cadran et la ralit pouvant, somme toute, tre considrs comme acceptables. Au moment des quinoxes la lecture tait, peu de chose prs, correcte, tandis qu'aux solstices l'cart entre l'heure lue et l'heure relle totalisait quotidiennement une heure en moins lors du solstice d't, une heure en plus lors du solstice d'hiver51. A midi, en toutes saisons, la lecture tait pratiquement correcte ;

    2) selon une deuxime hypothse le cadran aurait pu tre imit d'un original situ une latitude d'environ 23. Il et suffi de faire, sur l'original, le relev de la partie intrieure du cylindre portant les gravures, de noter le diamtre du cylindre et le fait que son axe tait perpendiculaire au plan de l'quateur.

    Outre que l'on n'a pas remarqu de traces de retaillage sur le cadran, cette seconde hypothse a sur la premire l'avantage d'liminer le problme du transport qui, pour une distance aussi longue (cf. ci-dessous) et pour un objet aussi lourd (32 kg), n'est pas ngliger. Elle seule, en outre, est compatible avec l'origine locale de la pierre. Le calcaire utilis pour le cadran est en effet tout fait semblable par l'homognit de son grain et sa couleur celui employ A Khanoum pour les objets en pierre ou les lments d'architecture et qui provient de carrires situes dans la

    (50) C'est l'hypothse avance par R.-J. Rohr, loc. cil., p. 277, fg. 2, p. 274. (51) Quel que ft l'emplacement du cadran l'intrieur du gymnase, les rayons de soleil de la premire

    et de la dernire heure du jour, au moins, ne parvenaient pas jusqu' lui en raison de l'environnement architectural et de la configuration du terrain.

  • 44 SERGE VEUVE [BCH 106

    rgion52. On remarque d'autre part que la valeur de 23 7' donne par les lignes horaires correspond une latitude voisine du tropique d't, notion parfaitement connue dans l'antiquit. La recherche de localits situes proximit de ce tropique attire l'attention sur deux cits qui avaient valeur de rfrence dans l'astronomie antique, l'une chez les Grecs, savoir Syne en Egypte, l'autre chez les Indiens, savoir Ujjain.

    Ujjain, l'une des sept cits sacres de l'Inde, est situe dans l'Avanti (Malwa) une latitude de 23 153. Important centre politique, elle fut le sige d'un vice-roi sous l'empire maurya; Asoka, le souverain le plus clbre de cette dynastie, fut l'un d'eux dans sa jeunesse. Ujjain tait galement un grand centre commercial, situ un carrefour de routes importantes, l'une venant du Deccan au Sud et se poursuivant vers l'Inde du Nord-Ouest, l'autre reliant le port de Barygaza (Broach) la plaine du Gange et sa capitale Pataliputra (Patna). Foyer d'art et de science, Ujjain devient sous le rgne de Rudradaman I (environ 130-160 ap. J.-G.) le mridien des astronomes indiens54.

    Les sources anciennes manquent malheureusement de prcision lorsqu'il s'agit de dterminer l'impact de la prsence grecque dans la rgion d' Ujjain. Un texte de Patanjali, grammairien indien, mentionne le sige de Madhyamika par les Yavanas (Grecs) vers le milieu du ne s. av. J.-C.55. Or cette dernire n'est situe qu' environ 130 km au Nord d'Ujjain. C'est vraisemblablement vers la mme poque que se situe, plus l'Est, la prise par les Grecs de Pataliputra atteste dans le Yuga Purana56, et, l'Ouest, leur hgmonie s'affirme sur la Patalne et la Surastrne57. Des tmoignages postrieurs confhment, d'autre part, le maintien d'une prsence grecque dans l'Inde occidentale un moment o il ne saurait plus tre question d'une domination politique. Strabon raconte que Nicolas de Damas avait rencontr Antioche des ambassadeurs indiens venus de cette rgion et porteurs d'une lettre rdige en grec l'intention d'Auguste58. Ainsi aux environs de notre re, la langue grecque tait encore pratique en Inde Occidentale, et cette survivance tait sans doute lie l'existence de colonies grecques59 dont l'origine pourrait remonter l'poque Maurya60.

    (52) P. Bernard et autres, Fouilles d'A Khanoum I (1974), p. 244-245. (53) Ptolme, Gographie VII, 1, 63, prte Ujjain () une latitude de 20. Cf. A. Berthelot,

    L'Asie ancienne centrale et sud-orientale (1930), p. 322. (54) D. Pingree, Astronomy and Astrology in India and Iran , Isis 54 (1963), p. 234. (55) The Vykarana - Mahabhasya f Patanjali (d. F. Kielhorn, 2 d., 1892-1909), p. 118-119. (56) K. P. Javaswal, Historical Data in the Grgi-Samhit and the Brahim Empire , JBOHS 14

    (1928), p. 397-421, 5. Pour une bibliographie plus complte du Yuga Purana, qui constituait un chapitre d'un ouvrage astrologique indien, le Grgi Samhit, on consultera Narain, The Indo-Greeks (1957), p. 174-179. On trouvera galement un cho de l'avance de Mnandre vers Pataliputra dans Strabon XI, 11,1, qui reprend un texte d'Apollodore d'Artmita.

    (57) Strabon XI, 11, 1. Le texte de Strabon mentionne aussi le royaume de Sigerdis, inconnu par ailleurs. D'aprs Tarn, The Greeks in Bactria and India (1951), p. 147, 234, il pourrait s'agir de la rgion comprise entre la Surastrne et la Patalne, y compris l'le de Cutch.

    (58) Strabon XV, 1, 73. Le nom du roi qui envoie ces ambassadeurs, Poros, mme s'il est fictif, mais surtout la prsence dans l'ambassade d'un sage indien, Zarmanochegas, originaire de Barygaza et qui devait mettre fin ses jours Athnes o se dressait son monument funraire, orientent vers l'Inde du Nord-Oue&t.

    (59) G. Woodcook, The Greeks in India (1966), p. 143-144. (60) D. Pingree, loc. cit., p. 234 : inscriptions dans les grottes bouddhiques des Ghts occidentaux

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRECO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 45

    Par ailleurs, l'auteur du Priple de la Mer Erythre nous dit qu'au Ier sicle ap. J.-C. des drachmes d'Apollodore et de Mnandre circulaient encore Barygaza61 et qu'en Surastrne on pouvait encore voir les signes de l'expdition d'Alexandre, comme des anciens temples, des fortifications et des puits profonds 62.

    Malgr l'absence d'informations concernant plus prcisment la rgion d'Ujjain, il apparat que la limite la plus mridionale qu'auraient pu atteindre les diverses expditions des Indo-grecs se situe proximit de la route reliant Barygaza Pataliputra et qu'ainsi Ujjain aurait pu tomber de faon pisodique dans leur sphre d'influenee. Quoi qu'il en soit, mme si l'hypothse d'une domination politique grecque en Avanti reste frag'le, il n'en demeure pas moins que des changes commerciaux sinon culturels ont exist entre diffrentes rgions de l'Inde et la Bactriane.

    Cette conclusion est confirme par la fouille d'A Khanoum qui a livr divers objets dont l'origine indienne est indniable : monnaies indiennes poinons multiples63 dont le nom indien Krspana figure, transcrit en grec , sur des vases dans lesquels tait conserve la caisse du palais64, monnaies indo-grecques lgende bilingue65, disque de plaquettes de nacre incrustations de verres colors66, ainsi que certaines pierres semi-prcieuses, notamment des agates, des onyx veins et des cornalines, toutes pierres sans doute originaires du Nord-Ouest du Deccan, de la valle de la Nerbudda et de la rgion de Cambay67. Or Ujjain se situe proximit immdiate de la valle de la Nerbudda, au Nord de celle-ci, et a pu voir transiter certains de ces produits destination de la Bactriane68. Ajoutons que les changes entre la Bactriane et l'Inde ne sont pas le fait de la seule priode hellnistique, mais s'inscrivent dans une tradition plus ancienne remontant l'ge du bronze69, l'exemple le mieux connu tant reprsent par les trouvailles de la fouille de Shortugha70.

    Si, quittant l'Inde, nous tournons les yeux vers l'Occident nous voyons qu'en Egypte Syne (Assouan) et Brnice prsentent une latitude voisine de 24. La

    concernant des donations des Yavanas, ou Grecs, de Dhenukkata ; cf. D. D. Kosambi, Dhenukkata , J. Asiatic Soc. Bombay, 30, 2 (1955), p. 50-71.

    (61) The Periplus of the Erythraean Sea, d. W. H. Schoff (2e d., 1974), 47, p. 41-42. (62) The Periplus, 41, p. 39. Il ne peut s'agir, bien videmment d'Alexandre, qui n'est jamais venu

    jusque l, mais peut-tre des Grecs qui lui ont succd en Asie Centrale. (63) R. Audouin, P. Bernard, Trsor de monnaies indiennes et indo-grecques d'A Khanoum

    (Afghanistan) , RN (1973), p. 238-289 ; ibid. (1974), p. 7-41 ; P. Bernard, CRAI (1978), p. 453-454. (64) P. Bernard, CRAI (1980), p. 448. (65) R. Audoin, P. Bernard, RN (1974), p. 7-41. (66) P. Bernard et Cl. Rapin, BEFEO 68 (1980), p. 29-36. (67) P. Bernard, CRAI (1978), p. 456. Cf. aussi J. W. MacCrindle, Ancienl India as Described in

    Classical Literature (1901, reprint 1971), p. 130, n. 3 : selon le Dr V. Bail, Ujjain, entre autres, pourrait avoir t producteur de calcdoine. Nombreuses indications galement dans le Priple de la mer Erythre avec un riche commentaire de Schoff.

    (68) Au Ier sicle de notre re la soie est amene Barygaza par la Bactriane, en passant vraisemblablement par Taxila, Mathura, Ujjain ; cf. The Periplus, 64, p. 48, 270.

    (69) B. Lyonnet, Dcouverte de sites de l'ge du bronze dans le Nord de l'Afghanistan : leurs relations avec la civilisation de l'Indus , Annali del Istilulo Orientale di Napoli, 37 (1977), p. 19-35.

    (70) Sur l'installation harappenne Shortugha cf. H. P. Francfort, M. H. Pottier, Sondages prliminaires sur l'tablissement protohistorique harappen et post-harappen de Shortugha (Afghanistan du N.-E.), Arts Asiatiques 34 (1978), p. 29-79.

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    place qu'occupe Syne dans les sources astronomiques anciennes donne incontestablement l'avantage cette dernire.

    ratosthne fut l'un des premiers utiliser la position de Syne dans ses travaux de gographie71. Nomm par Ptolme vergte conservateur de la bibliothque d'Alexandrie, poste qu'il occupa sans doute jusqu' sa mort (vers 194 av. J.-C), il dfinit le mridien72 et le parallle73 de Syne et valua la mesure de la circonfrence terrestre partir de la distance sparant Syne d'Alexandrie74. Ces informations diffuses vers la fin du me sicle av. J.-C. constituent vraisemblablement la source des nombreuses mentions de Syne que l'on rencontre postrieurement dans la littrature antique. Il y est dit que Syne est situe sous le tropique d't75. C'est pourquoi le jour du solstice d't, midi, le soleil y passe au znith76 et ne projette pas d'ombre77; le gnomon reste sans ombre78, le fond des puits est clair79. A en croire le roman d'HLiODORE Les thiopiques , les cadrans solaires ainsi que le nilomtre de Syne constituaient un spectacle digne d'intrt80.

    Indpendamment de sa position particulire sous le tropique et des consquences qui en dcoulent, l'importance accorde Syne dans la littrature ancienne s'explique aussi par l'intrt que les Grecs portaient la valle du Nil. La curiosit scientifique suscite par le problme des causes de la crue du Nil, les travaux des cartographes81, avec, comme support le rle culturel jou par Alexandrie, bnficirent de la stabilit politique instaure par la dynastie des Lagides. A aucun moment de son histoire la rgion de Syne n'chappera la domination de ceux-ci. Paralllement une activit

    (71) Pour ratosthne on consultera l'dition commente de H. Berger, Die geographischen Fragmente des Eratosthenes (1880) d'aprs laquelle nous citons. L'uvre antique qui nous renseigne le plus sur la gographie d'ratosthne est celle de Strabon : cf. G. Aujac, Srabon et la science de son temps (1966).

    (72) ratosthne A 39 (Strabon , 5, 7). (73) ratosthne III A 19 (Strabon II, 5, 36). (74) Un texte de Clomde {De motu circulari corporum caelestium I, 10, 3-4) prcise que c'est l'aide

    de gnomons, dont il mesura la longueur de l'ombre le jour du solstice d't midi Syne ( = 0) et Alexandrie (l/50e de cercle), qu' ratosthne calcula la circonfrence de la terre; cf. ratosthne II 22, 15, II 16 ; H. Berger, op. cit., p. 141-142 : la circonfrence de la terre gale 252.000 stades (valeur arrondie de 250.000, afin d'obtenir un multiple de 60). Pour Clomde on dispose maintenant de l'excellente dition commente de R. Goulet (1980).

    (75) Strabon II, 2, 2 ; II, 5, 7 ; II, 5, 35. En fait, Syne est trs sensiblement au nord du tropique : 24 5'. ratosthne la situait 24 et Ptolme 23 50'. A noter que la valeur du tropique tait de 23 43' l'poque hellnistique.

    (76) Hipparque 47 (Strabon II, 5, 36) ; Pline l'Ancien II, 75 (73). (77) Pline l'Ancien II, 75 (73) ; Lucain II, 587, dit que, le jour du solstice, l'ombre ne tourne pas

    autour des objets. (78) Strabon II, 5, 7 ; Hliodore IX, 22, 4. (79) Strabon XVII, 1, 48 ; Pline l'Ancien II, 75 (73) ; Arrien VIII. 25, 7 ; Hliodore IX, 22, 4. (80) Hliodore IX, 22, 2-4. La traduction de par aiguille de cadran solaire dans l'dition

    R. Flacelire de Plutarque, Sur la disparition des oracles (1974) 4, 411, ou par cadran solaire dans celle de J. Maillon, des thiopiques d'HLiODORE (1960), IX, 22, 4 prte confusion. Car si les aiguilles des cadrans solaires ne projettent pas d'ombre le jour du solstice d't midi, cela implique qu'il s'agit de cadrans stylet vertical. Une traduction par gnomon, pris au sens originel de tige verticale, est plus approprie.

    (81) ratosthne a pu s'inspirer des travaux d'un certain Philon (Fr. Jacoby, FGrH, 670 F 2, mentionn par Strabon II, 1, 20). Ce Philon avait explor l'Ethiopie et mesur Mro (16-17) l'ombre du gnomon aux solstices et l'quinoxe. Sur ce personnage cf. maintenant J. Desanges, Recherches sur V activit des Mditerranens aux confins de V Afrique (1978), p. 248-251.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 47

    commerciale intense se dveloppa sous l'impulsion de la capitale. La fouille d'A Khanoum n'a certes livr aucun objet en provenance d'Egypte, bien qu'une route relit la Mditerrane orientale l'Inde en traversant le royaume sleucide et la Bactriane82. Cependant, la prsence d'un nom thophore isiaque A Khanoum83 tmoigne indirectement du rayonnement de la culture ptolmaque jusque dans l'Asie Centrale, porte par le relais de la civilisation sleucide84.

    La ville de Syne tait donc prsente l'esprit de tout Grec s'occupant d'astronomie. On peut admettre qu'Ujjain n'tait, de son ct, pas inconnue des colons grecs de Bactriane. On peut alors imaginer qu'un voyageur, frapp par un instrument de ce type qu'il aurait vu dans l'une ou l'autre de ces villes, en ait copi les caractristiques et qu'il ait voulu offrir au gymnase de la ville un cadran analogue. Insuffisamment rompu aux problmes de la gnomonique, il aurait fait faire un cadran avec l'inclinaison correcte correspondant la latitude d'A Khanoum sans se rendre compte, cependant, que le trac des lignes horaires aurait d lui aussi tre modifi. Cette explication n'chappe pas, elle non plus, aux objections. Ujjain, dans la perspective de cette hypothse, nous semble exclue car il n'est pas probable qu' une date aussi haute la gnomonique indienne ait t en mesure d'laborer un instrument de conception aussi sophistique. Mais Syne l'est tout autant car ce n'est pas Syne, qui n'avait rien d'un centre intellectuel, que notre voyageur aurait d trouver ce type si original de cadran, mais Alexandrie et Alexandrie le cadran n'aurait pas eu un systme de lignes horaires correspondant la latitude de Syne.

    Retrouver le tropique du Cancer inscrit dans un cadran solaire fait pour une ville d'Asie Centrale reste donc inexplicable, moins que l'on n'accepte de voir dans celui-ci non pas un instrument utilitaire fonction que remplissait au gymnase d'A Khanoum le cadran hmisphrique ordinaire , mais un appareil destin l'enseignement de la thorie des horloges solaires qui aurait permis de visualiser la diffrence horaire entre A Khanoum et Syne85. Si l'on refuse cette explication il ne

    (82) De mme, sur le bazar de Caboul, les objets en provenance du nord de l'Afghanistan et d'origine gyptienne (imports ou copis) sont rarissimes ; rcemment on a pu y voir une intaille l'effigie de Srapis et une pierre de pendentif orne d'un scarabe.

    (83) P. Bernard, CRAI (1972), p. 618-619. Dans le mausole funraire hors-les-murs trois jarres portaient, inscrits l'encre, les noms des dfunts dont elles contenaient les restes ; parmi ceux-ci une Isidora .

    (84) Cf. une statuette d'Isis provenant de Nehavend-Laodice de Mdie : R. Ghirshman, Parthes et Sassanides, fig. 23, et la mention d'un sanctuaire de Srapis dans une inscription grecque de l'Iran : L. Robert, Hellenica - (1960), p. 84-91.

    (85) On notera que Ptolme mentionne Alexandrie des armilles quatoriales pour le reprage des quinoxes la palestre et dans le portique ttragone : Math. Syntaxis, d. Halma-Delambre III, 2, p. 153, 155. P. Bernard n'est pas loin de penser que la prsence d'un cadran quatorial A Khanoum n'est pas trangre la visite qu'y ft le philosophe Clarque de Soles au dbut du uie sicle av. J.-C. : sur cette visite, cf. L. Robert dans P. Bernard et autres, Fouilles d'A Khanoum I, p. 211 sq. Il formule ainsi cette ide dont il m'a fait part : Clarque, en fidle disciple d'Aristote, avait abord les problmes d'astronomie comme l'atteste la thorie qu'il avait invente pour expliquer l'aspect de visage humain que prsente la lune. Le rle du mridien et du parallle de Syne dans les conceptions astronomiques grecques ne lui tait donc pas inconnu. Il est d'autre part difficile de ne pas tablir un lien entre notre cadran et la de Delphes mentionne par Plutarque (cf. ci-aprs n. 86), alors mme que Clarque entretenait des rapports troits avec ce sanctuaire pour les recherches qu'il avait effectues sur les fameuses maximes. Il ne s'agit pas de demander cet ensemble de faits convergents une certitude ; du moins rendent-ils plausibles, selon P. Bernard, l'hypothse selon laquelle le cadran quatorial pourrait tre un souvenir du passage de Clarque A Khanoum tout comme la copie

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    restera plus qu' admettre que la latitude de 23 7' correspondant aux lignes horaires de notre cadran rsulte d'une erreur de conception ou d'une malfaon dans la taille.

    4. Identification.

    La mention d'un cadran au moins partiellement similaire au ntre est livre par un passage de Plutarque dans Sur la disparition des oracles86 o, pour illustrer l'ide selon laquelle de menus faits peuvent tre le signe de choses importantes , est donn en exemple un instrument fix sur le sol de l'esplanade du temple de Delphes et nomm , c'est--dire ayant une forme en quadrilatre voquant celle d'une brique, dont l'angle aigu qu'il fait avec le sol passe pour mesurer la hauteur entre l'horizon et le ple qui est toujours visible . A cette identification on opposera que dans le corpus de Sh. Gibbs figure un seul exemplaire rpondant au principe des cadrans quatoriaux inclins selon l'angle de la latitude (sans trou toutefois)87, alors que l'antiquit chinoise n'a connu que ce type de cadran88. On objectera aussi que dans le texte de Plutarque, rien n'indique que le plan du cadran ft perc d'un trou comparable celui de l'exemplaire d'A Khanoum. Faut-il alors identifier ce dernier comme le plinthium sive lacunar dfini par Vitruve89? Malgr les divergences d'opinion auxquelles a donn lieu l'interprtation du texte de \ritruve90, il semblerait que notre cadran, dont l'aspect extrieur s'apparente une brique et dont le fonctionnement ncessite l'existence d'un trou, rponde de faon satisfaisante cette dfinition car les deux termes peuvent s'appliquer lui et il les rend compatibles l'un avec l'autre. D'aprs Vitruve, qui crit la fin du Ier sicle av. J.-C, il en subsistait un exemplaire au cirque de Flaminius et son invention tait attribuer Scopinas de Syracuse91.

    Mme si l'on carte l'identification avec le plinthium sive lacunar de Vitruve dont le Syracusain Scopinas aurait t l'inventeur, l'intrt de notre cadran ne s'en trouvera pas diminu. L'instrument est d'une conception trop originale pour avoir t conu ailleurs que dans l'un des grands centres de la Mditerrane grecque. Sa prsence A Khanoum n'en tmoigne que mieux de la diffusion des connaissances astronomiques l'intrieur du monde hellnis, jusque dans ses provinces les plus recules, et de l'attention que portaient les colons grecs d'Asie Centrale la

    des aphorismes delphiques qu'il avait consacre dans l'enceinte de l'hron de Kinas. S'il n'tait pas lui-mme l'inventeur de ce type de cadran (cf. ci-aprs p. 48), il a pu, du moins, en apporter la formule aux Grecs de la lointaine colonie. Le don fait l'universit de la ville de cet instrument rare, excut par un artisan local sur ses instructions, aurait bien convenu cet esprit original et fertile, capable d'laborer, propos de l'apparence de la lune, une thorie personnelle tout fait neuve (Plutarque, 920 e).

    (86) 410 E, 3. (87) Gibbs, op. cit., n 5022 G, p. 84, 363, pi. 59. (88) J. Needham, Science and Civilisation in China (1959), 3, p. 302-309. (89) Vitruve, De architecture IX, 8, 1. Cette identification a t propose par P. Bernard, CRA1

    (1976), p. 301-302. (90) Commentaire de l'd. Soubiran du livre IX de Vitruve, n. 8, p. 252-253 ; Gibbs, op. cit., p. 61. (91) Scopinas de Syracuse n'est connu que par Vitruve qui le cite aux cts d'autres grands savants

    tels qu'Aristarque, Philolaos, Archytas, Apollonios de Perg, ratosthne et Archimde, inventeurs de la mcanique et de la gnomonique antiques.

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    gnomonique au cours du 111e et du 11e sicle av. J.-G. Mme si l'on ne va pas jusqu' prtendre que sa mise au point marque une tape dterminante dans le dveloppement de l'art de la gnomonique, dans la mesure o, pour l'instant, il demeure exceptionnel, et o la construction de son analemne ne met pas en jeu des connaissances astronomiques nouvelles pour l'poque, ce cadran rvle nanmoins la parfaite matrise qu'avaient les Grecs des phnomnes astronomiques essentiels, et le parti remarquable qu'ils ont su tirer d'un simple agencement diffrent des donnes inhrentes la construction de tout cadran solaire.

    On ne saurait conclure cette tude sans voquer l'pineuse question du rapport entre les astronomies grecque et indienne. On sait que l'laboration de l'astronomie indienne a fait largement appel des apports extrieurs d'origine grecque et grco- babylonienne. Les traits astronomiques indiens eux-mmes se font l'cho de ces emprunts. Les plus anciens d'entre eux remontent une date relativement tardive92, ce qui, en soi, constitue un lment favorable l'hypothse de la transmission des connaissances astronomiques occidentales vers l'Inde et non l'inverse. Comme la grecque, l'astronomie indienne soutient que les phnomnes clestes obissent un systme de mouvements circulaires rguliers93 s'ordonnant autour de la terre qui est suppose constituer le centre de l'univers. De mme le mouvement des plantes et le calcul de leur position obit un systme d'picycles et d'excentriques94; le cercle des rvolutions astrales est divis en signes du zodiaque dsigns par des termes quivalents95, en degrs, minutes et secondes96. Le temps est dcoup en semaines dont les jours sont placs sous la protection des mmes plantes, prises dans le mme ordre de succession97, et la table des sinus indienne est drive de la grecque98. L'origine de certains termes techniques sanskrits dnote, sans quivoque, une origine grecque : ainsi en est-il de lipta, minute , () ; apoklima, inclinaison , () ; hora, heure, horoscope , () ; jyamitra, diamtre , () ; drkna, dcan , (). D'autre part certains traits indiens voquent plus ouvertement le rle jou par les Grecs, dsigns sous le nom de Yavanas. L'un d'eux, parmi les plus importants, le Srya Siddhnta (ve-vie s. ap. J.-G.), est cens avoir t rvl au dmon Maya par le Soleil rincarn sous la forme d'un barbare dans la ville de Romaka (Rome ou Byzance)99. L'astronome Varha Mihira (vie sicle ap. J.-G.) dclarait que les Grecs sont des barbares mais chez eux l'astronomie est florissante 100. D'aprs Albiruni, le Paulisasiddhnta tait l'uvre d'un Grec que l'on identifie avec Paulus d'Alexandrie101.

    (92) R. Billard, L'astronomie indienne {Public, de l'EFEO, 83, [1971]), p. 122. (93) A une exception prs : Srya Siddhnta II, 50-51 (d. E. Burgess, JAOS 6 [1860], p. 141-498). (94) Srya Siddhnta II, 34-35. (95) Srya Siddhnta I, 58 et p. 181. (96) Srya Siddhnta , 28. (97) Srya Siddhnta I, 51-52. (98) Srya Siddhnta I, p. 196-201, 429-431. (99) Srya Siddhnta, p. 147. (100) Brhat Sanhita II, 15 (d. Kern) cit par O. Neugebauer, The Exact Sciences in Antiquity (2e d.

    1957), p. 174. (101) AlberunVs India d. E. C. Sachau (1910) I, p. 153 ; Pulisa-siddhnta, so-called from Paulisa, the

    Greek, from the city of Saintra, which I suppose to be Alexandrie, composed by Pulisa ; Brahmagupta mentionne, entre autres, l'existence de Siddhntas grecs : ibid., p. 266 : Pulisa says in his Siddhnta : Paulisa the Greek says somewhere that the earth has a globular shape . Toutefois selon Pingree, loc. cit., p. 237, n. 63, ce Pulisa ne serait pas l'astrologue alexandrin du ive sicle ap. J.-C.

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    L'poque qui est l'origine de. la diffusion des connaissances astronomiques grecques vers l'Orient n'est pas aise dterminer : le fait que les Indiens ignorent certaines innovations dues Ptolme, notamment sur le mouvement de la lune102, permet toutefois d'avancer que leurs sources grecques les plus anciennes remontent la priode hellnistique et Hipparque. La pntration des conceptions astronomiques dans l'Inde antrieurement l'poque de Ptolme serait confirme par la traduction en sanskrit par Yavanesvara (vers 150 ap. J.-G.) d'un texte astrologique crit Alexandrie cinquante ans auparavant103.

    Des tudes rcentes104 ont par ailleurs dmontr la place importante qui revient aux thories babyloniennes de l'poque sleucide dans la constitution de l'astronomie et de l'astrologie indiennes. Le tithi que l'on rencontre dans les traits indiens105 et qui correspond un trentime de la rvolution synodique de la lune joue un rle identique dans les tablettes babyloniennes de la priode sleucide106. Selon ratosthne et Hipparque cits par Strabon107, les ambassadeurs sleucides Mgasthne et Damachos, qui sjournrent dans la capitale Maurya de Pataliputra, avaient fait des observations l'aide de gnomons dans l'Inde. Le systme linaire des paramtres utilis dans certains ouvrages indiens pour la thorie des plantes ou la tabulation de l'allongement et de la diminution de l'ombre du gnomon108 dnote clairement une origine babylonienne. L'important est que ces conceptions babyloniennes se sont transmises non pas directement mais par l'intermdiaire d'ouvrages grecs. Il semble bien, en effet, que certains astronomes grecs aient ignor ou rejet la thorie des picycles et des excentriques dveloppe par Apollonios, Hipparque et Ptolme109, et qu'ils aient utilis un systme babylonien rnov; l'un de leurs traits, au moins, tait parvenu jusqu'en Inde110. L'extension de l'empire sleucide jusqu'en Asie Centrale et la prsence de royaumes grecs qui lui succdrent de l'Oxus l'Inde du Nord-Ouest jusqu'au dbut du Ier sicle av. J.-C, tablissaient des conditions historiques favorables la propagation de ces thories venues du bassin mditerranen et de la Msopotamie hellnise. Une indication venant renforcer cette hypothse est fournie par l'utilisation qu'ont faite les Indiens du rapport 3/2 entre le jour le plus long et le jour le plus court, qui est prcisment celui de Babylone111. Ce rapport n'tant valable que pour l'extrmit Nord-Ouest de l'Inde, il y a lieu de penser que c'est dans cette rgion contrle par les Grecs pendant prs d'un sicle et demi qu'il a d'abord t adopt avant de se gnraliser l'Inde toute entire.

    (102) Srya Siddhnla, II, 43-45 et p. 474 ; O. Neugebauer, op. cit., p. 175-176. (103) D. Pingree, Isis (1963), p. 234-235. (104) Par O. Neugebauer et D. Pingree notamment. On trouvera les rfrences dans D. Pingree,

    loc. cit., p. 229-240. (105) D. Pingree, loc. cit., p. 231, n. 15. (106) O. Neugebauer, Astronomical Cuneiform Texts (1955) I, p. 40; D. Pingree, loc. cit., p. 231, n. 20. (107) Strabon II, 1, 4 sq ; cf. D. Pingree, loc. cit., p. 232, n. 25. (108) O. Neugebauer, Osiris 2 (1936), p. 517 ; Exact Sciences, p. 157 sq. ; D. Pingree, JAOS 79 (1959),

    p. 282-284. (109) D. Pingree, Isis 54 (1963), p. 236 sq. (110) D. Pingree, ibid., p. 234-237 (cf. le trait de Yavanesvara). (111) O. Neugebauer, Osiris 2 (1936), p. 517 ; Exact Sciences, p. 183 ; D. Pingree, Isis 54 (1963), p. 232.

  • 1982] CADRANS SOLAIRES GRCO-BACTRIENS A KHANOUM (AFGHANISTAN) 51

    La dcouverte A Khanoum de cadrans solaires qui impliquent la connaissance des lments de base de l'astronomie et de la gographie mathmatique grecques vient donc tayer, nous semble-t-il, l'hypothse d'une transmission de certaines donnes de la science astronomique grecque et grco-babylonienne vers l'Inde, par l'intermdiaire des colonies grecques de l'Asie Centrale, au cours de la priode hellnistique. Cette supposition qui ne parat plus aujourd'hui invraisemblable a, certes, encore besoin d'tre confirme par de nouvelles dcouvertes. Esprons que celles faites au gymnase d'A Khanoum ne sont pas les dernires qu'il aura t donn aux archologues franais de faire dans la Bactriane afghane pour clairer les rapports entre l'hellnisme et les cultures locales de l'Asie Centrale et de l'Inde.

    Serge Veuve.

    InformationsAutres contributions de Serge VeuveCet article cite :Paul Bernard, Rmy Audouin. Trsor de monnaies indiennes et indo-grecques d'A Khanoum (Afghanistan). , Revue numismatique, 1974, vol. 6, n 16, pp. 6-41.

    Cet article est cit par :Savoie Denis. Le cadran solaire grec dA Khanoum : la question de lexactitude des cadrans antiques. In: Comptes-rendus des sances de l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, 151e anne, N. 2, 2007. pp. 1161-1190.

    Pagination2324252627282930313233343536373839404142434445464748495051

    IllustrationsFig. 1. Cadran n 1 : vue de face.Fig. 2. Cadran n 1 : vue de trois quarts droit.Fig. 3. Cadran n 1 : vues latrales droite et gaucheFig. 4. Cadran n 1 : vue de dessusFig. 5. Cadran n 1 : coupe sur le plan mridienFig. 6. Cadran n 1 : analemme partiel.Tableau de mesures des divisions horaires.Fig. 7. Cadran n 2 complt avec un stylet moderne.Fig. 8. Cadran n 2 : face A.Fig. 9. Cadran n 2 : face B.Fig. 10. Cadran n 2 : face AFig. 11. Cadran n 2 :, coupe sur le plan mridienFig. 12. Cadran n 2 : dveloppement des lignesFig. 13. Cadran n 14 : expression de la latitude.

    PlanI. Cadran solaire n1 II. Cadran solaire n 2