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BATTISTA c. ITALIE du 2 décembre 2014 requête n° 43978/09 Violation de l'article 2 du Protocole 4 de la Convention : retirer le passeport pour empêcher le requérant de partir à l'étranger sous le prétexte qu'il a une pension alimentaire à payer est contraire au droit de circuler. 35. La Cour observe tout d’abord que la présente affaire soulève une question nouvelle, puisqu’elle n’a pas eu encore l’occasion de se pencher sur les mesures restreignant la liberté de quitter un pays en raison de l’existence de dettes envers un tiers ayant une importance particulière, comme les obligations alimentaires. 36. Dans de précédentes affaires examinées sous l’angle de l’article 2 du Protocole no 4, la Cour ou l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme se sont intéressées à de telles interdictions, prononcées par exemple dans le contexte : d’une procédure pénale en cours (Schmidt c. Autriche, no 10670/83 , décision de la Commission du 9 juillet 1985, Décisions et rapports (DR) 44, p. 195 ; Baumann c. France, no 33592/96 , CEDH 2001-V ;Földes et Földesné Hajlik c. Hongrie, no 41463/02 , CEDH 2006-XII ; Sissanis c. Roumanie, no 23468/02 , 25 janvier 2007 ; Bessenyei c. Hongrie, no 37509/06 , 21 octobre 2008 ; A.E. c. Pologne, no 14480/04 , 31 mars 2009 ; Iordan Iordanov et autres c. Bulgarie, no 23530/02 , 2 juillet 2009 ; Makedonski c. Bulgarie, no 36036/04 , 20 janvier 2011 ; Pfeifer c. Bulgarie, no 24733/04 , 17 février 2011 ; Prescher c. Bulgarie, no 6767/04 , 7 juin 2011 ; et Miażdżyk c. Pologne, no 23592/07 , 24 janvier 2012) ;

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BATTISTA c. ITALIE du 2 dcembre 2014 requte n 43978/09Violation de l'article 2 du Protocole 4 de la Convention : retirer le passeport pour empcher le requrant de partir l'tranger sous le prtexte qu'il a une pension alimentaire payer est contraire au droit de circuler.35.La Cour observe tout dabord que la prsente affaire soulve une question nouvelle, puisquelle na pas eu encore loccasion de se pencher sur les mesures restreignant la libert de quitter un pays en raison de lexistence de dettes envers un tiers ayant une importance particulire, comme les obligations alimentaires.36.Dans de prcdentes affaires examines sous langle de larticle2 du Protocole no4, la Cour ou lancienne Commission europenne des droits de lhomme se sont intresses de telles interdictions, prononces par exemple dans le contexte:dune procdure pnale en cours (Schmidt c. Autriche, no10670/83, dcision de la Commission du 9 juillet 1985, Dcisions et rapports (DR)44, p.195;Baumann c. France, no33592/96, CEDH 2001V;Fldes et Fldesn Hajlik c. Hongrie, no41463/02, CEDH2006XII;Sissanis c.Roumanie, no23468/02, 25 janvier 2007;Bessenyei c.Hongrie, no37509/06, 21 octobre 2008;A.E. c. Pologne, no14480/04, 31mars2009;Iordan Iordanov et autres c. Bulgarie, no23530/02, 2juillet2009;Makedonski c. Bulgarie, no36036/04, 20janvier2011;Pfeifer c. Bulgarie, no24733/04, 17 fvrier 2011;Prescher c.Bulgarie, no6767/04, 7 juin 2011; etMiadyk c. Pologne, no23592/07, 24janvier2012);de lexcution dune peine (M. c. Allemagne, no10307/83, dcision de la Commission du 6 mars 1984, DR 37, p.113);de la condamnation de lintress pour une infraction pnale, tant quil naurait pas t rhabilit (Nalbantski c.Bulgarie,no30943/04, 10fvrier2011);dune procdure de faillite en cours (Luordo c. Italie, no32190/96, CEDH 2003IX);du refus de payer une amende douanire (Napijalo c.Croatie, no66485/01, 13 novembre 2003);dun manquement acquitter un impt (Riener c.Bulgarie, no46343/99, 23 mai 2006);dun manquement rembourser un crancier priv une dette tablie par une dcision judiciaire (Ignatov c. Bulgarie, no50/02, 2 juillet 2009, etGochev c. Bulgarie, no34383/03, 26 novembre 2009;Khlyustov c.Russie, no28975/05, 11 juillet 2013);de la connaissance de secrets dtat (Bartik c. Russie, no55565/00, CEDH 2006XV);du dfaut daccomplissement des obligations du service militaire (Peltonen c. Finlande,no19583/92, dcision de la Commission du 20fvrier1995, DR 80A, p.38, etMarangos c. Chypre,no31106/96, dcision de la Commission du 20 mai 1997, non publie);de la maladie mentale de lintress, associe labsence de dispositif permettant sa prise en charge adquate dans ltat de destination (Nordblad c.Sude, no19076/91, dcision de la Commission du 13 octobre 1993, non publie);dune dcision judiciaire interdisant demmener un enfant mineur ltranger (Roldan Texeira et autres c. Italie(dc.), no40655/98, 26octobre 2000, etDiamante et Pelliccioni c. Saint-Marin, no32250/08, 27septembre2011);de linterdiction faite un Bulgare de quitter le territoire national pendant deux ans pour avoir viol les lois des tats-Unis en matire dimmigration (Stamose c. Bulgarie, no29713/05, CEDH 2012).La Cour considre que malgr les diffrences entre ces affaires et la prsente, les mmes principes sont ici applicables.37.Larticle2 2 du Protocole no4 garantit toute personne le droit de quitter nimporte quel pays pour se rendre dans nimporte quel autre pays de son choix o elle est susceptible dtre admise. Le refus de dlivrer un passeport au requrant et lannulation de sa carte didentit pour les voyages ltranger par les juridictions internes sanalysent en une atteinte ce droit (voir la dcision prcitePeltonen,p.43, et les arrts prcitsBaumann,62-63,Napijalo, 69-73, etNalbantski, 61). Ds lors, il convient de dterminer si cette atteinte tait prvue par la loi, poursuivait un ou plusieurs des buts lgitimes dfinis larticle2 3 du Protocole no4, et si elle tait ncessaire dans une socit dmocratique la ralisation de ce ou ces buts.38.En ce qui concerne la lgalit de cette mesure, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle lexpression prvue par la loi non seulement impose que la mesure incrimine ait une base en droit interne, mais vise aussi la qualit de la loi en cause: celle-ci doit tre accessible au justiciable et prvisible quant ses effets (Rotaru c. Roumanie[GC], no28341/95, 52, CEDH 2000-V). Afin que la loi satisfasse la condition de prvisibilit, elle doit noncer avec suffisamment de prcision les conditions dans lesquelles une mesure peut tre applique, et ce pour permettre aux personnes concernes de rgler leur conduite en sentourant au besoin de conseils clairs.39.Comme le souligne le Gouvernement, lingrence reposait sur larticle12 de la loi sur les passeports du 21 novembre 1967 (no1185), telle que modifie par la loi no3 de 2003, en relation avec le fait que le requrant ne sacquittait pas de la pension alimentaire quil tait tenu de verser lgard de ses enfants. Lingrence possdait ainsi clairement une base lgale en droit interne. A cet gard, la Cour note galement que la Cour constitutionnelle, dans son arrt no0464 de 1997, a affirm que lessence de larticle en question de la loi no1185 de 1967 est de garantir que le parent remplisse ses obligations lgard de ses enfants.40.La Cour estime galement que limposition de la mesure en question tend garantir les intrts des enfants du requrant et quelle poursuit en principe un objectif lgitime de protection des droits dautrui dans le cas prsent, ceux des enfants qui doivent recevoir la pension alimentaire.41.Pour ce qui est de la proportionnalit dune restriction impose au motif de dettes impayes, la Cour rappelle que pareille mesure ne se justifie quaussi longtemps quelle tend lobjectif poursuivi de garantir le recouvrement des dettes en question (Napijalo,prcit, 78 82). Par ailleurs, ft-elle justifie au dpart, une mesure restreignant la libert de circulation dune personne peut devenir disproportionne et violer les droits de cette personne si elle se prolonge automatiquement pendant longtemps (Luordo,prcit, 96, etFldes et Fldesn Hajlik, prcit, 35)42.En tout tat de cause, les autorits internes ont lobligation de veiller ce que toute atteinte porte au droit dune personne de quitter son pays soit, ds le dpart et tout au long de sa dure, justifie et proportionne au regard des circonstances. Elles ne peuvent prolonger longtemps des mesures restreignant la libert de circulation dune personne sans rexaminer priodiquement si elles sont justifies (Riener,prcit, 124, etFldes et Fldesn Hajlik, prcit, 35). Ce contrle doit normalement tre assur, au moins en dernier ressort, par le pouvoir judiciaire, car il offre les meilleures garanties dindpendance, dimpartialit et de rgularit des procdures (Sissanisc. Roumanie, no23468/02, 70, 25 janvier 2007). Ltendue du contrle juridictionnel doit permettre au tribunal de tenir compte de tous les lments, y compris ceux lis la proportionnalit de la mesure restrictive (voir, mutatis mutandis,Le Compte, Van Leuven et De Meyere c.Belgique, 23 juin 1981, 60, srie A no43).43.Se tournant vers les circonstances de lespce, la Cour remarque que le requrant na plus de passeport, ni de carte didentit valable pour ltranger depuis 2008. Elle note que le requrant sest vu refuser la dlivrance dun passeport et dune carte didentit valable pour ltranger cause du non-paiement de la pension alimentaire. Les juridictions internes (paragraphes11-12 ci-dessus) ont soulign que le requrant ne stait pas acquitt de la pension alimentaire quil tait tenu de verser au titre de ses enfants et quil y avait un risque quil ne la paye plus en se rendant ltranger.44.Ainsi quil ressort du dossier et notamment des dcisions nationales pertinentes, les juridictions internes nont pas jug ncessaire dexaminer la situation personnelle de lintresse, ni sa capacit sacquitter des sommes dues et ont appliqu la mesure litigieuse de manire automatique. Dans lespce, aucune pondration des droits en cause ne semble avoir t faite. Seuls les intrts patrimoniaux des bnficiaires des aliments ont t pris en considration.45.Par ailleurs, la Cour constate que la question du recouvrement des crances alimentaires fait lobjet dune coopration en matire civile au niveau europen et international. Elle rappelle quil existe des moyens susceptibles de parvenir au recouvrement du crdit en dehors des frontires nationales, en particulier le Rglement (CE) no4/2009 du Conseil du 18dcembre 2008 relatif la comptence, la loi applicable, la reconnaissance et lexcution des dcisions et la coopration en matire dobligations alimentaires, la Convention de La Haye du 23novembre2007 sur le recouvrement international des aliments destins aux enfants et dautres membres de la famille et la Convention de New York sur le recouvrement des aliments ltranger. Ces instruments nont pas t pris en compte par les autorits au moment de lapplication de la mesure litigieuse. Elles se sont limites souligner que le requrant aurait pu se rendre ltranger avec son passeport et se soustraire ainsi son obligation.46.De plus, la Cour note que dans le cas despce, la restriction impose au requrant na pas garanti le paiement de la pension alimentaire.47.Elle estime partant que lintress a t soumis une mesure de caractre automatique, sans aucune limitation quant sa porte ni quant sa dure (Riener,prcit, 127). En outre, il na t procd, par les juridictions internes, aucun rexamen de la justification et de la proportionnalit de la mesure au regard des circonstances de lespce depuis 2008.48.A la lumire de ce qui prcde, la Cour considre que limposition automatique dune telle mesure, pour une dure indtermine, sans prise en compte des circonstances propres lintress, ne peut tre qualifie de ncessaire dans une socit dmocratique.49.Il y a donc eu violation de larticle 2 du Protocole no4 la Convention.