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Balafrée de Michel Robert - 1er chapitre

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Le premier chapitre du nouveau roman de Michel Robert, à paraître en octobre 2010 au Fleuve Noir ! Balafrée n’oublie rien. Ancienne esclave, la fille des Nashaïs se souvient de la mort de sa mère. Elle se souvient aussi du meurtrier, et dans quelle circonstance elle a gagné son surnom. Balafrée n’oublie rien, non. Une mémoire qui fait d’elle une impitoyable guerrière des Clans sauvages, tant l’ensemble de son être se résume en un mot : vengeance. Ici s’ouvre son histoire.

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BALAFRÉE

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MICHEL ROBERT

BALAFRÉELa Fille des Clans, tomeÞ1

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Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part,que les «þcopies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à uneutilisation collectiveþ» et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple oud’illustration, «þtoute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement del’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteþ» (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçonsanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

©þ2010, Fleuve Noir, département d’Univers Poche.ISBNþ: 978-2-265-08864-1

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Pour Bénédicte, qui m’a fait confianceet m’offre un nouvel univers.

Pour Célina, la chevaucheuse de tempête, mon amie.

Pour Vincent, le Cavalier Noir, qui n’aime que les obus.

Et pour So, merveilleuse et unique.Mon égale. Mon inaltérable.

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Ne renonce jamais.

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Chapitre premier

Malken courait. À perdre haleine. Mobilisant toutes sesréserves d’énergie.

Elle sortit de la lisière des arbres, s’engagea dans une prairiede coquelicots, de tulipes et d’astilbes bleutés. Frêle silhouetteau milieu des fleurs colorées, elle traversa le plus vite possible.Un nouveau bois l’attendaitÞ; charmes, chênes rouges, bou-leaux. Trop clairsemé à son goût, mais c’était toujours mieuxque la prairie.

La jeune fille ne profitait pas de la beauté printanière quil’entourait, ces terres vallonnées, ces bois aux verts éclatantsentrecoupés du pourpre profond des prunus, de fougères bleu-tées, riches de fragrances vivifiantes – résine, humus et chèvre-feuille –, ces herbages tapissés de petites fleurs aux couleurschaudes, abreuvés de cours d’eau, le tout surmonté de ce cielcobalt vide de tout nuage.

Malken courait. Pour sa survie. Pour sa liberté.Cette fois, elle était partie au nord, la direction la plus évi-

dente pour une fuite. Elle avait volontairement laissé une tracerepérable jusqu’au pont, balisant son avancée de fausses pistes– de petits morceaux de sa robe qu’elle accrochait à la végéta-tion. Elle avait ensuite remonté la route qui pointait au nord-ouest pour la quitter peu après, sautant dans la rivière qu’elleavait redescendue vers le sud-est, avant d’en sortir, directement

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sur une rive rocheuse, sur laquelle ses pas n’avaient laisséaucune trace. Alors, elle avait obliqué vers l’est, à travers lesbois, en progressant par zigzags.

Elle évitait soigneusement les sentiers, préférant couper àtravers la verdure. Les broussailles et les ronces griffaient sesjambes nues – la jeune fille avait taillé le bas de sa robe de burepour faciliter sa course –, et ses bottes de cuir grossiercommençaient à rendre l’âme, les cailloux meurtrissant sespieds fins à travers cette protection de plus en plus dérisoire.Cependant, Malken chassait la douleur au fin fond de sonesprit, dans la grotte mentale qu’elle avait conçue dans ce butunique. La souffrance, elle connaissait bien. À force de lacôtoyer, elle avait appris à l’apprivoiser, pour, peu à peu, enfaire une complice.

Vivre c’est souffrir et souffrir c’est vivre. Tel était l’adageinculqué chaque jour par les geôliers humains à leurs pension-naires du camp d’internement.

Brise-Espoir… ce terme était si bien choisi pour définirl’endroit où elle avait été emprisonnée, avec sa mère.

Brise-Espoir, une abomination créée par l’Empire de Lumière,nichée au fond de cette verdoyante vallée.

Aucune de celles qui avaient tenté de s’enfuir de cet enfern’avait réussi. Malken avait décidé d’être la première.

Elle savait où aller – à peu près. Vers l’est. Moraagh, lavieille Trolkh, lui avait fait mémoriser un trajet précis destiné àla faire sortir de la cuvette où reposait la vallée des Humains.Dépasser le camp des bûcherons, le premier point de repèrequ’elle devait longer sur la droite, puis atteindre les champs detabac, jusqu’à gagner les ruines de l’abbaye. Une fois là-bas,obliquer vers le sud-est, trouver le torrent qu’elle était censéeremonter jusqu’à la cascade. Enfin là, franchir le col quimenait hors de la vallée en empruntant le sentier de chèvresqui partait sur la droite du point d’eau. Cet itinéraire, lemeilleur possible pour déjouer les nombreuses patrouillesimpériales, la Trolkh chamanesse l’avait découvert par la seulemagie que les Humains n’avaient su lui volerÞ: la voie du Rêve.

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Mais Moraagh, la personne qui se rapprochait le plus d’uneamie, était morte à présent. Piétinée à mort par un gardequ’elle avait soi-disant bousculé.

La jeune fille ne supportait plus l’esclavage. Brise-Espoir, quine comptait que des femmes, de tous âges, avait implacable-ment étouffé, broyé, l’étincelle de vie et de combativité descaptives. Là-bas, tout signe de fierté, de révolte, de désobéis-sance, se révélait sévèrement puni. Violemment. Cruellement.Trop souvent. Ainsi presque toutes les pensionnaires avaientcédé à l’abattement, vaincues par l’autorité humaine, soumisesà la servitude infâme perpétrée par l’Empire.

Se résigner comme les autres aurait été facile. Mais Malkenn’avait jamais pu s’y résoudre.

Ne renonce jamais. Ces simples mots soufflés et répétésmaintes et maintes fois par la voix apaisante et rassurante de samère étaient devenus un mantra inaltérable.

Alors chaque heure de captivité, chaque jour, chaque mois,la jeune fille avait résisté. Contre l’abattement, la méchanceté,l’injustice de sa situation. C’était devenu un réflexe. Un traitde caractère.

Un buisson de mûres. Malken se jeta dessus et engouffraautant de fruits qu’elle le put, se moquant bien du jus violetqui maculait son menton. Sous-alimentée comme elle l’était, àl’instar des autres captives du camp où tout était sévèrementrationné, c’en était presque un festin.

Son estomac calmé, elle reprit sa progression. Les fréquentsregards qu’elle jetait derrière elle ne lui indiquaient toujoursaucun signe de ses poursuivants. Elle n’était pas rassurée pourautant. Ils étaient à cheval tandis qu’elle devait courir. LesImpériaux lancés à sa recherche pourraient la rattraper enquelques minutes s’ils retrouvaient sa trace.

Tant qu’elle n’entendait pas les cors de traque, tout allaitbien. Finalement, elle pensait avoir semé les gardes humainsÞ;sans doute plus par chance que par habileté. Toutefois restaitIshmal, le traqueur centaurin. C’était ce dernier qui l’avaitretrouvée, lors de ses deux précédentes tentatives. La jeune

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fille portait encore les marques du fouet qui lui avait écorché ledos, récompense de son esprit rebelle.

Non, cette fois, ils ne la récupéreraient pas. Hors de ques-tion, foi de MalkenÞ!

La jeune fille était parfaitement consciente de ce qui l’atten-dait si cette fois elle était reprise. Pire encore que le fouet. Ellesavait n’avoir aucune pitié à attendre de la part des Humains.Pitié. Ce mot d’ailleurs, elle en cernait mal la signification. Demême que les notions de bonheur, d’amitié, de sérénité.

L’orgueil, en revanche, elle connaissait. C’était même saseule richesse. Sans cet orgueil, sans la détermination d’acierqui l’accompagnait, la jeune femme n’aurait jamais survécuaux rigueurs de Brise-Espoir.

Nourries de cet orgueil, les braises de l’espoir subsistaientencore en elle. L’espoir de cette liberté qu’elle avait juré des’offrir, en ce jour. Comme cadeau pour ses seize ans.

Pourtant, un nœud d’angoisse continuait de tordre sonventre. Et si elle échouait, au bout du compteÞ?

Malken n’avait pas peur de mourir, sa vie n’ayant plusaucune saveur. Non, elle avait peur d’échouer.

Ne renonce jamais.Les sourcils froncés, une ride barrant son front, elle reprit sa

course.

Haletante, elle dut s’arrêter. Elle s’adossa au tronc d’unchêne rouge et tenta de reprendre son souffle. À l’affût dumoindre danger, telle une biche. Ses traits trop maigres étaientfigés par un mélange de volonté et de peur.

Malken était une métisse, avec le teint naturellement hâlé,les cheveux aile de corbeau, la bouche généreuse et les hautespommettes de sa mèreÞ; de son père, dont elle n’avait aucunsouvenir, dont elle ignorait jusqu’au nom, elle tirait ses yeuxd’un étincelant violet – or, aucun de ceux de sa race, les Nas-haïs, n’avait les iris d’une telle couleur.

Quant à la balafre en forme d’arc de cercle qui marquait sapommette droite, elle était devenue écarlate après les efforts dela jeune femme.

Balafrée, on ne l’appelait plus que comme ça, au camp.

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Cette blessure cicatrisée était tout autant une blessure qu’unsymbole. Elle marquait un tournant dans l’existence de lajeune filleÞ; celui du jour où son cœur s’était brisé.

La fugitive finit par reprendre sa course.Elle entendit le camp des bûcherons indiqué par Moraagh

avant de le voir. Les bruits caractéristiques des scies réson-naient dans la campagne.

La Nashaï se rapprocha du campement sous le couvert desarbres, sur le qui-vive, prenant soin de ne pas se montrer. Ellen’avait rien à attendre de ces Humains – même s’ils ne fai-saient pas partie des soldats –, rien d’autre que des tourments.

Elle représentait l’Ennemi honni et méprisé, à qui l’onn’accorde aucune pitié.

Toujours camouflée par la végétation, elle continua jusqu’àatteindre les champs de tabac en fleursÞ; de grands rectanglesde verdure séparés par la route.

Elle fut obligée de sortir à découvert, cette fois. Ce qu’elle fiten courant courbée au maximum, parallèlement aux plants detabac du rectangle le plus au sud. Elle n’osa s’en approchertrop de peur d’être repérée par ceux qui travaillaient là.

Malken dépassa l’endroit sans encombre, pourtant. Pourreplonger entre les arbres d’un nouveau bois. Mais alorsqu’elle s’apprêtait à atteindre la route, un bruit de cavalcade luiparvint sur sa droite, tout proche.

La Nashaï se jeta dans un fourré, le souffle court, le corpsélectrisé par l’adrénaline, et se tassa sur elle-même. Des voixfortes, mâles, s’interpellaient. Les cavaliers passèrent à quelquesmètres sans la repérer.

Malken ne savait pas s’il s’agissait de ses poursuivants, maispeu importait. Elle ne devait en aucun cas se faire repérer.

Une fois le bruit de cavalcade estompé, elle repartit, le plusvite possible, coupa la piste que venaient d’emprunter lesImpériaux, et s’enfonça à travers les buissons, courant encoreet encore, droit devant elle, giflée par les branchages, tenailléepar l’angoisse d’être retrouvée.

Elle était devenue incapable de réflexion.

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Bien plus tard, elle finit par s’arrêter, affaiblie par un pointde côté. Elle s’adossa contre un chêne rouge, l’esprit enébullition.

Elle s’en rendit brusquement compteÞ: elle ne savait plustrop où elle se trouvait, ni où aller. Elle avait couru dans lesbois, aveuglément ou presque, jusqu’à perdre le peu de repèresdont elle disposait. Elle aurait déjà dû trouver les ruines del’abbaye mais n’en voyait aucune trace.

Ne renonce jamais.Elle continua malgré tout dans la direction de ce qu’elle esti-

mait être l’est, ne songeant qu’à fuir. Elle trouva un secondsouffle dont elle ne se serait pas crue capable. Elle découvritalors qu’elle aurait pu – en de meilleures circonstances –,apprécier cet effort musculaire qui l’amenait à repousser leslimites de son corps et de son esprit.

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