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0 Karine BRICHE CEMEA Dossier Professionnel dans le cadre de la formation menant au Certificat National de Compétences Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs Formation MJPM aux CEMÉA Nord-Pas de Calais Session 2012/2013 AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE : PLURI-HANDICAPS ET PARTENARIATS

AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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Page 1: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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Karine BRICHE CEMEA

Dossier Professionnel dans le cadre de la formation menant au

Certificat National de Compétences

Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs

Formation MJPM aux CEMÉA Nord-Pas de Calais Session 2012/2013

AUTOUR DU CHOIX

DE LA RESIDENCE :

PLURI-HANDICAPS ET PARTENARIATS

Page 2: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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SOMMAIRE

PRESENTATION DE L’ASSOCIATION MANDATAIRE 3

PRESENTATION PERSONNELLE 5

INTRODUCTION 7

1ère PARTIE : PRESENTATION DE LA SITUATION DU MAJEUR

PROTEGE

Histoire de Monsieur Henri 9

La mesure de protection 10

1° Historique de la mesure 10

2° Le cadre de ma mission 10

2ème PARTIE : ANALYSE DE LA SITUATION

I- Des données récentes 12

II- Une évaluation globale de la situation 14

1° Sur le plan personnel et familial 15

2° Sur le plan financier 15

3° Sur le plan social et médical 16

4° Sur le plan juridique 17

III- L’identification d’un réseau faisant pression ou frein 17

1° Un réseau primaire : la famille 18

2° Un réseau secondaire ou professionnel 19

3° Un partenariat imposé : le juge des tutelles 19

ENONCE DE LA PROBLEMATIQUE :

Au sein d'un réseau qui fait pression ou frein, recueillir et accompagner le choix de résidence d'une personne protégée pour faciliter l'exercice de ses droits

3ème PARTIE : PLAN D’INTERVENTION ET D’ACCOMPAGNEMENT

I- Des choix d’action - des actions choisies 21

1° Des choix d’action 21 2° Des actions choisis en lien avec le réseau existant 22

II- La personne protégée au centre des actions 24

Page 3: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

2

III- Des démarches administratives spécifiques pour finaliser le projet de Monsieur HENRI 26

1° Le recueil d’informations ciblées 26

2° La demande d’admission 27

3° La détermination de Monsieur Henri pour finaliser le projet 28

4° La demande d’aide sociale 29

5° L’information à la sœur de Monsieur Henri 30

6° La révision de la mesure 30

CONCLUSION 34

LISTE DES ANNEXES 35

Page 4: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

3

PRESENTATION DE L’ASSOCIATION ATINORD

HISTORIQUE

C'est l’UDAPEI, mouvement parental local de l’UNAPEI, qui a pris l’initiative de la création de

l’ATI, afin d’assurer une mission de protection pour les personnes adultes en situation de

handicap intellectuel privées de soutien parental.

La loi du 3 janvier 1968, prévoit que les mesures de protection des majeurs peuvent

désormais être confiées à une personne morale.

Ceci a permis la mise en place des ATI dans différents départements.

Dans le département du Nord, le dépôt des statuts de l’association a eu lieu le 3 janvier

1971.

LE DEVELOPPEMENT DE L’ASSOCIATION

La loi du 30 juin 1975, relative à la création de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), a eu des

répercussions sur l’association qui a été bien plus sollicitée pour gérer les biens des majeurs

protégés. En même temps, l’association a fait le choix d’avoir recours à un service de

professionnels, en complément de ses administrateurs bénévoles.

Dès cette époque, des délégations ont été ouvertes à Lille, Dunkerque et Valenciennes.

Les services se sont ensuite progressivement développés et professionnalisés

Face à la croissance des mesures de protection, une structuration a été nécessaire. Elle a

porté sur :

le nombre de délégations,

l’organisation et le fonctionnement du siège,

la mise en place de logiciels informatiques adaptés,

la structuration de l’encadrement.

Page 5: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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QUELQUES DATES CLEFS:

En 1986, l’association gérait 600 mesures et était composée de 3 délégations.

En 1988 : 1 000 majeurs étaient suivis par l’association.

Aujourd’hui, ATINORD gère 6785 mesures.

Au début des années 1990, le conseil général du Nord a sollicité l’association pour prendre

en charge des mesures de protection de personnes françaises résidant dans des

établissements spécialisés en Belgique.

L’accroissement a été important. En 2008, 1000 mesures étaient prises en charge par ce

service Hors-France.

Parallèlement, le rôle associatif s'est poursuivi au niveau d’une affirmation de ses valeurs et

d’une plus-value parentale.

L’ASSOCIATION AUJOURD’HUI :

Depuis le 1er janvier 2009, l'association a modifié son nom et a pris celui d’ATINORD.

Elle souhaitait profiter de l'application de la nouvelle loi relative aux majeurs protégés pour

insuffler ce changement. Elle a obtenu son agrément conformément aux obligations légales.

En 2013, l’association se compose d’un siège social et de 9 secteurs.

Chaque secteur a une structuration identique : un Directeur de service, une équipe de

délégués à la protection des Majeurs et d’assistantes tutélaires.

Le siège social, pour sa part, se compose d’un plateau technique regroupant plusieurs pôles :

le pôle affaires juridiques, le pôle successions, le pôle comptabilité/paye, le pôle gestion

des ressources humaines et le pôle communication.

LA MISSION D’ATINORD

La personne protégée est au centre de l'action de l'association ATINORD. L’association et

l’ensemble de ses salariés, permet :

une aide à l'expression du projet de vie de la personne,

un suivi personnalisé,

une gestion administrative, budgétaire et patrimoniale adaptée

Page 6: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

5

PRESENTATION PERSONNELLE

Educatrice spécialisée de formation, diplômée en juillet 2011, j’exerce actuellement au sein

de l'Association ATINORD, la fonction de Déléguée à la Protection des Majeurs auprès d’un

public adulte en situation de handicap intellectuel.

Mon dernier stage d'Educatrice spécialisée en formation a eu lieu au sein de cette même

association, sur le secteur de Cambrai.

Ce choix s’est « traduit » par la nécessité pour moi, de constater si les représentations

véhiculées, souvent négatives avançant que la part du travail administratif prenait le pas sur

la relation et l'accompagnement des majeurs protégés, étaient justifiées.

J’ai eu l’opportunité de poursuivre ma « mission » en intégrant la fonction de déléguée à la

protection des majeurs au sein de cette structure sur la base d’un remplacement d’une

collègue en congé maternité exerçant auprès de majeurs protégés résidant en autonomie.

Mon expérience s’est ensuite enrichie par des remplacements sur la délégation de Denain

(pour une durée de 6 mois), auprès de majeurs protégés résidant en en milieu institutionnel

puis j’ai intégré l'équipe actuelle sur le secteur de Valenciennes.

Ces passages successifs au sein de divers secteurs m’ont permis d’approfondir mes

connaissances sur le fonctionnement des institutions, la notion de partenariat avec les

équipes institutionnelles et d'intégrer les limites des interventions du délégué.

Ces expériences associées à ma formation m’ont permis d’appréhender davantage les

enjeux politiques, légaux et institutionnels, de mieux comprendre les évolutions du métier et

de développer ma pratique professionnelle.

Le Certificat National de Compétences vient compléter mon cursus initial, répondre aux

attentes de l’association et me permettre d'exercer en toute légitimité le métier de

Mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Page 7: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

6

Le secteur de Valenciennes recouvre deux entités : le pôle établissement assurant le suivi de

majeurs protégés résidant en institution et le pôle autonomie assurant le suivi de majeurs

protégés résidant en milieu ouvert.

J'ai été recrutée en remplacement d'une salariée ayant exercé sur le pôle institutionnel.

L'équipe se compose de 6 personnes : la Directrice de secteur, deux collègues Délégués à la

Protection des Majeurs titulaires du CNC et deux collègues assistantes tutélaires ;

Nous exerçons en transversalité avec le secteur institutionnel de Denain. En effet, une

fusion des 2 secteurs est attendue dans le cadre de la finalisation de la restructuration de

l'Association, par secteur.

L’organisation du service, grâce à une décharge administrative confiée aux assistantes

tutélaires permet aux Délégués de consacrer du temps pour rendre visite aux personnes

protégées recueillir leurs besoins et attentes.

J'assure l'exercice tutélaire de 60 majeurs protégés.

La continuité de ce service est assurée par une prise en charge plus ou moins collective de

l’ensemble des majeurs protégés. Celle-ci est facilitée par une répartition des majeurs

protégés par établissements ; ainsi deux Délégués interviennent dans chacun des lieux de

résidence.

La gestion de mon temps de travail se répartit entre les visites sur le lieu de résidence des

majeurs protégés dont j'assure le suivi (toutes les quatre à six semaines), une permanence

téléphonique chaque vendredi matin et des temps administratifs.

Dernièrement, afin d’être en conformité avec la loi, j’ai dû préparer les révisions d’un grand

nombre de mesures.

L'organisation du service ajoutée à la solidarité de l'équipe a permis un partage de nos

savoirs faire et nos savoir être, qui a généré un développement de mes postures

professionnelles en conformité avec les obligations nouvelles du Mandataire et en

adéquation avec la commande associative.

Page 8: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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INTRODUCTION

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs est entrée en

application le 1er janvier 2009. Elle remplace celle du 3 janvier 1968 qui réglementait jusqu'

alors le régime de protection des personnes majeures.

Son ambition est quantitative : moins protéger face à l' inflation du nombre de mesures

restrictives de libertés individuelles et qualitative, mieux protéger pour promouvoir l'

autonomie maximale de la personne. La protection juridique s'adresse désormais aux seules

personnes relevant d'une altération des facultés mentales ou corporelles médicalement

constatée et empêchant l'expression de leur volonté.

La grande nouveauté est la consécration de la protection conjointe de la personne et de ses

biens.

La réforme de la protection juridique réorganise également les conditions d’exercice de

l'activité tutélaire dans le sens d’une clarification et d'une homogénéisation

Elle crée un nouveau statut de « Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs ».

C’est dans le cadre de cette formation préparant au certificat national de compétences de

MJPM que je vous présente cet écrit qui est l’aboutissement de ma formation.

J’ai choisi d’exposer la situation de Monsieur Henri, pour plusieurs raisons :

la loi du 5 mars 2007 affirme comme principe général la prise en compte de la

volonté de la personne protégée, quel que soit la mesure de protection dont elle

bénéficie

Ma posture professionnelle vis-à-vis de la problématique de Monsieur Henri m’a

semblé correspondre à l’esprit de la loi.

l’aspect humain de la situation m’a personnellement touchée et très certainement

motivée à agir dans l’intérêt unique de la personne protégée conformément à la loi

2007-308.

Cette situation a nécessité de ma part un investissement important en terme de

durée et de nombre d'actions à mener pour aboutir à la concrétisation durable des

Page 9: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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souhaits de Monsieur Henri, actions qui ont contribué à enrichir ma pratique

professionnelle.

Au travers de cet exposé, ma méthodologie consistera en une présentation de la situation

personnelle du majeur protégé, une analyse globale pour aboutir à l’énoncé de la

problématique rencontrée :

Quelles actions mettre en œuvre pour recueillir et accompagner le choix de résidence

d'une personne protégée et faciliter l'exercice de ses droits, au sein d’un réseau qui fait

pression ou frein ?

La résolution de cette problématique se fera par la mise en œuvre d’actions ciblées en

veillant à la place centrale du majeur protégé.

Page 10: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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1ère partie : PRESENTATION DE LA SITUATION DU MAJEUR PROTEGE

I- HISTOIRE DE MONSIEUR HENRI

Monsieur Henri, majeur protégé bénéficiant d'une mesure de tutelle depuis 2006, est âgé de

83 ans. Il est célibataire et n’a pas d’enfant. Il présente une altération de ses facultés

intellectuelles associée à une surdité mutité congénitale.

Ses parents sont aujourd'hui décédés. Sa maman en 1999 et son papa en 2008.

Monsieur Henri a vécu au sein du domicile familial jusqu’au placement de son père en 2005,

alors âgé de 94 ans, à la suite d’une hospitalisation due à une chute au domicile.

Monsieur Henri est l’aîné d’une fratrie de 3 enfants. Sa sœur Marie-Thérèse de neuf ans sa

cadette vit en Moselle et ne présente aucun handicap.

Son frère cadet Alain, âgé de 70 ans, quant à lui, présente également un handicap sensoriel

de surdité mutité. Il a toujours résidé dans la proximité géographique de ses parents et de

Monsieur Henri.

Le frère et la sœur de Monsieur Henri sont présents auprès de lui, mais plus

particulièrement son frère du fait de son lieu de résidence.

Monsieur Henri ne maîtrise pas la langue des signes français et n’utilise pas la lecture labiale.

Il a été scolarisé très peu de temps en établissement privé chez « les Sœurs » à

Valenciennes.

Rapidement devenu " le souffre-douleur des autres", sa mère a préféré stopper sa scolarité.

Il n’a jamais exercé d’activité professionnelle.

Il semblerait donc qu’il ait évolué à l’intérieur du cadre familial sans bénéficier d’une prise en

charge institutionnelle qui lui aurait peut-être permis de développer un instrument

d’échange plus efficient.

Malgré tout, le cadre familial aurait permis le développement d'une communication

apparentée à un langage des signes familial, entre Monsieur Henri et son frère.

Au décès de son père, Monsieur Henri étant alors dans l’incapacité de pouvoir gérer le

quotidien et demeurer seul au domicile en raison de sa dépendance liée à son handicap

Page 11: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

10

intellectuel a été admis en maison de retraite en urgence. Il sera noté une intégration

rapide à son nouvel environnement institutionnel.

J’ai rencontré Monsieur Henri au sein de cette institution. Il s'est présenté comme une

personne chaleureuse, agréable, souriante, appréciant le contact. Bien qu'ayant quelques

difficultés à se déplacer seul, il est actif et aime se promener.

L’ouverture de la mesure de protection avait eu lieu alors que Monsieur Henri se trouvait

hébergé au sein de cette Maison de retraite.

Ma connaissance sociale personnelle de la situation de Monsieur Henri ne débute qu’à

compter de ce moment, succédant à une collègue de la même association, quittant le

service.

II- LA MESURE DE PROTECTION

1. Historique de la mesure

C'est l'entrée en maison de retraite de Monsieur Henri qui a été à l' origine d'une demande

de mise sous protection.

En effet, et jusque-là, la famille : les parents relayés ensuite par le frère cadet géraient

officieusement les ressources de Monsieur Henri.

Le frère de Monsieur Henri qui, déjà fort occupé par les affaires de son père récemment

admis en maison de retraite, a sollicité l’ouverture d’une mesure de protection pour

Monsieur Henri.

19/08/2005 : Ordonnance de Sauvegarde de Justice (art.433 du Code civil) avec désignation

d’un mandataire spécial. Ce régime laisse au majeur sa capacité juridique et la faculté

d’organiser la gestion de ses intérêts. Il a des effets limités : la personne est protégée par

une possibilité d’actions en annulation ou en réduction pour excès au nom du principe

selon lequel la personne ne peut se léser.

Dans la situation de Monsieur Henri, cette mesure a été prise le temps de l’instruction de la

demande aux fins d’ouverture d’une mesure plus protectrice.

L’ATINORD est désignée en qualité de mandataire spécial pour percevoir les pensions et

revenus de Monsieur, les appliquer à son entretien, ainsi qu’à l’acquittement de ses dettes

Page 12: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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courantes et des obligations alimentaires s’il y a lieu. ATINORD recevra tous les courriers de

l’intéressé et fera fonctionner les comptes de dépôts bancaires ou postaux de l’intéressé.

06/06/2006 : Ordonnance de désignation d'un médecin spécialiste inscrit sur la liste tenue

par Le Procureur, aux fins de procéder à l'examen de Monsieur Henri.

14/11/2006 : Jugement de tutelle dont l'exercice est confié à ATINORD. La tutelle est une

mesure de protection, qui vise selon l’article 444 du Code civil « la personne qui, pour l’une

des causes prévues à l’article 425 du Code civil, doit être représentée d’une manière continue

dans les actes de la vie civile ».

Cf. annexe 1, copie ordonnance et jugement

Monsieur Henri est, à l’époque âgé de 75 ans et sera auditionné avec la présence obligatoire

d’un interprète.

La désignation d’ATINORD en qualité de tuteur a été effectuée en fonction de la spécificité

de l’association, qui s’adresse aux personnes en situation de handicap mental.

2. Le cadre de ma mission

N'ayant pas été présente lors de l'ouverture de la mesure de protection de Monsieur Henri,

la prise en compte de l’historique de la mesure de protection ainsi que la lecture du

jugement furent ma priorité pour délimiter le cadre de mon travail.

S’agissant d’un jugement antérieur à la loi du 5 mars 2007 entrée en application au 1er

janvier 2009, la tutelle s’appliquait de façon spécifique, aux biens.

La loi du 3 janvier 1968, on le sait, est quasiment muette sur le sujet de la protection de la

personne des majeurs vulnérables Dans le jugement rendu dans l'intérêt de Monsieur Henri,

rien n'était non plus précisé en ce qui concerne les actes à caractère personnel (assistance,

représentation).

Aucun membre de sa famille n’avait souhaité exercer la mesure. Il semblerait, selon les dires

de la sœur de Monsieur Henri, qu’il existe quelques désaccords dans la famille.

Page 13: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

12

2ème partie : ANALYSE DE LA SITUATION

I- DES DONNEES RECENTES

Reprenant les dossiers d’une collègue quittant le service, la situation de Monsieur Henri,

était nouvelle pour moi.

Je disposai malgré tout, d’informations assez précises sur les données personnelles de la

situation du majeur protégé : familiales, médicales, les données administratives et

financières ainsi que l’environnement partenarial, données transmises par ma collègue.

Néanmoins et au départ de ma collègue, la situation de Monsieur Henri semblait stable, sans

axe de travail particulier que celui de continuer à veiller au bien-être de Monsieur Henri et

d’utiliser dans son intérêt, son patrimoine afin d’améliorer dans la mesure du possible, son

quotidien.

Dans la mesure où je n'étais pas moi-même intervenue lors du démarrage de la mesure et

eu égard aux difficultés de communication de Monsieur Henri, j' ai dû investir le temps

nécessaire pour adapter ma posture professionnelle à la personne protégée et m'engager

dans une démarche de compréhension mutuelle, indispensable pour établir une relation

de confiance et optimiser l' exercice de la mesure dans le respect des droits et libertés

individuelles du majeur protégé.

La loi du 5 mars 2007 renforce en effet les droits de la personne protégée et met l’accent

sur le respect de ses libertés individuelles.

Art. 415

Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne Elle a pour finalité l’intérêt

de la personne dans le respect des libertés individuelles, des choix de vie et des droits

fondamentaux.

Par une consultation du dossier au greffe du tribunal d’Instance (art. 1222 CPC) et les

entretiens réalisés avec la famille et plus précisément sa sœur, j’ai pu retrouver divers

Page 14: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

13

éléments de l’histoire de Monsieur Henri complétant les données nécessaires à ma

propre évaluation globale de la situation.

L'expertise médicale réalisée par un médecin psychiatre inscrit sur la liste tenue par le

Procureur me donnera des éléments justifiant la déficience intellectuelle de Monsieur Henri.

Le procès-verbal d'audition d'un parent ou ami de la personne à protéger, en l'occurrence ici

le frère de Monsieur Henri, m’indiquera qu’il n'était pas opposé, sur le principe à exercer la

mesure de son frère sans toutefois maîtriser suffisamment les règles en matière de

protection juridique et se trouver en difficulté en raison de son propre handicap.

Après quelques mois d'exercice auprès du majeur protégé, je reçois par courrier, un dossier

de demande d’admission en établissement d’hébergement pour personnes âgées

dépendantes et spécifiquement atteintes de surdité.

Cet établissement vient d’ouvrir ses portes et accueille par conséquent toutes les

candidatures ; il est situé hors de mon secteur d’intervention, à une soixantaine de

kilomètres de la résidence actuelle de Monsieur Henri.

Le dossier reçu est en partie rempli par le frère de Monsieur Henri, Alain et accompagné

d’un post-it signé de l’infirmière coordinatrice de l’EHPAD où réside Monsieur Henri :

« Avons reçu ce document du frère de Monsieur Henri pour un éventuel placement en

structure pour personnes âgées sourdes. Nous vous laissons le soin de prendre une décision.

Cdt. »

Outre l'effet de surprise, se posent pour moi plusieurs questions :

Quels sont les enjeux liés à cette demande ?

Monsieur Henri est-il partie prenant de ce projet ?

Pour quelles raisons aurait-il émis ce souhait sans m’en avoir informée ?

Le frère de Monsieur Henri agit-il dans l'intérêt strictement personnel du majeur

protégé ou souhaite-t-il influencer la décision de Monsieur Henri ?

Quoiqu’il en soit, et contrairement à ce que pourrait laisser sous-entendre l’infirmière, cette

décision ne m’incombe pas.

Page 15: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

14

Je suis guidée par le contexte de la loi du 5 Mars 2007 qui formule l’article 459-2 du Code

civil comme suit :

« La personne protégée choisit le lieu de sa résidence.

Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le

droit d’être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci.

En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué statue. »

Cet article consacre un ensemble de droits fondamentaux : choix des fréquentations, des

relations personnelles et affectives, cependant celui qui préoccupe notre situation est le

choix de la résidence.

Lorsque j’ai rencontré Monsieur Henri au sein de sa résidence pour personnes âgées

dépendantes, rien ne me laissait présager qu’il souhaitait changer de résidence.

Néanmoins et, eu égard aux difficultés de communication de Monsieur Henri et à mon

noviciat en la matière, je n'avais peut être pas été suffisamment attentive à des signes non

verbaux qui auraient pu évoquer ce souhait de la part de Monsieur Henri.

Le principe du recueil de la parole du majeur protégé est rappelé par l’article L.311-3 du

Code de l’Action Sociale et des Familles relatif au droit des usagers, qui garantit à l'usager

« une prise en charge (…) respectant son consentement éclairé qui doit être

systématiquement recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à

participer à la décision » étant précisé qu’ « à défaut, le consentement de son représentant

légal doit être recherché ».

II- UNE EVALUATION GLOBALE DE LA SITUATION

Le principe de l’évaluation d’une situation permet d’en balayer tous les aspects afin de

pouvoir déterminer des axes de travail en toute connaissance de cause et en ayant repéré

les informations les plus pertinentes dans une problématique soulevée.

C’est un exercice que je considère comme indispensable car il permet de prendre un certain

recul nécessaire à la résolution d’une problématique.

Page 16: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

15

1. Sur le plan personnel et familial

Monsieur Henri se présente comme une personne souriante et plutôt joviale. Lors de nos

premières rencontres, j’ai constaté qu’il était encore actif, malgré un âge avancé et qu’il

aimait se promener dans le jardin de la maison de retraite.

Les passe-temps favoris de Monsieur Henri sont : la télévision, manger des bonbons, aller au

restaurant, sortir et acheter des glaces.

Dans sa chambre, j’ai noté la présence de photos de famille. Il a vécu avec ses 2 parents

jusqu’â l’âge de 69 ans (jusqu’au décès de la maman) puis avec son père qui est décrit par sa

sœur comme très autoritaire et parfois agressif du fait de son passé. Ce monsieur a connu

les camps de concentration.

Sa sœur a vécu avec lui jusqu’à ce qu’elle soit mariée. Elle arrivait à communiquer avec lui et

se souvient qu’Henri savait faire des puzzles et écrire quelques mots. Son frère également

sourd et muet communiquait avec lui par un langage des signes familiaux, un petit code

entre frères semble-t-il. Ce dernier semble investi dans la situation d’Henri.

J’ai appris par sa sœur, Marie Thérèse, qu’elle et son frère Alain n’ont jamais réellement eu

une entente cordiale. Elle explique qu’Alain était jaloux du fait qu’elle soit entendante et

qu’il le reprochait à sa maman.

La loi du 5 mars 2007 préconise de replacer l’individu au centre du dispositif de protection,

sans pour autant en écarter sa famille : elle a réaffirmé le rôle prépondérant des proches

dans la protection des personnes vulnérables, tout en procédant à une nouvelle répartition

des rôles de chacun.

2. Sur le plan financier

Monsieur Henri bénéficie de prestations vieillesse : l’ASPA (Allocation de Solidarité aux

Personnes âgées) d'un montant mensuel de 658,56€ par mois, d'une aide au logement et

de l'Allocation Personnalisée d’Autonomie (perçue par l’établissement). La majeure partie de

ses revenus est reversée pour ses frais d'hébergement, dans le cadre de son admission à

l'Aide Sociale.

La somme mensuelle restant à sa disposition peut être évalué à 232 €, ce qui représente

30% du montant de l’AAH à taux plein, montant minimum du reste à vivre pour les

Page 17: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

16

personnes en situation de handicap n’ exerçant pas d'activité professionnelle et hébergées

en institution.

Il dispose d’une épargne d’environ 44 500€, constituée en partie par la succession de son

père. Cette épargne est répartie sur des produits classiques et sécurisés : LEP, LDD, LIVRET A

et portefeuille de parts sociales.

Pour lui permettre de maintenir son niveau de vie et profiter de son patrimoine, nous

avions sollicité et obtenu l'autorisation du Juge des tutelles, aux fins de prélever chaque

mois la somme de 500 € sur le Livret A ouvert au nom du majeur protégé, dans l’objectif de

mettre en place des actions destinées à assurer le transport et l' accompagnement de

Monsieur Henri vers des activités extérieures allant de la promenade accompagnée aux

sorties culturelles et ludiques, sorties que nous avions pu expérimenter auparavant pour

vérifier qu' elles satisfaisaient Monsieur Henri.

3. Sur le plan social et médical

Monsieur Henri est titulaire d’une carte d’invalidité dont le taux est fixé à 100% par la

MDPH.

Lorsqu' on se trouve face à une personne atteinte de surdité et mutité, la question de

l’isolement vient naturellement à l’esprit.

Bien qu’il soit la seule personne sourde et muette présente au sein de la maison de retraite

qui l’héberge, les retentissements sur sa personne ne sont pas manifestes ; il n’en fait

d’ailleurs pas écho dans son attitude générale.

Monsieur Henri ne souffre d’aucune pathologie particulière, il éprouve simplement quelques

difficultés à se déplacer seul en raison d’un manque d’équilibre.

En raison de son âge et ses handicaps, Monsieur Henri est une personne dépendante,

n’ayant pas pu rester au domicile après le départ de son père.

On peut raisonnablement penser que sa prise en charge institutionnelle n’a pas favorisé,

voire amoindri une autonomie déjà repérée comme insuffisante au domicile.

Néanmoins, Monsieur Henri a rapidement pris ses repères au sein de l’institution et on a

coutume d’entendre que les changements d’environnements peuvent avoir des

conséquences et des répercussions néfastes sur la santé des personnes de grand âge.

Page 18: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

17

4. Sur le plan juridique

La mesure de représentation qui a fait suite à la sauvegarde de justice est antérieure à la

réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en application au 1er janvier 2009.

Cette mesure devra donc faire l’objet d’une révision, et ce avant le 31 décembre 2013, sous

peine de devenir caduque, ce qui serait très dommageable dans la situation de Monsieur

Henri.

Proche de cette échéance, je tiendrai compte de cette donnée dans les priorités de l’exercice

au profit de Monsieur Henri.

Je me référerai par anticipation, aux articles de la loi réformée pour être en mesure de

résoudre, dans l’intérêt et le respect du majeur protégé, la problématique soulevée.

La rédaction d'une requête en révision, accompagnée d'un rapport et de l’avis d'un médecin

sont nécessairement requis. Le certificat médical devra décrire avec précision l’altération

des facultés du majeur et le médecin se doit de donner son avis quant à l’évolution

prévisible de cette altération, afin que le juge des tutelles puisse fixer la durée de la mesure.

Les données relatives au majeur protégé recueillies, je me dois d’identifier l'ensemble des

partenaires directement présents dans l'environnement de Monsieur Henri et

complémentaires à la protection de ses biens et de sa personne.

III- L’IDENTIFICATION D’UN RESEAU FAISANT PRESSION OU FREIN

Il est une priorité dans le cadre du travail de délégué à la protection des majeurs de

connaître, créer et développer des réseaux.

En effet, la notion de réseau est devenue incontournable dans l'exercice des mesures de

protection. Le Ministère du Travail et des affaires sociales en donne la définition suivante «

un réseau est un ensemble organisé de plusieurs personnes physiques ou morales, dites

acteurs du réseau, dispersées dans une zone territoriale donnée, de compétences différentes

et complémentaires qui agissent pour un objectif commun, selon des normes et ces valeurs

Page 19: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

18

partagées, sur la base d’une coopération volontaire pour améliorer la prise en charge d’une

communauté ».

On distingue le réseau primaire du réseau secondaire. Le premier est constitué de

l’ensemble des personnes entourant l’usager et qu’il a la possibilité de mobiliser en cas de

difficultés. Il peut s’agir de la famille, des amis, des voisins…

Le second intervient principalement quand le premier est déficient ou absent. Il est constitué

de professionnels. Contrairement au réseau primaire, le réseau secondaire ne crée pas des

liens de façon naturelle mais en fonction des objectifs permettant de répondre à la

problématique du majeur protégé.

Il existe d’ailleurs, au sein d’ATINORD, une volonté de s’inscrire dans une dynamique de

réseau avec les différents acteurs médico sociaux du territoire : réseau Précarité santé

mentale, UNAPEI… Ce travail s’exerce par l’intermédiaire d’échanges, de rencontres

régulières, entre les délégués et les différents acteurs afin de répondre au mieux aux

besoins des majeurs protégés.

Cette meilleure connaissance des acteurs sur le territoire doit nous permettre de connaître

les missions, les rôles de chacun et les dispositifs et outils existants pour pouvoir ensuite

accompagner les majeurs et améliorer leur prise en charge.

Dans la situation présente, je dispose d’ :

1. Un réseau primaire : la famille

Ce réseau est principalement constitué par l'environnement familial direct de Monsieur

Henri et plus précisément son frère et sa sœur

La fratrie de Monsieur Henri est très présente, et semble soucieuse de son bien-être en

particulier son frère Alain qui réside non loin du lieu de vie de Monsieur Henri et avec qui je

communique essentiellement par écrit en raison de son handicap sensoriel.

Alain rend visite à son frère de façon régulière et sa sœur prend également de ses nouvelles

Je considère la famille comme étant précieuse car elle a la mémoire du passé et entretient

des liens directs avec le majeur protégé. Elle a vocation à être d’un grand secours dans la

gestion quotidienne du majeur protégé.

Page 20: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

19

Son frère, à l’initiative du dossier, me met néanmoins une certaine pression par la

soudaineté de son action et le manque d'informations liées à cette demande.

Ayant connaissance de l‘existence de sa sœur, j’ai pris contact avec elle, afin d’élargir mon

analyse, obtenir des éléments complémentaires et maintenir la solidarité et le lien familial

en la positionnant au même titre que son frère Alain, vis à vis de Monsieur Henri.

L'esprit de la loi du 5 mars 2007 est la prise en compte des droits de la personne,

notamment dans le recueil de son consentement, ceux de sa famille et des proches.

2. Un réseau secondaire ou professionnel

Il se constituera au fur et à mesure de l'exercice de ma mission. Il est composé de différents

acteurs institutionnels, de profession libérale, de prestataires de service.

Dans la situation de Monsieur Henri, je me suis mise en contact direct avec les équipes

pluridisciplinaires de la maison de retraite, en l’occurrence la directrice, les infirmières

coordinatrices, les animateurs et le médecin coordinateur de la structure.

Parmi eux, il faut noter que le personnel de la maison de retraite s’occupant du quotidien de

Monsieur Henri le connaît davantage que moi. En me rapprochant de ces personnes,

j’entends leur souhait que Monsieur Henri reste au sein de l’établissement. Il y est en effet

apprécié pour sa bonne humeur constante et son dynamisme.

3. Un partenariat imposé : le Juge des tutelles

Le juge des tutelles est, de fait, partie intégrante du réseau.

Imposé par le cadre législatif, il en est un élément central et moteur. La relation au juge est

essentielle car en sa qualité d’organe central, elle est distante et formaliste.

Hors des auditions et des audiences, toute sollicitation au juge est formalisée par un écrit.

Dans le cadre de la situation de Monsieur Henri, auront été rédigés une note d’information

(déménagement), une requête et un rapport de révision de mesure, une requête de

demande de dessaisissement du dossier au profit du tribunal devenu territorialement

compétent.

Page 21: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

20

De plus et au regard de la situation présente, la place du Juge des tutelles prend d' autant

plus de sens que la loi m'offre un outil précieux en cas de difficulté, qui se réfère à l'article

459-2 du Code civil et qui dispose que :

« La personne protégée choisit le lieu de sa résidence.

Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le

droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci.

En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue »

Dans la situation de Monsieur Henri, la notion de réseau me semble essentielle, et

parallèlement me confronte à des interrogations.

ENONCE DE LA PROBLEMATIQUE: Au sein d'un réseau qui fait pression ou frein, recueillir

et accompagner le choix de résidence d'une personne protégée pour faciliter l'exercice de

ses droits

Page 22: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

21

3ème partie : PLAN D’INTERVENTION ET D’ACCOMPAGNEMENT

Mon projet d’intervention a été construit d’ après une analyse de la situation globale de

Monsieur Henri, mais aussi et surtout en s'appuyant sur le respect de l’expression de ses

choix de vie.

I- DES CHOIX D’ACTIONS-DES ACTIONS CHOISIES

A réception du dossier pré- rempli par le frère de Monsieur Henri, plusieurs champs

d’intervention s’offraient à moi, accompagnés pour chacun d’entre eux, de questionnements

quant à leur pertinence :

1. Des choix d’actions

Rencontrer rapidement Monsieur Henri et tenter de comprendre ce qu’il aurait pu

avoir à me dire,

En raison des limites de mon intervention auprès de Monsieur Henri et notamment de mes

difficultés à pouvoir mener un entretien ouvert avec lui, sur ce sujet, cette action ne fut pas

ma priorité.

En effet, l'expérience de mes visites à Monsieur Henri m'indiquait de possibles échanges

dans la mesure où ceux-ci portaient sur des sujets simples ou pouvant être imagés ou

mimés. La question du lieu de résidence me semblait beaucoup trop abstraite pour que je

puisse mener à son terme, un entretien productif.

Ne pas me poser de question, compléter le reste du dossier, ce qui supposait que :

- je privilégiai l'intention du frère de Monsieur Henri

-que la structure avait recueilli auparavant l’avis de Monsieur Henri.

Mon éthique professionnelle et mon intégrité intellectuelle ne m'engageaient pas non plus

à poursuivre cette piste.

Page 23: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

22

En effet, l'intérêt de vérifier en continu l'exactitude des informations dont on dispose est

légitimé par le respect dû à la personne protégée.

Juste me fier à ma première impression que Monsieur Henri se plaisait au sein de

cette structure, qu'il y a ses habitudes depuis maintenant plusieurs années et qu’à

l’égard de son grand âge, il n’est pas judicieux de le changer d’institution.

Là encore, la question de l’éthique intervient dans la mesure où je me dois d’informer

Monsieur Henri de sa situation et de ses possibilités d’évolution, de son droit de changer de

lieu de résidence. La personne protégée est doté de potentialités et d’une autonomie qui lui

est propre. Je me dois de personnaliser mon intervention et d’exercer la mesure de

protection en créant les conditions qui permettront à mon majeur d’en être acteur.

2. Des actions choisies en lien direct avec les réseaux existants

- Le réseau familial : Interroger Alain afin d'obtenir des réponses à mes questionnements.

J’ai pris contact par fax avec le frère de Monsieur Henri afin de comprendre les raisons pour

lesquelles il avait rempli le dossier et savoir si Monsieur Henri était à l’origine de cette

demande.

Nous avons convenu d’une date (5/02/13) pour nous rencontrer à son domicile. Etait

présent le fils de son épouse qui a « joué » le rôle de l’interprète.

Au cours de cet échange, j’ai appris que Monsieur Henri était allé visiter la structure avec lui.

Monsieur Alain m’expliquera que sa nièce travaille déjà au sein de cet établissement et qu'il

a lui-même des connaissances au sein de cette structure puisqu' il y intervient en tant que

bénévole. Il prévoit d'ailleurs de déménager prochainement pour se rapprocher

géographiquement de l'établissement.

Je m’intéresse de plus à savoir si Monsieur Henri est en capacité ou pas de comprendre la

langue des signes, et c’est ici que j’apprendrai l’existence d’un code familial.

J’explique à Monsieur Alain que je n’ai pas eu connaissance de la part de Monsieur Henri de

sa volonté de quitter l’établissement actuel.

Il n’est pas en capacité de me donner davantage d’explications sur le fait qu’Henri ne m’ait

pas évoqué ce sujet.

Page 24: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

23

-Le réseau professionnel extérieur

Je prends contact avec la Maison de retraite actuelle pour obtenir d’autres informations, si

tant est qu'elle ait pu en avoir - pour savoir s’ils ont connaissance du souhait de Monsieur

Henri de quitter la structure.

L’information leur est parvenue uniquement par le dossier déposé par le frère de Monsieur

Henri, sans qu'ils n'en n'aient compris ni l'origine ni le véritable sens.

En effet, Monsieur Henri est, selon eux, bien intégré, et ne les a pas informés de cette

volonté de changer d’établissement.

Cependant, je me remémore que dans la structure, personne ne pratique la langue des

signes et que par conséquent, la communication avec Monsieur Henri est restée aussi

limitée que celle que j'ai pu moi-même entretenir avec lui.

Il me semble à ce moment, pertinent de faire intervenir un tiers extérieur à la situation et

donc tout à fait neutre et objectif, pourvu qu'il puisse disposer de supports de

communication adaptés au handicap de Monsieur Henri.

-Le réseau professionnel interne au service qui se compose de l'équipe au sein de laquelle

j'exerce.

J'évoque la situation de Monsieur Henri avec des personnes ressources du service, mon

supérieur hiérarchique et lors des séances de régulation qui ont lieu mensuellement au sein

du service dans lequel je travaille.

C'est en effet la première fois que j'exerce au profit d'une personne sourde et muette pour

qui une question de choix de résidence se pose et il m'apparaît qu’une réflexion collégiale

préalable à une décision peut permettre d’éviter une décision totalitaire.

En effet, dans le service en Milieu Institutionnel, mes collègues et moi-même assurons le

suivi d'une trentaine de personnes âgées en situation de handicap mental hébergées en

EPHAD. La question du choix de résidence est assez souvent une préoccupation évoquée.

Des références collectives ont été mutualisées afin de permettre une utilisation de ces

ressources, rapide et efficace en vue de résoudre plus aisément les problématiques

rencontrées.

Page 25: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

24

Les expériences d'autres professionnels et les regards croisés me permettent d’élargir mon

champ d’actions et de prendre connaissance de dispositifs spécifiques aux personnes

sourdes et muettes.

II- LA PERSONNE PROTEGEE AU CENTRE DES ACTIONS

Rechercher le consentement éclairé de Monsieur Henri a été le fil conducteur de mes

actions.

La prise en compte de la volonté du majeur protégé dans les décisions personnelles le

concernant le met réellement au centre de sa protection et participe ainsi du respect de sa

dignité, consacré par l’article 415 du Code civil comme un principe directeur de la protection

des majeurs.

"Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur

état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre."

"Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits

fondamentaux et de la dignité de la personne."

"Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du

possible, l'autonomie de celle-ci."

"Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique."

Je mets en œuvre des actions spécifiques adaptées au handicap de Monsieur Henri pour

assurer :

une remise des informations au majeur protégé sur sa situation actuelle, la

demande se son frère, les conséquences pour lui-même, en terme de changement

d’environnement, de secteur et de Délégué,

le recueil de ses volontés

Page 26: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

25

Je prends contact avec une association : Sourd Média, qui m'a été recommandée par les

collègues de mon service et qui dispose de supports de communication adaptés au handicap

de Monsieur Henri.

J'explique à mes nouveaux interlocuteurs clairement mon objectif qui se limitera à une

transmission à Monsieur Henri de l'ensemble des éléments de la situation qui le concerne,

une vérification de sa compréhension de ces éléments, pour finir par un recueil de sa parole.

La remise des informations doit permettre à Monsieur Henri de pouvoir donner un

consentement éclairé, en toute connaissance de cause.

" La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection toutes informations

sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets

et les conséquences d’un refus de sa part."

Elle vise non seulement à mettre le majeur protégé en situation de prendre une décision

mais aussi de l’impliquer dans les actes relatifs à sa personne.

En effet, me référant à l'article 459 du Code civil qui indique que

« La personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où

son état le permet », je considère la protection de la personne comme une extension de ses

capacités à agir et à consentir.

Le consentement apparaît comme la pierre angulaire articulant le respect des droits de la

personne et l’atteinte aux libertés individuelles doit être pondérée par le recueil du

consentement.

Consentir, alors que paradoxalement Monsieur Henri est sous le régime de la tutelle

suppose que Monsieur Henri soit apte à comprendre, à faire preuve de discernement, être

capable de se positionner et de faire un choix.

Malgré l'état de vulnérabilité de Monsieur Henri et les freins à l'expression de sa volonté en

lien avec son âge, sa déficience intellectuelle et sa surdité-mutité, il a conservé des capacités

de compréhension suffisantes qui lui permettent d’exprimer personnellement des choix.

C’est ce que je recherche en tant que Déléguée.

Page 27: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

26

Par consentement, j’entends qu'au minimum, Monsieur Henri adhère au projet de

changement de structure dont son frère est à l’initiative.

L' entretien que j' organise au sein de la maison de retraite, en la présence de l'association

Sourd Média , Monsieur Henri et moi-même car aucun membre de l’équipe de la maison de

retraite n’avait pu ou voulu se rendre disponible pour y assister, me donnera finalement la

certitude que Monsieur Henri émet bien le souhait de quitter son établissement actuel pour

intégrer la résidence accueillant prioritairement des personnes âgées atteintes de surdité .

III- DES DEMARCHES ADMINISTRATIVES SPECIFIQUES POUR FINALISER LE PROJET DE MONSIEUR HENRI 1. Le recueil d’informations ciblées

J’ai pris contact avec la Directrice de la structure pour personnes âgées sourdes, dans un

premier temps pour recueillir les informations de première nécessité, à savoir:

- une vérification de places disponibles afin de ne pas « créer de fausse joie » à Monsieur

Henri ou des délais d'attente trop longs, eu égard à son âge.

- Savoir si l'établissement d'hébergement est habilité à accueillir des bénéficiaires de l'aide

sociale. Dans le cas contraire, il me faudra effectuer un calcul destiné à évaluer si Monsieur

Henri est en mesure de financer son hébergement à taux plein, et sur quelle durée.

Le choix du lieu de vie est certes un droit fondamental, néanmoins l’effectivité de sa décision

ne va pas de soi. Je me dois de maîtriser les incidences financières liées à ses besoins et ses

demandes sans faire abstraction des implications patrimoniales que peut comporter le choix

de son lieu de vie. Aussi, sa volonté ne doit pas s'avérer contraire à son intérêt.

- M’assurer de l'adéquation entre la situation personnelle de Monsieur Henri et les critères

d'admission de l’établissement,

- M’assurer du type de prestations offertes,

- M'assurer de la conformité de l'établissement avec la loi du 0/01/2002 dans le respect des

droits de l'usager et pour se faire, solliciter les outils qui doivent être mis à disposition,

Page 28: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

27

susceptibles de m'éclairer, soit le projet d'établissement, le règlement de fonctionnement, le

livret d’accueil, la charte des droits de la personne accueillie que je lirai attentivement.

Evoquer la loi 2002-2 n’est pas un passage obligé mais une nécessité liée au fait que les

associations tutélaires doivent s’approprier l’esprit de la loi. Cette loi, rénovant l’action

sociale et médico-sociale met l’accent sur la reconnaissance, le respect et la promotion du

droit des personnes.

2. La demande d'admission

Monsieur Henri avait visité la structure mais pas à proprement parler fait de visite de

préadmission nécessaire aux deux parties pour évaluer d' une part la possibilité d' un accueil

et d' autre part le souhait réel d' intégrer de la part du demandeur.

Cette visite se déroulera en présence du médecin coordinateur du nouvel EHPAD, du frère

de Monsieur Henri et évidemment de l'association Sourd Média pour servir d’interface

neutre pour Monsieur Henri.

Elle se terminera par une proposition de date d'entrée, que je négociai en lien avec la

résidence actuelle de Monsieur Henri.

En mesure de finir de compléter le dossier puisqu’il répond à la demande de Monsieur Henri,

je me heurte pourtant à un dernier obstacle :

Toute demande d'admission en maison de retraite comporte deux volets : une partie

administrative et une partie médicale qui doit être remplie par le médecin traitant de la

personne.

Je fais donc parvenir la partie médicale à la résidence actuelle en déposant moi-même le

dossier et quelques semaines plus tard je constate que je suis toujours sans retour de ce

document complété.

Je contacte l'établissement par téléphone pour apprendre que le médecin traitant de

Monsieur Henri refuse de remplir le dossier médical. Il estime en effet que nous devions

rechercher son avis avant qu'une quelconque décision soit prise.

Page 29: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

28

Je contacte moi-même le praticien pour l'informer du déroulement de cette affaire en

m'appuyant sur la cadre infirmière de l'établissement en ce qui concerne l'aspect plus

médical.

Malgré mes explications, je ne parviens pas à le convaincre de remplir rapidement le

dossier de Monsieur Henri.

Bien que sachant que le médecin ne peut pas opposer au tuteur, le secret médical car le

tuteur exerce le droit à l’information du majeur protégé en vertu de l’article 1111-2 du code

de la santé publique, je remets néanmoins en question ma posture professionnelle car il est

vrai que, privilégiant le contact avec le médecin coordinateur, j’avais omis d' intégrer le

médecin traitant dans le réseau de Mr Henri, qui est pourtant un partenaire très important

pour le délégué

3. La détermination de Monsieur Henri pour finaliser le projet

Monsieur Henri, ayant bien compris que sa demande était maintenant tout à fait entendue

et actée, trouvait le temps long avant de pouvoir intégrer sa nouvelle résidence et décidait

de montrer son impatience par des comportements très explicites :

Je ne l'ai pas constaté par moi-même mais il m’a été rapporté par le personnel de la maison

de retraite. Dès le lever, Monsieur Henri avait fait sa valise et restait posté sur sa chaise avec

la brochure du nouvel établissement dans les mains, dans l'attente que quelqu'un vienne le

chercher pour l’y emmener.

Quelle traduction de son choix aurait été plus convaincante ?

Malgré une incapacité de s’exprimer verbalement, le majeur protégé s’étant senti entendu

et écouté aura retrouvé une capacité à faire définitivement aboutir son projet.

Nous avons rendu de la « puissance » au majeur protégé, "protéger sans diminuer" en est

ici une magnifique illustration.

Cette détermination a fait se lever les derniers obstacles et convaincu définitivement son

médecin traitant qui a fini par délivrer le dossier médical attendu par l'institution qui allait

accueillir Monsieur Henri.

Page 30: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

29

4. La demande d'aide sociale

La demande d'Aide Sociale, en raison des conséquences qui peuvent en découler, n'est pas

une démarche anodine. Il y a lieu de s'y attarder, y compris avec la famille, avant de s'y

engager.

En matière d'aide sociale, les personnes en situation de handicap bénéficient d'un régime

plus avantageux que les personnes âgées (art. L114-1 du CASF).

Les ressources de Monsieur Henri étant insuffisantes pour régler ses frais d'hébergement

dans leur totalité, ce qui était d' ailleurs déjà le cas pour son hébergement actuel, l'appel à

l'Aide Sociale me semble indispensable.

Cette aide est délivrée par le Conseil Général du département, après avis d’une commission.

Je déposai au centre communal d'action sociale de son domicile (lieu d’habitation du

demandeur), une demande d’admission à l'aide sociale, accompagnée d’un bulletin de

situation précisant la date d’entrée et le montant du prix de journée et fournissais à

l'assistante sociale de l'établissement une attestation précisant la date de dépôt de ce

dossier.

Je ne suis pas sans ignorer que l'admission à l'aide sociale a des conséquences en termes

d'obligation alimentaire et de récupération sur la succession de celui qui en a bénéficié.

Exerçant dans une association Mandataire qui affirme sa spécificité au profit des personnes

en situation de handicap, la question des conséquences de l'admission à l'aide sociale se

pose, eu égard aux avantages laissés aux personnes Handicapées, par rapport aux

personnes âgées: pas de récupération si ascendants, descendants ou conjoint.

Dans la situation de Monsieur Henri, d’ une part, une première demande avait auparavant

été faite par la famille elle – même et d’autre part, ne figurant pas dans les critères requis

pour permettre une non-récupération et/ou l'obligation de recourir aux obligés alimentaires,

je n’étais pas en difficultés pour refaire cette demande d’aide sociale, après en avoir

informé sa fratrie.

Page 31: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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5. l' information à sa sœur

Sa sœur n’ayant pu participer aux diverses rencontres, j’ai tenu, avec l’accord de Monsieur

Henri, à l’informer de nos différentes démarches. Je lui ai fait parvenir par courrier la

brochure de présentation du nouvel établissement de Monsieur Henri. Ravie, elle m’a

envoyé un courrier pour me remercier. Tenir compte de l’environnement du majeur protégé

dans l’exercice de son mandat est un élément indispensable.

Après avoir repéré les relations et les liens et l’intérêt que portait Monsieur Henri à sa

famille, j’ai agi en conséquence.

6. La révision de la mesure de protection

Ma dernière action prioritaire a été de mettre en œuvre la révision de la mesure de

protection, dans l’intérêt de Monsieur Henri et afin qu’elle devienne tout à fait adaptée à

sa situation personnelle.

La loi fait de ce moment un temps de rencontre essentiel permettant à la justice de vérifier

la pertinence du maintien de la mesure, de l’adapter aux capacités de la personne et au

majeur protégé de s'exprimer.

Dans le cadre de la loi n°2007-308, portant réforme de la protection juridique des majeurs et

dans l’objectif de préserver les intérêts du majeur protégé, nous avons sollicité la révision de

mesure. Compte tenu des principes de nécessité et de proportionnalité, le maintien de la

mesure de tutelle pour une durée supérieure à cinq ans me semblait justifié.

J'ai donc fait établir un certificat médical par un médecin inscrit choisi sur la liste tenue par

procureur et dans la situation de Monsieur Henri, fait le choix d'un gérontologue que je

pensai plus à même de détailler précisément l’altération des capacités personnelles du

majeur protégé, susceptibles ou pas d' une amélioration, dans les données acquises de la

science et se positionner sur le Droit de vote. Ces points me semblaient importants pour

permettre au juge des tutelles de fixer éventuellement une durée de mesure supérieure à

cinq ans.

" Art. 441. - Le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans.

« Art. 442. - Le juge peut renouveler la mesure pour une même durée.

Page 32: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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« Toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425

n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données

acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme

du médecin mentionné à l'article 431, renouveler la mesure pour une durée plus longue qu'il

détermine."

J'ai établi un rapport de révision et la requête aux fins de révision de la mesure.

Le rapport communiqué au juge des tutelles détaillera l’ensemble de la situation du

Majeur Protégé tant dans la présentation de la personne, la traduction au quotidien de l'

altération de ses facultés personnelles, les principes de nécessité et de proportionnalité, sa

situation administrative et patrimoniale, l' organisation de son budget , les conditions

d'exercice de la mesure , la question du droit de vote, des actes à caractère personnel, le

rôle éventuel de la famille dans la mesure de protection, l'audition ou pas du majeur

protégé .

La loi du 5 mars 2007 prévoit que :

« Art. 447. - Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge.

Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des

intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou

plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou

tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes

pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation.

« Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la

protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il

peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint

« A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de

l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles

s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent."

Page 33: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

32

Prenant appui sur la situation antérieure exposée, rendre à l'entourage familial un rôle

officiel dans la mesure de protection m'est apparue comme justifié dans l'intérêt de

Monsieur Henri et dans le respect de ses liens familiaux

Contactée à ce sujet, Marie-Thérèse sa sœur m'indiqua clairement qu'elle ne le souhaitait

pas en raison de son éloignement et du fait qu'elle était veuve depuis très peu de temps.

Alain quant à lui, en était resté au fait de ne pas souhaiter exercer la tutelle aux biens, par

souci de ne pas alimenter des conflits possibles avec sa sœur.

N’étant pas informé des dispositions particulières de la loi, en ce qui concerne la possibilité

qui est laissée au juge des tutelles, de désigner plusieurs tuteurs ou curateurs , je lui donnai

toutes les explications et lui proposai de prendre le rôle de tuteur à la personne , ce qui était

déjà le cas, à mes yeux, de manière officieuse, comme en atteste sa présence tout au long

de la situation présentée.

Cette proposition avait été choisie dans le respect des souhaits d’Alain de ne pas avoir à s'

impliquer dans l'exercice de la gestion financière, ce qui l’ excluait d’ office d’un rôle de

subrogé-tuteur, ou de co-tuteur ;

L'audition au Tribunal se déroula en la présence de Monsieur Henri, son frère Alain,

l'Association Sourd Média et moi-même;

Monsieur Henri, entendu grâce à la présence de l'association Sourd Média, ne fit aucune

objection, à voir son frère s'impliquer officiellement dans l'exercice de sa mesure de

protection

Le juge des tutelles s'appuyant sur le certificat du spécialiste et sur la traduction des paroles

de Monsieur Henri :

- a fixé la mesure de tutelle pour une durée de dix ans.

- a désigné ATINORD pour la protection des biens et Monsieur Alain pour la protection de la

personne.

Dans les trois mois suivant l'ouverture de la mesure de protection, je me dois d’établir avec

Monsieur Henri le Document Individuel de Protection des Majeurs, le DIPM.

Page 34: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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Art 471-8 du Code D’Action Sociale et des Familles

« Pour satisfaire aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 311-4, il est également remis à la

personne, dans les conditions définies au 1° de l'article L. 471-7, un document individuel de protection

des majeurs qui définit les objectifs et la nature de la mesure de protection dans le respect des

principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et

du projet de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant

prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée. Le contenu minimal

de ce document est fixé par décret. Copie en est, dans tous les cas, adressée à la personne »

Ce document a pour but de définir les objectifs généraux de la mesure de protection, mais

aussi les objectifs personnels. On y trouvera :

La nature et les objectifs de la mesure de protection,

Les domaines d’intervention du mandataire judiciaire,

Les modalités d’accueil et d’échange entre la personne et le service,

La participation éventuelle de la personne à l’élaboration de ce

document,

Les conditions de sa participation au financement de l’exercice de sa

protection juridique.

Au sein de l’association, ce document fait office du compte rendu d’ouverture.

Page 35: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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CONCLUSION

A l’heure où j’achève l’écriture de cet exposé, Monsieur Henri est installé au sein de sa

nouvelle résidence

La période d’essai dans cette structure s'est avérée positive.

Cette période m’a permis entre autre, de vérifier d’une part l’adéquation entre le projet

d’établissement et les souhaits de vie de Monsieur Henri, la conformité de l’Etablissement

avec les outils de la loi 2002-2 mais aussi et surtout son adhésion à de nouvelles conditions

de vie et son intégration. Un contrat de séjour a été signé lors de son entrée dans

l’établissement, afin de contractualiser

Mon éthique professionnelle consolidée par la formation suivie, et l’esprit de la loi du 5

mars 2007, ont contribué à résoudre dans la mesure du possible, la problématique du

majeur protégé, quant au choix de sa résidence.

Sur le plan institutionnel, mon supérieur hiérarchique a accepté que nous conservions le

dossier de Monsieur Henri bien que hors-secteur depuis son départ, afin de pouvoir dans

son intérêt, prendre le temps nécessaire pour vérifier la durabilité de la situation et

procéder à la révision de la mesure de protection.

Sur un plan personnel, la résolution de cette problématique a nécessité de ma part un

investissement conséquent et réactif.

Néanmoins, la participation active de Monsieur Henri a pu faciliter les actions mises en

œuvre.

Le mandataire peut être confronté à des personnes protégées dans l’incapacité totale de

pouvoir donner leur consentement et il lui revient alors de se prononcer au nom de la

personne, ce qui n’est pas toujours chose simple, particulièrement en l’absence de proches.

Cette réalité peut relativiser les difficultés que j’ai pu rencontrer dans la situation de

Monsieur Henri.

Page 36: AUTOUR DU CHOIX DE LA RESIDENCE

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