Auteurs Et Éditeurs de Litt Au XIXe Siècle

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    AUTEURS ET ÉDITEURS DE LITTÉRATURE AU XIXE SIÈCLE Élisabeth Parinet 

    P.U.F. | Revue d'histoire littéraire de la France

    2007/4 - Vol. 107

    pages 791 à 801 ISSN 0035-2411

    Article disponible en ligne à l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2007-4-page-791.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Parinet Élisabeth, « Auteurs et éditeurs de littérature au XIXe siècle »,

    Revue d'histoire littéraire de la France , 2007/4 Vol. 107, p. 791-801. DOI : 10.3917/rhlf.074.0791

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    AU XIXe SIÈCLE

    ÉLISABETH PARINET*

    Dans la vie des auteurs du XIXe siècle, un nouveau personnage a fait

    son apparition : l’éditeur. Qu’ils le louent ou, plus souvent, qu’ils s’enplaignent, Balzac, Sand, Hugo, Flaubert, Renan, Verne, Zola, Verlaine…nouent avec lui des rapports suivis, passionnels parfois, dont leur corres-pondance se fait l’écho. Le phénomène ne disparaît pas avec le siècle.Qu’on songe à la correspondance de Céline avec Gaston Gallimard ou,dans une période plus récente, aux nombreuses affaires portées devant leprétoire1 ou arrêtées à sa porte. Toutefois, si ces échanges ont acquis parleur médiatisation un écho plus grand, leurs thèmes n’ont guère évoluédepuis le XIXe siècle. Seule, sans doute, l’interposition d’un interlocuteurnouveau en France, l’agent littéraire, apporterait aujourd’hui quelquechangement dans les rapports entre l’auteur et son éditeur.

    Au-delà des anecdotes amusantes et des propos pittoresques quiémaillent les relations entre les écrivains et leur éditeur, c’est, auXIXe siècle, l’apparition-même de ce nouvel acteur qui retient l’attention.Non qu’elle soit difficile à expliquer. Les institutions chargées de consa-crer la valeur littéraire et d’assurer, par le jeu des pensions et des protec-tions diverses, la vie matérielle des auteurs sans ressources personnellesse sont effondrées. Les auteurs, dont le nombre va croissant, sont donc àla recherche de nouveaux moyens de valoriser, intellectuellement et maté-riellement, leurs œuvres et, à défaut d’une fortune propre, d’une pensionou d’une sinécure offerte par quelque administration, ils sont de plus enplus nombreux à vouloir vivre de leur plume. Parallèlement, l’élargisse-

    * École nationale des Chartes.

    1. C’est ainsi que se dénouait il y a cinquante ans les liens unissant Montherlant à Grasset.

    RHLF, 2007, n° 4, p. 791-801

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    2. H. de Balzac, Illusions perdues, A. Béguin éd., Club français du livre, 1950, p. 650. Sanssous-estimer ni la subjectivité de Balzac et l’influence de ses propres tentatives malheureusesdans ce domaine, ni la nécessité de forcer le trait pour dessiner des types, la vraisemblance dupersonnage de Dauriat, en qui les contemporains avaient immédiatement reconnu l’éditeurLadvocat, est peu contestable. D’ailleurs, le personnage est plus complexe qu’il ne semble à pre-mière vue et Balzac a pris soin de le flanquer de deux autres personnages de libraires qui lui per-mettent de ne pas réduire au seul Dauriat le monde éditorial de son temps. Élias Regnault traceun portait très semblable de ce « prince de la librairie » sous le nom de Dusaillant, dans  LesFrançais peints par eux-mêmes (Curmer, 1839-1842).

    3. Guy Rosa, Sophie Trzepizur, Alain Vaillant, « Le peuple des poètes » dans Romantisme,

    n° 80, p. 46.

    ment du public, l’alourdissement des tâches de diffusion et de distribution,l’apparition de nouvelles techniques commerciales, et notamment celle dela réclame, amènent à distinguer la fonction spécifique d’éditeur de celledu libraire ou de l’imprimeur. L’éditeur est devenu l’intermédiaire indis-pensable entre l’auteur et le public. De l’organisation de la vie de l’œuvre

    à celle de son succès, il n’y a qu’un pas, vite franchi. Liant prestige litté-raire et réussite financière, le Dauriat de Balzac n’imagine-t-il pas déjàson « bureau de lecture » chargé de trier les manuscrits : « Ce sera la suc-cursale de l’Académie française, et les académiciens seront mieux payésaux Galeries-de-bois qu’à l’Institut »2. Dans ces conditions, le choix d’unéditeur prend une importance qu’il n’avait pas au siècle précédent. Encorefaut-il que l’auteur ait réellement la possibilité du choix et que les attentesdes uns et des autres coïncident.

    S’il est aisé de définir ce qu’est, au XIXe siècle, un éditeur scolaire,scientifique ou religieux, d’en cerner rapidement les caractéristiques etd’en répertorier les principaux représentants, il n’en est pas de même pourl’édition littéraire.

    La spécialisation des éditeurs n’est pas inconnue de l’Ancien Régime.La puissance financière demandée par certains types de publications enraison de leur ampleur ou de leurs illustrations, les menaces de la censureobligeant soit à la ruse soit à l’édition hors des frontières, la familiaritéavec des clientèles ou des courants d’idées particuliers font que certainséditeurs accueillent plus volontiers tel ou tel type d’ouvrages. Toutefois, ilserait bien difficile d’étiqueter strictement la majorité des éditeurs. LaRévolution perturbe profondément le monde des libraires et, avec leXIXe siècle, c’est un monde d’éditeurs presque entièrement renouvelé quis’offre aux auteurs en quête d’une publication. Toutefois, la spécialisationdans la littérature n’est pas encore acquise à une exception près, celledu théâtre.

    Traitons d’abord de cette exception. Elle est importante puisque, toutau long du siècle, les pièces de théâtre représentent entre un quart et untiers du nombre des titres nouveaux publiés chaque année en littérature3,

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    4. Les éditeurs de livres illustrés forment aussi une catégorie d’éditeurs dont la production sedéfinit moins par les sujets que par les contraintes de la fabrication et la nécessaire familiaritéavec le monde des illustrateurs à qui ils demandent d’illustrer indifféremment textes littéraires,livres de botanique ou livres religieux.

    5. Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo, Fayard, 2001, p. 431.

    malgré une régression à partir de la Troisième République. Dans cedomaine, les éditeurs sont peu nombreux et facilement identifiables :citons parmi les plus connus Jean Nicolas Barba, Tresse, Marchant,Charlieu, Michel Lévy. Cette spécialisation est antérieure à la Révolutioncar elle est liée à une pratique sociale particulière : la grande popularité du

    théâtre comme divertissement suscite une abondante production éditorialesous forme de programmes, feuilles critiques et textes des pièces jouées,le tout vendu dans ou à proximité des salles de spectacle. La lecture dutexte des pièces du moment est si habituelle que certains cabinets de lec-ture en font leur spécialité. La famille de Michel Lévy, par exemple,ouvrit, en 1836, un cabinet de lecture de ce genre. Toute pièce jouée — etl’on sait la rotation rapide des spectacles parisiens — a donc chance d’êtreéditée. Il faut pour cela des éditeurs en liaison constante avec les théâtrestant pour éditer que pour distribuer cette production. De plus, il faut êtrecapable d’éditer rapidement et pour un prix peu élevé. En effet, il s’agit depublications plus proches de la brochure que du livre, minces, habilléesd’une couverture de simple papier ; outre le texte, elles comportent la dis-

    tribution et l’air des couplets s’il y en a, souvent aussi des publicités pourd’autres publications. Il s’agit de ce que l’on appellerait aujourd’hui unobjet de consommation immédiate. La spécialisation des éditeurs dethéâtre est donc pour une très grande part liée aux conditions de produc-tion, comme pour les éditeurs de livres illustrés4. Du coup, les éditeurs dethéâtre sortent peu de leur spécialité, sauf à profiter, comme le fait Barba,d’un auteur dramatique qui, à l’exemple de Pigault-Lebrun, se doubled’un romancier. Il faut reconnaître aussi que leur image d’éditeurs spécia-lisés et la connotation populaire de leur production ne facilitent pas leurentrée sur le marché du roman ; Michel Lévy, par exemple, aura du mal àattirer chez lui des romanciers d’un certain renom quand il décidera dechercher l’expansion de son entreprise dans la diversification.

    L’auteur dramatique semble donc jouir du privilège de trouver facile-ment un éditeur pour peu que sa pièce soit montée — encore le faut-il —et qu’il se satisfasse de ce type d’édition. Si ce n’est pas le cas, il se trouveconfronté à la même situation que ses confrères poètes et romanciers.C’est ainsi que l’on peut interpréter la double publication d’ Hernani, dontle texte est publié le 9 mars 1830 chez Louis Mame et Delaunay, et lemois suivant chez Barba5. La première édition marque une ambition, cellede se distinguer de la production théâtrale courante ; la seconde est une

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    6. Jean-Yves Mollier,  Michel et Calmann Lévy ou la naissance de l’édition moderne, 1836-

    1891, Calmann-Lévy, 1984, p. 348.

    concession aux lois du commerce : l’édition Mame n’a pas saturé lademande, sans doute en raison de son prix, et Barba peut encore trouverun public pour une publication moins chère. Par la suite, le théâtre deVictor Hugo paraîtra chez les éditeurs qui publient tous ses autres textes,Renduel notamment, dans des volumes vendus généralement 6 F. Ajou-

    tons que l’empressement à publier des pièces de théâtre ne se double paschez les éditeurs d’un égal empressement à rémunérer les auteurs. SiHugo touche 1 500 F de Barba pour 1 000 exemplaires et 5 000 F deMame pour 2 300 exemplaires d’ Hernani, beaucoup d’auteurs ne touchentde droits qu’à la condition de connaître un grand succès. En tout état decause, la fortune d’un auteur dramatique vient toujours de son pourcen-tage sur les recettes et non de ses droits sur l’édition du texte, toujoursbeaucoup plus faibles. Dans la seconde moitié du siècle, les cataloguesdes éditeurs de théâtre restent fournis : celui de Michel Lévy compte titres6 000 titres de pièces en 18756 ; celui de Stock, hérité de son oncle Tresse,est plus modeste avec près de 800 pièces, monologues du boulevard etadaptions pour représentations d’amateurs. Toutefois, deux faits prouvent

    que la situation exceptionnelle de l’édition théâtrale est en train de dispa-raître. On constate, d’une part, que les nouveaux éditeurs populaires,familiers des publications en fascicules, se tiennent à l’écart du marché duthéâtre. Flammarion et Fayard, qui sont à la frontière de ce genre d’édi-tions, s’y essaieront pourtant ; le premier lance en 1896 une collection dePièces à succès, à 60 centimes, le second, dix ans plus tard, une série« théâtre » de sa Modern Bibliothèque à 95 centimes. Le choix desauteurs (Courteline, Tristan Bernard, Paul Hervieu…), le développementlimité de ces collections montrent que le public du théâtre s’est embour-geoisé et qu’il entretient un rapport différent avec le texte. Assister à unspectacle ne suscite plus nécessairement le désir d’acheter son texte et, parvoie de conséquence, le lien qui avait si longtemps uni représentation et

    publication disparaît. La publication en livre devient donc une sorte deconsécration de la valeur littéraire et les auteurs dramatiques se dispersent— c’est le second fait marquant — chez des éditeurs littéraires « généra-listes » : Feydeau et Porto Riche chez Ollendorf, Rostand chez Fasquelle,le théâtre nordique chez Savine…

    Revenons au cas plus difficile des romanciers et des poètes qui, telsLucien de Rubempré, doivent trouver un éditeur. À qui s’adresser ? Il y a,d’une part, ceux que l’on pourrait appeler des éditeurs « à l’ancienne »,sans spécialité. La littérature côtoie dans leur catalogue, un livre pratiqueaussi bien qu’un livre religieux ou l’édition d’un classique latin à destina-

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    tion des collèges. Ces éditeurs pratiquent beaucoup le compte d’auteur oul’une de ses innombrables variantes (compte à demi, achat d’exem-plaires…)7. La littérature étant le domaine où le succès est le moins pré-visible, ce sont les romanciers et les poètes qui se voient le plus souventproposer de prendre en charge les frais d’édition. Parfois même, ces édi-

    teurs laissent aux auteurs le soin de diriger l’impression et n’assument quela phase finale de distribution8. Si l’auteur n’a pas les moyens de financerla publication, il ne pourra plus mettre ses espoirs que dans une publica-tion en revue. Dans la première moitié du siècle, ces éditeurs sont touchéspar deux évolutions qui tendent l’une et l’autre à en réduire le nombre. Lapremière est la centralisation parisienne ; en effet, la majorité des éditeursprovinciaux relèvent de cette catégorie des éditeurs sans véritable spécia-lité ; ils éditent notamment une grande partie des innombrables recueils depoésies qui n’atteignent jamais la célébrité, mais forment une grande partde l’édition poétique, en nombre de titres publiés. La seconde évolutionqui les fragilise est la spécialisation des autres secteurs. L’augmentationrapide des effectifs scolaires, les débuts de l’industrialisation de la pro-

    duction, la concentration des institutions scientifiques font que des édi-teurs désormais spécialisés leur ôtent des pans de leur catalogue pour neleur laisser que ce qu’on appelle la « littérature générale ».

    Le second groupe d’éditeurs de littérature est celui des éditeurs de« nouveautés ». Sous la Restauration et les débuts de la monarchie deJuillet, ce sont les éditeurs de ce que Balzac appelle les livres « faits »,ceux dont le succès semble programmé. Encore faut-il que les éditeurs denouveautés y mettent un peu de leur énergie : ils sollicitent des subven-tions, font de la publicité, entretiennent des relations utiles, avec la pressenotamment. Inquiets ou fascinés, les contemporains ont fait du flam-boyant Ladvocat la figure emblématique de ce monde des galeries duPalais-Royal. La littérature est, avec parfois l’histoire, le vaste terrain sur

    lequel ils peuvent se permettre cette politique de « coups médiatiques »avant la lettre, l’autre, celui de la polémique religieuse ou politique, leurétant strictement limité par la censure. Poésie, théâtre ou roman, peu leurimporte, du moment que l’auteur est connu ou l’œuvre à la mode. Les pre-miers pas de Victor Hugo dans le monde de l’édition illustrent bien lacoexistence de ces différents éditeurs. Après une publication en revue,Hugo sur les conseils de son frère Abel, porte son premier recueil à unimprimeur puis en confie les exemplaires à un libraire de très petite noto-

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    7. Dans les Illusions perdues, Doguereau propose à Lucien une maigre pension en échange dedeux romans par an.

    8. Les innombrables Physiologies publiées autour de 1840 donnent l’exemple d’un genre à lamode qui inspire de nombreux auteurs d’occasion. Elles sont majoritairement imprimées à

    compte d’auteur et distribuées par des libraires parisiens.

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    riété, Pélicier. Le travail, fait aux frais du poète, est de médiocre qualité.Il change donc d’éditeur pour la nouvelle édition de ses Odes et pour Hand’Islande en 1823 : ce sera Persan qui ne lui donne pas plus satisfaction ;Hugo songe à faire faire une seconde édition de son roman mais Persanproteste dans la presse qu’il reste encore 500 exemplaires invendus du

    premier tirage et qu’il n’a vendu que 200 exemplaires des Odes… Entre-temps, il a d’ailleurs fait faillite9. À partir de 1824, malgré la fâcheusepublicité faite par Persan, la notoriété venant, Urbain Canel accepte d’édi-ter  Bug-Jargal. Désormais, Hugo sera édité (et rémunéré), au gré de sesbrouilles et des faillites des éditeurs, par Gosselin, Renduel, Ladvocatdont les catalogues abritent d’autres grands noms du romantisme commeVigny ou Lamartine. Le parcours et les mésaventures d’Hugo sont tout àfait banals ; encore avait-il eu la chance de toucher très tôt une pension deLouis XVIII.

    Tient-on là des éditeurs littéraires ? Si l’on donne à cet adjectif le sensd’un éditeur qui édite majoritairement de la littérature, oui. Si l’on penseà des éditeurs engagés dans la défense d’un mouvement littéraire comme

    le romantisme, c’est plus douteux. Les catalogues des éditeurs qu’onappelle « romantiques » sont riches d’enseignements. Celui d’UrbainCanel qui édite beaucoup des meilleurs écrivains des années 1820 et jouitd’une réelle considération intellectuelle parmi ses auteurs, ne comporteque 17 titres de littérature sur les 70 annoncés10. Les œuvres de Lamar-tine, Vigny et Hugo côtoient un  Manuel d’équitation, un Traité d’horti-culture et d’apiculture, un Dictionnaire de chimie… Pourtant, Canel ne secontente pas de prendre les manuscrits qui se présentent à lui ; il saitprendre des initiatives littéraires et commerciales puisqu’il peut annoncer,dans le même catalogue, l’ Album poétique et pittoresque de quatre voya-geurs aux Alpes, « un volume in-8° imprimé avec le plus grand soin surpapier grand raisin vélin et orné de huit gravures dessinées d’après nature

    par M. Taylor et gravées par les artistes les plus distingués de l’Europe ».Et d’ajouter plus imprudemment qu’il ne le croit peut-être : « Le prix decet intéressant ouvrage ne sera fixé qu’à sa publication, qui aura lieu aumois de mai 1826 ». On sait que Canel ne pourra jamais publier l’ouvragepour lequel il a avancé les frais du voyage qui devait emmener Lamartine,Hugo, Nodier et le baron Taylor dans les Alpes11 : il aura fait faillite avantd’avoir réuni dessins et textes que les voyageurs ne s’étaient guèreempressés de lui remettre. L’initiative de cet  Album comme celle des

     Annales romantiques montre un éditeur actif, encore sans spécialisation,

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    9. Sur ces péripéties, voir Jean-Marc Hovasse, op. cit., p. 262 et suivantes.10. Catalogue de la librarie Urbain Canel, 1826, Bibliothèque nationale de France, fonds Q10.11. Le baron Taylor se désista au profit du peintre Gué ; Lamartine refusa de quitter Mâcon.

    Voir, pour le récit de ce voyage, Jean-Marc Hovasse, op. cit., p. 307-318.

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    mais déjà soucieux de réunir des auteurs (et des thèmes) à succès. Dix ansplus tard, le catalogue de Gosselin, autre éditeur dont le nom est associéaux romantiques, et particulièrement à Hugo, est plus nettement littérairemais, en gestionnaire avisé, il n’hésite pas à se lancer dans la presse avecson  Magasin universel, pressentant le développement de cette presse

    périodique. Le catalogue de Renduel, enfin, met en évidence un autre traitde la politique de ces éditeurs. Il ne compte en 1834 qu’une cinquantainede titres12 : de la littérature, de l’histoire et le fameux essai de Lamennais,Paroles d’un croyant . Renduel n’accorde pas d’importance à la constitu-tion d’un fonds, d’où la relative minceur de son catalogue. Il est, commeses confrères, dans une logique de profit immédiat et de renouvellementpermanent. Les contrats proposés aux auteurs sont signés pour une duréed’exploitation ou pour un nombre d’exemplaires donnés, encore limités,bien souvent, par un type d’édition (format, présence ou non d’illustra-tions). Ainsi, Hugo signe en 1824, pour ses Nouvelles odes, un contrat dedeux ans avec le fameux Ladvocat. Spéculateur ? C’est le terme qu’em-ploie Regnault13 pour caractériser l’éditeur de la monarchie de Juillet et le

    mot dans lequel les contemporains entendent davantage qu’aujourd’huisans doute le sens d’un pari sur l’avenir, a déjà une nuance péjorative.Pourtant, devant Lucien ébahi, Dauriat se revendique comme tel avecfierté. Il écarte tout sentiment de culpabilité en soulignant les retombéespositives pour les auteurs de sa politique. À la différence de leursconfrères, les éditeurs de nouveautés paient des droits souvent élevés pouremporter l’accord de l’auteur. Du moins, les promettent-ils, car ils sontsouvent en faillite ! « Si je ne suis pas tout à fait un Mécène, j’ai droit àla reconnaissance de la littérature : j’ai déjà fait hausser du double le prixdes manuscrits », clame Dauriat14, ce qui n’est pas faux si l’on ne consi-dère que les auteurs les mieux payés. Cet avantage est-il le garant d’unlien fort entre l’éditeur et son auteur ? Cette communauté d’intérêt est, en

    fait, limitée par les pratiques tendant à remédier au manque chronique decapitaux. Le régime des contrats à étendue limitée pousse les auteurs àdémarcher successivement plusieurs éditeurs et le lien qui s’établit n’estque temporaire et variable. De plus, l’instabilité financière des éditeurs lesoblige à faire circuler entre eux les contrats. Ainsi, en 1827, Canel doitrétrocéder ses droits sur Lamartine à Ladvocat qui les vend ensuite àRenduel. L’auteur n’a pas de droit de regard sur ces « transferts »… Enfin,le manque d’argent frais oblige souvent les éditeurs à se grouper entre euxou avec des papetiers, voire avec des commanditaires extérieurs au mondede l’édition pour lancer une édition coûteuse, comme des œuvres com-

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    12. Catalogue Renduel, 1834, Bibliothèque nationale de France, fonds Q10.13. Élias Regnault, « L’éditeur » dans Les Français peints par eux-mêmes, t. 4, p. 322-334.

    14. H. de Balzac, op. cit., p. 651.

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    plètes (ou présentées comme telles). Il est difficile dans ces conditions queles auteurs aient un sentiment de solidarité avec leur éditeur et résistent àla tentation de faire monter les enchères quand leur statut le leur permet.

    On voit donc, dans la première moitié du XIXe siècle, le monde des édi-teurs bouleversé par l’arrivée d’éditeurs se situant à l’avant-garde de la

    révolution des pratiques commerciales ; souvent grisés par des perspec-tives d’enrichissement rapide, ils surestiment la rapidité des évolutions etfont fi de toute prudence financière, ce qui explique leurs nombreuxdéboires. Le début de spécialisation littéraire que l’on observe est plusdicté par un opportunisme commercial que par des considérations intel-lectuelles. Les auteurs en sont conscients et n’attendent pas de leurs édi-teurs qu’ils partagent leurs préoccupations esthétiques. Si l’on trouve sousleur plume des propos désobligeants concernant la capacité des éditeurs à

     juger les textes proposés, voire à les déchiffrer, le reproche occupe rare-ment une place centrale. En effet, il ne manque pas d’autres sujets d’af-frontement entre auteurs et éditeurs. Les contrats pour une durée limitéenourrissent aisément, chez l’auteur, le sentiment d’être la dupe de l’édi-

    teur car, en cas de succès de l’œuvre, l’éditeur va multiplier les tiragessans que l’auteur qui l’a cédée pour une somme forfaitaire, en tire profit.L’auteur oubliera plus facilement les cas où l’éditeur n’aura pas mêmeréussi à écouler un premier tirage… Surtout, en s’arrogeant un rôle déci-sif dans la vie des œuvres, les éditeurs ont ouvert la porte aux critiques etrécriminations des auteurs qui ont tendance à rejeter sur eux tous les mauxdont ils souffrent : crise de la librairie, manque à gagner dû à la contrefa-çon belge, rémunération aléatoire des publications dans la presse, subor-dination des auteurs aux illustrateurs pour répondre à la mode des livresillustrés… Tout est sujet à plaintes et Regnault, en 1840, se dit frappé parcette animosité qu’il constate entre deux groupes dont les intérêtsdevraient être communs. Pour être juste, il faut remarquer que les éditeurs

    sont à la fois responsables et victimes de la crise générale de la librairie etdes méfaits de la contrefaçon, et que rares sont les auteurs qui en voientclairement les causes et y proposent des remèdes. Plusieurs initiativesvont résoudre peu à peu certains de ces problèmes. La naissance de laSociété des gens de lettres (1838), la création du Comptoir d’escompte(1848) pour assainir les finances de la librairie, la signature d’accordsinternationaux pour lutter contre la contrefaçon (1852) vont contribuer àl’apaisement des conflits. Cependant, ce sont les évolutions qui se multi-plient dans les années 1845-1855 qui vont être décisives dans la redéfini-tion des rapports entre auteurs et éditeurs.

    Le succès du roman-feuilleton apporte des revenus substantiels à unpetit nombre de romanciers des années 1840. Puis, la multiplication

    rapide du nombre de publications quotidiennes ou périodiques, pari-

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    siennes ou provinciales, susceptibles d’accueillir des feuilletons et l’appa-rition des romans-journaux, à partir de 1855, augmentent les occasions derentabiliser les romans. Même si, seule, une catégorie d’auteurs bénéficiede cette manne, il existe dorénavant des romanciers qui ne dépendent plusexclusivement des éditeurs ; les plus célèbres peuvent même leur tenir la

    dragée haute et négocier leurs contrats à leur guise. Ce n’est sans doutepas sans influence sur la disparition de l’image de l’éditeur-oppresseur desgens de lettres. Le second phénomène, plus important encore, est l’appa-rition de grands éditeurs, que l’on dira « industriels », décidés à se tour-ner vers la littérature romanesque, dans les années 1850. Leur politiqueéditoriale est très loin de celle des éditeurs de nouveautés de la périodeprécédente. Pour atteindre de gros tirages, ils parient non pas sur debrusques emballements d’un public restreint, mais sur la clientèle devastes publics, ce qui implique une politique de prix assez bas et le choixd’auteurs plaisant au plus grand nombre. Louis Hachette, Michel Lévy, lesgrands éditeurs catholiques mènent avec rigueur cette politique qui placela conquête d’un vaste lectorat, clairement identifié, au centre de ses pré-

    occupations. Ces éditeurs ayant gardé de leurs prédécesseurs nombre d’in-novations commerciales, une grande part de leur production s’inscrit dansdes collections : la Bibliothèque Michel Lévy à 1 F, les nombreuses col-lections issues de la Bibliothèque des chemins de fer chez Hachette, etc.La collection, dont Gervais Charpentier n’avait pas été l’inventeur maisqu’il avait le premier réussi à imposer, est un moyen efficace de fidéliserle lecteur dont les éditeurs industriels n’auraient garde de se priver. Lapremière conséquence de cette « seconde révolution du livre » est plutôtbénéfique aux auteurs dans la mesure où ces nouveaux éditeurs ont besoinde titres nombreux pour donner une visibilité à leurs collections littéraires,les nourrir et faire des profits. Ils ouvrent donc leur catalogue à un trèsgrand nombre d’auteurs et peuvent se dire à bon droit éditeurs de littéra-

    ture. Toutefois, leur production — les collections surtout — se caractérisepar une certaine homogénéité. Ils ne veulent pas de textes qui déroutentou choquent leur public, soucieux qu’ils sont de leur rentabilité et de leurimage de marque. Pour être consensuels, leurs auteurs ne sont pas néces-sairement médiocres ; toutefois, ces éditeurs du second Empire ne s’inté-ressent ni à la littérature populaire, méprisée de leur clientèle et, parconséquent, nuisible à leur image, ni à la littérature politique ni à la litté-rature simplement novatrice. Pour la première, dès que son public serasuffisamment important, naîtront de grands éditeurs comme Flammarionet Fayard, puis, plus populaires encore, comme Ferenczi et Tallandier, quiappliqueront les recettes de leurs aînés. La littérature engagée politique-ment va rejoindre des éditeurs partageant les mêmes opinions et souvent

    liés à des mouvements ou des revues militantes. Reste toute la production

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    littéraire qui n’a en commun que d’être exclue des maisons d’édition« industrielles ». Pour elle, subsistent toujours quelques maisons prenantvolontiers des comptes d’auteur. Bien qu’elles soient sans spécialitéréelle, l’annexion par les grands éditeurs des domaines du livre pratique etdu livre documentaire, les cantonne de plus en plus dans le domaine litté-

    raire. Même s’il recherche plutôt des textes littéraires, c’est la catégoriedans laquelle on peut ranger le Grasset d’avant 1914 qui ne revendiqueaucune appartenance artistique précise ; il en est de même pour Falque quiédite Les Mains jointes. Il est évident que le choix de Grasset par Proustest un pis aller mais ni lui ni Mauriac ne s’indignent de conditions finan-cières qui leur semblent banales.

    Le défaut majeur que présentent ces éditeurs aux yeux des auteurs estle manque de reconnaissance par le milieu littéraire. C’est toute la diffé-rence entre Grasset et les éditions de la  NRF , avant 1914. Ces dernièresappartiennent, en effet, à cet ensemble de maisons d’édition dont le cata-logue est construit autour d’affinités esthétiques précises au point que l’onpourra leur accoler le nom d’un mouvement littéraire : Lemerre et les

    Parnassiens, Vanier et les Décadents, le Mercure de France et le symbo-lisme, Georges Charpentier et le naturalisme… Ce n’est évidemment pasun hasard si la poésie est la plus représentée dans ces maisons d’édition :elle attire peu les grandes maisons. Les revues qui avaient joué longtempsun rôle de banc d’essai pour les maisons d’édition, vont devoir se faireelles-mêmes éditrices, à la fin du siècle, car l’édition ne vient plus cher-cher chez elles des auteurs. Inversement, les grandes maisons suscitent unsentiment de rejet chez certains auteurs. En effet, si une grande part desauteurs qui se trouvent édités par ces maisons littéraires ne l’auraient pasété par les autres, il s’en trouve aussi qui ne l’ont pas souhaité. Les unsreprochent aux grands éditeurs la mauvaise qualité de leur travail, soncaractère industriel. C’est déjà ce qui fait pencher Baudelaire en faveur de

    Poulet-Malassis alors qu’engagement était pris avec Michel Lévy. Lesautres apprécient l’accueil de maisons souvent liées à des revues littéraires(et parfois issues d’elles, comme le Mercure ou les éditions de la NRF ) oùils peuvent à la fois rencontrer des auteurs ayant les mêmes affinités litté-raires et profiter de la visibilité que donne le regroupement sur la scènelittéraire15. La rançon en est la fragilité financière de ces maisons qui semanifeste soit par une vie chaotique soit par une pratique plus ou moinsétendue du compte d’auteur. Alors que les grands éditeurs solides et struc-turés accélèrent un processus de clarification des rapports avec leurs

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    15. De façon moins théorisée, des maisons comme Charpentier et son successeur Fasquelle,ou Ollendorff profitent aussi de la dépersonnalisation des rapports entre auteur et éditeur dansune maison importante ; elles jouent sur un sentiment de partage d’une sensibilité politique,

    esthétique ou professionnelle pour les journalistes.

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    auteurs par des contrats standards et une rémunération au pourcentage, lecompte d’auteur est largement pratiqué par Lemerre, par le Mercure à sedébuts, par Grasset et beaucoup d’autres. Certains de ces éditeurs cher-chent à élargir leur public en cumulant plusieurs spécialisations. Lemerrechoisit de se lancer dans le livre de luxe qui lui permet de ne pas quitter

    le domaine de la poésie. Savine se fait l’éditeur des dénonciations poli-tiques ou sociales et publie, outre les amis de Drumont, des auteurs aussidifférents que Gourmont, Bloy ou Darien. Néanmoins, le danger quiguette toutes ces maisons est de décliner à mesure que s’essouffle le mou-vement littéraire auquel elles se sont liées. Même les plus importantescomme Lemerre ou les éditions du Mercure connaîtront une longuepériode de déclin avant de disparaître.

    Le XIXe siècle connaît une transformation profonde du monde de l’édi-tion et les structures qui se mettent place sont encore celles que nous luiconnaissons aujourd’hui. Aux mutations violentes et désordonnées de lapremière moitié du siècle succède une période plus calme et plus pros-père, mais non moins riche en changements. L’édition scolaire, scienti-

    fique et religieuse est dorénavant entre les mains d’éditeurs spécialisés. Lereste de la production éditoriale se répartit entre des maisons dont les plusimportantes, profitant de l’expansion globale de la demande, ont opéréune concentration par public. La littérature se trouve donc éditée par desentreprises de taille et d’esprit très différents. Paradoxalement, les éditeursqui publient le plus de livres de littérature, les Hachette, Flammarion,Garnier, Fayard… ne seront pas considérés comme « éditeurs litté-raires » ; le terme sera réservé à ceux qui, acceptant de n’avoir qu’unpublic étroit, prennent les risques que refusent les grandes maisons d’édi-tion. Encore font-ils peser souvent sur les auteurs une partie du risquefinancier encouru. Dans ce contexte, les rapports entre éditeurs et auteurs,un temps conflictuels, se sont officiellement normalisés. La persistance de

    griefs personnels tendrait néanmoins à prouver que le jugement d’ÉliasRegnault n’était pas lié seulement à son époque :« … jamais l’homme de lettres et l’éditeur ne se placent sur le même

    terrain. Au moment même où ils s’abordent, ils sont dans des sphères dif-férentes. L’un se présente avec tout l’enthousiasme du poète sur le trépied,l’autre, avec toute la froideur d’un négociant à son bureau. L’uncontemple son œuvre avec l’ivresse de la paternité, l’autre l’examine avecl’indifférence d’un teneur de livres. […] Ainsi, dans les rapports de cesdeux puissances, la diplomatie manque de langage, parce qu’il n’y a pasd’expressions communes à ces deux pensées qui se fuient mutuellement »16.

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    16. Élias Regnault, op. cit., p. 334.

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