ATHLETISME

L'ÉCOLE ALEXEIEV (*) LENINGRAD

A la fin de l'année 1986, l'Ecole Alexeiev de Léningrad fêtera son cinquantenaire... Cet anniversaire est, pour la Revue EPS, l'occasion d'apporter à ses lecteurs des in­formations sur cette prestigieuse école dont le nombre de médaillés olympiques et de records du monde, depuis les Jeux d'Helsinki, en 1952, est resté inégalé.

L'ÉCOLE DE HAUTE MAÎTRISE D'ATHLÉTISME

« ZENITH » VX ALEXEIEV

V ictor Ilitch Alexeiev est né le 27 août 1914 à Léningrad, dans une famille d'ouvriers. En 1928, il entre à l'usine

F.Z.U. « Frouze » ; à la fin de son appren­tissage, il y travaille comme ajusteur-finis­seur. Sa passion pour le sport le conduisit à l'Ecole Supérieure d'Entraîneurs de l'Institut de Culture Physique P.F. Lesgaft. Le 21 juin 1936, le jeune sportif établit son premier record d'Union Soviétique du lan­cer de javelot à 64,24 mètres. Pendant douze ans, V. Alexeiev détient le record d'Union Soviétique dans cette spécialité athlétique ; il l'améliore et le porte à 69,68 mètres. En 1936, doué d'une puissante énergie, d'une veine pédagogique originale et ma­nifestement d'une grande perspicacité, il créa l'Ecole d'Athlétisme auprès du syndi­cat pour les jeunes, dont il gardera la direction plus de quarante ans. Les jeunes élèves de l'Ecole établirent à

maintes reprises des records de Léningrad et d'URSS dans différentes disciples athlé­tiques. Déjà on commençait à appeler l'Ecole Alexeiev « Ecole des jeunes cham­pions ». Lorsqu'éclata la Deuxième guerre mon­diale, Alexeiev se mit à la tête d'un mou­vement patriotique « les Mille » en vue de la préparation des combattants pour le front. En 1942 on attribue au patriote sportif le titre élevé de « Maître émérite du sport ».

A près la fin de la guerre, V. Alexeiev entreprend le rétablissement de l'école d'athlétisme pour les jeunes,

et avec le concours des organisations socia­les, il s'efforce de la développer ; avec l'aide des komsomols et de ceux qui res­taient de ses anciens élèves, il crée des filiales dans de nombreux districts de Léningrad.

(*) Les informations publiées dans cet article ont été rassemblées par S. Forget lors d'un séjour d'études en URSS, organisé du 5 au 15 février 1986 par l'Association France-URSS sous le patronage du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Ce voyage a réuni 26 enseignants (professeurs d'EPS et professeurs de Sport) et un Conseiller Technique auprès du Mi­nistère de l'Education Nationale.

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EPS N° 199 - MAI-JUIN 1986 23 Revue EP.S n°199 Mai-Juin 1986 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Les fruits de son infatigable activité péda­gogique et créatrice menèrent les élèves de l'école aux plus hautes performances spor­tives. Le 5 août 1949, l'élève de Victor Alexeiev, Natalia Diatlova, établit le re­cord du monde féminin du lancer de jave­lot à 53,41 mètres. Ce fut le premier des quarante-neuf records du monde qui mar­quèrent l'histoire de l'école Alexeiev. Entre les Jeux d'Helsinki en 1952 et ceux de Moscou en 1980, les élèves de l'école rem­portèrent 20 médailles olympiques, dont 9 médailles d'or.

A l'école furent préparés 11 Maîtres entéri­tes ès Sports, 29 Maîtres ès Sport de niveau international, 190 maîtres ès sport (6 en 1985), 9 entraîneurs ayant reçu le titre « d'entraineur émérite d'URSS » (**).

En 1956, ce titre fut attribué à V. Alexeiev et il reçut ensuite les plus hautes distinctions de l'Etat.

Beaucoup d'élèves de l'école devinrent eux-mêmes des entraîneurs-professeurs hautement qualifiés (1).

S ous la direction de V.I. Alexeiev, l'école d'athlétisme de la réserve olympique issue de l'école des jeunes

sportifs, devint le centre le plus important d'enseignement méthodique en athlétisme et mérite une vocation internationale. En 1977, Victor I. Alexeiev est décédé. En 1980, l'école reçut son nom. Cette école travaille en contact étroit avec un des in­ternats sportifs scolaires de Léningrad et le

comité municipal sportif de la ville, où enseigne un groupe important d'entraî­neurs hautement qualifiés, beaucoup d'en­tre eux étant eux-mêmes des élèves de l'école. En plus de la préparation des spor­tifs de haut niveau, l'école et sa base sont devenues le lieu préféré des pratiquants de l'athlétisme à Léningrad. En 1984/85, on a rencensé plus d'un demi-million de prati­quants.

(I) Exemple : A. Baryshnikov.

Extraits du programme-invitation aux 9e compétitions soviétiques en mémoire du Maître émérite de Sport d'URSS : Kl. Alexeiev - 25 janvier 1986. Léningrad.

TRADUCTION: PATRICIA KOSMAL.

UN EXEMPLE D'ENTRAINEMENT AU LANCER DE POIDS

ENTRETIEN AVEC A. BARYSHNIKOV

• Quel a été votre propre record ? • J'ai réalisé, il y a 10 ans, 22 mètres en rotation ; je pense que la rotation m'a fait gagner 80 centimètres.

• Quel est votre critère pour orienter un lan­ceur dans le style en rotation ? • Avec les jeunes élèves, je pense qu'il faut commencer par le style le plus simple ; ensuite, si je vois qu'ils ont assimilé la bonne technique, j'aborde avec eux la rota­tion qui est un style beaucoup plus avanta­geux.

• Quels sont exactement les exercices de musculation que vous considérez comme des tests importants ? • Nous faisons de la musculation unique­ment par méthode répétitive, mais le choix et la répétition des exercices dépendent de la tâche que l'on se fixe.

• Quel est votre record personnel en déve­loppe-couche ? O 220 kilos.

• Nous avons remarqué que l'un de vos athlè­tes lance le poids sans élan, mais à chaque essai il prend des poids de masse différente, pourquoi ? • Oui, en ce moment, il préfère faire faire des exercices avec des poids plus lourds qui pèsent jusqu'à seize kilos.

• Dans les exercices de musculation, par exemple en développé-couché, combien de répétitions faites-vous faire ? • Cela dépend de ce que vous voulez développer. Si vous voulez augmenter le volume musculaire, vous ferez faire un grand nombre de répétitions (huit à douze).

• Utilisez-vous en musculation la méthode excentrique, c'est-à-dire en mettant une charge très lourde (120%) que l'athlète freine à la descente ? • Pour développer la force, cette méthode est très bien : mais pour nous, ce n'est pas nécessaire ; il ne faut pas oublier que si nous faisons des exercices avec des haltè­

res, ce n'est pas pour obtenir des perfor­mances avec haltères, mais pour réussir à lancer le poids plus loin.

• Quand estimez-vous alors qu'il faut arrêter le travail de force ? • Quand nous constatons qu'il n'y a pas augmentation de la force chez l'athlète à partir de tel exercice, nous l'arrêtons ou nous changeons de méthode.

• Le travail de musculation se fait-il selon le principe du plus grand nombre possible de répétitions dans un temps donné ? Par exem­ple pendant 20 secondes ? • Non, c'est très rare. Nous avons constaté, en effet, que ceux qui ont suivi cette méthode n'ont pas obtenu de bons résultats.

• Quels sont, pour vous, les points les plus Importants sur le plan technique ? • A mon avis, c'est le rythme, l'exactitude et la précision du lancer.

• Pour vous, quel est le test le plus important ? • C'est le lancement du poids, sans élan ; et cela est valable pour tous les niveaux -sans élan, je réalisais 20 mètres - nous avons des camarades qui sans élan ont atteint 20.50 mètres.

• Faites-vous faire des flexions complètes, ou les arrêtez-vous à moitié ? • Dans la phase initiale, il faut faire des flexions profondes. Pour préparer les arti­culations ensuite, il est suffisant de faire des demi-flexions parce que dans le lancer, il n'y a pas de flexions profondes.

• Effectuez-vous des exercices spécifiques de musculation qui améliorent directement le lan­cer de poids ? • Je pense que chaque groupe musculaire doit être entraîné d'une manière séparée, différente, individuelle. Je préfère entraîner chaque muscle séparément.

• A quel moment de la journée l'athlète qui s'entraîne deux fois par jour place-t-il ce travail

de musculation ? Avant ou après le travail de la technique ? • Je pense qu'il est préférable après, mais c'est selon les lanceurs. A un haut niveau, la préparation physique par rapport au tra­vail de la technique dépend du moment de planification ; ainsi par exemple, en été on effectue davantage de lancers de poids que d'exercices avec des haltères ; en hiver, par contre nous développons plus la force et la technique.

• Quelle est la moyenne de lancers pendant une séance d'entraînement ? • Actuellement vingt à quarante essais ; mais si l'on a des problèmes techniques, il faut en faire bien davantage.

• Et vous, A. Baryshnikov, combien en faisiez-vous ? • Je faisais en été, pendant l'entraînement, 80 à 90 lancers ; et quand il ne fallait pas travailler de technique, j'arrivais à près de 200 essais pendant l'entraînement.

• Oui, cela avait frappé le public à l'époque, quand vous étiez venu à Paris, en 1975, vous n'arrêtiez pas de lancer... • C'est vrai, mais il faut faire une différence entre le lancement dans le secteur de lan­cer et le lancement dans le filet (200 lancers dans le filet correspondent à 80 lancers dans l'aire de lancer).

Interview réalisée par G. Cometti et H. Liemans (UER-EPS Dijon), M. Nogaro (UER-EPS Poitiers) - Léningrad. 13 février 1986.

Alexandre Baryshnikov : Premier recordman du monde de lancer de poids à avoir atteint 22 mètres en 1976. Ancien élève et aujourd'hui entraîneur à l'école Alexeiev.

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