Aspect Transgenerationnel de La Maltraitance

8/17/2019 Aspect Transgenerationnel de La Maltraitance

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FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES

SCIENCES DE L’EDUCATION

CentredeRechercheet d’Innovation en Sociopédagogiefamilialeet scolaire(Dir. J.-P. POURTOIS)

LA MALTRAITANCE DANS SA DIMENSION TRANSGENERATIONNEL LE : PERSPECTI VES

HEURISTIQUES ET IM PLI CATIONS PRAGMATIQUES

B. HUMBEECK

(Résumédelacommunication“ForumEuropéen pour laSécuritéUrbaine”)


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1. INTRODUCTION

Le caractère transgénérationnel dela maltraitancesemble constituer pour denombreuxthéoriciensdelaviolenceéducativeunfaitdésormaisacquis.Enfantmeurtri etparent maltraitant seretrouveraient ainsi identifiés d’unegénérationàl’autrepar un liendecorrélation souventréduit danslesdifférentesperspectivesétiologiquesàunerelationdecausalité.

L’hypothèsed’uncycledelaviolenceintrafamilialeest, il est vrai, particuliè-rementséduisante. D’unepart,ellefaitéchoaubonsensetconfirmel’intuitionlargementpartagéeselonlaquellel’histoiren’estjamaisquerépétition, d’autrepart,cettethéoriedela transmission transgénérationnelle permet souvent de faire l’économie d’un examenétiologiqueplusnuancé. Les conséquences d’unemaltraitancepasséeexpliqueraient, eneffet, dans ce paradigme l’actualité du comportement maltraitant, un peu comme si lamaltraitancecontenait en elle-mêmel’explicationdeson origine.

Enoutre, ladémonstrationspectaculairequefournitl’examencliniquedequel-ques trajectoires maltraitantes reproduites àtravers plusieursgénérations, amèneleplussouventpraticienset chercheursàgénéraliser lephénomène.

Il nousaparuimportant danscecontextedevérifier dansunpremier tempsla

réalitéet l’importancerelative de la dimension transgénérationnelle de la maltraitance.Dans cette optique, nous rappellerons, ci-après, comment la littérature scientifique ré-centeenvisagecetteproblématique.

Cetteperceptionplus objectivedela maltraitancetelle qu’ellese reproduit àtravers les générationspermettranotammentdemieux comprendreledoubleenjeufon-damental auquel setrouveconfrontéelapédagogiefamilialequandelleabordelechampcomplexedelaviolenceéducative.

L’interventionéducativefamilialepoursuit, en effet, dans cecadre, deux ob- jectifs: l’unimmédiat consisteàmobiliser àl’intérieur delafamillelesconditionsd’uneéducationsuffisammentépanouissantepourchacundesmembresqui laconstitue. Il s’agitalors, par la mobilisation des ressources psychosociales de la famille, d’introduire deschangementsdanslaquotidiennetédesréalitésfamiliales.L’autreobjectif consisteàrompredes trajectoires familiales dans lesquelles laviolenceprend placecommeunefatalité. Ils’agit, dans cecas, d’introduire par une rupturedans l’histoirede la famille un change-ment dans l’historicitédes réalités familiales.

Nous retrouvons là deux dimensions majeures de la pédagogie familiale : la

quotidienneté qui se définit dans les pratiques et l’historicité qui se projette dans les


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trajectoires.

Touteanalysedelamaltraitancedoitnécessairementêtreenvisagéedanscettedoubleperspective. Ladimensiontransgénérationnelledesabusprenddanscecadreuneimportancetouteparticulière. C’est notamment vrai, nous le verrons, lorsque l’objectif poursuivi est d’en comprendre les causes en tenant compte de toute la complexité duphénomène.

Il devient, eneffet, alorsnécessairederompreavec lesmodèlesétiologiquesmonocausals qui s’enracinent dansle quotidienou, au contraire, recherchent les causesen faisant exclusivement référence au passé familial. Pour intégrer la dimensiontransgénérationnelle, les différents paradigmes explicatifs delamaltraitancedoiventné-cessairementtenir comptedel’ensembledesaxes qui déterminelatemporalitédesacteséducatifs àl’intérieur dela famille.

L’aspect transgénérationnel des pratiques familiales neseraplus, danscet or-dre d’idée, réduit à un argument explicatif dela maltraitance, mais au contraire devranécessairement trouver sonexplication à l’intérieur du modèlethéorique qui encadrelaperspective.

Les différentsmodèles étiologiques delamaltraitancephysique, psychologi-que et sexuelle (1), intègrent effectivement l’aspect transgénérationnel dansla perspec-tiveexplicativequi leur estpropre. Nousmontrerons, danscetravail, commentladimen-sionhistoriquedelaviolencetransmisetrouveuneplacecohérentedanschacundesprin-cipaux champsthéoriques envisagés.

Nousnousattacheronsensuiteàvérifier unvecteur particulier par lequel cettetransmissionentreles générations parvientàsemanifester. Nous montrerons ainsi com-ment, travaillantdansuneperspectivesyncrétique, nousavonsétéamenésàélaborer unegrilledelecturequi nous permette, àpartir delanotiondebesoin, derepérer lamanièreidiosyncratiquedontlaviolenceéducativeenarriveàs’imposerd’unegénérationàl’autredansungroupefamilial déterminé.

Nous montrerons ensuite comment une telle modélisation de la dimensiontransgénérationnelledes situations demaltraitancepeut constituer dans lecadredel’in-terventionen pédagogiefamilialeunargumentthérapeutiqueparticulièrementpertinent.

---------------(1) Danslecadredelamaltraitancesexuelle, lelien transgénérationnel prendtoutefois uneformesen-

siblementdifférente. Nousl’analyserons dansleprésenttravail en tenantcomptedecettesingularité.


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L’application pragmatiquedecemodèledanslecadreduprojet derecherche-actionmisenplaceauCPMP permeteneffet,àtraversunemeilleureprisedeconsciencedesmécanismesindividuelsmisenjeu, defavoriser lamiseenplacedesdispositifsd’en-cadrementfamilial qui situentchacun dansunedimensiond’acteur. L’accès au statut desujet suppose, en effet, d’amener chaque membre de la famille à une moins grande dé-pendancevis-à-vis des déterminants obscursque supposerait, par exemple, la transmis-sion immédiateouinconscientedeprocédures éducatives.

Nous montrerons concrètement comment ce type de dispositif de proximitépermet, en milieu populaire, de rompre avec le fatalisme de la transmissiontransgénérationnelle.

Enfin, noussituerons, enconclusion, lerôlequel’institutionscolairepeutêtreamenéeàjouer lorsquel’enjeu est defavoriser lamiseenplaced’unprocessusd’éduca-tionfamilialeauprès defamilles en difficultééducative.

2. DIMENSION TRANSGÉNÉRATIONNELLE DE LA MALTRAITANCE : CEQUE L A RECHERCHE EN DIT ...

Le système étiologique monocausal dominant au cours des années soixanteplaçaitsystématiquementlesdésordrespsychiatriquesàl’originedetoutesles situationsdemaltraitance. Lespratiquesd’interventionappuyéessur cettemanièredeconcevoir leproblème ont favorisé pendant cette période les placements institutionnels de l’enfant(Humbeeck B., Pourtois J.-P., 1995).

Danslecourantdesannéesseptante, denombreuxauteurssesontpréoccupésdel’avenir deces enfants. Les recherches longitudinales évaluant ledevenir des enfantsmaltraitéssesontdecettemanièremultipliées.C’estdanscecontextequel’attentiondeschercheurs s’est focaliséesur cequi apparaissait alorscomme un cycleinexorablecon-damnant l’enfant abuséàgrandir pour devenir àsontour abusif.

Amalgamantles conséquences delaséparation parentaleet celles qui étaientsans doute plus spécifiquement liées aux comportements qui avaient justifié ce place-ment, les conclusions de ces “précurseurs de la transmission intergénérationnelle” pré-sentaientlephénomènecommesystématiqueet irrémédiable.

Steele et Pollak (1968) considèrent de cette façon la présence pour chaqueparent maltraitant deleur échantillond’unépisoded’abussimilaireàcelui qu’il amisenoeuvreavec sonpropreenfant . D’autres rapports derecherchedelamêmeépoquesug-gèrentégalementcedéterminismechez les enfants abusés, amenés àdevenir àleur tourdes parentsabusifs dès qu’ils s’engageront dans des activités deparentage(SpinettaJ.J .

et Rigler D., 1972; FontanaV., 1973).


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Constatant l’existenced’un lien non rompu dans la répétition d’abus paren-taux del’enfanceàl’âgeadulte(SteeleB., 1976), différentsauteursdecestravaux préco-cesrelatifsàlaviolencephysiquesubiepar l’enfant et àlanégligence, n’ont pashésitéàprésenter l’histoired’abusetdedésordreémotionnel dupourvoyeurdesoincommeprin-cipal facteur étiologiquedelamaltraitance(Olson, 1976).

Lanotiondetransmissiontransgénérationnelle, l’idéequeles parentsabusifsont étéeux-mêmesabusésétantenfantset quelanégligencemèneàlanégligence, estdecettemanièrerapidementdevenuelapremièrehypothèsedéveloppementaledanslechampdelamaltraitanceet delanégligence.

Avancéedansunpremier tempssans nuanceet souventacceptéedemanièreinconditionnelle, cettehypothèses’esttoutefoisensuiteheurtéeàuneremiseenquestion

méthodologique. Elleaégalementétérelativiséepar unepriseenconsidérationpluscom-plète des multiples composantes de la situation maltraitante et une connaissance pluscomplète des effets à long terme de l’exposition à la violence sous toutes ses formes.L’examendematuritéscientifiquesuccédait ainsi àl’euphoriedelapremièredécouverteet contribuait ànuancer considérablementles premières constatations.

De nombreuses recherches ont remis en question la validité de l’hypothèsetransgénérationnelleensoulignantlesbiaisméthodologiquescaractéristiquesdestravauxsur lesquelss’appuiel’argumentationd’unetransmissionintergénérationnelle(Cicheti etAber, 1980, Herzberger, 1983, Stark, 1985). Ces critiques méthodologiques portent es-sentiellement sur trois points :

- 1/Troistypesdedonnéessonthabituellementutiliséespourétayerl’hy-pothèse: les histoires decas, les cas répertoriés dans les dossiersprotectionnelset lesrécitsdevie. Pour cesdifférentessources, lerappeldedonnées est leplus souvent rétrospectif. Outreles biais directementliés au caractèresélectif delamémoire, onnepeut écarter dans cecasprécis l’idéed’uneinfluenceprépondérantedeladésirabilitésociale.Les adultes amenés àreproduireleur expérienceinfantilepeuvent, en

effet, êtreamenés àreconstruireleur proprehistoired’enfancedans leseul but delarendrecohérenteavec l’explicationdeleur comportementprésent.

- 2/ Lestechniquesd’échantillonnagedelamajoritédesétudesdiscrimi-nentdifficilementlesenfantsenfonctiondutyped’abussubi (maltraitancephysique, psychologique, négligence).

-3/ Laplupartdesétudesn’ontpuétablir decomparaisonavecungroupecontrôle.


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En cequi concernelapriseen considérationdes multiplescomposantes delasituationmaltraitante, lestravaux ont permisderelativiser l’impactdirectdecetteformede victimisation de l’enfant que constitue la maltraitancesur son aptitude ultérieure auparentage. En effet, de nombreux autres événements dans la vie de l’enfant (résilience,prédispositionsphysiologiques, présencedesupportssociaux, etc...) interfèrentdansleseffetsconduisant àlamaltraitance(Garbarino J. et GilliamG., 1980). Les conséquencesàlong termesont dès lors difficiles àdéterminer et restent leplus souvent peu claires.

L’importancedu contexte culturel est également mis en avant dans de nom-breux travaux (Goldstein, 1986). L’approbation sociale du comportement violent et lesnormesréglementantsonusagedanscertainessubculturespeuventinfluencer considéra-blementlatransmissiondes attitudes maltraitantes d’unegénération àl’autre.

La nature du contexteécosystémique peut également influencer la tendancedel’adulteàreproduiredesabussubispendantl’enfance. Egeland(1987) a, par exemple,montréquel’investissementd’unpartenairefiableet soutenantouuneexpériencethéra-peutiquevécuecommepositivepouvaientpréserverlesujetdanssonaptitudeauparentagemalgréunehistoiredéveloppementaleàrisque.

Delamêmefaçon, lestravaux depsychologiecognitiveontégalementinsistésur l’importancedutraitementdel’informationchez lessujetsexposéspendantl’enfanceàdes épisodes deviolenceéducative... Main et Lodwyn (1984) ont, dans cetteoptique,montrécomment les femmes qui seremémorent leur mère comme rejetante et leur en-fance comme perturbée, mais qui sont capables dans le même temps d’en dresser uneimagecohérenteavec leur (re)sentiment, nesontpas prédisposées ultérieurementàreje-ter leur enfant.

Lareproductionintergénérationnelledescomportementsmaltraitantsdoitéga-lement êtrerepensée dans un contexte plus général de transmission de styles éducatifsparentaux. Nous reviendrons plus tard sur l’importancedes travaux de Pourtois (1979)relatifs à l’impact du style éducatif maternel sur le développement de l’enfant. Noussoulignerons à cet endroit comment “l’héritage d’un style éducatif” peut introduireune

discordanceentreattitudeconscienteet comportementeffectif et favoriser, àpartir delà,lamiseenplacedeconduitesmaltraitantes.D’autrestravauxontégalementmontrécom-bienil estdifficiledeséparer cequi relèvedelatransmissiond’unstyleéducatif etcequiconstituelareproduction d’uneconduitemaltraitante.

Ainsi, les travaux de Herrenkhol (1983) ont, par exemple, confirmé l’hypo-thèseselonlaquellel’exposition pendant l’enfanceàunedisciplineexcessiveaugmentelerisquederecourir àdes techniques disciplinaires sévères unefois parent.

C’est ainsi davantage à travers l’observation de facteurs de présage liés aux

caractéristiquesfamiliales, àcellesdel’enfant et desesparentsainsi qu’aux caractéristi-


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ques plus spécifiquement reliées àl’interactionparents-enfantsqu’il devient possibledecomprendrel’occurrenced’uncomportementmaltraitant(Humbeeck B., Pourtois, J.-P.,1995). L’isolationd’un facteur unique devient dans cecadreforcément arbitraireet im-pliquedenerendrecomptequed’uneréalitémorcelée. C’est, eneffet, davantagel’inter-actiondescausesdéterminantesqui, le plussouvent, expliquel’apparitiondesconduitesd’abus.

Dansceparadigmedelacomplexité, l’histoireabusiveduparent nepeut plusêtre envisagée indépendamment d’autres facteurs de causalité. Elle semble, en outre,exercer davantage une influence indirecte sur la mise en placeultérieure des conduitesviolentes. Certains auteurs (Peterson L., Brown D., 1994) en font par ailleurs explicite-mentunevariabledebackground(distale) moinsdirectementliéeaucomportementmal-traitantqueles variablesimmédiates (proximales) commelestressoul’isolement.

L’impact exercépar lesentiment subjectif d’avoir étémaltraitépendant l’en-fancesur lecomportementparental abusif apparaît ainsi s’exercer demanièremoins di-recteetdefaçonmoinsisoléequenelelaissaientprévoir lespremièresrecherchesdansledomaine.

De lamêmefaçon, lesconséquences delamaltraitancesur ledéveloppementdel’enfant n’impliquent pas de manièresystématique le recours ultérieur à la violence.Les recherches montrentàcet égard des résultatsfortementcontrastés.

L’examen plus systématiquedes conséquences delaviolencesubiepar l’en-fantsur l’évolutiondesatrajectoirebiographiqueetdesondéveloppement psychosocialaen effet permis denuancer les premières constatations.

Ainsi, plutôt qued’affirmer quetouslesenfantsseront également affectésparla confrontation à la violence, les recherches plus récentes se sont davantage préoccu-péesdel’identification desvariablessusceptiblesd’influencer lesconséquencespsycho-logiques de l’abus (1). Cet examen plus attentif des séquelles psychologiques de lamaltraitance permet indiscutablement d’affiner la compréhension des mécanismes quisous-tendentlareproductiondes abus.

Lamaltraitancesubieexerced’après denombreuxauteursuneinfluencepar-ticulièrement négativesur l’estimedesoi del’enfant. Cettedétériorationpeut êtrereliéeaux attentesirréalistesdont l’enfant s’est trouvéporteur (Gruszenski et Coll., 1988) ouàl’incapacitéperçuepar l’enfant d’influencer lesconditionsdeviedifficilesdanslesquel-les il se trouve (Rosenberg M.S., Rossman B.B., 1988). On ne peut, en outre, écarterl’hypothèseselonlaquellelafaibleestimedesoi seraitliéeaux troublesd’investissementscolairesqui caractérisentles enfants victimes d’abus.

-------------(1) Danslecadredelamaltraitancesexuelle, lelien transgénérationnel prendtoutefois uneformesen-siblementdifférente. Nousl’analyserons dansleprésenttravail en tenantcomptedecettesingularité.


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L’insertionscolairesouvent difficiledel’enfantmaltraitéretientdanslecadredececolloqueuneattentiontouteparticulière. Lafaibleestimedesoi des enfantsvicti-mes d’abus peut probablement être mise en liaison avec le faible réseau relationnel etl’isolement souvent constatéchez l’enfant maltraitéenmilieu scolaire(Parker G., AsherS.R., 1987). Cetisolementest, en outre, àrapprocher des troublescomportementauxquisemblent caractériser lefonctionnementsocial decetyped’enfant.

Les recherches montrent, en effet, la tendance de ces enfants à manifesterdavantagedes comportements d’agression(Kaufman, Cicchetti, 1989; Walker E., 1989)perçuspar leurspairs et leurséducateurs. Denombreuxchercheursconstatentégalementleur tendanceàseréfugier dansdespatternsderetrait vis-à-visdetouteformedepartici-pation sociale.

Ces comportements sociaux inappropriés peuvent conduire à l’isolement del’enfant en mêmetemps qu’ils sous-tendent laperception desonefficacitépersonnelle.

Estime de soi, tendances agressives et difficultés d’investissement scolaireapparaissentainsi en interaction continue.

Enoutre, denombreusesrecherchesontmisenévidencelesimportantesdiffi-cultés de ces enfants à intérioriser leur difficultés et la tendance qu’ils manifestent àprivilégier les causalités externes. La faible empathie qui en découlerend l’enfant mal-traitéincapabled’analyser les sentimentsqu’il éveillechez l’autreet aggraveencoresescapacités d’intégrationscolaire.

Les difficultés derégulation émotionnelle, latendanceagressive, lafaiblessede l’estime de soi et la diminution des capacités d’empathie apparaissent comme lescaractéristiquesleplussouventcitéesdansl’ensembledestravauxconsacrésauxeffetsàlong termedel’exposition àlaviolencedomestique.

Cesconséquencespsychologiquesdelaviolencesubieapparaissent,enoutre,aussi commeautantdefacteursdeprésagedelamaltraitance(HumbeeckB., Pourtois, J.-

P., 1994). Il est dès lors possible que l’impact psychologique constitue un vecteur detransmission des pratiques éducatives violentes. Nous poursuivrons plus tard l’examendecettehypothèse.

Dans l’immédiat, nous nous contentons de relever le caractère différencié etpeu systématiquedes conséquences del’abus sur ledevenir des enfants maltraités.

Lesrésultatsnesont, eneffet, pasunivoques. En outre, leseffetslesplusnetsse font essentiellement sentir sur le plan du fonctionnement psychique. L’idiosyncraciede chaque situation dépendradès lors de la facultéde l’enfant d’adapter cefonctionne-

ment aux circonstancesdeviequ’il rencontreraetaucontexteparticulier danslequel ellesedéroulera. C’est sansdoutel’interactiondecestrois composantes - lefonctionnement


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psychique, lescirconstanceset lecontexte- qui définit lemieux cequel’onentendhabi-tuellement àtravers lanotionderésilience.

L’ensembledecesdécouvertesrelativesauxcomposantesdelasituation abu-siveet aux effetsdifférenciésquelamaltraitancesubiepeut exercer sur ledevenir àlongterme de l’enfant, implique de ne pas considérer la transmission transgénérationnellecomme l’expressiond’une inexorable destinée, mais au contraire de tenir comptede laspécificitédechaqueparcours.

Il n’est dès lors pas étonnant, dans cecontextefait d’incertitudes, queles tra-vaux plus récentssesoient davantageconsacrés àévaluer laprobabilitépour un enfantabusédedevenir lui-mêmeabusif.

Les recherches longitudinales montrent, dans cet ordre d’idées, des estima-

tions qui s’échelonnent depuis 14%(Gil., 1971) à70%(Egelandet Jacobitz, 1984). Cemanqued’homogénéitédes résultatsindiqueclairement les difficultés àintégrer lecon-ceptdetransmissionintergénérationnelledelamaltraitancedansuncadresuffisammentopérationnel.

Outre les spécificités liées à l’échantillonnage et les biais méthodologiquessignalés plus haut, leproblèmedeladéfinitiondelamaltraitancesembleêtreàl’origined’unepartiedes résultatscontrastés constatés dansles différentes recherches probabilis-tes.

Les résultats les plus intéressants ressortent indiscutablement des recherchesdont ledispositif méthodologiqueprévoyait lacomparaisonavec un groupecontrôle.

Smithet Hanson(1975) ont trouvéune plus grande incidencede négligencerapportéeetd’éducationviolentedanssonéchantillondemèresetdepères(27%et32%respectivement) que dans son groupe contrôle (0 % et 8%). Hunter et Kilstrom(1979)trouvent que 56 % des sujets de son échantillon qui ont maltraité leur enfant, font étatd’au moins un pourvoyeur desoin pendant l’enfance. D’un autrecôté53 % deceux quirapportent uneexpérienced’abus n’ont pas par lasuitemaltraitéleur enfant.

Dans sarevuedelalittérature, Zigler (1987) évaluelerisquedetransmissionintergénérationnelledel’abusà30%. Celàsignifiequ’environuntiersdesindividusquiont étévictimes de maltraitancemaltraiteront leur propreenfant et que deux tiers ne leferont pas. Lefait d’avoir étémaltraitéaugmentelerisquededevenir soi-mêmemaltrai-tant, mais l’associationentreles deux est loin d’êtredirecteet inévitable.

La victimisation abusive constitue un facteur de présage de la maltraitance.Ellen’impliquepas l’abus, mais en augmentele risque d’occurencelorsquele contexteestprédisposant. Danslemêmeordred’idée, lamaltraitancen’estpasconditionnéepar le

vécuantérieur d’unabus, mêmesi laprobabilitédetrouver desvictimesd’abusparmi lesparents maltraitants estplus importante.


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Cetterelation essentiellement probabilistenepermet pas deconsidérer l’his-toireabusivecommeun facteur étiologiquesusceptible deréduirel’explication du com-portementmaltraitant. Laforceprédictivedeladimensiontransgénérationnelleimpliquecependant qu’ellesoit priseen considération dans l’ensembledes cadres explicatifs ma-

jeurs fixant lacompréhension théoriquedelamaltraitance.

Commentlaperspectivetransgénérationnelleest-elleenvisagéedanslesprin-cipaux modèles étiologiques qui se sont imposés pour expliquer la maltraitance ? Lathèsedelareproductiondelaviolenced’unegénérationàl’autreperturbe-t-ellelacohé-rence interne de ces modèles ? Au contraire, constitue-t-elle pour eux un argument denatureàrenforcer lalogiqueinterprétativequesous-tendlecadrederéférenceimposéparchaquethéorie ?

Nousproposons ci-après derépondreà ces différentes questions en vérifiantcomment les principales constructions théoriques envisagent la notion de transmissionintergénérationnelledelamaltraitance.

3. PARADI GM E THÉORI QUE ET PERSPECT I VE TRANSGÉNÉRATIONNEL LE.

Chaque courant théorique envisage le problème de la maltraitance et de sadimensiontransgénérationnelleselonunecohérencequi lui estpropre. L’analysedupro-blèmequ’il proposeestcependantforcémentrestrictive.

Nousavons, eneffet,montrédansuntravail antérieur (HumbeeckB., Pourtois J.-P., 1995) commentchaqueperspectivethéoriquelimitaitenfaitlechampdesobserva-tions en conceptualisant laréalitésuivant un point devuedéterminé.

Laperspectivesyncrétiquedanslaquellenousnoussituonsnousamèneàcon-sidérer chacun des principaux constructsthéoriques commeunsystèmed’interprétationfiable dela réalitétout en tenant comptedu fait quechacun deces pointsdevuel’envi-saged’unemanièreparticulièreetréduitlacausalitéaux dimensionsqui lui sontpropres.

Dans cetteoptiquel’objectif n’est pas desoumettreles modèles théoriques àunecritiquedevaliditéqui porterait sur les postulats debase. Il s’agit plutôt defixer leslimites du cadre de référence et de vérifier comment il parvient à intégrer l’aspecttransgénérationnel dansl’analysequ’il proposedel’étiologiedes faitsdemaltraitance.

Nousdistinguons, ci-après, d’unepart, lesmodèlesendogènes qui par défini-tionsituentàl’intérieur del’individul’explicationdescomportementsviolentset,d’autrepart,lesmodèlesexogènesqui fontappel àdesfacteursexternespourexpliquerl’occurencedes faits demaltraitance. Parmi les modèles endogènes, nous examinerons successive-

mentlaplacequ’occupelapespective transgénérationnelledansles modèles explicatifséthologique, neurobiologiqueetpsychanalytique. Encequi concernelesmodèlesexogè-


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nes, nous verrons comment les théories systémiques, behavioristes et socioculturellesintègrentladimensiontransgénérationnelledansleur explicationdelamaltraitance.

3.1. Perspectiveéthologique

L’explicationéthologiquedelamaltraitancepostulequelecomportementédu-catif agressif ouinappropriéestliéàlaprésenced’unefailledansleprocessusd’accordageparent-enfant. En effet, selon cecourant, les traits distinctifs de l’enfant activent, dansdesconditionsphysiologiquesnormaleset écologiquesrégulières,lesprocessusbiologi-ques latents chez les deux partenaires afin de favoriser la meilleure adaptation récipro-que.

L’éthologie introduit dans le champ théorique le fait qu’une base instinctivedu comportement demaltraitancepuisseexister et êtrefondéesur unefonctionécologi-

que, sélectiveet sociale.

Essentiellementfocaliséesur l’interactionmaternante, cetteperspectivethéo-rique n’envisagel’aspect transgénérationnel du comportement maltraitant que pour dé-placer sur un plan phylogénétiqueles conclusions observées sur un plan ontogénétique.Le risque de dérive théorique qu’une telle démarche implique n’est évidemment pas àdémontrer.

L’histoire des comportements biologiquement préparés des individus serait,dans cette perspective, celle d’uneespèce condamnée à reproduire les comportementsviolents, voireà s’éteindredans cette violence. Seloncette perspective, en effet, un en-sembledepersonnespourraientsecomporter,pourdesraisonsliéesauxfonctionsécolo-giques (répartitiondans l’espacedisponible), sélectives (sélectiondes sujetsles plus ap-tesàlareproduction) ousociales(maintiendeslienshiérarchiquesauseindugroupe) descomportements, d’unemanièretellequ’ilsdiminuentlaprobabilitédesurviedeleur des-cendance. Ceprocessusdestructeur sereproduirait en outresur plusieursgénérations.

A titrepurement illustratif, citonsàcet endroit l’audacieusethèsed’Hadjiskyselonlaquelle“lesparentsmaltraitantséprouveraient, defaçonplusoumoinsconsciente,

lesentiment d’être, dereprésenter les“déchets” delasociété; lesortdesdéchetsétant dedisparaître, les sévices qu’ils infligent à leurs enfants constitueraient donc une sortedesuicide..., unefin dedescendance.

De telles extrapolations phylogénétiques des données ontogénétiques four-nies par lemodèlemanquentdetouteévidencedelaplusélémentaireconsistancescien-tifique.

L’intégrationdelanotiondetransmissionintergénérationnelleparaît ainsi in-discutablementappauvrir lemodèlethéoriqueéthologiquedelamaltraitance. Il contraint

lethéoricienàs’engager dansunedémarchespéculativepeucompatibleavec l’exigence


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derigueur scientifiquegénéralementassociéeàl’observationéthologique.

L’orientation phylogénétiqueàl’interprétation, en supposantunsubstrat ins-tinctif qui setransmettrait àtravers les générationssuccessives, augmente, en outre, en-coredramatiquementl’aspectfatalisteduparadigme. Deplus, il confèreàlatransmissionde l’abus un caractèreinexorable que ne confirment pas, nous l’avons vu plus haut, lesrésultats des recherches récentes.

3.2. Perspectivesneurobiologiques

La thèse neurobiologique conduit à chercher au sein de l’organisme - sousformedesystèmesdeneuronesoudepropriétésneurochimiques- lesélémentsjustifiantlapropension dusujet àadopter des comportements violents.

Les facteurs hormonaux, neurologiques et génotypiques ainsi que ceux quisontdirectementliésàlaréactivitéémotionnelleinfluencentindiscutablementlamiseenoeuvredes conduites agressives diffuses ouplusdirectementciblées.

Larecherchedeconstantes biologiques dansunphénomènecommecelui dela maltraitance impose aussi l’examen de données relatives à leur composante hérédi-taire. Latransmission transgénérationnelleouvredanscetteperspective heuristiqueunevoie derechercheféconde.

Di LallaetGottesman(1991) s’appuyantsur unerevuedelalittératuresuggè-rentl’existencedefacteursgénétiquesprédisposantàlaviolence. Ilsposentainsi l’hypo-thèse d’un substrat biologique héréditaire qui faciliterait la transmissiontransgénérationnelledes conduites violentes.

L’éternel débat relatif à la part respective à attribuer à l’inné et à l’acquiss’exprimeégalementdanslesdiscussionsrelativesàl’héritabilitédelaviolence. Ainsi, sides auteurs comme Rowwel (1983) parlent d’une héritabilitéd’environ 70 %, d’autresinsistent sur l’influence beaucoup plus grande de l’environnement (Clonninger etGottesman, 1987).

L’ensembledesauteurss’accordenttoutefois pouraffirmer lanécessairecom-plexitéduproblèmedelatransmissiongénétiquedelamaltraitance. Eneffet, cettetrans-missionnes’opèreindiscutablement paspar unecombinaisonsimpleet directe. Aucon-traire, lescaractéristiquestempéramentalesliéesàlaréactivitéémotionnelle, lesfacteurshormonauxet ceuxqui déterminentlefonctionnementneurologiqueagissenten interac-tioncontinue. Seuleleurcombinaisonavec lesfacteursenvironnementauxpeutfavoriserl’installationd’un terrain prédisposantaux comportements maltraitants.

Lesfacteursneurobiologiquesn’expliquent pasdemanièreisoléedesfaitsde


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maltraitance. L’ensembledes recherches s’accordent, en effet, pour infirmer l’existenced’une relation causale univoque entreles données biopsychologiques et l’occurencedecomportementsmaltraitants.

La transmission transgénérationnelle n’en constitue pas moins un argumentsouvent cité à l’appui de la thèse neurobiologique. Son intégration cohérente dans cemodèleétiologiquenedoit pas, pour autant, occulter lacomplexitédu phénomène.

La nécessaire prise en considération du substrat neurobiologique qui sous-tend les comportements violents ne doit, en effet, pas conduire à négliger les aspectssymboliques et cognitifs qui donnentsensauxsituationsvécues.

3.3. Perspectivepsychanalytique

Laculpabilitéinconscienteetl’identificationàl’agresseur constituent,dansleparadigmeinterprétatif psychanalytique, lesagentsprincipauxdelatransmissiondescom-portementsabusifs.

L’ancienne victimedont les identifications à l’agresseur se réactualisent agitsa culpabilité en l’évacuant sur les nouvelles victimes projectivement identifiées (B.Papazian, 1994).

L’étiologie psychanalytique de la maltraitanceest ainsi réduiteà des proces-sus internes d’identification et deprojections pathologiques.

L’identification implique un double versant transgénérationnel. L’idée d’uneidentificationpathologiqueàl’enfant impliquequel’adulterevit sonenfancepar procu-rationens’occupantdesonpropreenfant. Cettethèseestnotammentsoutenuepar SteeleetPollak (1974) lorsqu’ilsenvisagentlanotiond’identificationretournée. Cemécanismedéfensif désigne le processus par lequel le parent abusif transfèresur l’enfant maltraitéses propres défauts d’enfant. L’autre versant de l’identification implique l’adulte danssonrapportàsonpropreparent. Lorsqu’ellecontaminecedoubleversant del’identifica-

tion, lahainetrouveainsi unevoiedetransmissionsur trois générations : au moment oùla futuremèrese met à se haïr elle-même et à haïr sa propremère, elle élaboredéjà lahainedu sujet qui aurabesoin d’elle.

Leconceptdeculpabiliténévrotiquedéveloppépar Barudy permetquantàluid’illustrer l’impact des mécanismes projectifs sur ladimensiontransgénérationnelledesfaits de maltraitance. Cette notion désigne un processus à travers lequel l’incapacité àformuler les offenses subies peut setransformer chez l’enfant maltraitéen culpabilitéetentendanceàcommettrelesmêmesactes.Ceseraitencherchantàsedébarrasser decetteculpabiliténévrotique que les enfantsmaltraités en arrivent à commettre à leur tour les

actes dont ils ont souffert.


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D’aprèsBarudy, cetraumatismedumoi et cettealiénationdusoi desvictimesentraînerait, indépendammentmêmed’uneréelleintentiondestructrice, uneimpuissanceparentaleàélever l’enfant.

D’unemanièregénérale, l’ensembledesrecherchescitéesàl’appui del’inter-prétation psychanalytiquedelamaltraitanceconfirmentl’histoirepersonnelleperturbéedes sujets maltraitants (Spinetta, 1978). Ces travaux sont évidemment congruents avecl’idéed’unetransmissionintergénérationnelledes difficultés deparentage.

Belsky(1984) confirme, par exemple,lelienentrelefonctionnementparentalet letyped’expériencesubjectivevécuedans lapropreenfance.

Cette notion de subjectivité de l’expériencevécue constitue, par ailleurs, unfondementessentiel del’interprétationpsychanalytique. Ceconceptprésentepour notrepropos unréel intérêt épistémologique.

L’étudedusentimentsubjectif demaltraitancepermet,eneffet,demieuxcom-prendrela manièredont l’individu se définit à l’intérieur du modèle éducatif qu’il peutéventuellement être amené à transmettre. Elle permet ainsi d’envisager le mécanismetransgénérationnel sousl’angleparticulier qu’en proposentles acteurs.

Cetteperspectivesupposenotammentdereconnaîtreausujetlacapacitéd’éva-luer lui-même la manièredont il areçu l’éducation de ses parents(1). Cette perceptionpourrait eneffet influencer lamanièredont l’individumaltraitéenvisageensuitedes’en-gager danslesliensd’unefamilledeprocréationet lafaçondont il situesesrelationsparrapportàsafamilled’orientation.

Une des recherches (Humbeeck, 1998) que nous avons réalisées en milieudéfavorisé s’est précisément attachée à vérifier l’impact du sentiment subjectif demaltraitancesur cedoubleversant du processus d’affiliation. Ce travail visait égalementàvérifier laconsistancedusoutien familial des personnes socialementdéclassées.

Les résultatsindiquent clairement comment l’intensitéet la structuredu lienfamilial apparaissent nettement influencées par la manière dont le sujet évalue l’éduca-tion reçuependantsapropreenfance. Toutefois, cetteinfluencesemble nettementdiffé-renciéeselonles appartenances sexuelles. Lapopulationmasculinequi estimeavoir étéconfrontéeàuneformedemaltraitanceéprouverait, par exemple, davantagededifficul-tésàs’envisager dansunevie defamillequesupposelaconstitutiondeliensdeprocréa-

--------------(1) Danslecadredelamaltraitancesexuelle, lelien transgénérationnel prendtoutefois uneformesen-

siblementdifférente. Nousl’analyserons dansleprésenttravail en tenantcomptedecettesingularité.


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tion. Les hommes montreraient également une tendance plus nette à actualiser leur res-sentiment vis-à-vis de la famille d’origine. Les femmes montrent, par contre, dans lesmêmescirconstancesunemoinsgranderéticenceàs’engagerdansdesliensdeconjugalité.Ces liens seront, par ailleurs, davantageproblématisés queceux qui sont leplus souventmaintenus avec unefamilled’origineplusrarementperçuecommeconflictuelle.

Les conclusions decetteétudedoivent évidemment êtrelues en fonction descaractéristiquesparticulièresdessujetsayantfaitl’expériencedudéclassementsocial. Cetypederechercheillustre, par ailleurs, clairement lanécessitédetenir comptedel’inter-dépendance de facteurs endogènes et exogènes dans l’évaluation d’une problématiqueaussi complexequecelledelatransmissiontransgénérationnelledesprocédureséducati-ves violentes.

Nous proposons, ci-après, demontrer comment les perspectives systémique,socioculturelleetcomportementaliste,enattirantl’attentionsurladimensionécosystémiqueet le contexte particulier de l’interaction, contribuent à enrichir la perception que nousavons delareproductiondes faitsdemaltraitance.

Perspectivessystémiques

Le problème dela transmission transgénérationnelle dela maltraitance sem-ble à priori peu concerner la théorie systémique. Le modèle thérapeutique systémiqueentend, en effet, focaliser l’attentionsur leici et maintenant du fonctionnement familial.

Toutefois, l’enrichissement conceptuel, à la fois force et faiblesse de ce mo-dèle, signelesoucisd’intégrer ladimensionintergénérationnelledansleconstructthéori-quesystémique.

Lesnotionsdemythefamilial transgénérationnel et, plusprécisémentencore,deloyautéinvisible, reflètentindiscutablementcettetendance.

Le concept de loyautéinvisible a été introduit par Borzomenyi Nagi afin derendre compte d’un processus individuel marqué par l’histoire familialetransgénérationnelle. La loyauté invisible désigne un système de dispositions durablesqui maintient le sujet dans un processus d’endettement psychologique plus ou moinsconscient vis-à-vis d’un ou de plusieurs membres de sa famille d’origine. La loyautéinvisibletendàfiger chaquesujetdansunrôledéterminépar lesystèmefamilial d’orien-tation. Il conduit aussi l’individuàsecomporter suivant lesrèglesfonctionnant danssonsystèmefamilial antérieur, mêmesi celles-ci sontpériméesouantinomiques, par rapportàcelles qui sesont instituées dans legroupefamilial deprocréation.

Untel processusenvahitplusieursgénérations. Il peut amener lesujet porteurdeloyautéinvisibleàreproduiredesprocédureséducativesdansleseul butdesoulager sadette.


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Onpeutsupposer laprésenced’unmécanismedecettenaturechaquefois quelarationalitédel’acteur est fondéesur desassertionsdutype“Onn’aqu’unemère, alorsil fautl’aimer,n’estcepas?”ouencore“c’estmonpèrequandmême, jedoislerespecterquoi qu’il m’ait fait subir”.

C’estaussi cettedispositioninconscientequi peutpousser certainesmèresquiaffirment avoir étévictimes d’unemaltraitancesévère, àconfier l’éducationdeleur pro-pre enfant à ces mêmes parents qu’elle reconnaît coupables de défaillances éducativesgraves.

Leconceptthéoriquedeloyautéinvisibleintéresseparticulièrementnotrepro-pos.Il apporteunéclairageparticulier sur ladimensiontransgénérationnelledescompor-tementsetdesnégociationsàl’intérieur dessystèmesfamiliaux. A cetitre, il ouvreindis-

cutablement des perspectives heuristiques et pragmatiques fécondes.

L’adjonctiondececoncept au modèlethéoriquedebasepermet d’associer ladimension transgénérationnelle au système de causalitécirculaire qui définit le modèlesystémique.

Toutefois, commec’est souvent lecas dans uneconstructionthéoriquequi sedéfinit en même temps qu’elle définit la réalitéqu’elle est censée interpréter, il devientparfoisdifficilededéterminer dansquellemesurelephénomènevalideleconstructou...si c’est davantage le matériel théorique qui parvient à rendre compte efficacement duphénomèneconstaté.

3.5. Perspectivesbehavioristes

Dans l’optiquecomportementaliste, laviolenceintra-familialeestconsidéréecommeuncomportementappris. Seloncemodèle, lecomportementmaltraitantpeutré-sulter, dans le cas de la maltraitance active, de l’apprentissage de modèles parentauxinadéquats.

Le modèle explicatif Skinnerien rend comptedes modalités particulières del’apprentissage proactif réalisé par l’enfant dans samanièrede composer avec les diffi-cultés (coping) lorsqu’il est confronté à des modèles parentaux violents. En outre, lesconduites agressives sont davantage renforcées dans les familles violentes que les con-duites prosociales.

L a l ittérature scientifique montre, en effet que, dans les famillesdysfonctionnantes, lesenfantsont uneprobabilitéquasi égaled’obtenir unrenforcementpour des comportements d’opposition quepour des comportements sociaux appropriés.On notemême parfois unenette tendanceà renforcer davantageles comportements dé-


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C’estnotammentcetypedemécanismequi pourrait expliquer latendancedecertainsparentsàadopterdesprocédureséducativesculturellementinadaptéesalorsqu’el-lessembl(ai)entnaturellesdanslegroupesubculturel dontilsfont ouontfait partie. Cescomportementséducatifsparaissentainsi seloncesparentsaller desoi danslamesureou

ils sont socialementintrojectés.

Légitimées dans le groupe social d’origine, de telles pratiques éducativesdysfonctionnantes trouventdes voiesd’expressiond’autantmoinsperméablesàlacriti-que qu’elles s’appuient sur un sentiment d’appartenance au système sociétal qui les adéterminées.

Larigiditééducative souvent constatéeen milieu social défavoriséet parfoisassimilée à une forme de mauvais traitement tend, par exemple, à se manifester d’unegénérationàl’autresansêtreremiseenquestionmalgréuncontextemésosystémiquequi,par l’intermédiaire notammentd’interventions psychosociales, ladisqualifie.

Les procédureséducativesdisciplinaires semblent pour ces parents naturelle-ment associées à l’acte éducatif. “Cela se fait, les enfants, on doit les élever à la dure,sinon on n’en est plus maître”. “Comment, vous ne frappez pas vos enfants, vous .? Etcomment voulez-vous qu’ils obéissent alors ?”. Moi, j’ai été élevécomme cela et çaaforgémoncaractère”. Cesphrases extraites d’entretiens réalisés dans lecadredu CPMP(1) montrentcommentl’acteviolent peuts’imposer enmêmetempsqu’unstyleéducatif qui semble aller desoi.

Les habitus et l’ethos de classe donnent aux comportements éducatifs unelégitimitépsychosociale. Cesmécanismesdéterminentdesmanièresd’agir qui transcen-dent la volonté individuelle de l’acteur. Ainsi, le rejet de l’éducation parentale qu’ex-primeuneattitude(jeneserai jamais autoritairecommemamère) opposéeaustyleédu-catif subi dans l’enfancepeut-il conduireàuneconfrontationdouloureuseavec les com-portements effectivement mis en place dans la relation avec l’enfant parce que perçucommenaturel (punition excessivedel’enfant par crainted’en perdrelamaîtrise).

Ce conflit entredespratiqueséducativessocialement introjectéeet lavolonté

de l’acteur de rompre avec les déterminismes qui les fondent donne à la dimensiontransgénérationnelle de la maltraitance un éclairage particulier qui tient suffisammentcomptedel’implication socialedes caractéristiques individuelles.

Toutefois, lesrelationsentremilieusocial etcomportementséducatifsdoiventnécessairementêtreconsidérées danstouteleur complexité. En effet, lacorrélation sou-ventrelevéeentremilieuSEC défavoriséet maltraitancedoit impérativementêtrerelati-visée.--------------

(1) Centre prévention maltraitancede la ville de Peruwelz : extraits d’endretiens (cassettes 1 A.L., 2S.P.).


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En fait, il semble que le milieu social n’intervient le plus souvent que pourrenforcer l’influencedecertainsfacteursdeprésage(Humbeeck B., PourtoisJ.P., 1995).L’exemple de la prématuritéévoque particulièrement cette influencedistale de la posi-tionsociale.

Les recherches montrent, en effet, comment les caractéristiques faciales etposturales de l’enfant prématuré (frond fruyant, yeux bridés, joues émaciées) déclen-chentmoinsderéactionsspontanéesdematernagequecellequesuscitelessignauxhabi-tuellementassociésà“l’étatdebébé” (visagerond,yeuxronds). Cetteinfluencedestraitsdistinctifs du bébé sur le comportement maternel est le plus souvent infraconsciente.Dansdesconditionspsychosocialesfavorables,lesmécanismescorrecteursintrapsychiques(investissement de l’enfant, imagos maternelles) ou environmentaux (soutien familial)suffisentàatténuer ouàsupprimer cettedifficultésuperficielled’accordageprimaire... etlasynchroniemère-bébénetardepasàs’engager sansquelaprématuritén’ait étéressen-

tie commeunequelconquedifficultépar aucundes partenaires.

Toutefois, lorsquelamèredoutedesescapacitésmaternantes, lorsquelagros-sesse est socialement disqualifiées ou que l’environnement familial est peu soutenant,voire absent, les difficultés d’accordage liées à la prématurité prennent rapidement unsensparticulier. Interprétéepar lamèreelle-mêmecommeuneconfirmationdesesdiffi-cultés de maternage, cette faille superficielle peut dégénérer en comportements demaltraitance. La prématuritéconstitue de cette manièreun facteur de présage dont l’in-fluencedevientplussensiblelorsquelesfacteurssociauxqui lacontiennentenrenforcentles conséquences.

L’influencesocioculturellenes’exercequ’exceptionnellementdemanièreiso-lée. C’est decettefaçondavantagedansl’interactiondefacteursdeprésagequ’il y alieudechercherl’originedescomportementsmaltraitants.Danslecasquenousvenonsd’évo-quer, c’estpar exemple leregard portépar différentes perspectives étiologiques qui per-met lemieuxderendrecomptedelacorrélation prématurité/maltraitanceenconsidéranttoutesacomplexité.

Or, nous l’avons vu, chaque perspectivethéoriqueprévoit dans sa modélisa-

tion, unvecteur detransmissiondel’abusd’unegénérationàl’autre. Nousproposons, ci-après, de rassembler ces différents points de vue dans une perspective syncrétique quitienne compte des apports de chacun des courants. Nous verrons également commentcetteperception pluriréférentielledelatransmission transgénérationnellea pufavoriserla mise en placed’un dispositif d’action susceptible d’aborder le problème de la trans-missionintergénérationnelledespratiqueséducativesviolentesentenantcompteduvécusubjectif des différentsacteurs delarelation.


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Ledoubleétayagequi permet d’envisager leproblèmeen privilégiant l’inté-gration des connaissances dans une perspective syncrétique et de porter une attentionsystématiqueaux mécanismes subjectifs qui fondent le processus, associe au travail decompréhensionduphénomènelescaractéristiquesd’unedémarchepostmoderne(Pourtois

J.P., Desmet H., 1998).

C’estcetteperception“postmoderne” delatransmissionintergénérationnelledesabusquenousproposonsdedévelopper ci-après. L’attentionseraportéesur ladyna-mique des besoins psychosociaux tels qu’ils s’expriment dans une dimension à la foisintersubjective et transgénérationnelledansuncontextemaltraitant.

4. LA TRANSMISSION TRANSGÉNÉRATIONNELLE À L’ÉPREUVE DE LAPOSTMODERNITÉ : LE PARADIGME DES BESOINS COMME MODÈLED’INTERPRÉTATION DE L A MALTRAITANCE HÉRITÉE.

L’hypothèsedelatransmissiontransgénérationnelletrouvedanschaquechampthéorique une place congruente avec les faits observés. La crédibilité théorique de lanotionest ainsi renforcéepar sonintégrationauseindesdifférentesmisesenperspectiveproposéespar lesprincipauxconstructsétiologiquesexpliquantlesfaitsdemaltraitance.

Pour chacune des constructions théoriques, la prise en considération de l’as-pecttransgénérationnel descomportementsmaltraitantsajustifiéunenrichissementcon-ceptuel dumodèle: lasynchronieinteractive, lesubstratbiologique, laculpabiliténévro-tique, l’apprentissage vicariant, la loyauté invisible ou l’habitus de classe constituentainsi autant devecteurs detransmissiondel’abus d’unegénération àl’autre.

Ens’enracinantdanslechampconceptuel dechacunedesperspectivesthéori-ques, l’hypothèsetransgénérationnelleaffirmesacrédibilitéthéorique. Or, nous l’avonsvu plus haut, l’état actuel des recherches valide également la notion de transmissionintergénérationnellesurleplanépistémologique. Lavaliditéscientifiquerelativequenousavons miseen évidencetransformetoutefois lelien decausalitétrop prématurément af-firméen unecorrélation dont l’intensités’évalueen termedeprobabilité.

Validitéthéoriquerelativeet crédibilitéthéoriquepluriréférentielleétayentenfait réciproquement l’idée d’une transmission transgénérationnelle de la maltraitance.Cependant, cettedoublevalidation en montreaussi lecaractèrenonunivoque- latrans-missionneseréalisepas àpartir devariables fixées unefois pour toutes ouen reprodui-sant un schéma théorique déterminé - et peu systématique; la présence d’un lien deprobabilitépermet d’évacuer l’idéed’unerelation causaledetypedéterministe.


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L’héritaged’un styleéducatif violent n’est donc pas un phénomèneinélucta-ble sur lequel il est impossible d’agir. Son approche préventive implique toutefois deprendreenconsidérationlesmultiplesvoiesàtraverslesquelleslatransmissiondesdéfi-cits éducatifs d’unegénérationàl’autreest susceptible deseréaliser.

C’estcetteorientation quenousavonsvouludonner auxrecherchesquenousmenons actuellement au CPMP (1). Ces travaux nous ont permis d’envisager dans uneperspective syncrétique la manière dont les personnes maltraitantes parviennent elles-mêmes àexpliquer lareproductiondes violences éducatives qu’elles ont subies.

Leprogrammed’éducationfamilialeimpliquedeporter uneattentionparticu-lièreàladynamiquedes besoins psychosociaux dechacun des partenaires delarelationéducative.

Leconcept debesoin permet detraduiredemanièreintégréel’effet subjectif d’un comportement objectivable sur chaque protagonistede la relation violente. Il per-met égalementderendrecompted’uncertain nombredemécanismes àtravers desquelslesparentsqui ontétéconfrontésàdesfaitsdemaltraitancependantleurenfancepeuventimplicitement adopter les mêmes procédures éducatives violentes dans l’éducation deleursenfants.

L’insensibilitéaux besoins del’enfant, lamiseen placedesystèmes relation-nelsapparemmentimperméablesàcertainsbesoinspsychosociauxessentielsaudévelop-pement ou la collusion des besoins de l’enfant et de l’adulte constituent dans ce para-digmeautantdeconséquencesd’unbesoinparental éteintouinsuffisammentprisenchargeau cours deson histoiredéveloppementale.

Le premier de ces mécanismes l’insensibilité aux besoins del’enfant peutinduire une forme de maltraitancelorsque l’adulteest incapable de se décentrer de sespropres besoinspour identifier ceux qui sont mis en causepar l’enfant. Dans un tel pro-cessus, des pratiques punitives rigides peuvent, par exemple, êtrel’expression d’un be-soin perçupar leparentderenforcer oudestructurer certainsaspectsdudéveloppementde l’enfant alors que, dans le même temps, le comportement punitif est perçu par ce

dernier commeuneremiseen causedeson besoin d’attachementoudeconsidération.

Faceàcetteinsensibilitétransgénérationnelleaubesoin, l’interventionenpé-dagogie familiale suppose uneclarificationsuffisantedes besoins de chacun. Le travailde médiation qu’il implique permettra dans le même temps d’améliorer la communica-tionàcepropos au sein dela famille.

------------(1) CentrepréventionmaltraitancedelacommunedePeruwelz, 133 ruedeSondeville, 7600Peruwelz


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Les parentsqui pendant leur enfanceestiment avoir étéconfrontés àdes faitsdemaltraitancemontrentfréquemmentcettemoins grandesensibilitépour identifier lesbesoinspsychosociaux deleur enfant. Dans d’autres cas, tout sepassecommesi un be-soin insuffisamment exprimé ou resté inaccompli tendait à s’éteindre dans la relationéducative. Peu pris en compte dans le développement de l’individu, le besoin déprivéperdsafonctiondeleviercomportemental auseindelarelation. C’estcephénomènequenous identifions en parlant d’imperméabilitétransgénérationnelleau(x) besoin(s).

Dans ce processus l’extinction d’un besoin dans le développement du sujetl’amèneàexclurelapriseencomptedubesoindusystèmerelationnel misenplaceavecl’enfant. Ce que nous appelons imperméabilitérelationnelle au besoin de l’enfant n’estrien d’autrequele reflet del’inaccès àses propres besoinsmis en péril.

C’estcetypedeprocessusquenousretrouvons,par exemple, chez cettemère

qui affirmait n’avoir jamais perçu le besoin de stimulation chez son enfant et qui seplaignait dans le même temps d’être confrontée à un ennui tellement intense qu’il larendait incapabledes’investir dansdesactivitésdematernage... suffisammentstimulan-tes. Larelation objectaleet sous-stimulantequ’elleentretenait avec l’enfant lui permet-tait effectivementd’évacuer del’ensemble ducontexterelationnel les difficultés vécuesdans lapriseen chargedesonproprebesoin destimulation.

C’estégalementl’imperméabilitéaux besoinsqui favoriselamiseenplacedesystèmes relationnels familiaux qui évacuent l’idée même de la prise en charge d’unbesoin psychosocial particulier. “Dansnotrefamille, latendresse, çan’existait pas,çanevaut même pas la peine d’en parler...” Parler pour un enfant ça ne signifie rien cheznous... C’est même pas que c’est interdit, c’est juste que ça n’a pas de sens...” (1). Lanégationdu besoin s’érigedans un tel paradigmeen règles familiales. Letravail d’enca-drementsupposealorsd’améliorer laprisedeconsciencedufonctionnementrelationnelet durapport qui peut êtreétabli entreladéprivationd’un besoin dans latrajectoireindi-viduelledel’adulteet lamiseen placed’un systèmequi en niel’existence.

A travers le troisième concept, celui decollusion transgénérationnelle desbesoins, nous désignons un processus dans lequel les besoins de l’adulteet de l’enfant

sont par contrefondusdansunemêmedynamiqueaupointdenepluspouvoir êtrediffé-rencié par le parent. Cet état de confusion rappelle un ensemble de situations dans les-quelles le parent éprouve les pires difficultés à envisager son enfant comme un sujetéprouvant des besoins propres. L’incapacité de sedifférencier nepermet plus àl’enfantdeseposer commesujet dans larelation. Annulédans l’expressiondeses besoins, l’en-fant devient porteur de l’accomplissement des besoins du parent”. Ce que ma fille res-sent, c’est moi qui le ressent, ce dont elle a besoin, c’est comme si c’est moi qui enressens lebesoin” (2). Cettephraseissued’un entretien réaliséavec unemèrequi avait

--------------

(1) Centrepréventionmaltraitance: extraitsd’entretiens(cassettevidéfimée3 C.B., 2 C.D.)(2) Extrait de“l’éducation violente”, Production NO TELE Tournai.


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tentéd’étrangler sapetitefille(3 ans) avec un câbledetélédistributiondepeur “qu’ellene lui échappe” illustre clairement l’effet parfois dévastateur de cetype de fonctionne-ment confusionnel.

Une relation éducative suffisamment sensible à l’ensemble des besoins del’enfantconstitue, nousl’avonsdit ailleurs(Humbeeck, Pourtois, 1995), unpuissantfac-teur deprivilèged’uneéducation réussie. Lescritèrespsychopédagogiquesmisenavantpar lathéoriedes12besoins(Pourtois,Desmet,1997) permettentderelever lapertinencedes pratiques éducatives intrafamiliales et d’en mesurer l’impact sur l’épanouissementdel’enfant. Dans cet ordred’idée, tout comportement parental qui, defaçonrécurrente,fait obstacleàl’expressionet àl’accomplissement d’unbesoin psychosocial essentiel del’enfantconstitueuneformedemaltraitance.

Notretravail de recherche/actionau sein des familles en difficultééducative

consisteàfavoriser,àpartir d’unemeilleureprisedeconsciencedesbesoinsdechacun, lamiseenplacederelationsmutuellementépanouissantequi, infine, rendentlescomporte-mentsviolentshautementimprobables. N’est-cepaslàfinalementlesensultimedetoutedémarchequi seveutréellementpréventive?

5. CONCLUSION

Latransmissiontransgénérationnelledelamaltraitanceposedemanièreplusgénéralelaquestiondupoidsdesdéterminismesdanslagénéalogiedesdéficitséducatifs.

Nousavonsmontréci-avantcommentl’hypothèsetransgénérationnelleappa-raissait àlafois scientifiquement valideet théoriquement crédible. Toutefois, lacorréla-tion établied’unegénération àl’autreentreles comportementsmaltraitantsnepeut êtreenvisagéeautrement qu’en termedeprobabilité. Lelien protéiformeétabli entreles pra-tiqueséducativesmisesenplacepar leparentetcellesqu’il avécuesétantenfantn’appa-raît ainsi ni univoqueni irréversible.

Laprévention trouvedès lorsàcet endroit unevoied’accès particulièrementféconde. L’intervention éducativedépasserait en effet par làl’objectif restreint demodi-

fier des pratiques dans le quotidien. Elle étendrait, au contraire, son champ d’actionaurétablissement de trajectoires éducatives déficitaires fixées dans l’historicité. L’éduca-tionfamilialesetrouveainsi engagéedepleinpieddansleparadigmedelacomplexité..àmi-chemin entredéterminismeet actionnalisme(Humbeeck, 1997).

C’est dans ce sens qu’il faut situer notre souci d’envisager les vecteurs detransmissionpossibledelamaltraitanceàpartir delanotiondebesoin psychosocial.

Lanotiondebesoin sur laquellenous appuyons notretravail demodélisationdelatransmissiondesdifficultéséducativesdoitcependantnécessairementêtreentendue


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dansson senspostmoderne. Dans cetteacceptation, il constitueunindicateur particuliè-rementpertinentdu modedetransmissiondes difficultés éducatives.

En s’appuyant sur leconcept debesoin prisenconsidérationdanschacundescourantsthéoriques abordés, lemodèlepermet, en effet, l’intégration éclectiquedes ap-ports de chacune en perspectives. Il permet d’engager une réflexion pluriréférentielletenant comptedetoutelacomplexitéduproblèmeévoqué.

En outre, leconcept debesoin permet aussi d’aborder laproblématiquedelamaltraitance dans sa résonance subjective. Il propose en fait une analyse objective duphénomènequi tiennedanslemêmetempscomptedelasubjectivitédechaqueacteurdelarelationviolente.

Les notions d’insensibilité transgénérationnelle aux besoins de l’enfant, de

relations imperméables aux besoins ou de collusion intergénérationnelle de ces mêmesbesoinspsychosociaux offrentainsi unsupportconceptuel opérationnel danslecadredutravail derecherche-actionmisenplaceau CPMP. Elles permettent entout état decausedeposer deshypothèsesdetravail particulièrementintéressantesdansundomaineoùlesaspirationsheuristiques et les implicationspragmatiques doiventnécessairementseren-contrer.


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Documents

Aspect Transgenerationnel de La Maltraitance