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Chacun son vampire De Horatiu Ivan De toutes les créatures fantastiques, les vampires ont toujours constamment été parmi les plus populaires dans la majorité des formes d’art et touchent maintenant un grand nombre de personnes de tous âges. Qu’y a-t-il en ces êtres qui nous fascine tant et nous rend tous accros à cette mode toujours grandissante des suceurs de sang immortels? Un des plus grands spécialistes de la matière et l’auteur de nombreux ouvrages sur la mythologie du vampire, Jean Marigny, affirme que ces créatures nous charment à cause de leur polysémie et des grandes idées qu’elles représentent: «*…+ ce personnage incarne à lui seul tous les problèmes liés à la vie, à la mort, à la survie, aux rapports de domination entre les êtres, à l’amour, au plaisir, etc. *…+ Il incarne donc toutes nos contradictions et c’est à ce titre qu’il nous fascine.» Il dit aussi que, selon le contexte historique d’exploitation du mythe, ce dernier prend les formes appropriées : «Ce que je trouve précisément intéressant dans le vampire, c’est qu’il évolue sans cesse et qu’il est constamment à la mode.» L’an 2009 est truffé d’œuvres vampiriques qui font sensation tant au cinéma qu’à la télévision, sans oublier la littérature avec, entre autres, la sortie de la suite officielle (Dracula, l’immortel) au Dracula original de Stoker. On pourrait dire que les vampires atteignent le sommet de leur popularité. Le phénomène Twilight est l’un des grands responsables de l’engouement actuel pour les vampires. Les vampires de Twilight plaisent aux jeunes parce qu’ils sont beaux, romantiques et «humanisés» (les protagonistes ne boivent plus de sang humain) au point où ils deviennent des «amuseurs» et des «séducteurs» (Termes employés par Marigny pour décrire la majorité des vampires modernes). Le secret de Twilight a donc été de mettre de côté toutes la dimension monstrueuse du vieux vampire et de lui attribuer un tout nouveau charme. Les adolescents ne sont cependant pas la seule cible des vampires séduisants. True Blood, téléserie du poste américain HBO, qui a été l’une des plus regardées de l’été 2009 et même de toute l’histoire du poste, s’adresse à un public beaucoup plus mature (la violence et la sexualité y sont au premier plan), mais présente des vampires presque aussi épurés (esthétiquement) que ceux de Twilight. Le nom même de la série vient d’ailleurs d’une boisson de sang synthétique que boivent ces vampires

Arts et culture

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Page 1: Arts et culture

Chacun son vampire

De Horatiu Ivan

De toutes les créatures fantastiques,

les vampires ont toujours constamment été

parmi les plus populaires dans la majorité

des formes d’art et touchent maintenant un

grand nombre de personnes de tous âges.

Qu’y a-t-il en ces êtres qui nous fascine tant

et nous rend tous accros à cette mode

toujours grandissante des suceurs de sang

immortels?

Un des plus grands spécialistes de la

matière et l’auteur de nombreux ouvrages

sur la mythologie du vampire, Jean Marigny,

affirme que ces créatures nous charment à

cause de leur polysémie et des grandes

idées qu’elles représentent: «*…+ ce

personnage incarne à lui seul tous les

problèmes liés à la vie, à la mort, à la survie,

aux rapports de domination entre les êtres,

à l’amour, au plaisir, etc. *…+ Il incarne donc

toutes nos contradictions et c’est à ce titre

qu’il nous fascine.» Il dit aussi que, selon le

contexte historique d’exploitation du mythe,

ce dernier prend les formes appropriées :

«Ce que je trouve précisément intéressant

dans le vampire, c’est qu’il évolue sans cesse

et qu’il est constamment à la mode.» L’an

2009 est truffé d’œuvres vampiriques qui

font sensation tant au cinéma qu’à la

télévision, sans oublier la littérature avec,

entre autres, la sortie de la suite officielle

(Dracula, l’immortel) au Dracula original de

Stoker. On pourrait dire que les vampires

atteignent le sommet de leur popularité.

Le phénomène Twilight est l’un des

grands responsables de l’engouement actuel

pour les vampires. Les vampires de Twilight

plaisent aux jeunes parce qu’ils sont beaux,

romantiques et «humanisés» (les

protagonistes ne boivent plus de sang

humain) au point où ils deviennent des

«amuseurs» et des «séducteurs» (Termes

employés par Marigny pour décrire la

majorité des vampires modernes). Le secret

de Twilight a donc été de mettre de côté

toutes la dimension monstrueuse du vieux

vampire et de lui attribuer un tout nouveau

charme. Les adolescents ne sont cependant

pas la seule cible des vampires séduisants.

True Blood, téléserie du poste américain

HBO, qui a été l’une des plus regardées de

l’été 2009 et même de toute l’histoire du

poste, s’adresse à un public beaucoup plus

mature (la violence et la sexualité y sont au

premier plan), mais présente des vampires

presque aussi épurés (esthétiquement) que

ceux de Twilight. Le nom même de la série

vient d’ailleurs d’une boisson de sang

synthétique que boivent ces vampires

Page 2: Arts et culture

fraîchement «sortis du cercueil» (l’émission

établit entre autres un parallèle entre les

vampires et la communauté gaie) parce

qu’ils ne veulent pas s’en prendre aux êtres

humains. Dans True Blood, on attribue donc

aux vampires une place dans la société sur

un fond relativement réaliste et on parle en

métaphores de la nature de l’homme et de

la tolérance des masses envers ce qui est

différent. L’idée de vampire humanisé et

sociable est donc très en vogue non

seulement chez les jeunes.

Certains amateurs désirent encore

voir des monstres assoiffés de sang et se

faire peur, donc une part de la popularité du

mythe reste toujours associée à son aspect

plus traditionnel. Guillermo Del Toro,

réalisateur célèbre (Hellboy, Le Labyrinthe

de Pan), qui a récemment co-écrit avec

Chuck Hogan un roman de vampires

monstrueux (La lignée), déclare que les

«beaux» vampires l’ennuient et n’ont pas de

raison d’être : «La tyrannie de la jeunesse et

de la beauté est suffisamment ennuyeuse

dans le monde réel *…+». Contrairement à

cela, Delphine Gaston, qui a écrit le livre Les

vampires de A à Z, affirme aimer le fait que

le mythe sorte des moules exploités par le

passé et, ce faisant, il «*…+ parle aux

adolescents parce qu’il les questionne sur

des thèmes fondamentaux de l’existence.»

(thèmes semblables à ceux mentionnés par

Marigny). L’attraction folle qu’éprouvent les

jeunes filles pour le personnage d’Edward

serait-elle plus qu’une simple passion

d’adolescentes? La majorité de ces œuvres

ne seraient donc pas aussi superficielles que

certains le pensent et leur portée toucherait

un aspect plus fondamental de l’homme

malgré les apparences? Prendre parti dans

une telle discussion reste un jugement bien

personnel. Une chose est cependant claire,

la nouvelle orientation donnée aux vampires

dans des œuvres semblables a joué un rôle

indéniable dans la manière dont le mythe

s’est façonné et a énormément contribué à

sa présente popularité en plus de renforcer

cette fascination massive envers les

vampires. Même les amateurs du mythe qui

s’opposent à la popularisation du vampire

peuvent être satisfaits dans le contexte

actuel parce que la variété d’œuvres est si

grande.

Le vampire moderne est aussi

devenu profitable financièrement, d’où sa

circulation significative à travers tous les

médiums imaginables. Cette accessibilité et

commercialité accrues du phénomène

contribuent donc à son emprise sur un grand

nombre d’individus puisque, de nos jours, la

plupart des échappatoires pour fuir

quotidien s’achètent. Twilight est devenu

Page 3: Arts et culture

une véritable source d’immenses profits. Les

livres se sont vendus à plus de 45 millions

d’exemplaires à travers le monde, le premier

film a réalisé au-delà de 384 millions (dollars

américains) de recettes internationales et le

deuxième film, récemment apparu en salles,

a amassé la somme record de 72,7 millions

(dollars américains) lors de son premier jour

de sortie aux États-Unis. Les produits

dérivés, quant à eux, sont omniprésents,

extrêmement variés (On vend même des

culottes Twilight.) et en grande demande.

Twilight est l’exemple par excellence de

vampires qui rapportent, mais la majorité

des œuvres d’aujourd’hui ont une facette

fort commerciale.

Que ce soit parce qu’on aime se faire

peur, parce qu’ils symbolisent des thèmes

qui touchent l’homme et le font réfléchir ou

tout simplement parce qu’on les trouve

beaux et consommables, les vampires sont

fortement imbriqués dans la culture

populaire et ne cessent de fasciner. Tant

qu’il y en aura pour tous les goûts comme

présentement, ils ne mourront jamais.

Page 4: Arts et culture
Page 5: Arts et culture

Là où la musique s’en va

Par : Marie Dubeau Labbé

Le téléchargement de musique sur internet

est souvent associé au piratage. Pourtant, ce

phénomène comporte une toute autre

dimension ; la dématérialisation du support

qui entraîne la disparition du CD, un sujet

qui, dans le contexte présent, est beaucoup

plus d’actualité que les récents, et très

nombreux, débats concernant le

téléchargement illégal de musique.

Le fait que la musique se dirige vers un

mode de diffusion internet est confirmé. «Ce

milieu avance très vite» dit Mario Labbé,

producteur de disques classiques de la

compagnie montréalaise Analekta, «même

après plusieurs années de métier, je n’aurais

jamais pensé avoir à m’adapter à autant de

changements aussi vite.» Néanmoins, ses

propos sont contredits par ceux de Richard

Bergeron, critique musical pour les

magazines TVA, qui affirme

qu’éventuellement le changement

s’effectuera, mais que celui-ci ne se fera pas

de si tôt.

On comprend donc que, depuis quelques

années, tous sont conscients que le support

CD disparaîtra dans un avenir plus ou moins

rapproché. Toutefois, si le débat entre le CD

et les systèmes de diffusion internet semble

être réglé et gagné par le colosse qu’est

devenu internet, on note que, parmi la

grande majorité qui est consciente du

changement drastique vers une cyber

industrie musicale, les opinions sur le temps

du changement demeurent partagées.

L’industrie de la musique tente de réajuster

son tir pour s’adapter à un monde vite en

changements alors que M. Bergeron est

persuadé que s’adapter si rapidement est

impossible. «J’ai grandi avec le CD, donc je

vais continuer d’en acheter» explique-t-il. Le

producteur de disque à pourtant une

réponse très claire à cela: « Le support va

disparaître, non pas parce que les gens n’en

veulent plus, mais bien parce que les gens

ne pourront plus en trouver. Actuellement,

aux Etats-Unis, le plus gros détaillant de

musique est iTunes. Ce qui laisse donc

pressentir que le CD a perdu de l’ampleur.»

M. Labbé voit aussi en cela une analogie

avec le transport au début du 20e siècle :

«Nous sommes à la croisée des chemins où,

à l’époque, il fallait entretenir le vieux mode

de transport, soit les écuries alors que,

parallèlement, il fallait élargir les routes et

les ponts pour la venue de l’automobile.

Certains métiers disparaissaient et de

nouveaux apparaissaient. C’est exactement

la même chose qui se passe dans le domaine

musical : on fabrique encore des disques, on

Page 6: Arts et culture

a toujours des entrepôts pour les stocker et

les distributeurs sont encore très présents.

Toutefois, on retrouve aussi une nouvelle

structure de coûts moindre, plus efficace et

plus directe comme communication avec le

consommateur soit, internet. On est donc à

cheval entre deux époques.»

Ainsi, on note que le consommateur, bien

qu’orienté vers le cyber monde, semble

devoir se préparer à faire un choix entre

l’interaction musicale par internet ou le CD.

Il est certain que l’internet semble avoir

beaucoup plus à offrir, mais tout est une

question de culture et de traditions. Après

tout, une telle résistance face aux

performances technologiques s’est déjà vue,

et peut toujours être observée, avec les

consommateurs encore friands de vinyles,

un système d’écoute musical complètement

révolu. On peut donc se dire que le CD, au

même titre que les vinyles, sera bientôt

démodé mais que les plus conservateurs y

auront encore accès, toutefois plus au

travers des maisons de disques qui auront

fort probablement suivies la cyber vague,

mais bien dans des commerces spécialisés

qui se dédient déjà à la vente de vinyles.

Quoi qu’il en soit, tant M. Labbé que M.

Bergeron voient en la musique sur internet

un potentiel énorme. «Les consommateurs

ne payent plus autant pour la musique»

affirme M. Bergeron. Toutefois, l’internet

amène une nouvelle dimension. Bon

nombre d’ex acheteurs musicaux en

viennent à la réalisation qu’en achetant la

musique sur internet, ils en reçoivent plus

encore que s’ils la pirataient. En effet, avec

la venue de l’internet, on assiste à une

déviation dans la façon de propager et,

surtout, d’aborder la musique. Le but est

maintenant d’avoir une communication plus

directe avec le client, provoquant

ultimement une diffusion musicale plus

rapide, efficace, économique et, surtout,

accessible aux consommateurs. Pensons, par

exemple, aux applications des xPhones (tels

iPhone et BlackBerry). Le xPhone, qui est à la

base un téléphone, mais qui prend

maintenant en charge une foule d’autres

options diverses, permet une interactivité

totalement inédite avec la musique. Parmi

les fonctionnalités, on retrouve des

applications musicales qui offrent une

relation privilégiée entre l’artiste et le

consommateur. On assiste donc à une

métamorphose complète affirme M. Labbé :

«La musique ne passe plus par le commerce

des multinationales mais bien par une

expérience individualisée où les artistes vont

rejoindre directement les fans. C’est donc le

public qui décide à nouveau. Ce n’est plus

juste une question de marketing».

Ainsi, on note qu’avec internet, c’est le

public qui sera de nouveau maître de la

Page 7: Arts et culture

musique. Et pourtant, ce même public,

abstraction des jeunes, la web génération,

qui, naturellement, sont pour le changement

puisqu’ils y baignent depuis leur naissance,

ne semble pas vouloir du nouveau pouvoir

qui lui est accessible. Serait-ce là un manque

de renseignements sur le cyber monde de la

part des générations plus élevées ? Des

études démontrent pourtant que déjà en

2008, près de 4 millions de téléchargements

musicaux se faisaient via internet. Les jeunes

ne sont donc pas les seuls utilisateurs

d’internet comme moyen de diffusion

musicale. On estime aussi que d’ici 2016, le

digital aura outrepassé le support physique,

et ce, de façon internationale. Il s’agit là,

bien sûr, d’une extrapolation. Néanmoins,

ces estimés démontrent que la musique

sous forme digitale est déjà bien en branle

afin d’éclipser les formats matériels d’écoute

de musique.

Alors, à quand le changement ? Reste à voir,

l’industrie du disque pourra essayer

d’influencer et de provoquer mais,

ultimement, le consommateur aura toujours

le dernier mot.

6 086 caractères

966 mots

Page 8: Arts et culture

SOURCES :

1. Sarah Perez, Guillaume Galuz. 22 septembre

2009. «Oubliez les iTunes LP, l’avenir est à

l’application iPhone». In readwriteweb

France. En Ligne.

<http://fr.readwriteweb.com/2009/09/22/a-

la-une/oubliez-itunes-album-lp-avenir-

application-iphone-mxp4/>. Consulté le 1er

octobre 2009.

2. Casey Johnston. 14 août 2009. «US digital

music sales to eclipse CDs by 2010». In

ArsTechnica. En Ligne.

<http://arstechnica.com/media/news/2009/

08/global-digital-music-sales-to-overtake-

physical-by-2016.ars>. Consulté le 1er

octobre 2009.

3. Pierre-Alain Demessine. 13 juin 2008.

«Musique: La dématérialisation inéluctable».

In Libération.fr. En Ligne.

<http://forumculture.blogs.liberation.fr/mo

n_weblog/2008/06/musique-et-dmat.html>.

Consulté le 1er octobre 2009.

4. Entrevue avec Mario Labbé,

producteur de disques classiques de

la compagnie montréalaise Analekta.

5. Entrevue avec Richard Bergeron,

critique musical pour les magazines

TVA.

Page 9: Arts et culture

L’humour : inné ou

acquis?

Devenir humoriste est-il plus facile en passant par

l’école nationale de l’humour?

Francis Papineau est un étudiant de 24 ans

en deuxième année à l’école nationale de

l’humour. Eddy King, lui, est un jeune

humoriste autodidacte de 27 ans. Les deux

poursuivent le même rêve de faire carrière

en humour. Leurs parcours sont cependant

très différents. Le premier a choisi une

formation solide donnée par une

institution reconnue et respectée du milieu.

Le second a, pour sa part, choisi de rouler sa

boss et de faire confiance au destin, chose

qu’il n’a jamais regretté. Y a-t-il vraiment

une option meilleure que l’autre et est-ce

que l’humour s’apprend ou est-ce

simplement un talent naturel qui se

développe avec l’expérience?

L’école de l’heure

Longue est la liste des humoristes à succès

du moment qui sont passés par l’école

nationale de l’humour (ÉNH). Ne nommons

que Louis-José Houde, Patrick Huard, Martin

Matte, Claudine Mercier, François Morency,

etc. Sur le site officiel, on soutient que 85%

des gagnants au gala Les Oliviers sont des

diplômés de l’ÉNH. Cette école, fondée par

le Festival Juste Pour Rire il y a maintenant

20 ans, a pour mandat de doter les futurs

humoristes et auteurs d’une formation

professionnelle solide en vue de leur

intégration au milieu. Nathalie Bourdon,

directrice senior du développement

international au Festival Juste Pour Rire,

ajoute : « Je pense que ça leur donne les

outils pour attaquer l’industrie de l’humour,

ça leur donne un réseau pas seulement

d’amis mais de connaissances, de

professeurs qui sont aussi des artisans du

milieu, ils se font donc reconnaître. » Ces

liens très serrés entre milieu scolaire et

professionnel favorisent évidemment les

étudiants de l’école comme Francis

Papineau, étudiant de deuxième année.

L’existence d’une formation précise donnée

par une institution l’a convaincu de tenter sa

chance : « On est accompagnés, c’est un

laboratoire, un magasin d’outils qui nous

donne des leviers pour créer du matériel et

des façons de concevoir le travail

d’humoriste. »

S’agit-il donc de la seule porte d’entrée du

milieu et comment font les autres, ceux qui

n’y sont pas passés, pour se tailler une place

dans cette grande industrie? Selon Eddy

Page 10: Arts et culture

King, humoriste autodidacte qui commence

à connaître du succès, les opportunités sont

là, suffit de les attrapées. Ceci étant dit, il

reconnaît avoir eu beaucoup de chance, son

ascension étant très rapide. Rêvant d’une

carrière de rappeur au départ, il a vite

bifurqué vers l’humour. « J’ai toujours adoré

ça mais ce n’était pas prévu, c’était quelque

chose que je voulais essayer parce que je

pensais que j’étais capable d’en faire, c’était

pas prévu que ça prenne cette ampleur là. »

Faute de passer par l’ÉNH, Eddy s’est formé

lui-même à travers les livres mais surtout en

observant dvds et albums de comédies.

Selon lui, le fait de ne pas avoir passé par

l’école de l’humour ne lui à pas nuit mais au

contraire, l’a aidé. « Vu que je ne suis pas

passé par là ça donne à mon humour un

style particulier, ce n’est pas générique,

comme une méthode de travail, il y a

d’autres structures qui ne sont pas

beaucoup enseignées à l’école de l’humour.

» Eddy King fait ici référence au milieu

anglophone, qui lui permet de développer

des méthodes différentes que celles

enseignées à l’ÉNH. Contraignante cette

école ? Francis Papineau n’est pas tout à fait

d’accord : «Je ne trouve pas qu’ils nous

coulent dans un moule, au contraire ils nous

poussent à explorer. C’est sûr que si tu

entres à l’école avec un style précis ils vont

te pousser à aller voir ailleurs si tu es

capable de faire autre chose, c’est d’ajouter

des cordes à son arc, chercher de nouveaux

horizons. »

Opportunités du milieu

Peut-importe le parcours choisi, selon

Nathalie Bourdon du Festival Juste Pour Rire,

les opportunités sont nombreuses. « On

essaie de donner le plus d’opportunités

possible, notre entreprise est basée sur le

capital humain, il faut donc qu’on ait de la

relève, sinon d’ici 4 ou 5 ans on aura plus

d’humoristes sur la scène… », explique t-elle.

En effet, dans les dernières années,

concours et galas se sont multipliés pour

donner plus de visibilité à la relève. En route

vers mon premier gala Juste Pour Rire et les

concours du mercredi soir au Studio Juste

Pour Rire en sont deux exemples. Pour

Francis Papineau, une des plus grandes

difficultés est de trouver sa place et son

originalité. Un avis que partage Nathalie

Bourdon : « Chaque humoriste a sa

personnalité, il faut définir son style, pas

être un hybride, avoir une personnalité bien

à soi. » C’est d’ailleurs ce à quoi elle attribue

le succès d’humoristes comme André Sauvé

ou Rachid Badouri, leur qualité unique.

Évidemment, concours et galas télévisés

sont un excellent moyen de se faire

connaître pour de jeunes humoristes. Eddy

King et Francis Papineau ont tous deux

Page 11: Arts et culture

participés à ce genre d’événements. Francis

est arrivé en 3ième place au concours de la

relève de Val d’Or et pour Eddy King, le

concours de la relève de l’humour, présenté

au canal Vox, fut un tremplin important. «

Ça m’a prouvé que mon style d’humour

personnel a sa place au Québec, c’était des

questions que je me posais auparavant. »

Cette vitrine lui a permis de se faire

connaître et d’assurer la première partie du

spectacle de Rachid Badouri. Eddy explique

que Rachid est devenu un ami et que de

côtoyer quelqu’un au parcours similaire lui a

permis d’en apprendre beaucoup en plus de

faire avancer sa jeune carrière. « C’est sûr

que ça a eu un énorme impact sur ma

carrière, c’était mon premier gala, plusieurs

articles sont sortis sur moi. »

Que faut-il en conclure, que l’ÉNH est un

passage obligé ou qu’on peut très bien

réussir en volant de nos propres ailes? Bien

sûr, les 78% des finissants de l’école

nationale qui sont actifs en humour

impressionnent mais chaque personne tient

son sort entre ses mains. Peut-importe d’où

elle provient, ça dépend de la capacité de

chacun d’absorber l’expérience, selon

Nathalie Bourdon. Pour Francis Papineau, «

Le fait que ça soit un milieu artistique, c’est

le talent qui prime, peut importe si on fait

l’école ou pas, on le voit si on a le potentiel,

ce n’est pas comme être médecin, pas

besoin de technique précise, si le talent est

au rendez-vous, t’as autant de chances de

percer. »

Article par : Sophie Gosselin

Page 12: Arts et culture

*PROFILS DE LA RELÈVE

Nom : Eddy King

Nom : Francis Papineau

Âge : 27 ans

Âge : 24 ans

Dates de spectacles : http://eddyking.ca/

Année d’études : 2ième

Dates de

spectacles :www.sortirpourrire.com

Page 13: Arts et culture

La diffusion du cinéma québécois en vitrine

De Mathilde Filippi

Dans notre coin de pays, les Québécois

ont développé au fil des ans un cinéma qui

nous ressemble, qui suit notre évolution.

En dépit de sa population réduite, le

Québec produit une quantité de films

aussi impressionnante que variée. Le

documentaire, la comédie, le drame et

même le fantastique ont trouvé leurs

auteurs et leurs artisans.

Malheureusement, la distribution de leurs

œuvres n’est pas toujours adéquate.

Ceux-ci doivent se contenter souvent

d’une visibilité réduite. Pour mieux

comprendre ce phénomène, je suis allée

rencontrer la directrice des Rendez-vous

du cinéma québécois, Ségolène Roederer.

Que pense donc la directrice des Rendez-

vous de l’exposition dont bénéficie

actuellement le cinéma québécois, la juge-

t-elle suffisante? « Malheureusement non,

avoue-t-elle. Il y a de moins en moins de

distributeurs, du coup la concurrence est

presque inexistante. Les distributeurs

prennent ainsi moins de risques et

achètent conséquemment moins de

films.» La distribution des films au

Québec devient une espèce de marché

global où l’on privilégie les films

commerciaux aux films d’auteur qui

proposent en général une plus grande

qualité et une plus grande recherche

cinématographique. Les compagnies, qui

s’y intéressent, achètent ces films à bas

prix et les mettent sur le marché sans en

faire la promotion. Pas étonnant, qu’ils ne

tiennent pas l’affiche longtemps!

Il existe toutefois, des exemples qui font

exception et qui donnent lieu d’espérer,

selon Mme Roederer. Le film J’ai tué ma

mère de Xavier Dolan en est un. Premier

film d’un jeune cinéaste de 20 ans réalisé

avec un budget de fortune, celui-ci s’est

faufilé dans la cour des grands et s’est

distingué en raflant plusieurs prix dans les

festivals internationaux. Et dire que

personne au départ ne voulait s’engager à

produire ou à distribuer ce film! Comme

quoi, le talent ne se mesure pas toujours

en termes d’entrées au box-office. Il en va

de même pour le dernier volet de la

trilogie de Bernard Émond : La donation.

Le cinéaste propose une œuvre de

réflexion qui malgré son austérité a trouvé

son public ici comme à l’étranger. Émond

comme Dolan ou encore Denis Arcand et

Gilles Carle donnent au cinéma québécois

des œuvres uniques qui sont en quelque

Page 14: Arts et culture

sorte le miroir de la société. Malgré tout,

ce sont les films à saveur populaire

comme De Père en Flic qui se retrouvent

plus largement diffusés car selon les

producteurs ils peuvent rejoindre un plus

grand public. Pour favoriser le succès d’un

film, les distributeurs mettent de l’avant

une campagne de promotion massive. Il

en est ainsi depuis l’avènement du film

Les Boys qui s’est soldé par un immense

succès commercial. Ségolène Roederer ne

s’en offusque pas dans la mesure où ces

films peuvent attirer au cinéma une

nouvelle clientèle et l’éveiller à notre

cinématographie. Cependant, il est

impératif de favoriser le développement

de créations moins commerciales car c’est

grâce à un cinéma de qualité que le

Québec est parvenu et parviendra encore

à se distinguer sur la scène internationale.

L’Oscar remporté par Denis Arcand pour

les Invasions barbares en est la preuve

irréfutable. Il faut cultiver et développer

les particularités propres au cinéma

québécois. « Mis à part la langue, l’accent,

il y a la forme qui est différente soutient la

responsable des RDV, c’est un cinéma qui

ose à tous les niveaux, qui n’a pas de

complexe et qui est plutôt libre de toute

norme. Il se caractérise aussi par sa

grande diversité autant dans le genre que

dans le format. » Elle poursuit en ajoutant

que les Québécois sont très fort au niveau

technique, capables de talonner avec peu

d’argent et de moyens les importantes

productions américaines et européennes.

De plus, souligne-t-elle, nous disposons

d’une immense expertise technique, tant

au niveau de la caméra, du montage que

de la mise en image et de l’acting.

Toutefois, Mme Roederer ne fait pas que

l’éloge du cinéma québécois, elle en fait

également la critique. Elle déplore entre

autres le fait qu’on ait pas grand chose à

dire. Par contre, elle insiste pour ajouter

qu’il s’agit d’un cinéma assuré, articulé,

inventif au niveau de la forme. et qui a

encore de nouvelles avenues à explorer, à

exploiter.

On assiste justement à l’éclosion d’un

nouveau courant initié par de jeunes

créateurs dans la trentaine. Ceux-ci

réalisent des films plus contemplatifs où

se retrouvent plusieurs scènes de longue

durée. Ces scènes sont dues au manque

d’argent et de subventions. À la tête de

cette nouvelle vague, on remarque Denis

Côté, réalisateur du film Elle veut le chaos.

Comme quoi le manque d’argent peut être

à l’occasion productif.

Somme toute, le cinéma québécois est

bien vivant, mais il a encore besoin d’un

tuteur comme les RDV pour assurer son

rayonnement. Ségolène Roederer rêve du

Page 15: Arts et culture

jour où il aura atteint l’essor suffisant

pour se développer sans l’aide de son

organisme.

encadré : Rendez-vous du cinéma

québécois

Madame Roederer préside un organisme

qui célébrera bientôt ses 28 ans

d’existence. D’abord fondé pour accueillir

et regrouper les créateurs marginaux, les

professionnels du milieu et les étudiants

du 7e art afin de discuter de leurs

réalisations, le mandat des RDV s’est par

la suite élargi en se fixant comme but de

promouvoir le cinéma québécois. C’est

ainsi que les RDV présentent, dans le

cadre d’un événement spécial en février

de chaque année, tous les films qui ont

été réalisés au cours des 12 derniers mois,

du court-métrage au long-métrage en

passant par le documentaire et le film

d’animation. L’objectif recherché est de

faire connaître et rayonner le cinéma d’ici

en sensibilisant le public à une réalité qui

lui est propre. En plus de projeter des

films du répertoire québécois et de

concocter d’intéressantes rétrospectives,

les RDV soutiennent la relève en offrant

une vitrine exceptionnelle aux films à petit

budget réalisés par des cinéastes qui en

sont à leurs premières armes. On ne

boude aucun genre et l’on écarte aucune

génération. Bien au contraire, on favorise

les rencontres et les échanges

intergénérationnels.

6130 caractères et 985 mots

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Portrait de l’humour au Québec Anne-Audrey Remarais Certains disent qu’il empêche d’attraper le cancer, d’autres qu’il créer des abdominaux, qu’il lâche de l’endorphine dans le corps, mais le plus important est qu’il créer aussi des emplois, connus sous le nom d’humoristes. Qui est-il? Nul autre que le rire évidemment! Pour en revenir à ce métier particulier, plusieurs passent par l’École nationale de l’humour tandis que d’autres participent à des concours. Mais quels sont les outils dont disposent les humoristes en devenir afin de se frayer un chemin vers le sommet pour finalement vivre de leur humour? Eddy King, jeune montréalais fait parti de ceux qui n’ont pas fait l’École nationale de l’humour. Par contre, il a essayé à deux reprises d’en faire partie, mais a été refusé. Ceci ne l’a pas empêché de redoubler d’ardeur pour enfin se faire connaître à travers le concours de la relève présenté au canal VOX avec une cote d’écoute de 400 000 personnes sans compter ceux qui enregistrent l’émission… Voici donc les principales lignes de mon entretien téléphonique avec ce jeune talent qui raconte en fait comment faire pour se

faire

un chemin, les

éléments

à con

naître du milieu actuel, ainsi que sa carrière professionnelle. Penses-tu avoir les bases nécessaires pour être un bon humoriste sans être passé par l’ÉNH? Oui, car il faut d’abord un certain talent naturel et j’ai beaucoup appris en regardants/observant énormément de présentations d’humoristes, en lisant, particulièrement The Comedy Bible qui m’a largement aidé à mes débuts. On dit que les contacts accélèrent la montée vers le succès. Se créer des contacts est-il difficile dans cette branche? Je dirais que pour mon cas, ça a été assez facile. D’ailleurs, on se connait tous et tout le monde a une bonne attitude. Quel est le niveau de compétition entre les jeunes de la relève? Il n’est pas trop élevé. Du côté francophone, je suis unique étant donné mon background et ma manière de m’adresser aux gens, même si j’essaye de copier le numéro de quelqu’un d’autre, j’arriverais avec quelque chose de complètement différent. Du côté anglophone par contre, la compétition est légèrement plus élevé, peut-être parce que je ne suis pas anglophone. Quelle est la différence majeure entre l’humour des humoristes anglophones et les humoristes francophones? Les anglophones préparent leur matériel, c’est-à-dire un one man show, pendant au moins dix ans avant de passer à la télévision, donc c’est plus difficile de percer. Ils sont plus méticuleux, tandis que moi ça n’a pris qu’un an avant que je passe à la télévision.

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Est-ce qu’il y a une barrière entre ceux qui sont passés par l’ÉNH et les autodidactes? La différence est-elle grande? La principale différence est dans la manière de faire l’humour, ils ont aussi une certaine assiduité dans leur boulot, c’est-à-dire qu’ils traitent vraiment ça comme un 9 a 5. Quant aux autodidactes je trouve qu’ils sont énormément passionnés, mais qu’il manque une certaine rigueur dans leur travail. Quels sont les outils à la disposition des autodidactes désireux de devenir humoriste?

- Des cours de soirs sont offerts à

tout le monde à l’ÉNH (mais moi

je n’en ai pas encore suivis)

- The Comedy Bible de Judy Carter

(uniquement en anglais), qui

m’a beaucoup aidé pour

observer et aussi sur la structure

des numéros

- L’improvisation qui est comme

le gym d’un humoriste, ainsi il

aide à être constamment

d’attaque et facilite l’écriture

par la suite.

Comment préparer un une performance dans un show? Quels sont tes démarches à suivre?

Il faut d’abord aller dans la salle en question à d’autres shows, afin d’observer le public ciblé. Ainsi l’écriture se fera en fonction d’eux, ce qu’ils aiment… De plus, le jour du show, être à l’écoute des autres humoristes dans le but de faire des ajustements pour ne pas reprendre les mêmes gags et ne pas les amener de la même façon. Par ailleurs il faut toujours arriver préparé et deux méthodes d’écriture sont :

- S’asseoir, choisir un sujet

quelconque et le décortiquer

jusqu’à trouver des blagues sur

tous détails s’y rattachant.

- Il y a aussi les jokes gratuites :

quotidiennement, être toujours

alerte pour noter tous les

moments drôles de la journée

dans un carnet qui pourront

être réutilisés.

Quels sont tes projets futurs? J’ai la chance de préparer mon one man show l’année prochaine (fin 2010-2011). Parlons maintenant des diplômés de l’École nationale de l’humour. Que font-ils après avoir gradués? En fait, 70% des diplômés sont actifs après leur sortie de l’ÉNH. Plusieurs cas pourraient être présentés, en voici quelques uns.

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Alexandre

Barrette, après avoir

gradué en 2002,

il devient

« chroniqueur à l'émission jeunesse Têtes à Kat à la télévision de Radio-Canada en 2003, il participe à la Tournée Juste pour rire 2004 (nomination dans trois catégories au Gala Les Oliviers) et anime avec brio les Mercredis Juste Pour Rire présentés chaque semaine à Montréal (2004–2006).1 » Une carrière impressionnante qui ne s’arrête pas ici, il anime, coécrit et gagne le prix de la relève Juste Pour

Rire en 2006.

Billy Tellier

est aussi diplômé

en 2002 et

devient vite

auteur, animateur, chroniqueur et comédien. Que de qualificatifs pour démontrer sa carrière impressionnante ! Il a d’ailleurs gagné de nombreux prix et faisait aussi partie du show de Laurent Paquin en 2006. Ouf ! Le chômage n’est donc pas au rendez-vous avec ces jeunes diplômés !

1 Extrait tiré de l’URL suivante :

http://www.quebecscene.ca/fr/events/eventDetails.asp?eventID=182.

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Jeu de mots, jeux de couleur De Xuan-Vink Pham Du 9 octobre 2009 au 3 janvier 2010, le Musée d’art contemporain de Montréal reçoit la visite de Francine Savard, une peintre québécoise contemporaine. Elle nous présente une soixantaine d’œuvres qu’elle a réalisées entre les années 1992 et 2009; l’exposition un regroupement de celles qu’elle a exhibées lors de sa carrière. Francine Savard est une artiste contemporaine qui aime jouer avec les couleurs, les formes, les matériaux, les média, les mots et leur signification. Ces thèmes se retrouvent sur toute la surface de son exposition puisqu’ils sont au cœur du sujet de ses œuvres. Aussi, ses créations font souvent référence à différents domaines comme la littérature, la géographie, l’art et l’histoire de l’art, la géographie. Francine Savard pourrait être placée parmi une génération de peintres québécois qui « explorent le vocabulaire formel de la peinture abstraite et questionnent les frontières entre abstraction et figuration, entre peinture et sculpture et, pour Savard, entre art et langage. », explique le Musée d’art contemporain. De son côté, Savard dit dans une entrevue avec le Musée d’art contemporain. : « La couleur, combinée au format, combinée au matériau, devient un signe, que l’on est capable d’interpréter, et ensuite de diriger vers une résolution de ce que l’on voit. »

On peut prendre comme exemple son œuvre Les couleurs de Cézanne dans les mots de Rilke 36/100 – Essai ; c’est une œuvre constituée de trente-six bandes, de longueur et de couleur différentes, placées horizontalement, dont le style formel existe déjà dans l’art abstrait, c’est à dire sans véritable référé formel ou organique, ou faisant partie du monde de la réalité, mais dont le concept est totalement différent. En effet, sur chacune de ces bandes est écrit le nom d’une couleur, comme par exemple « jaune d’un vert terreux », qui se rapporte à la couleur réelle de la bande. Il faut cependant connaître la raison de l’existence de cette œuvre; en lisant des lettres que Rilke, un grand poète du 20e siècle, envoyait à sa femme au sujet d’une exposition de Cézanne qu’il avait trouvée magnifique, Francine Savard a été tellement fascinée par la qualité et la richesse du vocabulaire qu’elle a décidé de s’imaginer des couleurs pour chacun des mots. «…Mais moi j’ai vraiment beaucoup beaucoup travaillé pour essayer de ressentir ce que ces mots-là voulaient dire, comment je pouvais, à la lecture de ces mots, me représenter une couleur. » dit-elle à l’entrevue. On peut voir des termes comme « d’un brun-violet mouillé », « cuivre clair », « motif bleu de cobalt », que Savard a imaginé et a ensuite mis en couleur. Elle n’a donc pas cherché à savoir de quoi Rilke voulait parler, et n’a pas non plus vu les peintures de Cézanne auxquelles celui-là faisait référence dans ses lettres. « C’est comme s’ils avaient été détachés de l’œuvre de Cézanne, ces mots-là finalement, les mots de Rilke. Le tableau de Cézanne a disparu pour moi. J’essaie,

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en tant que lectrice de ces mots, de reconstituer, un peu comme, j’imagine, on le fait dans un récit; on voit le personnage, on se fait une image, on entend presque sa voix, et puis souvent, lorsque le récit est mis en film, on est déçu parce que le personnage n’est plus ce qu’on s’en était fait. C’est peut-être la même chose qui arriverait si je voyais précisément les tableaux de Cézanne dont parle Rilke et les couleurs qu’il décrit. Je me sentirais trahie, peut-être, par rapport à mon imagination. » dit-elle dans l’entrevue. Dans la plus grande salle de l’exposition, notre regard est tout de suite attiré vers l’œuvre qu’on pourrait qualifier de la plus importante de la collection exposée : Tu m’, un dernier tableau. Savard s’est inspiré de l’œuvre de Marcel Duchamp, Tu m’, qu’il avait créé en 1918. Ce qui l’intéressait, c’était la charte de couleur, l’effet d’illusion créé par la perspective, qu’elle a voulu représenter, ramener dans le réel. Cependant, elle a apporté certaines modifications au niveau des couleurs; elle trouvait les couleurs claires de Duchamp sans intérêt. Elle a donc transformé ces couleurs qu’elle trouvait mornes et pauvres, pour leur donner de la vie, « les pousser dans des couleurs très vibrantes, très lumineuses » de ses propres mots. L’artiste est cependant pleine d’humilité au niveau de sa création artistique, elle ne se considère pas comme une peintre, mais comme une élève. Elle voit son travail de peintre comme un apprentissage : « je marche dans la peinture, un tableau à la fois » dit-elle. Elle n’a pas peur du nouveau et des

défis que lui apporte son évolution en tant qu’artiste. Quand elle veut savoir, elle se lance, et n’a pas peur des risques. Savard est une travailleuse acharnée. Très souvent, lors de sa création, l’objet sur lequel elle travaillait refusait de prendre la forme que son esprit voulait lui donner. C’est donc pourquoi elle devait recommencer, recommencer et recommencer, jusqu'à ce qu’elle soit finalement satisfaite du résultat obtenu. Ce travail long et exigeant lui a cependant permis de progresser dans son travail, de se développer en tant que peintre. D’ailleurs, elle proclamait être incapable de juxtaposer deux couleurs sur un même et unique plan. Cependant, son œuvre Tu m’, un dernier tableau démontre la progression dans son approche de la couleur puisqu’elle unit différentes palettes de couleurs sur une seule et même œuvre. Sur son exposition, elle dit que ses œuvres, considérées individuellement, peuvent paraître insignifiantes, mais l’ensemble, l’unification de chacune de ces pièces, de ces éléments, crée un tout, comme un tas de cellules qui forme un corps. Elle espère d’ailleurs que l’exposition permettra aux visiteurs de découvrir un lien entre chacune de ses œuvres. De son propre aveu, les spectateurs ne sont pas les seuls à avoir bénéficié de son exposition : « Peut-être que cette exposition rétrospective m’a permis de comprendre l’évolution et la marche que j’ai faites à travers et la couleur, et la peinture. »

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« There is no business like show business »

Par Camille Proulx-Tremblay

Quand une spécialiste des comédies musicales comme Denise Filiatrault se fait refuser les subventions nécessaires pour monter une production ou le gouvernement conservateur coupe 4.7 millions $ sur les arts de la scène, on peut craindre pour l’avenir des comédies musicales. Et pourtant… « There is no business like show business »… Passionnés de Broadway, adeptes de comédies musicales, rassurez-vous, ce marché est en croissance depuis vingt ans ! Il y a vingt ans, mis à part quelques productions telles que Starmania ou Pied de Poule, le marché des comédies musicales était à peu près inexistant. En comparaison, nous vivons actuellement dans un « boom », comme le souligne Raphaëlle Proulx-Tremblay, productrice d’une troupe de comédie musicale au Collège Jean-De-Brébeuf. C’est Notre-Dame-de-Paris en 1998 qui aurait « démocratisé le genre », selon Isabeau Lemire, chanteur dans les Misérables, présenté au Capitole de Québec. « Le public est beaucoup plus prêt à recevoir ce type de spectacle qu’il y a vingt ans ». Cela étant dit, le marché québécois francophone est relativement petit. Cependant, selon Yves Desgagnés, le metteur en scène de Sherazade, il ne faut pas s’inquiéter du petit nombre de comédies musicales présenté dans les

salles de spectacle au Québec. Par exemple, si la salle Le Grand Théâtre à Québec ne présente que très peu ce genre de spectacle, c’est que leurs techniciens appartiennent à un syndicat, qui lui-même, est affilié avec un syndicat de techniciens américains. C’est la raison pour laquelle on va les présenter d’avantage au Capitole, entres autres, puisque les coûts de productions leurs sont deux ou trois fois moins cher. Par contre, selon Michel Duchesne, le metteur en scène de Des grenouilles et des hommes, il est possible qu’il y ait un ralentissement. « La raison principale est le coût publicitaire qui est énorme. Il faut savoir comment rejoindre les gens avec un contenu original et d’une façon autre que de faire de grosses publicités coûteuses… » Raphaëlle Proulx-Tremblay ajoute que la main d’œuvre artistique à payer est énorme, contrairement à tous les autres genres de spectacle. Par ailleurs, on pourrait s’inquiéter de l’ampleur du marché de New York qui crée une forte concurrence. Selon Duchesne, ce n’est pas « affolant » et c’est même « sain ». « Nous sommes une succursale de New York, nous traduisons leurs comédies musicales. » Desgagnés renchérit qu’à New York, « il y a la planète au complet qui peut aller voir les shows. » C’est souvent la raison principale des touristes pour y aller. C’est en quelques sortes les américains qui ont inventé ce produit. Par contre, le marché québécois ne vise que le public québécois. « C’est donc une question de nombre de spectateurs que eux arrivent à rejoindre et que nous, non, en raison de notre petit marché francophone ».

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Autre point positif, le déclin de la chanson francophone n’est pas une menace pour les comédies musicales. Selon Lemire, « on ne peut pas comparer la chanson et le spectacle, ce sont deux milieux bien différents », a-t-il dit. La vision de Desgagnés, est moins tranchée. « Pour que les gens s’habituent aux chansons et qu’ils aient envie de voir ce qu’ils ont imaginé, il faut vendre le disque du spectacle presque un an d’avance. Donc oui, d’une part, il peut y avoir un impact négatif sur la comédie musicale, parce que les gens vont acheter moins de disques, donc auront moins d’intérêt pour le spectacle. D’autres part, ils vont mettre leur argent pour aller voir les chanteurs live, et non sur le CD ». Pourrait-on penser que ce marché puisse devenir florissant au point d’être lucratif comme le secteur du théâtre ? Isabeau Lemire n’en n’est pas convaincu. « Il y a beaucoup de gens qui travaillent sur ces projets, mais il n’y a pas encore assez de personnes influentes pour faire lever le marché. La comédie musicale francophone est particulière et n’a pas vraiment de genre, elle se cherche encore beaucoup ». De son côté, Desgagnés trouve que le marché se développe bien. À son avis, « ça s’en va toujours en grandissant parce que les spectateurs sont au rendez-vous ». Pour Duchesne, « vivre de la comédie musicale est à souhaiter, mais *il+ n’ *est+ pas sur car on est un petit marché ». « La solution », ajoute t-il, « serait d’arrêter de faire des grosses productions à tout prix. Il faudrait réussir à jouer nos petits spectacles 200 fois, au lieu de gros

spectacles 3 fois par année». La solution de Desgagnés est plus éclatante, ce qu’il faut à Montréal, « c’est une salle de spectacle spécialisée pour les comédies musicales dans laquelle on peut installer des pétards et des flammèches, et je pense qu’un jour on va y arriver ».